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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 23 - Témoignages du 9 mars 2017


OTTAWA, le jeudi 9 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 9 h 1, pour continuer son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Paul J. Massicotte (vice-président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le vice-président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Paul Massicotte, sénateur de la province du Québec, et je suis vice-président de ce comité.

J'aimerais souhaiter la bienvenue aux membres du public qui sont ici dans la salle, ainsi qu'à ceux qui nous regardent à la télévision. Pour ceux qui nous regardent, je rappelle que les audiences du comité sont ouvertes au public et qu'on peut aussi les visionner en webdiffusion sur le site web à l'adresse www.sencanada.ca. Vous trouverez aussi plus d'information dans l'horaire des réunions sous la rubrique « Comités du Sénat ».

J'invite maintenant les sénateurs autour de la table à se présenter, en commençant par mon collègue à ma droite, le sénateur Black.

[Traduction]

Le sénateur Black : Bonjour. Doug Black, de l'Alberta.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Galvez : Sénatrice Galvez, du Québec.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, du Québec.

[Français]

Le vice-président : J'aimerais aussi vous présenter notre personnel en commençant par notre greffière, Maxime Fortin, et nos deux analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.

Depuis mars 2016, le Sénat a confié au comité le mandat d'étudier les effets, les défis et les coûts liés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005, et ce, dès 2030. C'est un gros défi à relever.

Notre comité a entrepris une étude secteur par secteur. Nous allons donc étudier cinq secteurs de l'économie canadienne qui, ensemble, sont responsables de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit des secteurs de l'électricité, des transports, du pétrole et du gaz, des industries tributaires du commerce et à forte intensité d'émissions, et les bâtiments.

Nous en sommes aujourd'hui à notre 36e réunion dans le cadre de cette étude, et j'ai le plaisir d'accueillir notre témoin de l'Association canadienne des producteurs d'acier, M. Joseph Galimberti, président.

Je vous remercie d'avoir accepté de témoigner devant nous aujourd'hui. Je vous invite tout d'abord à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses. La parole est à vous.

[Traduction]

Joseph Galimberti, président, Association canadienne des producteurs d'acier : Bonjour honorables sénateurs. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous présenter un exposé au nom de l'Association canadienne des producteurs d'acier concernant les travaux importants que vous menez sur les effets de la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone.

L'Association canadienne des producteurs d'acier est le porte-parole national de la production d'acier, une industrie de 14 milliards de dollars. Les producteurs d'acier canadiens font partie intégrante des secteurs de l'automobile, de l'énergie, de la construction et à d'autres chaînes industrielles exigeantes au Canada. Dans ce contexte, l'ACPA cherche à collaborer avec les gouvernements et les partenaires de l'industrie pour proposer des politiques publiques qui permettent de créer un environnement commercial concurrentiel pour ses entreprises membres et les intervenants de la chaîne d'approvisionnement.

Les aciéristes du Canada comprennent implicitement qu'il est nécessaire de réduire les émissions de GES. Depuis 1990, les émissions de GES directement liées à la production de fer et d'acier au pays ont été réduites de 31 p. 100, et la consommation globale d'énergie dans le secteur a quant à elle diminué de 26 p. 100.

De plus, les avancées dans les technologies de l'acier jouent un rôle crucial dans le développement des technologies des énergies renouvelables, comme le développement de systèmes photovoltaïques pour la production d'énergie solaire et la construction de technologies d'éoliennes côtières. L'acier continuera de contribuer aux économies d'énergie et de matières premières en général parce qu'il est hautement recyclable. L'acier est facilement récupérable et peut être recyclé à l'infini sans perdre beaucoup de sa qualité.

L'acier continuera de contribuer de façon essentielle à la responsabilité énergétique dans l'utilisation finale par des cycles de vie plus longs des produits pour des projets d'infrastructure, comme les pipelines, les ponts ou les réseaux de transport en commun rapide, en raison de la durabilité accrue de l'acier. De plus, la contribution de l'acier passera par des progrès réalisés dans l'acier à haute résistance, l'acier avancé à haute résistance et l'acier ultrarésistant, ce qui permettra de réduire le poids des véhicules de 25 à 39 p. 100 par rapport à l'acier conventionnel et se traduira par des réductions des émissions de GES d'environ 4,5 tonnes sur l'ensemble de la durée de vie pour ce qui est des voitures familiales.

La production nationale d'acier est essentielle pour l'économie manufacturière au Canada; contribue de façon importante au développement responsable de l'économie fondée sur les ressources naturelles du pays; et constitue un élément essentiel dans tout plan de développement de l'infrastructure vraiment écologique. Nos producteurs membres, qui se consacrent à l'amélioration continue des processus et des produits, sont prêts à répondre aux besoins d'une économie canadienne à faibles émissions de carbone.

Cela dit, le processus chimique lié à la production de l'acier comporte des émissions de GES. À défaut de découvrir une nouvelle technologie ou une technique révolutionnaire, bien qu'on reconnaisse l'importance des changements climatiques et la nécessité de réduire les émissions de GES, ces émissions demeureront réelles.

Tout en étant conscient du fait que l'acier et les progrès technologiques du secteur de l'acier seront essentiels à l'atteinte des cibles de réduction des émissions dans d'autres secteurs, votre comité devrait également comprendre que sur le plan des émissions, l'acier qui correspond à l'utilisation la plus responsable, c'est l'acier qui est produit au Canada.

Du point de vue de la production de l'acier, la situation du Canada est presque unique au monde. Le Canada a accès aux matières premières qui sont nécessaires à la production de l'acier, comme des minerais de fer de haute qualité, le charbon métallurgique et de la ferraille qu'il est presque toujours possible de se procurer près des installations de production. Ces matières peuvent être transportées de façon efficace au pays grâce à des réseaux ferroviaires et maritimes modernes. Dans la plupart des installations de production canadiennes, les intrants énergétiques proviennent de sources renouvelables. De plus, le transport vers les marchés finaux est réduit au minimum.

Il y a lieu de faire une comparaison, par exemple, lorsqu'on examine la production en Chine, qui produit actuellement environ 50 p. 100 de l'acier dans le monde. En revanche, ce pays se procure du minerai de fer notamment en Australie et au Brésil. Son charbon métallurgique provient de pays comme la Mongolie, et sa ferraille, paradoxalement, provient de plus en plus de l'Amérique du Nord. Les matières sont ensuite envoyées aux installations de production chinoises, ce qui génère une quantité considérable d'émissions. Ces installations de production reposent encore largement sur l'électricité produite à partir de charbon pour le processus de production, ce qui influe grandement sur le profil d'émissions. Le produit final est alors transporté au Canada où il sera utilisé.

Quand on tient compte de tous ces facteurs dans le contexte de la production de l'acier, on constate que les différences entre les quantités de GES émises dans la production d'une tonne d'acier sont importantes. La production canadienne destinée à l'utilisation au Canada génère le rejet de 1,1 tonne de GES par tonne d'acier produite, tandis que la production chinoise génère le rejet de 3,5 tonnes de GES par tonne d'acier produite. Du côté de la production indienne et coréenne, on parle respectivement de 2,3 et de 2,4 tonnes de GES par tonne d'acier.

Par année, selon la part de marché actuelle au Canada pour les produits chinois, environ 1 380 000 tonnes supplémentaires de GES sont émises parce que ces produits sont transportés au Canada, par opposition à ceux qui sont produits localement. Notre pays a promis de réduire les émissions à l'échelle mondiale et de s'attaquer efficacement au problème des changements climatiques et, de toute évidence, cette importation de carbone dans l'économie canadienne doit être prise en considération.

D'un point de vue stratégique, qu'est-ce que cela signifie dans le cadre de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone au Canada?

Tout d'abord, au moment où les gouvernements du pays prennent des mesures pour mettre un prix sur le carbone, nous devrions nous assurer que nous n'encourageons pas la production de produits essentiels à l'étranger, ce qui aurait la double fonction de nuire à la base industrielle du Canada et de faire mal à la classe moyenne du pays tout en provoquant tacitement une hausse des émissions et en favorisant le recours à des moyens de production moins responsables.

Minimalement, dans les processus d'approvisionnement du gouvernement et les projets d'infrastructure financés, on devrait prendre en compte les coûts du carbone dans l'approvisionnement en produits.

Si des dépenses supplémentaires sont engagées pour la production de produits au Canada en raison de la tarification du carbone, il incombe au gouvernement de s'assurer que les producteurs étrangers, qui ne sont pas touchés par les mêmes obligations financières, n'obtiennent pas un avantage injuste sur le plan des coûts lorsqu'ils chercheront à obtenir des contrats gouvernementaux. Pour atteindre cet objectif, les politiques gouvernementales en matière d'acquisition devraient exclure les importations d'acier de pays qui n'ont pas un système national de tarification du carbone équivalent.

Le gouvernement devrait examiner toutes les options concernant l'application d'un ajustement à la frontière pour le carbone afin de s'assurer que les produits provenant de pays qui n'ont pas mis un prix sur le carbone respectent le prix établi par le gouvernement du Canada. Autrement, des producteurs étrangers inefficaces pourront se servir injustement d'un avantage lié aux prix pour supplanter une production nationale efficace et responsable.

Les coûts du carbone associés à l'entrée de produits au Canada devraient être calculés au moyen d'une analyse du carbone concernant le cycle de vie complet pour le produit en question, y compris les émissions associées au transport de matières premières et les facteurs liés au processus de fabrication, comme l'accès à des sources d'énergies renouvelables.

Enfin, le gouvernement du Canada devrait collaborer avec l'industrie pour que soient menées d'autres recherches sur le développement de nouvelles technologies révolutionnaires et l'amélioration des processus — ce qui se traduira par la réduction des émissions de GES liées au processus de fabrication d'acier —; encourager par du financement et le développement la mise en œuvre de solutions de rechange pour réduire les émissions de GES; et soutenir les processus de réutilisation des technologies, comme la cogénération, là où c'est possible de le faire.

Honorables sénateurs, je vous remercie et je serai ravi de répondre à vos questions.

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie de votre présence, monsieur. Vous avez fait une comparaison entre les émissions produites par le Canada et celles produites par la Chine, l'Inde et la Corée, mais où nous situons-nous par rapport aux États-Unis?

M. Galimberti : Par rapport aux États-Unis, notre avantage sur le plan du transport de matières premières n'est pas aussi important. Par ailleurs, concernant l'énergie renouvelable, notre réseau électrique est beaucoup plus efficace que le leur. C'est un élément important. Le secteur de l'acier est un grand consommateur d'énergie hydroélectrique. Cela représente un avantage important pour le Canada par rapport aux États-Unis pour ce qui est du carbone.

Le sénateur MacDonald : Vous avez parlé de certains objectifs à atteindre. Vous avez dit que la capacité d'approvisionnement du gouvernement du Canada devrait exclure les importations d'acier de pays qui n'ont pas un système national de tarification du carbone équivalent.

Est-ce que cela s'applique aux États-Unis? Vous attendez-vous à ce que le gouvernement du Canada s'engage dans une guerre commerciale avec les États-Unis au sujet de l'acier?

M. Galimberti : Il s'agit d'une question fondamentale sur ce qui constitue un programme d'infrastructure écologique. Si le gouvernement du Canada met un prix sur le carbone, il faut que ce soit respecté.

Comme je l'ai dit dans mon exposé, on ne peut pas créer un système dans lequel les contrats du gouvernement favorisent des producteurs inefficaces qui émettent plus de GES sans qu'un coût y soit associé tout en essayant d'établir un programme d'infrastructure écologique au pays.

Certains États américains, même s'ils sont peu nombreux, s'orientent vers ce que nous considérerions comme un cadre équivalent sur le prix du carbone. Il faudra voir comment les choses évolueront aux États-Unis.

En même temps, il y a un programme « buy America » pour certains travaux d'infrastructure qui exclut expressément l'acier canadien. Nous n'avons pas de programme équivalent. Je ne pense pas que quiconque souhaite s'engager dans une guerre commerciale. Nos relations commerciales avec les États-Unis sont extraordinairement bien équilibrées. Nous sommes très attentifs à l'état des relations présentement.

Le sénateur MacDonald : Elles sont extraordinairement bien équilibrées. En fait, l'équivalent de 5 milliards de dollars d'acier traverse la frontière, d'un côté comme de l'autre. C'est ce que le nouveau président appellerait du commerce équitable.

Il y a environ 10 ans, le dollar canadien était à 1,09 $ américains et il est maintenant à environ 75 cents américains. Je suppose que cela a eu des effets positifs sur les exportations d'acier vers les États-Unis au cours de la dernière décennie. Quelles répercussions une taxe sur le carbone aurait-elle sur l'acier que vous essayerez d'exporter vers les États-Unis au cours de la prochaine décennie? Quels seraient les effets sur le prix? Pourriez-vous soutenir la concurrence?

M. Galimberti : Il est certain que la tarification du carbone engendrera des coûts dans le processus de fabrication au Canada. Ce n'est pas nécessairement surprenant. Il n'y aura pas une option consistant à transférer les coûts aux clients. Si dans d'autres pays qui n'auront pas tarifé le carbone nous rivalisons avec des installations qui n'assument pas ces coûts, il ne sera pas possible de dire aux clients, par exemple, qu'il y a une taxe sur le carbone et qu'on s'attend à ce qu'ils payent 5 $ de plus la tonne alors qu'il y a un autre producteur qui n'impose pas ces frais. Le prix ne changera pas.

Le Canada devra trouver un moyen d'avoir des prix concurrentiels, mais cela nuira immanquablement aux entreprises et aux réinvestissements.

Le sénateur Black : Je veux vérifier si j'ai compris ce que vous voudriez que nous fassions. Je ne porte aucun jugement. Je veux seulement m'assurer que je comprends ce que vous proposez.

Pour revenir sur qu'a dit le sénateur MacDonald, j'ai cru comprendre en vous écoutant que s'il n'en tenait qu'à vous, si vous dirigiez le monde, une taxe d'ajustement à la frontière — pour utiliser un vocabulaire que nous utilisons de plus en plus souvent —, serait imposée sur l'acier importé au Canada, ce qui serait l'équivalent d'une compensation pour équilibrer les choses par rapport à la tarification du carbone dans différentes administrations. C'est ce que vous nous demanderiez de faire.

M. Galimberti : Je ne parlerais pas d'une taxe. Je crois que c'est un ajustement à la frontière.

Le gouvernement a établi un prix pour le carbone au Canada. Si des produits d'autres pays entrent au Canada, et si l'objectif est de s'attaquer au réchauffement de la planète, je ne crois pas qu'il soit utile d'un point de vue stratégique pour le gouvernement d'encourager d'autres pays qui émettent une plus grande quantité de carbone que le nôtre à nous envoyer leurs produits.

Il faut assurer une certaine cohérence. En tant que producteurs canadiens, nous sommes tout à fait prêts à rivaliser à armes égales avec n'importe quel pays dans le monde. Si le gouvernement décide que le carbone doit être considéré comme une marchandise, je dirais que ce doit être le cas partout. Des quantités supplémentaires d'émissions de carbone sont inhérentes à la production d'acier ailleurs dans le monde.

Le sénateur Black : Je comprends votre point de vue. Je crois que nous disons la même chose. Je crois comprendre que si vous le pouviez, vous imposeriez en quelque sorte une taxe à la frontière sur l'acier importé au Canada. Or, ainsi, on gênerait le commerce ouvert et libre entre le Canada et d'autres nations. C'est ce que vous nous demanderiez de faire.

M. Galimberti : Je ne crois pas que ce soit le cas. Si l'on fait une comparaison, concernant le carbone, lorsque les produits arrivent dans le marché canadien, je ne crois pas que cela gêne le libre-échange.

Le sénateur Black : Votre industrie mérite d'être félicitée. Vous nous avez dit qu'elle avait réduit ses émissions de GES de 31 p. 100. Dites-nous jusqu'où vous pouvez aller, en combien de temps, et ce dont vous avez besoin pour en faire davantage.

M. Galimberti : Comme je l'ai dit dans mon exposé, le processus chimique par lequel on fabrique l'acier est un procédé fixe concernant les émissions. Concernant les réductions de 31 p. 100, qui sont liées à des améliorations apportées au processus et à des avancées dans la qualité du charbon métallurgique utilisé, à l'heure actuelle, c'est une question ouverte. Il n'y a pas de technologie révolutionnaire.

Le sénateur Black : Vous croyez avoir fait le maximum. Vous avez parlé d'innovation et de grandes découvertes. Où en sommes-nous à cet égard?

M. Galimberti : Des solutions de rechange intéressantes sont à l'étude. L'un de nos producteurs membres utilise un processus de biorécupération, essentiellement des bassins d'algues. Il existe probablement des possibilités de cogénération. Je sais que le CANMET mène des travaux de recherche sur le biocharbon, qui remplacerait dans une certaine mesure le charbon métallurgique par un agent biologique qui émettrait moins de pollution. La question, c'est de déterminer dans quelle mesure cela peut être mis en œuvre concrètement.

Le sénateur Black : Il n'y a rien d'imminent alors.

M. Galimberti : Il n'y a rien d'imminent, mais je dirais que l'industrie est très motivée en général d'y parvenir.

Peu importe le type de calculs, les émissions supposent certains coûts et un certain degré d'efficacité. Les activités à zéro émission sont les plus économiques. Je vous dirais qu'on souhaite grandement trouver des moyens de réduire les émissions.

Le sénateur Black : Les réductions de 31 p. 100 dont vous parlez ne sont-elles liées qu'au processus de fabrication, ou concernent-elles également les données liées à la production de charbon?

M. Galimberti : C'est directement lié. Il s'agit de production de fer et d'acier. Cela ne tient compte d'aucun type de gain d'efficacité qui aurait été réalisé au cours de cette période dans le réseau électrique.

Le sénateur Black : Merci. C'est très utile.

Le sénateur Lang : Le sénateur MacDonald a indiqué que selon les estimations, l'équivalent de 5 milliards de dollars d'acier traverse la frontière canado-américaine, d'un côté comme de l'autre — 5 milliards vers le Canada et 5 milliards vers les États-Unis. Ces données sont-elles exactes?

M. Galimberti : Les données de 2016 sur les échanges transfrontaliers sont sorties au cours du dernier mois environ. On parle davantage de 6 milliards de dollars des deux côtés : 6 milliards de dollars de ventes canadiennes aux États- Unis et 6 milliards de dollars de produits américains importés ici.

Le sénateur Lang : C'est ce qui m'amène à poser ma prochaine question. Compte tenu du fait qu'on se précipite pour mettre en place des taxes sur le carbone au Canada, ce que ne feront pas les États-Unis, l'industrie américaine pourra-t- elle fournir l'acier supplémentaire dont les États-Unis ont besoin et que nous produisons présentement ici et que nous leur fournissons?

Autrement dit, si nous ne faisons rien d'autre que d'imposer diverses taxes sur le carbone, risquons-nous de perdre une partie de cette industrie au profit des États-Unis? Viendront-ils combler l'espace que nous occupions si nous ne faisons rien?

M. Galimberti : C'est une question complexe. Il y a différents éléments à prendre en considération. Il est vrai qu'il y a de la capacité inutilisée dans l'industrie aux États-Unis. Ils pourraient sûrement augmenter leur production. C'est un peu comme un marchand qui vendrait une tomate 2 $, alors que le marchand voisin la vend 1,50 $. Le marchand qui la vend 2 $ devra trouver le moyen de descendre son prix jusqu'à 1,50 $, faute de quoi tout le monde ira acheter la tomate la moins chère.

Il y aura un ajustement sur tous les marchés. Nous devrons trouver le moyen d'offrir des prix concurrentiels. Quand il faut ainsi se battre contre la concurrence, quel est l'effet sur le réinvestissement? Est-ce que cela compromet la viabilité des installations à long terme? Il y a toute une série de questions à se poser après cela.

Le sénateur Lang : J'essaie de comprendre ce qui s'en vient. Supposons que ce soit le statu quo et que le gouvernement ne fasse rien en réponse à vos recommandations. L'acier circule librement entre les deux pays, et nous fixons des prix tels que nous en venons de toute évidence à ne plus être concurrentiels. Vous attendez-vous à ce que les clients qui utilisaient et achetaient leurs produits au Canada se tournent davantage vers les produits américains? Ainsi, le produit canadien finira-t-il par être mis de côté parce qu'il coûte trop cher comparativement au produit américain?

M. Galimberti : Tout ce qui nuit à l'aptitude de l'industrie canadienne d'être concurrentielle se traduira de facto par des pressions sur les ventes.

Le sénateur Lang : Il y aura donc des pertes d'emplois.

M. Galimberti : Il y aura effectivement des pertes d'emplois et d'investissements.

Le sénateur Lang : Alors il faut l'admettre.

M. Galimberti : Nous parlons de tout ce que l'industrie canadienne souhaite mettre en place pour préserver son statut de producteur responsable, pour conserver une chaîne d'approvisionnement serrée qui permet un réinvestissement dans les installations pour produire de l'acier à plus faibles émissions de carbone. Ultimement, toutefois, tout cela sera compromis, en effet.

Le sénateur Lang : J'aimerais revenir à ce que vous avez dit sur la production d'acier en Chine. Le Canada importe-t- il de l'acier de la Chine?

M. Galimberti : Oui.

Le sénateur Lang : À quel point?

M. Galimberti : Il en importe en volumes assez importants.

Le sénateur Lang : À combien de dollars ces importations s'élèvent-elles?

M. Galimberti : Je devrai vous faire parvenir un chiffre précis plus tard, parce que je ne voudrais pas être imprécis, mais le pourcentage de l'acier importé de la Chine est important.

Le vice-président : Avez-vous une idée de la part de marché que cela représente?

M. Galimberti : Encore une fois, je préférerais vous répondre plus tard pour vous donner un chiffre exact.

La sénatrice Galvez : Je comprends que votre industrie a un rôle très important à jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, puisqu'elle a un impact direct et indirect sur les émissions. Elle a un impact direct sur les émissions en raison de son empreinte de carbone, mais elle a aussi un impact indirect parce qu'elle utilise beaucoup d'énergie dans ses procédés et parce que ses produits sont utilisés ensuite dans le bâtiment.

Si nous voulons nous attaquer au problème environnemental dans votre industrie, il faut parler de la production et du commerce ensuite, comme mes collègues l'ont dit. J'ai deux questions à poser à ce sujet.

Ma première porte sur la production. Comme vous l'avez mentionné, le Canada a la chance de posséder d'importantes ressources naturelles qui fournissent les ingrédients nécessaires à la fabrication de votre produit. Vous avez présenté quelques initiatives pour que les émissions associées à la production diminuent de plus de 31 p. 100.

Pourquoi ne pas utiliser les micro-ondes pour la production d'électricité et de la dolomite plutôt que du calcaire? Je le mentionne parce que j'ai des collègues qui travaillent dans ce domaine au Canada. Je vais vous laisser répondre à cette question.

M. Galimberti : Je pense qu'elle porte sur le système canadien plus en général. Nous apporterons graduellement diverses améliorations à nos modes de production d'électricité pour utiliser le plus de sources renouvelables possible. Je sais que le comité a récemment publié un rapport qui porte en partie sur les tarifs d'électricité.

Qu'est-ce que cela favorise? Est-ce que cela favorise une fabrication écoénergétique? Est-ce que cela favorise des activités que nous jugeons responsables? Je suis d'avis, et les chiffres en témoignent, que la production d'acier au Canada pour les usages canadiens est très responsable. Toute nouvelle amélioration à la production d'électricité, à l'infrastructure et à la technologie propre applicable au transport aura une incidence sur le profil des émissions de gaz à effets de serre de l'acier.

La sénatrice Galvez : Sur le deuxième aspect, le commerce, vous avez mentionné plusieurs fois le rôle de la Chine. Nous parlons de l'accord du Partenariat transpacifique. Auriez-vous des commentaires particuliers à faire sur l'accord du Partenariat transpacifique concernant l'acier?

M. Galimberti : Au sujet de l'acier et du PTP, je rappelle, comme vous l'avez mentionné en préambule de votre question, que le Canada se trouve dans une position unique, compte tenu de son pouvoir de produire de l'acier de façon responsable grâce à son accès aux matières premières ainsi qu'à de l'électricité verte.

J'ai mentionné les émissions de 2,4 tonnes de GES par tonne d'acier de la Corée. Cela s'applique dans ce cas aussi. Si nous intensifions nos importations de l'Asie, le profil des émissions de GES augmentera pour l'acier, et je pense que le calcul est assez simple.

Nous nous inquiétons vivement de l'acier subventionné par quelques pays d'Asie puis faisant l'objet de dumping. Nous ne voudrions pas, avec le PTP, abandonner nos droits de recours commerciaux approuvés par l'OMC et compromettre le juste commerce de ces produits.

La sénatrice Seidman : Je vous remercie infiniment de votre présentation, monsieur Galimberti. L'ACPA fait partie de la Fédération mondiale de l'acier, la WSA.

M. Galimberti : Effectivement.

La sénatrice Seidman : Selon les rapports de la Fédération mondiale de l'acier, il y aura de grandes percées technologiques susceptibles de transformer la production d'acier après 2020.

À quoi est-ce qu'on s'attend? Pourquoi après 2020? Y a-t-il quelque chose qui s'en vient? Y a-t-il quelque chose qui se pointe à l'horizon? Comment l'ACPA participe-t-elle aux quelconques projets de R-D en cours avec les autres associations du monde?

M. Galimberti : Nous participons activement aux activités de la Fédération mondiale de l'acier et à son comité de l'environnement. Je rencontrerai les représentants de la fédération dans quelques semaines, à Paris, lors d'une rencontre des présidents de toutes les associations mondiales qui se tiendra juste avant une rencontre de l'OCDE. Nous maintenons activement le dialogue.

Pour ce qui est de l'horizon de 2020, je pense que la Fédération fait cette prévision à la lumière des projets de R-D en cours dans divers pays membres. J'ai mentionné les travaux menés au Canada par le CANMET sur la technologie du biocharbon. Je pense qu'elle est très prometteuse, et je dirais que l'estimation de 2020 pour sa commercialisation et son utilisation à grande échelle est assez juste. J'estimerais réaliste l'horizon de 2020.

La sénatrice Seidman : De votre point de vue, il y a donc des technologies en vue.

M. Galimberti : Dans une perspective à long terme. La fabrication d'acier suit un procédé à émissions fixes. L'industrie est motivée à changer les choses. Ses membres reconnaissent qu'il faut réduire les émissions de GES. Je crois sincèrement que les membres de l'industrie canadienne seront les premiers à vouloir utiliser les nouvelles technologies dès qu'elles seront au point.

Je pense que cela démontre que le problème ne vient pas du fait que le Canada soit en décalage par rapport aux autres pays du monde. Au contraire, il est plus écologique que bien d'autres. Quand cette nouvelle technologie arrivera, on voudra qu'il y ait de la fabrication d'acier au Canada.

La sénatrice Seidman : Vous laissez entendre, sans vraiment le dire, que l'ACPA n'est pas à l'avant-garde de la R-D, mais qu'elle participera au déploiement de tout ce que la R-D permettra de mettre au point dans le monde.

M. Galimberti : L'ACPA n'est pas un centre de recherche en soi. Nos membres participent activement à la mise au point de ce type de technologie. J'ai déjà mentionné la solution en aval mise de l'avant par Pond Biofuels. Notre membre Stelco est en train de la mettre en œuvre. Je sais que d'autres de nos membres mènent des recherches avec le CANMET sur la technologie du biocharbon que j'ai aussi mentionnée. Par ailleurs, quelques-uns de nos membres investissent beaucoup dans la cogénération : Essar Steel Algoma et ArcelorMittal Dofasco, à Hamilton.

Je ne voudrais pas vous donner l'impression qu'il ne se fait pas beaucoup de R-D ici. Nous nous préoccupons de la consommation d'énergie et des émissions de GES. J'ai visité beaucoup d'installations de nos membres, qui prennent des mesures comme d'éteindre les lumières dans la salle de bain. C'est pris très au sérieux.

La sénatrice Seidman : Vous avez fait une observation en passant sur le processus de commercialisation. Je sais que dans bien d'autres disciplines, il est complexe et difficile de traduire la R-D en produits commercialisables.

Est-ce la même chose dans votre industrie? Si oui, y a-t-il des freins ou des obstacles que le gouvernement fédéral pourrait contribuer à éliminer?

M. Galimberti : Je pense que cela dépend surtout de la technologie. Cela dépend des percées dont vous venez de parler. J'ai mentionné la solution en aval. Il y a des problèmes de financement associés à cette solution. Est-elle vraiment admissible à certaines enveloppes dans le cadre des programmes de réduction des GES? C'est une solution en aval.

Il serait utile d'éliminer certains de ces obstacles financiers. En définitive, le processus de commercialisation dépend vraiment de la technologie. Quand celle-ci leur sera présentée, je suis certain que les membres de l'industrie seront très enclins à travailler en partenariat avec le gouvernement de toutes les façons possibles pour que cette technologie pénètre le marché le plus vite possible.

La sénatrice Fraser : Bonjour, monsieur Galimberti. Je vous remercie d'être ici.

Je reviens à la question du commerce. Churchill disait qu'il ne fallait jamais utiliser de grands mots quand on pouvait en utiliser un plus court, donc je parlerai de taxes frontalières sur le carbone ou si l'on veut, de tarifs. J'aimerais que vous nous expliquiez comment l'imposition de telles mesures peut être conforme à l'ALENA, aux règles de l'Organisation mondiale du commerce et peut-être même à l'AECG, si nous finissons par obtenir une nouvelle version du PTP. Nous ne savons pas encore ce qu'il adviendra du PTP, mais nous connaissons nos autres accords. Ils existent déjà. Comment l'idée d'une taxe frontalière sur le carbone peut-elle être conforme à nos obligations en vertu de ces accords?

M. Galimberti : En gros, nous estimons possible d'en imposer une tout en respectant nos obligations à l'égard de l'OMC. C'est pour ainsi dire l'essentiel. Tant qu'on respecte les règles de l'OMC, on peut intégrer des mesures aux accords commerciaux, à condition de ne pas éliminer les recours. Je pense que cela nous ramène à l'objectif stratégique fondamental du gouvernement. Le but n'est-il pas de réduire les émissions mondiales?

La sénatrice Fraser : Je comprends cela. Vous avez été très éloquent à ce sujet. J'essaie simplement de comprendre comment on peut concilier les deux, concrètement.

M. Galimberti : Nous croyons que c'est possible de le faire tout en respectant les règles de l'OMC. Vous avez dit que Churchill conseillait de ne jamais utiliser de grands mots, mais comme on parle de l'OMC, l'explication technique comprend beaucoup de grands mots. Je me ferai un plaisir de la fournir au comité après la séance, pour lui expliquer brièvement ce que nous pensons pouvoir faire.

La sénatrice Fraser : Ce serait bien apprécié.

M. Galimberti : Oui. Je n'y manquerai pas, parce que nous avons de la documentation sur la façon dont on peut le faire tout en respectant les règles de l'OMC, mais c'est comme une brique d'idées assez volumineuse.

La sénatrice Fraser : Vous avez également affirmé que les politiques du gouvernement en matière d'approvisionnement devraient exclure les importations d'acier de pays qui ne respectent pas leurs obligations. Je doute fort que le gouvernement ou les gouvernements achètent beaucoup d'acier brut en vrac. Je ne sais pas, mais parlez-vous de calculer la proportion d'acier chinois dans les turbines que nous importons? Comment serait-ce possible?

M. Galimberti : Tout dépend du produit. Le volume de plaques d'acier achetées dans le cadre de l'Initiative de construction navale du Canada, par exemple, n'est pas négligeable. Je veux dire, plus directement, que le gouvernement fédéral a présenté un programme d'infrastructure pour renouveler l'infrastructure verte du Canada. Vous y parlez de choses comme d'un système de train léger ou d'un grand projet de construction qui impliquerait beaucoup d'acier.

Ce n'est généralement pas le gouvernement fédéral qui se trouve à l'acheter directement, mais nous aimerions qu'il y ait des critères de programme pour orienter l'achat de matériaux afin que l'infrastructure soit toujours verte. On parle de développement d'une infrastructure verte.

Il convient donc de s'assurer que les intrants pour ces infrastructures sont aussi écologiques que possible. Autrement, on augmente le profil des émissions dans le seul but de construire là où on n'a pas vraiment à le faire. C'est le but que nous poursuivons.

Je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral achète directement beaucoup d'acier, mais ce que nous visons, c'est l'élaboration de directives ou de critères liés aux programmes.

Le sénateur Patterson : Très rapidement, je tiens à souligner à quel point les membres du comité ont été impressionnés par leur visite à l'usine Dofasco, à Hamilton, qui est l'un de vos membres, notamment par les mesures qui ont été prises pour réduire les émissions, l'histoire de cette grande entreprise canadienne, son immense contribution à la collectivité et ses excellentes relations de travail. Nous avons rencontré les cadres supérieurs de l'entreprise, qui nous ont expliqué à quel point il est difficile de réaliser des profits dans cette industrie fortement concurrentielle. Je suis désolé, il s'agissait un peu d'un préambule.

J'ai quelques questions à vous poser. D'abord, le gouvernement investit 86 milliards de dollars dans l'infrastructure. Je pense que c'est une brillante idée de dire que les critères relatifs au financement du Canada, qui sera de 75 p. 100, devraient prendre en considération les coûts intérieurs du carbone et les sources d'approvisionnement des matériaux. On est en train de lancer le programme actuellement. Votre association a-t-elle fait des progrès en ce qui concerne cette excellente idée de tenir compte de ces facteurs dans les critères liés aux programmes? Avez-vous tenté de mettre cela en œuvre?

M. Galimberti : Je m'en voudrais de ne pas remercier les membres du comité de leur visite à ArcelorMittal Dofasco. Le comité a entrepris un travail important, et je suis heureux d'entendre que cette visite vous a été utile. J'y suis moi- même allé et je peux dire que c'est une usine vraiment impressionnante. On y accomplit un travail remarquable.

Nous avons eu des discussions, principalement d'ordre politique, avec le gouvernement au sujet de la mise en œuvre du programme d'infrastructure. Le gouvernement ne nous a pas dit si c'est une chose qu'il envisagerait de faire. Nous avons exprimé notre volonté de poursuivre les discussions et de lui fournir, le plus ouvertement possible, le plus de données possible afin d'étayer nos arguments selon lesquels l'acier canadien est l'acier le plus écologique qui peut être utilisé au Canada.

Le sénateur Patterson : J'ai écouté votre discussion à propos de la taxe ou de l'ajustement à la frontière. Nous ne voulons pas que Donald Trump fasse cela à nos produits. Je pense qu'il est difficile de dire que nous devrions tenter de trouver des façons créatives de le faire au Canada. C'est peut-être une bonne idée, mais je ne sais pas si elle est réalisable.

Comme je suis très étonné que vous n'en ayez pas parlé, je vais vous poser la question : les secteurs à forte intensité d'émissions et tributaires du commerce comme celui de l'acier ne devraient-ils pas être exemptés des programmes de tarification du carbone?

M. Galimberti : Dans certaines provinces, nous avons reçu, pendant la première période de conformité, des crédits qui tiennent compte des émissions. Quand je parlais de programmes équivalents d'établissement des coûts du carbone, dans mon exposé, c'est ce que je voulais dire. S'il y a un tel programme dans un autre pays qui comprend des crédits pour les émissions produites par des industries tributaires du commerce, ce serait l'équivalent, et leurs produits ne seraient pas taxés. Il n'y aurait pas de coût. Nous estimons que ces crédits sont très importants et nous voudrions qu'ils soient maintenus en ce qui concerne les émissions liées à des procédés fixes.

Il y a aussi un coût associé à la taxe sur le carbone appliquée au reste des opérations de nos membres. Même si nous avons accès au crédit pour les processus fixes, cela n'enlève rien au fait que le coût du gaz naturel a augmenté, et qu'un prix du carbone est associé au coût de l'électricité.

Vous avez mentionné à quel point il est difficile de réaliser des profits dans ce pays. Tous les intrants secondaires que j'ai mentionnés et qui contribuent à faire du Canada un bon producteur d'acier sont maintenant assujettis à un prix sur le carbone qui, au bout du compte, fait augmenter le coût de production, et soit réduit les petits profits que l'on peut réaliser, soit rend la fabrication impossible.

Le sénateur Patterson : Comment cela se passe-t-il en Ontario, où bon nombre de vos membres produisent de l'acier? Quels résultats obtiennent-ils en ce qui concerne les crédits?

M. Galimberti : Quels résultats obtiennent-ils quant aux crédits liés aux procédés fixes pour la première période de conformité jusqu'en 2020? Nous n'avons pas encore eu d'éclaircissements sur la deuxième période de conformité. C'est préoccupant. En ce qui concerne les procédés fixes, pour tous les coûts secondaires, nos membres ont vu grimper leurs coûts d'exploitation.

Le sénateur Meredith : Je vais vous poser deux petites questions. Je reviens au point qu'a soulevé le sénateur Lang concernant l'incidence sur la possibilité d'employer des gens dans le secteur ou le risque de perdre des emplois. Dans votre exposé, vous avez indiqué que les gouvernements du pays ont proposé de mettre un prix sur le carbone. Qu'est-ce qui constituerait une échelle de prix acceptable? Vous avez parlé du coût du carburant et de la hausse du coût de l'électricité pour vos membres, mais qu'est-ce qui constituerait une échelle de prix acceptable si le gouvernement envisageait de fixer un prix, en particulier pour votre industrie, afin d'éviter que l'exportation de ces matières premières à l'étranger ait des répercussions sur la production au pays et qu'elle entraîne des pertes d'emplois?

M. Galimberti : Un prix approprié pour le carbone, c'est une bonne question.

Le sénateur Meredith : Je pense que oui.

M. Galimberti : Honnêtement, ce n'est pas une question à laquelle je m'étais préparé à répondre aujourd'hui. Je dirais que tout coût additionnel qui n'est pas assumé par un compétiteur aura des répercussions négatives sur l'entreprise.

Je n'ai pas vraiment de réponse satisfaisante à vous donner, sauf pour dire que même de faibles coûts supplémentaires que les compétiteurs n'auraient pas à payer causeront des torts à l'entreprise sur le plan de l'investissement, de l'emploi et des ventes.

Le sénateur Meredith : Au paragraphe suivant de votre mémoire, vous dites que les producteurs étrangers qui n'assument pas les mêmes obligations financières ne devraient pas avoir un avantage injuste sur le plan des coûts lorsqu'ils tentent d'obtenir des contrats gouvernementaux.

Comment votre industrie envisage-t-elle d'atténuer ce risque? Nous voyons une ouverture en ce qui concerne les accords de libre-échange avec l'Europe et un potentiel d'échanges commerciaux accrus avec notre pays. Cela a une grande incidence sur la production et sur la qualité également. Je le comprends, étant moi-même dans l'industrie de la construction. J'entends constamment ces critiques à propos des importations de l'étranger.

M. Galimberti : Comment nos membres envisagent-ils d'atténuer cela? Je ne crois pas qu'ils aient nécessairement une stratégie. Il y aura une concurrence dans les prix. Si une entreprise assume un coût que n'assume pas son compétiteur, cela devient très vite un jeu à somme nulle. Un avantage injuste sur le plan des coûts est un obstacle très difficile à surmonter, en particulier en ce qui a trait aux marchés publics, où il est dans l'intérêt du gouvernement d'acheter et de faire construire le plus possible.

Le sénateur Mockler : Je vous remercie de votre exposé. Si nous examinons les émissions des secteurs tributaires du commerce et à forte intensité d'émissions au Canada, en 2014, nous constatons qu'elles ont été d'environ 78 mégatonnes. Pour ce qui est de l'industrie de la sidérurgie, selon nos données, elles sont d'environ 16 mégatonnes de CO2.

Par conséquent, si nous voulions atteindre l'objectif fixé par le gouvernement, nous devrions fermer les industries de la sidérurgie, des pâtes et papiers, de la fonte et de l'affinage, des mines, des produits chimiques et du ciment. Je n'ai pas besoin de vous dire que nous pourrions bien fermer le Canada.

Ainsi, étant donné l'arrivée du président Trump et d'un nouveau gouvernement aux États-Unis, croyez-vous que les gouvernements canadiens, si nous comptons les provinces, doivent revoir leurs objectifs de réduction des émissions? Devrions-nous ralentir le processus de réduction des émissions? Nous ne pouvons quand même pas fermer le Canada.

M. Galimberti : Vous avez raison. On ne peut pas fermer le Canada. Je dirais que je suis partisan de l'« exceptionnalisme » canadien. J'estime que le Canada devrait être un chef de file. Nous mettrons en œuvre des technologies propres et nous le ferons bien. Être un chef de file suppose aussi que l'on s'engage à continuer de le faire au pays. Je ne crois pas que ce serait un comportement responsable de simplement fermer le Canada, comme vous le dites, et de remettre la production d'acier à la Chine, la fabrication de produits chimiques aux États-Unis, ou la production de pâtes et papiers à un autre pays.

Les gouvernements devraient-ils ajuster les objectifs? Voilà pourquoi j'aime bien l'approche du comité, qui examine la question secteur par secteur. Je pense que le gouvernement doit adopter une approche stratégique afin de déterminer où il peut faire des gains dans un secteur donné. Lorsque la science ne permet pas de faire des gains, lorsqu'une politique pousserait la production vers des endroits où il serait moins rentable de produire des intrants essentiels, je pense que le gouvernement doit agir de manière stratégique pour ces secteurs.

Le sénateur Mockler : Je m'inquiète quelque peu — et la sénatrice Fraser et d'autres sénateurs ont abordé cette question également — au sujet des accords de libre-échange que nous avons conclus et de ce que vous nous proposez. Cela aurait assurément un effet dissuasif sur le plan de la coopération économique dans le monde. Pourquoi proposeriez-vous cela sans chercher à trouver d'autres solutions, en particulier pour votre industrie?

M. Galimberti : Je ne viendrais pas ici pour préconiser quoi que ce soit que nous jugerions illégal ou non conforme sur le plan international. Ce sont des choses que le Canada a le pouvoir de faire. À l'Organisation mondiale du commerce, on devrait examiner individuellement les accords commerciaux. Nous avons établi que nos relations commerciales avec les États-Unis sont très importantes. Il n'est pas dans l'intérêt de l'industrie sidérurgique de réduire le commerce.

Il est toutefois dans son intérêt de veiller à ce que les matières premières puissent soutenir équitablement la concurrence et à ce que nos producteurs puissent livrer une juste concurrence à ceux des États-Unis ou de la Chine qui n'ont pas à assumer les coûts que les gouvernements ont décidé d'imposer dans le but de transformer le carbone en marchandise. C'est aussi simple que cela. La solution de rechange serait probablement de réduire considérablement la production d'acier au Canada, mais cela ne rendrait service à personne.

Le vice-président : Avant de passer à la deuxième série de questions avec le sénateur Black, j'aimerais avoir des réponses très brèves à des questions précises sur ce qui a été abordé précédemment.

J'essaie de comprendre les arguments concernant la compétitivité. Autrement dit, j'essaie de comprendre dans quelle mesure la tarification du carbone rendrait votre industrie vulnérable. Supposons que le tarif s'élève à 30 $ la tonne. Compte tenu du cours de l'acier, qui s'est grandement amélioré pendant la dernière année, pourriez-vous me dire quel pourcentage du prix de vente ou du prix en fonction de la valeur représenterait une tarification du carbone à 30 $ la tonne? Est-ce un pourcentage important?

M. Galimberti : Oui.

Le vice-président : Quel est le pourcentage? Si on suppose que la tarification du carbone est établie à 30 $ la tonne, quel pourcentage de la valeur du produit cela représente-t-il?

M. Galimberti : Le marché fluctue. Cela dépend du produit vendu.

Le vice-président : Je parle de l'acier.

M. Galimberti : Il y a une foule de produits d'acier. Il y a, par exemple, des fabricants comme EVRAZ, à Regina, qui produisent des tuyaux de canalisation de fort diamètre.

Le vice-président : Donnez-moi un chiffre en fonction de ce que vous produisez le plus. J'essaie d'avoir une idée de la vulnérabilité de votre industrie. Quel pourcentage la tarification du carbone représente-t-elle? Est-ce 1 p. 100? Est-ce 20 p. 100?

M. Galimberti : Cela dépend du produit. Quel que soit le pourcentage que représente une tarification du carbone de 30 $ la tonne par rapport à la valeur du produit, lorsqu'un client veut acheter des centaines de milliers de tonnes d'acier, un fabricant qui doit composer avec cette tarification sera toujours désavantagé par rapport à un compétiteur qui n'a pas la même contrainte.

Le vice-président : Je comprends cela. Qu'en est-il du prix de l'électricité? Quel pourcentage de la valeur cela représente-t-il?

M. Galimberti : Le coût de l'électricité est le deuxième ou le troisième facteur de production en importance. C'est un coût de base énorme.

Le vice-président : C'est un coût important qui représente un pourcentage élevé du coût de production. Je crois que Dofasco nous a dit que ce pourcentage se situe à 30 ou 40 p. 100.

M. Galimberti : Je peux vous indiquer dans quelle échelle se situe ce pourcentage en ce qui concerne la production d'acier. Selon le produit et le procédé de fabrication, cela représente de 20 à 40 p. 100 du coût de production.

Le vice-président : Je présume que la tarification du carbone représente probablement quelques points de pourcentage de moins.

M. Galimberti : Oui, je suppose que c'est le cas.

Le vice-président : Que dire de l'accessibilité des ressources naturelles? Nous sommes plutôt chanceux au Canada. La plupart de nos ressources naturelles sont très près de nos usines. Ai-je raison?

M. Galimberti : Oui.

Le vice-président : Ai-je aussi raison de dire que vous avez accès à une abondance de ressources naturelles de grande qualité?

M. Galimberti : Oui, c'est exact, mais nous n'avons pas de rabais sur le prix du produit de base. Les économies sont réalisées sur le coût de transport.

Le vice-président : Par conséquent, l'industrie canadienne est relativement compétitive si on tient compte de l'approvisionnement en ressources naturelles. La question touche le prix de l'énergie. Je suppose que, avant de venir ici, vous avez dû décider de la meilleure façon de servir votre industrie. Contrairement à ce qu'a affirmé le sénateur Patterson, la plupart des industries à fortes émissions qui sont tributaires du commerce disent ne pas être visées par une exemption.

D'ailleurs, votre industrie serait gagnante si la tarification du carbone s'appliquait partout, puisque votre production d'acier génère des émissions de carbone moins importantes par rapport à des compétiteurs d'autres pays comme la Chine, par exemple, où l'énergie au charbon occupe une place prédominante. Une grande partie de votre énergie provient notamment des centrales électriques et nucléaires.

Le sénateur MacDonald a soulevé la question du dollar, qui est très faible. Cela rend votre industrie très compétitive actuellement. J'ai du mal à comprendre. Si, comme vous, on croit au libre-échange et à la tarification en fonction du marché — et c'est certainement mon cas —, alors on devrait également établir un prix en fonction de ce que le carbone coûte à notre société.

M. Galimberti : Oui.

Le vice-président : Votre industrie serait gagnante. Cependant, être en faveur du libre-échange signifie qu'on ne peut pas exclure la concurrence étrangère des appels d'offres pour les grands contrats de construction de navires, de ponts, et cetera.

M. Galimberti : Je parle des pays où il n'y a pas de mécanisme équivalent pour la tarification du carbone. Je conviens avec vous que nous sommes extrêmement compétitifs en ce qui a trait aux émissions de carbone; vous avez tout à fait raison. À ce chapitre, j'estime que le Canada a énormément de succès. Cependant, le Canada est considérablement désavantagé par rapport aux pays où il n'y a pas de tarification du carbone.

Le vice-président : Je comprends cela.

M. Galimberti : Les politiques gouvernementales ne devraient pas faire en sorte que les producteurs compétitifs, responsables et efficaces deviennent moins concurrentiels sur le marché, favorisant ainsi les producteurs inefficaces qui n'ont tout simplement pas les mêmes coûts à assumer.

Le vice-président : Contrairement aux autres industries tributaires du commerce, la vôtre serait considérablement avantagée si une tarification du carbone très élevée était appliquée partout dans le monde.

M. Galimberti : Je ne dirais pas que nous en tirerions un avantage énorme.

Le vice-président : Un avantage considérable.

M. Galimberti : Si tout le monde était sur un pied d'égalité, et si tous les producteurs mondiaux payaient le même prix sur le carbone en fonction du cycle de vie complet, alors, oui, nous serions très compétitifs, car nous sommes efficaces, nous sommes à proximité des ressources naturelles, et nous avons fait, au fil des années, des investissements dans le processus de fabrication qui nous avantageraient dans une telle situation.

Le sénateur Black : Voilà qui est très instructif. Comment envisagez-vous l'avenir de l'industrie sidérurgique au Canada?

M. Galimberti : Je pense que l'industrie sidérurgique canadienne a un brillant avenir devant elle. Quand on se penche sur la situation de cette industrie à l'échelle mondiale, on constate aisément qu'il est normal de produire de l'acier au Canada. Les ressources naturelles sont à proximité. Nous avons apporté les améliorations nécessaires au réseau d'électricité. Nous pouvons soutenir la concurrence à long terme. L'industrie sidérurgique contribue énormément au secteur manufacturier. Si le Canada veut avoir du succès dans la fabrication de pointe et la commercialisation des technologies, l'industrie sidérurgique pourra l'y aider.

J'ai parlé des progrès que nous avons faits dans l'industrie de l'acier, notamment dans la fabrication d'acier ultrarésistant pour le secteur automobile. Il y a un instant, j'ai parlé de la technologie employée dans la production de tuyaux de canalisation ou dans l'extraction des ressources naturelles. L'avenir est très prometteur, mais j'encourage votre comité à faire attention de ne pas punir une conduite essentiellement exemplaire par rapport à celle d'autres pays qui, à vrai dire, ne sont aucunement disposés, pour le moment, à réduire leur empreinte carbone ou à la tarifier.

Le sénateur Black : Vous croyez donc que l'avenir est prometteur malgré les préoccupations que vous avez soulevées aujourd'hui.

M. Galimberti : Oui.

Le sénateur Lang : Je voulais poser une question sur votre recommandation. Vous avez dit que le gouvernement a la responsabilité de voir à ce que les producteurs étrangers ne soient pas assujettis aux mêmes obligations financières afin qu'ils ne soient pas indûment avantagés sur le plan des coûts. Vous aimeriez que l'on empêche l'importation d'acier en provenance de pays qui n'ont pas adopté et mis en œuvre un régime équivalent à notre régime national de tarification du carbone.

Vous êtes conscient que des mines de fer canadiennes fournissent du minerai à d'autres pays, y compris la Chine.

M. Galimberti : Oui.

Le sénateur Lang : Avez-vous songé aux coûts et aux conséquences d'une telle mesure? Si la Chine ne pouvait plus exporter sa production au Canada, ne croyez-vous pas qu'elle pourrait répliquer en achetant son minerai ailleurs?

M. Galimberti : Ce que l'on vend, c'est du minerai de fer et du charbon métallurgique. À vrai dire, je ne sais pas quelle quantité est vendue sur une période donnée. Je suppose qu'il faudrait demander ces données commerciales aux sociétés minières. Je ne sais pas quelle quantité est vendue à la Chine sur une période donnée. Il serait difficile d'établir un tel coût.

Le sénateur Lang : Cependant, on pourrait s'attendre à des conséquences.

M. Galimberti : Vous me demandez de présumer de ce que fera la République populaire de Chine. C'est difficile à estimer.

Le sénateur Lang : Puisque vous faites une recommandation, nous devons en connaître l'ensemble des répercussions. Je vous demande si vous avez tenu compte des conséquences de cette recommandation pour le Canada.

M. Galimberti : À vrai dire, nous ne sommes pas en mesure de faire ce genre de calcul.

Le sénateur Lang : Donc, la réponse est non.

M. Galimberti : Je ne peux pas prétendre actuellement que je suis même capable de fournir une réponse à cette question.

Le sénateur Lang : D'accord.

Le vice-président : Monsieur Galimberti, je vous remercie infiniment d'être venu ce matin. Nous avons eu une discussion fort instructive. Nous sommes maintenant mieux informés sur votre industrie et sur ses préoccupations. Merci beaucoup d'avoir été des nôtres ce matin.

(La séance est levée.)

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