Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 24 - Témoignages du 6 avril 2017
OTTAWA, le jeudi 6 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, à qui a été renvoyé le projet de loi S-229, Loi concernant la sûreté des infrastructures souterraines, se réunit aujourd'hui, à 8 heures pour procéder à l'examen article par article du projet de loi, et pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le sénateur Neufeld : Bonjour, chers collègues. Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld, et j'ai l'honneur de présider ce comité. Je représente au Sénat la province de la Colombie-Britannique.
Je souhaite la bienvenue à tous ceux ici présents, ainsi qu'aux personnes qui suivent la séance en ligne ou à la télévision. Je tiens à rappeler que les séances du comité sont ouvertes au public et que l'on peut aussi les suivre en ligne à l'adresse sencanada.ca, le nouveau site Internet du Sénat. Les travaux du comité peuvent eux aussi être consultés en ligne. Cela est vrai des rapports, projets de loi, études et listes des témoins.
Je vais maintenant demander aux sénateurs de se présenter et je commence par vous présenter le vice-président du comité, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur Massicotte : Bonjour.
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.
Le sénateur MacDonald : Mike MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Dean : Tony Dean, de l'Ontario.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.
Le président : Je tiens également à présenter nos collaborateurs, Maxime Fortin, la greffière du comité, et Sam Banks et Jesse Good, analystes de la Bibliothèque du Parlement.
Chers collègues, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-229, Loi concernant la sûreté des infrastructures souterraines. Ce projet de loi a été déposé au Sénat le 29 septembre 2016, et renvoyé à notre comité le 6 décembre. Nous nous sommes, le 14 février, réunis pour en discuter avec le sénateur Mitchell, qui l'a parrainé, et M. Mike Sullivan, de la Canadian Common Ground Alliance.
Nous avons eu l'occasion d'examiner le texte qui, il convient de préciser, découle de l'étude que notre comité a, en 2014, menée sur la question. Nous allons maintenant procéder à son examen article par article. Le projet de loi comprend au total 33 articles. Je crois savoir que, la semaine dernière, deux projets d'amendement ont été distribués aux membres du comité. Sans doute seront-ils proposés aujourd'hui.
Mais avant de poursuivre, je tiens à rappeler aux membres du comité que si, à un moment donné, un sénateur ne voit pas très bien où nous en sommes au juste, il n'a qu'à demander à notre greffière quelques éclaircissements. Je veillerai, en tant que président du comité, à ce que tout sénateur qui souhaite intervenir ait la possibilité de le faire. J'aurai cependant, pour cela, besoin de votre collaboration. Puis-je vous demander d'être aussi précis et concis que possible.
Je tiens, pour finir, à rappeler aux honorables sénateurs qu'en cas d'incertitude quant à l'issue d'un vote à main levée ou d'un vote par oui ou par non, le mieux est de demander que l'on procède à un vote par appel nominal, le résultat étant alors parfaitement clair.
Avant de commencer, est-il convenu que, pour gagner du temps, certains articles relevant d'une même rubrique puissent être étudiés en même temps?
Des voix : D'accord.
Le président : Si personne n'a de question à poser, nous allons commencer.
Est-il convenu que le comité entame l'examen article par article du projet de loi S-229, Loi concernant la sûreté des infrastructures souterraines?
Des voix : D'accord.
Le président : L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude de l'article premier, qui comprend le titre abrégé, est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Mitchell : Un amendement est proposé. Je peux vous en donner lecture, mais il devra ensuite être proposé par un membre du comité, car je ne fais pas moi-même partie du comité.
Le président : Bon.
Le sénateur Mitchell : L'article 2 subirait la modification suivante :
Que le projet de loi S-229 soit modifié à l'article 2, à la page 3, par adjonction, après la ligne 10, de ce qui suit :
« province Comprend le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut. (province) »
Cet amendement découle de ce que j'ai appris lors de ma comparution devant le comité. Cela m'a été très utile. Le sénateur Patterson avait en effet fait remarquer que le projet de loi ne parlait que de « province », ce qui, tant implicitement qu'explicitement, excluait les territoires.
Or, Ginette Fortuné, notre excellente conseillère législative, avait rédigé cet article conformément à la pratique habituelle en ce domaine, mais, après l'exposé du sénateur Patterson, nous avons jugé qu'il conviendrait de simplement préciser que le mot « province » englobe aussi les « territoires », et c'est effectivement ce que fait cet amendement. Il s'agit d'un amendement technique.
Le sénateur Patterson, qui est parmi nous, pourra, s'il le souhaite, proposer cet amendement technique.
Je disais simplement, sénateur Patterson, que nous allons préciser que le mot « province » englobe les territoires. Nous allons d'ailleurs citer nommément les trois territoires afin que le texte du projet de loi accorde une reconnaissance équivalente et importante au fait que le texte ne s'applique pas uniquement aux provinces, mais aussi aux territoires.
Le sénateur Wetston : Mais pourquoi ne pas simplement ajouter le mot « territoire » en le définissant, au lieu de spécifier que le mot « province » englobe aussi les territoires?
Le sénateur Mitchell : C'est tout simplement que nous avons choisi de procéder ainsi. La Loi d'interprétation dispose déjà que le terme « provinces » englobe les territoires, et il ne nous est donc pas strictement nécessaire de le faire ici, mais afin de renforcer et de clarifier le texte, et en réponse aux observations du comité...
Le sénateur Wetston : Je comprends. Je tenais simplement à souligner leur importance.
Le président : Vous me direz si je me trompe, sénateur Patterson, mais, en ce qui concerne le Nunavut, on ne parle pas de territoire.
Le sénateur Patterson : Il s'agit bien d'un territoire, mais on dit simplement le Nunavut.
Le président : Sénateur Patterson, voulez-vous proposer l'amendement en question?
Le sénateur Patterson : Je propose cet amendement à l'article 2, page 3.
Le président : Êtes-vous tous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : L'amendement est adopté.
L'article 2, tel que modifié, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 4, 5 et 6 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 7 et 8 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Les articles 9, 10 et 11 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 12 est-il adopté? Un autre amendement est-il proposé?
Le sénateur Mitchell : Je pourrais, là encore, faire quelques observations. Cet amendement découle lui aussi de deux considérations. La première est que l'article 12 prévoit, en matière de notification et de désignation concernant l'emplacement d'une infrastructure souterraine, que l'exploitant d'une telle infrastructure peut opter pour l'une de trois possibilités. Encore une fois il n'est pas, aux termes de la Loi d'interprétation, jugé nécessaire de préciser que l'on peut choisir entre a), b) et c). C'est une question essentiellement technique.
Mais, certains promoteurs de l'industrie, ainsi que les partisans du projet de loi se sont inquiétés du fait que dans la mesure où l'on ne précise pas a) ou b) ou c) — le premier « or » dans la version anglaise — on pourrait exiger d'eux l'adoption de deux de ces trois possibilités, ou même des trois, alors qu'en fait ils ne sont tenus que de retenir l'une d'entre elles.
Nous avons tenu compte des préoccupations que nous ont manifestées les représentants de ce secteur d'activité, mais afin de ne pas nous écarter de la pratique habituelle, nous avons modifié légèrement la formulation de la version anglaise afin de bien préciser ce qu'il en était. Voici donc la raison d'être de cet amendement. Il précise que a), b) et c) sont bien des possibilités alternatives, le choix de l'une seule d'entre elles répondant aux exigences de l'article en question.
Il s'agit, encore une fois, d'une modification à caractère technique, qui découle directement d'un deuxième motif, en l'occurrence la manière dont la sénatrice Fraser envisage les règles et règlements de la Loi d'interprétation. Nous avons souhaité en tenir compte.
La sénatrice Seidman : Permettez-moi de proposer l'amendement.
QUE la version anglaise du projet de loi S-229 soit modifiée à l'article 12, à la page 6,
a) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit :
« Time specified in subsection (2), do any of the following : »;
b) par substitution, à la ligne 15, de ce qui suit :
« b) provide to that person, in writing, an accu-
... et le texte se poursuit à la ligne suivante. Comme vous le voyez, nous supprimons les mots « any other », le texte disant simplement « an accurate and clear description ». Puis, l'amendement continue :
c) en remplaçant la ligne 18 par :
« ground disturbance ».
Le président : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 12 modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Les articles 13, 14 et 15 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Adoptés.
L'article 16 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 17 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Les articles 18 à 27 relevant de la rubrique « Infractions et peines » sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Adoptés.
L'article 28 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 29 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Les articles 30 et 31 sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Adoptés.
L'article 32 est-il adopté?
Le président : Adopté.
L'article 33 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'annexe est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article premier, qui comprend le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le projet de loi modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le comité souhaite-t-il joindre des observations au rapport?
Des voix : Non.
Le président : Plaît-il que je fasse rapport au Sénat du projet de loi modifié?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Je vous remercie, chers collègues.
Honorables sénateurs, en mars 2016, le Sénat a chargé notre comité d'entreprendre une étude approfondie des incidences, des difficultés et des coûts d'une transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s'est engagé, à horizon 2030, à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005. C'est un projet de grande envergure.
Dans le cadre de cette étude, notre comité a adopté une approche sectorielle. Nous entendons nous pencher sur les cinq secteurs de l'économie canadienne qui comptent pour plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre; notamment l'électricité, les transports, le pétrole et le gaz, les industries énergivores exposées à la concurrence internationale, et les immeubles. Notre premier rapport provisoire, sur le secteur de l'électricité, a été remis le 7 mars.
Je n'ai pas encore eu la chance de le dire au comité, mais le Comité de l'agriculture et des forêts a entrepris une étude sur les incidences que le changement climatique va avoir sur l'agriculture et les forêts. J'ai appris cela hier et nous n'allons par conséquent plus nous pencher sur le volet agriculture puisque cet autre comité a déjà invité les témoins qu'il va auditionner. Il a, cependant, décidé de ne pas se pencher sur la situation des forêts étant donné que nous avons déjà achevé ce volet de notre étude. Cela fait un peu double emploi, mais montre bien tout l'intérêt qu'inspirent aux sénateurs les incidences du changement climatique.
Aujourd'hui, dans le cadre de la 39e séance consacrée à notre étude, j'ai le plaisir d'accueillir en tant que représentant d'Environnement et Changement climatique Canada, M. John Moffet, sous-ministre adjoint délégué intérimaire, Direction générale de la protection de l'environnement, et Derek Hermanutz, directeur général, Direction de l'analyse économique, Direction générale de la politique stratégique, ainsi que M. Matt Jones, directeur général, Bureau de la politique climatique, Direction générale de la politique stratégique.
Nous accueillons en outre, du ministère des Finances, M. Sean Keenan, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ainsi que M. Gervais Coulombe, chef, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt.
Je crois savoir en outre que se trouvent dans la salle d'autres collaborateurs de ces deux ministères, à qui il pourra, le cas échéant, être fait appel. Je demande à ceux qui prendront éventuellement la parole de bien vouloir se présenter aux fins du compte rendu.
Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Nous accusons, ce matin, un léger retard, car il nous a fallu annuler la séance de mardi soir et reporter, par conséquent, à aujourd'hui les questions qui devaient y être traitées.
Je ne sais pas, messieurs, qui d'entre vous va nous présenter un exposé. C'est à vous d'en décider. Vous avez la parole.
John Moffet, sous-ministre adjoint délégué intérimaire, Direction générale de la protection de l'environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Merci, monsieur le président. Je voudrais vous expliquer de manière assez détaillée en quoi consiste le Cadre pancanadien. Mon collègue Sean Keenan vous présentera ensuite un exposé succinct, après quoi ce sera très volontiers que nous répondrons à vos questions.
Je peux vous dire que, d'après la correspondance abondante qui m'est adressée à l'attention du ministre, et les divers déplacements que nous avons effectués, le Sénat n'est pas seul à se passionner pour le travail mené en ce domaine par le gouvernement. Je dirais que la population canadienne reconnaît généralement le besoin de faire quelque chose pour s'adapter au changement climatique. C'est dire toute l'importance de votre étude.
Si nous avons bien compris, il y a quatre points en particulier dont vous souhaitez discuter avec nous : nos projections à propos des émissions de gaz à effet de serre; le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques; les mesures et les politiques que nous élaborons actuellement au niveau fédéral en collaboration avec nos homologues provinciaux et territoriaux afin d'aider le Canada à atteindre, d'ici 2030, ses objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre : l'impact économique de notre action si nous atteignons notre cible de réduction des émissions.
Nous avons fait parvenir au comité des documents par voie électronique avant la tenue de la réunion, et nous disposons ici de ces documents, qui devraient nous être utiles, à savoir : une copie du Cadre pancanadien; un résumé des éléments du budget fédéral de 2017 qui sont pertinents pour le Cadre pancanadien; une copie de nos projections concernant les émissions de gaz à effet de serre, telles que publiées à la fin de l'année dernière; et un document intitulé Analyse économique du Cadre pancanadien, lui aussi publié en décembre dernier.
Je me propose de commencer par un aperçu du Cadre, y compris un résumé du processus qui a abouti à sa création.
Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques — ou le CPC — est une réalisation d'envergure, car c'est la première fois que le Canada dispose d'un plan national de lutte contre les changements climatiques. Mon patron a participé à huit plans précédents, et il porte les marques du combat qu'il a fallu livrer pour aboutir à cet accord.
Vous n'ignorez pas que le Canada s'est engagé à respecter l'objectif de l'Accord de Paris, qui est de limiter l'augmentation de la température moyenne mondiale au cours du présent siècle bien en deçà de deux degrés centigrades au-dessus de celle de l'ère préindustrielle.
Au cours de l'année 2016, sous la direction du premier ministre et des premiers ministres, le gouvernement fédéral, les gouvernements des provinces et territoires, et les organisations autochtones nationales ont travaillé ensemble pour établir ce plan.
Il y a eu plusieurs volets à cette action, dont le principal a été la constitution des quatre groupes de travail qui se sont respectivement penchés sur la tarification du carbone, coprésidé par mon collègue Sean Keenan; d'autres options d'atténuation, coprésidé par Matt Jones; l'adaptation aux changements climatiques et les technologies propres. Ces quatre groupes de travail qui ont œuvré pendant quatre ou cinq mois relevaient collectivement des ministres de l'Environnement et du Changement climatique, de l'Innovation, de l'Énergie, et des Finances.
À la réunion des premiers ministres, des dirigeants autochtones ont rencontré les premiers ministres pour discuter de leurs points de vue à l'égard du Cadre, et de leurs priorités en matière de changement climatique. Les peuples autochtones ont en effet participé tout au long du processus, conformément à l'engagement du gouvernement en faveur d'une nouvelle relation de nation à nation entre le Canada et les peuples autochtones.
Grâce à cette participation, le Cadre reconnaît les importantes contributions que les peuples autochtones peuvent apporter à notre compréhension des changements climatiques et de leurs répercussions, mais les peuples autochtones sont en outre appelés à tirer parti des possibilités économiques offertes par la transition, notamment en matière d'énergie propre.
Le Cadre pancanadien s'appuie sur les mesures fédérales, provinciales et territoriales annoncées précédemment pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et qui doivent nous permettre d'atteindre l'objectif de l'Accord de Paris, soit une réduction des émissions de 30 p. 100 au-dessous du niveau de 2005 d'ici 2030.
Le Cadre prévoit par ailleurs des mesures d'adaptation, ce qui fait qu'il est à la fois une stratégie d'atténuation et un plan d'adaptation destiné à permettre au Canada et aux communautés qui le constituent de s'adapter aux inévitables changements climatiques, et d'accroître leur résilience en ce domaine.
Il convient de souligner que le Cadre est également conçu de manière à permettre aux entreprises et aux travailleurs canadiens de profiter des possibilités économiques de cette transition vers une économie à croissance propre et à faibles émissions de carbone.
Le budget de 2017 a renforcé l'engagement du gouvernement fédéral envers le Cadre pancanadien, en permettant d'effectuer de nouveaux investissements à l'appui d'un certain nombre de mesures touchant le développement, la résilience et les technologies destinées à atténuer les conséquences des changements climatiques. Le gouvernement prévoit en effet d'investir dans l'infrastructure verte, dès l'année prochaine, presque 22 milliards de dollars sur 11 ans.
Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la tarification du carbone, volet essentiel de ce plan. En octobre, c'est-à-dire quelques mois avant la finalisation du Cadre pancanadien, le premier ministre a annoncé les paramètres de l'approche fédérale en matière de tarification du carbone. Dans le budget de 2017, le gouvernement a réitéré son engagement envers l'établissement d'ici 2018 d'un processus de tarification de la pollution au carbone à l'échelle du territoire national.
Plus des trois quarts des Canadiens habitent déjà dans un ressort où la tarification du carbone est en vigueur. J'entends par cela la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et le Québec. L'approche fédérale va permettre d'assurer que les règles du jeu sont uniformes à l'échelle du pays et que les hausses de prix sont prévisibles. Nous savons que la tarification du carbone est le moyen le plus efficace de réduire les gaz à effet de serre et nous savons que cela favorisera la prise de décisions et l'adoption par les entreprises, l'industrie et la population canadienne de comportements sobres en carbone.
En plus de réduire les émissions, ces types d'incitatifs contribueront à la croissance du secteur des technologies vertes au Canada, car les entreprises et les consommateurs rechercheront de nouvelles façons de faire des affaires et de vivre en polluant moins. Le but est, encore une fois, de réduire nos émissions et de soutenir, en même temps, les entreprises et les travailleurs canadiens lors de cette transition, afin de leur permettre de participer pleinement à la nouvelle économie mondiale propre.
Reconnaissant les enjeux uniques auxquels sont confrontés les territoires, les communautés autochtones et, de manière générale, les communautés du nord du Canada et les régions éloignées, le gouvernement s'est engagé à aider les territoires à résoudre les problèmes particuliers que pourrait leur poser la tarification du carbone, avant qu'intervienne la décision finale concernant l'application des mesures de tarification du carbone dans les territoires.
Le Cadre pancanadien reconnaît que la tarification du carbone ne permettra pas à elle seule d'atteindre nos objectifs, et c'est pourquoi le Cadre comprend un certain nombre de mesures complémentaires à l'appui de la tarification du carbone. Permettez-moi de vous exposer les grands traits de ces mesures complémentaires.
D'abord le secteur de l'électricité. Le but est de bâtir sur les acquis du secteur de l'électricité, dont une grande partie de la production est déjà propre. En effet, plus de 80 p. 100 de la production d'électricité au Canada se fait déjà sans émission de carbone, mais le but est de contribuer à réduire encore davantage l'utilisation de combustibles fossiles dans la production d'électricité. L'objectif est donc à la fois de rendre encore plus vert le secteur de l'électricité, et de mettre de plus en plus à la disposition des industries et des ménages une électricité propre. Il s'agit, autrement dit, de permettre à ces consommateurs d'énergie de délaisser les combustibles fossiles en faveur de l'électricité propre.
Des initiatives réglementaires actuellement en cours vont accélérer l'élimination de l'électricité au charbon, par exemple, et établir des normes de performance pour l'électricité produite à partir de gaz naturel.
Ces initiatives sont pilotées par ma collègue, Helen Ryan, qui se trouve dans la salle, prête à répondre à vos questions. Nous avons entrepris ces initiatives en collaboration étroite avec les gouvernements provinciaux, dont beaucoup ont, comme vous le savez, joué un rôle clé pour amorcer cette transition permettant de nous éloigner de l'électricité produite à partir du charbon.
En même temps, le budget de 2017 comporte des crédits destinés à appuyer diverses mesures permettant d'accélérer le développement et la mise en service de nouvelles technologies liées à l'énergie renouvelable. Les investissements prévus en matière d'infrastructure soutiendront les réseaux intelligents et l'interconnexion des réseaux électriques. Dans son étude préliminaire, votre comité a déjà reconnu que ce sont là d'importantes conditions préalables à une décarbonisation encore plus poussée du secteur de l'électricité.
Le président : Permettez-moi de vous interrompre. Je vois que vous êtes loin d'avoir terminé. Nous avions prévu 15 minutes pour les deux exposés. Or, vous venez de passer le cap des 10 minutes. Je suis désolé, tout cela est très important, mais le temps nous est compté et je fais appel à votre compréhension.
Le sénateur Massicotte : Nous avons tous un exemplaire de votre exposé et vous pouvez tenir pour acquis que nous le lirons, si tant est que nous ne l'ayons pas déjà fait.
M. Moffet : Est-ce à dire que vous ne souhaitez pas que je m'étende trop sur ce sujet? C'est très volontiers que je conclurais afin que nous puissions passer aux questions.
Permettez-moi toutefois de dire en quelques mots que nous avons par ailleurs prévu un certain nombre de mesures applicables au secteur des transports et destinées aussi à accroître l'efficacité énergétique des bâtiments. Nous avons également, au niveau fédéral, pris des mesures permettant de réduire les émissions de méthane et d'hydrofluorocarbures du secteur industriel. Nous avons pris en outre diverses mesures afin de réduire les émissions des secteurs de l'agriculture et de l'industrie forestière et, je le souligne, afin d'améliorer le captage du carbone émanant de ces secteurs.
J'insiste sur l'importance du troisième pilier du Cadre, à savoir l'adaptation et la résilience au climat. Comme vous le savez, le budget a dégagé d'importantes ressources destinées à permettre aux communautés, aux entreprises et aux particuliers de protéger notre infrastructure contre les changements climatiques, et de diffuser l'information nous aidant tous à prendre les mesures nécessaires pour contrer les inévitables perturbations climatiques.
J'insiste sur le fait que le gouvernement reconnaît que les peuples autochtones sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques, et le budget comprend des crédits destinés à financer des programmes d'adaptation au sein des communautés des Premières Nations et des communautés inuites, mais aussi à aider les communautés autochtones à délaisser progressivement le carburant diésel dont les localités éloignées dépendent actuellement en grande partie pour leurs besoins énergétiques.
Et enfin, le Cadre pancanadien concrétise un engagement fort en faveur de la mise en service de technologies propres, du soutien à l'innovation et, chose très importante, aux mesures permettant à l'innovation de se traduire par la création d'entreprises viables et la création d'emplois à long terme.
Je n'entends pas faire état de la longue liste des crédits prévus à cet égard, mais c'est très volontiers que je répondrais aux questions que vous pourriez vouloir me poser à ce sujet.
Permettez-moi de terminer en insistant sur le fait que la conception de ce Cadre pancanadien a fait appel à la collaboration des divers gouvernements et a profité de contributions importantes de la part des Canadiens.
Si nous sommes d'accord qu'il s'agit d'une réalisation importante, nous devons également reconnaître que la mise en œuvre de ce Cadre va se heurter à un certain nombre de difficultés. Le gouvernement consacre une énergie considérable à l'établissement des mécanismes de gouvernance qui sont nécessaires si nous voulons pouvoir continuer à faire en sorte que ces mesures sont mises en œuvre de la manière la plus efficace et la mieux coordonnée possible. J'entends par « coordonnée », la coordination entre les divers secteurs du gouvernement fédéral ainsi qu'avec nos homologues provinciaux, territoriaux et municipaux.
Je tiens à dire, pour terminer, que, comme nous nous y sommes engagés dans ce Cadre, nous étudions les moyens de nous ménager la collaboration d'experts pouvant contribuer à la mise en œuvre du cadre, ajouter leurs efforts à ceux des organismes gouvernementaux, assurer la transparence de nos travaux, contribuer à les faire connaître et faire en sorte que nos efforts se fondent sur les données que nous procurent une science émergente.
Le président : Je vous remercie.
Nous allons maintenant passer la parole à M. Keenan.
Sean Keenan, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Nous pouvons, si vous le souhaitez, passer directement aux questions. Je n'ai aucune objection.
Le président : Bon. Nous allons donc commencer.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Merci d'avoir accepté notre invitation à comparaître devant notre comité, étant donné que nous avons dû annuler la réunion la dernière fois. Il s'agit d'un dossier très important pour les Canadiens qui aura un impact sur toutes les familles. Il faut tenir une discussion sérieuse pour nous assurer de bien comprendre.
Dans vos documents, vous avez fait un calcul détaillé en ce qui concerne l'atteinte des objectifs. C'est rassurant à la lecture de ce document, puisqu'il y a un plan. On a l'impression qu'on sait où on s'en va, et la présentation de M. Moffet, ce matin, fournit plus de précisions sur le plan. C'est bien de fournir des chiffres, mais il faut déterminer nos objectifs.
En même temps, quand j'examine les documents du budget, je constate que des chiffres sont associés aux objectifs. J'ai souvent l'impression que le document du budget est comme une liste de souhaits. On accorde des sommes importantes à des objectifs, mais est-ce seulement une liste de souhaits des résultats qu'on espère obtenir ou y a-t-il un plan détaillé pour arriver à une réduction des émissions de CO2 à l'aide de ces mesures?
[Traduction]
M. Moffet : Je voudrais commencer par vous livrer quelques éléments de réponse avant de passer la parole à mon collègue, Matt Jones.
Le plan comporte plusieurs volets, dont un certain nombre de mesures très concrètes qu'il est possible de vous exposer de manière détaillée. C'est ainsi, par exemple, que le gouvernement fédéral s'est engagé en ce domaine à adopter les divers règlements nécessaires. La prise de ces règlements sera précédée d'une large consultation, mais la réglementation sera effectivement mise en œuvre. Cela permettra de réduire la consommation énergétique dans certains secteurs d'activité.
Le gouvernement s'est également engagé à mettre en place un mécanisme de tarification du carbone. Nous sommes dès maintenant en mesure de vous assurer que la tarification du carbone sera instaurée dans tous les ressorts. Nous ne sommes pour l'instant pas en mesure de vous dire quelle sera au juste la configuration de cette réglementation dans les divers ressorts, car le gouvernement fédéral en a, dans un premier temps, laissé l'initiative aux provinces et aux territoires, qui ont jusqu'à l'année prochaine pour mettre en place le dispositif. Quatre systèmes sont d'ores et déjà en place et nous savons que d'autres provinces et territoires étudient activement le genre de système qu'ils souhaitent instaurer. Nous nous attachons par ailleurs à élaborer un dispositif fédéral qui pourra être mis en place dans tout ressort qui nous en fait la demande, ou qui n'a pas pris ses propres mesures. Ce n'est pas là un simple projet, mais nous ne sommes pas encore en mesure de préciser les contours de ce dispositif.
En ce qui concerne le financement, maintenant, une grande partie des crédits prévus dans le budget revêtent un caractère directionnel, et cela pour une bonne raison. Nous souhaitons en effet, dans la mesure du possible, optimiser ces moyens financiers, et nous souhaitons donc que les provinces nous fassent des propositions en ce domaine avec un apport financier équivalent au nôtre. Pour ce qui est de certains autres crédits dégagés par le gouvernement, nous espérons que le secteur privé nous fera, là encore, des propositions.
Nous savons à quoi nous souhaitons employer ces crédits, mais nous ne sommes pas encore tout à fait en mesure de dire exactement comment ils seront utilisés ou qui seront nos partenaires.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Dans les documents que #vous nous avez transmis, vous énumérez les objectifs et vous précisez des chiffres en ce qui concerne les impacts du CO2. En d'autres mots, vous démontrez comment on atteindra nos objectifs à l'aide de chiffres précis. Disons qu'en 2030, dans 13 ans, on se réunisse pour examiner avec recul les cibles qu'on a atteintes par rapport à nos objectifs. Êtes-vous persuadé, à 90 p. 100, que les objectifs auront été atteints à l'aide des mesures déjà précisées?
[Traduction]
Matt Jones, directeur général, Bureau de la politique climatique, Direction générale de la politique stratégique, Environnement et changement climatique Canada : Je vais vous répondre sur ces deux points, c'est-à-dire à la fois sur la question des objectifs et sur les mesures mises en place pour l'exécution du plan. Je voudrais également dire un mot du degré d'assurance que nous avons de pouvoir mettre ces mesures pleinement en œuvre et obtenir les résultats voulus et préciser dans quelle mesure nous pensons pouvoir atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.
Le Cadre pancanadien est exposé dans un long document qui prévoit un large éventail de mesures, dont de nouvelles initiatives. Il comprend en effet plus de 50 nouvelles initiatives dans le cadre des quatre piliers dont nous avons fait état, c'est-à-dire les mesures d'atténuation, la tarification du carbone, les mesures d'adaptation et les technologies propres. Dans chacun de ces domaines, les mesures arrêtées en sont à diverses étapes de développement. Nous avons procédé à des analyses approfondies des divers choix qui s'offrent à nous, et ces analyses ont servi de matière première à l'élaboration du plan, en l'occurrence les rapports des groupes de travail. Le rapport du groupe de travail sur les mesures d'atténuation compte plus de 200 pages consacrées à diverses initiatives, et aux divers choix qui se présentent, aux divers outils qui pourraient être employés et aussi aux contraintes à prendre en compte dans les divers secteurs. Nous avons tiré de ces divers éléments le Cadre pancanadien, qui prévoit donc déjà un certain nombre d'initiatives, mais nous allons devoir les étoffer avant de les mettre en œuvre.
Nous pouvons déjà, en ce qui concerne certaines mesures, évaluer de manière assez précise les réductions qu'elles permettront, et procéder à leur modélisation. C'est ainsi que nous étant entendus sur le calendrier et les principales sources de pollution, nous pouvons, pour ce qui est de l'abandon progressif des centrales au charbon, modéliser les réductions d'émissions que cela permettra.
Il est, à l'heure actuelle, beaucoup plus difficile par contre d'évaluer les autres mesures et en particulier celles dont la mise en œuvre va dépendre d'un financement fédéral et des fonds à levier financier appelant la participation des provinces et d'autres partenaires. Nous ne les avons donc pas encore chiffrées, car en matière d'infrastructure verte, par exemple, les modalités finales n'ont pas encore été arrêtées et les appels à propositions n'ont pas encore été envoyés. Nous ne savons pas encore au juste quels sont les projets envisagés, et nous ne sommes donc pas, pour cela, en mesure d'en prévoir l'aboutissement.
Nous savons que les investissements dans le domaine des transports en commun entraîneront une baisse des émissions, mais tant que nous ne savons pas quels sont les projets envisagés, nous ne pouvons pas les évaluer de manière crédible.
Nous avons été prudents au niveau des chiffres que nous avançons en matière de baisse des émissions. Nous évaluons à 175 mégatonnes la baisse prévue des émissions pouvant découler des mesures que nous pouvons modéliser fiablement, mais cela ne prend pas en compte un certain nombre d'initiatives de financement. Vous avez constaté que le budget prévoit des montants considérables pour la technologie propre, l'infrastructure verte, et le passage à une économie à faibles émissions de carbone notamment.
En ce qui nous concerne, et s'agissant des ressources qui nous sont affectées dans le cadre du budget, nous avons voulu, dans un premier temps, dresser la liste des mesures à prendre dans le contexte de ce cadre. L'étape suivante consiste à parvenir à un accord sur ces diverses mesures, puis à en assurer la mise en œuvre. Dans certains cas nous allons pouvoir le faire avec les ressources dont nous disposons actuellement, mais dans d'autres cas cela exigera de nouvelles ressources.
Mes collègues du ministère des Finances pourront vous en dire davantage au sujet des procédures rigoureuses que nous devons appliquer pour documenter, expliquer et justifier les besoins dont nous faisons état, mais je peux dire que nous avons dû, pour obtenir les ressources qu'exige la mise en œuvre de ces diverses mesures, faire valoir de bons arguments.
Le sénateur Patterson : Je tiens à remercier nos témoins.
Je représente le Nunavut et nous souhaitons réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Nous savons que la tarification du carbone, qui est, selon vous, un des éléments essentiels du Cadre pancanadien, encouragera les consommateurs de combustibles fossiles à y renoncer en faveur d'autres sources d'énergie.
Permettez-moi d'aborder la question de la mine d'or d'Agnico Eagle, dans le centre du Nunavut, qui a fait naître tant d'espoirs et a créé 700 emplois.
La mine se trouve à l'intérieur des terres, à 110 kilomètres de Baker Lake. L'entreprise a dû elle-même financer la construction de la route. L'usine est alimentée par une centrale électrique de 40 mégawatts alimentée par un réservoir de carburant diesel de 5,6 millions de litres. L'entreprise voudrait bien ne plus recourir au diesel, mais elle ne dispose d'aucune autre source d'énergie. Il est question d'étendre jusque-là les lignes haute tension du Manitoba, mais les pourparlers n'en sont qu'à l'étape préliminaire. Les autorités du Nunavut souhaitent obtenir de quoi financer une étude de faisabilité sur le prolongement de cette ligne de transmission. En effet, au Nunavut, l'électricité propre n'existe pas.
On voit donc se profiler l'horizon 2018, et, selon le Cadre pancanadien, c'est à cette date que devrait entrer en vigueur la tarification du carbone.
Les élections territoriales auront lieu à l'automne, au mois d'octobre. Nous avons reçu la visite d'un groupe de fonctionnaires fédéraux venus voir à quoi ressemble le Nunavut. Je crois savoir qu'il n'y a pas eu la moindre discussion au sujet des difficultés particulières que peut soulever ici la tarification du carbone. Je me réfère sur ce point à l'exposé que vous nous avez présenté.
Je vous demande donc comment cela va se passer au Nunavut? Comment convenir de nouvelles approches? Selon le dernier budget fédéral, le MAINC va obtenir 21,4 millions de dollars sur quatre ans pour financer les mesures permettant d'aider les communautés à réduire leur dépendance au diesel. Vous avez évoqué les 21,9 milliards de dollars qui doivent, sur 11 ans, être consacrés aux investissements dans l'infrastructure verte. On doit construire un barrage hydroélectrique à Iqaluit, ville dont la consommation énergétique compte pour un tiers de l'électricité produite au Nunavut à partir de diesel, mais, je regrette d'avoir à le dire, la réglementation nécessaire, les études environnementales et la planification de la centrale vont prendre 10 ans.
Vous êtes les mieux placés pour me dire où vous en êtes au juste au plan d'une approche novatrice à la tarification du carbone au Nunavut, avant que soient prises, comme vous le disiez dans votre exposé, les décisions finales. Pour nous, il y a urgence et je ne sais pas très bien où nous en sommes.
M. Moffet : Eh bien, monsieur le sénateur, nous nous sommes fermement engagés à mener des études de concert avec chacun des territoires, afin de bien comprendre les incidences que la tarification du carbone pourrait avoir sur les territoires, et les incidences que la tarification du carbone au sud du 60e parallèle pourrait avoir sur les territoires. Je dis cela, car une partie des coûts que la mise en œuvre des mesures projetées va entraîner au sud du 60e parallèle pourrait être répercutée sur les territoires sous la forme des prix à la consommation.
Nous venons d'avoir des discussions initiales avec les représentants de chacun des territoires, et dans deux ou trois semaines, des discussions quadripartites vont réunir les trois territoires et le gouvernement fédéral. Nous nous proposons de dégager une approche commune aux parties prenantes avant de procéder à trois séries d'examens bilatéraux. Il est trop facile de parler comme cela des territoires en oubliant que chacun d'eux se trouve dans une situation différente au plan économique, au plan géographique et au plan aussi des ententes passées avec les diverses communautés autochtones. C'est pourquoi nous entendons engager des études bilatérales et nous pencher sur les difficultés qui se présentent dans chacun des territoires.
Le sénateur Patterson : D'après la compagnie dont je parlais tout à l'heure, l'une des trois entreprises exploitant des mines au Nunavut, la tarification du carbone leur coûtera, à horizon 2025, 20 millions de dollars par an.
L'entreprise souhaite investir 2 milliards de dollars dans l'exploitation de deux nouveaux gisements. Cela emploierait 2 000 personnes et je précise que l'entreprise emploie de plus en plus d'Inuits.
C'est dire qu'étant donné le montant des investissements en cause, il nous faudrait obtenir sans tarder des réponses. Les sociétés minières voudraient savoir si cela va réduire encore davantage la viabilité économique de leurs activités dans cette région où les coûts d'exploitation sont particulièrement élevés.
N'allons-nous pas nous trouver à court de temps par rapport à l'échéance de 2018, et serait-il possible de reporter l'adoption de la tarification du carbone dans les territoires?
M. Moffet : Je ne suis pas en mesure de répondre à votre dernière question, mais je vous assure que l'achèvement de ces études est une de nos grandes priorités. Nous allons, dans le cadre de ces études, nous pencher sur toute la gamme d'incidences que cette tarification pourrait avoir dans les divers territoires, aussi bien au plan du large éventail de services gouvernementaux assurés dans les zones urbaines, qu'en ce qui concerne les répercussions que cela pourrait avoir sur les habitants des communautés éloignées ainsi que sur certaines activités industrielles bien précises, qu'elles soient actuelles ou simplement envisagées. Nous savons l'importance que cela revêt pour l'économie du Nord et j'ai bon espoir que nous pourrons mener ces études à bonne fin au cours de l'été et du début de l'automne.
Le sénateur Wetston : Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. J'aurais une question à vous poser sur ce que vous avez dit au sujet des initiatives réglementaires. Vous avez, naturellement, étudié les circonstances entourant, en Ontario, l'abandon progressif du charbon. Le sénateur Dean et moi-même avons tous les deux eu l'occasion d'en faire l'expérience sur le plan professionnel. Pourriez-vous nous dire les effets qu'ont pu entraîner ces efforts en vue de délaisser progressivement le charbon en faveur de l'énergie verte. Avez-vous analysé la question? Si c'est effectivement le cas, pourriez-vous nous faire part des résultats?
Ma deuxième question concerne davantage l'objectif ambitieux que vous vous êtes fixé à l'horizon 2030. Nous mesurons tous l'ambition du but affiché. J'ai le sentiment que dans ce secteur d'activité, pour ce qui est de l'énergie, de la conservation et de la gestion de la demande, les difficultés proviennent moins de la technologie que des comportements. Il va être très difficile d'atteindre les objectifs affichés si l'on n'obtient pas la modification souhaitable des comportements. Or, les changements de comportement exigent en général des incitatifs qui ne se limitent d'ailleurs aucunement à l'argent.
Nous comprenons fort bien que le secteur privé doit obtenir un rendement sur le capital investi. Le sénateur Patterson vient de nous expliquer cela, mais la mise en œuvre de cette politique d'intérêt public doit aller au-delà. Pourriez-vous m'aider à mieux comprendre la manière dont vous envisagez les incitatifs permettant d'obtenir un changement de comportement?
M. Moffet : Excusez-moi, mais je n'ai pas très bien saisi le sens de votre première question.
Le sénateur Wetston : Vous évoquez, dans le paragraphe en question, une accélération de l'abandon progressif d'ici 2030 des centrales alimentées au charbon. En Ontario, nous en avons effectivement pris la décision. Je représente l'Ontario au Sénat et je me suis donc beaucoup intéressé à la question. Pourrait-on savoir les analyses que le gouvernement fédéral a effectuées de ce qui s'est fait en Ontario. Les autres provinces devront, éventuellement, renoncer elles aussi au charbon, et je voudrais mieux comprendre les enseignements que vous avez pu tirer de ce qui s'est fait en Ontario. Mais, cela ne vous a peut-être rien enseigné.
M. Moffet : Je vais passer la parole à ma collègue Helen Ryan, directrice générale, Direction de l'énergie et des transports. C'est elle qui est en charge du développement de la réglementation actuellement en vigueur, et de sa modification.
Nous nous attachons à œuvrer de concert avec chaque province qui continue à recourir au charbon pour produire de l'électricité. Les paramètres de la situation sont tels que nous avons prévu, pour cette transition, un délai assez long, même si nous accélérons actuellement les choses. Ça, c'est un premier point. Nous avons, dès le premier règlement, prévu un délai de 15 ans. Il s'agissait essentiellement de prendre en compte le cycle de vie des installations actuelles. Nous cherchions notamment à éviter le délaissement d'actifs et nous souhaitions nous assurer que nous n'investirions désormais plus dans de nouvelles centrales au charbon. Nous écourtons maintenant quelque peu les délais, mais ceux-ci demeurent relativement longs.
Et puis nous avons voulu, dans le cadre du budget fédéral, outre l'impulsion réglementaire, accorder aux provinces les crédits qu'il leur faut pour assurer la transition vers d'autres formes d'énergie, éventuellement en finançant des interconnexions facilitant et rendant financièrement plus faisable la transition à d'autres formes d'énergie, sans trop de perturbation des coûts.
Permettez-moi maintenant de passer la parole à ma collègue qui a étudié plus à fond la question.
Helen Ryan, directrice générale, Énergie et transport, Direction de la protection environnementale, Environnement et Changement climatique Canada : Ainsi que John le disait, nous avons instauré une réglementation qui exige l'abandon progressif des centrales électriques à charbon. Avant d'instaurer cette réglementation, nous avons, je le précise, effectué un calcul détaillé des coûts que cela entraînerait. Nous avons, depuis, continué à suivre de près la situation et maintenant, ainsi que John vient de le dire, nous tentons d'accélérer l'abandon progressif du charbon.
Nous instaurons actuellement des normes en matière d'électricité produite à partir de gaz naturel, y compris pour la transformation des chaudières, car la production d'électricité exige tout un système. Or, la modification d'un des éléments du système exige d'autres transformations. Nous appréhendons le problème dans sa globalité et nous travaillons de concert avec nos collègues de Ressources naturelles Canada, ministère chargé de fournir aide et conseils en matière d'interconnexions, de lignes de transmission et de divers autres projets nécessaires pour assurer que nous disposerons à l'avenir d'un système de production énergétique propre et durable.
Nous avons, effectivement, pris en compte ce qui s'est fait en Ontario. Notre analyse initiale ne date pas d'aujourd'hui puisque notre réglementation est entrée en vigueur il y a déjà un certain temps, et nous avons continué à suivre ce qui se faisait ailleurs, en Alberta par exemple.
Je tiens à préciser que nous avons conclu avec la Nouvelle-Écosse un accord d'équivalence touchant l'abandon progressif de l'électricité produite à partir du charbon. Lors du lancement du Cadre pancanadien, les gouvernements de Nouvelle-Écosse et du Canada ont précisé les principes qui devront régir, à l'avenir, les modifications pouvant être apportées à cet accord d'équivalence.
Nous avons travaillé en étroite concertation avec les ressorts qui assurent eux-mêmes la gestion de leur réseau électrique. Nous prenons en compte les décisions qu'ils prennent, afin d'investir là où les crédits fédéraux sont les mieux à même de soutenir la transition. Tout cela fait préalablement l'objet d'analyses coûts-avantages approfondies.
Nous travaillons actuellement au développement des modifications proposées. Nous allons nous attaquer en premier à la question des coûts et des incidences, de concert avec mes collègues du ministère ainsi qu'avec les provinces et les intervenants du secteur.
Derek Hermanutz, directeur général, Direction de l'analyse économique, Politique stratégique, Environnement et Changement climatique Canada : Je voudrais ajouter à ce qu'Helen vient de nous dire qu'à chaque fois que le gouvernement fédéral adopte un règlement, nous publions un résumé détaillé de l'étude d'impact de la réglementation. Celui qu'Helen a cité remonte à 2012 et concerne l'abandon progressif de la production d'électricité à l'aide de charbon. Nous avons en cela travaillé en étroite concertation avec les provinces et les secteurs d'activité touchés. L'analyse coûts-avantages que nous avons effectuée à l'époque avait démontré que, dans l'ensemble, en matière de gaz à effet de serre, mais aussi au niveau des avantages indirects pour la santé, les avantages l'emportaient sensiblement sur les coûts des mesures envisagées. Nous procéderons au même type d'analyse pour ce qui est de la réglementation à venir.
La sénatrice Griffin : Je représente l'Île-du-Prince-Édouard. L'élévation du niveau de la mer est une conséquence majeure du changement climatique. C'est d'ailleurs quelque chose qui me touche de près, étant donné que ma maison est située sur la côte. Je suis donc directement intéressée à la question.
Le plan que vous nous avez présenté est très impressionnant. J'aime beaucoup la manière dont vous avez fixé les objectifs à l'aide d'instruments économiques et de mesures politiques et réglementaires. Il n'en reste pas moins que cela soulève des difficultés très considérables. A-t-on calculé dans quelle mesure le Canada va effectivement parvenir à atteindre les objectifs?
M. Moffet : Eh bien, monsieur le sénateur, notre but est d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. L'exposé le plus clair des moyens dont les diverses mesures présentées dans le Cadre pancanadien vont, ensemble, permettre de réaliser les objectifs fixés se trouve à la page 53 du Cadre pancanadien. C'est le graphique à barres que je montre à tout le monde.
Je vais commencer par vous en donner une brève description afin de vous montrer pourquoi nous sommes confiants de pouvoir atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé. Cette analyse a été menée par mon collègue, M. Hermanutz.
Il y a, en bleu, les mesures déjà en place. Elles continuent, bien sûr, à avoir des effets, et plus une mesure revêt un caractère concret, plus il nous est facile de modéliser ses incidences. Nous commençons à être très confiants en ce qui concerne les mesures que nous avons conçues. Nous en connaissons le détail et nous pensons qu'elles auront effectivement ce niveau d'incidences.
Passons maintenant à la barre suivante, qui comprend les mesures très précises annoncées dans le Cadre pancanadien, des mesures telles que la réglementation évoquée par ma collègue Helen Ryan. Certaines de ces mesures n'ont pas encore été finalisées, mais nous savons d'ores et déjà quels sont les résultats que nous en attendons. Il nous reste à finaliser les détails du cheminement devant nous permettre d'atteindre l'objectif.
Le but du règlement sur les véhicules utilitaires lourds est de réduire de 41 mégatonnes les émissions. Nous projetons de réduire de 40 à 45 p. 100 les émissions de méthane provenant de l'industrie du pétrole et du gaz, et les normes de propreté du carburant devraient nous permettre une baisse supplémentaire de 30 mégatonnes.
Nous sommes actuellement en pourparlers avec les responsables du secteur au sujet des détails de conception, mais nous pouvons néanmoins avancer ces chiffres, car nous nous sommes engagés à prendre des mesures qui nous permettront de les atteindre. Mais là, c'est la barre suivante.
Et puis il y a, en outre, un certain nombre de mesures, telles que celles que nous a décrites M. Jones, qui aideront les Canadiens à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit, par exemple, des mesures en faveur des transports en commun. Ça, c'est la barre du bas. C'est cela qui comble l'écart. Nous nous sommes montrés très prudents quant aux incidences de ces dernières mesures. Nous n'affirmons pas être parfaitement capables d'atteindre ces objectifs, mais nous avons été très prudents dans notre modélisation et nous sommes confiants que les autres mesures que nous allons prendre, plus douces celles-ci, permettront de combler l'écart.
Le gouvernement a par ailleurs précisé que dans le cadre du régime international qui a été instauré, les divers gouvernements pourront toujours racheter à d'autres pays leurs quotas de réduction des émissions, et ces quotas pourront être intégrés aux résultats obtenus. Il est possible que nous procédions ainsi dans l'hypothèse où nous ne parvenons pas tout à fait à atteindre notre objectif, mais nous ne nous sommes pas engagés à le faire. Nous n'avons pris aucun engagement chiffré, car nous nous sommes donné pour objectif de parvenir à cette réduction par nos propres moyens. Comme l'indique le tableau, nous sommes confiants d'y parvenir.
La sénatrice Griffin : Voilà une attitude tout à fait positive.
La sénatrice Seidman : Je vous remercie des exposés que vous nous avez présentés.
Monsieur Moffet, j'aurais quelques questions à vous poser au sujet de ce que vous avez dit des divers secteurs d'activité industriels. Vous avez dit, en effet, que les règlements adoptés en vue de réduire les émissions de méthane et d'hydrofluorocarbures vont s'allier à l'innovation à long terme et au développement technologique.
Nous avons auditionné les représentants des industries du ciment, de l'aluminium et de l'acier. Or, d'après eux, certains secteurs de l'économie canadienne encourent des risques particuliers. Selon eux, dans ces secteurs d'activité, la réduction des émissions a atteint son plafond compte tenu de l'état actuel de la technologie. Ils estiment que tout progrès dépend désormais d'innovations technologiques majeures qu'on ne saurait attendre avant assez longtemps.
Permettez-moi de citer ce que nous a dit un de nos témoins. Pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez. Selon ce témoin,
Alors que les gouvernements canadiens se sont prononcés en faveur de la tarification du carbone, de nombreux centres de réflexion réputés... se sont penchés sur les incidences que la tarification du carbone aura sur la compétitivité.
Les résultats obtenus concordent tous. Si, au total, la tarification du carbone ne devrait avoir que de faibles incidences sur la compétitivité, certains secteurs d'activité sont particulièrement vulnérables...
Il s'agit, de l'aveu général, des industries énergivores exposées à la concurrence internationale.
Il est donc essentiel que lors de la conception de systèmes de tarification du carbone, les gouvernements tiennent compte du fait que nos concurrents sur les marchés internationaux, tant à l'importation qu'à l'exportation, ne sont pas soumis à ces mêmes systèmes de tarification et que cela fausse les conditions de la concurrence au détriment des entreprises canadiennes.
Si l'on part de l'hypothèse que tout cela va coûter très cher à nos entreprises, et qu'on ne peut guère s'attendre à de grandes innovations en ce domaine, quelles réflexions vous inspire cette citation?
M. Moffet : Le gouvernement fédéral est, je pense, entièrement d'accord avec cette analyse, mais ne partage pas nécessairement l'hypothèse de départ selon laquelle il n'y aura plus d'innovations. Laissons cependant cela de côté un instant.
D'après le passage que vous avec cité, il existe, dans l'économie canadienne, une sous-catégorie, modeste, mais importante, que l'on appelle, dans le domaine, le secteur à forte concentration d'émissions et exposé à la concurrence internationale. Il s'agit de secteurs énergivores qui, tant que nous continuerons à employer des carburants à base de carbone, nous continuerons à rejeter une forte concentration d'émissions. C'est une des raisons pour lesquelles nous accordons une telle importance à l'écologisation encore plus poussée de notre secteur énergétique et aux mesures destinées à aider l'industrie à recourir davantage à l'électricité. C'est une partie de la solution.
Mais les secteurs en questions sont actuellement exposés à la concurrence internationale. Autrement dit, ils sont concurrencés, sur les marchés internationaux, par des entreprises qui ne sont pas, implicitement ou explicitement, soumises à un même régime de tarification du carbone.
Nous en sommes parfaitement conscients. Nous sommes en outre parfaitement d'accord que le régime de tarification du carbone doit être conçu en fonction de ces réalités. Cela dit, il me semble que presque toutes les études évoquées dans le passage que vous nous avez cité reconnaissent qu'un régime de tarification du carbone peut être conçu de manière à répondre à un double objectif. D'abord, fournir une incitation financière à la réduction des émissions, et, en même temps, continuer à réduire les coûts que la tarification du carbone va entraîner pour le secteur en question. Or, comment y parvenir?
Il y a, au Canada, deux excellents exemples de cela. En Alberta, le gouvernement s'attache actuellement, à l'intention des entreprises énergivores exposées à la concurrence internationale, à établir des normes de rendement axées sur les résultats. Il s'agit, essentiellement, de normes axées sur le bilan énergétique des entreprises qui maîtrisent le mieux leurs émissions. La norme va ainsi prévoir que dans tel ou tel secteur une entreprise performante va, disons, émettre 100 tonnes de GES par unité de production. Ce sera la norme applicable. À la fin de l'année, on calculera le nombre d'unités produites, le nombre de tonnes d'émissions, et les entreprises qui ont dépassé la norme devront rembourser la somme correspondant au seul dépassement et non au total des émissions. Les entreprises qui restent en deçà de la norme obtiendront un crédit et c'est en cela que réside l'incitatif. L'entreprise qui demeure en deçà de la norme obtient un crédit qu'elle peut revendre à un concurrent moins efficace.
Les entreprises sont donc incitées en permanence à réduire encore davantage leurs émissions, et la tarification ne s'applique qu'à la marge. Pour l'entreprise, le coût est sensiblement plus faible qu'il ne le serait avec une tarification applicable à chaque tonne d'émissions.
C'est dire que le régime de tarification du carbone peut être conçu de manière à la fois à inciter les entreprises à réduire leurs émissions et à épargner à tel ou tel secteur d'activité l'augmentation considérable des coûts à laquelle il serait autrement exposé.
J'ajoute qu'en ce qui concerne les secteurs d'activité en question, les gouvernements disposent de multiples autres possibilités y compris — et c'est là un élément essentiel du débat sur la tarification du carbone — au niveau de la manière dont les revenus seront utilisés. Les recettes provenant de la tarification pourraient, en effet, demeurer dans les caisses de nos collègues des Finances, ou dans celles des gouvernements provinciaux, mais il y a de nombreuses autres manières de les employer. Le gouvernement fédéral s'est pour sa part engagé à remettre aux provinces les recettes de la tarification du carbone, et ce sera donc aux provinces de décider comment employer cet argent. Il peut, en effet, être employé de diverses manières. Il y a, au Canada, de nombreux exemples de cas où les recettes sont consacrées aux familles les plus vulnérables ou aux efforts en vue d'encourager l'innovation dont les entreprises énergivores les plus exposées à la concurrence internationale ont besoin pour maintenir leur compétitivité dans une économie à faibles émissions de carbone. Dans certains cas, les recettes pourront également servir à subventionner de coûteux travaux de rénovation énergétique. Cet éventail de possibilités s'offre à tous les gouvernements.
C'est dire qu'il existe bien des manières de procéder et je tiens à vous assurer que nous sommes pleinement conscients des difficultés que vont éprouver ces divers secteurs d'activité.
M. Keenan : Le cadre prévoit deux engagements à collaborer avec les provinces, les territoires et les experts quant à l'aspect tarification. Le premier s'exécutera assez tôt, d'ici 2020, et il portera précisément sur les moyens de s'occuper de la question des industries énergivores exposées à la concurrence internationale. Cela fait donc partie de notre plan de travail presque immédiatement. Le deuxième engagement porte sur un examen du cheminement à partir de 2022.
En plus du fait que nous avons des exemples pratiques au Canada d'administrations qui ont institué une tarification du carbone et ont utilisé les outils disponibles pour régler certaines des préoccupations de leurs acteurs industriels, nous nous engageons à examiner des moyens que d'autres pays pourraient utiliser, d'autres mécanismes dont nous ne sommes pas conscients pour l'instant, ou que nous ne voulons pas envisager d'une façon plus détaillée à court terme.
Le président : J'aimerais ajouter un peu à cela. Vous devez parler du moment où on passera sérieusement à l'action. Tout ce que j'entends dire, c'est qu'on va faire un petit peu ici, et autre chose là. J'ai toujours entendu dire que ce ne sont pas les unicornes ni la poussière de lutin qui font tourner le monde.
Des choses réelles se produisent. Ces industries sont véritablement inquiètes. Elles sont claires dans ce qu'elles nous disent, et ce ne sont pas des plaisanteries. Ce que la sénatrice Seidman a dit était vrai. Beaucoup de travail a été fait, mais je ne vois nulle part, même dans ce que vous avez dit, monsieur — tout ça est très beau —, je ne vois nulle part quelque chose qui dise : « C'est à ce moment qu'on passe sérieusement à l'action et voici ce qui va arriver. »
Nous savons, par exemple, qu'une cimenterie a déjà été fermée en Colombie-Britannique. Je suppose qu'il y en a d'autres aussi. Et cela avec une taxe sur le carbone de 30 $ la tonne seulement.
J'espère que nous arriverons à des choses plus concrètes au sujet de ce que nous allons faire réellement. Excusez-moi de m'exprimer ainsi, mais j'aimerais que cela se produise, et j'aimerais beaucoup l'entendre dans les questions et les réponses.
Sénateur Dean.
Le sénateur Dean : Merci de votre présence. Je commencerais en vous remerciant tous du travail que vous faites au nom des Canadiens tous les jours. C'est un dossier difficile et complexe, prioritaire pour le gouvernement et les Canadiens, et vous y travaillez dans un contexte fédéral, intergouvernemental, continental et mondial. C'est une tâche qui est loin d'être aisée.
Vous avez mentionné la gouvernance et la structure de gouvernance que vous avez en place en ce qui concerne les relations avec les provinces et les territoires. J'aimerais vous entendre parler de votre gouvernance interne dans le cadre de la structure fédérale. Les acteurs sont nombreux, certains d'entre eux bien musclés et d'autres motivés par les parties prenantes dont nous venons d'entendre parler. Je sais que tout cela s'infiltre dans les relations entre les ministères.
Compte tenu de tous ces intérêts concurrents, quelle structure de gouvernance avez-vous instituée pour arriver à des dispositions optimales permettant un partage des renseignements en temps opportun et encourageant le débat en temps réel sur l'interrelation entre l'environnement et l'économie? Cela serait intéressant, parce que je m'intéresse à la façon dont le gouvernement fonctionne.
Je m'intéresse aussi à ce qui vous empêche de dormir la nuit, compte tenu de toute cette complexité. Y a-t-il une faille ou un élément du plan dans son ensemble qui vous empêche de dormir, ou est-ce que le dossier au complet vous tient éveillé?
Ce sont des questions qui s'entrecoupent, je crois.
M. Moffet : Sans aucun doute, la mise en œuvre est et continuera d'être un défi. Indéniablement, les gouvernements sont de gros monstres rigides, où règnent une inertie institutionnelle et des mandats différents.
Je dirais que la solution parfaite n'existe pas, mais si je peux dormir relativement bien, c'est parce que nous pouvons constater, de notre point de vue dans les ministères, un effort concerté venant du centre du gouvernement pour faire de cette chose une priorité continue. Ce n'est pas simplement politique. Sur le plan politique, vous avez pu constater que les lettres de mandat de tous les ministres précisent une obligation de collaborer avec les autres ministres. Je peux vous dire que ces quelques lignes seulement ont eu un impact sur la façon dont nos organismes respectifs fonctionnent, parce que nos ministres s'y attendent et cela descend tout le long des échelons.
Par ailleurs, je dirais que l'orientation et la surveillance maintenue proviennent du centre même du gouvernement, du Conseil privé, au niveau le plus élevé. Le « fort » qui a la responsabilité d'unir la gouvernance est Matt Jones; il pourra vous parler en détail de ces dispositions.
M. Jones : Je le ferai avec plaisir.
Il y a un certain nombre d'éléments de gouvernance au sein du gouvernement fédéral et, de façon plus générale, chez ses homologues provinciaux et territoriaux. Je tenterai de décrire ceci rapidement.
Le sénateur Dean : Les éléments internes seulement.
M. Jones : Les éléments internes seulement, bien sûr.
Au sein du gouvernement fédéral, il y a les intervenants politiques et les fonctionnaires chargés de veiller à la mise en œuvre rapide et efficace de toutes ces mesures. L'organisme le plus central que nous ayons créé est un comité de sous- ministres dont le sous-greffier du Conseil privé, qui est aussi le sous-ministre responsable des affaires intergouvernementales, et le sous-ministre d'Environnement Canada sont les coprésidents. Ce groupe se réunit régulièrement pour débattre de questions propres à la mise en œuvre.
Ce groupe est aussi appuyé par un comité de sous-ministres adjoints qui se réunit encore plus régulièrement pour surveiller les progrès et régler les problèmes au fur et à mesure qu'ils surviennent afin de faire en sorte que ces mesures avancent de façon opportune.
Nous avons suivi un processus selon lequel nous avons identifié et approuvé les pilotes, les copilotes — qui appuie qui et qui assure un soutien à chacune des mesures individuelles du Cadre pancanadien. Nous estimons avoir une responsabilisation claire. Les éléments individuels avancent sous l'orientation des ministres et sous-ministres individuels d'un certain nombre de ministères, mais de façon coordonnée dans tous ces mécanismes.
De plus, le Bureau du Conseil privé a créé l'Unité chargée des résultats et de la livraison, qui a la responsabilité de veiller à l'exécution efficace du mandat du gouvernement. Je peux vous garantir que le changement climatique et le Cadre pancanadien sont un élément clé de leurs efforts. Ils sont en train de mettre au point des fiches de rendement.
Notre ministre, la ministre de l'Environnement et du Changement climatique est en communication active avec ses collègues du Cabinet, leur rappelant leurs responsabilités et obtenant d'eux des mises à jour.
Il y a aussi un certain nombre d'exigences de rapports au Cabinet, mais aussi aux premiers ministres d'abord. Un des nombreux résultats de la réunion des premiers ministres a été que nous devons leur faire rapport des progrès, ce qui est une motivation pour toutes les personnes en cause, croyez-moi. Il y a aussi d'autres mécanismes.
Pour revenir à votre question au sujet de ce qui nous empêche de dormir la nuit, eh bien, c'est beaucoup de choses. Dans mon cas, mon bureau au sein d'Environnement Canada a été créé précisément pour contribuer à la coordination de ces efforts et assurer leur mise en œuvre efficace, ainsi que pour offrir un soutien à ces comités, à ma ministre et à d'autres.
Pour moi, mon équipe et d'autres, la nécessité de faire avancer toutes ces pièces simultanément est une source de stress et de saine tension. Le processus d'élaboration et de mise en œuvre des politiques est agrémenté de toutes sortes de pressions saines. Il faut guider tous ces éléments de politiques simultanément, tout en suivant les processus intergouvernementaux, en même temps que collaborer avec les peuples autochtones du Canada, collaborer avec les experts, collaborer avec les parties prenantes et établir des communications avec le public — il y a un grand nombre d'éléments dans tout ça. Nous essayons de les faire avancer tous simultanément, mais je dirais quand même que nous y réussissons bien jusqu'à présent.
La sénatrice Galvez : Je crois que rien n'a changé depuis que j'ai commencé à travailler dans le domaine de l'environnement il y a 30 ans dans le fait que votre ministère est important — un élément central du développement de la société — et pourtant, vous êtes un des ministères les moins payés et dotés d'un budget des plus modestes. Je suis donc tout à fait consciente du fait que vous faites votre possible avec les moyens que vous avez.
J'entends beaucoup de pessimisme chez mes collègues, de négativité : « Nous n'allons pas atteindre quoi que ce soit, et tout le monde sera mécontent. » Je crois que cela provient principalement de la façon dont les gens à Environnement se présentent. Ça fait partie de l'élément « Tout le travail que nous avons à faire ». Mais il manque un élément — que j'aurais tant aimé pouvoir voir ici, mais je ne l'ai pas vu —, c'est-à-dire, par exemple, quel serait le coût de ne rien faire? Si nous continuons comme à l'accoutumée, cela coûtera incroyablement cher.
Cette histoire de changement climatique a quelques avantages. On l'a qualifiée de vérité qui dérange; on peut maintenant la qualifier d'occasion propice. Le Canada peut devenir un chef de file; il a tant à offrir.
J'aimerais mentionner quatre choses que je n'ai pas entendues dans votre exposé.
La première, c'est la sécurité alimentaire. Nul autre pays que le Canada peut offrir la sécurité alimentaire et exporter des aliments. De nombreux autres pays souffrent déjà tant; leur agriculture est moribonde à cause du changement climatique.
Nous avons la capacité de communication d'un bout à l'autre du pays. Nous pouvons communiquer. Nous avons l'infrastructure de communication.
L'électricité : nous exportons de l'électricité de la Colombie-Britannique à l'Alberta, du Labrador à la Nouvelle- Écosse ou aux Maritimes, et de la Colombie-Britannique à la Californie. Pourquoi n'exportons-nous pas entre provinces? Nous pourrions peut-être parler de ça.
L'adaptation : les gens et les sociétés qui s'adaptent survivront, prospéreront et dirigeront. Si on s'adapte, on contrecarre les coûts du changement climatique. Il y a un très beau graphique qui montre qu'avec l'adaptation, les avantages augmentent; si on ne s'adapte pas, on disparaît. Dans un marché capitaliste, c'est ainsi que vont les choses. Si on s'adapte, on survit; si on ne s'adapte pas, on meurt.
Nous vivons dans un pays où nous sommes capables de mobiliser des investissements. Le Canada est un des pays les plus riches — je l'ai déjà dit ici — avec tant de zéros dans les montants d'argent qu'il peut mobiliser pour l'investissement. Mais parlez de cela aux gens qui ont des pensions, aux travailleurs et aux gens des compagnies minières.
Mon dernier point porte sur la recherche, l'innovation et le partenariat avec l'industrie. Nous avons une infrastructure qui unit les chercheurs et les partenariats. Nous ne sommes pas comme l'Europe, où il faut faire de la recherche fondamentale éternellement. Nous sommes ici. Pour chaque dollar que l'industrie investit, le NSERC ou nos institutions de recherche contribuent 2 $. Nous avons donc un pouvoir.
Enfin, il y a les femmes. Celles-ci représentent 50 p. 100 de notre population. Nous faisons partie de la société active et nous faisons avancer la société. Nous ne sommes pas dans un pays arabe. Nous ne sommes pas dans mon pays d'origine en Amérique latine, où les femmes sont juste là.
Si on ajoute toutes ces choses, cela serait un peu plus... vous avez dit que le mouvement doit être horizontal et que nous devons réunir tout cela. Peut-être que vous avez pris en considération certains de mes points. Je ne sais pas. Je vous laisse me le dire.
M. Moffet : Eh bien, madame la sénatrice, ma première réaction est la suivante : où étiez-vous quand nous rédigions le Cadre pancanadien? Ou plutôt, j'aurais souhaité que vous nous ayez aidés à le rédiger. Votre optimisme est important, et je peux vous dire que notre ministre le partage.
Cela ne veut pas dire que le cadre est parfait ni que le gouvernement estime avoir toutes les réponses. Le changement qu'a apporté le Cadre pancanadien, c'est que le discours est passé de « Devrions-nous faire quelque chose? » à « Comment allons-nous faire cela? » C'est un changement important.
Par ailleurs, par le truchement du Cadre pancanadien et des communications publiques subséquentes, le gouvernement a tenté de mettre l'accent sur la connexion entre les mesures contre le changement climatique et les occasions économiques, exactement comme que vous l'avez présenté.
Notre ministre réitère continuellement qu'il ne s'agit pas de choix qui s'excluent mutuellement. Elle affirme catégoriquement que nous ne sommes pas les seuls, en tant que citoyens du monde, à avoir besoin de faire notre part pour réaliser des réductions de gaz à effet de serre, mais que le reste du monde y travaille également. Peut-être pas sans à-coup ou uniformément, mais inévitablement et inexorablement, il y a une action et, cela étant, une transition inévitable vers une économie propre.
Toute économie a le choix. Nous pouvons attendre et voir ce qui va se passer, ou nous pouvons prendre les devants et faire en sorte de participer à l'économie émergente. C'est ce point que fait ressortir notre ministre.
Le cadre prévoit de nombreuses mesures conçues spécifiquement pour nous permettre à la fois de réduire nos émissions et de profiter des occasions économiques, ce qui ne veut pas dire que le gouvernement ne reconnaît pas le fait qu'il y aura des coûts en cours de route, mais, comme vous le dites, il y aura encore plus de coûts si nous n'agissons pas. Il y aura encore plus de coûts si nous n'investissons pas maintenant pour nous positionner proactivement afin de pouvoir tirer parti de ces occasions.
Ma dernière remarque porte sur le point important que vous avez soulevé concernant l'importance de la collaboration directe avec l'industrie. Vous avez certainement dû constater dans le budget des investissements considérables en technologie propre. Il ne s'agit pas de fonctionnaires dans des laboratoires de sous-sol travaillant à la technologie propre. Sans aucun doute, une certaine partie de ce travail se fera; nous avons d'excellents scientifiques et instituts de technologie. Mais la grosse part de cet argent ira aux innovateurs canadiens pour la gamme complète des innovations en vue de faciliter la recherche de base, d'aider les jeunes entreprises à démarrer et, en particulier, de s'attaquer à l'écart que nous savons avoir au Canada, l'écart entre les entreprises en démarrage.
Le Canada est extrêmement bon dans la production d'idées et d'entreprises en démarrage. Là où nous avons une lacune, où nous traînons derrière certains autres pays, c'est dans l'augmentation graduelle des investissements pour qu'une bonne idée dans une petite société puisse faire la transition vers une grande société qui puisse vendre ses produits au Canada et dans le reste du monde. C'est au stade de cette augmentation graduelle que nous trébuchons en général, dans la gamme complète de technologies et d'innovations, y compris la technologie propre, et c'est là le point de mire d'une grande proportion de cet investissement dans le budget. Il y aura des montants considérables qui seront attribués, par exemple, à la Banque de développement du Canada, la BDC, qui a le mandat précis de travailler avec l'industrie pour faciliter ce type d'augmentation graduelle de sorte que nous puissions réduire les coûts que doivent assumer nos industries traditionnelles énergivores, exposées à la concurrence internationale lorsqu'elles font la transition, et aussi créer des débouchés économiques pour les Canadiens.
Le sénateur Mockler : J'aime ce que j'entends. Cependant, en tant que parlementaire, je dois vous dire que ce qui m'empêche de dormir la nuit, c'est de trouver des moyens qui permettront aux Canadiens de toutes les strates de la société, indépendamment de l'endroit où ils vivent dans le plus beau pays du monde, d'avoir une meilleure qualité de vie. Je crois que nous sommes d'accord là-dessus.
Je crois que votre objectif et l'engagement que vous avez pris se résument à atteindre cette cible. Nous avons vu de nombreux gouvernements tenter d'atteindre des cibles, et bien souvent, ces buts et cibles sont encore sur le papier ou ont fini dans les oubliettes.
De fait, ce matin, le gouvernement du Canada a un débat sérieux avec notre plus grand partenaire commercial. Nous savons que le gouvernement de M. Trudeau a consacré une quantité considérable de temps et d'efforts à sensibiliser les politiciens et les législateurs américains aux liens économiques existant entre le Canada et les États-Unis, et cela est important.
L'intégration de nos nombreuses industries est importante, comme nous l'avons entendu ce matin de la bouche d'autres sénateurs qui vous ont parlé de ces liens, ce que je sais que vous savez, surtout du côté fabrication des industries automobile et aérospatiale. Il ne fait aucun doute, lorsqu'un ancien premier ministre et un ancien ambassadeur s'adressent au dirigeant du gouvernement canadien, que les conseils prodigués ce matin seront de conserver les programmes d'éducation entre parlementaires.
Quelle incidence la nouvelle administration américaine aura-t-elle sur le plan de lutte contre le changement climatique du Canada? Nous savons quelle est leur position ce matin. Ma question est simple. Pouvons-nous atteindre nos objectifs en n'allant pas dans le même sens?
M. Moffet : C'est une excellente question, monsieur le sénateur, et une question qui préoccupe bien sûr le gouvernement fédéral en ce qui concerne une vaste gamme de questions politiques, et non pas seulement le changement climatique.
Le premier ministre, la ministre McKenna et d'autres ministres ont répondu par un oui catégorique, nous pouvons et nous poursuivrons sur notre lancée. J'étais avec la ministre McKenna plus tôt cette semaine à Toronto lors de rencontres avec de nombreux membres du secteur financier au Canada, et la première chose qu'elle a déclarée à tout le monde, des dirigeants de grandes caisses de retraite, comme vous l'avez mentionné, aux petits entrepreneurs de technologie propre, c'est que le Canada reste déterminé à appliquer le Cadre pancanadien dans son ensemble et à obtenir la mise en œuvre généralisée de la tarification du carbone dans tout le Canada.
Revenant à la question précédente, cela est motivé par le fait que oui, les États-Unis sont économiquement importants et oui, ils sont un partenaire commercial important, mais l'économie mondiale dans son ensemble est en transition et le présent gouvernement est déterminé à participer à cette transition. Il a écouté les conseils de Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada, présentement gouverneur de la Banque d'Angleterre et dirigeant du Conseil de stabilité financière, qui s'exprime de plus en plus ouvertement et avertit les gouvernements et les entreprises du monde entier qu'une des menaces les plus importantes à la stabilité financière, c'est l'absence d'action pour contrer le changement climatique. Par conséquent, au Canada, on met l'accent sur la saisie de ces occasions économiques et, comme vous l'avez dit, la collaboration avec les législateurs fédéraux aux États-Unis, ainsi qu'avec les États.
Il est important de se rappeler que les États-Unis, quoique constitués différemment, sont aussi une fédération, et que, sur certains plans, les pouvoirs des États individuels surpassent ceux des provinces canadiennes. Par exemple, en ce qui concerne le règlement sur le méthane dont j'ai parlé plus tôt, au niveau fédéral, le gouvernement des États-Unis peut annuler toutes ses exigences concernant le méthane, et de nombreux États ont déjà déclaré qu'ils continueront à maintenir des exigences concernant le méthane. La tarification du carbone restera en vigueur en Californie. Il y a un intérêt croissant de la part des États de la côte ouest envers l'établissement d'un prix du carbone, et un intérêt croissant de la part d'États du nord-est à mettre en œuvre la tarification du carbone.
D'importantes portions de l'économie américaine ne reviennent pas, de fait, sur leurs mesures concernant le changement climatique. Elles déclarent publiquement qu'elles ont l'intention de continuer à maintenir et à augmenter ce qu'elles font, et le gouvernement canadien ne travaille pas seulement avec Washington, mais aussi avec des États individuels, dans le but d'établir ces liens importants sur le plan de l'économie et des politiques.
Le sénateur Mockler : Vous avez dit que vous nous avez donné des exemples d'États au sein des États-Unis. Quelle est alors votre opinion concernant une deuxième centrale nucléaire au Nouveau-Brunswick? À votre avis, quel sera l'impact de l'Oléoduc Énergie Est par rapport à l'objectif que nous voulons atteindre? Est-ce un bon projet, ou un mauvais projet qui devrait être abandonné?
M. Moffet : Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question en ma qualité de fonctionnaire. Je ne crois pas que le gouvernement ait pris position sur la perspective d'investissement dans une centrale nucléaire au Nouveau-Brunswick. Bien sûr, le sujet des oléoducs demeure un enjeu continu, et le gouvernement a signifié qu'un des aspects importants concernant tout projet d'oléoduc, c'est de s'assurer qu'il y a eu analyse, et participation des parties visées. Je ne crois pas que le gouvernement ait pris une décision ferme quant à l'aspect souhaitable d'un oléoduc donné, mais peut-être que ma collègue pourrait vous en parler.
Mme Ryan : En ce qui concerne le Nouveau-Brunswick, l'emplacement a reçu un permis pour deux réacteurs nucléaires, et la province étudie la possibilité d'en installer un. Cela fait partie de l'évaluation que fait cette province de la façon dont elle veut exploiter son réseau d'électricité. Du point de vue du gouvernement, nous observons, et avons un dialogue avec la province concernant ce qu'elle souhaite faire.
Quant à la remarque de mon collègue concernant les oléoducs, un certain nombre de considérations sont en cause. Le gouvernement a étudié la possibilité de mettre en vigueur des exigences strictes comme, par exemple, les règlements sur le méthane dont John a parlé plus tôt. Ces règlements permettraient de réduire les émissions de gaz des oléoducs.
Dans le cadre de l'évaluation de tout grand projet, le ministère entreprend une évaluation des émissions de gaz à effet de serre en aval pour déterminer les moyens selon lesquels le projet peut être développé d'une façon qui réduirait au minimum ces émissions, et faire en sorte que les choses se fassent de la façon la plus stricte et rigoureuse. Cette analyse fournit aux décideurs les données sur les répercussions. À mon avis, il faut réellement disposer d'une combinaison de régimes réglementaires stricts et d'un processus d'évaluation sain pour pouvoir déterminer quels sont les meilleurs projets pour l'avenir.
Le sénateur MacDonald : La semaine dernière, Environnement et Changement climatique Canada a publié un rapport dans lequel il est dit que, pour que le Canada atteigne ses cibles en matière de carbone, il nous faudra atteindre 300 $ la tonne d'ici 2050, au moins 150 $ la tonne d'ici 2030, et au moins peut-être autant que 220 $ la tonne, à moins que nous ne puissions bénéficier de crédits d'émissions de l'étranger.
C'est un document que le gouvernement était très réticent à publier. C'est votre ministère qui l'a produit. Pouvez- vous nous en parler davantage et nous dire si vous avez procédé à une analyse de l'impact d'une taxe sur le carbone de 220 $ la tonne sur l'économie canadienne?
M. Moffet : Donc, vous demandez si nous avons fait une analyse?
Le sénateur MacDonald : C'est votre rapport, produit par votre ministère. Avez-vous procédé à une analyse d'impact?
M. Moffet : Je n'ai pas bien saisi de quel rapport vous parlez.
Le sénateur MacDonald : Le rapport qui a été divulgué la semaine dernière par Environnement Canada au sujet de ce qu'il faudra faire pour atteindre les cibles climatiques. Il faudrait aller jusqu'à 150 $ à 220 $ la tonne d'ici 2030. Nous passons de 10 $ la tonne à 50 $ la tonne entre 2018 et 2022, parce que le gouvernement affirme vouloir atteindre ses objectifs climatiques, mais il est évident d'après ces chiffres qu'il ne les atteindra pas avec ce genre d'augmentations. Il faudra quelque chose de beaucoup plus élevé. Donc, s'il veut atteindre ses cibles climatiques, il devra augmenter considérablement ces prix. Quel serait alors l'impact sur l'économie canadienne?
M. Moffet : Permettez-moi de vous donner une réponse préliminaire, puis je demanderai à Derek de répondre et de décrire la modélisation que nous avons effectuée. Je ne sais pas exactement de quel rapport vous parlez, mais je sais qu'il y a eu un certain nombre d'études qui ont été faites tant à un niveau très élémentaire au sein du gouvernement qu'à l'extérieur de celui-ci.
Quant à la question demandant si nous n'avons rien fait d'autre, aucune des autres mesures mentionnées dans le Cadre pancanadien dont nous avons parlé, si les provinces ont fait quoi que ce soit, rien investi, si nous nous sommes simplement appuyés sur une taxe, quelle devrait être cette taxe? Le chiffre est plutôt élevé. Voilà pourquoi le Cadre pancanadien présente un si grand nombre de mesures différentes. Il comprend des mesures réglementaires visant à faire en sorte que nous n'investissions pas dans un capital-actions qui sera bloqué par de faibles niveaux d'émissions pendant des décennies. Il comprend un prix modeste pour le carbone, qui créera des motivations à tous les niveaux. Il comprend aussi un investissement important visant à faciliter la recherche, le développement et le déploiement de technologies propres. Il décrit l'infrastructure qui permettra de régler les problèmes de comportement dont un sénateur a parlé plus tôt.
Par conséquent, l'étude particulière dont vous parlez, et il y a un grand nombre de telles études, doit être prise comme une question hypothétique présentant un chiffre particulier qui n'a aucune incidence sur l'ensemble des mesures effectivement en place; c'est pourquoi je vous renvoie au résumé à la page 53 du Cadre pancanadien décrivant la façon dont toutes ces mesures se complémenteront les unes les autres et se combineront pour l'atteinte de l'objectif.
En ce qui concerne les modélisations précises que nous avons effectuées, peut-être que Derek pourrait vous donner plus de détails.
M. Hermanutz : Je crois que vous parlez d'une note de service qui mentionnait des études externes. Comme John les a décrites, elles projettent ce que devrait être le prix du carbone pour atteindre la cible en l'absence d'autres politiques et d'autres mesures.
Quant aux modèles que nous avons dressés, il n'y a pas de prix du carbone national. Nous avons produit des modèles des systèmes provinciaux qui existent présentement. Ainsi, nous avons examiné les quatre grandes provinces, de la taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, aux systèmes WCI du Québec et de l'Ontario qui sont reliés à la Californie, et nous avons aussi produit un modèle du système de l'Alberta. Au fur et à mesure que d'autres provinces instituent des systèmes, nous en produirons un modèle.
L'impact économique ultime des systèmes de tarification du carbone sera fonction des décisions de chaque province. Il variera d'une province à l'autre, et ces dernières devront non seulement décider de la conception de leur système, si elles doivent adopter une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d'échange, mais aussi de l'élément important qui est de savoir quoi faire des recettes. L'impact économique sera différent selon qu'elles choisissent d'utiliser ses recettes pour réduire l'impôt ou verser des paiements de transfert à leurs habitants, ou encore d'investir dans de nouvelles technologies ou d'encourager l'innovation.
Le sénateur MacDonald : J'ai une question de suivi. Relativement parlant, bien sûr, le Canada est un émetteur de carbone — la plupart des économies modernes le sont — mais, toujours relativement parlant, le Canada n'est pas un énorme émetteur de carbone, représentant 1,6 p. 100 des émissions de carbone mondiales.
Est-ce que nous n'aiderions pas davantage le monde et ne protégerions-nous pas mieux notre propre économie si nous nous efforcions de travailler avec les pays gros émetteurs pour les aider à réduire leur empreinte carbone? Si nous réduisons la nôtre et s'ils ne réduisent pas la leur — et il y a d'énormes émetteurs comme la Chine et la Russie —, je crois que nous jetterions beaucoup d'efforts par la fenêtre. Ne serait-il pas mieux pour nous de consacrer nos efforts dans ces pays et de nous y investir pour tenter de les aider à réduire leur empreinte carbone?
M. Moffet : C'est un excellent point, monsieur le sénateur. J'aimerais traiter de deux aspects ici. Bien sûr, le sujet de la contribution du Canada aux émissions mondiales a été au cœur du débat au cours des deux dernières années sur ce que le Canada devrait faire.
Du point de vue de ce gouvernement, il est essentiel que le Canada ait une action nationale pour deux raisons. Tout d'abord, nous avons une obligation en tant que citoyen du monde. Si nous ne faisons rien, nous pâtirons de la tragédie si aucun pays individuel ne se sent obligé d'agir et, par conséquent, nous en souffrirons tous. Nous devons donc agir. Nous devons donner l'exemple. Nous devons faire notre part.
Deuxièmement, et c'est peut-être quelque chose d'encore plus important, le gouvernement a précisé son opinion voulant que nous pouvons agir d'une façon qui protège notre bien-être économique, pas seulement à court terme, mais aussi le protège et crée des occasions à long terme. En effet, la ministre McKenna souligne de plus en plus les observations et l'analyse du gouverneur Carney selon lesquelles il sera encore plus dommageable économiquement de ne pas agir que de subir quelques coûts à court terme qui pourraient être associés à l'action.
Ceci étant dit, cependant, le gouvernement reconnaît aussi le fait que nous ne réglerons pas ce problème collectivement par des mesures à l'échelle nationale. Ainsi donc, le Canada pose d'importants... Désolé, je ne devrais pas faire de caractérisation politique. Le Canada s'est engagé à contribuer à appuyer la décarbonisation des pays moins développés. Le Canada contribue aussi considérablement à aider les pays moins développés et particulièrement vulnérables à s'adapter aux changements inévitables que le changement climatique occasionnera.
Avez-vous des chiffres à portée de main?
M. Jones : De mémoire, je crois que 2,65 milliards de dollars ont été promis pour diverses initiatives internationales et par le biais de diverses voies à l'intention des pays en développement pour les aider à divers niveaux, de la réduction de leur vulnérabilité aux impacts du changement climatique au développement d'occasions de réduction des émissions.
J'ai un ou deux autres points rapides sur ce sujet et se rapportant à certaines des questions précédentes. Premièrement, comme John l'a mentionné, il est impératif, fondamentalement, que nous collaborions avec d'autres pays et arrivions à une véritable entente mondiale. Vous avez tout à fait raison, le gros des émissions provient d'un nombre relativement petit de pays, dont les États-Unis et la Chine sont en tête. Il est important de noter qu'avec 1,6 p. 100, le Canada est le onzième plus gros émetteur. Auparavant, nous étions en dixième position et nous avons reculé à la onzième, mais nous restons quand même un gros émetteur.
Avec l'équilibre délicat des négociations internationales, si le onzième plus gros émetteur et pays membre du G7 n'est pas prêt à contribuer à l'effort collectif, il devient très difficile de persuader des pays comme l'Inde, le Brésil et d'autres gros émetteurs qui sont de tels acteurs clés dans ce processus.
Un autre aspect a été mentionné dans d'autres questions : le fait que nous parlons des règlements et de la tarification du carbone, mais nous ne nous concentrons peut-être pas suffisamment sur de nombreux autres aspects du Cadre pancanadien, comme cela a été mentionné, c'est-à-dire davantage du côté des occasions.
Vous avez bien pu voir dans le budget, Technologies du développement durable Canada a reconstitué son capital pour collaborer avec les industries au développement de nouvelles technologies et à leur avancement. Ressources naturelles Canada et d'autres ont reçu de nouveaux fonds devant servir à démontrer de nouvelles technologies, à faire avancer les technologies émergentes et à nommer de nouveaux délégués commerciaux pour la technologie propre; enfin, Exportation et développement Canada a reçu des fonds pour l'expansion des entreprises au Canada.
En plus de tenter de créer des solutions, d'appuyer ces dernières et de créer une demande de solutions, nous devons aussi tenter de les exporter ailleurs dans le monde dans l'espoir d'intensifier la réduction des émissions au moyen de technologies nouvelles et émergentes et de nouvelles idées.
Le président : Pour donner suite à la question du sénateur MacDonald, je mentionnerai que, si je comprends bien, on s'attend à ce que la croissance des combustibles fossiles dans le monde diminuera graduellement pour passer en dessous de 1,6 p. 100. Personne ne sait où elle se situera, ou du moins moi je ne le sais pas ou n'en a jamais été informé.
Vous avez aussi été d'accord avec moi pour dire que, même si nous éliminions toutes les émissions de gaz à effet de serre et arrivions à zéro, nous n'aurions aucun effet sur le changement climatique. Il se produira quand même. Ses effets se manifesteront quand même. La sénatrice Galvez a parlé de cela. Je crois que c'est vrai.
Voilà longtemps que je dis que nous devrions regarder davantage l'aspect adaptation. Je ne m'oppose pas à ce que nous fassions tout notre possible pour éliminer nos émissions raisonnablement, parce que c'est ce dont nous parlons à ce comité, de sorte que nous ne poussions pas les gens dans la pauvreté dans ce pays, ni encouragions les entreprises à s'installer de l'autre côté de la frontière ou dans d'autres pays.
À mon sens, l'adaptation serait quelque chose que nous devrions envisager, ou tout du moins envisager davantage. Je siège au Comité des finances et je n'entends pas beaucoup parler d'adaptation.
Quelle est votre opinion sur ce genre de questions? Cela s'appliquerait aussi à Environnement Canada. Comment nous adaptons-nous à un monde qui changera quoi que nous fassions?
M. Moffet : Monsieur le président, vous avez mentionné deux points importants. Premièrement, les effets du changement climatique sont inévitables. Deuxièmement, nous devrions faire tout notre possible pour être prêts.
En ce qui concerne le premier point, les données scientifiques prouvent clairement, je crois, qu'il y a changement climatique et que les impacts continueront. Cependant, et c'est l'hypothèse sous-jacente de l'Accord de Paris, nous avons un choix. Ce choix se résume, essentiellement, à savoir dans quelle mesure pouvons-nous avoir un impact supplémentaire sur le climat en tant que collectivité mondiale.
Bien que les données scientifiques soient moins claires à ce sujet, il est évident que plus nous continuons à émettre, et plus élevée est la concentration de dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre dans l'atmosphère, plus ces effets seront graves. En effet, il pourrait y avoir certains seuils. Voilà pourquoi il y avait dans l'Accord de Paris un engagement à faire collectivement de notre mieux pour limiter l'augmentation de la température du globe à moins de deux degrés. On admet donc qu'il y aura une augmentation de la température et que celle-ci sera accompagnée par des impacts climatiques, mais tous les pays, y compris le Canada, doivent s'efforcer et s'engager à limiter cette augmentation afin d'éviter les éventuels impacts considérablement plus graves de l'intensification des émissions actuelles.
Quant au deuxième point, il convient de dire que le gouvernement reconnaît en effet le besoin d'adaptation, et il a fait et continue de faire pour l'adaptation des investissements dans l'infrastructure et dans la diffusion accrue de renseignements aux Canadiens. Je demanderai à mon collègue d'énumérer certains de ces investissements cruciaux.
M. Jones : Comme cela a été mentionné, l'adaptation est un des aspects clés du Cadre pancanadien — quoique nous n'en ayons pas beaucoup parlé aujourd'hui et qu'elle ne reçoive pas autant d'attention qu'elle le devrait. C'est un des quatre piliers.
Le Cadre comprend un certain nombre d'initiatives provenant du groupe de travail que j'ai mentionné. Il y avait un groupe de travail précis sur l'adaptation qui a examiné les pratiques exemplaires dans le monde. Je crois que, selon les membres de ce groupe, nous avons un peu de chemin à rattraper pour ce qui est de la façon dont on pourrait réduire le risque des impacts du changement climatique.
Le plan comprend un certain nombre de mesures précises, y compris, comme John l'a mentionné, protéger l'infrastructure et utiliser l'infrastructure. Il y a le Fonds d'atténuation et d'adaptation en matière de catastrophes, qui s'élevait à 2 milliards de dollars dans le dernier budget, ce qui n'est pas peu.
Il y avait aussi une quantité plutôt appréciable de ressources — 73 millions de dollars, je crois — répartie sur un certain nombre d'années pour l'établissement d'un Centre canadien des services climatiques. Cela partait du principe qu'une grande quantité de renseignements disparates circulent et que plusieurs municipalités, provinces et sociétés veulent comprendre les risques auxquels elles sont confrontées pour pouvoir les atténuer. Il est question de travailler avec des partenaires pour réunir les renseignements pertinents et établir quelques modèles et projections pour que les personnes puissent comprendre les risques auxquels elles sont confrontées selon l'endroit où elles sont dans le pays et prendre les mesures appropriées.
Par ailleurs, l'infrastructure verte comprend des investissements qui peuvent diminuer les impacts du changement climatique. Un certain nombre de provinces ont insisté sur les mesures de lutte contre les inondations. Il y a plusieurs excellents exemples. Le Canal de dérivation de la Rivière rouge s'est révélé payant d'année en année, et il y a aussi d'autres investissements à très haut rendement pour ce qui est de la prévention des impacts du changement climatique.
J'aimerais mentionner que dans le Cadre pancanadien, les annexes sont un élément qui ne reçoit pas beaucoup d'attention. Il y a pour chaque province et chaque territoire une annexe où sont identifiées les mesures clés pour le partenariat avec le gouvernement fédéral. Un certain nombre de provinces, y compris l'Île-du-Prince-Édouard et d'autres encore, ont souligné l'importance des investissements qui les aideraient à s'adapter aux impacts du changement climatique.
Le président : Je vous demanderais, si vous voulez bien, d'énumérer tout ça. Quand on regarde le document du budget, on ne voit pas exactement ce qui va se passer. Si vous pouvez énumérer les résultats, pas seulement ceux dont vous avez parlé, mais les 2 milliards de dollars, où ces fonds pour l'adaptation sont dépensés aujourd'hui. Je ne veux pas quelque chose qui dise simplement que nous allons le dépenser à un moment donné, à l'avenir, au cours des cinq prochaines années. J'aimerais savoir ce que nous faisons effectivement aujourd'hui.
J'ai une question concernant les Finances. La taxe sur le carbone de 300 $ dont le sénateur MacDonald a parlé était mentionnée dans un rapport d'Environnement Canada sur jusqu'où nous devons aller. De fait, ce rapport donne suite à ce que disait le gouvernement précédent, c'est-à-dire que nous avions besoin d'au moins 100 $ la tonne pour à peine commencer à atteindre nos objectifs.
Le gouvernement précédent, vous vous en souviendrez tous, était fortement en faveur de la réglementation, mais pas tant de la taxe sur le carbone. Plusieurs des règlements qui ont été mis en place par ce gouvernement précédent produisent une réduction de 73 millions de tonnes aujourd'hui. Nous savons cela.
Les Finances ont-elles calculé quelle serait l'incidence de 100 $ la tonne sur l'économie globale, sur tout, ou de 200 $ la tonne, ou de 300 $ la tonne? Y a-t-il des études que Finances Canada aurait faites pour Environnement pour lui laisser savoir quels seraient les coûts? Je veux dire les coûts pour l'économie et pour le monde ordinaire.
M. Keenan : Dans le cadre de nos activités avec nos collègues d'Environnement et Changement climatique Canada au groupe de travail sur les mécanismes de tarification du carbone, nous avons étudié des scénarios de tarification. Quel serait l'impact de certains scénarios de tarification et, dans ces scénarios, quel serait l'impact sur la réduction des émissions et sur l'économie, selon certaines hypothèses de ce qui était fait avec les recettes?
Dans ce groupe de travail, nous avons examiné trois scénarios d'augmentation du prix. L'augmentation la plus élevée était de 30 $ en 2020 à 90 $ en 2030. Ensuite, nous nous sommes demandé : « Et si nous supposions que l'argent reviendrait aux ménages en une somme forfaitaire? » pour la modélisation.
Comme Derek l'a mentionné plus tôt, une des considérations clés portait sur les impacts sur les familles et sur l'économie dans laquelle le système est mis en place. Nous avons différents systèmes au Canada. Nous avons des exemples de différents systèmes. S'agit-il d'une taxe directe sur le carbone? Est-ce un système hybride comme celui en vigueur en Alberta, où il y a un droit sur les combustibles fossiles, mais, pour certains secteurs et gros émetteurs, le régime est différent, comme John l'a décrit? Il y a le régime Specified Gas-Emitters Regulations ou le régime assujetti à ces règlements. Tous ceux-ci auront certains impacts.
Il y a le système de plafonnement et d'échange en vigueur en Ontario et au Québec. Quelle serait la répartition de certains de ces permis gratuits à certains secteurs de l'économie?
Comment les recettes seront-elles utilisées? La Colombie-Britannique s'est engagée à rediriger ces recettes à certains programmes et certaines réductions d'impôt. En Alberta, les recettes découlant du règlement Specified Gas-Emitters Regulations reviennent à l'industrie pour appuyer les investissements dans la réduction des émissions de GES.
Le gouvernement de l'Alberta a aussi déclaré qu'il allait prendre une portion des recettes du droit sur le carbone et la remettre aux ménages pour contrer certains des impacts qu'aura sur eux ce droit sur le carbone. Les particuliers seront toujours confrontés au choix du droit sur le carbone, mais ils auront la possibilité de faire d'autres choix.
Les impacts seront réellement fonction des détails. Nous pouvons modéliser de nombreuses options, comme nous l'avons fait dans le groupe de travail, pour dire : « Et si le gouvernement faisait ceci avec l'argent? » Mais il y a de nombreux choix que les gouvernements peuvent faire. Le résultat sera fonction des systèmes mis en place et de ce qui sera fait des recettes.
Le président : Je comprends tout ça. Voilà un bon moment que nous travaillons à ce dossier, donc cela n'est pas nouveau pour nous.
Environnement Canada a produit un document pour la ministre quand elle est entrée en fonction, dans lequel 300 $ la tonne est mentionné. Vous allez en avoir besoin. Nous l'avons obtenu par le biais de l'accès à l'information, bien qu'il ait été lourdement caviardé. Y a-t-il des études que Finances Canada a effectuées sans avoir à recourir à l'accès à l'information pour établir une corrélation avec certaines des choses qu'Environnement Canada a mentionnées au sujet du prix par tonne — 30 $ la tonne, 100 $ la tonne? Pouvez-vous nous dire cela ou devons-nous essayer de l'obtenir par d'autres moyens?
M. Keenan : Je ne peux m'engager tout de suite, mais je vais très certainement l'étudier.
Le président : Étudiez-le et répondez à notre commis.
M. Keenan : Bon.
Le président : Merci de vos exposés.
(La séance est levée.)