LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 26 septembre 2017
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 17 h 35, pour poursuivre son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je m’appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat. J’ai l’honneur de présider les travaux de ce comité. Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui se trouvent ici avec nous ainsi qu’à tous ceux qui, partout dans le pays, nous regardent à la télévision ou en ligne.
Je rappelle aux gens qui nous regardent que les séances des comités sont publiques et accessibles en ligne sur le nouveau site web du Sénat, à sencanada.ca. Tous les dossiers liés aux comités se trouvent en ligne, y compris les rapports antérieurs, les projets de loi, les études et les listes de témoins.
Je vais maintenant demander aux sénateurs assis à la table de se présenter. Je vais moi-même commencer par présenter le sénateur Paul Massicotte, du Québec, qui est vice-président du comité.
Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.
Le sénateur MacDonald : Sénateur MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, du Québec.
Le sénateur Black : Douglas Black, de l’Alberta.
Le sénateur Dean : Tony Dean, de l’Ontario.
La sénatrice Griffin : Diane Griffin, de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le président : J’aimerais aussi présenter notre personnel. Pour commencer, à ma gauche, notre greffière, Maxime Fortin, et, à ma droite, nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.
Chers collègues, en mars 2016, le Sénat a confié à notre comité la tâche de mener une étude approfondie sur les effets, les défis et les coûts de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s’est engagé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. C’est une tâche énorme.
Pour cette étude, notre comité a adopté une approche sectorielle. Nous examinerons cinq secteurs de l’économie canadienne, qui représentent globalement plus de 80 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de l’électricité, du transport, de l’exploitation pétrolière et gazière, des industries à forte intensité d’émissions exposées au commerce et des bâtiments.
Nous avons publié notre premier rapport provisoire sur le secteur de l’électricité le 7 mars, et notre deuxième, sur le secteur du transport, le 22 juin.
Aujourd’hui, pour notre 48e réunion consacrée à cette étude, j’ai le plaisir d’accueillir Bill Eggertson, directeur général, qui représente ici à la fois l’Association canadienne pour les énergies renouvelables et la section canadienne de l’International Ground Source Heat Pump Association.
Bill Eggertson, directeur général, Association canadienne pour les énergies renouvelables : Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de vous parler de la contribution des bâtiments à l’atteinte des objectifs du Canada en matière de carbone. Je m’occupe de cette question depuis 1985. J’avais alors été engagé par la Société d’énergie solaire du Canada, à la suite d’une décision fédérale mettant fin à toutes les recherches sur les énergies renouvelables « à cause de la fin de la crise de l’énergie ». J’ai travaillé pour les associations nationales d’énergie éolienne et solaire et j’ai suivi une formation donnée par Al Gore sur les réalités climatiques. J’ai prononcé un discours sur la question à la conférence CDP 11. À titre de rédacteur principal de la plus grande revue britannique traitant des énergies renouvelables, j’ai contribué à l’adoption par l’Union européenne de la directive sur le chauffage renouvelable. J’ai également dirigé le programme de sécurité climatique du gouvernement du Royaume-Uni. De plus, j’ai rénové ma maison qui compte maintenant parmi les maisons les plus écoénergétiques du Canada.
Mon travail actuel à l’Association canadienne pour les énergies renouvelables et l’International Ground Source Heat Pump Association porte notamment sur la mise en œuvre de la Coalition NetZeroPlus. Je donnerai plus tard d’autres détails à ce sujet.
Je vous parle de mes antécédents simplement pour montrer qu’en matière de carbone, je joins le geste à la parole, tant au niveau professionnel que sur le plan personnel. En 2010, j’ai été choisi comme porteur du flambeau aux Jeux olympiques parce que j’ai fait la preuve qu’on peut réduire les émissions de carbone. Je me sers dans mon exposé de données provenant de l’Office de l’efficacité énergétique. Je cite des chiffres de l’Ontario après avoir converti les petajoules en kilowattheures.
Bien peu de gens savent ce que représente une BTU ou un joule, même si l’énergie géothermique primaire constitue la racine du défi dont nous parlons aujourd’hui. Je rejette les préfixes « giga », « peta » et « tera » parce que les gens trouvent beaucoup plus facile d’agir si nous leur parlons en termes qu’ils peuvent comprendre.
Si vous suivez les graphiques, vous verrez, sur le premier que la greffière a fait circuler, la consommation d’énergie en Ontario. Les utilisations finales en transport consomment 244 milliards de kilowattheures par an, et l’agriculture, 16 milliards. Je parlerai surtout des 265 milliards de kilowattheures consommés dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel de la province.
Dans ces secteurs, le chauffage et la climatisation des locaux ainsi que le chauffage de l’eau représentent 89 p. 100 de l’énergie totale utilisée dans les maisons et 72 p. 100 de l’énergie utilisée dans les bureaux.
Notre forte consommation de gaz, de pétrole et de propane — que je regroupe sous le sigle GOP — pour le chauffage des locaux et de l’eau entraîne des émissions de 21,5 millions de tonnes de carbone pour ces deux seules utilisations. Cela représente 5,6 livres de carbone par pied carré d’espace résidentiel.
La diapositive suivante montre que le ménage ontarien moyen consomme 30 500 kWh d’énergie par année : 20 000 pour le chauffage des locaux, 6 000 pour le chauffage de l’eau, 500 pour la climatisation et 3 300 pour les appareils branchés. Est-il possible de réduire cette consommation et les émissions correspondantes de carbone? Facilement.
La diapositive suivante est une photo de ma maison. Elle a une superficie de 3 500 pieds carrés et a été construite au début des années 1980. Lorsque nous y avons emménagé, nous avons installé des toilettes à faible débit et des bacs de récupération de l’eau de pluie, nous avons planté des arbres, et cetera, et cetera. Pour réduire la consommation d’énergie, nous avons installé des détecteurs de mouvement, des minuteries, des ventilateurs de circulation, des appareils ménagers Energy Star et un toit métallique Energy Star, qui augmente l’efficacité de nos panneaux solaires, ainsi qu’un éclairage à DEL pouvant être alimenté en courant continu de 12 volts par de petits panneaux solaires et de petites éoliennes.
La maison est une construction à double paroi, mais nous avons aussi ajouté de l’isolant et avons posé des fenêtres à vitrage triple revêtu d’une couche à faible émissivité et rempli de krypton. Ces fenêtres ont une valeur RSI supérieure à celle de la plupart de vos murs. Nous avons abouti ainsi à une cote Énerguide de 90. Nous avons l’une des 20 maisons rénovées les plus écoénergétiques du Canada, et je n’ai pas encore fini les travaux.
La plus importante contribution aux économies d’énergie est attribuable à notre thermopompe NetZeroPlus. C’est la nouvelle désignation des appareils géothermiques de chauffage/climatisation. Avec une demande totale de 30 000 kWh, une thermopompe produira 20 000 kWh pour le chauffage des locaux, 6 000 pour le chauffage de l’eau et 500 pour la climatisation. Tout cela représente de l’énergie renouvelable provenant de la plus grande batterie d’accumulateurs du monde, notre Terre.
À part les 3 000 kWh nécessaires pour les appareils branchés, la thermopompe NetZeroPlus a besoin de 8 000 kWh pour fonctionner. Cela signifie que, dans l’ensemble, une maison de 30 000 kWh n’a maintenant besoin que de 11 800 kWh pour toute l’énergie, les appareils branchés et le chauffage, ce qui représente des économies de 19 000 kWh par maison et par an. Grâce à ma maison, non seulement j’économise beaucoup d’énergie et d’électricité, mais je n’utilise pratiquement pas d’énergie au cours des périodes de pointe et je ne représente qu’une charge minimale pour ma compagnie d’électricité.
Au chapitre du carbone, ma part provenant du réseau s’élève à 700 kg par an, plus 300 kg correspondant au propane que nous utilisons pour faire la cuisine. Je n’obtiens aucun crédit pour les sept tonnes d’économies découlant de mes panneaux solaires microFIT et pour la séquestration de carbone réalisée par mes arbres.
Les gens parlent trop souvent de « zéro net » dans le seul cas de l’électricité. Au Canada, il faudrait appliquer l’expression à toutes les formes d’énergie parce que l’éclairage et les appareils électroménagers ne représentent que 11 p. 100 de la demande énergétique d’une maison. Le principal objectif de notre Coalition NetZeroPlus est d’amener chacun des intervenants qui agissent sur l’offre et la demande à étudier les technologies des autres de façon à optimiser les économies d’énergie et la réduction des émissions de carbone. Par exemple, pour satisfaire à une demande de 30 000 kWh, une maison a besoin de 130 panneaux solaires. Toutefois, si elle est dotée d’une thermopompe NetZeroPlus, ce nombre est ramené à 50.
J’ai presque épuisé mon temps de parole, mais j’aimerais formuler un certain nombre d’observations. Je ne parlerai pas des solutions faciles que représente le rendement énergétique ou la conservation. Je ne m’appesantirai pas non plus sur les avantages potentiels de ces notions lors de l’édification des « villes intelligentes ».
Premièrement, le chauffage des locaux et celui de l’eau constituent d’importants objectifs, mais il ne faut pas négliger la climatisation. Même en hiver, la plupart des immeubles à bureaux ont besoin de refroidissement; de plus, la climatisation résidentielle a doublé depuis 1990. Avec le réchauffement de la planète, ces besoins ne feront que croître.
Deuxièmement, les compagnies d’électricité mettent en œuvre une tarification au compteur horaire. Par conséquent, toute technologie qui favorise des moyens naturels de stockage, de chauffage ou d’alimentation des appareils branchés devrait être placée en tête de liste.
Troisièmement, l’électrification réduira les émissions de carbone, mais il importe de faire une utilisation judicieuse d’une énergie électrique sinusoïdale de grande qualité. L’électricité ne devrait jamais servir dans des applications non spécialisées comme le chauffage d’une maison à 20 degrés. Si toutes les voitures de tourisme de l’Ontario étaient électriques, la province aurait besoin de quatre réacteurs nucléaires de plus rien que pour produire l’électricité nécessaire pour les recharger.
Quatrièmement, il faut se méfier du gaz naturel renouvelable. Si l’addition de 5 p. 100 de déchets permet de dire qu’un combustible est renouvelable, il faudrait admettre aussi que l’addition de 10 p. 100 d’éthanol dans le réservoir de nos voitures signifie que nous utilisons de l’essence renouvelable ou que les 6 p. 100 d’énergie éolienne du réseau ontarien rendent renouvelable notre énergie nucléaire. L’Ontario avait l’habitude d’ajouter de la biomasse comme combustible dans ses centrales au charbon, mais la province n’a jamais utilisé ce prétexte pour prétendre que son charbon était renouvelable.
Cinquièmement, après l’adoption de la directive européenne sur le chauffage renouvelable, j’ai essayé de faire la promotion d’une norme Greentherm au Canada : en vertu d’une telle norme, les fournisseurs d’énergie thermique — ceux qui utilisent les combustibles GOP — seraient tenus d’avoir un certain pourcentage d’énergie renouvelable solaire, géothermique ou NetZeroPlus. Les normes imposant un pourcentage d’énergie renouvelable ont joué, au départ, un rôle capital dans le succès de l’énergie éolienne et solaire dans beaucoup d’administrations. Une norme Greentherm applicable à l’énergie thermique aurait des effets encore plus marqués sur la réduction des émissions de carbone au Canada.
Sixièmement, la transition vers une économie à faibles émissions de carbone implique simplement de réduire les formes d’énergie qui produisent des émissions de gaz à effet de serre. Exhorter les Canadiens à limiter à 2 degrés la hausse de la température de la planète est encore moins utile que de leur lancer le fameux défi d’une tonne, à un moment où personne ne savait ce que c’était qu’une tonne de carbone. Si vous voulez réduire les émissions de carbone, dites aux gens de combien de kilowattheures ils doivent réduire leur consommation d’énergie produisant des émissions. Cela leur permettrait d’agir. Autrement, l’objectif ne sera pas atteint.
Le 11 décembre marquera le 20e anniversaire de la signature du Protocole de Kyoto. Le monde avait alors collectivement reconnu l’urgent besoin de réduire les émissions de carbone. Je demande au comité d’offrir un cadeau d’anniversaire aux Canadiens, qui puisse leur montrer clairement ce qu’ils peuvent faire et comment une économie à faibles émissions de carbone impose de réduire la demande d’énergie et d’utiliser des énergies renouvelables pour compenser.
[Français]
Je vous remercie du temps que vous m’avez accordé.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, monsieur. Vous avez présenté un exposé très intéressant.
Le sénateur Massicotte : Votre exposé nous montre, je crois, que nous disposons des technologies nécessaires pour réaliser d’importantes réductions de nos émissions de carbone. Vous en avez personnellement fait l’expérience, mais pouvez-vous nous donner une idée du prix? Vous avez parlé de votre pompe géothermique et d’autres innovations qui ont amélioré le rendement énergétique de votre maison. Combien cela a-t-il coûté?
M. Eggertson : Je m’occupe d’énergies renouvelables depuis assez longtemps, sénateur, pour être irrité par les mots « coût » et « prix ». Pour moi, ce sont des investissements.
Pour répondre à votre question, monsieur, je dirai que lorsque nous avons emménagé, la maison avait besoin de certains travaux. Nous avons donc pensé qu’il valait la peine de bien faire les choses. C’était pour moi une occasion de mettre en pratique quelques idées. Nous avons fait de petites choses comme d’opter pour un toit métallique Energy Star même si notre toit de bardeaux d’asphalte aurait pu tenir quelques années de plus, mais le nouveau toit augmentait l’efficacité des panneaux solaires. Beaucoup de gens posent leurs panneaux solaires sur les bardeaux d’asphalte, qui se dégradent avec le temps. À un moment donné, ils auront à déposer les panneaux solaires pour refaire le toit, puis à les poser à nouveau. Nous n’aurons pas à nous soucier de ce problème.
S’agit-il d’un coût ou d’un investissement? Pour moi, ajouter de l’isolant est un placement si c’est pour réduire ma consommation annuelle d’énergie. Indépendamment de tout cela, j’ai eu de la chance parce que je dirige moi-même l’association. J’ai installé ma propre thermopompe pour qu’elle soit beaucoup plus efficace qu’elle n’aurait été si elle avait été installée par un profane. Je suis allé plus loin et plus profond parce que j’avais eu un très bon prix. J’ai ajouté toutes sortes de protections et de redondances que j’espère ne jamais avoir besoin d’utiliser. Je dirais qu’une personne ordinaire paierait près de 15 000 $ une thermopompe semblable à la mienne, qui serait dotée de tous les accessoires que j’ai ajoutés.
Nous avons été les premiers à installer des panneaux solaires dans l’Est de l’Ontario. Nous avons été confrontés à tous les problèmes que vous pourriez imaginer : les mesures, le passage de la connexion série à une connexion parallèle, l’IESO et les organismes de réglementation. Comme nous avions une entrée de 400 ampères, on nous a dit : « Nous ne pouvons pas installer les panneaux. » « Pourquoi? » « Parce que vous avez une entrée de 400 ampères. » « Dites-moi donc quel est le problème. » J’ai dû faire venir le représentant du fournisseur de panneaux solaires pour qu’il affirme qu’une entrée de 400 ampères valait mieux qu’une entrée de 200 ampères. Il a ensuite fallu trouver une procédure pour aller de l’avant.
Il y a eu beaucoup de ratés qui ont fait monter le coût de la main-d’œuvre, mais je pense avoir récupéré le prix du toit solaire en sept ans.
Le sénateur Massicotte : Je comprends que vous avez eu toutes sortes de situations, de difficultés, et cetera, mais combien toutes ces améliorations ont-elles coûté et quelles économies avez-vous réalisées sur votre consommation d’énergie?
M. Eggertson : Je répète encore une fois que plusieurs des améliorations devaient être faites de toute façon. Toutefois si je devais calculer séparément les différents coûts, je dirais que la thermopompe et l’isolant supplémentaire ont coûté près de 20 000 $. L’occupante précédente chauffait la maison au propane. Je ne sais donc pas combien elle payait pour l’énergie. La comparaison n’est pas très équitable, mais nous avons quand même beaucoup économisé. Nous achetons maintenant 11 000 kWh d’électricité par an pour faire pratiquement tout dans la maison. Comme le montre l’une des diapositives, ma maison est conçue pour qu’à 6 h 59 du matin, la thermopompe s’arrête. Elle peut repartir dans la journée lorsqu’il fait très froid.
Le sénateur Massicotte : Ainsi, vous avez dépensé au total près de 20 000 $ pour toutes les rénovations?
M. Eggertson : Non. Il y a aussi les comptoirs de granit et des choses du même genre.
Le sénateur Massicotte : Je comprends, mais je pense à ce que vous nous avez dit.
M. Eggertson : Oui.
Le sénateur Massicotte : Combien avez-vous économisé chaque année sur vos factures de chauffage et d’électricité?
M. Eggertson : C’est difficile à dire. Bien sûr, nous avons fait tous ces travaux dès que nous avons emménagé. Je sais que nous économisons plus ou moins 1 500 $ par an par rapport à ce que payait l’ancienne occupante. Sur cette base, une simple récupération se fait en 10 ans.
Le sénateur Massicotte : Nous avons visité quelques maisons comme la vôtre. Elles sont bien calfeutrées, ce qui fait que la circulation d’air revêt une grande importance, de même que l’humidité relative et la transmission des maladies. Qu’avez-vous fait à ce sujet? Comment avez-vous géré ce problème?
M. Eggertson : La loi nous oblige à avoir un ventilateur de récupération. L’hiver, le ventilateur aspire de l’air froid sec dans la maison. L’air passe dans un système alvéolaire qui le réchauffe en lui transmettant la chaleur et l’humidité de l’air rejeté à l’extérieur. Toutefois, oui, la circulation permet de changer l’air de la maison trois fois par heure.
Le sénateur Massicotte : Vous avez mentionné dans votre exposé qu’il ne faut jamais chauffer des locaux à l’électricité parce que le rendement énergétique est alors très faible. Est-ce que cela s’applique aussi au Québec où nous avons de l’électricité en abondance à un prix relativement bas?
M. Eggertson : Hydro-Québec fait beaucoup d’argent en exportant cette électricité aux États du Nord-Est des États-Unis. La société participe à un certain nombre de soumissions. Oui, vous avez un choix. Les Québécois peuvent utiliser l’électricité de La Grande-2 pour chauffer leur maison. Il leur serait également possible d’installer des thermopompes NetZeroPlus partout dans la province et d’avoir ainsi beaucoup plus d’électricité à exporter aux États-Unis. C’est ce que fait Manitoba Hydro. C’est une question qu’il appartient à la province et au service public d’électricité de régler.
De toute évidence, l’électricité est moins coûteuse au Québec qu’ailleurs. Ajoutons aussi qu’Hydro-Québec est le seul service public provincial qui admette l’existence d’une empreinte carbonique provenant du méthane libéré par LG-2. Je suis très heureux qu’Hydro-Québec le reconnaisse. Convient-il pour autant d’utiliser de l’électricité pour chauffer les maisons? C’est une source de courant purement sinusoïdale dont mon ordinateur a besoin, mais qu’il n’est pas nécessaire d’utiliser pour chauffer un local à 20 degrés.
Le sénateur Dean : Je vous remercie pour votre excellent exposé. Il est très inspirant. Les témoins qui comparaissent devant le comité appartiennent pour la plupart à l’un de deux groupes : ceux qui estiment que nous n’avons pas les moyens d’honorer nos obligations relatives au changement climatique, et ceux qui disent que nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas agir. Vous faites évidemment partie du second groupe.
Vous avez beaucoup parlé des applications résidentielles. Est-ce que certaines de ces applications et technologies peuvent s’appliquer dans des installations commerciales ou même dans de petits complexes industriels? Y a-t-il des données ou des projets pilotes concernant les installations de ce genre?
M. Eggertson : Très brièvement, oui. Beaucoup de mes renseignements relèvent à la fois du secteur résidentiel et des secteurs commercial et institutionnel. Il est simplement plus facile pour moi de séparer ces secteurs.
Au niveau commercial et institutionnel, les choses ne sont pas aussi faciles que dans le secteur résidentiel parce qu’on y trouve des moteurs et davantage de machines électriques. À ce niveau, on a besoin de bureaux ouverts entre 9 heures et 17 heures. Dans mon cas, je n’utilise pratiquement pas le réseau en période de pointe parce que je suis en secteur résidentiel. Ce n’est pas la même chose dans le secteur commercial. En fait, le rendement de l’investissement est probablement meilleur dans les applications commerciales que dans les applications résidentielles.
J’aime beaucoup faire du lobbying auprès des bureaucrates fédéraux, habituellement dans les grands immeubles de la rue Queen. Je leur demande : « Savez-vous où se trouve le plus grand site canadien d’énergie renouvelable? » Je vous le donne en mille : c’est au Musée canadien de l’histoire. Les deux tours sont équipées de thermopompes à eau qui utilisent la rivière des Outaouais pour satisfaire à 100 p. 100 des besoins de chauffage et de climatisation des deux tours. C’est un exemple frappant d’organisme gouvernemental qui a bien fait les choses. Dans les écoles, par exemple, c’est vraiment facile à réaliser parce qu’on peut internaliser la boucle : je dirais, en termes simplistes, qu’on prélève la chaleur sur les gens qui suent au gymnase pour la transférer aux gens sédentaires de la bibliothèque. Ainsi, on n’a pas besoin d’autant d’énergie pour le chauffage et la climatisation. Beaucoup d’immeubles à bureaux prélèvent la chaleur dans le bloc central des ascenseurs pour la transférer aux zones périphériques plus froides.
Dans le secteur commercial, il y a des membres de mon association qui ont installé des thermopompes ayant un coefficient de performance de 7 kWh. Cela signifie que pour chaque kilowattheure d’énergie qu’ils utilisent pour alimenter les accessoires, les pompes et les moteurs, ces thermopompes produisent 7 kWh d’énergie thermique utilisable. Bref, le secteur commercial et institutionnel obtient de meilleurs résultats que le secteur résidentiel.
Le sénateur Black : Je vous remercie, monsieur, de votre exposé. La conclusion que j’en ai tiré, c’est que nous avons besoin de 20 millions de personnes comme vous pour résoudre le problème. Toutefois, nous n’avons pas 20 millions de Bill Eggertson. Nous n’avons pas autant de Canadiens ayant vos ressources et vos connaissances.
Pouvez-vous nous donner quelques idées sur les choses que le comité peut recommander pour minimiser les émissions de carbone du secteur résidentiel? Que devons-nous faire en pratique, compte tenu du fait que nous avons affaire, partout dans le pays, à des Canadiens de toutes les couches sociales et de tous les niveaux de revenu?
M. Eggertson : Vous avez en outre des conflits de compétence qui font que ce n’est pas vraiment dans vos cordes. Les mesures à prendre relèvent beaucoup plus de la compétence provinciale. Le gouvernement fédéral peut faire un certain nombre de choses. Je peux penser tout de suite à deux d’entre elles. Ottawa s’est engagé à porter à 20 p. 100 l’énergie électrique utilisée dans les immeubles fédéraux d’ici 2030. C’est la norme Greentherm. Le gouvernement fédéral pourrait simplement dire que 10 p. 100 de tous les immeubles fédéraux doivent être équipés de sources renouvelables Greentherm d’énergie de chauffage, d’énergie solaire, de thermopompes NetZeroPlus ou d’autres sources de chaleur non électriques.
J’ai mentionné dans mon exposé qu’un certain nombre de pays ont des normes régissant leur portefeuille d’énergies renouvelables. Ils doivent, par exemple, produire 10 p. 100 de leur électricité en recourant à l’énergie solaire ou éolienne. Ces normes ont été le point de départ de l’essor de ces énergies dans plusieurs pays. Le Canada pourrait adopter ce modèle pour l’énergie thermique, comme on l’a fait en Europe. L’UE a la directive sur le chauffage renouvelable qui impose qu’au moins 5 p. 100 du chauffage vienne de sources renouvelables, dont le bois.
Le sénateur Black : Vous croyez que nous pouvons faire cela. Si le gouvernement du Canada exigeait que 20 p. 100 des besoins d’énergie des immeubles fédéraux soient tirés de sources géothermiques, quels seraient les effets sur les émissions?
M. Eggertson : Il faudrait que je fasse des calculs, mais je dirai, à première vue, que les effets seraient importants.
Le sénateur Black : Ce serait donc assez considérable.
M. Eggertson : Oui. En même temps, le gouvernement ferait preuve de leadership.
Le sénateur Black : Je comprends, mais nous avons des cibles pratiques à atteindre.
M. Eggertson : Vous vous êtes déjà engagés à utiliser 20 p. 100 d’électricité. Vous accordez des subventions, des incitatifs et d’autres formes d’aide pour les parcs d’éoliennes et les panneaux solaires, qui n’engendrent pas d’émissions.
Vous avez probablement compris que je ne suis pas un grand partisan du nucléaire, mais c’est au moins une source d’énergie propre. Vous encouragez l’adoption de l’énergie éolienne et solaire. Merci, poursuivez dans cette voie, mais vous le faites au détriment du nucléaire. Pourquoi ne le faites-vous pas plutôt pour remplacer des sources d’énergie à forte intensité d’émissions?
Le sénateur Black : Comme quoi, par exemple?
M. Eggertson : Remplacez l’énergie de chauffage par des sources renouvelables.
La sénatrice Griffin : À votre avis, quels sont les plus grands obstacles qui s’opposent à l’installation de thermopompes dans les maisons et les autres bâtiments?
M. Eggertson : Parlez-vous des maisons existantes?
La sénatrice Griffin : Oui.
M. Eggertson : Ma réponse aura deux volets. Pour les maisons neuves, il n’y a absolument aucun obstacle. La situation est différente dans le cas des maisons existantes construites dans un lotissement du centre. Nous avons déjà vécu dans le quartier de Westboro, pas trop loin du centre-ville d’Ottawa. Nous avions une vieille maison. Avec des membres de l’association, je m’apprêtais à installer une thermopompe. Il fallait pour cela faire venir un camion équipé d’un appareil de forage pour faire un certain nombre de trous dans l’entrée du garage. La Ville d’Ottawa ne coopère pas beaucoup dans les cas de ce genre. Même si je dirigeais une association industrielle, je n’ai pas réussi à trouver un seul membre assez courageux pour affronter la ville.
L’un des problèmes tient à la propriété du lieu. Pour creuser une tranchée horizontale — ce que nous avons fait parce que nous étions propriétaires du terrain —, il faut forer des trous verticaux. Cela est coûteux, je ne le nierai pas. De plus, si votre maison est chauffée à l’électricité, vous avez des plinthes chauffantes, ce qui signifie que vous n’avez pas les entrées, les sorties et les canalisations nécessaires pour faire circuler l’air chaud. Vous devez donc en faire installer partout dans la maison. Encore une fois, cela est coûteux.
Une bonne partie du problème réside dans le fait que les prix de l’énergie sont subventionnés. À mon avis, l’énergie, au Canada, est beaucoup moins coûteuse qu’elle devrait l’être. Nous faisons la concurrence à l’énergie conventionnelle établie. C’est un obstacle majeur.
Le manque de sensibilisation à la nécessité de réduire les émissions de carbone est un autre grand problème. Comme le sénateur l’a dit, il suffirait d’avoir quelques milliers de maisons comme la mienne pour que l’idée fasse son chemin.
Il y a donc des obstacles très réels. Je ne chercherai pas à le nier. Par ailleurs, je trouve choquant qu’on n’envisage pas les nouvelles technologies dans le cas des maisons neuves construites dans de nouveaux lotissements. Je regrette vraiment que les promoteurs refusent d’agir dans ce domaine. Il faudrait qu’ils le fassent. Je ne veux pas faire des reproches au gouvernement fédéral à ce stade, mais il faut agir à cet égard pour que la technologie se répande beaucoup plus.
Nous essayons de faire un certain nombre de choses parce que tout le monde en Ontario se plaint du prix élevé de l’électricité, pour plusieurs raisons. Nous aimerions que les 7 000 à 8 000 kWh nécessaires pour faire tourner une thermopompe NetZeroPlus pendant un an soient facturés à un taux réduit parce que cette énergie rapporte quatre fois plus. Les services publics devraient être très favorables à cette idée. Ceux qui produisent de l’énergie nucléaire ne l’aimeront sans doute pas beaucoup, mais ce n’est pas mon problème. Les initiatives de ce genre peuvent encourager les gens à dire qu’ils ont besoin de cette technologie.
La sénatrice Griffin : En mai dernier, lorsque notre comité s’est rendu à Summerside, dans l’Île-du-Prince-Édouard, nous avons constaté qu’il y avait un nombre énorme de thermopompes dans la ville. Il s’agissait cependant de thermopompes à air plutôt que de thermopompes à eau. On pouvait les voir tout le long des rues de la ville.
Vous avez dit, je crois, que les thermopompes à air sont moins durables. J’ai été un peu surprise de constater que beaucoup de gens étaient convaincus que c’était là un excellent moyen de faire des économies d’énergie. Soit dit en passant, le prix de l’électricité est élevé dans l’Île-du-Prince-Édouard, de sorte que les gens avaient une bonne raison de passer aux thermopompes.
M. Eggertson : Vous avez raison. Les thermopompes à air fonctionnent extrêmement bien dans les climats tempérés, comme dans l’Île-du-Prince-Édouard et à Vancouver, mais leur coefficient de performance se situe ordinairement entre 2,5 et 3.
Personne ne semble être au courant de l’existence des pompes géothermiques, pas même les bureaucrates fédéraux ou les responsables du Musée canadien de l’histoire. En regardant ma maison de l’extérieur, vous ne sauriez pas qu’elle est équipée d’une thermopompe. La seule différence est qu’elle n’a pas de cheminée. Les thermopompes à air marchent bien dans un certain nombre d’applications. Il faut se souvenir qu’elles servent au chauffage de l’eau ainsi qu’au chauffage et à la climatisation des locaux. Elles ont trois modes de fonctionnement. À l’Île-du-Prince-Édouard, où les températures ne tombent pas trop bas, les pompes à air fonctionnent bien. Toutefois, là où il fait plus froid, comme à Ottawa, il vaut mieux opter pour une pompe géothermique.
La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. C’est très intéressant.
Vous n’avez pas vraiment insisté sur ces choses parce que je vois les chiffres depuis des années. Pour tout vous dire, cela fait 10 ans que j’y pense. Je sais que chacun peut beaucoup mieux faire dans sa maison.
La grande question à poser est la suivante : pourquoi ces technologies ne sont-elles pas adoptées? En Europe — par exemple, en Allemagne, en France et en Italie —, tout le monde a l’équipement que vous avez mentionné dans votre exposé : la thermopompe, le toit solaire, les planchers chauffants et les fenêtres. Tout est là, mais alors, pourquoi n’avons-nous pas la même chose chez nous?
Je crois qu’il y a des raisons politiques et des raisons techniques. Je laisserai de côté les raisons politiques. Parlons des raisons techniques. La principale, c’est que les produits et les matériaux ne sont pas disponibles au magasin du coin. Costco n’en vend pas, pas plus que Home Depot. Les appareils tels que les thermopompes sont tous importés. Ils viennent d’Allemagne, pas de Chine, mais je suppose qu’ils viendront bientôt de la Chine.
Il y a aussi la main-d’œuvre spécialisée. Il faudrait pouvoir appeler quelqu’un qui sait ce qu’il fait, surtout pour l’électricité et le chauffage.
Dernier point, il y a le manque de normes dans les codes du bâtiment qui régissent l’économie et influencent tout le monde.
Vous avez connu de nombreux problèmes pour aménager votre maison comme vous l’avez fait. J’essaie de faire la même chose chez moi. Je vis dans le centre de Québec, mais je ne trouve quand même pas facile de me procurer certaines choses. Du côté technique — je m’abstiendrai de parler des considérations politiques —, comment pouvons-nous surmonter ces obstacles?
M. Eggertson : Si je peux parler au nom de l’International Ground Source Heat Pump Association, je dirai que nous sommes le premier organisme du Canada qui ait organisé une formation approuvée donnée par des tiers à l’intention des installateurs. Cette formation a été élaborée par l’association mère des États-Unis. Nous l’offrons au Canada parce que nous nous rendons compte du fait que plusieurs provinces vont probablement offrir des incitatifs pour encourager les Canadiens à améliorer leurs bâtiments. Nous espérons qu’on y trouvera des thermopompes NetZeroPlus, mais nous craignons fort que l’industrie ne soit pas encore prête à répondre à une très forte demande.
Il y a quelques années, Ontario Hydro offrait une remise de 2 000 $, mais cela a eu pour effet de faire grimper le prix d’environ 1 900 $, ce que les consommateurs ne savaient pas. Il y a également eu quelques installations très mal faites. Le programme de garantie mis en place avait recueilli près de 2 millions de dollars qui étaient censés durer longtemps. Lorsque le programme a pris fin, il a fallu débourser 500 000 $ dans la première semaine, notamment parce qu’un système installé dans une maison où vivait un important PDG n’avait pas été doté d’une boucle souterraine. Bien sûr, le rendement est faible si la pompe ne peut pas recueillir de la chaleur, mais l’industrie fonctionnait ainsi. C’est un peu comme ce qui arrive lorsque les couches de bébé sont en promotion : il y a des gens qui en achètent même s’ils n’ont pas de tout-petits chez eux. Nous avons connu le même problème.
Nous pensons être mieux préparés maintenant. Nous espérons que les gens savent qu’il faut rechercher la qualité et le professionnalisme. Nous n’avons pas beaucoup de spécialistes. Si vous appelez un concessionnaire, il essaiera probablement de vous vendre une chaudière au gaz ou, si vous vivez au Québec, des plinthes électriques, simplement parce qu’il n’aurait alors à vous donner aucune explication. En effet, vous savez ce qu’est une plinthe électrique, sans compter qu’elle coûte beaucoup moins cher. Vous paierez davantage à l’avenir, mais c’est votre problème. Le vendeur, lui, essaie de faire une vente rapide. L’industrie ne nous appuie pas parce qu’il est plus simple, plus facile et moins coûteux de vous vendre une chaudière au gaz ou des plinthes électriques.
L’une des raisons pour lesquelles les Européens sont très en avance sur nous… J’ai fait des recherches à ce sujet. En tenant compte des étudiants qui sont à l’université et de beaucoup d’autres cas particuliers, nous avons déterminé qu’au Canada, les gens gardent en moyenne leur logement pendant quatre ans et demi. En Europe, c’est plutôt quatre générations et demie. Les Européens installent toutes ces choses parce que leurs enfants hériteront de la maison.
Pour revenir à la question du prix par rapport à l’investissement, les Européens sont très en avance sur nous au niveau de la durabilité. Je ne sais pas s’il est possible de remédier à cela. Ici, nous essayons dans beaucoup de cas de recourir à des expédients pour améliorer nos maisons. Pourquoi ajouterions-nous des choses très coûteuses si nous ne nous rendons pas vraiment compte du besoin d’un investissement à long terme dans cette technologie?
Le sénateur Massicotte : J’aimerais savoir si j’ai bien compris. Au Canada, le propriétaire moyen garde sa maison quatre ans et demi. Parlez-vous de gens qui sont propriétaires et non locataires? Et combien d’années dites-vous que les Européens gardent leur maison?
M. Eggertson : Dans le cas de l’Europe, j’essayais seulement de deviner, monsieur. Au Canada, nous avons des données depuis quelques années. Elles portent tant sur les locataires que sur les propriétaires, ce qui fausse un peu les chiffres. Notre société est beaucoup plus mobile qu’en Europe. Les Européens ont tendance à rester chez papa et maman pendant assez longtemps.
Le sénateur Patterson : Je trouve très intéressant le fait que ces merveilleuses pompes géothermiques conviennent partout au Canada. Fonctionnent-elles bien aux endroits très froids?
M. Eggertson : Elles fonctionnent encore mieux quand il fait très froid. Le gouvernement en a installé dans un certain nombre de bâtiments fédéraux du Nord pour protéger le pergélisol. La chaleur est recueillie par le pilier de fondation qui est enfoncé dans la terre. On extrait la chaleur en dessous pour l’empêcher de faire fondre la glace. Voilà comment les économies sont réalisées.
Bref, la thermopompe fonctionnera. Au-dessous de la ligne de gel, il y a de la chaleur. Il faut aller la chercher un peu plus loin dans les climats nordiques. Évidemment, il manque d’équipement lourd dans le Nord et les coûts à assumer sont élevés.
Pourquoi n’avons-nous pas des pompes géothermiques dans les collectivités autochtones, par exemple? Les maisons devraient avoir un bon rendement énergétique. Nous ne voulons pas gaspiller l’énergie. Le problème réside dans le creusement d’une tranchée dans le sol. On peut utiliser des thermopompes à eau, comme l’a fait le Musée de l’histoire. Il y a plusieurs possibilités, mais pour répondre à votre question, je dirai que ces pompes fonctionnent n’importe où.
Le sénateur Patterson : Je connais bien le principe du thermosiphon, qui remplace les piles dans les grands bâtiments et stabilise le sol, empêchant les glissements dus à la chaleur dégagée par le bâtiment et au changement climatique.
Me dites-vous qu’en creusant à travers le pergélisol — ce qui doit être très difficile — on peut extraire de la chaleur du sol?
M. Eggertson : Oui, c’est comme une rivière. Au-dessous de la glace, il y a de l’eau qui est à environ 0 °C.
La sénatrice Galvez : De l’eau souterraine.
Le sénateur Patterson : Mais vous ne pouvez pas faire cela si vous construisez sur le roc, n’est-ce pas?
M. Eggertson : Je crois qu’Environnement Canada a un observatoire à Gatineau. Les spécialistes ont fait des forages dans le substrat rocheux, qui constitue l’un des milieux les plus efficaces pour le transfert de la chaleur. Un particulier n’aurait pas les moyens de faire la même chose parce que le coût est incroyablement élevé. N’empêche, le roc est un milieu de transmission extraordinaire.
Il y a un autre point que je voudrais aborder. On peut produire de l’électricité géothermique en faisant des forages à plusieurs kilomètres de profondeur afin d’extraire la chaleur qu’on trouve là pour faire tourner une génératrice d’électricité. En pratique, on ne va jamais au-delà de 4 mètres de profondeur à moins d’avoir un trou vertical. Dans le cas de ma tranchée horizontale, elle a environ 3,5 mètres de profondeur.
Le sénateur Patterson : Comment fait-on pour creuser dans le pergélisol de l’Arctique?
M. Eggertson : Je plaide l’ignorance. Je ne le sais pas.
Le sénateur Patterson : C’est sûrement difficile.
M. Eggertson : Oui.
Le président : D’après ce que je sais, on peut avoir des problèmes si on crée des perturbations dans le pergélisol. Il ne doit pas être facile de creuser des tranchées, mais on peut faire des forages directionnels.
Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre présence au comité. À Toronto, nous avons beaucoup de nouvelles constructions, mais nous avons aussi énormément de vieilles maisons, comme vous le savez. Si vous aviez à formuler une recommandation au sujet de bâtiments très proches les uns des autres, je suppose que vous diriez que l’énergie géothermique ne serait pas très rentable. J’y ai songé dans le cas de ma propre maison et, à 50 000 $, le prix me semblait déraisonnable. De toute façon, cela n’aurait pas marché à cause de la nature de la maison. C’est évidemment une considération personnelle.
Vous avez plus ou moins abordé le sujet dans votre exposé, mais qu’auriez-vous à dire à l’industrie et aux entrepreneurs qui s’occupent de chauffage, de ventilation et de climatisation? J’ai mentionné cela à un autre témoin la semaine dernière. Je ne parle pas des entrepreneurs qui cherchent juste à faire un profit rapide — nous savons qu’il y en a beaucoup dans ce cas —, mais que recommanderiez-vous à un propriétaire s’il ne peut pas envisager le géothermique?
Les panneaux solaires posent davantage de problèmes. Je sais ce qu’on fait en Ontario, parce que je me suis déjà occupé de la réglementation de ce secteur. Je sais ce que nous avons fait dans le cas des panneaux solaires. Je sais ce que nous avons fait au sujet de l’IESO et de l’Office de l’électricité de l’Ontario, et vous le savez tout aussi bien.
Qu’avez-vous à dire? À votre avis, combien en coûterait-il à un propriétaire moyen de Toronto qui veut convertir sa maison pour avoir un meilleur rendement énergétique et utiliser des énergies renouvelables?
M. Eggertson : Je commencerai par lui demander : « Avez-vous fermé vos fenêtres? » Beaucoup de gens ont des problèmes d’étanchéité. Pouvez-vous améliorer l’isolation? Chercher à réduire votre demande d’énergie?
Je dirai, à titre d’anecdote, que lorsque je travaillais pour le gouvernement britannique, nous avions fait un audit énergétique à Earnscliffe, où vit le haut-commissaire. C’est un bâtiment délicat, car, bien sûr, il s’agit d’un monument historique canadien, ce qui nous imposait d’être très prudents.
Si nous avions pu faire quelque chose, aurions-nous agi en dépit du caractère délicat? Je ne vous parlerai pas des résultats de l’audit, mais je peux dire que le bâtiment n’était pas très étanche. De toute façon, il n’y avait pas grand-chose à faire à moins de procéder à des rénovations majeures. La contribution à l’écologie s’est limitée à l’installation d’un chauffe-eau solaire pour la piscine. De leur côté, les Britanniques ont apporté quelques modifications thermiques et solaires à leur haut-commissariat de la rue Elgin.
À ce propriétaire torontois, je commencerais par demander ce qui suit : « Avez-vous fait tout ce qu’il faut? » Nous recevons beaucoup d’appels de ce genre. Les gens nous disent : « Je trouve excessive ma facture d’électricité. » Est-ce le service public ou bien le coût que vous n’aimez pas? Les difficultés se situent-elles du côté thermique ou électrique? Avez-vous réduit au maximum votre demande d’énergie? C’est toujours le moyen le moins coûteux. Avez-vous fait poser des détecteurs de mouvement? Éteignez-vous la lumière lorsque vous sortez? Gaspillez-vous de l’énergie dans une technologie ou dans l’autre?
Le sénateur Wetston : Comme vous le savez, l’Ontario a des programmes pour encourager les gens à rénover leur maison et à la rendre plus écoénergétique. Vous parlez de pompes géothermiques. Il y a d’autres genres de thermopompes. Elles ont toutes besoin d’une source quelconque de chaleur, et c’est souvent du gaz naturel.
M. Eggertson : Oui.
Le sénateur Wetston : Quelles sont les autres possibilités?
M. Eggertson : M’avez-vous dit que l’endroit en question à Toronto n’était pas assez grand pour faire venir un engin de forage et faire deux ou trois trous?
Le sénateur Wetston : S’il est impossible de le faire, sommes-nous obligés de nous en tenir au gaz naturel? Disons les choses telles qu’elles sont. Est-ce le seul choix possible?
M. Eggertson : Si vous avez des canalisations de gaz, vous disposez d’une énergie suffisante et vous n’avez pas vraiment une autre option.
Le sénateur Wetston : D’accord.
M. Eggertson : Vous ne pouvez pas passer à des capteurs solaires à cause de l’orientation de votre toit. Si vous avez le gaz, vous allez devoir le garder.
Le sénateur Wetston : Nous voulons bien sûr réduire nos émissions. Nous savons que nous avons une économie axée sur le gaz naturel. L’Europe, pour sa part, a une grave pénurie d’énergie. Beaucoup des pays que vous avez mentionnés n’en ont pas assez. Il y a une tendance naturelle à chercher un moyen d’assurer le chauffage et la climatisation.
Ne vous méprenez pas sur le sens de ce que je dis. Je ne cherche pas des faux-fuyants. Pour affronter ces problèmes, les Européens ont un environnement industriel différent. L’Allemagne a besoin du gaz naturel venant de Russie, ce qui lui vaut des désagréments de temps en temps. Nous n’avons pas ce problème. Je ne sais toujours pas pourquoi nous importons du pétrole d’autres pays, mais c’est une autre question, monsieur le président.
Qu’avez-vous à dire à ce sujet? C’est la nature de notre économie. De bien des façons, notre économie est bâtie sur cette base. Qu’en pensez-vous?
M. Eggertson : Je vous demanderai d’essayer de déterminer combien de ces maisons du centre de Toronto sont strictement limitées au gaz et combien des 14 millions de ménages du Canada sont dans la même situation. Toronto est un bon exemple de ville où il est difficile d’envisager de grandes initiatives. Même la rénovation et l’amélioration de l’isolation peuvent donner lieu à des problèmes dans la plupart des maisons. Toutefois, si 7 des 14 millions de ménages pouvaient cesser de brûler du gaz naturel, elles contribueraient sérieusement à la réduction des émissions de carbone du Canada.
Le sénateur Wetston : Je comprends votre argument. Je n’essaie pas d’être difficile. J’espère que vous vous en rendez compte. Je cherche à comprendre les circonstances d’un propriétaire raisonnablement normal qui souhaite emprunter cette voie.
Si quelqu’un voulait suivre votre exemple — je ne voudrais pas mettre le nez dans vos affaires personnelles —, combien doit-il débourser?
M. Eggertson : C’est une question personnelle. De plus, elle manque un peu de sens et est peut-être un peu injuste.
Le président : C’est une bonne question.
M. Eggertson : C’est probablement la question qu’on me pose le plus souvent, comme je l’ai dit en réponse au sénateur. Vous savez que je fais la distinction entre une dépense et un investissement. Si vous cherchez strictement à savoir combien de chèques il a fallu donner pour les aspects énergétiques et non esthétiques, je dirais qu’ils totalisaient près de 20, peut-être même 25. J’ai profité d’une aubaine parce que j’ai installé moi-même la thermopompe que j’avais obtenue au prix coûtant.
Le sénateur Massicotte : Vous parlez de 25 000 $ à 30 000 $, n’est-ce pas?
M. Eggertson : Encore une fois, je ne sais pas ce que l’énergie coûtait avant que j’emménage.
Le sénateur Massicotte : Mais c’est votre estimation.
M. Eggertson : Oui. Je n’ai jamais fait des calculs exacts pour déterminer ce que l’ancienne propriétaire payait pour son énergie, mais les travaux que nous avons faits ont été aussi rentables que commodes. Le fait est que j’évite actuellement les taux d’électricité des heures de pointe. Je fais partie d’un comité consultatif municipal où siège aussi le président d’Hydro Ottawa. On peut le voir dans une photo représentant un de mes graphiques qui montre que je n’utilise pas d’électricité entre 7 heures et 19 heures. Il a dit : « Vous avez trafiqué notre photo d’une façon ou d’une autre. » J’ai répondu : « Non, elle vient de votre site Internet. » Il ne pouvait pas comprendre que des clients puissent littéralement se débrancher plus ou moins du réseau. Je ne peux pas vraiment le faire parce que j’ai un système microFIT que je dois continuer à utiliser pour obtenir mon argent, mais il y a un prix à payer. Je ne le conteste pas.
Le sénateur Wetston : Il est sûr qu’il y a un prix à payer. J’espérais que vous pourriez nous donner un chiffre approximatif.
M. Eggertson : Notre maison est aussi plus grande que la moyenne. Pour certaines maisons, le coût pourrait être moindre.
Le sénateur Massicotte : La maison du sénateur Wetston est aussi beaucoup plus grande que la moyenne.
Le sénateur Wetston : Ce n’est pas vrai. J’ai une dernière question. Les sénateurs savent que je l’ai déjà posée auparavant, mais je m’inquiète de la façon de faire les choses au Canada, parce que nous avons des administrations municipales, provinciales et fédérales et que chacune a un rôle à jouer.
La sénatrice Galvez se soucie beaucoup des codes du bâtiment, qui sont effectivement importants. Elle a affaire à un grand nombre de fonctionnaires municipaux à cet égard. Elle connaît ces choses bien mieux que moi.
Quel est le rôle du gouvernement fédéral s’il faut essayer de réduire les émissions de carbone? Pourrons-nous jamais le faire? Est-il possible que le Canada passe à 100 p. 100 aux énergies renouvelables? C’est une question à deux volets.
M. Eggertson : Si vous pensez à 100 p. 100 d’énergies renouvelables dans tous les cas, considérez le Solar Impulse, qui a été le premier avion à faire le tour du monde en recourant uniquement à l’énergie produite par des panneaux solaires. Il lui a fallu neuf mois avec un seul passager. Je ne crois pas qu’il représente immédiatement un risque pour Boeing ou Air Canada. Remplacera-t-il les navires et les trains?
À un moment donné, j’ai vécu à Burlington près de l’aciérie de Stelco. On ne peut pas produire de l’acier avec des éoliennes et des panneaux solaires. La plupart des énergies renouvelables ne serviraient à rien dans ce secteur.
Pouvons-nous passer à 100 p. 100 aux énergies renouvelables? Si on parle strictement d’énergie, non. Dans le cas de l’électricité renouvelable, ce n’est pas impossible.
Quelle était donc la première partie de votre question?
Le sénateur Wetston : Il s’agissait des compétences respectives. Quel est le rôle du gouvernement fédéral?
M. Eggertson : Je veux croire que, après m’être occupé de carbone pendant 20 ans — depuis Kyoto et autres — et après avoir dirigé un programme national de sécurité climatique, j’ai pu me rendre compte du fait que le Canada est lent à démarrer, notamment parce que beaucoup de Canadiens nient l’évidence ou se refusent à agir. Nous avons de l’énergie à bon marché, alors pourquoi agir? Nous avons de l’hydroélectricité en abondance. Près des deux tiers de notre électricité n’engendrent que de faibles émissions de carbone. En Ontario, nous avons 60 p. 100 d’électricité nucléaire sans émissions, et les gens continuent à parler de voitures électriques.
Le sénateur Wetston : Je crois que la contribution du nucléaire est de 40, et non de 60 p. 100.
M. Eggertson : Je vous en reparlerai plus tard.
Le sénateur Wetston : J’en serais très heureux.
M. Eggertson : Nous avons fait une analyse fondée sur 12 millions de voitures de tourisme parcourant en moyenne 16 000 km par an à l’extérieur de l’Ontario. S’il s’agissait en totalité de Toyota Prius ou de Chevrolet Volt — je ne dispose pas du nombre exact de kilowattheures nécessaires —, il faudrait une douzaine de réacteurs nucléaires pour les recharger.
J’ai demandé à des propriétaires de véhicules électriques combien leur coûte leur carburant. Ils me répondent qu’ils n’en consomment pas puisqu’ils ont un moteur électrique. Rechargent-ils leurs véhicules pendant les périodes de pointe de la journée? La Ville d’Ottawa a deux bornes de recharge de niveau 2. Ayant posé des questions, j’ai appris que la recharge est gratuite. À mon avis, ce n’est pas une bonne chose. Vous devriez faire payer.
Le sénateur Wetston : Les automobilistes devraient payer.
M. Eggertson : Oui, ne serait-ce que pour la forme. Vous avez raison, monsieur. Je suis content d’être à ma place et de vous voir à la vôtre. C’est en effet votre problème. La plupart des Canadiens commencent lentement à se rendre compte de ce que sont les émissions de carbone, de ce qu’ils signifient et de leurs effets possibles. Je ne suis pas heureux d’apprendre que d’autres régions du monde sont touchées par des catastrophes naturelles, mais je suis bien content de voir la sensibilisation qui en découle. De toute évidence, votre comité est chargé de déterminer comment le Canada peut atteindre ses cibles. Vous avez fixé l’objectif. Je n’aime pas beaucoup qu’on parle d’une élévation de température de 2 degrés. Parlons plutôt du nombre de kilowattheures à couper sur notre consommation. Il serait très utile d’arriver à faire passer ce message.
Voilà où le gouvernement fédéral peut faire preuve de leadership, à mon avis. Il ne dispose pas de grands pouvoirs en vertu de la Constitution. Il s’est donné l’objectif de 20 p. 100 d’électricité renouvelable. Ajoutez-y une norme de 20 p. 100 d’énergie de chauffage renouvelable. Je crois que les effets seraient énormes. Cela montrerait aux Canadiens qu’ils doivent se soucier de l’énergie de chauffage et de climatisation.
Nous le savons tous, mais nous nous bornons à payer les factures et à penser à autre chose. Je suis probablement le seul fana qui tienne le compte des kilowattheures qu’il consomme chaque jour par utilisation finale. Je peux vous montrer les données, que vous trouverez peut-être ennuyeuses à mourir, monsieur. Je trouve utile de savoir combien d’énergie je consacre à chaque utilisation pour être en mesure de couper si c’est nécessaire. Je pense qu’il est bon de pouvoir montrer aux gens où exactement ils gaspillent de l’argent et de l’énergie et produisent des émissions de carbone.
Le président : J’aimerais beaucoup connaître le coût de travaux de ce genre dans une maison. La vôtre a été construite au début des années 1980. Vous parlez de votre maison en public. Je vais donc vous demander, si vous n’avez pas les chiffres maintenant, de communiquer à notre greffière les dépenses réelles et le moment où elles ont été faites. Avez-vous fait vous-même le plus gros du travail?
Je suis un peu déconcerté. Vous avez dit que vous avez fait une partie du travail vous-même. Je ne sais pas si vous avez engagé des entrepreneurs ou avez eu recours à d’autres moyens. Je ne veux pas me mêler de vos affaires, mais j’aimerais pouvoir dire à Pierre, Marie ou Jean-Jacques : voici ce qui a été fait et voici ce que cela a coûté. Le sénateur Wetston a posé la même question. Voilà ce que je veux savoir.
Vous avez dit que votre maison a été construite au début des années 1980 et qu’il s’agit d’une construction à double paroi. Cela n’était pas courant dans les années 1980. Parlez-vous de deux murs avec un espace vide entre les deux? Tout d’abord, ce mode de construction n’était pas commun. Ensuite, vous avez ajouté de l’isolant. À mon avis, la plupart des maisons construites dans les années 1970 ou 1980 n’avaient pas une double paroi et avaient probablement des montants de deux pouces sur quatre plutôt que de deux pouces sur six. Cela aussi implique des dépenses supplémentaires.
M. Eggertson : Oui.
Le président : J’aimerais, monsieur, que vous nous donniez des chiffres aussi proches que possible de la réalité.
Les thermopompes sont extraordinaires, mais j’ai pris des renseignements à ce sujet lorsque j’ai fait construire une maison. Leur prix est prohibitif. C’est probablement parce que je vis dans le Nord du Canada.
Dois-je comprendre que vous avez converti la consommation de toutes les formes d’énergie en kilowattheures et que vous avez réussi à épargner 19 000 kWh par an? Le prix moyen d’un kilowattheure est d’environ 10 cents, ce qui signifie que vous faites des économies de près de 1 900 $ par an. Est-ce exact? C’est le résultat que j’obtiens.
M. Eggertson : Oui.
Le président : J’aimerais vraiment beaucoup voir un relevé détaillé du prix de ces choses.
Nous comparons le Canada à des pays d’Europe. Pour être équitables, nous devrions dire aux gens qu’en Allemagne, l’électricité coûte en moyenne 45 cents le kilowattheure. C’est la même chose au Danemark, et les prix continuent à monter. À ce niveau, les gens ont de bonnes raisons de rechercher l’efficacité énergétique et d’éteindre les lumières lorsqu’ils sortent. Ce prix les fait penser à ce que l’énergie leur coûte. Êtes-vous d’accord avec moi?
M. Eggertson : Oui, d’accord à 100 p. 100, monsieur. Je ne préconise pas une hausse des prix au Canada. J’aimerais cependant que les prix canadiens de l’énergie soient alignés sur les prix du marché. Sans être opposés au nucléaire, les défenseurs de l’environnement croient que, pour construire, exploiter, puis désaffecter un réacteur nucléaire, il faut assumer un coût bien supérieur à 10 cents le kilowattheure pour l’électricité produite, mais nous laisserons nos enfants s’inquiéter de la désaffectation des réacteurs. Les Européens ont probablement une longueur d’avance sur le Canada. Ils ont tendance à fixer les prix en se fondant sur le coût réel. Chez nous, on cherche plutôt à cacher les faits.
Le président : On subventionne les grandes industries pour faire baisser les taux, après quoi on subventionne les particuliers. Je ne sais pas dans quelle mesure cela peut marcher parce qu’il faut bien que l’argent vienne de quelque part.
Il faut en outre éviter de se laisser berner par ces histoires de gaz naturel renouvelable. Vous n’êtes pas d’accord pour qu’on capte et utilise le méthane pur que dégagent nos décharges publiques plutôt que de le laisser échapper dans l’atmosphère. Le méthane pur est extrêmement polluant. N’est-ce pas préférable, plutôt que de le brûler et d’engendrer ainsi des émissions de carbone? C’est mon impression, mais vous ne semblez pas être du même avis, à moins que je n’aie mal compris ce que vous avez dit.
M. Eggertson : L’Association canadienne du gaz dit que 5 p. 100 de méthane sont injectés dans le gazoduc, dont le contenu se compose alors de 95 p. 100 de gaz naturel et de 5 p. 100 de cet horrible méthane. Oui, cela représente une meilleure utilisation du méthane. Ayant passé 30 ans à faire la promotion des choses renouvelables, je ne suis pas très content quand je vois cet ajout de 5 p. 100. Cela devrait se faire automatiquement.
Je trouverais acceptable qu’on dise que c’est un gaz naturel plus propre et plus durable, exempt de phosphates et de gras trans, mais je n’aime pas qu’on utilise le mot « renouvelable », car cela incite les Canadiens à penser : « Tiens, le gaz naturel est renouvelable comme l’énergie solaire et éolienne. C’est donc une bonne source d’énergie. »
Le président : Je ne parlais pas de l’aspect renouvelable. Pouvez-vous me dire s’il faut continuer à libérer le méthane dans l’atmosphère, en dépit du fait qu’il est extrêmement polluant, ou bien s’il vaut mieux le canaliser pour l’utiliser dans le système? Je sais qu’il est pompé dans les canalisations et qu’il peut être brûlé. Pour moi, c’est la chose à faire.
M. Eggertson : J’irais même plus loin. Je suis un peu choqué de voir les installations de pétrole et de gaz faire du torchage pour brûler le gaz naturel. J’aurais bien voulu qu’il y ait un moyen de faire autrement, soit en plaçant une minigénératrice au sommet de l’installation soit en essayant autrement de capter l’énergie du torchage. À l’heure actuelle, le gaz est brûlé en pure perte. C’est un problème. Pouvons-nous capter cette énergie? Des gens plus intelligents que moi y ont pensé.
Vous avez raison, monsieur. Il faudrait capter le méthane libéré par les décharges publiques. Les gens ne s’inquiètent pas du méthane, le CH4, parce qu'ils croient que ce n’est pas du carbone. En réalité, il nuit à l’environnement. Il conviendrait donc de le capter et de l’utiliser si possible. Autrement, il faudrait trouver un moyen de le débarrasser de son carbone.
Le président : Dans l’industrie pétrolière et gazière, s’il est possible de recycler le gaz, on ne fait plus de torchage. Il y a des règlements. Je le sais parce que j’en ai moi-même mis en place en Colombie-Britannique pour réduire le torchage. À d’autres endroits, cela est impossible, sans compter qu’il y a quelques bonnes raisons de le faire dans certains cas. Ce n’est pas toujours parce que les gens sont trop négligents pour capter ce gaz.
Vous dites dans vos notes que si toutes les voitures de tourisme étaient électriques, nous aurions besoin d’une douzaine de réacteurs nucléaires de plus rien que pour les recharger. Combien de mégawatts cela représente-t-il? Aurions-nous besoin de 12 centrales de 100 mégawatts ou de 12 centrales de 1 000 mégawatts?
M. Eggertson : Nous avons 17 réacteurs nucléaires au Canada. J’ai pris la puissance totale qu’ils produisent globalement, j’ai divisé par 17 et j’ai abouti à un nombre que je n’ai pas ici. Pour calculer le nombre de kilowattheures dont nous aurions besoin pour recharger ces 22 millions de véhicules, j’ai fait un petit calcul simple fondé sur le réacteur nucléaire moyen. À l’échelle du Canada, il nous en faudrait 12. Pour l’Ontario, nous aurions besoin de quatre.
Le président : Vous avez mentionné, je crois, qu’il y a des bornes de recharge à l’hôtel de ville et que ceux qui les utilisent n’ont rien à payer. C’est tout à fait gratuit. Je suis d’accord avec vous sur ce point.
Pensez-vous qu’il faudrait subventionner l’achat des véhicules électriques? Je crois que la subvention s’élève à 12 000 $ par voiture en Ontario, à 8 000 $ au Québec et à 5 000 $ en Colombie-Britannique. Croyez-vous que c’est une bonne chose? Pour moi, beaucoup de ces véhicules sont achetés — du moins aux prix d’aujourd’hui — par des gens qui ont les moyens de les payer.
M. Eggertson : Comme cela concerne l’espace aménagé, et non le secteur des transports, je vais essayer de quitter les sentiers battus. Je reçois 80 cents pour chaque kilowattheure produit par mes panneaux solaires. Vous offrez des subventions, des pots-de-vin ou tout ce que vous voudrez d’autre pour inciter les gens à modifier leur comportement et à agir d’une manière écologique. Le choix de l’incitatif nécessaire pour lancer l’industrie des véhicules électriques résulte d’une décision de politique publique. C’est une décision que vous autres devez prendre.
Est-ce que j’achèterai un véhicule électrique en l’absence d’une subvention? Je ne le sais pas. Mon souci va un peu plus loin. Je suis tout à fait d’accord qu’il faut réduire les émissions des voitures. Nous devons brûler moins d’essence, mais, encore une fois, nous en sommes à 10 p. 100 d’éthanol. Allons jusqu’à 20 p. 100 d’éthanol pour faire un peu mieux.
Avons-nous besoin d’autant de moyens de transport? Pourquoi devons-nous continuer à construire des routes? Sommes-nous sûrs de vouloir continuer à bâtir notre vie autour de la voiture, simplement en la dotant d’un moteur électrique? Sommes-nous encore des fanatiques des transports? Il est merveilleux d’être mobile, mais faut-il subventionner Elon Musk pour acheter une Tesla? Est-ce là un objectif de politique publique? Je préfère ne pas formuler de commentaires à ce sujet parce que j’ai mon propre point de vue, mais que mes recherches sont insuffisantes pour faire des affirmations devant le comité.
Le président : Avez-vous actuellement un véhicule électrique?
M. Eggertson : Nous vivons dans la région rurale d’Ottawa. Nous avons acheté une voiture. Nous avons envisagé un véhicule électrique, mais il n’aurait pas été raisonnable d’acheter une Prius simplement parce qu’à la campagne, on utilise rarement les freins. Comme c’est le freinage à récupération qui recharge les batteries, j’aurais consommé davantage d’essence pour conduire un véhicule plus lourd à la campagne. Ce n’était pas sensé.
Nous avons acheté une Elantra de Hyundai. À l’époque, c’était la voiture à essence la plus économique. Nous n’avons pas encore de bornes de recharge à la campagne. Nous avons toujours acheté des voitures à transmission manuelle simplement parce que leur consommation d’essence est de 3 à 6 p. 100 moindre.
C’est ainsi que je distingue un écologiste d’un non-écologiste. « Avez-vous une auto? » « Avez-vous une transmission automatique ou manuelle? » Si vous répondez : « Automatique », j’en conclus que vous gaspillez 3 à 6 p. 100 de votre essence.
Quand je dis que c’est ainsi que je vis, monsieur, c’est strictement vrai.
Le président : J’en suis sûr et je l’apprécie. Je vis aussi à la campagne et j’utilise mes freins. Je ne sais pas. Ma campagne est peut-être différente de la vôtre. Je suppose que le terrain est parfaitement plat dans votre coin. Merci beaucoup, monsieur.
Le sénateur Wetston : Puis-je faire une petite mise au point?
Le président : Oui.
Le sénateur Wetston : Nous avons tous les deux à la fois raison et tort. Votre pourcentage de nucléaire en Ontario était plus exact que le mien. Vous avez dit 60 p. 100, j’ai dit 40 p. 100. En réalité, le chiffre est de 50 p. 100. C’est donc un match nul.
Le président : Juste au milieu.
Le sénateur Wetston : Plus ou moins, mais son chiffre est probablement plus proche de la réalité que le mien. Je vous remercie.
Le président : Je suis heureux que vous ayez fait cette mise au point.
M. Eggertson : Avec votre permission, monsieur le président, j’aimerais avoir une précision. S’agit-il de capacité ou de production réelle?
Le sénateur Wetston : C’est la production nette.
La sénatrice Galvez : J’aimerais vous demander votre avis sur une chose. Nous parlons de transport. Y a-t-il dans notre société quelque chose de moins efficace? La voiture reste longtemps au garage, puis tout le monde sort en même temps. Nous sommes alors tous pris dans des embouteillages pendant une heure, après quoi la voiture est immobilisée pendant plusieurs heures sur un terrain de stationnement. Nous brûlons en quelques secondes du pétrole que la nature a mis des millions d’années à produire. Je conduis une Prius. Il y en a deux chez moi. J’utilise souvent le frein parce que je vis en ville. Je crois beaucoup à la réduction des émissions.
Puisque nous avons abordé les questions politiques, alors que je pensais que nous les éviterions, je vais parler des subventions. Au début, le manque de subventions à l’énergie solaire, éolienne, marémotrice, et cetera me dérangeait beaucoup. Comme vous, je pensais que le gouvernement devait offrir des encouragements puisqu’il l’a fait dans le cas du pétrole. Le gouvernement a accordé des subventions et des incitatifs aux pétrolières, et continue à le faire. Cela me dérangeait considérablement.
Aujourd’hui, j’ai un peu changé d’avis parce que je trouve que le secteur des énergies renouvelables se porte bien sans subventions, ce qui témoigne de sa vigueur. Il n’a plus besoin de l’aide du gouvernement.
Je crois que nous pouvons donner un coup de pouce en offrant des encouragements, comme vous l’avez dit. Je pense que le gouvernement peut remplir trois rôles : interdire les matières nocives qui peuvent nuire à la santé de l’environnement, contrôler certaines choses et donner des encouragements. Oui, je crois que le gouvernement devrait le faire.
M. Eggertson : Si je peux citer la sénatrice, je dirai que je ne souhaite pas aborder les considérations politiques.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Eggertson, pour votre exposé. Nous espérons recevoir votre réponse à quelques-unes de nos questions. Nous vous sommes très reconnaissants.
Je vous souhaite la bienvenue à la deuxième partie de cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Nous sommes heureux d’accueillir Ian Beausoleil-Morrison, professeur à la faculté d’ingénierie et de design de l’Université Carleton.
Merci de votre patience. Nous étions en retard, et je m’en excuse. Toutefois, cela vous a donné l’occasion d’écouter le premier exposé. Nous avons hâte d’entendre le vôtre. Quand vous aurez terminé, nous aurons quelques questions à vous poser.
Monsieur, la parole est à vous.
Ian Beausoleil-Morrison, professeur, faculté d’ingénierie et de design, Université Carleton, à titre personnel Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’adresser au comité ce soir. J’aimerais vous parler des possibilités qu’il y a pour le secteur de l’habitation de contribuer à l’atteinte des cibles canadiennes de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Nous utilisons beaucoup d’énergie aux endroits où nous vivons. Près de 17 p. 100 de l’énergie totale consommée au Canada est attribuable au logement. Cette énergie revêt essentiellement deux formes : le gaz naturel et l’électricité. Un tiers de toute l’électricité que nous produisons au Canada sert à alimenter nos maisons, de même qu’environ un quart de notre production de gaz naturel. Je reviendrai plus tard sur cette combinaison de combustibles.
Il est important de déterminer de quelle façon nous utilisons cette énergie chez nous. La plus grande partie sert au chauffage des locaux, ce qui n’est pas surprenant dans notre climat froid. Le chauffage de l’eau vient en deuxième position. Ces deux utilisations représentent plus de 80 p. 100 de l’énergie que nous utilisons à la maison.
Les 20 p. 100 restants représentent l’électricité destinée à nos appareils ménagers, à l’éclairage et à la climatisation. L’un des graphiques distribués montre que la situation n’a pas changé dans le dernier quart de siècle. À cause du climat, notre consommation d’énergie va essentiellement au chauffage. C’est la même chose dans nos bâtiments, où le chauffage domine : sur toute l’énergie dont nous avons besoin, 80 p. 100 ou plus prennent la forme de chaleur.
On a déployé beaucoup d’efforts dans les 25 dernières années pour réduire la consommation d’énergie du secteur de l’habitation au Canada. L’industrie a joué un grand rôle, de même que les services publics d’énergie et tous les ordres de gouvernement : programmes d’incitation, règlements et modifications des codes du bâtiment. Nous avons maintenant davantage d’isolation dans nos murs et dans nos greniers, nos maisons sont plus étanches pour éviter les infiltrations d’air extérieur, nous avons des fenêtres de meilleure qualité et des appareils électroménagers qui consomment moins d’énergie. Tout cela a eu des effets très positifs. Dans cette période d’un quart de siècle, nous avons assisté à une réduction de 33 p. 100 de l’intensité énergétique, c’est-à-dire de la quantité d’énergie utilisée par mètre carré de superficie de nos logements.
Tout cela est positif, mais il y a le revers de la médaille. Nous vivons dans des maisons de plus en plus grandes. Même si l’intensité énergétique par mètre carré a considérablement diminué, les superficies ont augmenté. Nous consommons donc plus d’espace, si je peux m’exprimer ainsi. Par rapport à 1990, nos locaux d’habitation ont 29 p. 100 de plus de superficie par personne. De plus, notre population a aussi augmenté. Bref, si nous avons fait un pas en avant grâce à tous ces gains d’efficacité, nous avons reculé de deux pas à cause de nos plus grandes maisons et de l’accroissement démographique. Le résultat net, c’est que nous consommons plus d’énergie et produisons plus de gaz à effet de serre aujourd’hui qu’il y a 25 ans.
Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour remédier à la situation. Certaines sont très compliquées, alors que d’autres peuvent être réalisées presque sans rien débourser. Certaines des mesures à envisager seront très coûteuses. Dans l’ensemble, nous pouvons faire de grands changements en modifiant le comportement des gens pour qu’ils vivent dans de plus petits logements, par exemple.
Avons-nous toujours besoin de garder nos locaux d’habitation à 21 degrés Celsius tout au long de l’année? Nous pourrions mettre des vêtements plus adaptés à la saison. Je porte un veston aujourd’hui, alors qu’il fait 30 degrés dehors. Ce n’est vraiment pas raisonnable. Nous devons en tenir compte davantage dans nos locaux.
Si nous pouvions baisser le thermostat d’un seul degré Celsius pendant l’hiver, nous ferions des économies de 5 à 10 p. 100 sur le chauffage. En baissant de 2 degrés, les économies se situeraient entre 10 et 20 p. 100. En modifiant notre comportement individuel, nous pouvons avoir une grande influence, mais je crois que beaucoup de Canadiens ne connaissent pas suffisamment le problème de l’énergie pour comprendre les choix qu’ils font, les effets qui en découlent et leur propre contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre du Canada.
Nous pouvons aussi continuer d'agir comme nous l’avons fait, en concentrant nos efforts sur les gains d’énergie réalisables grâce à l’adoption de règlements, à la modification des codes du bâtiment, à la mise en œuvre de programmes d’encouragement volontaires visant à augmenter l’isolation des murs, l’étanchéité des bâtiments et le rendement de nos appareils électroménagers. Nous pouvons continuer à le faire, mais si nous nous limitons à cela, les gains que nous réaliserons seront annulés par l’augmentation de la consommation, l’accroissement de la superficie des bâtiments et la croissance démographique. Par conséquent, ces seuls efforts ne suffiront pas pour atteindre nos cibles.
Il serait possible de faire des substitutions de combustibles. Comme je l’ai mentionné plus tôt, nous utilisons une grande quantité de gaz naturel, près d’un quart de notre production, dans nos maisons. Nous ne pouvons pas échapper à ce fait : lorsque nous brûlons du gaz naturel dans une chaudière ou un chauffe-eau, la combustion produit du dioxyde de carbone, qui est un gaz à effet de serre. Il est en principe possible de réduire notre consommation de gaz naturel, ou même de la ramener à zéro, mais nous devons lui substituer autre chose.
Si nous remplaçons le gaz naturel par de l’électricité, il arrivera l’une de deux choses. Nous créerons une importante augmentation de la demande d’électricité. Nous aurons à faire croître notre capacité de production. Toutefois, si la capacité supplémentaire nous amène à brûler plus de charbon ou de gaz naturel, nous n’aurons pas amélioré la situation. Nous n’aurons fait que déplacer l’endroit où les émissions sont produites. Par conséquent, cette solution ne serait utile que si les nouvelles capacités de génération d’électricité ajoutées au réseau ne donnent lieu à aucune émission de carbone.
Le quatrième point que j’aimerais aborder — c’est à mon avis un domaine dans lequel le Canada a un énorme potentiel — est celui de l’exploitation de l’énergie solaire. L’énergie solaire peut revêtir différentes formes. Dans la forme passive, il suffit de permettre au soleil de passer à travers les fenêtres en concevant des maisons qui puissent faire un meilleur usage de cette énergie. Je crois que beaucoup de gens connaissent les systèmes d’électricité solaire, mais ces systèmes, qui produisent de l’énergie thermique, sont d’un type que nous utilisons rarement au Canada. Ne perdons pas de vue que la plupart de nos besoins énergétiques sont liés au chauffage. Nous avons besoin de chauffer les maisons et de chauffer de l’eau.
L’énergie solaire constitue certainement une possibilité, mais elle est en même temps très difficile à utiliser parce que nous ne savons pas à quel moment elle sera disponible. Le soleil brille de façon imprévisible, à des moments qui ne coïncident pas nécessairement avec ceux où nous avons besoin d’énergie. Nous avons donc des problèmes de temps. Nous pouvons avoir une journée ensoleillée, suivie d’une journée nuageuse. Nous disposons déjà de moyens conventionnels pour stocker l’énergie pendant quelques heures ou quelques jours, de sorte que le problème n’est pas insurmontable.
Le plus grand problème de temps que nous ayons est attribuable au fait que la plus grande partie de notre énergie solaire est disponible en été, tandis que nos besoins énergétiques sont les plus importants en hiver. Si nous pouvions capter l’énergie solaire estivale pour la stocker pendant quelques mois, nous pourrions satisfaire à la quasi-totalité des besoins d’énergie thermique de nos maisons. Cela est techniquement réalisable. Vous trouverez dans le document distribué quelques photos d’une installation de recherche de notre université où nous faisons exactement cela. Nous étudions des moyens de stockage saisonnier de l’énergie solaire qui nous permettraient de capter l’énergie en été, de la stocker pendant des mois, puis de l’utiliser en hiver pour le chauffage des locaux et de l’eau. Nous sommes convaincus d’être en mesure de satisfaire à 90 à 95 p. 100 des besoins d’énergie thermique d’une maison moyenne en utilisant de tels concepts pour exploiter l’énergie solaire. Ces moyens ne sont ni simples ni bon marché. C’est l’un des grands défis que nous devons relever.
Au chapitre des recommandations, je dirai que l’habitation est l’un des secteurs où il sera le plus facile de réduire sensiblement la consommation d’énergie et les émissions de gaz à effet de serre, par opposition au secteur industriel et à celui des transports.
Pour atteindre nos cibles de réduction des émissions de carbone, nous devons prendre des mesures radicales dans le secteur de l’habitation. Cela imposera au gouvernement de mettre en œuvre quelques politiques audacieuses pouvant amener des changements des comportements habituels. Il faudrait par exemple convaincre les gens de vivre dans de plus petites maisons et de consommer moins d’énergie.
Nous pouvons et devons réaliser plus d’économies d’énergie. Toutefois, si nous concentrons tous nos efforts là-dessus, nous n’atteindrons pas nos objectifs. L’expérience des 25 dernières années nous le montre bien.
L’énergie solaire est susceptible de répondre à la plus grande partie de nos besoins d’énergie thermique, mais cela sera difficile et coûteux. J’imagine déjà les questions qui seront posées au sujet des coûts. Cela est possible du point de vue technique. Par conséquent, si nous sommes vraiment convaincus de l’importance de la réduction des émissions, nous pouvons réussir, mais cela ne sera ni simple ni facile.
Le sénateur Massicotte : Merci beaucoup. Nous avons beaucoup apprécié votre exposé. Je veux tout d’abord dire que je crois au marché. Je pense que le marché est très efficace. Tous les jours, consommateurs et producteurs prennent des millions de décisions qui permettent d’aboutir à un équilibre du marché. Par rapport à un régime communiste, notre économie de marché fait des merveilles.
En ce qui concerne vos solutions, cependant, nous avons un sérieux problème de changement climatique. Je le comprends, mais si vous demandez aux gens de changer leur mode de vie, c’est un peu comme si vous leur dites de n’acheter que des produits américains ou canadiens. Il en est de même pour nos fruits et légumes. Un petit pourcentage de Canadiens le feront par esprit civique, mais la plupart s’adapteront à l’évolution du marché. Si une chose coûte plus cher, je penserai aux choix qui s’offrent. Je ne me sentirais pas coupable si je peux éviter de changer sans avoir à payer davantage.
Comment pouvons-nous vivre dans de plus petits logements ou avoir moins d’appareils électroménagers? De quelle façon pouvons-nous manipuler le marché pour en arriver là? Si nous le faisons en recourant à la coercition ou à de beaux discours politiques, nous n’aboutirons pas au résultat souhaité.
M. Beausoleil-Morrison : Je ne suis pas économiste. Je suis ingénieur, mais je vais vous donner mon point de vue. J’estime que nous sommes en présence d’un échec du marché parce qu’en matière d’énergie, nous ne tenons pas compte du prix de la pollution. Si je brûle du gaz naturel, je produis du CO2. Il y a quelqu’un qui en souffrira les conséquences. Si ce n’est pas moi, ce sera peut-être quelqu’un qui vit dans l’hémisphère sud ou peut-être encore la génération de mes petits-enfants. Je ne paie pas pour cette pollution. Par conséquent, rien ne m’incite à réduire mes émissions de gaz à effet de serre. Si nous tenions compte du prix de la pollution, le marché réagirait très différemment.
Le sénateur Massicotte : Appuyez-vous la tarification du CO2?
M. Beausoleil-Morrison : Oui, absolument.
Le sénateur Massicotte : Est-ce que cette tarification vous permet d’aboutir au résultat recherché dans les solutions que vous proposez?
M. Beausoleil-Morrison : Cela dépend du prix à la tonne attribué à la pollution au dioxyde de carbone. Je ne suis pas économiste, mais je crois qu’à 30 $ la tonne, nous n’y arriverons pas. Ce montant est insuffisant. Est-ce le véritable coût de la pollution? On pourrait déterminer le vrai coût. Il y a aussi le coût de l’inaction. Si le marché réagissait à tous ces facteurs, il serait très différent de celui que nous avons aujourd’hui.
La sénatrice Galvez : Je suis ingénieure, et je crois que les codes du bâtiment sont horizontaux. En ce moment, les provinces et les municipalités font ce qu’elles croient être bon. Si nous pouvions normaliser et étirer horizontalement, je crois que nous pourrions exercer une grande influence.
Pour ce qui est de la main-d’œuvre spécialisée pouvant installer cet équipement, j’ai parlé à des experts qui m’ont dit qu’il y a des obstacles entre le Québec et l’Ontario et entre l’Ontario et l’Alberta. Je crois à l’existence de ces obstacles. Je crois aussi qu’il y a lieu d’agir.
Avez-vous des suggestions à formuler sur la façon d’améliorer les codes du bâtiment?
M. Beausoleil-Morrison : Les codes exigent certaines choses en matière d’énergie. Le code ontarien, par exemple, impose des normes touchant la quantité d’isolant à mettre dans les murs et le genre de fenêtres à installer.
Ces exigences sont essentiellement établies par voie de consensus, mais elles se basent sur une estimation des coûts du cycle de vie. Les responsables examinent le prix courant du gaz naturel et de l’électricité ainsi que les projections de l’Office national de l’énergie concernant le gaz naturel pour les 10 ou 20 prochaines années. Ils estiment la durée probable des murs et le coût de l’ajout d’isolant. Ils déterminent ensuite si ces coûts sont compensés par le gaz naturel épargné durant le cycle de vie du mur.
Encore une fois, si le coût des combustibles utilisé dans l’analyse du cycle de vie reflétait le plein coût des émissions de CO2, les nombres obtenus seraient très différents.
La sénatrice Galvez : D’après vous, pourquoi ne produisons-nous pas des panneaux solaires au Canada? Qu’est-ce qui nous manque? Pourquoi ne les fabriquons-nous pas, pas plus que les grands accumulateurs, les éoliennes ou les turbines de cours d’eau? J’ai vu une de ces turbines pendant que j’étais en Europe. Nous avons au Canada d’innombrables rivières. Pourquoi n’avons-nous pas des turbines de cours d’eau?
M. Beausoleil-Morrison : Nous en avons. Le Canada est l’un des plus grands producteurs mondiaux d’hydroélectricité.
La sénatrice Galvez : Je ne parle pas des barrages. Je parle de turbines placées dans le courant des rivières.
M. Beausoleil-Morrison : Je ne connais pas vraiment ce domaine, mais je sais qu’un certain nombre d’entreprises canadiennes ont mis au point des centrales hydroélectriques au fil de l’eau. Je suis sûr qu’il y en a en Colombie-Britannique, au Québec, à Terre-Neuve et en Ontario.
La sénatrice Galvez : Ces centrales sont-elles reliées à des maisons?
Le président : Bien sûr, dans le cadre d’un système de transmission, tout comme les centrales des barrages.
Le sénateur Massicotte : Je ne sais pas comment on appelle ces systèmes.
M. Beausoleil-Morrison : Les gouvernements peuvent prendre de nombreuses mesures pour développer une industrie. Je pense au Programme ontarien de tarifs de rachat garantis, ou programme FIT : il y a 10 ou 15 ans, il n’y avait pas d’industrie d’électricité solaire en Ontario. Aucune entreprise n’avait les capacités nécessaires pour installer des systèmes. Si on voulait installer un système photovoltaïque solaire, il fallait payer un prix très élevé à quelqu’un qui n’avait pas les connaissances spécialisées nécessaires. L’apprentissage a été relativement long.
En offrant des incitatifs à l’industrie, on augmente le nombre d’intervenants, ce qui réduit les prix. Dans le domaine de l’électricité solaire, nous avons pu constater que le prix par watt installé a énormément baissé dans les 10 dernières années.
La sénatrice Griffin : Quels obstacles faut-il éliminer pour que le consommateur moyen puisse avoir un meilleur accès à l’énergie solaire? Quels sont les obstacles qui empêchent les gens comme moi de recourir à cette forme d’énergie?
M. Beausoleil-Morrison : À l’heure actuelle, c’est le prix qui constitue le plus grand obstacle. Le propriétaire doit prendre une décision lorsqu’il installe un système de chauffage : chauffage solaire ou chaudière au gaz naturel? Le choix est évident aujourd’hui. Le prix du gaz naturel est actuellement très bas, de même que le prix de l’installation d’une chaudière. Le propriétaire peut recourir à de nombreux techniciens et entreprises pour faire l’installation parce que c’est ainsi que le marché s’est développé. Le chauffage au gaz naturel constitue la technologie dominante et la moins coûteuse. Si nous ne tenons pas compte du coût de la pollution, le gaz naturel continuera d’être utilisé pendant très longtemps parce qu’il est vraiment bon marché au Canada. La situation n’est pas la même en Europe.
La sénatrice Griffin : Nous n’en avons pas à l’Île-du-Prince-Édouard. Pour le chauffage, je dois utiliser du pétrole importé du Venezuela.
Vous dites dans vos notes que nous avons besoin de leadership. À votre avis, que devons-nous exactement recommander au gouvernement du Canada pour obtenir des résultats dans ce domaine?
Le gouvernement peut recourir à des mesures soit financières soit réglementaires. D’après vous, quelles sont les deux choses les plus importantes que nous devrions faire?
M. Beausoleil-Morrison : Pour accroître l’utilisation de l’énergie thermique solaire, nous pouvons faire un certain nombre de choses. Tout d’abord, il faudrait imposer une très forte taxe sur le carbone. Il est critique d’agir rapidement à cet égard.
Le gouvernement peut également prendre de nombreuses mesures pour développer l’industrie et l’aider à s’établir et à prospérer. Il peut par exemple organiser un plus grand nombre de démonstrations de systèmes crédibles et veiller à ce qu’il y ait davantage de spécialistes ayant l’information nécessaire pour installer et entretenir ces systèmes.
Il est très difficile pour un consommateur seul de se lancer dans cette aventure parce que le premier à le faire aura à payer un prix très élevé. Il aura affaire à des gens inexpérimentés et à des technologies non établies et devra donc prendre beaucoup de risques. Le gouvernement peut beaucoup faire pour développer ces industries.
Le sénateur MacDonald : L’énergie solaire semble tellement bénigne qu’à mon avis, tout le monde imagine qu’elle l’est vraiment. J’ai noté un certain nombre de choses pendant mes lectures à ce sujet. Tout d’abord, il y a beaucoup de grandes entreprises mondiales d’énergie solaire qui ont fait faillite. On a presque l’impression d’assister à des faillites en série qui semblent se produire aussitôt que les gouvernements mettent fin à leurs subventions.
Je pense à un climat comme celui de la Californie où le soleil brille tout le long de l’année et où les heures d’ensoleillement sont nettement plus nombreuses qu’au Canada. Y a-t-il en pratique un avenir pour l’énergie solaire dans le climat que nous avons au Canada?
Je veux en outre mentionner une chose que je viens de lire. Il semble certain que beaucoup de panneaux solaires produisent et dissipent beaucoup de chaleur. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ceux qui affirment que ces panneaux contribuent en fait au réchauffement de la planète. À titre d’expert, qu’avez-vous à nous dire de ces questions?
M. Beausoleil-Morrison : Je crois que vous parlez des systèmes solaires photovoltaïques, qui sont très différents des systèmes solaires thermiques.
Dans ces derniers systèmes, on convertit directement le rayonnement solaire en électricité. En général, ces panneaux ont un rendement compris entre 15 et 20 p. 100, ce qui signifie que 15 à 20 p. 100 de l’énergie solaire incidente est transformée en électricité. Le reste est perdu sous forme de chaleur.
Cette chaleur ne s’ajoute pas à la chaleur que nous aurions autrement. En l’absence des panneaux solaires, le rayonnement du soleil serait absorbé par le sol ou par l’asphalte, puis la chaleur résultante serait libérée dans l’atmosphère. Par conséquent, les panneaux solaires ne produisent pas globalement plus de chaleur qu’il n’y en a déjà.
Certains soutiennent qu’une importante quantité d’énergie est nécessaire pour fabriquer les panneaux solaires. Ce n’est pas faux. Il faut probablement utiliser les panneaux solaires pendant deux à quatre ans pour compenser l’énergie utilisée au cours de leur fabrication. Comme ils ont une durée utile de 30 ans ou plus, ils contribuent très sensiblement, au cours de leur cycle de vie, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Sur le plan économique, l’électricité solaire est très différente de l’énergie thermique solaire comme nous l’avons vu dans beaucoup d’administrations. L’Allemagne a été le premier pays à instaurer des programmes de tarification incitative, que d’autres pays ou administrations, notamment l’Ontario, ont adoptés par la suite. C’est un cas où la politique gouvernementale a favorisé le développement d’une industrie qui ne se serait pas établie dans des conditions économiques normales. En Allemagne, l’électricité solaire était surtout en concurrence avec l’électricité des centrales au charbon, qui étaient très peu coûteuses à exploiter. Les Allemands ont pris une décision politique. Ils voulaient réduire l’utilisation du charbon et de l’énergie nucléaire pour les remplacer par une ressource renouvelable.
La plupart des gens qui travaillent dans le domaine des énergies renouvelables conviendront que les technologies renouvelables sont compliquées et relativement coûteuses. Sur le plan des prix, elles ne peuvent pas concurrencer le gaz naturel. Toutefois, si nous tenons compte du prix et des effets de la pollution attribuable aux combustibles fossiles, la situation paraît très différente.
Le sénateur MacDonald : S’il y a un avenir pour l’énergie solaire au Canada, sur quel genre de technologie se fonderait-il? Quel genre d’énergie solaire? À votre avis, comment sera-t-elle appliquée?
M. Beausoleil-Morrison : Nous pouvons certainement utiliser tant l’électricité solaire que l’énergie thermique solaire. Pour l’essentiel, nos besoins d’énergie à la maison se classent dans la catégorie de l’énergie thermique à faible rendement. Nous devons chauffer nos maisons et notre eau. À cette fin, les technologies d’énergie thermique solaire sont les plus appropriées. Nous utilisons aussi de l’électricité dans les bâtiments. Si nous adoptons le mode de transport électrique, nous aurons besoin de courant pour recharger nos véhicules électriques. Dans ce genre d’application, l’électricité tant solaire que photovoltaïque aura un rôle à jouer.
Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre présence au comité. Je me suis intéressé à certains de vos travaux concernant le processus de stockage d’énergie dans du sable saturé d’eau. Je n’ai pas compris le processus, qui est nouveau pour moi, en dépit du fait que nous parlons beaucoup de stockage d’énergie. Pouvez-vous nous en parler? Vous croyez, je pense, que ce moyen peut permettre de chauffer efficacement des locaux et de l’eau et de satisfaire à de nombreux besoins.
M. Beausoleil-Morrison : Le concept est très simple. Il y a deux photos dans le document qui a été distribué. Dans l’une d’elles, on peut voir une grande citerne blanche, qui a finalement été enfouie dans le sol. C’est un grand réservoir d’eau chaude extrêmement bien isolé. Nous utilisons les capteurs solaires du toit de la maison pour chauffer l’eau du réservoir à 80 degrés Celsius, pendant l’été en particulier. Nous continuerons à la chauffer dans les prochaines semaines, surtout quand il fait aussi chaud qu’aujourd’hui. Ensuite, lorsque nous aurons moins d’énergie solaire en décembre, janvier et février, nous commencerons à retirer de l’énergie du réservoir pour chauffer la maison et l’eau. Nous chauffons donc pendant l’été un réservoir très bien isolé pour garder la plus grande partie de son énergie, puis nous en extrayons de la chaleur quelques mois plus tard.
Le bac de sable de la seconde photo sert à faire la même chose. C’est un système différent. Nous faisons des recherches pour essayer de réduire le plus possible la complexité et le coût. Nous avons essentiellement un bac rempli de sable, qui est également très bien isolé et qui est doté de canalisations d’eau qui passent à travers le sable. Pendant l’été, nous faisons circuler dans les canalisations l’eau réchauffée par les capteurs solaires, ce qui fait monter la température du sable. Pendant l’hiver, nous nous servons de l’énergie ainsi stockée pour chauffer la maison.
Le sénateur Wetston : Je suppose que la maison a des canalisations ordinaires d’air pulsé pour répartir la chaleur.
M. Beausoleil-Morrison : Ce n’est pas une maison ordinaire. C’est une installation de recherche. Nous avons un système de canalisations, mais aussi un plancher radiant. Nous pouvons ainsi tester les deux.
Le sénateur Wetston : Je suis sûr que vous préférez le plancher radiant. C’est un point de vue personnel, mais j’aurais bien voulu en avoir un chez moi.
M. Beausoleil-Morrison : Si cela vous intéresse, je serai heureux d’organiser une visite de l’installation pour n’importe lequel d’entre vous.
Le sénateur Wetston : Ce serait une bonne idée. Je vous remercie.
Votre centre est-il financé par Urbandale?
M. Beausoleil-Morrison : Oui, Urbandale est l’un de nos principaux commanditaires.
Le sénateur Wetston : D’une façon générale, qu’est-ce qui vous a le plus surpris et le plus déçu dans cette affaire? Je me rends bien compte que c’est un projet de recherche que vous espérez pouvoir appliquer à plus grande échelle.
M. Beausoleil-Morrison : C’est une bonne question. Il s’agit d’une installation de recherche. Nous essayons des concepts et, en toute franchise, nous ne savons pas s’ils marcheront ou non. Il est probable que certains n’iront pas loin parce qu’ils n’ont jamais fait leurs preuves et n’ont pas été commercialisés. Le bac de sable n’a pas encore fait l’objet d’essais.
Nous procédons actuellement à une série d’expériences pour essayer de transformer la maison elle-même en un capteur solaire. Nous avons de grandes surfaces vitrées donnant sur le Sud. Sans rien faire d’autre, le rayonnement solaire qui arrive par ces fenêtres suffirait pour chauffer la maison en février. Nous pouvons porter la température intérieure à 30 degrés en février juste avec l’énergie solaire passive et sans aucun chauffage d’appoint.
Nous essayons de capter l’énergie excédentaire, lorsqu’il y en a, en faisant circuler de l’eau à travers le plancher radiant. Nous pouvons refroidir la maison de cette façon. Les canalisations sont branchées sur une thermopompe qui sert aussi à chauffer le réservoir, la maison elle-même et l’eau pendant la nuit.
Le système nous donne actuellement du fil à retordre, surtout parce que nous essayons différentes choses. Certains de nos appareils ont des ratés et quelques instruments ne fonctionnent pas, mais tout cela est normal dans un projet de recherche.
Le sénateur Wetston : Je trouve cela intéressant parce que j’ai noté, en essayant de comprendre ces systèmes, que les gens ne font souvent pas la différence entre l’électricité solaire et l’énergie thermique solaire. Cela crée des difficultés.
M. Beausoleil-Morrison : Oui.
Le sénateur Wetston : On peut faire la distinction entre une maison chauffée à l’électricité et une maison chauffée au gaz naturel ou au mazout dans l’Île-du-Prince-Édouard. Nous avons intérêt à faire quelque chose à ce sujet, sénatrice Griffin.
La sénatrice Griffin : Oui.
Le sénateur Wetston : Vous parlez d’une thermopompe à air pour climats froids. Je connais la société et les deux ingénieurs qui s’en occupent. Qu’en est-il de la climatisation? Comment faites-vous pour refroidir l’air dans ce système?
M. Beausoleil-Morrison : Il est évident que vous avez fait vos recherches. La thermopompe à air pour climats froids est un autre système que nous étudions à notre installation. C’est un appareil qui peut aussi bien refroidir l’air en été que le chauffer en hiver. Il peut donc servir à la climatisation.
Le sénateur Wetston : Vous pouvez utiliser le même appareil?
M. Beausoleil-Morrison : Absolument.
Le sénateur Wetston : Encore une fois, vous utilisez un système de canalisations d’air.
M. Beausoleil-Morrison : Oui, le système est basé sur des canalisations d’air.
Le sénateur Wetston : Vous conviendrez cependant que les systèmes centraux de distribution de l’air sont très inefficaces.
M. Beausoleil-Morrison : Il faut plus d’énergie pour faire circuler la chaleur en utilisant de l’air plutôt que de l’eau.
Le sénateur Wetston : Que peut-on utiliser d’autre que des canalisations d’air?
M. Beausoleil-Morrison : On peut certainement leur substituer des planchers radiants, qui utiliseraient moins d’énergie. Cela dit, c’est la conversion initiale de l’énergie destinée à produire de la chaleur ou du froid qui consomme de loin le plus d’énergie. Les pompes et les ventilateurs qui font circuler la chaleur ou le froid n’utilisent que peu d’énergie par rapport au dispositif de conversion.
Le sénateur Wetston : À votre avis, est-ce que ces systèmes peuvent nous aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre? Iriez-vous jusqu’à dire qu’ils peuvent le faire?
M. Beausoleil-Morrison : Ils contribueraient à la réduction, mais la contribution ne serait sûrement pas énorme. À l’heure actuelle, c’est la production de la chaleur qui consomme le plus d’énergie. Ce n’est pas la distribution à l’aide d’air ou d’eau.
Le sénateur Wetston : Je trouve votre recherche très intéressante. J’aimerais savoir ce que vous faites des données. Je crois que vous avez un site web.
M. Beausoleil-Morrison : Oui, nous en avons un.
Le sénateur Wetston : J’y ai jeté un coup d’œil. Dans quelle mesure les données sont-elles disponibles? Quelle quantité d’information donnez-vous? Est-elle suffisante pour permettre à d’autres de procéder à des essais et de discuter avec vous de vos recherches? Autrement dit, faites-vous profiter d’autres établissements de recherche ou le gouvernement de vos travaux?
M. Beausoleil-Morrison : C’est une bonne question. Notre installation ne fonctionne que depuis près de 18 mois. Nous en sommes aux premiers stades de la communication de notre information. Nous publions au fur et à mesure que nous recueillons et analysons les données. C’est ce que font les universitaires. Nous rédigeons des communications, nous présentons des exposés à des conférences et nous écrivons des articles pour des revues spécialisées. Tout cela est librement distribué.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre exposé.
Je vais poursuivre dans la même voie que le sénateur Wetston. Vous avez dit que le Canada ne profite pas de la grande occasion que constitue le stockage de l’énergie thermique solaire. À votre connaissance, y a-t-il des pays ou des régions du monde qui sont en avance sur nous à cet égard?
M. Beausoleil-Morrison : Oui. Il y a certainement des pays qui exploitent l’énergie solaire dans les maisons beaucoup plus que nous ne le faisons au Canada. C’est le cas, par exemple, de l’Autriche et de l’Allemagne qui, en fait, ont moins d’ensoleillement que nous. Notre climat est plus favorable à l’utilisation de l’énergie solaire, mais c’est l’aspect économique qui constitue le plus grand atout de ces systèmes. Comme on l’a déjà mentionné, ces pays paient leur électricité quatre fois plus cher que nous. La situation est donc très différente pour les consommateurs.
Le sénateur Patterson : Avez-vous une idée de la façon dont les technologies de stockage évolueront dans les 5 à 10 prochaines années?
M. Beausoleil-Morrison : Oui. Nous pouvons recourir à l’énergie thermique solaire sans le stockage saisonnier dont je viens de parler. Elle fournirait peut-être 30 à 40 p. 100 de nos besoins de chauffage des locaux et de l’eau avec les technologies actuellement disponibles. Si nous voulons satisfaire à la majorité de nos besoins, par exemple dans une proportion de 90 p. 100, nous aurons besoin du stockage saisonnier.
Nous avons déjà aujourd’hui des technologies d’énergie thermique solaire qui fonctionnent bien et qui sont largement utilisées dans le monde. Au Portugal, par exemple, le code du bâtiment impose l’installation d’un système thermique solaire pour le chauffage de l’eau lors de la construction d’une nouvelle maison. L’industrie portugaise est bien développée. La technologie existe. Nous savons comment l’utiliser. C’est seulement que nous n’avons pas un marché suffisant ici parce que les conditions économiques n’incitent pas les propriétaires à opter pour le chauffage solaire par opposition au chauffage au gaz naturel ou à l’électricité.
Le sénateur Patterson : Le Conseil des académies canadiennes a publié en 2015 un rapport sur la technologie et les options de politique pour les systèmes énergétiques à faibles émissions ainsi que sur le remplacement du gaz naturel par de l’électricité produite à partir de sources propres. D’après le rapport, cette substitution ne serait probablement pas économique dans la plupart des régions du pays à moins d’améliorations sensibles de l’enveloppe des bâtiments. Acceptez-vous cette conclusion?
M. Beausoleil-Morrison : Absolument. Nous n’avons pas une solution technique unique. La substitution d’un système de chauffage à un autre n’est pas nécessairement sensée. Nous devons améliorer l’enveloppe des bâtiments et rendre les maisons plus écoénergétiques grâce à une meilleure isolation et à des fenêtres de meilleure qualité. C’est seulement après l’avoir fait que nous pouvons penser à de meilleurs moyens de chauffage.
Une seule technologie ne suffira pas. Nous pouvons beaucoup faire pour améliorer l’enveloppe et assurer aux bâtiments un meilleur rendement énergétique. Nous songerons ensuite à de meilleures façons de chauffer les locaux et l’eau.
Le sénateur Patterson : Maintenant que vous nous avez incités à penser au stockage de l’énergie thermique solaire, convenez-vous que l’électrification des sources de chauffage constitue un important moyen de réduire les émissions dans le secteur du bâtiment?
M. Beausoleil-Morrison : Le gaz naturel satisfait à environ 40 p. 100 de l’ensemble des besoins d’énergie des maisons du Canada. Nous ne pouvons pas échapper à ce qui découle de ce fait. En brûlant le gaz naturel dans des chaudières et des chauffe-eau, nous produisons du CO2 que nous n’avons pas vraiment la possibilité de capter. La séquestration du carbone peut donner de bons résultats à grande échelle, comme dans une centrale électrique où la source des émissions est concentrée, mais elle ne marchera jamais dans le cas d’une seule chaudière. Les économies d’échelle sont alors impossibles à réaliser.
La substitution de l’électricité au gaz naturel dans les maisons ne sera avantageuse que si les centrales électriques nécessaires ne produisent aucune émission de carbone. Il n’y aurait aucun avantage si nous faisons passer les maisons à l’électricité, puis construisons des centrales au gaz naturel pour les alimenter.
Le sénateur Patterson : Voilà pourquoi j’ai du mal à comprendre les raisons pour lesquelles le nouveau gouvernement de la Colombie-Britannique n’appuie pas le projet de centrale du site C. Je ne m’attends pas à ce que vous répondiez.
M. Beausoleil-Morrison : Cela est extérieur à mon domaine.
La sénatrice Galvez : Je veux revenir à l’une de vos recommandations. Vous dites que nous devons changer notre mode de vie et que, même si nous obtenons de meilleurs rendements énergétiques, nous en sommes venus, avec le temps, à occuper une plus grande superficie par personne.
Je me demande si vos statistiques changeront avec le temps, parce que ce comportement est celui de la génération du baby-boom. Vous enseignez, et moi aussi. Vous êtes en contact avec la nouvelle génération. Les milléniaux ne pensent pas comme les baby-boomers. Ils se soucient peu des grandes maisons et de l’entretien qu’elles impliquent. J’ai trois enfants. Aucun d’eux ne souhaite garder ma maison. Ils veulent tous vivre dans un appartement confortable en ville et disposer de tous les services. Ils ne conduisent pas une voiture parce qu’ils n’en veulent pas.
C’est surtout notre génération qui est en cause. Nous devons changer notre façon de penser. Nous sommes en quelque sorte des dinosaures.
Le président : Parlez pour vous-même.
La sénatrice Galvez : Je parle pour nous tous. Vous avez dit que nous devons réduire le réchauffement d’un degré et isoler les maisons.
En Europe, les systèmes d’eau chaude sur demande sont très populaires. Je crois qu’ils sont plus efficaces que nos grands chauffe-eau.
M. Beausoleil-Morrison : C’est un bon point. Notre façon la plus courante de chauffer l’eau consiste à garder un réservoir d’environ 200 litres dans la cave. Nous réchauffons l’eau, puis nous la tirons du réservoir lorsque nous voulons prendre un bain ou une douche. Il nous arrive souvent de chauffer l’eau sans jamais l’utiliser. Ensuite, quand la température de l’eau baisse, nous devons la réchauffer de nouveau.
Nous perdons donc une quantité assez importante d’énergie dans nos chauffe-eau. Les systèmes sur demande sont en général beaucoup plus efficaces. C’est une possibilité. La technologie existe.
La sénatrice Galvez : Êtes-vous pessimiste au sujet de la génération future?
M. Beausoleil-Morrison : C’est une bien grande question.
La sénatrice Galvez : Vous avez vu des gens passer dans votre bureau. Que pensez-vous d’eux?
M. Beausoleil-Morrison : Je crois que la plupart des gens ont de bonnes intentions, mais que beaucoup manquent de connaissances. Ils ne comprennent pas. Ils aimeraient bien faire quelque chose au sujet du changement climatique, mais ils ne se rendent pas compte que leur façon d’agir a des conséquences. Ils ne semblent pas saisir qu’en mettant en marche la climatisation à 17 heures, ils déclenchent, quelque part en Ontario, une turbine au gaz qui alimente leur climatiseur. Ils ont l’air d’ignorer que, en mettant le chauffage à 22 degrés et en se promenant en T-shirt en plein mois de janvier, ils augmentent les émissions de carbone. Dans beaucoup de cas, ils ne comprennent pas les conséquences de leurs gestes.
Parfois, c’est une affaire de coût. S’il ne coûte pas grand-chose de le faire, pourquoi s’en passer? Cela explique en partie ce qui se passe. Souvent, les gens ne se rendent pas compte. On peut voir un exemple manifeste dans le fait que, même si personne n’est financièrement incité à recycler, tous mes voisins utilisent leur boîte bleue parce qu’ils pensent que leur geste a une certaine influence. Ils ont appris à comprendre que leur comportement a des incidences. Il est probable que les enfants disent à leurs parents qu’ils ont intérêt à le faire.
Le sénateur Massicotte : C’est cela dans la plupart des cas.
Le président : On vous a posé une question sur la substitution des sources d’énergie et le remplacement du gaz naturel par de l’électricité. Que peuvent faire l’Alberta et la Saskatchewan qui n’ont pas des cours d’eau assez importants pour produire de l’hydroélectricité? Ils sont pris entre le marteau et l’enclume. Il est facile de leur dire qu’ils peuvent substituer l’électricité au gaz naturel.
M. Beausoleil-Morrison : Je ne pense pas du tout que cela soit facile. Cela dit, le Sud de l’Alberta dispose des meilleures ressources solaires du pays.
Le président : Mais ce n’est pas toute l’Alberta.
M. Beausoleil-Morrison : Je comprends. Il ne serait pas du tout simple de remplacer tout le gaz naturel. Dans la plupart des cas, nous pourrions aller assez loin à cet égard en remplaçant le gaz naturel par des systèmes électriques et notamment par des thermopompes, parce que c’est le moyen le plus efficace de chauffer à l’électricité. Toutefois, nous devons pour cela ajouter au réseau électrique des capacités ne provenant pas de sources qui brûlent des combustibles fossiles.
Nous n’irons pas très loin si nous nous limitons à construire une centrale au gaz pour alimenter des thermopompes dans les maisons. Il vaut mieux, dans ce cas, garder les chaudières au gaz. Il y a de bonnes raisons de les conserver dans certaines régions du pays, mais pas partout.
Je ne crois pas qu’une solution unique puisse s’appliquer dans tout le pays. Je ne pense pas que nous puissions nous passer complètement du gaz naturel, mais nous pouvons en réduire la consommation. Si nous voulons atteindre nos objectifs relatifs au changement climatique, nous devons pour le moins réduire l’utilisation du gaz naturel dans des systèmes répartis tels que les chaudières des maisons.
Le président : Vous dites à la dernière page que des politiques audacieuses sont nécessaires pour inciter la population à modifier son comportement. Vous avez parlé plus tôt de plus petits logements, de moins d’appareils électroménagers et d’autres choses de ce genre. Si vous étiez en politique, quelles mesures audacieuses préconiseriez-vous en public pour aboutir à ces résultats?
M. Beausoleil-Morrison : Je ne suis pas en politique.
Le président : Imaginez que vous l’êtes.
M. Beausoleil-Morrison : Beaucoup de ces politiques seraient vraiment difficiles à appliquer. Par exemple, au sujet de la taille des maisons, les impôts fonciers se basent pour l’essentiel sur la valeur de la propriété. Pourquoi ne pas la baser sur la taille? Si on consomme davantage, pourquoi ne serait-on pas imposé sur cette base? C’est une possibilité. Une politique de ce genre pourrait être conçue pour ne pas avoir d’incidences sur les recettes publiques, en ce sens que certains contribuables paieraient davantage et que d’autres paieraient moins.
Le président : C’est déjà le cas habituellement parce qu’une plus grande maison a une plus grande valeur.
M. Beausoleil-Morrison : Cela dépend du quartier.
Le président : En dernier lieu, vous avez parlé de la possibilité d’atteindre nos cibles. D’après les statistiques les plus récentes de Ressources naturelles Canada, il nous faudrait éliminer d’ici 2030 quelque 219 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre. En 2030, on s’attend à ce que le secteur du bâtiment se situe à 94 millions de tonnes, en hausse sur les 85 millions de 2005. Je n’ai pas l’impression que nous faisons des progrès en matière de réduction de la consommation dans ce secteur.
Les autres chiffres concernent l’industrie du pétrole et du gaz. Cela couvre tout. Vous avez parlé du gaz naturel, je parle de toutes les émissions de carbone. Si on éliminait tout, on serait à peu près au point d’équilibre. Nous aurions alors éliminé 219 millions de tonnes. Croyez-vous que nous puissions atteindre l’objectif en 2030? Soyons réalistes.
Le reste du monde n’atteindra pas ses cibles non plus. On ne peut pas dire que nous sommes les méchants, parce que ce n’est pas le cas. Il y en a qui sont bien pires que nous. Le climat est en train de changer. Que pensez-vous de l’adaptation?
Je conviens qu’une partie de la solution consistera à réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais ne devrions-nous pas envisager de mieux nous adapter au changement du climat plutôt que de concentrer nos efforts sur un seul secteur de notre économie, même s’il est énorme? Ce n’est pas seulement l’économie. Le gaz naturel sert à de nombreuses fins. Comment éliminer tout cela et survivre quand même? Comment pourrions-nous construire des automobiles en plastique pour qu’elles soient élégantes et légères si nous n’avons pas de gaz naturel et d’autres hydrocarbures?
M. Beausoleil-Morrison : Vous avez posé plusieurs questions. Je ne suis pas sûr de pouvoir me souvenir de toutes.
La cible de 2030, c’est une réduction de 30 p. 100.
Le président : C’est seulement 17 ans. Le temps passe vite.
M. Beausoleil-Morrison : Je suis bien d’accord que ce n’est pas loin. L’ONU, ayant analysé l’ensemble des contributions déterminées au niveau national par chacun des partenaires, a dit que si tout le monde atteignait ses cibles, le réchauffement serait quand même supérieur à 2 degrés, puisqu’il s’élèverait à 2,7 degrés. La cible de 30 p. 100 constitue notre première contribution prévue, mais nous serons obligés d’aller plus haut, bien au-delà de 30 p. 100.
Le président : Après 2030? Je suis d’accord avec vous.
M. Beausoleil-Morrison : C’est ce qu’il faut faire si nous voulons ralentir le changement climatique.
Nous parlons des premières étapes. Elles assureraient des changements importants. Elles modifieraient considérablement à la fois l’économie et la répartition des coûts. Si nous commencions à imposer une taxe sur la pollution, elle aurait une grande influence sur les choix des gens quant à la taille des maisons qu’ils achètent. Si le chauffage d’une maison de 3 000 pieds carrés coûte 10 000 $ par an, les gens ne l’achèteraient probablement pas. Ils iraient acheter un plus petit logement.
Nous faisons maintenant ces choix tout le temps. Nous avons introduit des distorsions dans le marché de l’énergie en ne fixant pas un prix pour la pollution.
Pour répondre à votre question concernant le secteur de l’économie qui sera touché, je dirais que tous les secteurs devraient l’être. Nous ne pouvons pas simplement cesser de conduire. Nous ne pouvons pas cesser de vivre à l’extérieur. Nous ne pouvons pas imposer à l’industrie du pétrole et du gaz de cesser complètement ses activités. Nous ne pourrons jamais atteindre nos cibles en agissant sur un seul secteur. Nous devons les toucher tous. Nous devons trouver des moyens de réaliser des économies dans chacun d’entre eux.
Cela ne sera pas facile. Les politiques à mettre en œuvre seront compliquées parce que les messages à transmettre ne seront pas très populaires. Convaincre les gens de consommer moins n’est pas une tâche facile pour un politicien, mais, dans ce domaine, vous en savez beaucoup plus que moi.
Le sénateur Massicotte : Surtout notre président.
M. Beausoleil-Morrison : Vous avez demandé s’il fallait renoncer à tout et commencer à se soucier des mesures d’atténuation.
Le président : Non, je n’ai pas parlé de renoncer. J’ai dit qu’il fallait à la fois réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’occuper d’adaptation.
M. Beausoleil-Morrison : Oui. Indépendamment de tout, nous devons nous adapter. Même si nous atteignons la cible de 30 p. 100 d’ici 2030, le climat changera. Même si nous réalisons des réductions de 50 p. 100 d’ici 2050, il changera quand même. Nous devons nous adapter. Nous devons agir sur les deux fronts.
Le président : Vous travaillez sur la maison où vous utilisez de l’eau chaude pour stocker de l’énergie, et cetera. Vous est-il possible de nous donner une idée du prix moyen. Je ne sais pas. Vous pouvez décider de la taille.
M. Beausoleil-Morrison : C’est une bonne question à laquelle il n’est pas facile de répondre parce que nous avons spécialement conçu beaucoup des composants. Nous avons fabriqué sur commande différentes pièces. Le prix que nous avons payé n’est pas représentatif d’un marché établi.
Le président : Mais il n’y aura pas de marché établi avant des années.
M. Beausoleil-Morrison : Oui.
Le sénateur Massicotte : Donnez-nous un intervalle pour commencer.
Le président : Juste une petite idée.
M. Beausoleil-Morrison : Le prix courant que nous avons payé pour les capteurs solaires thermiques que nous avons posés sur le toit est inférieur à 10 000 $. Nous avons payé beaucoup plus pour les canalisations de cuivre de la maison.
Le président : Oui, mais c’est parce que vous avez construit une nouvelle maison.
M. Beausoleil-Morrison : Oui. Le prix du système de stockage saisonnier, que nous avons appelé le bac de sable, représentait en fait ce qu’il a fallu dépenser pour creuser un trou. Si on fait de toute façon une excavation pour la fondation, cela représenterait probablement une demi-heure de travail supplémentaire pour la pelle rétrocaveuse. Le prix n’est pas très élevé. Le plus coûteux, c’est l’isolation et les matériaux des canalisations.
Je ne fais que des estimations grossières. Dans une industrie établie qui saurait comment fabriquer les composants, le prix s’élèverait en gros à 10 000 $. Ce chiffre peut évidemment varier.
Le président : Je peux vous dire que, là où je vis, 10 000 $ ne vont pas très loin quand on engage des gens pour faire des travaux de ce genre.
Quoi qu’il en soit, nous vous sommes reconnaissants d’être venu et de nous avoir donné de votre temps. Nous sommes restés un peu tard. Si vous avez d’autres renseignements à nous communiquer, je vous prie de les transmettre à la greffière qui les distribuera à tous les membres du comité.
Je vous remercie.
M. Beausoleil-Morrison : C’est très bien. Merci à vous.
(La séance est levée.)