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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le jeudi 28 septembre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 9 h 1, pour poursuivre son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour, chers collègues, et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je m’appelle Richard Neufeld. Je suis un sénateur de la Colombie-Britannique. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes dans la salle et au public de partout au pays qui pourrait nous regarder à la télévision ou en ligne.

En guise de rappel aux personnes qui regardent, ces audiences sont ouvertes au public et accessibles en ligne, sur le nouveau site web du Sénat, à l’adresse sencanada.ca. Toutes les affaires relatives au comité peuvent être consultées en ligne, y compris les rapports passés, les projets de loi et les listes de témoins.

Je demanderais maintenant aux sénateurs de se présenter. Je vais commencer par présenter le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, Québec.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, Québec.

Le sénateur Wetston : Paul Wetston, Toronto, Ontario.

Le sénateur Dean : Tony Dean, Ontario.

La sénatrice Griffin : Diane Griffin, Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

Le président : Je vais présenter les membres de notre personnel, en commençant par la gauche, avec notre greffière, Maxime Fortin, et, à ma droite, les analystes de la Bibliothèque du parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

Chers collègues, en mars 2016, le Sénat a mandaté notre comité pour entreprendre une étude approfondie des effets, des défis et des coûts liés à la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s’est engagé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux taux de 2005 d’ici 2030. Il s’agit d’une grande entreprise.

Notre comité a adopté une approche « secteur par secteur » à l’égard de cette étude. Nous allons étudier cinq secteurs de l’économie canadienne qui sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de l’électricité, des transports, du secteur pétrolier et gazier, des industries à forte intensité d’émissions et tributaires du commerce et des bâtiments.

Notre premier rapport provisoire sur le secteur de l’électricité a été publié le 7 mars, et notre deuxième, sur le secteur des transports, a été publié le 22 juin.

Pour la 49e séance de notre étude actuelle, je suis heureux d’accueillir James Tansey, directeur exécutif, Centre pour la recherche interactive sur la durabilité, Université de la Colombie-Britannique. Merci de vous joindre à nous aujourd’hui. Nous avons hâte d’entendre votre exposé, monsieur.

James Tansey, directeur exécutif, Centre pour la recherche interactive sur la durabilité, Université de la Colombie-Britannique, à titre personnel : Merci de me donner la possibilité de vous présenter un exposé aujourd’hui. Je suis responsable d’un programme de l’Université de la Colombie-Britannique qui a été conçu en fonction de la notion selon laquelle l’université est un laboratoire vivant pour tous les aspects de la durabilité, de la technologie propre et de l’innovation, de la façon dont nous édifions et construisons nos bâtiments jusqu’à la façon dont nous appuyons les membres du personnel, du corps enseignant et les étudiants en les mobilisant sur les plans du mieux-être, de la santé et du bien-être.

Pour ceux d’entre vous qui n’y sont jamais allés, le campus est assez particulier, du fait qu’il est isolé du reste de la ville. Nous exploitons nos propres services publics. Nous octroyons la plupart de nos permis de construction. Nous gérons la plupart de nos propres constructions. Les jours achalandés, 60 000 personnes se trouvent sur notre campus : des membres du personnel, des étudiants et des membres du corps enseignant. Cette situation nous donne la possibilité unique d’utiliser l’infrastructure comme un laboratoire vivant pour l’innovation, la démonstration et la recherche relativement au programme de durabilité.

Nous avons environ 14 millions de pieds carrés d’immeubles. Nous émettons au total environ 150 000 tonnes par année. Nous sommes le plus grand carrefour de transports en commun de la province ainsi que le premier consommateur d’électricité non industriel en importance.

Quand nous avons entrepris cette initiative, il y a plus de 15 ans, dans le cadre de l’initiative de durabilité, avant mon époque à l’Université de la Colombie-Britannique, nous ciblions ce que nous pouvions faire pour stimuler un programme d’amélioration du rendement en matière de durabilité sur le campus. Nous nous concentrions sur le fait d’être le campus le plus écologique des points de vue de la réduction des émissions et de la mobilisation des étudiants.

Au cours des cinq dernières années, comme nous fonctionnons à bien des égards comme une petite ville, nous avons effectué une transition et nous appliquons maintenant ce programme à l’avenir des villes et tentons d’établir comment nous pouvons les rendre plus durables en général.

Je ne dirais pas que le programme est unique à l’Université de la Colombie-Britannique, mais nous avons quelque chose de distinct, compte tenu de notre emplacement géographique et de la force de nos engagements à l’égard de la durabilité dans la région.

La raison pour laquelle nous nous intéressons aux villes, en particulier, c’est qu’elles sont de plus en plus le moteur de l’économie. D’ici l’an 2100, 80 p. 100 de la population du monde vivra dans des villes. En Amérique du Nord, environ 82 p. 100 de la population vit dans les régions urbaines. Les villes génèrent approximativement 70 p. 100 du PIB de l’économie et sont responsables de 80 p. 100 des émissions. Nous sommes partis du concept selon lequel le campus était un laboratoire vivant, puis nous avons reconnu que le campus présente un grand nombre des défis auxquels feront face les villes de l’avenir.

Nous nous concentrons sur trois domaines, soit notre façon de construire et de concevoir les bâtiments; la santé, le mieux-être et l’innovation dans ces domaines; la façon dont nous pouvons appuyer l’écosystème de l’innovation.

Nous avons connu certains des plus grands changements et succès dans le cadre de notre stratégie au cours des cinq à huit dernières années. Cela a commencé par l’harmonisation du programme de laboratoire vivant de l’université avec certains des grands changements qui avaient lieu dans la province à l’époque.

Cette époque a commencé en 2007, quand une politique musclée de tarification du carbone a été établie dans la province. Le prix devait s’accroître jusqu’à 30 $ la tonne. De plus, toutes les organisations du secteur public devaient répondre à une exigence relative à la neutralité carbonique, ce qui signifiait dans les faits que le prix du carbone s’élevait à 55 $ la tonne sur le campus.

Très rapidement, nous avons commencé à établir nos propres cibles en ce qui a trait à ces buts en matière de changement climatique, et nous avons commencé à tenir compte du prix du carbone dans toutes nos décisions à long terme concernant les bâtiments et l’infrastructure.

Depuis 2007, l’empreinte du campus a augmenté de 16 p. 100. La population du campus a augmenté de 22 p. 100. Il possède un grand nombre des caractéristiques d’une ville à croissance rapide.

À ce moment-là, nous avons fixé des buts de 33 p. 100 de réduction des émissions d’ici 2015 et de 67 p. 100 de réduction d’ici 2020. Nous nous sommes débrouillés pour atteindre les 33 p. 100 de réduction ciblés en 2016, malgré un hiver froid. Nous sommes sur la bonne voie et avons établi un plan pour atteindre la cible de réduction des émissions de 67 p. 100 d’ici 2020. Comme je l’ai déjà dit, c’est dans le contexte d’une population qui a augmenté de 22 p. 100. Les émissions par personne sur le campus ont diminué de près de moitié grâce à un certain nombre de ces initiatives.

De plus, nous nous sommes concentrés sur un certain nombre d’autres domaines : l’eau, la nourriture, la consommation d’énergie, autre que les émissions de gaz à effet de serre, le réacheminement des déchets et le transport. Nous avons été en mesure d’obtenir une réduction de 59 p. 100 de la consommation d’eau par étudiant depuis 2000, et un réacheminement des déchets général de 67 p. 100. De plus, 70 p. 100 des voyages à destination du campus sont effectués par des moyens de transport durables.

Pour ce qui est de certains des faits saillants relatifs aux immeubles, certaines des infrastructures physiques que nous avons construites… L’édifice du CIRS — le Centre pour la recherche interactive sur la durabilité — a été conçu de manière à tenir lieu de banc d’essai pour l’innovation relativement aux nouvelles technologies de construction. Il s’agit de l’édifice le plus écologique en Amérique du Nord, qui produit le moins d’émissions. C’est l’un des premiers bâtiments certifiés LEED de ce type au monde. Il a été construit au moyen de bois au lieu d’acier et de béton pour l’infrastructure principale, le squelette de l’immeuble. Il s’agit de l’un des premiers bâtiments à être construits à l’aide de bois lamellé-collé et lamellé-croisé à cette échelle pour un immeuble à quatre étages. Il a été conçu pour servir de banc d’essai et de noyau sur le campus pour toutes nos initiatives relatives à la durabilité.

En misant sur l’expérience de la construction au moyen de bois, nous venons tout juste de terminer le plus haut bâtiment en bois au monde. Il s’agit d’un immeuble de 58 mètres appelé Brock Commons. Toutes les composantes de l’infrastructure de base du bâtiment sont en bois. Nous avons dû faire les puits d’ascenseur en béton. Ils offrent également un peu de stabilité à l’immeuble. Il s’agit de l’une des premières démonstrations de la capacité de construire un bâtiment de 18 étages complètement en bois. Il se trouve à l’extrémité Nord du campus. Il vient tout juste d’ouvrir ses portes; il sert de résidences pour étudiants, mais il offre probablement l’une des meilleures vues de la région métropolitaine de Vancouver.

Enfin, en guise d’exemple de certains des projets que nous avons entrepris, nous avons intégré un système bioénergétique dans l’infrastructure du campus. C’est l’une des premières expériences d’utilisation réelle de notre budget des dépenses en capitaux et de notre budget de fonctionnement pour faire la démonstration de nouvelles technologies. Il s’agit d’un système qui a été choisi par GE, une entreprise locale appelée Nexterra, qui utilisait la bioénergie pour générer de la chaleur et de l’électricité sur le campus. Au lieu de nous contenter de l’installer en tant que laboratoire d’essai ou de démonstration isolé, nous l’avons intégré dans le système de chauffage et d’électricité du campus. Nous avons été en mesure d’utiliser des déchets de bois de qualité inférieure — principalement des déchets de cèdre provenant d’usines de bois de cèdre — pour fournir environ 20 p. 100 de l’électricité du campus. C’était également une expérience de génération d’électricité à partir de déchets de bois.

Du point de vue de l’établissement du budget, ce que nous avons pu faire, c’est combiner les dépenses en capitaux que nous allions tous faire pour l’infrastructure énergétique grâce aux fonds destinés à l’innovation, au programme fédéral de TDDC, au financement pour la diversification de l’économie de l’Ouest, au financement pour l’innovation dans le domaine de la foresterie et au Fonds pour l’énergie propre novatrice de la Colombie-Britannique et à partir des budgets des dépenses en capital et de fonctionnement, et intégrer pleinement l’un des systèmes énergétiques les plus novateurs en Amérique du Nord dans l’infrastructure du campus.

Dans un sens, ce que nous avons également pu établir, c’est la façon dont nous pouvons tirer profit de nos processus d’approvisionnement, de nos dépenses en capitaux à l’échelon universitaire, dans les technologies propres et durables. À l’échelon de l’université, nous examinons maintenant continuellement toutes nos dépenses en capitaux, qui peuvent s’élever à une somme de 150 à 200 millions de dollars par année, destinée aux nouveaux bâtiments et aux nouvelles infrastructures. Pour tous les nouveaux éléments d’infrastructure, nous examinons ces dépenses et nous nous demandons : « Quel genre d’investissements externes pouvons-nous stimuler? Quel genre de recherche pouvons-nous mener relativement à ces projets? »

Dans le cas du projet bioénergétique, nous avons présenté à la FCI une demande de financement relative à une rallonge rattachée à l’installation de recherche en bioénergie qui devait héberger un laboratoire. Nous générons également de nouveaux revenus de recherche et créons de nouvelles possibilités de mettre à profit ce genre d’infrastructure.

Voilà pour les principaux points que je voulais soulever. Je serais heureux de répondre à des questions. Pour nous, en tant que campus, l’avenir est vraiment lié à l’intégration de ce qui, au départ, était des investissements et des possibilités à l’échelon des projets, dans la façon dont le campus fonctionne.

Le dernier commentaire que je voulais formuler, c’est que, même si, sur le campus, nous nous concentrons habituellement sur l’expertise du corps enseignant et des dirigeants — et il y a certainement eu un leadership très solide des membres de la direction de l’Université de la Colombie-Britannique —, nous avons également eu la chance exceptionnelle de pouvoir attirer, sur le plan opérationnel, une équipe incroyablement solide de professionnels qui participent aux projets. Les membres de cette équipe sont disposés à prendre des risques relativement à leur carrière, dans une certaine mesure, dans le cadre de ces projets expérimentaux. Cette équipe nous a permis d’être en mesure de formuler et de répéter l’affirmation selon laquelle nous sommes le campus le plus durable, certainement, en Amérique du Nord, et je dirais même le plus durable au monde.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie, monsieur Tansey, de votre exposé et de nous avoir fait part de vos connaissances.

Manifestement, votre expérience a confirmé le fait que, grâce à la mobilisation et à une motivation appropriée, nous pouvons y arriver. Il y a des solutions au problème. Je pense que cela confirme quelque chose que nous savions tous. Dites-en nous un peu plus au sujet des conseils que vous nous donneriez ou que vous donneriez au premier ministre si vous pouviez vous entretenir deux minutes avec lui. Parlez-moi de l’établissement du prix du carbone et du fait que vous avez utilisé beaucoup de fonds pour subventionner votre projet.

Si vous réalisiez un projet de grande envergure à l’échelle du Canada, quels conseils donneriez-vous et que devrons-nous nous assurer de ne pas faire?

M. Tansey : Nous avons appris tôt comment tirer le maximum de l’argent que nous avions déjà dépensé et chercher à obtenir du financement externe additionnel. Le fait de penser à la façon dont nous dépensons l’argent dans l’infrastructure du campus est un bon modèle à suivre : on tient compte des fonds que le gouvernement injecte déjà dans l’entretien des bâtiments et dans la construction de nouveaux immeubles.

Tous les nouveaux bâtiments qu’on ne construit pas selon les normes les plus durables sont une erreur qui s’échelonne sur 30 à 50 ans. Il faut d’abord adopter le point de vue selon lequel tous les dollars que nous dépensons, qui sont déjà affectés à des budgets de fonctionnement et à l’infrastructure, devraient être examinés soigneusement et évalués, pas seulement en fonction des dépenses du cycle budgétaire annuel, mais aussi du point de vue des coûts liés au cycle de vie.

Quand nous avons vu un prix du carbone de 55 $ la tonne en Colombie-Britannique, les équipes opérationnelles de l’Université de la Colombie-Britannique, l’équipe des finances sous la direction du directeur financier de l’époque, a commencé à établir les coûts de ces bâtiments et de cette infrastructure en fonction de leur cycle de vie complet. Il s’agit en réalité d’une façon non seulement de présenter un prix du carbone, mais aussi d’étudier les conséquences de l’investissement sur une période de 10, 20 ou 30 ans.

À lui seul, le prix du carbone a changé notre état d’esprit. Notre capacité de travailler dans le but d’obtenir des couches de soutien supplémentaires sous la forme d’un financement offert par des organismes comme TDDC nous a permis d’établir des partenariats commerciaux externes que nous n’aurions pas pu établir autrement.

Un troisième facteur important — même en la présence du signal de prix et du financement supplémentaire —, c’est qu’il était également très important de reconnaître le leadership et d’accueillir favorablement la disposition à prendre des risques relativement à ces types de dépenses gouvernementales et publiques. Ce n’est pas nécessairement dans la nature des institutions publiques que de prendre des risques relativement à ce genre d’infrastructure.

Les conditions financières nécessaires pourraient être en place. On pourrait disposer de fonds et d’un financement, mais, à bien des égards, si on ne crée pas une culture qui accueille favorablement et qui appuie le leadership relativement à ces genres d’enjeux, rien ne se passe.

Le sénateur Massicotte : Vous avez profité ou tiré parti du financement qui était offert pour encourager l’adoption de ce point de vue au chapitre de la technologie. Si vous retirez ce financement… Avez-vous la moindre idée de l’importance qu’avait ce volet? Si vous n’aviez que le prix du carbone à 55 $, où se situe le point d’équivalence? Nous mélangeons tout le temps des pommes et des oranges. La plupart des économistes diraient : « Laissez le marché décider comment utiliser de la façon la plus efficiente son financement, et ainsi de suite. » Avez-vous une idée à ce sujet?

M. Tansey : Toutes les nouvelles constructions que nous édifions maintenant doivent encore respecter ce critère. L’installation de recherche et de développement en bioénergie était un projet de démonstration. Malgré le financement supplémentaire qui était offert — la subvention de TDDC, le fonds ICE et le Programme de diversification de l’économie de l’Ouest —, elle a tout de même fait l’objet d’une analyse coût-avantage du point de vue de l’université. Toutefois, le risque associé au projet de démonstration était subventionné par ces fonds, et c’est dans ce but que ce financement avait été établi : aux fins de projets de démonstration.

Toutes les autres décisions que nous prenons sur le campus sont valables vu le prix du carbone en place. Nous venons d’examiner notre plan d’action pour le climat. Nous étudions un certain nombre d’options différentes quant à la façon dont nous allons atteindre notre cible de 67 p. 100. Nous avons intégré un prix du carbone de 55 $ la tonne.

Nous avons intégré les futurs prix du gaz naturel. Nous avons effectivement laissé les diverses options se livrer concurrence. Dans certains cas, même sans les fonds destinés à la démonstration, nous avons fortement tendance à décider de donner de l’expansion au système bioénergétique et à privilégier les projets de gestion permanents axés sur l’offre.

Il y a des projets spéciaux, les projets phares comme la BRDF — l’installation de recherche et de développement en bioénergie —, qui est un élément d’infrastructure de recherche ainsi qu’une infrastructure énergétique. Ce projet a exigé ces subventions, mais, dans le cas des décisions quotidiennes habituelles relatives aux affectations de capitaux, le prix du carbone de 55 $ la tonne favorise beaucoup l’innovation.

Encore une fois, il faut du leadership parce que, du point de vue du secteur public, on pourrait demander aux gens de réduire leur budget énergétique. Les gens aiment s’en tenir à leur budget. Ils n’aiment pas prendre des risques lorsqu’ils n’obtiennent pas, dans le secteur public, une récompense directement dans leur salaire pour les réductions de la facture d’électricité de l’université. Pour que l’effet de ce prix du carbone fonctionne, dans le secteur public, il faut encore un leadership fort de la part des chefs et des équipes financières de ces organisations.

La sénatrice Griffin : Merci de votre présence. C’est vraiment très intéressant. Je suis allée sur le campus de l’Université de la Colombie-Britannique un certain nombre de fois. C’est loin de l’Île-du-Prince-Édouard, mais j’y suis allée. J’aime vraiment l’ambiance du campus. Comme vous le dites, c’est une ville dans une ville. C’est une ambiance spéciale.

Vos recherches ont-elles montré les différences entre la génération du baby-boom et celle du millénaire en ce qui a trait à l’influence de l’environnement construit?

M. Tansey : Je dirais nos évaluations au sein de la population étudiante. L’Université de la Colombie-Britannique est maintenant connue pour sa durabilité. C’est l’un des aspects qui attire les étudiants vers notre campus plutôt que vers d’autres campus. Nous avons un avantage concurrentiel de ce point de vue.

La majeure partie du reste du travail que je fais consiste à examiner les mécanismes de financement et les investissements socialement responsables. Ce que nous constatons dans ces domaines, c’est que les jeunes de la génération du millénaire sont plus susceptibles, à 58 p. 100, de faire des choix socialement responsables en matière de développement et de consommation que les enfants du baby-boom. De bonnes données probantes appuient cette affirmation.

Ce que nous observons, sur le campus, c’est que la différence entre l’époque où j’étais étudiant au premier cycle universitaire, il y a 20 ans, et l’époque actuelle tient aux questions en jeu. Cette génération d’étudiants s’attend tout simplement à ce que nous nous dotions de programmes de recyclage et de systèmes d’énergie de remplacement solides. Ces étudiants ne s’attendent pas nécessairement, au moment où ils sortiront de l’Université de la Colombie-Britannique, à ce que leurs parents leur achètent une voiture. Le transport en commun est leur option par défaut pour les déplacements.

Il y a assurément un changement d’état d’esprit chez cette génération. Elle réussit assez bien à nous tenir responsables à l’égard de ces attentes.

La sénatrice Griffin : Je pense que vous avez dit que 70 p. 100 de ces étudiants avaient recours à un mode de transport durable pour se rendre jusqu’au campus. C’est un chiffre très impressionnant.

M. Tansey : L’une de nos premières innovations s’appelait le système U-Pass, qui était intégré dans les droits de scolarité. Le financement de ce système a aidé TransLink à étendre le parc d’autobus à l’extérieur du campus. Il a fallu tenir un référendum, et nous savons que les référendums peuvent être risqués, chez les étudiants. Ils ont voté en faveur de l’intégration des frais du laissez-passer d’autobus dans leurs droits de scolarité, ce qui a fourni le fondement financier qui a permis à TransLink d’investir dans des autobus supplémentaires. Ce projet a provoqué une hausse marquée du nombre d’étudiants qui se déplaçaient vers le campus. Ce nombre a augmenté de 20 p. 100 durant la première année de ce programme.

La sénatrice Griffin : C’est impressionnant. Merci.

La sénatrice Seidman : « Centre pour la recherche interactive » est un nom intéressant pour un centre. Merci de nous avoir fait part de la très impressionnante tentative d’institutionnalisation d’un modèle de durabilité.

Je crois savoir que, dans le cas du CIRS, il a inspiré l’Université de la Colombie-Britannique à institutionnaliser la notion de durabilité, ce qui veut dire que les nouveaux projets menés sur le campus devraient viser à atteindre des buts progressivement plus rigoureux en matière de durabilité.

M. Tansey : Oui.

La sénatrice Seidman : Pourriez-vous décrire cette notion au comité? La raison pour laquelle je m’intéresse particulièrement à cela, c’est que je voudrais étudier la comparaison entre le gouvernement fédéral et l’université, l’utilisation d’édifices gouvernementaux et la façon dont on pourrait être en mesure d’appliquer les normes universitaires.

M. Tansey : Pour clarifier, le CIRS est le bâtiment qui est au centre du programme. L’initiative en général s’appelle l’USI — initiative de durabilité universitaire. Il s’agit du programme mené à l’échelle du campus combinant le processus décisionnel en matière de recherche et de fonctionnement et les investissements.

En 2010, quand nous avons examiné partout sur le campus un éventail de nouvelles possibilités, nous avons établi des cibles très élevées dans un plan d’action pour le climat pour 2015 et 2020. Il était difficile d’éluder ou de limiter l’importance de l’établissement de ces cibles ambitieuses, de sorte que nous étions tenus par notre engagement public à atteindre ces cibles. Je dirais que c’est ce qui nous motive. L’établissement de ces cibles audacieuses et ambitieuses est ce qui nous pousse à étudier d’autres possibilités.

Je me pencherais maintenant sur ce que nous faisons sur le campus du point de vue du plan d’action pour une construction écologique. Nous examinons les bâtiments et les quartiers qui les entourent pour tenter de comprendre ce que nous pouvons faire pour stimuler l’innovation aux confins de la conception du bâtiment et de son intégration dans l’infrastructure.

Ce plan d’action pour une construction écologique établit un cadre et des normes pour ce qui pourrait être les 20 prochaines années d’investissement dans la construction. Dans le cadre de ce processus, nous avons une équipe opérationnelle qui tient des consultations et qui élabore des plans et beaucoup de modèles, mais nous voulons également fusionner cela avec un leadership général, sur le campus et à l’échelle internationale dans le cadre d’une réflexion sur la forme que prendront les quartiers et les villes de l’avenir et être à la source de cette vision et de cette inspiration.

La deuxième étape consiste à penser au-delà des changements graduels et à étudier les importants changements démographiques et technologiques potentiels.

La troisième, c’est l’institutionnalisation de cette réflexion dans la façon dont les budgets d’investissement sont alloués et exploités.

L’an dernier, nous avons travaillé pour notre députée locale, Joyce Murray, et avons étudié les processus d’approvisionnement et la façon de les améliorer et de les rendre plus durables à la lumière des pratiques exemplaires de partout dans le monde.

Il y a de vrais défis et la possibilité de conflits liés à la poursuite de buts ambitieux en matière de durabilité à tous les égards, de la construction de bâtiments aux sources d’éclairage. La concentration et l’innovation dont on a besoin sur ce plan entrent souvent en conflit avec les défis liés au processus d’approvisionnement.

Dans un exemple, une entreprise faisait preuve d’un très fort engagement à l’égard d’une solution technologique propre. Il s’agissait de la meilleure solution technologique offerte au monde, du point de vue de notre équipe. L’entreprise a effectivement apporté au campus une somme de 20 millions de dollars de financement symétrique aux fins d’un projet spécial. Ensuite, nos règles d’approvisionnement exigeaient que nous ayons un appel d’offres ouvert et concurrentiel. L’entreprise s’est retournée en disant : « Nous pouvons faire cela, mais pensez-vous vraiment que quelqu’un d’autre va apporter 20 millions de dollars de financement dans le cadre du processus d’approvisionnement? »

Les processus décisionnels institutionnalisés habituels de l’université, qui sont très semblables aux processus gouvernementaux d’approvisionnement, exigent non pas nécessairement de la flexibilité, mais plutôt une nouvelle approche lorsque nous envisageons ces projets de démonstration. Une fois qu’ils ont fait leurs preuves, à l’échelle prévue, et qu’ils sont concurrentiels, ils peuvent probablement s’autosuffire du point de vue d’un processus d’approvisionnement complet, mais il faut de la flexibilité pour vraiment favoriser les technologies de pointe dans ces systèmes gouvernementaux.

Si nous pensons aux dépenses du gouvernement fédéral du Canada, qui se situent à plus ou moins 21 p. 100 du PIB, habituellement, dans la plupart des pays de l’OCDE, c’est entre 35 et 40 p. 100 du PIB qui est lié aux dépenses gouvernementales. Nous ne considérons habituellement pas cela comme un moteur économique suffisamment important.

De mon point de vue, l’une des utilisations les plus importantes des fonds publics consiste à repenser les approvisionnements et les dépenses publiques et la façon dont ces éléments peuvent être harmonisés avec le programme de durabilité et d’innovation et l’appuyer. C’est une énorme quantité de fonds. D’un point de vue stratégique, nous avons la capacité de courir ce risque. En tant qu’acheteurs dans la fonction publique, nous avons la capacité de prendre en charge la prochaine génération de technologies en modifiant notre façon de penser au sujet de l’approvisionnement.

La sénatrice Seidman : Vous m’avez amenée à la question que j’allais vous poser en ce qui concerne les similitudes entre l’université et le gouvernement fédéral et les problèmes que pourrait poser votre approche. Vous avez mentionné l’approvisionnement. Y aura-t-il d’autres problèmes liés à cette approche?

M. Tansey : Comme je l’ai dit au début, le grand avantage qu’a l’Université de la Colombie-Britannique en tant que campus tient au fait que nous sommes une île. Nous pouvons gérer la plupart de nos propres infrastructures de façon indépendante du reste de la ville. La plupart des autres campus sont intégrés dans le centre d’une ville ou ne sont pas pleinement isolés. Nous avons une possibilité assez unique, et l’approche sera un peu plus difficile à appliquer dans le cas des bâtiments qui, en réalité, font partie de l’infrastructure municipale.

Nous jouissons aussi d’un solide partenariat avec les Villes de Vancouver et de Surrey, le district régional du Grand Vancouver et BC Hydro. Les responsables de tous ces organismes publics comptent sur nous pour faire la démonstration de nouvelles technologies et mettre celles-ci à l’épreuve, mais, au bout du compte, ils ont pour objectif de changer la façon de gérer leur propre infrastructure.

Je ne dirais pas que ce sont deux choses opposées. Je dirais que des différences s’ajoutent les unes aux autres entre le gouvernement dans son ensemble et l’université.

Le sénateur Dean : C’est une merveilleuse réussite. Félicitations. Nous sommes très heureux de votre présence.

Y êtes-vous arrivé en réalisant un grand nombre de petites choses ou un petit nombre de grandes choses? À mon avis, les deux réponses sont probablement bonnes. Vous avez mentionné le leadership, l’approche consistant à intégrer vos objectifs dans les processus opérationnels, la structure hiérarchique et la stratégie de l’université. Ce sont des facteurs essentiels. Il semble que vous avez réfléchi à la composition de votre population tout en offrant des possibilités aux gens de participer aux projets de façon concrète.

Est-ce exact? Ai-je bien saisi la combinaison des éléments? Qu’en pensez-vous?

M. Tansey : Pour ce qui est de la première question, qu’il s’agisse de petites ou de grandes choses, à mon avis, en ce qui concerne les objectifs liés à la lutte contre les changements climatiques, c’est un mélange des deux.

Nous avons atteint l’objectif de réduction de 30 p. 100 des émissions avant 2015 grâce à trois grands projets. Un de ceux-ci consistait à remplacer un système à vapeur par un système à eau chaude, ce qui nous a permis non seulement de réaliser beaucoup d’économies, mais aussi de réutiliser la chaleur perdue ailleurs sur le campus. Il s’agissait d’une innovation importante. La création d’une installation de bioénergie a été une autre initiative importante et ciblée; elle produit de l’énergie à partir de déchets de bois. Le troisième projet a été la création d’un programme d’optimisation continue, qui est vraiment axé sur l’évaluation et l’amélioration permanente du rendement des bâtiments.

Une des choses que nous avons cernées, c’est une notion appelée l’écart de rendement. Les nouveaux bâtiments écologiques sont construits, conçus et définis selon leur rendement. Presque tous ces bâtiments, au moment de leur ouverture, ne fonctionnent pas aussi bien que prévu. Il peut y avoir des différences considérables. Nous avons constaté que le fait d’optimiser et de gérer l’infrastructure existante et d’effectuer des évaluations de façon continue peut aussi être très important.

Cela exige la mobilisation du personnel enseignant et des étudiants. Des changements de comportement, tout comme des changements technologiques, ont été nécessaires pour régler des problèmes touchant la gestion des déchets et l’utilisation de l’eau. Encore une fois, quand nous examinons le problème de la durabilité du point de vue de l’énergie, nous avons tendance à nous attacher à de grandes solutions sur le plan énergétique et à des infrastructures matérielles. Une grande part de la solution réside dans la mobilisation et le changement de comportement.

J’affirmerais que, du point de vue du leadership, l’engagement à l’égard de la durabilité fait partie des piliers de l’Université de la Colombie-Britannique depuis très longtemps. Au cours des 12 dernières années, cet engagement était vraiment présent sous la gouverne de l’ancien président, Stephen Toope. C’était en quelque sorte la pièce centrale de la planification à l’université. Cela a orienté les activités de recrutement et nous a permis d’attirer certaines des meilleures personnes sur le plan opérationnel. Cela nous a aussi permis de créer d’une certaine façon une image de marque sur ce thème. Aussi, le directeur des finances à l’époque a vraiment adopté l’idée voulant que nous abordions la réflexion budgétaire autrement. Il s’agissait d’une occasion importante. Sans ce genre d’appui, de mobilisation et de leadership, nous n’aurions pas pu l’intégrer, non seulement dans les projets particuliers, mais aussi dans les processus de prise quotidiens de décisions.

Le sénateur Dean : De ce que j’en comprends, il ne s’agit pas seulement d’une réussite sur le plan environnemental. Cela m’apparaît être une réussite sur le plan du changement au sein d’un établissement subventionné par l’État, où, bien souvent, on ne fait pas ce que vous venez de décrire. En plus de souligner les réussites, les responsables ont cherché à trouver ce qui ne fonctionnait pas aussi bien que souhaité et se sont employés à trouver des solutions. Ils se sont attaqués à l’échec, là où nous le voyons. Je vous en félicite.

M. Tansey : Nous avons le profil d’une ville, mais nous ne sommes pas soumis au même cycle électoral et à la même aversion pour le risque que les responsables des villes. Nous avons pu prendre des risques sur le plan de l’infrastructure que les responsables des Villes de New Westminster ou de Vancouver auraient difficilement pu prendre. Nous n’avons pas à nous préoccuper autant du syndrome du « pas dans ma cour ». Nous avons une population résidentielle, que nous consultons, mais nous avons tout simplement plus de souplesse sur le plan de l’innovation. Cela aussi a joué un rôle important.

Le sénateur Wetston : Je vous remercie de votre présence. Vous êtes au Canada depuis assez longtemps pour que je vous pose la question suivante. Vous avez étudié à Oxford, à l’évidence, et nous vous sommes tous reconnaissants de vos travaux importants sur la durabilité.

Je souhaite discuter de l’attention que vous portez aux villes. Je crois que nous les oublions. Vous avez mentionné le taux de 70 p. 100. Je vais tenter de vous poser ma question, et peut-être pourrez-vous nous éclairer. Des questions stratégiques complexes comme la durabilité sont en jeu dans les villes. Vous vivez une situation particulière en ce qui concerne votre magnifique campus à l’Université de la Colombie-Britannique.

Pour que les villes puissent atteindre un degré élevé de durabilité, il faut de la coopération, de la collaboration et de la souplesse de la part de tous les ordres de gouvernement. Je lis simplement une note, si vous le permettez. Il y a un écart entre les structures traditionnelles du gouvernement et la répartition constitutionnelle des responsabilités et des compétences. Il existe une nouvelle réalité quant à la façon dont les différents ordres de gouvernement traitent les enjeux et les problèmes de politiques publiques qui ont une grande portée, comme la durabilité écologique.

Voici ma question : les villes sont importantes. Il est nécessaire, selon moi, d’appliquer une nouvelle harmonisation, structure de gouvernance ou approche à la résolution de ces problèmes stratégiques complexes. Qu’en pensez-vous?

M. Tansey : Dans le contexte canadien, à mon avis, d’une certaine façon, le défi auquel les villes font face tient à la compétence. En Colombie-Britannique, les villes sont encore assujetties en grande partie à la réglementation et aux politiques provinciales. Dans le district du Grand Vancouver, nous examinons les occasions uniquement du point de vue de l’infrastructure et croyons qu’il devrait exister une plus grande collaboration entre les villes sur le plan de l’offre de services de transport, des réseaux d’énergie et de l’utilisation de l’eau. Toutefois, nous avons un système de gouvernance qui, à bien des égards, met les villes en concurrence. Dans ce contexte, le rôle des dirigeants provinciaux et fédéraux concernant le programme des responsables d’une ville doit être d’offrir des incitatifs importants aux villes qui, autrement, pourraient se faire concurrence au lieu de collaborer.

Le Défi des villes intelligentes sera lancé plus tard cette année. Il semble que ce serait une excellente occasion de créer des changements dans les villes et d’allouer un budget important aux initiatives à cet égard. Si ce genre de défi est assorti de règles qui favorisent une plus grande coordination entre les municipalités, pour qu’elles ne fassent pas que rivaliser entre elles pour obtenir une part de ressources qui sont limitées, mais qu’elles créent plutôt des partenariats plus forts touchant l’infrastructure partagée, alors, ce sera une intervention très porteuse.

En Colombie-Britannique, nous aurons à relever dans les villes des défis concernant l’abordabilité. Jusqu’ici, nous avons eu tendance à percevoir le problème de l’abordabilité comme un problème de demande, c’est-à-dire que la demande en matière de logements est trop grande. Toutefois, ce que les responsables d’un grand nombre de nos villes ne voient pas, c’est qu’il s’agit d’un problème tant d’offre que de demande. Ce que nous visons dans les faits en augmentant l’offre de logements abordables, c’est de modifier les attentes de nos citoyens à l’égard des grandes maisons unifamiliales. Même à Vancouver, qui est une ville plutôt dense, de grandes parties de la ville bénéficient en quelque sorte d’un statut de protection particulier en ce qui concerne les grandes maisons unifamiliales. Si nous souhaitons construire les villes de l’avenir, nous devons être prêts à remettre en question certaine de ces normes et à avoir des dirigeants qui disent : « À vrai dire, peut-être que ce n’est pas exactement le modèle d’urbanisme des villes de l’avenir. »

Il existe des occasions de changer des choses. Il y a de véritables défis structurels qui découlent de la façon dont de nombreuses villes canadiennes sont aménagées, en particulier les grandes villes. Nous avons commencé à voir des signes qui montrent que le leadership sur le plan des incitatifs financiers et de la vision du gouvernement peut vraiment changer les choses.

Il y a eu de nombreux débats concernant le système de plafonnement et d’échange par rapport à une taxe sur le carbone.

Le sénateur Wetston : Vous menez des activités dans un environnement où il y a une taxe sur le carbone. Avez-vous réfléchi à ce sujet?

M. Tansey : Nous avions une loi qui prévoyait un système de plafonnement et d’échange en Colombie-Britannique, mais on l’a abrogée. D’après mes recherches, il n’y a pas vraiment de différence. Le choix est plutôt neutre et repose sur une décision de nature technique entre un mécanisme de plafonnement et d’échange et une taxe sur le carbone. Les deux approches fournissent des signaux de prix du carbone dans le système. La taxe sur le carbone a l’avantage de fixer un prix, alors que le mécanisme de plafonnement et d’échange a l’avantage de fixer une cible.

Dans presque toutes les administrations où on a mis en place un système, la décision n’était pas fondée sur des avantages sur le plan technique. En Californie, on a choisi le mécanisme de plafonnement et d’échange parce que les responsables ne pouvaient pas créer une nouvelle taxe sans obtenir une majorité de deux tiers des voix à l’assemblée législative. Les responsables de l’Union européenne ont choisi le même système parce qu’ils n’avaient pas de pouvoirs de taxation. Dans la plupart des cas, on choisit une approche plutôt qu’une autre non pas parce qu’une est supérieure du point de vue technique, mais à cause de motifs politiques et institutionnels. Je n’ai pas de préférence.

Le sénateur Wetston : Merci beaucoup.

La sénatrice Fraser : J’aimerais revenir sur le bâtiment de 18 étages dont la structure est en bois. Cela semble fantastique. J’ai de nombreuses questions à vous poser, et vous pourrez m’expliquer comment tout cela fonctionne.

Quand vous avez réalisé ce projet, dans quelle mesure avez-vous dû mettre au point de nouvelles techniques et de nouvelles technologies, et jusqu’à quel point en avez-vous appliqué qui étaient déjà connues, mais qui n’étaient pas utilisées? Si vous avez eu à mettre au point de nouvelles techniques et technologies, dans quelle proportion l’avez-vous fait à l’interne ou confié à des partenaires externes?

Une fois le projet terminé, avez-vous évalué les coûts, c’est-à-dire non pas les coûts de construction du bâtiment, mais ceux de bâtiments semblables qui pourraient être construits pour un usage courant dans la collectivité? Les projets de recherche sont une chose, mais, par la suite, on espère en récolter les fruits.

M. Tansey : Le projet qui a précédé celui du bâtiment Brock Commons, qui est l’édifice en bois de 18 étages, soit l’édifice du Centre pour la recherche interactive sur la durabilité, était le premier bâtiment en Amérique du Nord dont la structure était composée d’autant de bois lamellé-collé et lamellé-croisé pour une construction de type immeuble de bureaux. On a utilisé des technologies semblables en Europe, et on en trouve beaucoup plus fréquemment là-bas, mais le bois combiné avec les autres éléments du bâtiment en fait un édifice unique au monde. Nous avons tendance à porter notre attention sur certaines des caractéristiques matérielles, mais les technologies, les systèmes de construction et les processus de conception liés à la construction durable sont presque aussi importants que les matériaux utilisés.

C’est la combinaison de ces habiletés qui a donné le caractère unique au premier édifice du Centre pour la recherche interactive sur la durabilité. Pour ce qui est de l’édifice Brock Commons, on a utilisé des technologies éprouvées pour l’assemblage de l’édifice. D’une certaine façon, il ressemble à un ensemble géant de Lego. Il est possible de visionner une vidéo de prise de vue en accéléré montrant la construction du bâtiment. Un camion arrive chaque jour sur le site. On le décharge et on installe le contenu, et, à la fin de la journée, un nouvel étage est terminé.

La taille de l’édifice et l’intégration des piliers de béton dans les puits d’ascenseur pour donner de la rigidité étaient novateurs. Mais ce qui était vraiment nouveau, c’était la taille envisagée et la volonté de prendre ce genre de risque.

Du côté de la chaîne d’approvisionnement, nous avons constaté des innovations sur le plan de la collaboration avec des gens de métier qui ne connaissaient pas ce type de bâtiment; cela a entraîné la création d’une nouvelle installation industrielle dans la province où il est maintenant possible de construire et de préfabriquer les poutres hors chantier, en Colombie-Britannique, au lieu d’importer du bois pour ce faire. Il s’agit d’une innovation importante, mais il n’y a pas eu de progrès important quant aux matériaux. Ce qui distinguait ce projet, c’était la façon dont les matériaux étaient assemblés et utilisés pour construire le bâtiment.

La sénatrice Fraser : Vous êtes simplement allés de l’avant et vous l’avez fait.

M. Tansey : Oui, nous sommes allés de l’avant et nous l’avons fait. Nous avons fait beaucoup d’expériences dans des immeubles récents en utilisant des panneaux préfabriqués. C’est unique et inhabituel au Canada. C’est une façon de construire des bâtiments ayant un bon rendement thermique.

Il y a certains avantages en plus de ceux liés au rendement du bâtiment. Nous venons littéralement tout juste de mettre en service et d’ouvrir le bâtiment. Nous avons fait beaucoup de travaux d’évaluation qui ont fait l’objet d’articles. Nous n’avons pas pu déterminer encore le rendement du bâtiment en ce qui a trait au bruit, parce qu’il a seulement été occupé par des étudiants pendant quelques semaines.

Du côté des travaux de construction, l’une des grosses répercussions, c’est que plutôt que de construire un étage du bâtiment par semaine, ce qui est habituel lorsqu’on construit un bâtiment en béton, nous avons pu construire un étage par jour. Le temps de construction s’élevait à 30 p. 100 du délai de construction d’un bâtiment conventionnel. C’est un immense avantage à mesure que les villes deviennent de plus en plus congestionnées. La moitié de la congestion au centre-ville de Vancouver est causée par des projets de construction qui exigent la fermeture de routes. Si on peut construire plus rapidement et de façon plus efficace, une réduction de 30 p. 100 du délai habituel de construction est, en tant que telle, une grande innovation.

La sénatrice Fraser : Qu’en est-il du risque d’incendie dans les bâtiments en bois comparativement aux bâtiments traditionnels?

M. Tansey : C’est probablement la question qu’on nous pose le plus souvent. Le risque d’incendie est le même ou inférieur, par rapport aux bâtiments en béton ou en acier. C’est parce que, lorsqu’il y a un incendie et que la température est très élevée, le bois massif crée une couche de charbon de bois qui, en fait, protège le bâtiment. Dans le cas d’un bâtiment en acier ou en béton, comme on l’a vu dans le cas des Tours jumelles, passé une certaine température, les structures peuvent s’effondrer de façon catastrophique. Du point de vue du risque d’incendie, un bâtiment en bois peut, en fait, être supérieur à un bâtiment en béton ou en acier dans certaines conditions. À Vancouver, on construit évidemment les bâtiments en respectant aussi les normes sismiques. Les bâtiments en bois sont plus souples en cas de tremblement de terre que les bâtiments en béton et en acier.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup d’être ici avec nous aujourd’hui. J’ai beaucoup entendu parler des tentatives qu’ont faites de nombreuses universités pour arriver aux mêmes résultats. Je suis très heureuse de voir que vous avez réussi, parce que, comme vous l’avez dit, les universités sont des villes dans des villes, et ce sont en fait les meilleurs endroits pour mettre beaucoup de choses à l’essai. Je suis très heureuse.

Je connais aussi les expériences de l’Université Laval, de l’Université McGill et du Trinity College, en Irlande. Ces établissements ont fait face aux mêmes défis que ceux auxquels vous avez été confrontés, tout comme d’autres, aussi. C’est fantastique. C’est la preuve. On prouve ainsi que le leadership et une culture de changement liée aux analyses du cycle de vie tiennent leurs promesses et débouchent sur des gains d’efficience.

Nous étudions le dossier depuis de nombreux mois maintenant, et pour beaucoup de mes collègues, la principale raison pour laquelle ils croient à la réussite de l’initiative, c’est le coût. Selon moi, le fait qu’on tienne compte de toute notre vie change la façon dont on comprend les coûts. La plupart des personnes comprennent que le coût, c’est ce qu’on investit aujourd’hui, et c’est trop cher, aujourd’hui. Lorsqu’on regarde plutôt, comme vous l’avez mentionné, une période de 30 ou 50 ans, on comprend que les coûts peuvent être répartis.

Pour ce qui est des coûts, croyez-vous que l’expérience était rentable? Aussi, dans vos analyses, lorsque vous tenez compte du marché du carbone, dites-moi, si, au bout du compte, vous pouvez vendre votre carbone. Vous avez réduit votre empreinte carbone. Serez-vous présent dans une ville où il y a un marché du carbone et pourrez-vous vendre vos crédits de carbone?

M. Tansey : Vendre les crédits, oui. Permettez-moi de répondre à la première question. Nous avons encore à respecter une discipline budgétaire imposée par notre conseil d’administration, qui veut s’assurer qu’on agit dans l’intérêt de l’université, alors chaque investissement que nous faisons doit être assorti d’une solide analyse de rentabilisation. Cette analyse de rentabilisation ne tiendrait pas la route sans la tarification du carbone, mais elle envoie tout de même un message très clair au système, soit que les réductions énergétiques à long terme se traduisent par des économies à long terme au chapitre du paiement lié au carbone.

Même lorsque nous avons construit la première installation de recherche en bioénergie, les prix du gaz naturel s’élevaient à environ 9 $ le gigajoule. Les prix du gaz naturel ont chuté à près de 5 $ le gigajoule. Maintenant, lorsque nous réalisons la même évaluation, malgré les prix du gaz naturel plus bas, les projets bioénergétiques à l’Université de la Colombie-Britannique semblent encore plus concurrentiels à long terme.

L’avantage que nous avons, dans le cas de nos bâtiments, c’est que nous sommes à la fois l’entrepreneur et le propriétaire des bâtiments. C’est une importante différence entre notre situation et la façon dont la plupart des bâtiments sont construits dans le secteur immobilier et commercial. Nous avons une mesure incitative à long terme. Nous dépensons plus d’argent au départ pour construire un bâtiment si nous savons que les coûts de fonctionnement seront inférieurs une fois le prix du carbone en place. Tandis qu’un promoteur commercial peut se dire : « Construisons le bâtiment de la meilleure qualité que nous pouvons et vendons-le parce que nous n’avons aucune raison de tenir compte des factures des services et des coûts de fonctionnement .»

Le gouvernement fédéral se trouve dans une situation similaire dans la mesure où il contrôle beaucoup des bâtiments et paie les factures des services publics dans bon nombre de ces bâtiments, et il en est le promoteur. C’est une bonne façon d’appliquer ce que nous appelons l’approche d’établissement des coûts du cycle de vie à ces projets. Tous nos projets sont soumis au critère de l’analyse de rentabilisation. Ils exigent tous des coûts plus élevés au départ et sont associés à des coûts de fonctionnement plus bas. Dans le modèle initial du bâtiment du CRID, je crois que les coûts d’immobilisations étaient environ 15 p. 100 plus élevés, mais nous avons récupéré cet argent sur une période de 30 ans en raison des coûts de fonctionnement plus bas.

Nous avons aussi récupéré les coûts sur 30 ans parce que nous avons utilisé des innovations quant à la façon dont les murs et les planchers étaient construits. Le bâtiment a été construit de façon beaucoup plus modulaire. Environ 30 p. 100 des émissions et des coûts liés à un bâtiment découlent des travaux de rénovation durant le cycle de vie. Nous avons construit le bâtiment de façon à ce qu’il soit modulaire et que nous puissions déplacer les murs et les bureaux à plus faible coût et avec une empreinte carbone beaucoup plus faible que s’il fallait enlever des cloisons sèches et des madriers et perdre toute l’énergie contenue dans ces matériaux.

Une partie des économies concernent le chauffage et l’éclairage. Une partie des gains découlent de la façon plus créative dont les bâtiments sont finis et mis en service. Tous les bâtiments doivent passer le test en ce qui a trait à l’analyse des coûts-avantages. Les bâtiments ne passeraient pas le test s’il n’y avait pas de prix du carbone. Je dirais, et je réponds ici en partie à votre question précédente, que le défi auquel nous sommes confrontés en ce qui a trait à la tarification du carbone de façon générale, c’est que toutes les données probantes laissent entendre qu’il s’agit du chemin le plus économique pour réduire les émissions à l’échelle de la société, comparativement à la tarification incitative, aux subventions pour utilisation d’énergie de substitution, aux primes à la casse, aux subventions pour les véhicules électriques et à toutes les autres mesures stratégiques que nous avons mises en place.

Le paradoxe, dans le cas de la tarification du carbone, qu’on parle d’un système de plafonnement et d’échange ou tout simplement d’une taxe sur le carbone, c’est que c’est aussi le mécanisme le moins populaire. Il y a, d’un côté, la rentabilité quant au coût liée au fait qu’on impose un signal de prix au marché, et, de l’autre, la résistance du point de vue politique. Il y a des différences quant aux ordres de grandeur. Le prix du carbone peut avoir un effet immense à 50 $ la tonne, tandis que les subventions pour les panneaux solaires sur les toits et les programmes de prime à la casse peuvent coûter 1 000 $ la tonne selon toute une gamme d’études différentes.

Il faut un compromis entre la façon dont nous présentons les choses de façon acceptable du point de vue politique afin d’obtenir l’adhésion de nos électeurs et des citoyens, mais il faut le faire d’une façon qui ne nous pousse pas à la faillite ou qui ne nous coûte pas plus d’argent qu’il ne faudrait tandis que nous tentons d’atteindre ces objectifs.

Encore une fois, il faut pour y arriver un peu du courage et du leadership que nous avons vus en Colombie-Britannique en 2007 et 2008 lorsque la taxe sur le carbone a été appliquée essentiellement en l’absence de consultation. Nous avons vu des mesures similaires prises par le gouvernement fédéral qui a maintenant établi une cible de 50 $ la tonne pour 2022. C’est une cible abordable. La Colombie-Britannique a déjà montré que c’est possible, puisqu’elle affiche la croissance économique la plus rapide au Canada. On peut faire ces choses, particulièrement si on rajuste les autres aspects liés à la neutralité sur le plan des revenus.

Pour ce qui est de votre question sur le marché du carbone, vu la façon dont la réglementation est établie en Colombie-Britannique, les crédits que nous générons des réductions d’émissions ne sont pas échangeables parce qu’ils sont fondés sur le prix du carbone. Ce qui nous pousse à procéder ainsi, c’est non pas l’argent que nous obtenons en vendant les crédits, mais l’argent que nous économisons en n’ayant pas à payer la taxe de 55 $ la tonne. Dans un tel cas, on ne peut pas les échanger. Il y a beaucoup d’autres exemples d’échange en Colombie-Britannique en vertu du programme sur la neutralité de la taxe sur le carbone, mais ce n’est pas le cas de l’Université de la Colombie-Britannique.

Le sénateur MacDonald : Merci d’être là. La sénatrice Fraser et la sénatrice Galvez ont parlé de quelque chose dont je veux moi aussi parler, et c’est le sujet pénible de l’argent ou des coûts.

Le coût total du CRID s’élevait à 35 millions de dollars. Les coûts de construction étaient de 24 millions de dollars, il y a donc 11 millions de dollars qui ne sont pas des coûts liés aux travaux de construction. Cela semble être beaucoup. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet et préciser en quoi consistent ces 11 millions de dollars de coûts non liés aux travaux de construction?

M. Tansey : Nous avons eu au départ le soutien de la Fondation canadienne pour l’innovation sous la forme d’une subvention de 11 millions de dollars. Nous avons présenté une demande à cet égard en 2000, et nous avons obtenu le financement durant cette année-là du projet. Le reste des coûts de construction ont été financés à même le budget d’immobilisations de l’Université de la Colombie-Britannique. La plus grande salle de classe du campus se trouve dans ce bâtiment, et nous avons donc réuni le financement lié à l’innovation provenant de la FCI, notre propre budget d’immobilisations et des fonds venant d’un certain nombre de sources provinciales pour partager certains des coûts liés à un projet dans le cadre duquel nous prenions certains risques.

Le bâtiment coûte plus qu’un immeuble sur le marché aurait coûté, mais, dans quasiment toutes les recherches que nous avons consultées sur les transitions vers les technologies propres, les premiers projets de démonstration liés à ces interventions exigent un certain niveau de subventions publiques jusqu’à ce qu’on atteigne le point où les industries connexes peuvent produire les matériaux et l’infrastructure au prix courant. C’est très difficile de le faire sans un tel soutien, et c’est vrai de la quasi-totalité des technologies. Ce l’était aussi dans le cas des véhicules électriques, durant les premiers temps. Cette réalité s’applique à presque toutes les technologies du bâtiment. Les premiers à adopter certaines technologies ont besoin d’un genre de soutien pour créer le marché. Une fois le marché créé et assorti d’un signal de prix du carbone, on devrait pouvoir faire ces choses sans soutien.

Le sénateur MacDonald : Avez-vous une estimation de ce qu’aurait coûté le bâtiment s’il avait été construit grâce à des méthodes plus conventionnelles?

M. Tansey : Je devrai vérifier les chiffres et vous fournir une réponse plus tard, mais je crois que le coût était d’environ 15 p. 100 plus élevé qu’un bâtiment respectant la norme de certification LEED or, ce qu’il aurait fallu construire au départ. Les coûts de fonctionnement étaient beaucoup plus bas en raison de la façon dont le bâtiment a été construit, alors essentiellement, les coûts de construction revenaient au même une fois qu’on tenait compte des coûts liés au cycle de vie.

Le sénateur MacDonald : En ce qui a trait aux nouvelles technologies et aux méthodes utilisées pour construire le bâtiment, dans quelle mesure peut-on les transférer un peu partout au Canada? Vancouver et le Lower Mainland possèdent leur propre microclimat, et je ne crois pas qu’on le retrouve ailleurs dans le pays. Ces technologies sont-elles transférables partout au pays?

M. Tansey : Je dirais que la majorité le sont. Les propriétés thermiques du bâtiment sont comparables à celles de la plupart des bâtiments au Canada. L’enjeu en ce qui a trait au bois lamellé-croisé et aux poutres en bois lamellé tient à la capacité de transporter les matériaux et le bois parce qu’il s’agit de matières qui sont un peu plus compliquées à déplacer que le béton.

Je dirais que c’est davantage lié à la chaîne d’approvisionnement qu’au caractère approprié des matériaux de construction dans le reste du Canada. Il n’y a aucune raison pour laquelle on ne peut pas construire un bâtiment en bois de 18 mètres au Manitoba, à Ottawa ou partout ailleurs au Canada.

Le sénateur MacDonald : Y a-t-il eu un suivi auprès d’autres administrations afin d’utiliser cette technologie pour construire des bâtiments? La technologie donne-t-elle des résultats?

M. Tansey : Il y a eu beaucoup de visiteurs sur le campus. Il y a des gens de partout dans le monde qui viennent presque chaque semaine pour regarder les projets de démonstration que nous avons bâtis ici. Lorsque le bâtiment du CRID a été construit, il s’agissait de la première innovation du genre en Amérique du Nord. Nous avons construit presque tous les bâtiments subséquents. Le bâtiment des sciences de la vie, celui des sciences de la terre et de l’océan et la résidence Brock Commons misent tous sur la même structure de bois qui a été mise à l’essai dans le bâtiment du CRID et l’installation de recherche et de démonstration en bioénergie.

Il y a eu beaucoup d’intérêt de partout au Canada quant à la façon dont nous pouvons reproduire ces conceptions, et nous bénéficions d’un très solide engagement des milieux de l’architecture, de l’ingénierie et de la conception au sein de la province. Il y a aussi eu un intérêt très marqué récemment de la Chine, qui, habituellement n’est pas friande à l’idée de construire des bâtiments en bois.

Une partie de la délégation de la Colombie-Britannique qui fait la promotion des produits en bois utilise ces bâtiments en tant que projets de démonstration. Assurément, nous suscitons beaucoup l’intérêt d’autres campus et d’autres administrations internationales, qui viennent au campus pour comprendre ce que nous avons réussi à faire.

Nous sommes très ouverts au sujet des échecs et des éléments du système qui ne fonctionnent pas. Nous avons construit un laboratoire aquatique solaire dans le bâtiment. Le laboratoire devait permettre de traiter toutes les eaux usées du bâtiment. L’expérience a été intéressante. Le laboratoire est toujours là, mais il ne fonctionne pas à l’échelle du bâtiment. Nous devions faire des tests et l’essayer, mais nous ne tenterions pas de nouveau l’expérience de la même façon.

Le président : Merci. Il est 10 heures. Un autre comité doit se réunir ici, mais avant de partir, j’aimerais vous poser une question.

La Colombie-Britannique a misé sur une politique préconisant le bois pour construire tous les bâtiments publics lorsqu’il est possible de le faire. C’est en partie pour cette raison qu’on a décidé de construire les bâtiments à l’Université de la Colombie-Britannique. Durant les Jeux olympiques de 2010, un certain nombre de bâtiments, dont un très gros, à Richmond, ont été construits en raison de la politique préconisant le bois. C’est quelque chose qui n’avait jamais été essayé avant. L’impulsion a été donnée par le gouvernement, qui ne disait pas qu’il fallait le faire, mais qu’il fallait au moins l’envisager.

Une autre chose que j’aimerais vous demander, monsieur, concerne l’approvisionnement. Vous avez abordé la question rapidement, à moins que je vous aie mal compris. Tentez-vous de vous approvisionner — pour les bâtiments et toutes ces choses — auprès de fournisseurs qui ont aussi à cœur que vous la question des émissions de gaz à effet de serre?

M. Tansey : Nous avons produit l’année dernière un rapport qui portait sur le leadership dans le cadre des processus d’approvisionnement à l’échelle internationale, et ce, exactement pour cette raison : pour essayer de comprendre de quelle façon nous pourrions améliorer nos propres processus d’approvisionnement. Nous l’avons produit pour l’honorable Joyce Murray, pour lui montrer de quelle façon on peut concevoir et améliorer un processus d’approvisionnement de façon à soutenir le programme de durabilité.

On peut tout de même conserver les exigences de compétitivité et d’appel d’offres ouvert dans ces genres de processus, de façon générale, mais il faut prévoir des exceptions pour les technologies de pointe dont on veut promouvoir l’adoption. Il faut bénéficier d’une certaine marge de manœuvre afin de pouvoir prendre des risques dans le cadre d’une portion des activités découlant du budget d’approvisionnement, de façon à pouvoir intégrer des facteurs sociaux et environnementaux. Il faut être à l’aise avec l’idée de procéder ainsi. Les gens responsables de l’approvisionnement n’apprécient pas nécessairement ce genre d’exigences, mais il faut être à l’aise et accepter de faire des exceptions si nous voulons mettre à l’essai et démontrer ces idées.

Mon point de vue principal, dans tout ça, c’est que les problèmes auxquels nous sommes confrontés dans le cadre de la lutte aux changements climatiques et pour assurer la durabilité ne sont pas de nature technologique. La plupart des technologies dont nous avons besoin ont été mises au point d’une façon ou d’une autre, et ce, au moins pour les 10 à 15 prochaines années. Les défis sont de nature souvent plus institutionnelle. C’est la perception publique de la bioénergie, qui est perçue comme étant sale, mais qui est en fait aussi propre que le gaz naturel. C’est la perspective publique des bâtiments en bois et des systèmes de transport.

Ce qui est en jeu, c’est l’acceptabilité sociale des nouveaux types de bâtiments. La Ville de Vancouver veut imposer la norme des maisons passives, à titre de comparaison. Cette norme aura pour effet de modifier l’apparence des maisons, et ce sera probablement un aussi gros obstacle à l’acceptabilité que les obstacles technologiques liés à la construction de ce type de maisons.

L’aspect technologique est important, mais lorsque nous pensons à utiliser l’approvisionnement, on parle d’argent que le gouvernement dépense déjà. Si nous pouvons mieux utiliser cet argent pour soutenir le programme, cela pourrait avoir un impact de plusieurs milliards de dollars chaque année.

Le président : Merci. Je vous ai posé cette question parce qu’il m’est venu quelque chose à l’esprit. Nous avons visité l’aciérie Dofasco, à Hamilton. Si je me rappelle ce qu’ils nous ont dit, une tonne d’acier produit par Dofasco génère une tonne d’émissions de gaz à effet de serre. Si on achète en Asie, on parle de trois tonnes par tonne. Ce sera intéressant, pour moi, vu que le gouvernement fédéral envisage de réduire les émissions de gaz à effet de serre… Dans le cadre des processus d’approvisionnement pour les ponts et les bâtiments, le gouvernement dépensera des milliards de dollars pour construire plein de types d’infrastructure. Se tournera-t-il vers les fournisseurs les plus propres et les meilleurs ou continuera-t-il à utiliser les pires? Cet aspect des choses sera intéressant.

M. Tansey : On en viendra au point où, grâce aux technologies du bâtiment, les émissions liées aux matériaux des bâtiments pourraient être plus importantes que les émissions liées à l’exploitation des bâtiments. Cette approche d’établissement des coûts fondée sur le cycle de vie génère exactement ce genre de questions. S’il y a trois tonnes d’émissions dans chaque tonne d’acier, nous devrions soit penser à des solutions de rechange à l’acier, soit, au moins, à obtenir le meilleur acier possible du point de vue des émissions.

Le président : Merci beaucoup. La discussion a été très intéressante. Nous vous remercions du temps que vous nous avez accordé.

(La séance est levée.)

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