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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 3 octobre 2017

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 17 heures, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.

Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir, chers collègues, et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Richard Neufeld et j’ai l’honneur d’être président de ce comité. Je viens de la Colombie-Britannique.

Je souhaite la bienvenue à tous ceux et celles qui sont parmi nous aujourd’hui en personne ou qui nous regardent à la télévision ou en ligne d’un peu partout au pays. Je rappelle à tous ceux et celles qui nous regardent que les séances des comités sont publiques et accessibles en ligne sur le nouveau site web du Sénat sencanada.ca. Tous les documents sur les travaux du comité se trouvent en ligne, y compris les rapports antérieurs, les projets de loi étudiés et les listes de témoins.

Je demanderais maintenant aux sénateurs ici présents de se présenter, et je commencerai par vous présenter moi-même le vice-président, le sénateur Paul Massicotte, du Québec.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Fraser : Joan Fraser, Québec.

La sénatrice Galvez : Rosa Galvez, Québec.

Le sénateur Black : Doug Black, Alberta.

Le sénateur Dean : Tony Dean, Ontario.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, Québec.

Le président : J’aimerais aussi vous présenter notre personnel, à commencer par la greffière, Maxime Fortin, et je vous présente également nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Marc LeBlanc et Sam Banks.

En mars 2016, le Sénat a confié à notre comité la tâche de mener une étude approfondie sur les effets, les défis et les coûts de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le gouvernement du Canada s’est engagé à réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 2005 d’ici 2030. C’est une tâche énorme.

Notre comité a adopté une approche sectorielle, pour cette étude. Nous étudierons cinq secteurs de l’économie canadienne qui représentent globalement plus de 80 p. 100 de la totalité de nos émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit de l’électricité, du transport, de l’exploitation pétrolière et gazière, des industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions et des bâtiments.

Nous avons rendu public notre premier rapport provisoire, sur le secteur de l’électricité, le 7 mars, et notre deuxième, sur le secteur du transport, le 22 juin.

Aujourd’hui, en cette cinquantième séance consacrée à notre étude, je suis ravi d’accueillir Pierre Boucher, président d’Innovations en construction Canada, ainsi que Jim Ilkay, associé principal d’Innovia Corporation.

Messieurs, la parole est à vous. Lorsque vous aurez terminé vos exposés, nous aurons des questions à vous poser.

Pierre Boucher, président, Innovations en construction Canada : Merci, monsieur le président, de nous permettre de venir discuter avec vous des effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone pour atteindre les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncées par le gouvernement.

Nous axerons notre présentation sur deux thèmes, soit l’intensité énergétique du secteur du bâtiment et les émissions de gaz à effet de serre qui émanent du patrimoine bâti.

Pour commencer, monsieur le président, je dois souligner qu’InnovationsCC est une organisation multipartite qui rassemble des consommateurs de services de construction, qu’on appelle communément les propriétaires d’actifs, des professionnels de la conception comme des architectes et des ingénieurs, des entrepreneurs, des fabricants et des fournisseurs, de même que des représentants d’industries connexes comme celles du cautionnement et de l’assurance, des experts-conseils en réclamations et des institutions financières.

InnovationsCC a réussi à se bâtir une masse critique d’appuis ou de parrains qui lui donne la force et l’orientation nécessaires pour remplir son mandat. Collectivement, ces parrains effectuent un volume de travail substantiel qui totalise chaque année des milliards de dollars.

Monsieur le président, en dépit des turbulences économiques qui secouent certains secteurs des ressources naturelles au Canada, l’industrie du bâtiment continue de croître et de voir s’ouvrir de nouveaux débouchés compte tenu de la demande de nouvelles infrastructures, de rénovation des infrastructures existantes et de produits canadiens en général.

Ce secteur consomme énormément de ressources et d’énergie au Canada. Au cours des dernières années, l’intensité énergétique du secteur et ses émissions de gaz à effet de serre afférentes ont augmenté de 2,5 p. 100 par année. En moyenne, les autres utilisateurs finaux industriels ont réduit leur intensité d’environ 1,3 p. 100 par année. En fait, le secteur du bâtiment consomme 40 p. 100 de l’énergie au Canada et 50 p. 100 de ses ressources primaires. Le patrimoine bâti produit 40 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Le secteur est donc bien mûr pour un peu d’innovation.

J’aimerais souligner que la hausse récente de 2,5 p. 100 par année dans ce secteur est attribuable à la croissance du secteur lui-même et pas nécessairement à une intensification des émissions par habitant. C’est simplement que comme l’industrie est en croissance, elle a une plus grande intensité énergétique.

Pour s’attaquer à l’intensité énergétique de l’industrie, InnovationsCC a établi en 2016 un incubateur pour la conservation de l’énergie afin d’explorer les possibilités d’améliorer le rendement énergétique du secteur et d’établir les principaux facteurs à prendre en considération dans l’élaboration d’un programme à long terme de conservation de l’énergie chapeauté par le secteur.

L’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de conservation de l’énergie dans le secteur du bâtiment contribueront beaucoup à la réalisation des priorités du gouvernement fédéral actuel. Au tout début, toutefois, quand nous avons commencé notre travail, nous nous sommes rendu compte que les données accessibles sur la consommation d’énergie ne sont pas assez solides, et nous parlons ici des données que nous pouvons obtenir essentiellement de Statistique Canada. Les codes SCIAN, sur lesquels se fondent ses analyses de données, sont trop étroits dans leur façon de définir le secteur. Il y a des acteurs du patrimoine bâti qui contribuent à la consommation d’énergie et qui exercent une incidence directe sur la conservation d’énergie dans le secteur, mais qui ne sont pas pris en compte dans les données recueillies. Je pense aux planificateurs, aux concepteurs, aux ingénieurs et aux fournisseurs de matériel.

On a conclu à un manque flagrant de mesures objectives globales des émissions produites par l’industrie et à une insuffisance de données ventilées sur la consommation d’énergie. Notre solution a été de réaliser trois études de cas qui nous fourniraient des données qui nous serviront de points de repère pour mesurer l’intensité énergétique de certaines activités. Cette initiative a été très appréciée par les gens de Statistique Canada et de Ressources naturelles Canada. Nous sommes en train de mettre la touche finale au rapport préliminaire, et le rapport final sera prêt d’ici la fin de l’année.

Nous amorçons maintenant la phase deux, qui vise trois sphères d’activités précises. Il faut d’abord étoffer les données sur l’énergie. Il est difficile de s’améliorer et de se comparer quand les données elles-mêmes ne sont pas exactes, donc nous avons entrepris de rectifier le tir.

Nous voulons produire des estimations de la conservation de l’énergie et des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur. Nous souhaitons faciliter la compréhension générale de la valeur d’une bonne gestion de l’énergie dans le secteur, un projet très ambitieux. On constate actuellement dans l’industrie, principalement en génie civil lourd, que les systèmes de gestion en place pour améliorer l’intensité énergétique ne sont pas très répandus, donc nous travaillons à inverser la tendance. Nous souhaitons également favoriser l’établissement à long terme de normes sectorielles sur la gestion de l’énergie.

Nous voulons aussi réaliser une veille technologique. Nous dresserons la liste détaillée des solutions technologiques existantes, par domaine d’application, puis préciserons les améliorations énergétiques attendues. Nous voulons documenter les pratiques énergétiques exemplaires dans le secteur et ailleurs, qui pourraient nous aider à réduire notre consommation d’énergie.

Nous comptons en outre créer un programme de sensibilisation. Nous préparerons et déploierons un plan de communication détaillé pour diffuser les résultats de nos travaux sur le terrain grâce à un vaste réseau d’organisations et de secteurs partenaires, à des conférences, à des ateliers, et cetera.

Nous voulons qu’on entende parler de l’analyse comparative que nos travaux permettront, de notre veille technologique et des systèmes de gestion que l’industrie pourrait adopter pour réduire le plus possible sa consommation. Bien sûr, nous voulons aussi mettre l’accent sur le programme de certification Energy Star qui sera lancé l’an prochain.

Concernant les émissions de GES du patrimoine bâti, InnovationsCC cherche à saisir toutes les occasions possibles d’appuyer des projets pilotes qui serviront d’exemples sur la façon de réduire les émissions dans les installations existantes ou les nouvelles installations, de construire des bâtiments plus écologiques, de modifier divers éléments de conception et de remplacer certains matériaux. Nous avons récemment soumis une demande de financement à RNCan pour un projet d’écologisation unique à Toronto, qui pourrait être reproduit ailleurs. Nous devons tirer des leçons des projets pilotes et les mettre en pratique.

InnovationsCC comprend l’engagement du gouvernement d’effectuer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Or, cette transition sera plus facile si nous mettons très tôt à contribution les utilisateurs finaux, c’est-à-dire les propriétaires d’actifs, privés ou publics, et ceux qui occuperont ou utiliseront le nouveau patrimoine bâti et les bâtiments rénovés. Il faut créer une demande sur le marché, car elle nous aidera non seulement à adopter les nouveaux codes du bâtiment envisagés pour 2030, mais à les surpasser le moment venu.

D’ailleurs, je souligne que le mode d’approvisionnement joue un rôle important dans la réalisation de projets. Il définit les ententes contractuelles qui doivent être conclues entre les intervenants, c’est-à-dire entre les architectes, les ingénieurs et les entrepreneurs. Il définit le niveau de risque assumé par chacun des acteurs de la chaîne de construction. Les documents d’appel d’offres déterminent le pouvoir de chacun de proposer de nouveaux procédés et de nouveaux matériaux, selon la rigidité des exigences imposées. L’industrie pourrait être plus efficace si le processus d’approvisionnement du Canada favorisait davantage l’innovation et que les objectifs de conservation de l’énergie étaient évalués de façon plus constructive.

Les nouvelles politiques gouvernementales sur le changement climatique, par exemple, et divers outils existants comme les incitatifs fiscaux peuvent favoriser l’atteinte des objectifs de conservation de l’énergie dans le secteur du bâtiment. InnovationsCC peut décrire explicitement et faire valoir les options stratégiques possibles pour que ce secteur très vaste puisse contribuer à l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncées par le gouvernement.

Le Canada a une occasion unique à saisir pour devenir un chef de file mondial des pratiques de construction modernes et un exportateur important de services de construction aux pays du monde en développement rapide. Or, pour que ce soit possible, il est de la plus haute importance que nous travaillions ensemble à relever ces défis.

Le président : Merci. Passons aux questions.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Boucher, de votre présentation. C’est très apprécié, car on apprend continuellement. Au départ, ma question est la suivante. Dans votre rapport de mars 2017, vous faites un commentaire selon lequel vous recommandez fortement que le gouvernement retire les obstacles à la construction de maisons unifamiliales typiquement de banlieue. Pouvez-vous nous expliquer quels sont ces obstacles?

M. Boucher : Je m’excuse, mais je ne crois pas que ce soit notre groupe qui ait fait cette recommandation, parce que les maisons unifamiliales ne font pas nécessairement partie de nos travaux.

Le sénateur Massicotte : Vous parlez plutôt de bâtiments construits en hauteur.

Par ailleurs, dans votre présentation, vous parlez d’incitatif fiscal. Quel en serait le but? Est-ce que l’incitatif fiscal concernerait les maisons très vertes ou tous les types de maisons, dans le but de stimuler l’économie? En fait, quels sont vos objectifs?

[Traduction]

Jim Ilkay, associé principal, Innovia Corporation, Innovations en construction Canada : Certains des incitatifs dont nous parlons dans l’industrie contribueraient à réduire le risque associé à l’adoption de certaines technologies de transition. Le problème des technologies qui nous aideront à réduire nos émissions de carbone, c’est qu’elles ont une longue période de recouvrement en général et que bien des gens craignent un peu d’investir dans des technologies qui prendront beaucoup de temps à être rentables. Nous croyons que des mesures fiscales pourraient raccourcir la période de recouvrement et atténuer le risque.

Vous mentionnez les maisons unifamiliales. C’est un marché. Les acheteurs de maisons multifamiliales et les acheteurs industriels sont très intéressés eux aussi. Ce qui préoccupe particulièrement les acheteurs industriels, particulièrement dans les industries cycliques, c’est qu’ils n’ont pas toujours envie de faire de grands investissements qui ne seront rentables qu’au bout d’une longue période. Ils ne peuvent tout simplement pas se le permettre, financièrement.

Le sénateur Massicotte : Mais si ces normes étaient intégrées au code du bâtiment, comme vous le recommandez, et qu’ils n’avaient d’autre choix que de le respecter s’ils veulent construire un nouveau bâtiment, pourquoi offririons-nous des incitatifs à la construction de cette forme de bâtiment, alors qu’on peut simplement décider d’en acheter un ou non?

M. Ilkay : Je pense qu’éventuellement, des normes seront mises en place, mais si nous sommes assez visionnaires et que nous trouvons des mesures de transition à appliquer d’ici là, les gens du milieu ont confiance qu’avec le temps, nous pourrons graduellement apporter les améliorations nécessaires. Je pense que nous avons besoin de stratégies de transition pour nous aider à cheminer vers une économie plus verte.

Le sénateur Massicotte : Des stratégies qui permettraient d’atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique ou simplement de stimuler l’économie?

M. Ilkay : Je pense que ces stratégies permettraient d’atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique et non simplement de stimuler l’économie. Les stimuli économiques resteront les mêmes. Nous pourrions donc maintenir le statu quo, et apporter des améliorations très graduelles. Il y a des améliorations qui pourraient être importantes et nous permettent d’atteindre graduellement notre but.

Je pense que le danger, c’est de donner à cette transformation un air de précipice, mais qui semble encore très loin de nous, dans le temps, puis de ne pas trop nous en préoccuper. Je pense que nous devons mettre en place de bonnes mesures en cours de route pour amorcer un changement graduel. Il pourrait y avoir une série raisonnable de paliers pour y parvenir, mais nous devrons éventuellement y arriver.

La cible de 2030 semble nettement nous laisser assez de temps pour nous adapter, si nous utilisons judicieusement le temps d’ici là. Si nous attendons qu’il soit trop tard pour faire quoi que ce soit, ce sera difficile.

La sénatrice Galvez : Merci beaucoup. Nous avons déjà entendu beaucoup de spécialistes venir nous parler de différentes technologies et de différents matériaux pouvant être utilisés dans le domaine du bâtiment, pour la construction de logements et de grandes tours d’habitation. D’après ce que je vois au Canada, quand on parcourt les différentes provinces, on y constate une grande hétérogénéité entre les maisons, les immeubles, les commerces, les centres sportifs ou commerciaux. Certains bâtiments sont très bien isolés, très solides et écoénergétiques et coûtent moins cher en énergie. Par contre, il y en a d’autres qui font bien piètre figure à toutes sortes d’égards. Que pouvons-nous faire à l’échelon fédéral pour uniformiser un peu les choses, malgré leur hétérogénéité, pour que tout le monde avance au même rythme et applique les mêmes normes? Vous avez parlé de normes.

Je pense à l’énergie et à l’eau en particulier, mais je veux aussi parler de l’effet du changement climatique sur les villes. Il y a des inondations. Les matériaux ne sont pas de bonne qualité. Ils se mouillent. Que faut-il faire à l’échelon fédéral pour que les nouvelles constructions et les nouvelles infrastructures résistent aux phénomènes météorologiques extrêmes, qui sont plus fréquents?

M. Boucher : Ce sont là d’excellentes questions, parce qu’elles touchent le cœur de ce que nous faisons.

Dans le domaine du bâtiment, il y a cohabitation entre le secteur privé et le secteur public; il y a toutes sortes de propriétaires différents dont les attentes sont différentes. Nous ne construisons que ce qu’on nous demande.

Malheureusement, au Canada, le mode classique d’approvisionnement consiste à favoriser le plus bas soumissionnaire conforme. Quand on choisit le plus bas soumissionnaire conforme, on obtient nécessairement des matériaux de moindre qualité, parce qu’il faut respecter le budget de construction établi. C’est déjà assez risqué au départ, compte tenu de tous les imprévus qui peuvent survenir, mais quand on répond à un appel d’offres et qu’on doit être le plus bas soumissionnaire, la marge de manœuvre est faible pour bonifier l’édifice. Cela doit changer.

Monsieur le président, dans la documentation, je disais que nous devons créer une demande. Je pense que la nouvelle génération qui souhaite des villes intelligentes — et on parle beaucoup d’acceptabilité sociale — encourage beaucoup les propriétaires et les gestionnaires d’actifs à améliorer leur rendement pour les résidants et les personnes qui occuperont le patrimoine bâti.

Pour nous, c’est très important. Nous le répétons constamment. L’industrie est mûre pour un changement, nous voulons du changement. Le problème, c’est le mode d’approvisionnement, à moins d’opter pour des PPP, qui sont financés par le secteur privé. Mais là encore, il peut y avoir toutes sortes de spécifications qui ne permettent pas aux entrepreneurs d’offrir une qualité supérieure.

Je pense qu’on peut s’attendre à un changement positif à l’avenir, qu’on verra dans les villes intelligentes des édifices plus performants, des édifices responsables et écoénergétiques, mais nous devons travailler avec le gouvernement à créer cette demande, et nous sommes prêts à le faire. Il faut essentiellement mettre l’accent sur le client, et nous le faisons déjà. Il y a des gens dans notre industrie, des concepteurs, qui en sont très conscients, et ce seront eux les nouveaux leaders qui veulent construire des infrastructures plus résilientes et de meilleure qualité.

Quand on regarde certaines des infrastructures construites, c’est inacceptable. Il y a des choses qu’on construit au Canada qu’on ne pourrait même pas construire dans certains pays européens. Il y a place à l’amélioration, mais il revient au gouvernement de dicter les politiques, de nommer ses attentes et de faire des paiements de transfert en conséquence, puis il pourra s’attendre à ce que l’industrie soit plus que prête à répondre à l’appel. Les entrepreneurs et les professionnels voudraient être plus créatifs dans le processus d’appel d’offres.

M. Ilkay : Nous avons besoin que les acteurs secteur du bâtiment tiennent compte de toute la durée de vie d’un projet dans leurs décisions. Il est toutefois difficile de tenir compte de tout le cycle de vie quand on n’a pas de bonnes données sur lesquelles nous fonder, mais je pense que c’est certainement plus possible de le faire aujourd’hui qu’avant. Des données de qualité sont des données détaillées sur la contribution générale des divers éléments et composantes des édifices aux coûts d’entretien et autres. Je pense qu’on construit désormais des bâtiments plus intelligents qui nous fournissent plus de données. Nous devons tabler sur ces données pour prendre de meilleures décisions sur ce qui représente la meilleure valeur pour le patrimoine bâti.

La sénatrice Galvez : Je comprends que l’une des solutions consiste à créer un marché et à modifier les méthodes d’approvisionnement. Qu’en est-il du code du bâtiment? Que pouvons-nous faire du code du bâtiment?

M. Boucher : À l’heure actuelle, le gouvernement déploie de nouveaux programmes assortis de nouveaux fonds afin de faire participer les acteurs de l’industrie, les universitaires et d’autres partenaires à des projets pilotes. Il voudra ensuite utiliser les résultats de ces projets pilotes pour rédiger un nouveau code.

InnovationsCC favoriserait avant tout le recours à des incubateurs plutôt qu’à des programmes de financement gouvernementaux plus rigides. C’est ce que nous souhaiterions. Nous proposons qu’InnovationsCC crée un incubateur avec des experts du domaine. Nous sélectionnerons quatre, cinq ou six projets pilotes différents qui seraient menés de concert avec les provinces, les municipalités, qui comporteraient diverses complexités sur le plan de la consommation d’énergie puis, comme nous représentons l’industrie, nous documenterions tout cela. Nous connaissons ce que nous construisons, les matériaux et l’équipement que nous utilisons, donc vous pourriez utiliser ces renseignements pour établir des points de repère et créer des codes. C’est ce que nous aimerions faire, et nous vous offrons nos services, mais nous n’avons pas eu beaucoup de succès jusqu’à maintenant. Pour répondre à votre question, c’est l’orientation que nous proposons.

Il ne faut pas oublier qu’un code reste un code. Celui-ci reste à voir, mais dans notre industrie, nous disons toujours qu’un code est le plus bas dénominateur de la qualité de la conception. En 2030, si nous ne nous inspirons que de ce qui a été fait les cinq années suivant l’octroi du financement, il se pourrait que ce code devienne le plus bas dénominateur. Nous voulons plus que cela. L’industrie aimerait avoir la possibilité de concevoir et de proposer des bâtiments qui seraient beaucoup plus performants, dans un contexte d’approvisionnement différent. Les professionnels et les entrepreneurs devraient être imputables de leur travail, mais donnons-leur au moins la chance de faire leurs preuves. C’est en ce sens que les incitatifs à trouver des outils ou des mécanismes efficaces seraient susceptibles de produire de meilleurs résultats que le simple processus de soumission pour un projet prescrit.

[Français]

La sénatrice Fraser : Merci beaucoup d’être ici. Votre présentation était fort intéressante. Ce qui m’a vraiment frappée — et il s’agit sans doute de ma propre ignorance —, c’est la question de l’insuffisance des données. Je comprends qu’il faille accumuler plus de données sur les fournisseurs de matériel, mais pourquoi des données sur les planificateurs, les concepteurs ou les ingénieurs?

[Traduction]

Quelque chose m’échappe. Mis à part la demande énergétique associée au fonctionnement de leurs bureaux, je ne comprends pas en quoi ils ont une grande influence sur la consommation d’énergie de votre industrie. Pourriez-vous m’expliquer?

M. Ilkay : Je suppose que vous faites référence au…

La sénatrice Fraser : Je suis à la page 2, au milieu du deuxième paragraphe intitulé « Intensité énergétique de l’industrie ». J’en ai déduit que vous aviez besoin d’obtenir de meilleures données, non seulement sur les fournisseurs de matériaux, ce qui est logique, mais aussi les planificateurs? Les concepteurs? J’aimerais que vous m’aidiez à comprendre ici.

M. Ilkay : Si je puis me permettre, il s’agit plutôt de l’impact des décisions prises par les planificateurs et les concepteurs que de leurs activités. Au bout du compte, sachez que les planificateurs et les concepteurs ont une grande incidence sur les produits finis.

La sénatrice Fraser : Je suis désolée, je ne veux pas paraître bornée, mais j’aurais supposé que vos données incluent déjà les décisions prises par les concepteurs. Par exemple, si un concepteur vous dit d’utiliser un tel matériau, j’aurais pensé que vous en auriez déjà tenu compte. N’y a-t-il pas là un risque de double comptabilisation?

M. Boucher : Je crois que ce n’est pas la valeur qui est calculée ici, et sans certaines données, il est difficile d’évaluer les répercussions possibles de certains facteurs énergétiques en ce qui a trait aux pratiques.

La sénatrice Fraser : J’ai également trouvé très intéressant le fait que vous ayez présenté une demande de financement pour un projet d’écologisation unique à Toronto. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet?

M. Boucher : Il y a à peine un mois, RNCan a lancé un nouveau programme de financement pour la réduction des émissions de GES dans le but d’amener l’industrie, le milieu universitaire et d’autres intervenants à unir leurs efforts pour démontrer comment on peut améliorer les choses. On pourrait ensuite s’en servir pour élaborer un nouveau code.

InnovationsCC a dit que nous devrions en avoir au moins un, car l’incubateur ne progresse pas. Nous en avons beaucoup parlé, puis nous avons été contactés par un optométriste de la région de Toronto qui souhaitait construire un nouvel immeuble unique en son genre. On y privilégiait une énergie passive utilisée principalement dans les logements et non pas dans un immeuble de cette taille. Ce projet supposait une construction modulaire, de nouvelles technologies et une consommation d’énergie moindre. Je ne peux pas vous en dire plus pour l’instant. Nous espérons que ce projet sera approuvé. C’est donc un projet qui pourrait être reproduit et qui montre que ce ne sont pas uniquement les grandes entreprises ou les gouvernements qui peuvent agir; des petites entreprises peuvent elles aussi faire les choses différemment pour le bien de leur communauté.

La sénatrice Fraser : C’est fascinant.

Le sénateur Duffy : À la dernière page de votre déclaration, il est question de marchés publics. Un peu plus tôt, vous avez parlé des difficultés liées à la mise à jour du Code national du bâtiment. Que diriez-vous que le gouvernement fédéral et les provinces exigent des bâtiments écoénergétiques pour eux-mêmes? Si c’est quelque chose qui est trop difficile à faire à court terme avec l’ensemble de l’industrie et les entrepreneurs privés, pourquoi alors le gouvernement fédéral n’exige-t-il pas que ces normes soient suivies pour chaque nouvel édifice qu’il construit ou loue? On en arriverait ainsi à un nouveau code pour la construction ou la location d’édifices. Et il en serait de même pour les provinces. Il faut tout simplement commencer à en exiger davantage. Est-ce que cela pourrait fonctionner?

M. Ilkay : Ce serait en effet quelque chose de très positif. Chose certaine, l’ampleur des travaux de construction réalisés en appliquant des normes plus élevées permettrait à l’industrie d’être plus innovatrice et de réduire ses coûts globaux. On a vu la même chose du côté des États-Unis. Le secteur de la haute technologie a fait preuve de beaucoup d’innovation en matière de construction et de consommation d’énergie. On l’a tout simplement exigé. Le secteur a défini ses attentes et a indiqué que si on voulait qu’il s’établisse dans les différentes collectivités, il fallait fournir des solutions énergétiques vertes et ce type d’infrastructures, puis cela a donné des résultats.

M. Boucher : Nous sommes axés sur l’innovation depuis que des gens de l’industrie nous ont demandé en 2014 de mieux faire les choses. Nous essayons de faire comprendre aux entités gouvernementales qu’elles ne doivent jamais hésiter à exiger davantage au chapitre de la construction lorsqu’elles transfèrent des fonds aux provinces. L’industrie est prête à passer à la prochaine étape. Nous construisons strictement en fonction des marchés publics.

Nous avons également comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes la semaine dernière et nous lui avons demandé : « Pourquoi ne pas utiliser un petit pourcentage du revenu de la banque comme incitatif pour favoriser la construction de bâtiments écoénergétiques ou simplement plus innovateurs? » Nous construisons des bâtiments selon les moyens que nous avons; je ne parle pas ici de notre capacité de construire, mais plutôt de ce qu’on nous impose.

Le sénateur Duffy : La sénatrice Galvez a parlé des normes régissant la construction, et je ne peux faire autrement que de penser aux pauvres gens de Vancouver qui sont aux prises avec des condos qui prennent l’eau. Si j’ai bien compris la situation, nous avons importé des normes de construction, des styles ou des plans des États-Unis — de l’Arizona et d’ailleurs — qui avaient été conçus au départ pour le désert puis nous les avons construits dans la forêt pluviale de la Colombie-Britannique. On a ensuite découvert qu’il y avait des fuites. Encore une fois, cela nous ramène à la question de la conception et à l’importance de transmettre l’information pour éviter que de telles erreurs se reproduisent à l’avenir.

M. Boucher : Sénateur Duffy, je peux vous dire qu’au sein de l’industrie, nous sommes d’accord pour dire que malheureusement, à l’heure actuelle, on ne consacre pas assez de temps au processus de conception. On précipite les choses. Parfois, on a des plans de conception incomplets qui doivent être validés. Il se peut qu’un dessin ne puisse être construit tel quel, alors il faut y remédier. Nous convenons qu’il faut plus de temps pour avoir des dessins mieux adaptés et validés. On doit avoir la preuve que ce que l’on va construire va fonctionner.

Le président : J’aimerais également vous poser quelques questions qui vont dans le même sens que celles posées par les sénateurs Galvez et Duffy au sujet des codes du bâtiment.

À l’heure actuelle, je suis certain que nous avons de très bonnes idées sur ce qui doit être fait pour construire des bâtiments à consommation énergétique nette nulle ou du moins qui consomment beaucoup moins d’énergie. Nous avons déjà toute l’information. C’est mon avis, et vous me corrigerez si je me trompe. Cependant, nous avons parlé à des tas de gens partout au pays. Dans la collectivité où j’habite, il y a une maison passive. C’est la chose la plus horrible que j’ai vue, mais chaque fois que je passe devant en voiture, je m’en réjouis.

Cette information existe. Lorsque vous dites qu’il faut avoir plus de données, plus d’études et que nous devons faire ceci ou cela, j’essaie d’être réaliste, car on dispose de très peu de temps d’ici 2030. Nous pourrions consacrer cinq ans à l’élaboration d’un code, mais sachez que 2030 est à nos portes.

Avec tous les renseignements à notre disposition, pourquoi ne pas rédiger un code dès maintenant en disant: « Voici ce que vous devez construire à partir de maintenant et qui va fonctionner »? Enfin, je crois que nous le savons. Nous avons visité une maison à l’Île-du-Prince Édouard — je crois qu’il s’agissait d’une maison passive — qui consomme très peu d’énergie. Ce n’est pas nouveau; ça existe. Les fenêtres venaient d’Europe. Alors pourquoi faut-il étudier indéfiniment tout cela? Pourquoi est-ce qu’on n’adopte pas tout simplement un code de construction qui fonctionne? Pourquoi niveler vers le bas et viser le plus petit dénominateur commun? Essayons plutôt de nous doter d’un code qui comporte des normes élevées et que tout le monde doit respecter. J’aimerais que vous m’aidiez à comprendre ici.

M. Boucher : Monsieur le président, les données dont je parlais servent à évaluer l’intensité énergétique du secteur de la construction et à démontrer que la situation laisse à désirer. Cela se rapporte aux activités du secteur.

Quant à ce que vous dites, vous avez tout à fait raison. Nous savons ce qui doit être fait. Pourquoi est-ce qu’on ne le fait pas? Le marché n’a pas encore adhéré au concept. Si on regarde ce qui se passe en ce moment, par exemple, à Orléans, où je vis, je vois qu’on construit de nouveaux centres commerciaux. Par contre, ces nouveaux établissements sont tous raccordés au réseau et ainsi de suite. Il faudrait donc trouver le moyen d’avoir des microsystèmes à proximité qui les alimentent, avec des panneaux, entre autres, de sorte qu’ils soient beaucoup plus écoresponsables, pour ainsi dire, à des fins de durabilité. On ne voit pas cela. Une maison passive... je n’en ai pas encore vu.

Le marché peut le dicter. Je crois que les gens sont prêts. Comme je l’ai dit tout à l’heure, je pense que l’on peut s’attendre à un changement au cours de la prochaine génération. L’industrie est prête à le faire si le marché le demande. Les concepteurs travailleront là-dessus.

Le président : Comme vous l’avez dit plus tôt, on va s’en tenir aux normes les moins strictes du code. N’empêche que, selon moi, il faut imposer des normes plus rigoureuses que tous devront respecter.

Par ailleurs, si je reviens 10 ou 12 ans en arrière, il y avait des établissements commerciaux, dont un plus grand nombre probablement à Victoria, qui étaient entièrement autosuffisants. Pourquoi cherche-t-on encore des données? En avez-vous pris connaissance? Ces édifices ont été construits il y a au moins 12 ans. Je pourrais vous y amener pour que vous y jetiez un coup d’œil et en discutiez avec les propriétaires et les constructeurs. Cela a été construit il y a déjà quelque temps, alors pourquoi est-ce qu’on cherche encore des données dans l’Est du Canada? Qu’est-ce que l’on veut savoir de plus?

M. Boucher : Monsieur le président, nous avons lancé un programme de sensibilisation visant à modifier les pratiques, mobiliser les entrepreneurs et amener le gouvernement fédéral à exiger un meilleur rendement de la part de l’industrie. L’industrie, si on lui donnait le choix, construirait des bâtiments qu’on n’a jamais vus auparavant. Nous sommes mûrs pour cela. N’empêche qu’il faut déterminer qui veut payer pour quoi et quand, mais sachez que nous sommes prêts. Il faut reproduire ces établissements que vous avez vus à certains endroits.

Je vais vous donner un exemple. Le pont de Cornwall a été refait il y a quelques années. On avait lancé un appel d’offres afin de démolir le pont et de bâtir quelque chose de nouveau. On ne savait pas trop comment s’y prendre. Il y a une personne de la Société des ponts fédéraux avec qui nous collaborions étroitement qui a dit : « Je ne ferais pas ça comme cela. » Cette personne était responsable du pont. Il a demandé du financement; cela ne représentait pas un montant exorbitant. Il s’est adressé à l’Université Ryerson puis a fait appel à des concepteurs de ponts, des entrepreneurs et des gens de l’industrie du ciment et du béton. Ils sont parvenus à une solution, et on n’aurait pas pu construire un meilleur pont. Il est beaucoup plus résistant aux accidents et au vent qu’auparavant. Il a été construit de façon à atténuer autant que possible les accidents. On a fait un travail remarquable.

Il reste que vous avez parfaitement raison; on n’a pas reproduit ces constructions. Le problème, c’est que tout le monde travaille en vase clos. Personne ne regarde ce que fait l’autre. Chacun a son budget et son réseau puis travaille à sa façon. Nous sommes mûrs pour un changement, et c’est pourquoi nous faisons cela. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on a créé InnovationsCC.

Le président : Mais s’il y a une norme que tout le monde doit respecter…

M. Boucher : En effet. Les codes sont mis à jour de manière périodique. On parle d’un processus de 5 à 10 ans. Cela prend du temps.

J’aurais un autre exemple à vous donner qui pourrait vous intéresser et qui illustre qu’il faut parfois du temps pour agir. Le Forum économique mondial a publié un rapport en juin dernier. Ce rapport est devenu notre bible parce qu’il dit tout ce que nous devons savoir pour améliorer les choses. Lorsqu’on parle de pratiques inefficaces, sachez que la délivrance de permis à l’échelle mondiale coûte 1,13 billion de dollars. Imaginez tout ce qu’on pourrait construire avec cette somme — le nombre d’hôpitaux, entre autres, et tout ce qu’on pourrait améliorer. C’est la réalité. Il faut changer des tas de choses.

Lorsque je fais des présentations, je parle des entraves qui nuisent à l’industrie. Si j’en ai l’occasion à un moment donné, je vous en parlerai, mais il est évident que si nous n’avions pas ces obstacles, l’industrie aurait une nette longue d’avance.

Le président : Lorsque vous parlez de marchés publics — j’ai un exemple, et les membres du comité savent de quoi je parle —, nous avons visité Dofasco, une usine sidérurgique. On nous a dit que, lors de la production, pour chaque tonne d’acier produite, on générait une tonne d’émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, si cet acier provenait des marchés asiatiques ou d’autres marchés ailleurs dans le monde qui fabriquent de l’acier, on produirait trois tonnes d’émissions par tonne d’acier.

Le gouvernement parle de l’argent qu’il va investir dans la construction d’infrastructures telles que les ponts et les trains légers. Seriez-vous d’accord avec moi pour dire que le gouvernement fédéral pourrait prêcher par l’exemple en disant: « Lorsque nous lançons un appel d’offres pour l’acier, cet acier doit être celui qui a l’intensité d’émissions de gaz à effet de serre la plus faible », ou quelque chose du genre? Tout doit commencer par l’État. Si l’État ne peut pas le faire, comment peut-on s’attendre à ce que les autres le fassent? Si le gouvernement ne respecte pas les normes visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, comment peut-on obliger les autres à s’y conformer?

M. Boucher : Monsieur le président, à mon avis, le gouvernement devrait indiquer clairement à l’industrie quelles sont ses attentes. Il doit le faire de façon progressive, à un moment propice pour l’industrie et le gouvernement. Il doit travailler en ce sens et il y parviendra.

La sénatrice Fraser : J’aurais une autre question fondée sur ma profonde ignorance de votre industrie, mais chose certaine, tout ce que vous me dites m’aide à comprendre.

Si j’ai un problème avec mon avocat, il y a un organe disciplinaire vers lequel je peux me tourner. Si j’ai un problème avec mon médecin, il y a un organe disciplinaire à qui je peux m’adresser. Qu’en est-il du secteur de la construction? Je ne parle pas ici du code, mais plutôt des gens qui ne le respectent pas et qui cachent, évidemment, comme tous les malfaiteurs, le fait qu’ils ne s’y conforment pas tant que rien ne transparaît.

M. Ilkay : En ce qui concerne le code du bâtiment et son respect, heureusement, il y a des inspections qui sont menées pour veiller à ce que le code soit bien respecté. Il n’y a pas d’organisme de réglementation comme tel, bien qu’il y ait beaucoup de litiges au sein de l’industrie, et en fait, le cycle des litiges dans le secteur de la construction est plus long que dans la plupart des industries. Des poursuites pourraient être intentées une vingtaine d’années après la construction d’un immeuble, par exemple. C’est l’une des rares industries où l’on voit ce type de litiges a posteriori. Cela dit, le respect du code n’est probablement pas tant un problème, étant donné qu’il y a des ingénieurs et des agents municipaux qui effectuent des inspections et qui veillent à ce que tout soit conforme.

La sénatrice Fraser : J’ai posé cette question plus particulièrement parce qu’il y a un immeuble que je connais bien. J’étais là lorsqu’il a été construit, et le site regorgeait d’inspecteurs en bâtiment. Après avoir été opérationnel pendant un an ou un an et demi, un énorme problème a été découvert, en dessous du sous-sol. On peut imaginer ce qu’il en a coûté pour essayer de corriger ce problème. Je ne savais jamais s’il y avait des difficultés.

Mais lorsque nous examinons le sujet de cette étude, à savoir les émissions de gaz à effet de serre, je me demande dans quelle mesure nous pouvons être certains, sans organe disciplinaire externe, que les plans initiaux répondent aux normes qui ont été fixées dans l’approvisionnement initial. Je ne parle pas vraiment des méchants de ce monde; je parle d’erreurs ou, comme George Bush dirait, de mauvaises sous-estimations. Ce sera très difficile. Nous pouvons avoir les meilleures normes et les meilleures intentions du monde, mais comment allons-nous pouvoir savoir que nous faisons ce que nous devons faire, et que se passe-t-il si nous ne le faisons pas?

M. Ilkay : Je pense que, à l’instar d’autres grandes industries, comme l’industrie du transport où, en dépit de tous les efforts déployés par chacun, on peut avoir occasionnellement un problème avec un avion ou des trains, ce genre de problèmes peuvent survenir, et il y a des solutions. Dans le secteur de la construction, si l’on a des conditions qui, par exemple, respectent peut-être le code mais qu’il y avait d’autres problèmes liés au rendement ou une circonstance imprévue qui a créé un problème, il existe des mécanismes qui peuvent régler ces situations, habituellement par l’entremise d’un régime d’assurances ou d’un système de règlement des différends, comme c’est généralement le cas.

Je pense que pour accroître l’écologisation dans l’avenir — une réduction des émissions de carbone, par exemple —, mon observation sur les données se fondait là-dessus, car l’une des choses que nous voyons parfois lorsque nous regardons ces initiatives de conservation est qu’elles ne donnent pas toujours les résultats escomptés. C’est parce que les hypothèses n’étaient pas fondées sur une compréhension adéquate et détaillée. Il y a des tableaux qui laissent entendre que si vous faites telle ou telle autre chose, vous obtiendrez ce résultat, mais il n’y a pas forcément de bonnes preuves car les intrants et les extrants n’ont pas été mesurés dans le passé. Si vous avez un facteur qui n’a pas été mesuré et que vous comptez maintenant améliorer, c’est difficile.

Je souscris à ce que vous dites. Je pense que ce sera très important car ce qui est mesuré est amélioré. À mesure que nous rendons publiques ces normes, nous avons besoin de meilleurs mécanismes pour nous assurer d’avoir des données réelles qui sont défendables afin que nous puissions dire que nos émissions pour cet élément — chauffage, climatisation ou peu importe — étaient X et sont maintenant Y, et nous avons les données pour étayer nos déclarations.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup de votre exposé. Si je comprends bien votre site web, InnovationsCC est le résultat direct d’un défi lancé par l’industrie de la construction pour, comme elle le dit, instaurer une nouvelle culture. Cela m’amène à douter et à comprendre un peu vos propos lorsque vous dites qu’il y a un certain degré de résistance de la part de tous les intervenants de l’industrie, même s’il s’agit d’un secteur à forte consommation énergétique. Votre organisme exerce en quelque sorte des pressions sur l’industrie pour qu’elle adopte ce programme, n’est-ce pas?

M. Boucher : Madame la sénatrice, la culture dont nous parlons est ancrée dans les pratiques qui sont en place depuis un siècle ou plus. Ce n’est pas que les gens ne veulent pas relever de nouveaux défis; c’est que l’on soumissionne dans le cadre d’un appel d’offres où les contrats sont adjugés aux moins-disants et on vous dicte comment travailler, comment concevoir et comment obtenir des résultats.

Nous avons des dirigeants dans cette industrie et des visionnaires qui ont très bien tiré leur épingle du jeu. Ils sont des chefs de file mondiaux. Ils ont relevé des problèmes et ont trouvé des moyens de les régler, et nous avons d’incroyables histoires à vous raconter. Mais la culture vise à trouver une nouvelle façon de construire, une nouvelle façon de répondre à une nouvelle demande, d’avoir une validation du principe. Pour revenir à ce que vous disiez, si votre immeuble ne donne pas un bon rendement, vous en êtes responsable. Mais avant de commencer à apporter des ajouts, on veut avoir une validation. C’est la culture avec laquelle nous sommes aux prises. Ce n’est pas une attitude; c’est davantage la pratique que l’on connaît.

La sénatrice Seidman : Donc, InnovationsCC a créé un incubateur pour la conservation d’énergie. J’aimerais en savoir un peu plus à ce sujet. Cet incubateur a-t-il permis de relever des priorités jusqu’à présent quant à la conservation d’énergie dans notre environnement bâti?

M. Boucher : Cet incubateur se rapporte davantage au secteur du génie civil lourd, et les intervenants doivent trouver des moyens de minimiser leur intensité, car c’est un secteur à très forte consommation d’énergie, et doivent aussi s’assurer de construire des immeubles plus résilients. Nous avons parlé de ce qui a été fait jusqu’à présent. Ce sont les phases 2 et 3. Nous aimerions ensuite utiliser ces données pour montrer à l’industrie qu’il y a d’énormes économies à réaliser sur le plan de l’énergie et des dépenses en écologisant l’environnement. Nous voudrons ensuite reproduire cela dans le secteur des sections verticales des immeubles.

Nous aimerions utiliser cette même approche de l’incubateur pour permettre à l’industrie de faire ses devoirs et de mener des projets de démonstration qui pourraient servir de points de référence pour les rédacteurs des codes du bâtiment. Pour nous, c’est un instrument qui semble être efficace.

La sénatrice Seidman : Je pense que je ne suis pas, et c’est probablement ma faute. Vous avez dit avoir fixé vos priorités et que vous êtes maintenant aux phases 2 et 3, mais je ne sais pas vraiment quelles priorités vous avez établies.

M. Boucher : La première priorité consiste à mettre des systèmes de gestion de l’énergie en place pour minimiser la consommation d’énergie et réaliser des économies pour que les intervenants puissent investir dans leurs entreprises afin de construire une infrastructure plus résiliente. C’est le but. En cours de route, ils doivent y aller une étape à la fois en menant des projets de démonstration.

La sénatrice Seidman : Vous ne fixez pas de priorités en matière d’efficacité énergétique dans les immeubles. Ce n’est pas votre rôle.

M. Boucher : Cela relève davantage du secteur du génie civil lourd. Nous avions proposé l’autre incubateur pour le secteur de la construction, et il n’a pas encore été retenu.

La sénatrice Seidman : Merci. Voilà qui éclaircit les choses.

En réponse à d’autres questions que vous aviez, vous avez parlé des gens qui travaillent en vase clos, alors les entreprises n’échangent pas très bien leurs idées, leurs renseignements et leurs innovations, ou les professionnels oeuvrant dans la même industrie ne communiquent pas très bien entre eux. Y a-t-il un autre pays qui réussit mieux à ce chapitre?

M. Boucher : La meilleure façon pour moi de le démontrer est peut-être de parler d’une technologie que l’on appelle « Modélisation des données du bâtiment », ou MDB. C’est un processus de conception de trois ou quatre jours dans le cadre duquel tous les intervenants collaborent pour concevoir d’une certaine manière et de façon à éviter les conflits. On peut avoir le concepteur du système électrique et le concepteur en génie, et ils peuvent avoir leurs propres plans. Ensuite, vous avez l’esquisse et l’entrepreneur examine la structure.

L’approche de MDB est complètement intégrée. Elle obligerait l’industrie à collaborer à un projet pour que tout soit vu en conception 3D. Par ailleurs, vous pouvez facilement calculer la quantité qu’il vous faut et toutes les composantes du bâtiment, si vous le souhaitez. Vous pouvez le codifier. Lorsque vous examinez votre processus du cycle de vie, vous savez exactement ce qui a été construit, où et quand.

En Finlande, le modèle de MDB, que l’on a commencé à utiliser bien des années avant nous, est beaucoup plus intégré.

La sénatrice Seidman : Y a-t-il d’autres modèles?

M. Boucher : Je ne sais pas si la géographie est un facteur. Chaque province doit avoir un code et chacun d’eux est différent. Cela ne nous aide pas.

Le sénateur MacDonald : La sénatrice Seidman a abordé les questions que je voulais vous poser, à savoir l’utilisation de systèmes intelligents pour les maisons et la technologie pour surveiller l’utilisation de l’énergie et le contrôle de la température dans une maison ou un bâtiment. Quand je vais chez Home Depot, je vois des technologies installées après-vente. Habituellement, elles sont assez dispendieuses. Je les ai souvent regardées, mais je finis toujours par marcher dans l’autre direction. Quelle est l’opinion de votre groupe à cet égard? Avez-vous une opinion arrêtée sur ces systèmes pour ce qui est de les incorporer dans les maisons et les bâtiments? Devraient-ils être obligatoires? Sont-ils efficaces pour ce qui est de leur utilisation globale lorsque vous les appliquer? Sont-ils efficaces au chapitre des économies et de la gestion de l’énergie?

M. Boucher : Je peux citer un entrepreneur très important, sans le nommer, qui a dit qu’en ce qui le concerne, son avenir et sa capacité de demeurer concurrentiel et de répondre aux demandes de demain sont tributaires de la technologie. Mais il faut une validation. Des gens ont été échaudés par la technologie. Des intervenants du secteur de la TI recevaient des milliards de dollars pour accomplir certaines choses. Ils causaient plus de tort que n’importe quoi, alors je m’en rappelle. Cela dit, la technologie, si elle est éprouvée, peut régler nos problèmes.

Nous discutions des ascenseurs plus tôt aujourd’hui, mais il existe maintenant des ascenseurs intelligents, et ceux qui fonctionnent bien sont incroyables. Il y a des villes intelligentes. Je vais à Toronto de temps à autre, et je suis tellement frustré lorsque j’y vais car je ne sais jamais s’il me faudra 20 minutes ou deux heures pour me rendre à destination. Ce serait bien si les véhicules et les capteurs de demain pourraient nous dire d’emblée : « N’empruntez pas cette route; passez par là », ou « N’essayez pas de vous stationner là; le stationnement est déjà plein; allez ailleurs. »

Si l’on regarde les membres de la génération Y qui auront un jour plus d’argent à dépenser, c’est le genre de dispositifs qu’ils veulent avoir. Ils ne veulent pas d’une grande maison; ils veulent une maison intelligente qui leur offrira un bon rendement.

Le sénateur MacDonald : Je peux comprendre si, par exemple, une société construisait un grand complexe d’habitations ou un grand immeuble, et que pour réaliser des économies, l’argent serait inclus dans les frais généraux pour incorporer ces systèmes dans leurs structures, mais je peux voir où ce serait plus arbitraire pour la construction d’habitations et de maisons unifamiliales. Là encore, le moment est-il venu où la construction d’habitations ou de maisons unifamiliales devrait être normalisée, où l’incitatif est inclus au début de la construction de la maison et les gens se rendent compte qu’ils ont une occasion de régler les questions énergétiques de la façon la plus efficace possible? Où le gouvernement est-il trop présent?

M. Ilkay : Si nous examinons le marché résidentiel plus précisément et que l’évolution de technologies comme les thermostats intelligents, il y a là de nombreuses innovations. Nous nous attendons à ce que ces technologies changeront rapidement dans un avenir rapproché. Je pense que nous verrons une convergence de divers éléments en un seul.

Il pourrait y avoir une norme qui prévoit qu’il faut un système énergétique intelligent qui fournit des données sur ce qui se passe dans la maison, sur la consommation d’énergie, et peut-être un tableau de bord que l’on peut consulter régulièrement. Ce sont là des mesures sensées. Si les gens peuvent voir l’incidence de l’énergie globale utilisée en ajustant un peu leur thermostat, ils pourraient dire: « Ah, eh bien, cela a valu la peine car je suis toujours confortable. »

Il serait bien d’établir une norme générale relativement à certains types de données ou au rendement. Au cours des deux ou trois dernières années, l’évolution de ces dispositifs a été absolument remarquable. Si nous attendons deux ou trois autres années, ces unités seront combinées pour devenir d’autres technologies.

Sur le plan commercial, je pense qu’il y a de véritables occasions. L’État de New York a récemment exigé que les immeubles commerciaux de plus — et ce n’est peut-être pas le bon chiffre car je vous le cite de mémoire — de quelque 50 000 pieds carrés à locataires multiples soient équipés de compteurs de contrôle pour chaque locataire. L’idée de regrouper tous les coûts énergétiques, puis de calculer une moyenne par pied carré n’incite pas les gens à réfléchir à deux fois à leur consommation. L’État a pris cette décision. C’est une mesure positive à bien des égards. Maintenant, les gens réfléchissent à l’incidence de leurs décisions. Cela a permis de faire progresser le secteur des compteurs de contrôle. Plusieurs investisseurs ont proposé des produits novateurs. Ce sont des mesures de ce genre qui peuvent vraiment porter fruit. La consommation d’énergie est plus élevée dans ces immeubles commerciaux que dans les habitations résidentielles.

La sénatrice Galvez : J’ai écouté les discussions et essayé d’intégrer les idées. Je me demande si votre groupe verra d’un bon oeil qu’un groupe fédéral, comme un groupe de sénateurs, prenne l’initiative de mettre sur pied tous ces groupes, de réunir des intervenants à une table de discussion, comme les corps de métiers — métallurgistes, ouvriers en béton et cimentiers —, les constructeurs, les concepteurs, les ingénieurs, les universitaires, les gens du CNRC, car ce sont eux qui s’occupent de la construction, et ils doivent cesser de travailler en vase clos, car je pense que c’est le principal problème.

Lorsqu’on lit le code national, il fait état que toute personne qui a un certain niveau d’intérêt peut proposer des projets — vous, moi ou n’importe qui d’autre. Serez-vous intéressé à participer à ce genre d’initiative? Est-ce votre rôle de faire pression pour appuyer cette initiative?

M. Boucher : InnovationsCC est une organisation qui comporte de nombreux intervenants et qui appuie une approche dans le cadre duquel vous pouvez tirer parti des meilleures connaissances et du meilleur processus de réflexion pour formuler des recommandations. Je me ferais un plaisir de participer à cette initiative.

La sénatrice Galvez : Nous pouvons peut-être examiner parallèlement l’approvisionnement car c’est également une initiative fédérale. Ce sont toutes les deux des initiatives fédérales.

M. Boucher : Monsieur le président, j’ai assisté à une activité il n’y a pas très longtemps où je me suis entretenu avec un organisme d’approvisionnement gouvernemental et où nous avons soulevé l’idée qu’InnovationsCC pourrait être un facilitateur, et nous aimerions incuber l’approvisionnement un peu et faire participer les provinces et les municipalités pour qu’elles ne travaillent pas toutes en vase clos. Si vous avez un processus qui fonctionne, faites-en une pratique. Les intervenants étaient réticents à l’idée car ils ne savaient pas trop s’ils devraient nous parler à propos de l’approvisionnement car nous étions les clients. J’ai dit que nous le faisons tout le temps. Cette culture doit donc changer pour que ce soit possible ici aussi. Nous aimons dire que le gouvernement a demandé à l’industrie de proposer des idées non conformes et nous aimerions suggérer qu’il est temps que le gouvernement change la façon dont il fait des affaires et qu’il essaie de nouvelles choses.

Le président : Merci beaucoup, messieurs, de vos déclarations. Nous vous en sommes reconnaissants.

Dans la deuxième partie de cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Je suis ravi de souhaiter la bienvenue, de l’Association canadienne des constructeurs d’habitations, à M. Kevin Lee, chef de la direction.

Kevin, vous ferez votre exposé, puis nous passerons aux questions. La parole est à vous.

Kevin Lee, chef de la direction, Association canadienne des constructeurs d’habitations : Merci. En ce qui concerne les changements climatiques et les émissions de gaz à effet de serre, le secteur du logement est une grande réussite canadienne. Le secteur résidentiel est le seul secteur à respecter les cibles de réduction initiales du Protocole de Kyoto. De 1999 à 2014, les émissions de GES dans le secteur du logement ont diminué de 11 p. 100, en dépit du fait que le nombre de maisons a augmenté de 38 p. 100.

En tant qu’association, l’ACCH est un chef de file et un champion au chapitre de l’efficacité énergétique, du développement et de l’adoption du programme canadien de normes R-2000 de classe mondiale. Elle participe entre autres activement aux initiatives d’ENERGY STAR, appuie les toutes premières exigences énergétiques du Code national du bâtiment et fait la promotion de la création d’un plus grand nombre de mesures incitatives comme le programme national d’amélioration énergétique très fructueux qui s’est attaqué au vrai problème dans le secteur du logement, à savoir le vieillissement des logements. À l’heure actuelle, l’ACCH est un chef de file en efficacité énergétique avancée sur une base volontaire par l’entremise de son conseil sur les maisons à consommation énergétique nette zéro et de son programme d’étiquetage résidentiel pour les habitations à consommation énergétique nette zéro.

Il convient de noter que cette réussite dans le secteur du logement ne s’est pas concrétisée en imposant des mesures d’efficacité énergétique dans les codes mais plutôt grâce à des innovations continues en grande partie attribuables à des activités de recherche et de développement menées conjointement avec le gouvernement et l’industrie. Cette réussite est également attribuable à des programmes de rénovation très fructueux pour le parc de logements existant et des améliorations volontaires dans les nouvelles constructions par l’entremise de programmes comme ENERGY STAR. Le Canada a déjà des normes et des codes progressifs qui donnent lieu à la construction d’excellents logements.

L’association appuie les efforts visant à accroître encore l’efficacité énergétique et à lutter contre les changements climatiques, mais il faut prendre garde que cela ne se fasse pas au détriment de l’abordabilité du logement. Le Canada fait face à de graves problèmes à cet égard; il importe donc de veiller à ce que la réglementation n’empêche pas la prochaine génération d’acheteurs d’avoir accès à la propriété. Les priorités fédérales en matière de logement et d’environnement doivent être axées sur un objectif simple, mais très important: construire de meilleures maisons pour le même prix ou moins.

Si une question donnée doit être réglée dans le code, cela doit être fait de manière à ne pas augmenter les coûts. S’il n’y a pas moyen de le faire, il faut passer par la recherche-développement et l’innovation pour trouver une solution avant de réglementer. Une véritable innovation s’impose et le Canada a la capacité de faire œuvre de pionnier.

Compte tenu du problème d’abordabilité qui sévit, il s’agit là d’une position qui devrait être adoptée par le gouvernement fédéral en général en ce qui a trait au Code national du bâtiment et à l’ensemble des normes et de la réglementation. Ce dernier devrait à cette fin consacrer des fonds à la recherche-développement qui viendraient s’ajouter aux investissements du secteur privé.

Ainsi, le gouvernement fédéral a indiqué qu’il souhaitait l’adoption d’un code du bâtiment de type consommation énergétique nette zéro d’ici 2030. Bien que ce niveau de rendement soit possible aujourd’hui — nos membres construisent déjà des habitations à consommation énergétique nette zéro —, il est loin d’être bon marché. Selon une étude réalisée dernièrement par la Colombie-Britannique, cela coûte environ 27 000 $ dans le cas d’une habitation moyenne. Dans les régions où le climat est plus froid, ce coût sera encore plus élevé. Cela ne pose aucun problème pour les gens qui ont les moyens de faire un tel investissement, mais bien des gens ne peuvent se le permettre.

Nous devons faire baisser ce coût à un niveau où il ne pourra pas nuire à l’abordabilité et empêcher encore plus de gens de s’acheter une maison. Nous avons à peu près 12 ans pour trouver une solution — peut-être moins encore si les provinces adoptent ces niveaux plus rapidement, ce qui est probable et préoccupant. Si ces niveaux sont adoptés avant qu’on ait trouvé des solutions efficaces par rapport aux coûts, ce sont les personnes qui aspirent à faire partie de la classe moyenne grâce à l’accès à la propriété qui en souffriront. En réalité, nous ne pouvons réussir que si le Canada fait des investissements ciblés dans la recherche-développement afin de trouver des moyens de réaliser les économies nécessaires et si les changements au code sont apportés en tenant compte du facteur coûts.

Cela m’amène à la question des investissements fédéraux en recherche-développement dans le domaine du logement. Ces dernières années, ces investissements sont de beaucoup inférieurs à ce qu’on voit dans d’autres secteurs qui occupent une place beaucoup moindre dans l’économie et emploient considérablement moins de gens que le secteur de la construction résidentielle qui, lui, a créé plus d’un million d’emplois. Ce genre d’investissement fédéral est particulièrement important dans le domaine du logement parce que le secteur est constitué en grande partie de petites entreprises. De plus, la plupart des innovations en construction sont non exclusives. C’est donc dire qu’il est très approprié que le gouvernement fédéral investisse dans la recherche-développement.

Les programmes facultatifs représentent un autre outil important. Les normes ENERGY STAR et R2000, tout comme le programme d’étiquette énergie nette zéro de l’association, sont des exemples d’initiatives qui permettent aux propriétaires d’opter volontairement pour un niveau de rendement plus élevé, ce qui permet au marché d’évoluer sans nuire à l’abordabilité des maisons pour accédant à la propriété. Cette façon de procéder appuie l’innovation et simplifie le marché. Elle fait en sorte que les montants qu’il en coûte en plus sont utilisés de manière optimale et procurent des avantages au propriétaire. Les programmes facultatifs avant-gardistes constituent un moyen clé d’améliorer le rendement énergétique et d’appuyer l’innovation dans le domaine de l’habitation tout en protégeant la liberté de choisir et l’abordabilité. La réglementation pourra suivre, si besoin est, une fois qu’on aura réduit les coûts.

Nous avons en outre ici l’occasion de favoriser l’innovation et le développement économique au pays et de redonner au Canada sa place de chef de file mondial. Dans les années 1980 et 1990, le Canada était un chef de file dans le domaine de l’efficacité énergétique des logements. La diminution des investissements dans les projets conjoints de recherche-développement a fait disparaître cette avance, mais nous avons les ressources nécessaires pour reprendre cette place grâce à des solutions canadiennes.

L’utilisation de systèmes étrangers, comme les systèmes de cotation de la consommation d’énergie des États-Unis ou les étiquettes européennes, irait à l’encontre des intérêts des entreprises et de l’économie canadiennes, en plus de ne pas aider le Canada à rétablir la position de chef de file qu’il détenait et peut retrouver. Bien souvent, les produits, les systèmes et les étiquettes, supposément meilleurs, ne correspondent pas aux normes canadiennes. Ils ne doivent pas non plus servir de point de départ à une quelconque réglementation ou à des programmes gouvernementaux.

Le gouvernement doit se concentrer et miser sur les solutions canadiennes qui existent. Le gouvernement du Canada devrait appuyer les systèmes déjà excellents que nous avons ici, comme le Code national du bâtiment, les normes canadiennes approuvées par le Conseil canadien des normes et le Système de cote ÉnerGuide ainsi que les autres programmes de Ressources naturelles Canada.

Les outils d’information et de prise de décision, dont le Système de cote ÉnerGuide, jouent également un rôle crucial pour ce qui est d’aider les acheteurs et les propriétaires à investir judicieusement dans des mesures qui favorisent un bon rendement énergétique de leur maison, et ce, de la manière la plus efficace possible par rapport aux coûts. Il faudrait également faire un investissement considérable dans le logiciel HOT2000, l’outil de Ressources naturelles Canada qui accompagne le Système de cote ÉnerGuide, pour faire en sorte qu’il soit le plus utile possible aux constructeurs et aux rénovateurs et leur permette de prendre des décisions optimales en matière de conception.

Le Système de cote ÉnerGuide fournit de l’information sur la consommation d’énergie des maisons grâce à ses cotes et à ses rapports afin de favoriser une meilleure connaissance de l’efficacité énergétique. Il devrait constituer l’unique système d’étiquettes de rendement énergétique des maisons au Canada et être employé par tous les programmes régionaux et les systèmes d’étiquetage obligatoire. Il est l’équivalent de l’étiquetage nutritionnel sur les produits alimentaires. Nous avons besoin d’un bon système national bénéficiant d’un excellent soutien. L’étiquette doit être obligatoire au moment de la revente des maisons. Compte tenu de l’importance accordée à l’amélioration de l’efficacité énergétique du milieu bâti, ce système mérite un investissement gouvernemental important.

Enfin, parlant de revente, si on tient compte du fait que l’efficacité énergétique des maisons neuves est de 37 p. 100 supérieure à ce qu’elle était en 1990 et que les maisons neuves représentent moins de 2 p. 100 du parc immobilier total chaque année, il faut absolument reconnaître que les rénovations qui améliorent l’efficacité énergétique constituent le vrai moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du logement. L’accent devrait donc être mis sur ces rénovations au moyen de mesures comme les crédits d’impôt qui permettent en même temps de lutter contre l’économie clandestine. Chaque dollar investi dans une maison existante permettra des réductions des émissions de gaz à effet de serre de quatre à sept fois supérieures à celles qu’on obtient pour un dollar investi dans une maison neuve. La moitié du parc immobilier qui a été construite avant 1995 utilise deux fois plus d’énergie que l’autre moitié, qui a été construite depuis.

Un crédit d’impôt remboursable permanent pour la rénovation domiciliaire qui fonctionnerait avec le Système de cote ÉnerGuide représente le moyen le plus efficace pour respecter les objectifs du gouvernement en matière de changements climatiques liés au logement. Qui plus est, d’après nos recherches, en exigeant des propriétaires qu’ils obtiennent des reçus pour être admissibles au crédit, il y aurait une diminution des activités de l’économie clandestine qui pourrait rendre ce programme neutre du point de vue des coûts pour le gouvernement.

Le secteur du logement a un rôle important à jouer relativement aux objectifs du Canada en matière de changements climatiques. Nous avons déjà beaucoup accompli et nous pouvons en faire encore beaucoup plus. Il faut toutefois agir en tenant compte des vrais problèmes et sans nuire à l’abordabilité des logements. Au Canada, le gouvernement et l’industrie ont su par le passé collaborer dans ce domaine comme nulle part ailleurs; nous devons miser sur cette collaboration.

Je vous remercie.

Le président : Je vous remercie. C’était très intéressant.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence, monsieur Lee. Comme l’a dit notre président, vous nous avez dit des choses très intéressantes.

Votre message me semble très clair. Vous êtes très sensible à la question des changements climatiques. Vous êtes très conscient de la nécessité d’améliorer l’efficacité énergétique des maisons neuves, de même que celle des maisons déjà construites, mais vous voulez vous assurer que cela ne vous coûtera rien et ne coûtera rien aux propriétaires de maison.

Or, je dois avouer que lorsque je regarde ce qui se passe à Toronto et à Vancouver, où la valeur des maisons a augmenté de 35 à 50 p. 100 dans les dernières années, j’ai un peu de mal à demander au gouvernement d’investir dans la recherche-développement et les incitatifs pour s’assurer que les propriétaires n’aient pas à débourser un sou.

Je comprends votre position. Vous êtes un constructeur. Par contre, comment peut-on faire accepter cela aux Canadiens? L’augmentation de la valeur des maisons leur a été très profitable. Les promoteurs et les locateurs ont fait beaucoup d’argent. Pour quelle raison les Canadiens accepteraient-ils de subventionner cela? Il y aurait certains coûts, et puis après? Pourquoi ne pas simplement imposer les changements? Tout le monde serait sur un pied d’égalité. Le nouveau code du bâtiment serait appliqué de manière universelle, ce serait tout. Pourquoi subventionner?

M. Lee : Si vous demandez pourquoi subventionner de nouvelles technologies et la recherche de solutions pour construire de meilleures maisons, je pense que vous devez vous demander à qui la situation du marché immobilier canadien a vraiment profité.

D’abord, vous parlez de Toronto et de Vancouver, deux villes où les acheteurs d’une première maison et bon nombre de jeunes familles ne peuvent essentiellement plus accéder à la propriété en raison des prix. C’est un problème important. Les gens sont forcés d’aller de plus en plus loin pour s’acheter une maison et les déplacements pour se rendre au travail sont de plus en plus longs. Il faut y penser quand on parle de changements climatiques.

Les gens qui ont profité de ce marché sont les personnes qui possédaient déjà une maison et non les nouveaux acheteurs. Cette situation pose un gros problème. Si vous êtes propriétaire à Vancouver ou à Toronto, tant mieux pour vous. Le marché a joué en votre faveur et c’est très bien. En revanche, si vous êtes un jeune ou un nouveau Canadien qui veut accéder à la propriété, vous ne le pourrez pas. Vous ne pourrez pas vous acheter une maison dans ces villes. Toronto et Vancouver n’ont rien à envier aux autres grandes villes du monde; il y a des avantages à cela. Cependant, il faut aussi voir qu’elles ont de graves problèmes, car un grand nombre de Canadiens n’ont plus les moyens d’y habiter.

Ensuite, il y a le reste du Canada, les villes autres que Toronto et Vancouver, où les jeunes Canadiens sont loin d’avoir les choses faciles. Ici, à Ottawa, ce n’est pas facile pour tout le monde. Il y a le resserrement des règles hypothécaires et tout le reste.

Je pense qu’il faut regarder tous les éléments qui entrent dans le prix d’une maison. En proposant d’ajouter 27 000 $ au prix d’une maison et d’imposer cette charge seulement aux acheteurs de maisons neuves, on manquerait complètement le coche. On pénaliserait ainsi les gens qui, déjà, vont acheter un produit bien plus efficace que la plupart des maisons sur le marché. De plus, il se trouve que c’est du côté des maisons existantes que nous devons trouver des solutions.

Par ailleurs, les nouvelles technologies qui vont être utilisées doivent être adaptées, car il n’y a pas de raison qu’il en soit ainsi. Je pense que c’est une chose essentielle à comprendre.

Nous devons innover. Oui, on peut se contenter d’adopter des règlements qui vont coûter des dizaines de milliers de dollars aux Canadiens et vont empêcher plus de gens encore d’accéder au marché. Je peux vous garantir que les gens de Bouctouche, au Nouveau-Brunswick, ne vont pas être tout contents parce que le prix des maisons a augmenté de tel montant à Toronto. Ils vont plutôt penser que, même s’ils n’habitent pas Toronto ou Vancouver, ils n’ont pas les moyens de s’acheter une maison et que vous venez de leur rendre la chose encore plus difficile.

Je pense qu’il y a ici une excellente occasion de jouer un rôle de chef de file et de bien faire les choses. À mon avis, peu de Canadiens sont intéressés à voir les prix augmenter parce que le gouvernement a adopté une nouvelle réglementation.

Le sénateur Massicotte : Si, grâce à des technologies plus efficaces, la recherche-développement permet d’éviter des hausses de prix, pourquoi le marché ne le pourrait-il pas? Le marché fera le travail. Si le prix des maisons augmente et qu’il y a des technologies pour réduire les coûts, le résultat sera le même. Pourquoi demander au gouvernement, aux consommateurs canadiens — vous savez, il s’agit dans 99 p. 100 des cas de gens qui sont déjà propriétaires — de subventionner quelque chose qui se fera naturellement? Le marché agira.

M. Lee : Non, le marché ne fonctionne pas de cette façon. Vous parlez de réglementer une augmentation de coût et de forcer cette dernière à s’appliquer à…

Le sénateur Massicotte : Étant donné que vous travaillez dans le domaine de la rénovation, vous savez que, si on offre les innovations aux Canadiens et qu’ils trouvent le moyen d’en profiter, leurs maisons obtiendront à nouveau un rendement énergétique net zéro, comme ce que vous proposez.

M. Lee : Ou bien les Canadiens ne pourront plus accéder à la propriété, ce qui créera une société de locataires. On obtiendra ensuite des mesures incitatives partagées parce que les propriétaires n’ont aucun intérêt à améliorer l’efficacité énergétique de leurs immeubles locatifs, puisqu’ils ne paient pas les factures d’énergie.

Le sénateur Massicotte : Je n’en suis pas sûr. Allez-y.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de votre présentation. Je tiens à discuter de quelques éléments. Tout d’abord, vous nous avez annoncé une heureuse nouvelle, à savoir que les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du logement ont considérablement diminué en dépit du fait que le nombre de maisons ait augmenté de 38 p. 100 de 1990 à 2014.

Vous savez peut-être que nous venons d’entendre une présentation du groupe Innovations en construction Canada. Les membres du groupe discutaient de l’industrie de la construction en général et ils ont déclaré que, malheureusement, cette industrie ne progresse pas. Les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 2,5 p. 100 par année.

Plus tôt au cours des travaux du comité, nous avons entendu les témoignages de certains représentants du gouvernement selon lesquels les gains d’efficacité énergétique dans le logement ont été annulés par l’augmentation de la surface utile des constructions résidentielles et commerciales — les maisons sont de plus en plus grandes, comme les maisons colossales, ou « monster houses » — et par la dépendance croissante à l’égard des appareils électroniques personnels et d’autres appareils.

Alors, je dois dire que je suis un peu curieux. Vous nous avez fait part du progrès dans le secteur résidentiel, mais nous avons entendu une version différente de la part de membres de l’industrie de la construction en général et de certains commentateurs selon laquelle les maisons sont de plus en plus grandes et de moins en moins écoénergétiques. Comment peut-on concilier ces deux points de vue?

M. Lee : Bien sûr. Tout d’abord, lorsqu’on examine l’ensemble de l’environnement bâti, le logement est différent des grandes constructions. La construction commerciale est loin de s’en être aussi bien tiré que le parc de logements. C’est une partie de la réponse.

Par ailleurs, on a constaté des améliorations considérables quant à l’efficacité énergétique et à l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre. Y a-t-il des maisons plus grandes? Oui. Par contre, on assiste actuellement à une tendance, à savoir celle de l’achat de maisons bien plus petites en raison de leur abordabilité. Les maisons d’entrée de gamme sont considérablement plus petites que certaines des maisons colossales, ou des plus grandes maisons, qui sont offertes sur le marché.

Les statistiques que nous possédons proviennent directement de Ressources naturelles Canada. Voilà d’où viennent ces chiffres.

Il y a des raisons qui expliquent pourquoi on peut examiner la situation un peu différemment, mais, en ce qui a trait au rendement énergétique global, comme je l’ai mentionné, comparativement aux autres secteurs, comme le secteur résidentiel, le secteur des transports et le secteur industriel, c’est seulement le secteur du logement qui affiche une baisse des émissions. Tous les autres secteurs affichent une légère augmentation de leurs émissions.

Il y a eu beaucoup d’activités qui ne constituent pas uniquement des améliorations dans le cadre de nouveaux travaux. Comme je l’ai mentionné, les Canadiens ont investi massivement, et il y a eu des programmes de rénovations en vue de remettre en état le parc de logements actuel. Plus de 600 000 maisons ont bénéficié du Programme écoÉNERGIE Rénovations — Maisons, qui a permis des économies d’énergie moyennes de plus de 20 p. 100; il y a donc eu beaucoup d’activité pour faire avancer ces chiffres dans la bonne direction.

Le sénateur Patterson : Je suis intrigué par votre déclaration qui louange le crédit d’impôt pour la rénovation écoénergétique. J’ai participé à des débats entourant la politique fiscale du gouvernement précédent, qui a présenté ce programme et qui a ensuite hésité à le prolonger. La réduction de l’activité économique clandestine a été un réel avantage de ces programmes. Cependant, vous avez fait des recherches et vous nous avez déclaré que ces programmes sont un investissement pour les contribuables et pour la qualité des maisons. Pouvez-vous partager ces recherches avec nous? Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Est-ce assez évident? Comment mesure-t-on l’activité économique clandestine autrement que par les expériences personnelles quotidiennes de tout le monde? Existe-t-il des données à ce sujet?

M. Lee : Il existe des données, mais ce sont des estimations parce que, malheureusement, les personnes qui ne font pas de transactions en espèces ont tendance à ne pas présenter de demandes de réclamation, et cetera. On estime que l’économie clandestine s’élève à quelque 40 milliards de dollars au Canada pour l’ensemble des secteurs et à plus de 10 milliards de dollars pour la construction résidentielle. Ces estimations sont probablement prudentes.

Lorsqu’on a mené l’analyse, on a examiné tous les avantages fiscaux qui sont offerts lorsqu’une personne présente des rapports. La transaction en espèces typique ressemble à ceci: « Hé, je vais refaire la toiture de ta maison et, si tu me paies en espèces, je ne te facturerai pas la TVH. » Cela donne un rabais moyen d’environ 15 p. 100. Donc, non seulement on perd cette petite partie de recettes provenant de la TVH, soit la TPS et la taxe provinciale, mais on perd l’ensemble de l’impôt sur le revenu, des impôts sur les sociétés et tout ce qui les accompagne. Par conséquent, l’assiette fiscale subit une perte considérable.

Lorsqu’on repense à ce qui s’est passé, particulièrement en 2009, deux programmes combinés étaient en place: le Programme écoÉNERGIE Rénovations — Maisons, qui était un programme de subvention qui a été en place pendant de nombreuses années, et le crédit d’impôt pour la rénovation domiciliaire, qui était un crédit d’impôt d’une durée d’un an. En 2009, tout particulièrement, grâce à la combinaison de ces deux mesures et au fait que le crédit d’impôt s’appliquait à tout, on a vraiment assisté à l’effondrement de l’économie clandestine. Si vous parlez à quiconque dans l’industrie de la construction domiciliaire, il sera en mesure d’affirmer, surtout dans le secteur de la rénovation, qu’il en faut bien peu pour que les Canadiens fassent ce qui s’impose. En leur disant qu’ils devaient réclamer des factures, mais qu’ils allaient recevoir un léger allègement fiscal, ils étaient très heureux de le faire. L’économie clandestine s’est effondrée au cours de cette période. C’est en partie pour cette raison que nous estimions que ce programme était très avantageux pour diverses raisons.

À l’avenir, nous recommandons que ce genre de programme soit fondé sur un crédit d’impôt plutôt que sur un programme de subvention. Un crédit d’impôt est plus facile à administrer et à budgéter. Il offre plus de flexibilité et, surtout, il a la plus grande incidence sur les acheteurs de résidence et les propriétaires. Nous travaillons beaucoup avec l’Agence du revenu du Canada, et, parfois, elle tente de changer son image et d’être plus amicale. Ce que nous recommandons, c’est que l’agence reste fidèle à elle-même tout en étant consciente qu’elle a le gros bout du bâton. Si elle craint qu’on fraude le programme, il y a tout de même une différence entre le fait de présenter une réclamation erronée afin d’obtenir une subvention et frauder le régime fiscal, ce qui constitue une infraction criminelle. Les Canadiens le savent. Nous estimons que le régime fiscal est une façon d’aborder la question.

Je serais très heureux de vous donner l’analyse que nous avons effectuée et qui révèle que, si on formule des hypothèses sur les montants d’argent qui circulent dans l’économie clandestine en fonction des différentes mesures fiscales qui sont faites au grand jour — selon la façon de formuler les hypothèses — il n’y presque pas de répercussions sur les recettes.

Le sénateur Patterson : Je respecte le point de vue du sénateur Massicotte en ce qui a trait aux investissements fédéraux dans la recherche-développement sur le logement, mais vous avez mentionné qu’elle a stagné au cours des dernières années. Pouvez-vous nous fournir quelques données à ce sujet? Je voudrais bien savoir quelle forme cet investissement fédéral a prise et comment il a pu stagner aussi cruellement.

M. Lee : Oui, nous le pouvons. Si on examine les activités, on remarque qu’il y a trois principaux ministères et organismes fédéraux qui se sont livrés à la recherche-développement en matière d’efficacité énergétique au fil des décennies: la SCHL, Ressources naturelles Canada et le Conseil national de recherches. En raison des compressions budgétaires des 15 dernières années, la situation a complètement changé. Il n’y a plus de personnel, particulièrement au sein de la division de la recherche de la SCHL, alors la situation a changé.

Dans les années 1980 et 1990, le Canada était un chef de file mondial dans la construction de bâtiment en climat froid. Voilà pourquoi on en est là aujourd’hui et pourquoi on a été en mesure d’adopter le Règlement sur l’efficacité énergétique, en 2012, année où il a été ajouté au Code national du bâtiment. Il a été ajouté, et l’industrie a fermement appuyé ce règlement. La raison qui explique cet appui, c’est que le Programme R-2000 a précédé le règlement et qu’il a trouvé la solution. La norme ENERGY STAR a été mise en place, ce qui a transformé le tout en vaste programme; plus de 20 p 100 des maisons qui sont construites en Ontario le sont en fonction des exigences d’ENERGY STAR en matière de rendement énergétique. Donc, lorsqu’on codifie ces exigences, qu’on découvre les façons intelligentes de procéder et que l’on constate que les Canadiens sont prêts à payer pour se conformer aux exigences, toute la technologie est déjà en place, il est alors possible d’élaborer un code sans que le marché subisse de ratés.

Le sénateur Duffy : Je voulais donner suite à l’intervention du sénateur Patterson parce que l’ancien journaliste en moi m’a fait souligner cette partie de votre présentation. Monsieur Lee, vous avez mentionné le crédit d’impôt pour la rénovation domiciliaire et le Programme écoÉNERGIE Rénovations — Maisons. A-t-on une idée de combien de milliers de propriétaires ont mis leur maison aux normes grâce à ces programmes? Combien de demandes ont été traitées?

M. Lee : Je ne possède pas les dernières statistiques. Le ministère des Ressources naturelles les aurait. Si je me souviens bien, plus de 600 000 maisons ont procédé à des rénovations pour accroître l’efficacité énergétique par l’entremise de ce programme, ce qui a permis une amélioration énergétique moyenne de plus de 20 p. 100. C’est assez considérable. En fin de compte, ce programme a touché environ 13 p. 100 du parc de logements bas du Canada, ce qui constitue une amélioration significative pour un coût assez substantiel à l’époque. Le programme était conjugué à la stimulation économique. À l’époque, avec tout ce qui se passait, ces deux mesures visaient tant la stimulation économique que l’efficacité énergétique. Manifestement, le crédit d’impôt pour la rénovation domiciliaire visait entièrement la stimulation économique.

Le sénateur Duffy : On développe actuellement les infrastructures, de grands développements. Remettre en place ce programme serait-il complémentaire à ces développements?

M. Lee : Absolument. Selon moi, le programme pourrait être mis en place de façon plus ciblée et plus stratégique afin que le niveau de dépenses ne soit pas le même tout en conservant d’énormes avantages. Tout est là. Lorsqu’on examine les investissements dans les infrastructures et leur raison d’être, on peut considérer que le logement fait partie de ces infrastructures.

Le sénateur Duffy : Aujourd’hui, M. Morneau s’est affairé à nous rencontrer dans la salle du Sénat. Il s’occupe actuellement d’un ensemble de mesures fiscales, mais il a un budget à préparer pour le mois de février. Votre association lui a-t-elle présenté ce programme d’améliorations écoénergétiques résidentielles et, si elle ne l’a pas déjà fait, le fera-t-elle?

M. Lee : Oui, elle l’a fait dans son mémoire prébudgétaire. C’était devant le comité des finances de la Chambre des communes il y a quelques semaines.

Le sénateur Duffy : A-t-il été bien accueilli?

M. Lee : Il a reçu le genre d’accueil auquel on peut s’attendre de la part des différents partis autour de la table du comité des finances de la Chambre des communes. Je dirai que tout le monde autour de la table avait des questions et montrait de l’intérêt.

Le sénateur MacDonald : Payer 27 000 $ pour obtenir un rendement énergétique net zéro, ce qui correspond au coût moyen en Colombie-Britannique, c’est très coûteux. Il existe trois types de moyennes: la moyenne arithmétique, la médiane et le mode. Je soupçonne qu’il s’agit de la médiane. Je soupçonne aussi que le montant pour Victoria serait différent de celui pour Fort St. John. À vrai dire, c’est un gros montant d’argent, une grosse prime pour une maison. Disons que 27 000 $ permettent d’atteindre 100 p. 100 du rendement énergétique net zéro. Cinquante pour cent de ce coût visent-ils à atteindre les derniers 10 p. 100?

M. Lee : Oui.

Le sénateur MacDonald : C’est bien ce que je soupçonnais. Serait-il plus réaliste et plus facile de vendre une maison si on visait 90 p. 100 des avantages pour la moitié du coût?

M. Lee : Oui, je crois que c’est très judicieux. Les coûts marginaux finissent par devenir très chers. On ne prétend aucunement qu’il est impossible d’y arriver. Il faut que ce soit clair. Je crois qu’on peut y arriver. La question est de savoir comment y arriver de façon intelligente et de façon à ne pas imposer des difficultés indues aux Canadiens pour les mauvaises raisons.

Franchement, atteindre le rendement énergétique net zéro d’ici 2030, c’est une excellente chose à faire. Cependant, cette mesure ne réglera pas les problèmes de changement climatique dans le secteur du logement, encore moins dans l’ensemble du Canada. Le problème réside dans le parc de logements actuel. À l’heure actuelle, c’est le parc de logements existant qui émet tous les gaz à effet de serre. Si, à compter d’aujourd’hui jusqu’en 2030, on bâtissait uniquement des maisons à rendement énergétique net zéro, on serait encore très en retard à l’égard des exigences en matière de changements climatiques pour le logement parce que le problème réside dans secteur du logement actuel. C’est là où se situent tous les problèmes.

Concrètement, ce que nous disons c’est travaillons ensemble; prévoyons des investissements; trouvons de bons moyens de faire tout cela et codifions le tout par la suite, au lieu de le faire avant. Après tout, nous avons des précédents. Je vous ai parlé de ce qui s’est passé avec la codification des programmes R-2000 et ENERGY STAR. Eh bien, justement, nous proposons de suivre la même voie, mais sans codifier en partant. Nous avons beau dire qu’en 2030, il faudra avoir atteint un certain point, qu’arrivera-t-il s’il faut encore débourser 27 000 $ pour y arriver en raison du coût de la construction et du reste et que le coût de l’énergie n’a pas beaucoup augmenté? Il y a là un problème.

Il faut prendre les bonnes mesures au bon moment et investir pour que le Canada redevienne un chef de file mondial, car cela ouvrira des débouchés à l’exportation et bien d’autres possibilités.

Le sénateur MacDonald : Prenons l’atteinte des objectifs — disons que nous pouvons atteindre 90 p. 100 de ceux-ci avec la moitié du montant — que pouvons-nous faire facilement pour atteindre cet objectif? Pouvez-vous nous dire en quoi consiste le dernier 10 p. 100 au coût plutôt prohibitif?

M. Lee : Je crois que l’une de nos difficultés, à l’heure actuelle, est de modifier progressivement la façon de construire les maisons. Nous avons fait le tour de tous les aspects faciles. Nous nous sommes améliorés de 37 p. 100 par rapport à 1990 et de 50 p. 100 par rapport à 1985. Nous nous sommes grandement améliorés et nous nous y sommes pris intelligemment. Quand je dis « nous », je veux parler du Canada dans son ensemble, grâce à la R-D, au gouvernement, au travail dans l’industrie, aux manufacturiers innovateurs et tout le reste.

Les étapes suivantes ne sont pas aussi claires. Nous sommes au point où les prochains stades coûteront beaucoup plus cher. Un des gros problèmes auxquels nous nous heurtons est de trouver un moyen de mieux isoler les murs. La réponse évidente est qu’il suffit de placer plus d’isolant. Toutefois, cela ne va pas de soi pour deux raisons. Tout d’abord, sur le plan de la structure, l’ossature murale se trouve à changer; les murs sont plus épais et coûtent plus cher à construire. Ensuite, il y a un gros problème actuellement. Lequel? Le prix des terrains. Chaque fois qu’on construit un mur plus épais, on enlève des pieds carrés à l’intérieur de la maison ou on en ajoute à l’extérieur. La taille du terrain devient donc un enjeu, et les coûts sont décuplés.

Nous avons travaillé sur les nouvelles exigences pour les escaliers visant à prévenir les chutes dans les maisons. Il fallait trouver le juste milieu. Auparavant, la profondeur de la marche était d’un minimum de 9 pouces. Puis, il a fallu décider entre 10 ou 11 pouces. Nous avons opté pour 10 pouces parce que nous couvrions ainsi 90 p. 100 des cas de chute pour une fraction du prix. Ajouter un pouce à une marche ne coûte pas cher, mais l’espace que cela prend dans la maison, oui. Si on veut garder la même superficie dans la maison, l’installation d’un plus gros escalier, de par son volume, coûte environ 3 000 $. Voilà ce à quoi il faut penser tout au long du processus pour bien faire les choses.

Le sénateur MacDonald : J’ai une dernière question. Je l’ai aussi posée au témoin précédent. Croyez-vous qu’il faudrait intégrer dans le code du bâtiment les systèmes automatisés permettant de contrôler le chauffage, la climatisation et tout ce qui permet de réguler la température dans une maison en les rendant obligatoires?

M. Lee : Fait intéressant, plus vous vous approchez d’une consommation énergétique nette zéro, moins la maison a besoin de tout ce qui touche au chauffage et à la climatisation. Tout ce qui touche au chauffage, à la climatisation et à l’eau chaude est un facteur de moins en moins important.

C’est plutôt dans tout ce qui n’est pas touché par les codes du bâtiment que l’on voit les taux d’utilisation d’énergie augmenter. Ce que les gens amènent dans leur maison et branchent dans les prises de courant, comme les téléphones, les chaînes stéréo et les télévisions. La plupart de ces appareils comportent une charge fictive, c’est-à-dire qu’ils consomment de l’énergie même lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Je crois qu’un des meilleurs exemples, ce n’est pas vraiment une charge fictive, mais vous avez probablement entendu la citation qui dit que sur un an, un micro-ondes utilise plus d’énergie pour afficher l’heure que pour chauffer la nourriture.

Il faut trouver de bonnes façons de permettre aux gens de surveiller leur utilisation résidentielle d’énergie. Malgré le leadership canadien de longue date en matière de construction résidentielle adaptée aux climats froids fondée sur la science ainsi que tout le reste, nous n’avons jamais vraiment eu l’occasion d’examiner les moyens dans lesquels investir pour permettre aux gens de connaître leur consommation d’énergie à tout moment. C’était un élément comportemental. Cela dit, nous arrivons à un stade où le comportement des Canadiens et la façon dont ils gèrent leur logement et ce qu’ils y branchent sont importants, et aucun d’entre nous n’a la moindre idée de la consommation énergétique des appareils branchés dans nos maisons. Je travaille dans le domaine depuis 25 ans, et le seul moment où je sais quels appareils sont particulièrement énergivores, c’est quand je consulte mes factures.

Dans le cadre de notre programme de rendement énergétique net zéro, si nous exigeons que les propriétaires disposent de ces systèmes de surveillance et d’affichage, ce n’est pas parce que nous croyons que cela devrait être codifié, mais parce que nous voulons voir si cela fait une différence. Certains disent que ces genres de systèmes donnent de bons résultats au départ, mais qu’ensuite les gens commencent à les ignorer. La question est donc de savoir si ces genres de systèmes sont utiles ou non.

Je ne crois pas qu’ils devraient être obligatoires pour le moment, mais à mon avis cela vaut la peine d’envisager cette option et de faire de la recherche et du développement dans le domaine pour évaluer le comportement des Canadiens et voir si cela fait une différence. Le prochain élément important ne sera pas seulement la façon dont les logements sont construits, mais aussi les moyens d’aider les gens à gérer la manière dont l’énergie est utilisée dans ceux-ci.

Le président : Merci. Ces questions et observations ont été très intéressantes. J’ai quelques questions à poser, et je pense qu’après nous aurons terminé.

Vous avez mentionné que cela entraînerait un coût de 27 000 $ pour une maison moyenne en Colombie-Britannique. J’imagine que vous parlez d’une maison moyenne dans la vallée du bas Fraser. Est-ce bien cela?

M. Lee : Oui.

Le président : Je ne sais pas quel est le coût moyen d’une maison dans cette région, mais j’imagine que c’est environ un million de dollars. Ce coût supplémentaire de 27 000 $ ferait-il obstacle aux personnes voulant acheter une telle maison?

M. Lee : Ce coût ne constituerait pas un obstacle pour les personnes qui envisagent d’acheter une maison d’un million de dollars, mais dans d’autres endroits de la Colombie-Britannique ou en Saskatchewan, ce montant de 27 000 $ pourrait s’accroître considérablement en raison du climat, et les prix des logements ne permettent pas cela. Cela n’aurait aucun sens dans ces régions; et c’est sans mentionner que cela n’est pas vraiment sensé non plus dans la vallée du bas Fraser, lorsqu’on considère ce que les gens obtiennent en retour.

Dans un contexte plus global, si l’on examine le centre-ville de Toronto ou de Vancouver et l’on détermine que toutes les maisons valent un million de dollars, le gouvernement pourrait prendre beaucoup de mesures qui rendraient les maisons plus dispendieuses et créeraient de bonnes retombées sociales. Toutefois, je ne suis pas sûr que ce serait dans l’intérêt des Canadiens ou des Torontois de faire cela.

Le président : Donc selon vous, nous devrions oublier l’idée d’un rendement énergétique net zéro? C’est ce que vous dites?

M. Lee : Oh, non, pas du tout.

Le président : Non?

M. Lee : Non, absolument pas. En ce qui concerne le rendement énergétique net zéro, il s’agit simplement de fixer les bons délais. Si vous souhaitez que cela soit fait rapidement, le gouvernement fédéral devra faire des investissements conjoints avec le secteur privé. Si vous souhaitez imposer de la réglementation, faites-le de façon à ne pas entraîner des coûts prohibitifs pour les Canadiens.

Le rendement énergétique net zéro est possible. Nous avons réalisé beaucoup de progrès au cours des dernières années, et nous continuons à en faire. En toute franchise, même s’il n’y avait aucune cible, nous viserions quand même le rendement énergétique net zéro. Nous faisons cela volontairement avec les membres de notre association de toute façon. Nous appuyons l’efficience énergétique depuis les années 1970.

Le président : S’il existait des moyens de mesurer le rendement énergétique net zéro — rapidement, comme ça, je ne saurais dire — tous les logements construits au cours des 20 dernières années respecteraient cette norme, c’est cela? Selon ce que je comprends, vous dites que même en l’absence d’un règlement pour exiger que la consommation d’énergie nette soit nulle, c’est déjà le cas. Alors, pourquoi ces 27 000 $ supplémentaires? Les logements construits au cours des 10 dernières années — j’utiliserai les 10 dernières années à titre d’exemple — sont beaucoup plus écoénergétiques qu’il y a 30 ans. Diriez-vous que les logements construits au cours des 10 dernières années ont un rendement énergétique près du net zéro?

M. Lee : Oh, non, pas du tout. Nous travaillons pour y parvenir. Les logements construits au cours des dernières années sont 37 p. 100 plus écoénergétiques qu’auparavant, mais ils consomment encore bien sûr de l’énergie.

Nous travaillons à atteindre le rendement énergétique net zéro, et c’est ce qui doit être visé. Ce que nous demandons, c’est de ne pas réguler les étapes avant de vous assurer que cela n’entraînera pas des coûts prohibitifs pour les Canadiens. Nous continuons tous d’innover pour atteindre le rendement énergétique net zéro. C’est très possible qu’en 2030 nous ayons trouvé des solutions qui fonctionnent bien et que l’on puisse prendre des mesures de réglementation qui n’excluraient personne du marché. Ce serait fantastique. C’est en partie ce sur quoi notre association travaille.

Dans le contexte actuel, alors que l’abordabilité du logement constitue un grave problème partout au Canada, il serait toutefois irresponsable d’imposer des mesures de réglementation sans adopter une approche concrète et mesurable. Nous souhaitons atteindre le rendement énergétique net zéro d’une façon qui permettra aux Canadiens de toujours avoir les moyens d’accéder à la propriété.

Nous devons aussi travailler davantage sur la question de la modernisation des logements existants. Même les logements construits au cours des 10 dernières années devront être rénovés pour atteindre le rendement souhaité. Comment allons-nous nous y prendre?

Pour terminer, vous avez parlé des technologies émergentes et de l’orientation qui doit être prise. Nous n’avons pas les technologies nécessaires pour moderniser de façon rentable les logements existants. Cela représente un défi d’envergure, et il s’agit d’un autre secteur où il existe de grandes possibilités d’investissement et de leadership pour le Canada, car ce n’est pas quelque chose de facile. Songez à la façon dont vous vous y prendriez pour améliorer votre propre maison. Comment améliorerez-vous l’isolation des murs? C’est difficile. Si vous avez une vieille maison, ces technologies sont difficiles à utiliser. Il existe toutefois aussi de grandes possibilités.

Le président : Vous avez dit que pour une maison moyenne de la vallée du bas Fraser, en Colombie-Britannique, le coût serait de 27 000 $. J’essaie de calculer combien cela coûtera pour les propriétaires de logements qui ont été construits il y a 20 ou 30 ans, car si vous dites qu’ils doivent aussi atteindre un rendement énergétique net zéro, cela ne coûterait certainement pas 27 000 $; j’imagine que ce serait beaucoup, beaucoup plus. Avez-vous des données fiables sur le coût nécessaire pour permettre à un logement moyen construit dans les années 1970 d’atteindre un rendement énergétique net zéro? Je ne m’attends pas à ce que vous ayez ces informations à portée de main, mais vous serait-il possible d’obtenir ces renseignements afin que nous ayons des chiffres concrets? Nous savons quel serait le coût pour un nouveau logement, mais combien cela coûterait-il pour un logement construit dans les années 1970? Car il y a beaucoup de logements qui ont été construits dans ces années.

M. Lee : Oui, effectivement.

En toute franchise, il serait difficile d’obtenir ces renseignements. Les chiffres que je cite proviennent de la Colombie-Britannique, et beaucoup d’argent et de ressources ont été nécessaires pour les obtenir. C’est effectivement quelque chose qui doit être fait. Les calculs des coûts en rénovation demandent beaucoup de travail. Peu de renseignements normalisés sont disponibles. Cela dit, nous pouvons faire des recherches.

Historiquement, le gouvernement du Canada a toujours été bien placé pour faire ce type de travail. Ressources naturelles Canada — avec qui nous collaborons aussi — compte des gens très compétents. Par le passé, ce ministère avait de très bonnes personnes pour faire ce genre de travail.

C’est la même chose en ce qui concerne le code du bâtiment. Il est question d’un code de modernisation. Vous vous demandez si cela s’avérerait coûteux. Des discussions sont en cours à ce sujet, et certaines mesures commencent à être mises en œuvre en Ontario. Cela coûtera effectivement cher.

Oui, nous pouvons fournir des données à ce sujet. Je recommande au comité de faire de cela un dossier important. Il s’agit d’une question qui devrait grandement intéresser les organismes gouvernementaux, et ils devraient se pencher sur celle-ci. Calculons ce que cela coûtera, car nous devrons le savoir plus tard.

Le président : Si je vous pose la question, c’est parce que je souhaite obtenir ces renseignements du secteur privé. J’ai parlé aux responsables de Ressources naturelles Canada et ils sont un peu hésitants. « Hésitant » n’est peut-être pas le bon terme, mais ils ont de nombreuses raisons pour lesquelles ils disent ne pas pouvoir rassembler ces renseignements, car cela leur donne une peur bleue de le faire. J’aimerais obtenir des renseignements que nous pourrions utiliser et qui seraient vraiment utiles.

À mes yeux, « Fred » et « Martha » sont importants. Ce sont eux qui paieront la facture pour tout cela. Si les mesures que nous prenons les empêchent de garder leur logement — certains renseignements qui m’ont été présentés affirment qu’en 2030 il sera impossible de vendre une maison qui n’a pas un rendement énergétique net zéro —, cela m’effraie. Qu’a-t-on fait à tout un groupe de personnes?

Voilà les genres de problèmes auxquels nous sommes confrontés dans les discussions sur le rendement net zéro et nous devons déterminer comment nous réglerons tout cela. Aucun organisme fédéral n’a établi le coût par tonne. Moderniser les vieilles maisons coûtera-t-il 1 000 $ la tonne? Est-ce possible d’obtenir la même quantité de tonnes de façon plus rentable à un autre endroit? Voilà ce qu’il faut examiner.

J’ai une autre observation à faire. Quand vous dites qu’il n’existe aucun moyen de mesurer la consommation d’énergie, en fait, c’est possible de le faire. Du moins, lorsque j’étais au gouvernement de la Colombie-Britannique, nous avons instauré un système de facturation nette — cela s’est produit après mon départ, mais j’ai démarré le processus — et plusieurs entreprises offraient aux propriétaires d’installer dans leur logement des dispositifs qui leur disaient exactement combien d’électricité, et non de gaz naturel, était utilisée à tout moment de la journée. Le système de facturation nette visait à faire en sorte que les gens paient des tarifs plus élevés pendant les périodes de pointe. Cela ne s’est pas produit en Colombie-Britannique parce que le public s’est fâché, mais c’est ainsi.

C’est l’objectif : attirer l’attention des gens. Faire fonctionner le lave-vaisselle au milieu de la nuit ou le programmer pour qu’il démarre à ce moment est beaucoup plus sensé à tous les points de vue, et c’est aussi mieux pour les systèmes qui fournissent l’électricité. Malheureusement, nous ne sommes jamais arrivés à ce stade, mais cela aurait été une bonne chose. Il est donc possible de mesurer la consommation d’énergie globale, mais pas de chaque appareil.

M. Lee : C’est exact. Nous disposons bien sûr maintenant des mesures en temps réel, et il est même possible d’aller sur Internet pour consulter la consommation du jour précédent. Il est possible d’obtenir des renseignements sur la consommation en temps réel. Toutefois, selon nous, ce qu’il faut vraiment, c’est déterminer quels sont les appareils qui consomment cette énergie, et quelles mesures peuvent être prises pour réduire leur consommation. Bien souvent, les gens n’ont aucune idée de ce qui consomme le plus d’énergie chez eux. Est-ce le petit réfrigérateur, le gros réfrigérateur, le congélateur ou d’autres appareils? Voilà ce qui serait très intéressant de permettre aux gens de savoir.

Le sénateur Duffy : Monsieur Lee, pourriez-vous aussi nous faire parvenir des documents sur les rénovations domiciliaires qui pourraient remplacer ou compléter l’initiative de rendement énergétique net zéro? Que serait-il possible d’accomplir grâce à un programme de rénovation domiciliaire, comme celui que nous avons eu il y a quelques années? Dans quelle mesure cela nous permettrait-il d’avancer vers notre objectif plutôt que de simplement viser le rendement énergétique net zéro? Il pourrait aussi être utile d’avoir des renseignements à ce sujet.

Le président : Si vous envoyez ces documents au greffier, celui-ci fera en sorte que tous les membres du comité en reçoivent une copie.

Voilà qui met fin à nos questions. Merci beaucoup, monsieur Lee. Les renseignements dont vous nous avez fait part sont très intéressants, et il est possible que nous vous recontactions pour essayer d’obtenir quelques informations supplémentaires. Je vous remercie d’avoir comparu devant le comité.

M. Lee : Merci de m’avoir reçu.

(La séance est levée.)

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