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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 38 - Témoignages du 8 février 2018


OTTAWA, le jeudi 8 février 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 h 31, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je m’appelle Rosa Galvez, je représente le Québec au Sénat et je suis présidente de ce comité. J’inviterais maintenant les autres sénateurs à se présenter.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse

Le sénateur Wetston : Howard Wetston, de l’Ontario.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

La présidente : La greffière du comité s’appelle Maxime Fortin, et nos analystes sont Sam Banks et Marc LeBlanc.

[Français]

En mars 2016, le comité a débuté son étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le comité s’intéresse à cinq secteurs qui, ensemble, sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre, soit l’électricité, les transports, le pétrole et le gaz, les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émissions, et les bâtiments.

[Traduction]

Aujourd’hui, nous accueillons Blair Feltmate, chef du Centre Intact d’adaptation au climat à l’Université de Waterloo. Merci beaucoup, monsieur, d’être avec nous. Je vous invite à présenter votre exposé, après quoi nous passerons à la période des questions.

Blair Feltmate, chef, Centre Intact d’adaptation au climat, Université de Waterloo, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis vraiment très heureux d’être ici ce matin.

Au sujet du changement climatique, j’aimerais mentionner que mon exposé n’est pas axé sur l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre, mais plutôt sur les répercussions du changement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes, sur la forme que prennent les phénomènes météorologues extrêmes au Canada, et sur les mesures que nous pouvons prendre à cet égard.

Je vais passer en revue la courte présentation PowerPoint que j’ai préparée. Je vais commencer par la première diapositive, « Changement climatique et phénomènes météorologiques extrêmes : pourquoi le Canada doit s’adapter maintenant. L’accent est mis sur le mot « maintenant », parce que les gens peuvent penser à tort que nous avons tout le temps du monde pour nous adapter au changement climatique. En réalité, ce n’est pas le cas. Chaque jour perdu en est un de moins pour nous. Voilà une des principales idées à retenir.

Je vais maintenant vous parler plus précisément des trois composantes qui sont à l’ordre du jour. Premièrement, je vais vous démontrer que les coûts financiers et sociaux associés au changement climatique et aux phénomènes météorologiques extrêmes augmentent, et ce, rapidement. C’est donc un élément concret. Le Canada prend toutefois de bonnes mesures pour réduire les coûts du changement climatique et des phénomènes météorologiques extrêmes en créant de nouvelles normes et de nouveaux programmes pour limiter les risques attribuables aux phénomènes météorologiques extrêmes.

Ensuite, je vous donnerai mon point de vue sur les endroits où il faut déployer plus d’efforts en matière d’adaptation pour éliminer des risques dans le système afin d’aider le pays et les Canadiens.

Sur la troisième diapositive, je veux juste m’assurer qu’il est bien clair pour tous et insister sur le fait que, oui, le changement climatique est bien réel. Il s’est produit, il se produit encore et il continuera de se produire. Sur la planète, dans l’ensemble, la température a augmenté d’environ un degré Celsius au cours des 100 dernières années, et c’est un fait établi que la combustion des combustibles fossiles en est la cause.

Ce n’est pas mon opinion personnelle, mais celle de l’organisme mentionné sur la troisième diapositive, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, et elle est étayée dans un document cosigné par des centaines de climatologues partout dans le monde. C’est essentiellement le groupe qui fait autorité sur la planète et qui comprend mieux le climat que tous les autres. Ils en sont arrivés à la conclusion que la planète se réchauffe et que nous en sommes la cause. En italique, — et c’est indiqué en italique sur la diapositive parce que la citation provient directement du document — « Il est très probable » — ce que l’on ne voit jamais en science. Cela veut dire qu’ils sont tous d’accord. Le message est on ne peut plus clair. « Il est très probable que l’influence humaine ait été la cause principale du réchauffement observé depuis le milieu du XXe siècle. »

Et la combustion de combustibles fossiles en est la cause principale. À l’heure actuelle sur la planète, environ 80 ou 81 p. 100 de l’énergie est produite à partir, dans une proportion d’un tiers chacun, du pétrole, du charbon et du gaz naturel; ce sont nos sources d’énergie sur la planète. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la plus importante agence dans le monde à examiner l’utilisation de l’énergie, en 2030, environ 80 p. 100 de notre énergie sera encore produite, dans une proportion d’un tiers chacun, à partir du charbon, du pétrole et du gaz naturel.

Toutefois, nos émissions de gaz à effet de serre seront de 12 à 15 p. 100 plus élevées en 2030, à l’échelle mondiale, en raison principalement de l’augmentation de la population. En effet, la population mondiale aura alors augmenté de 1,4 milliard de personnes. À l’heure actuelle, elle s’accroît d’environ 11 000 personnes par heure, en soustrayant les décès. Comme les gens vivent en outre plus longtemps, il y aura donc 1,4 milliard de personnes de plus sur la planète en 2030. Nous sommes environ 7,5 milliards à l’heure actuelle, et nous serons 8,5 milliards — c’est beaucoup — bientôt, et tous ces gens cherchent ou chercheront à améliorer leur qualité de vie, une situation très énergivore.

Il ne fait aucun doute que le changement climatique s’est produit et continuera de se produire. Nous assisterons à des manifestations de phénomènes météorologiques extrêmes; nous devons donc nous y préparer et nous devons nous adapter à ces manifestations qui prendront la forme d’inondations, de feux, de grêles, de sécheresses, et cetera.

En passant, si c’est du déjà vu pour vous, n’hésitez pas à me le dire pour que je passe au point suivant. Je n’en serai pas offusqué.

Sur la quatrième diapositive, vous voyez les données pour le Canada. Ce sont les pertes assurables liées à des catastrophes qui sont survenues au pays de 1983 à 2017, et les données pour 2017 ne sont pas encore toutes comptabilisées. En termes d’assurance, une catastrophe, comme une inondation, un feu, une tempête de vent, ou quoi que ce soit d’autre, équivaut à des réclamations supérieures à 25 ou 30 millions de dollars. Le Bureau d’assurance du Canada additionne toutes ces réclamations pour une année donnée et produit le tableau que vous voyez sur la diapositive.

Ce qu’il faut remarquer ici au sujet des barres vertes, c’est que de 1983 à 2008, nous étions plus ou moins sur la partie plane de la ligne rouge où l’industrie de l’assurance s’attendait elle-même à verser entre 200 millions et 500 millions de dollars par année en réclamations liées à des catastrophes. Les choses ont commencé à changer plus ou moins en 2009, et pour huit des neuf dernières années, les réclamations de cette nature ont dépassé le milliard de dollars par année. Les inondations sont la principale cause de la hausse — trop d’eau aux mauvais endroits. Les inondations sont, et de loin, la manifestation de phénomènes météorologiques extrêmes la plus coûteuse au Canada. Les inondations sont la manifestation que l’on ne veut pas voir au pays.

Cela a provoqué une situation qui touche directement, de façon très viscérale, les Canadiens. En passant, je reçois des appels de maires et de conseillers municipaux de partout au pays toutes les semaines ou toutes les deux semaines. Le phénomène a eu des répercussions sur le marché de l’assurance habitation. En effet, de plus en plus de Canadiens, d’Halifax à Victoria, ne peuvent plus s’assurer pour tout type de dommage lié à un refoulement d’eau dans leur sous-sol. Soit ils ne peuvent plus se faire assurer, soit le montant maximal couvert est très bas.

C’est une situation très problématique, car le coût moyen lié à l’inondation d’un sous-sol au Canada à l’heure actuelle, dans les régions urbaines et rurales, est d’environ 43 000 $. Donc, si les dommages s’élèvent en moyenne à 43 000 $ — et, soit dit en passant, l’eau provient la plupart du temps des égouts, alors c’est très désagréable —, la situation devient très problématique pour de nombreux Canadiens qui, selon l’Association canadienne de la paie, n’ont qu’un revenu disponible d’environ 250 $ par mois. En d’autres mots, ils reçoivent cette facture très élevée, et comme il n’y a personne pour la payer, ils doivent bien souvent déménager.

Je travaille maintenant avec une des grandes banques nationales, dont le nom commence par la lettre R, et nous surveillons de près environ 25 collectivités au pays où la couverture d’assurance a beaucoup diminué. Nous attendons maintenant la prochaine grosse tempête, et nous surveillerons les hausses dans les défauts de paiements hypothécaires, parce que les propriétaires ne peuvent pas assumer le coût d’une inondation.

En passant, les inondations ne sont pas les seules responsables de l’augmentation des coûts. Nous avons des infrastructures municipales vieillissantes et des maisons qui prennent de l’âge. Les villes sont de plus en plus pavées et moins perméables qu’elles l’étaient autrefois. Les sous-sols des maisons sont finis, si bien que les inondations sont plus coûteuses. Les inondations ne sont pas les seules responsables de l’augmentation des coûts, mais c’est une cause majeure.

La diapositive suivante montre, encore une fois, le changement survenu dans le climat au Canada et la manifestation de phénomènes météorologiques extrêmes. On y voit les données de 1900 à 2012. La ligne horizontale le long de l’axe à zéro représente les précipitations moyennes dans le Sud du Canada sur une base annuelle et sur la période de 113 ans présentée.

Ce qu’on peut voir, c’est que pendant la première moitié des 100 dernières années, à peu près, les précipitations se situaient en bas de la moyenne, alors que dans les 50 dernières années, elles se situaient au-dessus de la moyenne. En fait, le Sud du Canada reçoit aujourd’hui environ 18 p. cent plus de précipitations annuellement qu’il y a un peu plus de 100 ans.

Donc, quand on entend les gens dire aux nouvelles ou dans les médias que les tempêtes semblent plus importantes et plus intenses, et cetera, qu’avant, ces perceptions sont fondées. Il y a beaucoup de données qui le prouvent. Je ne vous donne qu’un exemple ici.

Sur la diapositive suivante, vous pouvez vous contenter de regarder la première et la dernière ligne. J’y indique la prime d’assurance moyenne par ménage, et je montre, encore une fois, les défis liés au changement climatique. Nous examinerons les solutions dans un moment. Ce que vous voyez, c’est la prime d’assurance moyenne par ménage pour l’assurance habitation et véhicule en Ontario, en Alberta, au Québec et au Canada atlantique.

Sur la ligne supérieure, vous voyez le coût moyen de la prime pour 2005 et le coût moyen pour les deux éléments — habitation et véhicule — pour 2016. J’attire votre attention sur un point : si vous regardez l’Alberta, vous pouvez voir qu’en 2005, la prime moyenne pour l’assurance automobile était de 1 020 $, et la prime d’assurance habitation, 496 $. Si vous allez à 2016, vous constaterez que la prime d’assurance véhicule a vraiment suivi la courbe de l’inflation, mais que la prime de l’assurance habitation, elle, a triplé au cours de la même période.

Oui, la hausse est en partie due à la hausse du prix des maisons, mais leur prix n’a pas triplé au cours de la période. D’un point de vue actuariel, le facteur qui explique cette hausse et sa raison d’être, ce sont les inondations de sous-sol et les coûts qui y sont associés. Le phénomène est sensiblement le même en Ontario, au Québec et au Canada atlantique, mais la hausse la plus marquée se trouve en Alberta, et elle a été provoquée par les inondations en 2013.

Tout ce dont j’ai parlé jusqu’à maintenant était lié aux coûts financiers des inondations. Sur la diapositive suivante, maintenant, nous documentons, dans une nouvelle étude qui sortira bientôt, la situation à Burlington, en Ontario, une ville canadienne qui a connu d’importantes inondations en 2014. Nous nous sommes rendus sur place et nous avons interviewé des propriétaires de maison dans les rues touchées par les inondations et d’autres qui n’avaient pas été touchées.

D’un point de vue de santé psychosociale ou mentale, nous avons tenté de documenter le stress causé par les inondations en le comparant à celui d’un groupe témoin qui n’avait pas été touché. Trois ans après les inondations, on a demandé aux gens d’évaluer sur une échelle de zéro à cinq, cinq était le plus élevé, leur niveau de stress lorsqu’il pleut la nuit et qu’ils sont couchés, ou lorsqu’il a plu dans la journée. Nous avons ainsi pu constater qu’environ 50 p. 100 des gens touchés par les inondations ont répondu qu’ils étaient très stressés, alors que le niveau de stress était très bas chez ceux qui n’avaient pas été touchés.

La durée moyenne de l’absence au travail des gens dont le sous-sol a été inondé, qu’ils soient assurés ou non, est d’environ sept jours. Le point à noter ici est que de nombreux secteurs de l’industrie sont impliqués dans le dossier des inondations jusqu’à maintenant, le principal étant celui de l’assurance dommages. Toutefois, des données comme celles que je viens de mentionner ont aussi amené à la table des assureurs vie comme Manulife, Great-West Life et Sun Life. Ils s’intéressent de près à ce dossier et au besoin d’atténuer les risques d’inondations.

J’aimerais maintenant vous apporter quelques bonnes nouvelles, parce que tout a été un peu déprimant jusqu’ici. Sur la diapositive suivante, vous allez constater que le Canada est en train de créer quatre nouvelles normes, en ce moment même, pour réduire les risques d’inondations au pays.

La première norme se trouve dans le coin supérieur gauche de la diapositive. Il s’agit d’une norme en matière d’inondation qui s’applique aux sous-sols. Elle vise à diminuer les risques et à fournir des directives aux propriétaires et aux inspecteurs sur les mesures à prendre en ce sens.

Nous créons aussi une norme qui s’applique à la conception des nouveaux quartiers. Elle comprend environ 20 facteurs et caractéristiques qui, lorsqu’ils sont intégrés aux nouveaux quartiers résidentiels, vont réduire de beaucoup les risques d’inondations lors de grosses tempêtes. En passant, les coûts de construction seront sensiblement les mêmes, qu’on intègre ou non les facteurs, mais si on ne le fait pas et qu’il faut mettre à niveau par la suite, le coût est extrêmement élevé.

Le travail bénéficie en grande partie du soutien du Conseil canadien des normes.

Nous créons aussi une norme pour les collectivités existantes au Canada qui porte sur les facteurs qui peuvent être intégrés pour diminuer les risques d’inondations, notamment des bermes, des chenaux de dérivation, des réservoirs d’eau, des bassins secs, des rigoles de drainage végétal et des surfaces perméables dans les stationnements.

Du côté de l’électricité, concernant les codes de l’électricité 1, 2 et 3, de même que la transmission et la distribution, le Conseil canadien des normes prépare actuellement de nouvelles normes pour atténuer les risques liés au changement climatique et les phénomènes météorologiques extrêmes dans la distribution de l’électricité au Canada.

Nous concevrons bientôt une norme pour le programme Intelli-feu qui vise à rendre les collectivités et les zones forestières résilientes, afin que lorsqu’un feu se déclare à proximité, tout ne soit pas détruit par le feu dans la ville et que des situations comme à Fort McMurray ne se reproduisent plus.

Enfin, je termine en vous disant quelques mots sur ce qu’il faut faire à partir de maintenant. Au Canada, nous préparons actuellement un programme pour sensibiliser les inspecteurs d’habitations aux risques d’inondations et aux évaluations qui peuvent être faites en ce sens. Nous avons environ 9 000 inspecteurs d’habitations en Ontario et plus ou moins 40 000 au pays qui, comme ils l’apprendront dans les collèges où ils suivront la formation sur l’inspection des habitations, ne reçoivent pratiquement pas de formation sur les risques d’inondations dans les sous-sols.

Nous sommes en train de changer tout cela grâce à notre collaboration avec un vaste groupe d’assureurs, de collèges et d’autres intervenants afin d’élaborer un cours de formation qui devrait être prêt d’ici un an et dont l’objectif est de faire en sorte que les inspecteurs d’habitations soient dorénavant bien formés et dûment accrédités pour évaluer les risques d’inondation des sous-sols à l’intention des propriétaires. Cela signifie que, pour 95 p. 100 des maisons qui font l’objet d’une inspection durant le cycle achat-vente, les inspecteurs auront désormais un important savoir-faire ajouté qui leur permettra de conseiller les propriétaires sur les mesures à prendre pour atténuer les risques d’inondation de leur sous-sol.

N’oubliez pas que, pour la grande majorité des Canadiens, l’achat d’une maison constitue le principal investissement de leur vie; c’est leur fonds de retraite. Voilà pourquoi nous tenons à en assurer la protection.

Ensuite, en ce qui concerne le secteur des assurances, nous avons également mis au point un système d’auto-évaluation des risques d’inondation pour les propriétaires. Cela prendra la forme d’un court formulaire que les propriétaires pourront remplir et envoyer à leur assureur. Le formulaire comportera une dizaine ou une vingtaine de questions sur la propriété et les réparations qui y ont été apportées pour atténuer les risques d’inondation au sous-sol, allant du débranchement des descentes pluviales jusqu’à l’installation de revêtements en plastique sur les murettes d’encadrement de soupirail. Les propriétaires seront encouragés à le remplir parce qu’en soumettant ce document à leur assureur, ils obtiendront en moyenne une réduction de 5 à 15 p. 100 de leur prime d’assurance.

En effet, c’est ce qui est indiqué à l’avant-dernière diapositive. Je ne vais pas tout lire, mais sachez que, Intact Financial, le plus important fournisseur d’assurance dommages au Canada, a annoncé son intention de récompenser les propriétaires qui effectuent les travaux nécessaires pour atténuer les risques d’inondation en réduisant leurs primes de 5 à 15 p. 100. Voilà qui, selon moi, motivera beaucoup les Canadiens à s’atteler à la tâche.

La dernière diapositive porte sur les prochaines étapes pour le Canada. Où en sommes-nous dans le dossier des inondations? Nous devons aller de l’avant en offrant une nouvelle formation nationale aux inspecteurs d’habitations sur l’évaluation des risques d’inondation des sous-sols. Cela ne sonne peut-être pas trop attrayant, mais à court terme, je pense que c’est ce qui nous permettra d’en avoir le plus pour notre argent au Canada, car il s’agit d’une solution qui peut être déployée immédiatement dans le but d’atténuer les risques d’inondation.

Par ailleurs, nous mettons au point une application d’auto-évaluation des risques d’inondation pour les propriétaires, et ce, à l’échelle nationale. Il est étonnant de voir à quel point les propriétaires peuvent atténuer, par eux-mêmes, les risques d’inondation de leur sous-sol, pour peu qu’ils obtiennent quelques conseils. Ce sont des projets de quelques centaines de dollars, que l’on peut réaliser un samedi ou un dimanche matin et qui peuvent faire toute la différence entre un sous-sol inondé, nécessitant des réparations de 50 000 $ à 100 000 $, et un sous-sol étanche à l’eau. Il y a une foule de solutions faciles à adopter partout au pays afin de réduire les risques.

Enfin, nous devons mettre à jour les cartes des plaines inondables au Canada, et nous sommes en pourparlers avec le ministre Goodale. Je n’entrerai pas dans les détails. Je vais en rester là. Merci de votre attention.

La présidente : Merci beaucoup. Je suis désolée de vous avoir pressé. Vous aviez beaucoup de sujets à traiter. Dommage que le sénateur Neufeld ne soit pas ici parce que je crois que votre exposé lui aurait beaucoup plu. Nous lui en remettrons une copie. Il s’inquiète vraiment des coûts que représentent ces situations d’urgence pour les Canadiens ordinaires, notamment les inondations et les pannes d’électricité. Sur ce, nous allons entamer la période des questions.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Je vous remercie de votre présentation. Je trouve cela très intéressant. Ai-je bien compris quand vous avez parlé du fait qu’il soit très probable que l’influence humaine ait été la cause principale jusqu’ici, et que cela va continuer d’être le cas désormais à cause de l’augmentation de la population?

[Traduction]

M. Feltmate : Oui. C’est exact.

[Français]

La sénatrice Dupuis : En parlant de coûts, on a une bonne idée pour le coût de réparation des dommages dans un sous-sol inondé, doit 43 000 $. Quels sont les coûts que les gouvernements municipal, provincial et fédéral ont dû assumer lors de la tempête du verglas en 1998 au Québec et lors des inondations très importantes en Alberta plus récemment?

[Traduction]

M. Feltmate : Avons-nous des données à ce sujet? La réponse est non. Cependant, si nous prenons l’exemple des inondations survenues en 2013 en Alberta, dans la région de Calgary, et à Toronto, les paiements effectués dans le cadre des Accords d’aide financière en cas de catastrophe, ou AAFCC, sont de l’ordre de 100 à 400 millions de dollars par année.

Mais dans un récent rapport — et par « récent », je veux dire il y a un an —, le Bureau du directeur parlementaire du budget a établi une nouvelle prévision. Selon ses calculs, même si les crédits budgétaires prévus et réservés aux termes des AAFCC se chiffrent à environ 100 millions de dollars pour les plans de sauvetage destinés aux provinces en cas de tempêtes de verglas, d’inondations ou peu importe, nous devrions plutôt prévoir environ 975 millions de dollars par année et, de ce chiffre, 670 millions de dollars — c’est-à-dire plus ou moins les deux tiers — serviront à l’atténuation des risques d’inondation. Autrement dit, d’après le Bureau du directeur parlementaire du budget, les inondations seront à l’origine des deux tiers des versements effectués dans le cadre des AAFCC à l’avenir.

En passant, je vous rappelle que les pertes dont j’ai parlé sont assurables. Si vous multipliez les pertes assurables par trois ou quatre, vous obtiendrez le montant des pertes totales généralement associées à un événement.

Le sénateur Massicotte : Merci d’être parmi nous, monsieur. En ce qui a trait aux primes moyennes par province, les chiffres sont-ils rajustés en fonction de l’inflation?

M. Feltmate : Oui.

Le sénateur Massicotte : S’agit-il de coûts exprimés en dollars?

M. Feltmate : Oui. En dollars de 2015, je crois.

Le sénateur Massicotte : D’accord. Je crois absolument à l’existence des changements climatiques, alors je n’ai aucune réserve à ce sujet. Par contre, je dois admettre que, lorsque je vois les variations dans votre tableau intitulé « Changement des précipitations annuelles », la volatilité est l’œuvre ici, n’est-ce pas? Il y a une croissance d’une année à l’autre par rapport à la norme. Cependant, quand on examine les 60 premières années du siècle, on constate une variation importante. Lorsque je regarde les fluctuations plus récentes, cela paraît assez normal.

En d’autres termes, quand on examine les premières années, où la variation est encore plus importante que celle enregistrée au cours des 10 dernières années, on pourrait conclure que l’existence des changements climatiques n’est pas chose certaine; c’est peut-être tout simplement le résultat d’une évolution normale.

M. Feltmate : Je vais aborder la question de manière isolée, mais si vous examinez la référence, ce document a été publié en 2015 dans le Journal of Climate. L’auteure principale est Lucie Vincent, d’Environnement Canada. Les chercheurs se sont penchés sur cette tendance, parmi tant d’autres, et ils ont examiné les explications possibles. Est-ce provoqué par El Niño ou La Niña, l’activité volcanique, la variation de l’activité solaire ou la présence d’aérosols dans l’atmosphère?

Ils ont passé au crible tous ces facteurs pour ensuite les éliminer systématiquement. Le seul facteur qui explique une telle augmentation au fil du temps… Et cela concerne uniquement les précipitations. Les chercheurs ont également examiné la température, la charge de neige et l’écoulement fluvial. Selon la conclusion à laquelle ils sont arrivés dans le document, le seul facteur pouvant expliquer les écarts dans les données est le forçage anthropique, c’est-à-dire l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Massicotte : Pour en revenir aux primes moyennes par province, jamais je n’aurais pensé qu’il existe une si grande différence climatique entre le Québec et l’Ontario. Les primes en Ontario ont presque doublé. Est-ce attribuable au climat ou plutôt au modèle d’assurance habitation et automobile adopté dans chacune des provinces?

M. Feltmate : C’est un calcul actuariel fondé sur le prix des maisons, la valeur des propriétés, et cetera. Je ne connais pas les détails pour ce qui est de l’écart entre… Je ne pense pas que la valeur des voitures change énormément, mais la valeur des maisons varie entre le Québec et l’Ontario; cela s’explique donc, en partie, par la différence de la valeur des propriétés d’une province à l’autre.

Le sénateur Massicotte : Même pour les véhicules?

M. Feltmate : Peut-être au regard des habitudes de conduite ou peu importe. Je ne suis pas un expert en la matière.

Le sénateur Massicotte : Peut-être que le sénateur Wetston est au courant. Vous, les gars, vous conduisez tous des Rolls-Royce.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Ou bien le régime public d’assurance automobile du Québec, public par rapport à privé.

Le sénateur Massicotte : C’est mon point. Le modèle qui a été adopté dans chacune des provinces et non nécessairement le quantum.

[Traduction]

M. Feltmate : Je m’intéresse surtout au ratio de croissance, tout simplement. C’est le facteur à considérer. Pour ma part, j’irais parler au Bureau d’assurance du Canada, et je côtoie de près les assureurs. Tout compte fait, quand on parle aux actuaires, l’augmentation est principalement due aux inondations, notamment celles qui touchent les sous-sols. Voilà l’essentiel.

Le sénateur Massicotte : Ce n’est pas le cas au Québec ni au Canada atlantique.

M. Feltmate : Mais si vous examinez les ratios à compter de 2005, disons, au Canada atlantique, en ce qui concerne les primes d’assurance automobile par rapport aux primes d’assurance habitation, c’est 775 $ par rapport à 606 $, puis en 2016, cela passe à 769 $ par rapport à 921 $. L’augmentation disproportionnée des primes d’assurance habitation est attribuable aux inondations. Les primes d’assurance habitation ont augmenté d’environ 1,5 fois au Canada atlantique au cours de cette période. C’est la même chose pour le Québec : une augmentation d’environ 1,5 fois. En Alberta, les primes ont triplé et en Ontario, elles ont doublé.

D’ailleurs, si l’on examine un peu plus en détail la situation particulière dans les provinces, je parle ici de l’eau, mais cela ne veut pas dire que la sécheresse, les incendies, la grêle et le vent ne sont pas tout aussi problématiques. Par exemple, en Alberta, il y a une zone de grêle entre Calgary et Edmonton. Si l’on remonte au moins 15 ans en arrière, les assureurs pouvaient s’attendre à environ deux ou trois grandes tempêtes de grêle par année et prévoir les conséquences négatives qui s’y rattachent, comme des voitures endommagées par l’impact de gros grêlons, auquel cas il faut verser des indemnités. La fréquence de ces tempêtes a augmenté, en passant de 2 ou 3 fois par année à 8 à 12. On exige, par exemple, que les concessionnaires stationnent désormais leurs voitures sous des auvents, dans la mesure du possible, afin de les mettre à l’abri de la grêle. Il en va de même pour l’assurance dans le cas de Purolator et d’autres sociétés de livraison. C’est tout simplement parce que la grêle a eu des répercussions vraiment trop coûteuses en Alberta.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si vous regardez les diapositives 2 et 5 ...

La présidente : Sénatrice Dupuis, juste un instant. La sénatrice Seidman était la suivante.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci de votre exposé. Je pense que, pour nous tous, il est très troublant d’imaginer les répercussions sur les Canadiens ordinaires.

J’aimerais faire une observation avant de poser ma question. Pour revenir à ce que vous venez de dire au sénateur Massicotte, je me souviens personnellement d’une modification apportée à ma police d’assurance habitation — j’habite au Québec —, c’est-à-dire l’ajout soudain d’une nouvelle clause disant que mon assurance ne couvrirait plus les dommages causés par l’eau. Ce fut pour moi tout un choc lorsque j’en ai pris connaissance, et je me suis dit : « Comment se fait-il qu’on ne couvre plus les dommages causés par l’eau? » Dans certains cas, vous ne pouvez même pas obtenir une couverture pour les dommages causés par l’eau. C’est sans contredit une nouvelle disposition qui a de quoi inquiéter beaucoup de Canadiens.

Vous avez parlé des nouvelles normes confirmées à la diapositive 8. Certaines d’entre elles visent les nouvelles collectivités, ce qui signifie que certains aspects seront automatiquement intégrés dans le cas des Canadiens qui achètent une maison neuve, mais je songe à des situations concernant les Canadiens qui vivent dans leur maison. Comme vous le dites, c’est l’investissement de leur vie. Il s’agit de leur avenir et de leur pension.

Je trouve très intéressante l’idée de l’application d’auto-évaluation des risques d’inondation des maisons, qui permettra aux propriétaires de corriger eux-mêmes les problèmes, mais je crains beaucoup que ce ne soit pas aussi simple que cela; je doute que les réparations à apporter au sous-sol soient un projet d’une fin de semaine. Je crois plutôt que ces travaux coûteront cher et que les gens auront besoin de conseils professionnels.

D’où viendront ces efforts — en ce qui a trait à la sensibilisation des Canadiens et au financement — pour apporter de telles améliorations? Nous ne pouvons pas offrir une protection contre tous les risques, loin de là, mais à tout le moins, nous pouvons maximiser les chances que les maisons soient plus sûres.

M. Feltmate : Il y a trois façons dont nous réduirons les risques pour les maisons au Canada. Premièrement, nous offrons actuellement aux inspecteurs d’habitations, qui sont au nombre de 40 000 au Canada, une formation sur l’évaluation des risques d’inondation des sous-sols, un sujet qui ne fait pas partie de leur formation actuelle, et ils suivent une formation de perfectionnement une fois par année. Nous pouvons donc mettre leurs pratiques à jour assez rapidement.

Tout au long du cycle achat-vente, 95 p. 100 des maisons feront l’objet d’une évaluation détaillée des risques d’inondation au sous-sol et des défauts possibles qui pourraient entrer en jeu en cas d’une inondation, dans le but de permettre aux propriétaires de les corriger. Ainsi, les acheteurs pourront demander dans leur offre que ces points soient corrigés ou encore, ils pourront demander une baisse du prix de vente, auquel cas ils apporteraient eux-mêmes les réparations nécessaires après la prise de possession de la maison.

Deuxièmement, il s’agit de miser sur les inspecteurs d’habitations maintenant qu’ils reçoivent la formation nécessaire. Disons que vous recevez une lettre d’un assureur qui vous informe que vous n’êtes plus couvert pour ces dommages. Très bientôt, vous pourrez consulter des inspecteurs d’habitations formés et accrédités, qui viendront chez vous pour faire une évaluation — dans mon cas, il a fallu une heure et demie pour faire évaluer ma maison —, et nous avons réalisé des centaines d’évaluations de ce genre jusqu’à présente. Nous le faisons dans le cadre de projets pilotes à Burlington, Oakville, Toronto, Saskatoon, Windsor et ailleurs. Nous savons en détail qu’il faut une heure et demie pour qu’une personne dûment formée puisse évaluer votre propriété. Pour une maison moyenne, les inspecteurs d’habitations indiqueront environ six ou huit travaux pouvant être effectués pour réduire les risques d’une inondation dans le sous-sol. Les deux tiers ou les trois quarts du temps, il s’agit de projets que vous pourrez faire vous-mêmes un samedi ou un dimanche matin, si vous êtes adroits de vos mains.

Ce sont des mesures comme le débranchement de la descente pluviale du système de gouttières pour empêcher que l’eau s’infiltre par les tuyaux de drainage. Vous déconnectez le tout et vous y raccordez un coude pour diriger l’eau à trois mètres de la fondation, ce qui coûte 35 $. Vous pouvez aussi installer des revêtements en plastique sur les murettes d’encadrement de soupirail pour éviter qu’à la prochaine grosse tempête, l’eau s’accumule dans la murette et s’écoule dans le sous-sol. Vous pouvez également installer des fenêtres étanches à l’eau au niveau du sol, autour de la maison. La différence saute aux yeux lorsqu’on voit deux maisons voisines sur une rue, l’une n’ayant pas de fenêtres étanches à l’eau et l’autre, oui. Dans le premier cas, il y a de l’eau qui déborde de la murette d’encadrement de soupirail et dans le deuxième cas, il n’y a aucune eau qui rentre dans le sous-sol. Sans ces améliorations, l’eau s’écoulera vers l’intérieur comme à travers une passoire.

Il s’agit d’installer une rallonge autour de la maison pour diriger l’eau loin de la fondation plutôt que vers la fondation. Il s’agit aussi de prendre des mesures à l’intérieur de la maison. Si vous avez une pompe de puisard, avez-vous vérifié qu’elle fonctionne bien? Ensuite, avez-vous une pile de secours pour votre pompe de puisard? Parce que vous avez besoin de la pompe de puisard lorsqu’une grosse tempête éclate, et c’est justement à ce moment-là que se produisent les pannes d’électricité. Vous pouvez installer le tout pour environ 250 $. Voilà autant de travaux dans cette catégorie que de nombreux propriétaires peuvent effectuer eux-mêmes, mais il y aura également beaucoup de personnes adéquatement formées qui pourront le faire pour vous au terme d’une inspection immobilière.

Cela dit, si c’est quelque chose de plus intense, vous aurez peut-être besoin d’un clapet anti-retour. Il y a, au sous-sol, un petit drain qui permet d’évacuer l’eau à l’extérieur, par exemple, si votre lave-vaisselle déborde. Lorsque le réseau d’égouts pluvial devient surchargé durant une grosse tempête, l’eau peut rentrer par ce réseau et inonder votre sous-sol. Nous pouvons installer un clapet anti-retour dans le drain pour un coût de 2 500 à 2 800 $; cette pièce fera en sorte que l’eau se dirige toujours vers l’extérieur et non vers l’intérieur. Cependant, vous aurez besoin d’une aide spécialisée pour ce travail. Vous ne pourrez pas le faire vous-même.

La plupart des grandes villes au Canada — Halifax, Montréal, Toronto, Calgary — accordent des subventions qui couvrent environ les deux tiers de ce coût. Or, le taux de participation des Canadiens est extrêmement faible; c’est d’environ 5 à 7 p. 100 par ville. La raison, c’est que l’approche adoptée par les villes et les ingénieurs municipaux pour concevoir le programme et en faire la promotion ou la publicité laisse à désirer, faute d’une meilleure expression.

Vous aurez très bientôt accès à un savoir-faire de sorte que, lorsque vous prendrez des mesures correctives, il est extrêmement probable que vous obtiendrez une couverture d’assurance pour votre sous-sol et une réduction considérable des cotisations qui auraient été exigées autrement.

Dès que vous cessez d’assurer votre sous-sol, vous réduisez substantiellement la valeur de votre maison pour toute personne souhaitant l’acheter. Cela déclenche une sonnerie d’alarme.

Le facteur qui a la plus grande incidence sur l’évaluation des maisons en ce moment, ce n’est pas, à mon avis, l’augmentation des taux d’intérêt de 25 points de base, mais plutôt la mesure croissante dans laquelle les sous-sols sont inondés au Canada et le fait qu’un nombre croissant de Canadiens n’assurent pas cette partie de la maison.

La sénatrice Seidman : Donc, il faut éduquer les municipalités et les inciter à dire aux gens qu’ils doivent prendre ces mesures... Je veux m’assurer que nous comprenons bien ce que nous devons écrire à cet égard dans notre rapport. Merci.

M. Feltmate : Les assureurs annonceront énergiquement la façon dont ils réduiront les cotisations.

Le sénateur Wetston : Vos recherches démontrent-elles où, au pays, les populations les plus vulnérables se trouvent? Je sais que vous avez mentionné la côte Est et d’autres endroits, et je sais que Gatineau, Toronto et Calgary ont subi d’énormes inondations, mais cela ne me donne pas une idée de la vulnérabilité qui existe, parce que les inondations sont plutôt omniprésentes.

M. Feltmate : Nous prenons deux mesures en ce moment. Les cartes des plaines inondables du Canada ne sont pas à jour et ce, depuis 25 ans en moyenne. Nos cartes des plaines inondables sont indubitablement désuètes, du point de vue des lignes qui délimitent où l’eau s’accumulera lorsque d’énormes inondations surviendront. Nous devons actualiser les cartes des plaines inondables.

Même si nous procédons à ces mises à jour, et que nous disposons de lignes de démarcation indiquant où l’eau est susceptible de se diriger lorsque nous serons frappés par de grosses inondations — ce qui signifie que, si vous êtes à l’intérieur de cette zone, vous risquez davantage d’être inondés que si vous vous trouvez à l’extérieur de celle-ci —, nous constatons, entre autres, qu’en raison du nouveau phénomène des microrafales qui peuvent entraîner des précipitations de 150 ou 160 millimètres sur une période de cinq heures, les inondations peuvent survenir presque n’importe où. Même si nous pouvons dresser des cartes des plaines inondables et indiquer les endroits où l’eau se dirigera si tel cours d’eau ou telle rivière déborde, il est possible que nous subissions des inondations massives dans des zones où l’on n’observe aucune eau mouvante.

Ce que les Canadiens doivent retenir, c’est que s’ils habitent dans des zones à risque élevé, ils doivent assurément prêter attention à l’atténuation des risques d’inondation, mais ils ne doivent pas présumer qu’ils ne risquent pas de subir des inondations s’ils ne vivent pas à côté d’un cours d’eau ou d’une rivière. Si vous êtes propriétaire d’une maison, vous êtes susceptible de subir des inondations à moins que votre maison se trouve au sommet d’une montagne.

La ville de Burlington, qui se trouve en Ontario, à l’ouest de Toronto, a été touchée très durement par la tempête de 2014 qui a inondé 3 500 sous-sols, y compris celui de la maison du maire de la ville qui a été submergé par cinq pieds d’eau. En revanche, il n’y a eu ni pluie ni inondation à Hamilton ou à Oakville. Si, ce jour-là, le vent avait soufflé un peu à l’est ou à l’ouest, Burlington serait resté au sec, et Oakville ou Hamilton aurait subi d’importants dommages.

Je visite de nombreuses collectivités, et je constate que nous ne pouvons jamais supposer que notre collectivité est en sécurité, alors que celle des autres ne l’est pas. À Toronto, la plupart des inondations causées par les dernières tempêtes importantes sont survenues vers l’ouest de Toronto et, à mon avis, c’est en grande partie dû au fait que c’est l’endroit où la tempête a sévi. Si elle avait frappé l’est de Toronto, c’est cette zone qui aurait été inondée.

[Français]

Le sénateur Mockler : Je tiens à vous féliciter, madame la présidente, pour votre leadership dans le cadre des travaux de ce comité.

[Traduction]

Dans les prochaines semaines, je vais assister à une réunion internationale sur le changement climatique. Monsieur Feltmate, puis-je utiliser les documents que vous nous avez transmis?

M. Feltmate : Oui.

Le sénateur Mockler : Merci. Par le passé, j’ai été ministre du Logement au Nouveau-Brunswick, et je sais qu’il est très difficile d’apporter des modifications, en particulier aux codes du bâtiment. Pourriez-vous nous indiquer où en sont les codes du bâtiment au Canada, et s’ils seront mis en œuvre? J’approuve ce que vous avez dit au cours de votre exposé à propos des inspecteurs d’habitations, des applications d’auto-évaluation et des cartes des plaines inondables, mais où en sommes-nous à cet égard dans le Canada atlantique, au Québec, en Ontario et dans l’Ouest canadien?

M. Feltmate : Nous sommes en train d’élaborer de nouvelles normes. Certaines d’entre elles sont essentiellement le résultat des efforts conjugués du Conseil national de recherches et du Conseil canadien des normes, mais l’Association canadienne de normalisation établit 78 p. 100 de toutes les normes canadiennes. Je travaille étroitement avec ces groupes; je pourrais presque avoir mon propre bureau dans leurs locaux.

Nous élaborons des normes, mais ces normes n’ont pas force de loi. De plus, le passage d’une norme à un code du bâtiment représente un autre grand pas. Ce sera donc la prochaine étape de ce processus. Toutefois, ces normes peuvent être élaborées d’une façon facultative, de la même manière que la CSA a approuvé la conception des casques de hockey que toutes les associations canadiennes de hockey ont adoptée. Si votre enfant joue au hockey, il doit porter un casque conçu d’une certaine manière. Autrement, il ne sera pas autorisé à jouer au hockey. Il ne s’agit pas d’une loi, mais plutôt d’une directive de facto.

Nous devons utiliser les normes pour guider les codes. C’est là la prochaine étape du processus.

Pour le moment, nous élaborons la nouvelle norme; c’est la première tâche à accomplir. La deuxième tâche à accomplir consistera à s’assurer que le code tient compte de la norme.

Le sénateur Mockler : Compte tenu du changement climatique?

M. Feltmate : C’est exact.

Le sénateur Mockler : Quels types d’infrastructures sont les plus vulnérables au changement climatique, y a-t-il des enseignements à en tirer? Je pense au réseau électrique de Porto Rico, par exemple.

M. Feltmate : Les logements, évidemment, car j’en parle si souvent. Mais, si vous passez en revue les éléments de la liste — les exploitations minières, l’industrie forestière, les exploitations pétrolières, les services publics, l’industrie de l’accueil, les services de télécommunication, et cetera —, vous constaterez que personne n’a étudié à fond leur situation, examiné leurs vulnérabilités et leurs capacités d’exercer leurs fonctions pendant qu’ils sont touchés par des inondations, des sécheresses, des incendies, des précipitations, le cisaillement du vent, la disparition du pergélisol, et cetera.

L’une des mesures que nous prenons en ce moment pour le secteur de l’électricité consiste à examiner sa vulnérabilité à la liste d’événements liés au changement climatique et à des conditions météorologiques extrêmes que je viens de mentionner, uniquement du point de vue de la transmission et de la distribution d’électricité, et non de sa production. Nous tentons de déterminer quelles sont les vulnérabilités de la transmission et de la distribution d’électricité par rapport à ces facteurs. Puis, nous tenterons de dresser la courte liste des deux, trois ou quatre principaux éléments à risque élevé qui peuvent être corrigés et dont nous devons nous occuper.

Soit dit en passant, je vais faire valoir qu’on a tort de dire que l’adaptation est toujours coûteuse. Ce n’est pas le cas. Pour s’en tenir à l’électricité, étant donné que vous êtes très renseignés à ce sujet, disons que vous construisez un nouveau poste électrique dans une collectivité. Dans les journaux, on aperçoit toujours des postes électriques sous l’eau quand un endroit est inondé. Mais lorsque vous construisez un nouveau poste électrique dans une collectivité, les coûts associés à sa construction à l’abri de tout danger d’inondation… Premièrement, il ne faut pas construire ce poste sur une plaine inondable. Mais vous devez aussi le construire sur une plateforme en béton de deux mètres de haut par rapport au niveau du sol, afin de le mettre à l’abri des inondations. Il en coûte à peu près le même montant pour construire le poste électrique sur une plateforme en béton de deux mètres de haut que sur une plateforme en béton au niveau du sol. En fait, la différence entre les coûts est sans conséquence, mais il est très économique de construire ce poste correctement dès le début et de ne pas être obligé de le rénover.

Les associations industrielles devraient prendre leurs responsabilités et procéder à une analyse de la vulnérabilité. Chaque secteur devrait examiner ses vulnérabilités. Je peux vous affirmer avec certitude que les agences de notation et les investisseurs institutionnels prêtent grandement attention à ce dossier maintenant.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Est-ce que vous pouvez comparer vos diapositives 4 et 5? Entre 2009 et 2017, il y a eu des pertes assurables qui ont augmenté beaucoup à compter de 2009 avec des pics importants en 2016. Dans l’autre tableau, on voit des précipitations qui augmentent. J’aimerais bien comprendre. On voit bien que le tableau des augmentations des précipitations ne correspond pas au tableau des pertes assurables. Autrement dit, il peut y avoir plus d’inondations ou plus de problèmes, mais ce n’est pas nécessairement plus de pertes assurables. Est-ce que cela veut dire que parce que les compagnies d’assurance ont arrêté de couvrir les dommages sur l’eau cela a un effet direct sur évidemment les pertes assurables? Et dans ce sens, est-ce qu’on a une idée des coûts des pertes non assurables dans ces périodes, comme entre 2009 et 2017?

[Traduction]

M. Feltmate : La relation entre ces deux chiffres n’est pas parfaite en ce sens que les données présentées sur la diapositive 5 correspondent aux précipitations moyennes enregistrées dans l’ensemble du Sud du Canada, alors que les données présentées sur la diapositive 4 sont beaucoup plus soumises à l’incidence des microrafales. L’un des problèmes relatifs à ces deux facteurs, c’est que, même au moyen de la modélisation du climat, nous bénéficions d’une bonne capacité de prévision et de bonnes références relatives aux changements de température moyenne ou de régimes de précipitation, mais nous n’obtenons pas d’informations sur les conditions météorologiques extrêmes. Ce sont les conditions météorologiques extrêmes qui influent sur la diapositive 4.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Feltmate.

Nous poursuivons notre étude sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone avec l’aide de notre deuxième groupe d’experts. Nous entendrons maintenant les représentants de l’Alliance de l’efficacité énergétique du Canada : Martin Luymes, président, et Philippe Dunsky, vice-président.

Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous entreprendrons une série de questions. Il y aura une première série de questions et, si le temps nous le permet, il y en aura une deuxième. Je vous demanderais de faire preuve de concision dans vos questions et vos réponses, afin que nous puissions avoir un plus grand nombre d’échanges. Je vous remercie beaucoup de votre coopération. Veuillez aller de l’avant.

Philippe Dunsky, vice-président, Alliance de l’efficacité énergétique du Canada : Merci beaucoup. J’ai apporté quelques diapositives que vous avez reçues, je crois. Je ne vais pas passer en revue chaque élément parce que je sais que nous devons être brefs et que nous souhaitons avoir le temps de discuter des enjeux.

Je veux commencer par prononcer quelques paroles à propos de la nature de notre organisation. L’Alliance de l’efficacité énergétique du Canada représente l’industrie des quatre coins du pays qui s’occupe de l’efficacité énergétique. Qu’il s’agisse, par exemple, d’entrepreneurs en rénovation de logements, d’entrepreneurs en chauffage et en ventilation ou de fabricants de matériaux isolants ou de thermopompes, il y a au Canada une vaste industrie qui s’emploie activement à rendre notre pays beaucoup plus écoénergétique qu’il le serait autrement, et l’AEEC représente les membres de cette industrie.

Si je peux vous amener, très douloureusement, à passer à la diapositive 4, je vous confierai que c’est la pire diapositive à utiliser pour amorcer une discussion. L’une des grandes difficultés auxquelles nous, les intervenants de l’efficacité énergétique, faisons face, c’est que c’est un sujet extrêmement complexe, hermétique et difficile à communiquer, et j’ai pensé que je devais utiliser un graphique qui illustre bien ce fait.

Le graphique montre les flux d’énergie du Canada. En commençant par le côté gauche, vous pouvez voir toute l’énergie qui arrive dans notre système, qu’elle soit issue du pétrole, du gaz naturel, de l’uranium, de ressources hydriques, du charbon, de la biomasse, et cetera. Cette énergie arrive dans notre système, nous la payons et nous la consommons. Et ce qui ressort de ce système, c’est ce que vous voyez du côté droit, soit essentiellement deux éléments : une grande quantité d’énergie utilisée pour l’éclairage, le chauffage, le refroidissement et le fonctionnement de nos moteurs et de nos véhicules, et le gaspillage du reste de l’énergie.

Environ les deux tiers de chaque unité d’énergie apportée au Canada et payée par les Canadiens ne servent à rien. Ils chauffent l’extérieur et sont gaspillés en alimentant, entre autres, des moteurs et des luminaires inefficaces. Et, c’est dramatique.

Je tiens à soulever cette question maintenant, parce que lorsque nous songeons à l’efficacité, nous l’envisageons souvent du point de vue de nos propres logements chauds et isolés, ainsi que du point de vue de l’énergie que nous pouvons économiser sur nos factures d’énergie. L’efficacité a rapport à tout cela mais, en plus, elle a rapport à l’économie canadienne.

En ce qui concerne la prochaine diapositive, je m’excuse de ne pas avoir sous la main en ce moment ces chiffres pour le Canada. Toutefois, le tableau au Canada est assez semblable. Ce que vous voyez sur la diapositive, c’est l’amélioration de la productivité économique des États-Unis grâce à l’efficacité énergétique. Essentiellement, deux lignes sont affichées ici : la ligne supérieure représente la croissance du PIB aux États-Unis, alors que la ligne inférieure montre la croissance ou non de la consommation d’énergie.

Au cours des 25 dernières années, le PIB des États-Unis a presque doublé, alors que la consommation d’énergie pendant cette même période a à peine bougé. La différence observée est presque entièrement imputable à l’efficacité énergétique. Les Américains ont réussi à améliorer l’efficacité avec laquelle ils utilisent l’énergie, à un rythme qui a contribué à leur croissance économique, sans qu’ils aient eu à investir d’énormes sommes d’argent dans de l’énergie gaspillée et, pour être franc, dans des émissions de gaz à effet de serre.

Cette amélioration de la productivité est ce dont nous parlons aujourd’hui. Lorsque nous parlons de nous attaquer au gaspillage d’énergie et que nous faisons allusion à l’efficacité énergétique, nous parlons en fait de la productivité énergétique et de la volonté de tirer le meilleur parti d’une quantité moindre d’énergie.

Je vous ai promis que je ne passerais pas en revue chaque diapositive, mais je vais en présenter quelques-unes de plus avant de céder la parole aux personnes qui ont des questions à poser.

Cet automne, le ministre des Ressources naturelles, James Carr, a organisé à Winnipeg une réunion très importante intitulée « forum Génération énergie », et Fatih Birol, qui dirige l’Agence internationale de l’énergie, a assisté à cette réunion et a prononcé un discours intéressant. Il a parlé de l’économie mondiale et de l’économie de l’énergie mondiale, et ce qu’il a déclaré, entre autres, c’est que, si le gouvernement et l’industrie ne mettent pas l’accent sur l’efficacité énergétique, aucun de nos objectifs énergétiques, environnementaux et économiques plus généraux ne pourra être atteint entièrement.

Il a fait valoir cet argument encore et encore, en soulignant que, depuis 2000, l’énergie économisée grâce à des améliorations de l’efficacité à l’échelle mondiale équivaut à la totalité de l’énergie utilisée par l’Union européenne. Il a indiqué qu’il s’agissait là d’une réalisation impressionnante qu’aucune autre technologie ne pouvait égaler. C’est l’envergure dont nous parlons lorsque nous parlons de l’efficacité énergétique.

Je vais sauter quelques diapositives, mais préciser que l’efficacité énergétique est essentielle au Canada de deux points de vue, à savoir l’atteinte de nos objectifs environnementaux et l’atteinte de nos objectifs économiques.

Sur le plan environnemental, nous avons pris des engagements à l’échelle internationale dans le cadre de l’Accord de Paris, et ces engagements signifient que nous devons réduire nos émissions de 30 p. 100 d’ici 2030. C’est là une modification extraordinaire de la trajectoire de nos émissions.

Pour en revenir aux responsables de l’Agence internationale de l’énergie, lorsqu’ils ont examiné la façon dont la planète pourrait atteindre ces mêmes objectifs, ils ont étudié cinq différentes mesures qu’elle peut prendre et décomposé en cinq étapes la façon de passer d’ici à là.

Certaines des autres étapes, par exemple, consistent à investir dans des énergies renouvelables, ce qui nous permettra de parcourir environ 17 p. 100 du chemin, alors que la réforme des subventions visant les combustibles fossiles nous permettra de parcourir 10 p. 100 du chemin. En revanche, l’efficacité énergétique nous permettra de parcourir 50 p. 100 du chemin. C’est de loin la mesure la plus importante à prendre pour honorer, à l’échelle nationale et mondiale, les engagements que nous avons pris à Paris.

Toutefois, ce qui est bien à propos de l’efficacité, c’est que ce n’est pas simplement une mesure environnementale; c’est aussi un moteur économique.

J’ai parlé auparavant de la productivité, et je précise que nous avons commandé quelques études à cet égard par le passé. Plus précisément, la dernière date de 2014, et une autre est en cours en ce moment afin de mettre à jour les chiffres. Il s’agit d’une étude économique des mesures en matière d’efficacité énergétique qui pourraient être prises au Canada et de l’incidence qu’elles auraient sur les emplois, le PIB et les poches des Canadiens.

Voici très rapidement trois données qui donnent une vue d’ensemble. Les Canadiens ont l’occasion d’économiser au cours des 25 prochaines années environ 90 milliards de dollars sur leurs factures d’énergie. Ces économies de 90 milliards de dollars sont possibles grâce à une réduction du gaspillage, soit la grande partie en gris sur le tableau précédent.

Il s’agit, évidemment, d’économies considérables. Lorsque cet argent est réinvesti dans l’économie, nous parlons d’entreprises qui sont plus productives et de propriétaires canadiens qui dépensent de l’argent ailleurs dans l’économie, et cela crée des emplois.

Si nous regardons les effets possibles de ces économies sur l’emploi, nous estimons que cela pourrait créer, net, environ 60 000 emplois d’ici 2019 et environ 120 000 après 15 ans. Je rappelle que ce sont des emplois nets. Cela tient donc compte des pertes d’emplois sur le marché, et ce n’est pas le nombre d’emplois par année, soit la mesure que les économistes utilisent pour établir des prévisions sur 25 ans. Cela représente le nombre moyen réel d’emplois que nous pourrions créer par année si le Canada accordait la priorité à l’efficacité énergétique et qu’il profitait de ces occasions actuellement inexploitées.

Le PIB pourrait augmenter sur 25 ans d’environ 390 milliards de dollars. Je tiens à préciser que cette donnée vaut pour l’ensemble de cette période; ce n’est pas l’augmentation annuelle.

J’ai promis que je ne passerais pas en revue chaque diapositive et chaque donnée, mais je souhaite souligner que des études sont en cours et que les résultats seront bientôt publiés. Parmi ces études, celle de l’Agence internationale de l’énergie pour le compte du gouvernement du Canada se penche sur ce que pourrait vouloir dire une efficacité énergétique accrue au Canada en ce qui concerne non seulement les possibilités, mais aussi les effets sur notre balance commerciale, qui seraient très positifs.

J’ai vu des données initiales très positives sur les effets sur la balance commerciale en ce qui a trait à notre productivité globale et à la compétitivité de nos industries. Nous accusons un énorme retard en matière de productivité énergétique dans le secteur industriel comparativement aux États-Unis, au Japon et à l’Europe. Nous devons améliorer nos résultats à cet égard si nous voulons accroître notre productivité et notre compétitivité par rapport aux industries de ces pays. Ce rapport traitera de la question. Je suis désolé qu’il ne soit pas encore disponible, mais cela ne saurait tarder.

L’autre rapport met à jour l’analyse des effets sur l’emploi et l’économie d’une insistance accrue sur l’efficacité énergétique.

Je vais conclure mon exposé en mentionnant brièvement ce que nous cherchons pour la suite des choses. Je tiens tout d’abord à dire quelque chose. Le gouvernement canadien, par l’entremise du cadre pancanadien, a jeté les balises d’une bonne partie de ce qui doit être fait en matière d’efficacité énergétique. Nous y sommes très favorables. Le défi est maintenant de le mettre en œuvre, et c’en sera tout un, mais c’est faisable. Toute la technologie existe sur le marché. Cela dépendra de la volonté politique, et il faudra communiquer l’énorme importance de l’efficacité énergétique pour le Canada, l’avenir économique du pays et ses engagements environnementaux.

Je vais m’arrêter là. Je suis prêt à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup de votre présentation intéressante. Passons aux questions.

Le sénateur Massicotte : Merci de votre présence parmi nous ce matin. Voici ma réponse à votre présentation. Ce que vous essayez de faire, c’est de modifier nos discussions, la manière dont la société mesure l’énergie, et cetera. Vous essayez de nous dire de parler d’efficacité énergétique, lorsque nous parlons d’énergie. Autrement dit, la raison d’être de votre organisme, y compris de vos membres, est l’efficacité énergétique. Vous essayez, peut-être à juste titre, de nous convaincre que nous devrions mettre la priorité sur cet aspect. Vous parlez des économies et du reste.

Sauf que je ne suis pas à l’aise avec cela. Je vais vous donner mon point de vue et vous pourrez répondre ensuite. Je ne suis pas du tout d’accord avec cela. Je crois que ce n’est pas une bonne idée d’essayer de changer la façon dont la société mesure l’efficacité à l’heure actuelle. Selon le modèle économique en vogue aujourd’hui, l’efficacité énergétique d’un appareil est fonction de son coût de production et de l’utilisation qu’on en fait. Autrement dit, si un moteur n’est efficace qu’au tiers, mais que le coût du produit brut et de la création de ce modèle ou de ce moteur est extrêmement bas, il produira quand même de l’énergie à un coût inférieur — et ce, indépendamment de son manque d’efficacité —, ce qui en fera un meilleur modèle. En fait, c’est comme cela que les choses se font de nos jours. Dans un marché modèle, lorsque l’on dit que telle ou telle voiture ou tel ou tel moteur coûte tant, on mesure le coût de l’énergie utilisée, sans égard pour l’efficacité. Le moteur n’est peut-être efficace qu’à 10 p. 100, mais la source d’énergie est bon marché et la société y trouve quand même son compte.

Je n’adhère pas à ce discours. Qu’avez-vous à répondre à cela?

M. Dunsky : Je tiens à vous signaler d’entrée de jeu que j’aime beaucoup les défis difficiles et directs.

Permettez-moi de revenir en arrière pour un instant. Lorsque nous considérons l’efficacité énergétique — et je m’excuse si j’ai omis de le mentionner dans ma présentation —, l’une des choses fondamentales que nous faisons dans notre industrie, c’est de parler du rapport coût-efficacité. Le rapport coût-efficacité est au sommet de nos préoccupations. Le rapport coût-efficacité est le tamis dont se sert notre industrie pour établir d’un point de vue stratégique ce qui doit être soutenu et ce qu’il convient de laisser tomber. Je suis ici à titre de vice-président de l’Alliance de l’efficacité énergétique du Canada, mais mon entreprise effectue régulièrement des études de ce type pour les gouvernements et les services publics de l’ensemble du pays.

Chaque fois que nous faisons une étude de ce type, la première question est : « Quel est le potentiel théorique? » La deuxième question est : « En quoi cette chose est-elle efficiente? » Or, nous croyons que c’est à l’égard de la partie de cette chose qui est efficiente, mais qui n’est pas présentement recherchée par le marché, que la politique a un rôle à jouer. Il ne s’agit pas d’économiser de l’énergie seulement pour économiser de l’énergie. Il s’agit de cerner les occasions d’efficience dont on ne profite pas à l’heure actuelle.

Le sénateur Massicotte : L’efficience relative à l’énergie qui est effectivement utilisée et non à celle qui n’est pas nécessairement produite.

M. Dunsky : Voilà pourquoi j’aime votre question.

Nous allons tenir compte d’une combinaison des coûts et des économies relatifs à l’aspect énergie de la chose considérée ainsi que des coûts et des économies relatifs à l’aspect équipement proprement dit — l’équipement, le moteur, la voiture, peu importe. Nous allons prendre le coût des versions hautement efficaces, le coût de l’équipement, le coût d’achat, le coût d’installation, le coût de rénovation — peu importe ce que ce sera — et les économies d’énergie générées, et faire des comparaisons avec les valeurs repères c’est-à-dire le coût de l’équipement le moins efficace et les coûts connexes en matière d’énergie.

Pour peu que nous tenions compte de ces autres coûts dont vous parlez, nous en arrivons à la conclusion que lorsque la version la plus efficace est toujours une option bon marché, c’est là que se trouvent les possibilités d’améliorer l’efficience.

Le sénateur Massicotte : Autrement dit, ce qu’il en coûte au consommateur et non pas de l’efficacité. C’est ce que vous voulez dire?

M. Dunsky : Oui. C’est quelque part entre les deux. En d’autres mots, c’est le coût total. Le coût total est une combinaison de l’efficacité avec laquelle l’équipement est utilisé et le coût en capital initial de l’équipement.

Le sénateur Patterson : Je dois dire que je suis vraiment surpris de voir que les États-Unis — surtout eux — sont très en avance sur le Canada en matière d’efficacité énergétique. Dans le cas de l’Europe, je pourrais comprendre. Je sais que les prix du carbone sont élevés. Au Japon, il y a une culture qui, à certains égards, pourrait sembler très austère. Mais comment peut-on expliquer que les États-Unis, sans taxe sur le carbone — et vous avez dit beaucoup de bien du cadre pancanadien, qui impose une taxe sur le carbone au Canada —, arrivent à réaliser ces gains d’efficiences? Que font-ils que le Canada ne fait pas?

M. Dunsky : C’est une très bonne question. Les Américains font beaucoup de choses. Je ne saurais vous donner de réponse exhaustive dans le temps qui m’est imparti, mais je peux mentionner une ou deux choses.

Comme c’est le cas pour le Canada, les États-Unis ne sont pas un pays monolithique, mais le rassemblement d’une cinquantaine d’États. Nombre de ces États font beaucoup de choses qui ne se font peut-être pas à l’échelon fédéral. Mon entreprise réalise beaucoup d’analyses comparatives au sujet de ce que font les services publics et les gouvernements des États dans le dossier de l’efficience par rapport à ce que font les services publics et les gouvernements provinciaux au Canada. Pour ce qui est d’encourager l’efficacité énergétique, d’inciter les économies d’énergie et d’exiger la dissémination aux consommateurs d’informations sur l’efficacité énergétique, les services publics et les gouvernements des États américains sont depuis de nombreuses années nettement en avance sur le Canada. Par exemple, dans certains États américains, si vous voulez acheter une maison, la fiche MLS que vous consulterez devra obligatoirement fournir, en plus de tout le reste, des renseignements sur le rendement énergétique de la maison. Il n’y a rien de tel au Canada à l’heure actuelle.

Aux États-Unis — environ la moitié de nos clients sont dans ce pays, des États et des services publics pour la plupart —, les programmes d’efficacité énergétique ne sont pas des initiatives qui se contentent d’envoyer des chèques par la poste. Ce sont des programmes qui ont des objectifs de rendement très stricts. Ils sont évalués en fonction de la réalisation de ces objectifs. Aux termes des lois des États, ces programmes sont tenus d’aider leurs clients à réduire leur consommation d’énergie ou à améliorer leur efficacité énergétique. Ces services sont tenus à cette exigence, certes, mais bien souvent, leurs actionnaires reçoivent des primes — ou n’en reçoivent pas — en fonction du succès qu’ils ont eu à faire en sorte que leurs clients deviennent plus efficients sur le plan énergétique, et ce, d’une manière mesurable et quantifiable.

Il n’y a pas grand-chose de semblable au Canada. Il commence à y avoir des initiatives en ce sens, mais nous avons du retard.

Le sénateur Patterson : Alors, que recommandez-vous au Canada? Comme nous sommes un comité qui relève du Parlement canadien, nous allons devoir présenter des recommandations au gouvernement fédéral. Nos recommandations ne doivent pas se focaliser outre mesure sur les provinces. Que devrait faire le Canada pour faire avancer les choses? Vos recommandations portent beaucoup sur les immeubles publics et sur le rendement de ces immeubles. Le gouvernement du Canada possède beaucoup d’immeubles, nous en sommes conscients. Nous avons entendu les témoignages des gestionnaires de ce portefeuille. Que devrions-nous recommander concrètement? Devrions-nous parler des codes du bâtiment? Quelle formule devrions-nous préconiser?

M. Dunsky : Il y a deux choses. Malheureusement, lorsqu’il est question d’efficacité énergétique, l’une des difficultés c’est que la réponse comporte maints aspects. Je vais toutefois tenter de ramener cela à deux choses.

Tout d’abord, du simple point de vue des communications, nous devons comprendre l’ampleur de la fenêtre qui s’ouvre à nous en matière d’efficacité énergétique. Aux États-Unis, c’est quelque chose qui est maintenant compris dans une large mesure — au moins dans la moitié des États —, et c’est ce que l’on appelle « the first fuel », c’est-à-dire « le premier carburant ». De simple point de vue des communications, c’est quelque chose d’extrêmement important. Au-delà de cela, je dirais que le pays doit se fixer des objectifs ambitieux quant à l’amélioration de sa productivité énergétique, des objectifs mesurables que les ministères seront tenus d’atteindre et pour lesquels ils auront des comptes à rendre. Dans une perspective générale, voilà l’un des aspects auxquels il faudrait voir.

À part cela, nous avons le cadre pancanadien qui, hormis la taxe sur le carbone, contient une pléthore de dispositions, y compris des codes du bâtiment. Dans une perspective d’efficacité à long terme, les codes du bâtiment sont un élément essentiel.

Je suis toujours surpris de voir à quel point les maisons que nous construisons sont inefficaces sur le plan énergétique, et par le fait qu’elles vont chauffer l’extérieur pendant les 50, 75, 100 prochaines années si nous ne modifions pas nos méthodes. Il est donc essentiel d’adopter des codes du bâtiment qui seront rigoureux.

Malheureusement, le gouvernement n’a pas l’autorité nécessaire pour faire appliquer les codes du bâtiment à l’échelle du pays. Il pourrait cependant élaborer des codes du bâtiment modèles et travailler avec ses vis-à-vis des provinces pour les inciter à adopter ces codes. C’est ce que fait régulièrement le gouvernement. Pour dire vrai, je crois qu’il pourrait se montrer un peu plus insistant à cet égard.

Il y a un certain nombre d’autres choses qui pourraient se faire. Vous avez parlé de prêcher par l’exemple. Le gouvernement fédéral est le plus important propriétaire et locataire de biens immobiliers au pays. Il est certain que le gouvernement fédéral a commencé à faire du très bon travail en montrant l’exemple, mais il reste encore pas mal de chemin à faire. Le gouvernement travaille là-dessus en ce moment, et nous l’encourageons à continuer de donner l’exemple pour l’ensemble de son parc immobilier, mais aussi pour tous les parcs immobiliers où il loue des bureaux en quantité. C’est pour lui une occasion en or d’intervenir.

Pour vous donner un exemple de ce qui se fait dans le secteur privé, je vais vous parler de la Banque Royale du Canada, qui a un jour décidé que tous les immeubles où elle allait louer des bureaux en quantité appréciable devaient désormais être certifiés LEED. Cela s’est passé il y a plusieurs années, et le marché s’en est trouvé radicalement transformé. Nous recevons encore aujourd’hui des appels de propriétaires qui n’auraient jamais de leur vie pensé à apporter des améliorations à leurs immeubles, mais qui, sous la menace de perdre un locataire important, décident tout à coup de passer à l’acte.

Ce type d’hameçon, si vous me permettez cette image, peut être très efficace d’un point de vue stratégique.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci pour votre présentation. J’aimerais avoir une explication dans ce que vous appelez l’énergie perdue. Dans ce tableau, on comprend très clairement que les deux tiers de l’énergie produite sont perdus. J’aimerais savoir qui assume le coût de cette énergie perdue. Autrement dit, vous nous avez expliqué assez clairement qu’il y a l’efficacité énergétique aux États-Unis de toutes sortes de manières, mais parce que des États prennent leurs responsabilités, donnent de l’information, obligent à donner de l’information, ont des programmes d’objectifs de performances, même des mesures de ces performances et qu’il y a même une reddition de comptes pour les dirigeants d’entreprise. On voit bien qu’il y a là un modèle où les entreprises assument leurs responsabilités par rapport à l’énergie, à diminuer la perte d’énergie, ou l’énergie perdue. Qui assume le coût de cette énergie perdue au Canada? Ma préoccupation, c’est à la fois de limiter cette énergie perdue, mais c’est de s’assurer aussi qu’on ne va pas refiler les coûts aux individus par leurs impôts ou ailleurs pour diminuer cette énergie perdue.

Moi, sur le plan individuel, je suis tout à fait d’accord avec ce que vous dites. Mais si les gouvernements subventionnent les entreprises — qu’ils subventionnent actuellement d’ailleurs — pour la perte d’énergie, si l’on aide ces entreprises à diminuer cette perte d’énergie, alors, comme citoyenne, je suis perdante, parce que je paie de toute façon tout le temps. Je ne suis pas certaine que les échelles de temps vont être suffisamment courtes pour réorienter la politique.

M. Dunsky : Merci pour la question. Premièrement, un des bons côtés, si l’on veut, de l’inefficacité énergétique ou de l’efficacité énergétique, c’est que cela affecte tous les secteurs, tous les usages de consommation. Cela fait en sorte que lorsqu’on fait par exemple des programmes pour encourager l’efficacité énergétique, ils peuvent s’adresser à tous les Canadiens, que ce soit les individus, les commerces ou les industries. Quand on fait cela, on est capable d’injecter l’argent de façon appropriée par secteur. Quand on lance des programmes d’économie de l’énergie, par exemple un distributeur d’énergie, ils sont réglementés, l’argent investi là-dedans va à la régie de l’énergie, et elle s’assure que l’argent investi dans un secteur est récupéré par ce même secteur. Ça, c’est pour ce qui est de l’égalité, si l’on veut, entre les individus et l’entreprise.

De façon plus large, pour répondre à votre première question, qui paie pour cette énergie, c’est encore une fois tous les consommateurs. Quand ma maison est mal isolée, je paie pour cette énergie qui va chauffer l’extérieur. Quand une entreprise utilise un moteur inefficace, c’est elle qui paie pour les pertes de ce moteur. Encore une fois, c’est réparti à travers l’économie.

La sénatrice Dupuis : Je vais donner un exemple précis par analogie si vous me permettez une sous-question. On a un rapport à faire au gouvernement fédéral avec des recommandations. Si vous continuez de financer des entreprises qui perdent les deux tiers de l’énergie produite, on a un problème de la part du citoyen, de la citoyenne — ces impôts servent à financer les gens qui produisent de l’électricité et qui en perdent les deux tiers. On n’est pas d’accord, on veut que cela change. Les compétences du gouvernement fédéral sont multiples et multiformes, y compris dans le domaine de l’habitation et de plusieurs industries.

En ce qui a trait à la reddition de comptes, est-ce que cela veut dire qu’on devrait exiger des comptes à partir du sous-ministre qui fait approuver les politiques, en passant par les entreprises? Il faudrait rendre les subventions publiques conditionnelles à respecter certaines normes. Quand vous parliez de la Banque Royale, ce qui est très intéressant, c’est qu’il y a des entreprises privées qui louent des immeubles dans la mesure où elles respectent les normes LEED. Mais il y a encore des entreprises publiques qui louent des bâtiments sans tenir compte absolument du fait que ce soit LEED ou pas. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que cela devrait devenir conditionnel dans chaque location fédérale? Est-ce que c’est ce genre de choses qu’on devrait recommander? Le minimum, c’est que si tu loues un espace quelque part avec mon impôt, tu loues d’une manière qui respecte non seulement les normes LEED, mais aussi les normes d’accessibilité pour les personnes handicapées, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

M. Dunsky : Je saisis beaucoup mieux votre question. Un des leviers importants du gouvernement fédéral, c’est la conditionnalité des aides financières à une entreprise. Premièrement, il y a la conditionnalité. C’est un levier très important. Maintenant, jusqu’où aller? Je n’ai pas de réponse en ce moment. C’est clair que si le gouvernement fédéral octroie des subventions importantes à des entreprises qui ne se préoccupent pas de cette question, cela peut entraîner des pertes pour l’ensemble de l’économie canadienne et augmenter les émissions de gaz à effet de serre. C’est certainement un levier que le gouvernement fédéral peut utiliser. Au Québec, on parle d’écoconditionnalité dans nos discussions. Ce que vous dites ressemble drôlement à cela, mais sur le plan de l’efficacité énergétique, je trouve cela très intéressant et très approprié comme approche.

Une autre chose que vous avez mentionnée, c’est un peu la reddition de comptes et la conditionnalité au sein du gouvernement. Je vous donne un exemple pertinent. L’État de Washington, il y a cinq ou six ans, a adopté une politique qui comporte deux volets. Premièrement, tout bâtiment dans l’État de Washington doit faire l’objet d’une évaluation de sa performance énergétique. Un système semblable existe au Canada, soit l’«Energy Star for Portfolio Manager ». Donc, tout bâtiment doit obtenir sa cote de performance énergétique et l’afficher lors de la vente ou de la location d’espaces. Deuxièmement, toutes les agences de l’État de Washington doivent s’assurer que les espaces qu’elles louent répondent au minimum à une cote de 75 sur 100, soit la cote Energy Star. L’État a accordé deux ou trois ans pour faire la transition. Cela lance un message clair à toute l’industrie, à tous les propriétaires de bâtiments, à savoir qu’ils ont deux ou trois ans pour apporter des améliorations à leurs bâtiments, sans quoi ils seront obligés d’aller chercher de l’espace ailleurs. C’est extrêmement puissant. La Californie a emboîté le pas. L’État de New York aussi, mais il est allé beaucoup plus loin. Cette approche existe dans bon nombre de juridictions.

Le sénateur Mockler : Votre présentation traite de nombreux points en même temps. Quelles sont les technologies les plus prometteuses en matière d’efficacité énergétique? Selon votre expérience, pouvez-vous nous expliquer ce qui se passait en Atlantique, au Québec, en Ontario et dans l’Ouest canadien? On pourrait cibler et dire aux gouvernements que leurs programmes, que ce soit les prêts conditionnels aux entreprises ou le programme d’infrastructures actuel, devraient être surtout axés sur des mécanismes et des mesures d’efficacité qu’on pourra honorer ou avec lesquels on pourra faire concurrence avec les États-Unis.

M. Dunsky : C’est une très bonne question. Vous avez demandé ce qui se passait sur le terrain. À l’heure actuelle, il se passe beaucoup de choses au Canada en matière énergétique. Si je vais d’est en ouest sans vouloir négliger d’autres provinces, la Nouvelle-Écosse, par exemple, est un modèle au Canada parce qu’elle a créé une entité qui s’appelle «Efficiency Nova Scotia » pour livrer des gains d’efficacité énergétique à sa population. Ce qui est intéressant avec ce modèle, c’est que les gains d’efficacité énergique, dans l’ensemble de la province, sont mesurés, le coût de leurs efforts est évidemment mesuré et l’on mesure à travers cela l’efficacité de leurs actions. On rapporte les données et la province les présente à un régulateur. On tient des audiences publiques, ainsi de suite, pour faire en sorte que chaque dollar utilisé pour augmenter l’efficacité énergétique dans la province soit un dollar bien dépensé et rentable, surtout. En règle générale, cette province réussit à générer des économies de l’ordre de 2,50 $ pour chaque dollar qu’elle investit en efficacité énergétique.

Le Nouveau-Brunswick fait des pas de géant en ce moment. C’est Énergie NB Power qui est responsable de lancer les programmes d’efficacité énergétique partout dans la province. C’est relativement nouveau. On est en train de mettre en œuvre le deuxième plan, et les choses progressent très bien.

Le Québec a mené beaucoup d’efforts en parallèle. Il vient de créer un programme qui s’intitule Transition énergétique Québec. Il s’agit d’une agence gouvernementale qui a pour mission d’améliorer l’efficacité énergétique à travers le Québec en intégrant l’ensemble des ministères provinciaux dans le cadre de cette initiative.

La présidente : Pouvez-vous nous envoyer cette information?

M. Dunsky : Oui, avec plaisir.

La présidente : Merci.

Le sénateur Massicotte : Cela me dérange un peu quand on parle d’une étude selon laquelle les États-Unis — je suis très compétitif — dépassent notre productivité du point de vue des gains. C’est une question de mesure. Je vais vous expliquer notre orientation, au sein du comité, en matière de changement climatique. On est un peu orienté vers le besoin de tout mesurer. J’ai beaucoup de difficulté à croire que les États-Unis, sur le plan de leur population et de leur géographie, sont plus productifs que nous en matière de changement climatique. Parce que près de 40 p. 100 de l’énergie, c’est toujours le charbon. Au Canada, c’est l’hydroélectricité. On a un peu de charbon. Je regarde toutes les conséquences des politiques en place. Oui, la Californie fait exception. La majorité des États ne mettent aucun prix sur le CO2, contrairement à nous. J’ai de la difficulté à croire qu’on est en retard sur le plan de la productivité totale. On en a discuté hier avec le ministre Champagne. Le Canada est très compétitif sur les marchés internationaux. Pourquoi donner l’impression qu’on est en retard par rapport aux États-Unis sur le plan de la concurrence? Surtout quand l’on regarde ce qui se passe à l’heure actuelle.

M. Dunsky : Je veux juste préciser mes propos. On n’est pas en retard en ce qui a trait à la productivité liée aux changements climatiques. Ce n’est pas le cas. Vous avez absolument raison. On est choyé avec l’hydroélectricité que les Américains n’ont pas. Ils ont beaucoup de charbon, ce qui fait en sorte que leur taux d’émission est énormément plus élevé que le nôtre. Là-dessus, c’est clair. Lorsque je parlais de productivité plus tôt, vous avez mentionné deux éléments lorsque j’ai abordé la question de la compétitivité avec les Américains. Premièrement, c’est au niveau de la productivité énergétique de nos industries, et l’autre, c’est au niveau de l’efficacité énergétique à l’usage. L’efficacité avec laquelle on utilise l’énergie, pour produire de l’énergie. C’est la nuance. Du point de vue de la production, on est beaucoup plus avancé, parce qu’on a de l’hydroélectricité.

Au niveau de la consommation, ils sont plus avancés que nous et pour les mêmes raisons que j’ai expliquées tantôt, c’est-à-dire tous les efforts qui sont mis de l’avant depuis maintenant 30 ans. Par exemple, l’État du Massachusetts a une loi qui exige que les entreprises d’électricité et de gaz mettent en œuvre des programmes d’économie d’énergie qui doivent augmenter l’efficacité énergétique de l’État de l’ordre de 3 p. 100 par année, année après année. Au Canada, nous en sommes à 1 p. 100 par année, présentement, en gains d’efficacité énergétique au niveau de l’usage. Ce ne sont pas tous les États qui sont comme le Massachusetts, mais c’est un exemple.

Au niveau de la productivité énergétique de nos industries, tout ce que je peux faire, c’est peut-être suggérer que dès que l’étude de l’AIE, l'Agence internationale de l’énergie, sera disponible, je pourrai vous l’acheminer; entre autres, on y aborde la productivité énergétique de nos industries et on la compare à celle de nombreux pays dans le monde, y compris les États-Unis, le Japon et l’Union européenne.

[Traduction]

Le sénateur Patterson : Merci d’avoir dit que vous alliez nous faire parvenir l’étude de l’Agence internationale de l'energie. Vous serait-il aussi possible de nous faire parvenir l’étude de Ressources naturelles Canada dont vous avez parlé?

En fin de compte, les représentants de Ressources naturelles Canada nous ont dit que 75 p. 100 des immeubles qui seront là en 2030 ont déjà été construits. Comment composez-vous avec le défi des réaménagements majeurs qui devront être apportés pour améliorer le rendement énergétique de ces immeubles?

M. Dunsky : C’est tout un défi. Certains réaménagements énergétiques ont été faits au Canada au cours des deux dernières décennies. Nous avons aussi vu la mise en œuvre de programmes et de stratégies en la matière. Mais à vrai dire, nous avons à peine effleuré la surface. Ces réaménagements ont donné lieu à certaines économies de base, mais pour ce qui est des réaménagements en profondeur, il faudra repasser.

Il y a un certain nombre de choses que nous pouvons faire. L’une d’elles consisterait à faire en sorte que toutes les maisons qui seront mises en vente soient accompagnées d’indications quant à leur rendement énergétique, comme c’est le cas aujourd’hui dans l’ensemble de l’Union européenne. C’est une mesure que nous pouvons prendre pour créer un déclic sur le marché de l’immobilier et ainsi encourager les économies substantielles d’énergie dans l’inventaire existant.

Autrement, nous pouvons instaurer des programmes pour encourager les réaménagements majeurs. Nous pouvons soutenir la recherche et la formation à l’intention de l’industrie afin qu’elle soit en mesure de faire des réaménagements appropriés dans les maisons et les édifices. Voilà une occasion de faire quelque chose d’important, un front sur lequel le gouvernement fédéral pourrait s’affirmer.

Une chose que le gouvernement fédéral pourrait faire et qui ne se fait pas à l’heure actuelle, ce serait de mettre au point des programmes d’agrément pour les entrepreneurs compétents, c’est-à-dire pour ces entrepreneurs qui comprennent la science du bâtiment et qui sont en mesure de faire les réaménagements majeurs dont vous parlez.

Il y a une chose que je vais mentionner et c’est le financement. Les rénovations de ce type exigent des capitaux, et je ne suis pas en train de dire que nous devons offrir 100 000 $ pour chaque demeure qui sera réaménagée; cela coûterait trop cher. Toutefois, nous pouvons encourager les marchés financiers à avancer de l’argent pour ces réaménagements énergétiques majeurs.

Le sénateur Patterson : Comment?

M. Dunsky : Il y a un certain nombre de moyens que nous pouvons prendre pour y arriver. L’un d’eux consisterait à travailler avec la Banque de l’infrastructure du Canada. La Banque de l’infrastructure a la possibilité de mettre de côté une petite partie de son capital afin d’obtenir des capitaux du secteur privé et de concentrer ses efforts sur le réaménagement de nos vieilles maisons inefficaces et franchement souvent désagréables et froides.

C’est une occasion bien réelle de faire quelque chose. Nous sommes en train d’examiner cette possibilité au Québec. Cela s’est fait un peu partout aux États-Unis et j’espère vraiment que le Canada prendra lui aussi cette direction.

La présidente : Merci de votre témoignage éclairant et merci d’avoir répondu à nos questions. Nous vous en sommes très reconnaissants.

M. Dunsky : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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