Aller au contenu
ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 40 - Témoignages du 22 mars 2018


OTTAWA, le jeudi 22 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 h 2, afin d’étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, puis à huis clos, afin d’étudier une ébauche de rapport.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

[Français]

Je m’appelle Rosa Galvez, je représente le Québec au Sénat et je suis présidente de ce comité.

J’inviterais maintenant les autres sénateurs autour de la table à se présenter.

Le sénateur Mockler : Sénateur Percy Mockler, de Saint-Léonard, au Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, Colombie-Britannique.

Le sénateur Richards : David Adam Richards, Nouveau-Brunswick.

La présidente : Je veux aussi vous présenter la greffière et les analystes du comité.

[Français]

En mars 2016, le comité a entamé son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le comité s’intéresse à cinq secteurs qui, ensemble, sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre, soit l’électricité, les transports, le pétrole et le gaz, les industries tributaires du commerce et à forte intensité d’émission et les bâtiments.

[Traduction]

Nous recevons aujourd’hui M. Stuart Galloway, chef de la direction de l’Association canadienne des entreprises de services énergétiques.

Merci beaucoup, monsieur, de vous joindre à nous. Je vous invite à nous faire part de votre déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions et réponses.

Stuart Galloway, chef de la direction, Association canadienne des entreprises de services énergétiques : Merci beaucoup pour l’invitation. Cette table me rappelle mes repas à l’école, il y a longtemps. Je crois bien pouvoir tous vous reconnaître malgré la distance.

Je m’appelle Stuart Galloway et je représente l’Association canadienne des entreprises de services énergétiques. Je veux vous parler aujourd’hui des marchés de services écoénergétiques et, compte tenu de votre mandat, de leur contribution à la réduction des émissions de carbone dans nos collectivités.

Je présume que vous en avez tous une copie devant vous. J’y ai inclus des notes supplémentaires que vous pourrez lire à votre convenance. Je ne les passerai pas toutes en revue, mais cela devrait permettre de mettre les choses en contexte.

Je vais d’abord vous présenter brièvement l’ESAC, ou l’Association canadienne des entreprises de services énergétiques.

Je vais ensuite vous parler des marchés de services écoénergétiques, de leur fonctionnement, de leur structure et de quelques-uns de leurs avantages. J’aurai également quelques recommandations pour le comité, puis nous aurons finalement environ 35 minutes pour vos questions, auxquelles j’espère pouvoir répondre.

L’ESAC, une association mutuelle sans but lucratif, a été constituée en personne morale en 2010. Vous trouverez sur la diapositive les six membres fondateurs, qui, aidés d’autres membres, représentent environ 90 p. 100 de l’industrie au Canada. Ces 90 p. 100 de l’industrie équivalent à 300 millions de dollars par année pour l’économie canadienne.

Je dirais que pour ce qui est des marchés de services écoénergétiques et des projets de modernisation, ce chiffre pourrait grimper à quelques milliards de dollars, et le devrait peut-être.

Je vais vous donner un aperçu assez général d’un marché de services écoénergétiques. J’ai inclus un extrait qui offre un bon résumé et que j’utilise souvent. Il est tiré de l’Initiative des bâtiments fédéraux de RNCan, qui fait également la promotion de ce type de contrats.

Je ne vais pas le lire en entier, mais c’est essentiellement une entente de partenariat public-privé entre une organisation cliente et une entreprise de services énergétiques. Le marché consiste en gros à assurer des projets d’amélioration énergétique s’échelonnant sur une période donnée.

Qu’est-ce que cela signifie, au juste? Au nom du client, l’entreprise va d’abord effectuer un examen exhaustif de l’ensemble des installations qu’on aura déterminées en fonction des besoins du client.

Une fois l’examen de l’ensemble des installations terminé, l’entreprise pourra proposer un programme au client, et tous deux étudieront ce qui constitue la base des améliorations écoénergétiques. Nous avons toutefois constaté au fil du temps que la technologie s’est adaptée, évidemment, et que le point de mire est ailleurs. D’autres éléments entrent maintenant en jeu, comme les sources d’énergie renouvelable, la décentralisation de la production énergétique, la conservation de l’eau, ainsi que les matériaux et les opérations durables et l’entretien.

Depuis sa création à la fin des années 1980, le programme a ainsi évolué au rythme des avancées technologiques et des nouvelles normes de confort.

Le transfert des risques par le truchement d’une garantie d’économies en matière de rendement est ce qui distingue ce type de marchés.

Une telle garantie envoie le message au secteur privé qu’il a intérêt à joindre l’acte à la parole s’il promet que les économies découlant du projet suffiront à rembourser son financement. Dans l’éventualité où les économies promises ne sont jamais réalisées, le secteur privé sera alors tenu de faire un chèque pour couvrir la différence. C’est ce qui distingue principalement un marché de services écoénergétiques et un programme plus traditionnel d’amélioration énergétique.

Je vais revenir sur l’importance de cette distinction dans un instant, quand il sera question du financement en tant que tel.

Pour une entreprise de services écoénergétiques (ESÉ), peu importe qui finance le projet, en fait. Pour un programme du secteur public, c’est probablement la moitié des entités publiques qui se chargeront de trouver le capital, en puisant dans leurs réserves ou en recourant à son propre marché d’obligations.

L’autre moitié demandera au secteur privé de trouver le financement pour elle. L’ESÉ va alors solliciter les fonds communs de placement, les caisses de retraite, pour financer le projet.

Les ESÉ n’ont pas de parti pris pour ce qui est du mode de financement; elles n’en tirent pas profit, elles ne font qu’en assurer la gestion. Quand je travaillais comme consultant pour le secteur public, je recommandais toujours de confier le financement au secteur privé. Il y a deux raisons à cela. Premièrement, il y a la gestion du risque. Si on dégage le secteur privé des garanties d’économies en matière de rendement, et qu’on lui confie le financement, le secteur public veut éviter d’être pris au dépourvu si jamais il y a des manques.

Il est à noter quand même que, depuis la fin des années 1980, seulement cinq ou six projets ont pu entraîner des manques à gagner. C’est peu, puisque des centaines de projets ont été menés à bien, mais il faut toujours se parer au pire.

Deuxièmement — et je parle encore du transfert des risques au secteur privé —, si le secteur public emprunte cet argent, le montant figure sur son bilan. Mais s’il confie le financement au secteur privé, il peut générer un coût de renonciation. Puisque le montant ne figure pas sur son bilan, le secteur public a plus de marge de manœuvre pour emprunter du capital en supplément du projet ou mener des initiatives connexes, ou encore financer le développement d’une autre infrastructure. Cela donne donc plus de liberté au secteur public de confier le financement au secteur privé.

Le projet s’articule autour de la garantie d’économies en matière de rendement, une notion qui existe depuis la fin des années 1980. Nous avons cependant changé certains paramètres et le mode de financement, et intégré de nouvelles technologies. C’est ce qui est différent.

À la page suivante, vous trouverez un schéma illustrant comment on génère le financement. Je me plais à dire que ce n’est pas à partir de l’argent que vous avez, mais plutôt à partir de l’argent que vous n’avez pas. C’est l’argent promis aux fournisseurs d’énergie, des factures qu’il faut payer de toute façon.

L’ESÉ retenue propose de nouvelles technologies, qui vont permettre de réduire la facture d’énergie. La réduction prévue est appliquée sur 5, 10 ou 15 ans, et on détermine les économies attendues en fonction de la valeur nette actuelle.

La somme ainsi obtenue peut servir à financer les technologies à implanter. Pour vous donner un exemple très simple, je pourrais décider de changer mes ampoules électriques. C’est une dépense que je pourrai récupérer plus tard grâce aux économies projetées.

C’est ce qu’on appelle le financement sans recours. Donc, en confiant le financement au secteur privé et en recourant au marché d’obligations, le prêteur va garantir les économies projetées. Les fonds publics sont ainsi protégés et peuvent être versés à l’organisation cliente ou à l’ESÉ pour réaliser les travaux.

Les travaux vont aussi permettre des économies supplémentaires, puisqu’il en résultera une diminution de l’entretien, des remplacements des appareils au terme de leur cycle de vie, et des coûts opérationnels.

De plus, puisqu’il s’agit d’une nouvelle technologie, il sera possible de faire rapport des économies réalisées, de même que faire le suivi par rapport aux cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Tout cela peut faire partie du contrat en cours.

Au terme du contrat, la totalité des économies va à l’organisation cliente. Donc, c’est elle qui garde tous les surplus.

Pour revenir à mon slogan, « Pas à partir de l’argent que vous avez, mais plutôt à partir de l’argent que vous n’avez pas », il importe de préciser que ce n’est pas non plus à partir de la dette financée par les contribuables. Il s’agit de l’argent déjà promis aux fournisseurs de services énergétiques.

Le deuxième schéma, à la page suivante, est tiré directement du rapport de RNCan. C’est une image éloquente, qui illustre les choses un peu différemment. Dans le coin supérieur droit, on voit qu’une fois le contrat terminé, l’organisation cliente récolte la totalité des économies réalisées.

À la page suivante, vous avez les principaux avantages des marchés de services écoénergétiques.

Généralement, on oublie ou néglige de mesurer les économies. Avec ce type de marchés, parce qu’une garantie d’économies énergétiques s’y rattache, les mesures et vérifications effectuées tout au long du contrat permettent de voir les avantages. Cela donne ainsi un bon portrait de la situation. Il est possible de savoir si le secteur privé a réussi à tenir ses promesses.

Normalement, pour un immeuble comme celui-ci, ou un immeuble de bureaux, une école ou un hôpital, on constate des économies de 22 à 25 p. 100 par rapport aux dépenses actuelles en services énergétiques.

Le pourcentage est plus élevé pour certains projets, alors si on regroupe différents projets et qu’on adopte de nouvelles technologies de production d’énergie, les économies vont grimper. De la même façon, quand on modernise l’éclairage de rue, les économies sont de l’ordre de 60 p. 100, car la technologie en question est assez simple.

La nature du partenariat, qui est établi à long terme, incite le secteur privé à travailler avec le secteur public, et à implanter de nouvelles technologies pour générer des économies supplémentaires. La propriété et la responsabilité reviennent tout de même au secteur public, qui peut décider d’aller de l’avant ou non, mais le risque que comporte la mise en œuvre d’une nouvelle initiative est transféré au secteur privé.

Ce mode de financement permet aux organisations de tirer profit des nouvelles technologies et des économies supplémentaires qu’elles génèrent afin d’effectuer les réparations en attente, ou encore d’entreprendre des projets pour lesquels elles n’ont peut-être pas les fonds en réserve. Il peut s’agir de la fenestration, de la toiture ou de l’enveloppe du bâtiment, des projets à vocation écoénergétique, mais qui ont des avantages à beaucoup plus long terme. En les combinant à des technologies plus écoénergétiques, le tout devient plus abordable.

Il s’agit d’un projet clé en main et donc de la passation d’un contrat avec une ESÉ, qui sera responsable et assumera tous les risques associés à la coordination du projet, à sa gestion, à sa conception et à sa mise en œuvre. Comme je l’ai dit plus tôt, si l’entreprise se trompe, c’est elle qui en subira les conséquences puisqu’elle est responsable du financement. Le secteur public ne participe pas au financement et l’ESÉ se charge des échanges avec la banque. Autrement, le financement passe par le secteur public et l’entreprise est tout de même responsable du paiement.

Comme l’analyse comparative est menée au début du projet, on peut aussi voir le produit. C’est ce qui est le plus efficace. De façon plus importante, lorsque nous tentons de mesurer et de consigner les économies — l’efficacité énergétique et, de manière plus importante, les GES — cela nous permet de le faire parce que les entreprises y sont tenues. Elles ne peuvent pas décider de changer l’orientation budgétaire. Les fonds y sont déjà consacrés. Cela doit également se retrouver dans le rapport.

Ce qui est ironique avec un marché comme celui-là, c’est que plus les coûts de la consommation d’énergie augmentent au fil du temps, plus l’optimisation des ressources est accrue pour nous, le secteur public, lorsque nous mettons en œuvre un tel contrat parce que plus les économies sont importantes et plus le coût de l’énergie augmente, plus nous optimisons nos ressources. Nous nous protégeons contre le futur coût de l’énergie et contre l’augmentation des coûts associés aux services publics.

Ma dernière diapositive vise des recommandations. Ce que je dis, tant pour le fédéral que pour le provincial, c’est qu’il faut que les gens se centrent davantage sur le portefeuille, qui comporte plusieurs éléments. Souvent, les gens font une planification « immeuble par immeuble ». Ainsi, on perd de vue la stratégie et on perd de nombreux avantages. Lorsqu’on pense à une intégration verticale et horizontale pour un portefeuille, on commence à réaliser plus d’économies d’échelle. Lorsqu’on veut attirer plus d’économies d’échelle, on se concentre moins sur l’efficacité énergétique et on peut se concentrer davantage sur les GES et sur les réductions.

Si l’on réalise de plus grands projets et que l’on réduit davantage la consommation, on pourra alors davantage penser aux microréseaux et au stockage de l’énergie. Toutes ces mesures sont associées à une période de récupération plus longue et nécessitent d’imposantes injections de capitaux pour être lancées. Nous pouvons commencer par les intégrer aux contrats lorsque nous misons sur le portefeuille.

À mon avis, l’une des frustrations de l’industrie, c’est que nous n’arrivons pas à avoir l’attention de la haute direction, qui voit une planification « immeuble par immeuble » et qui considère cela comme une question de gestion des installations. Pourtant, la haute direction gère le budget; elle doit tenir compte de ces éléments. Elle ne tient pas compte de la stratégie de l’organisation, qu’il s’agisse d’un conseil scolaire, du MDN ou peu importe. Elle ne tient pas compte de tous les éléments; elle voit chaque immeuble comme une entité distincte.

Lorsqu’on mise sur le portefeuille, alors la haute direction commence à porter attention au projet, à le surveiller et à voir les avantages qu’il peut générer dans l’ensemble du portefeuille.

Bien sûr, plus le projet est grand, plus les modalités de financement seront intéressantes : plus on emprunte d’argent, moins les frais seront élevés. Aussi, de nouveaux joueurs feront leur entrée sur le marché. À l’heure actuelle, le marché est là. Il grandit, mais il est encore relativement petit, surtout lorsqu’on le compare à l’industrie des PPP, par exemple.

Je vais passer au jumelage des fonds du gouvernement. À l’heure actuelle, on offre certains programmes, mais il y a beaucoup de subventions simples. J’ai fait référence aux 200 millions de dollars tirés du système de plafonnement et d’échange, qui ont servi à réaliser des projets d’efficacité énergétique pour les écoles de l’Ontario et du Québec. Bien que ce soit admirable, on parle plutôt de 740 millions de dollars.

Il n’y a pas de vraie mesure en place ni de manière évidente de mesurer comment on dépensera ces fonds. Tout ce qu’on dit, c’est : « Nous avons élaboré des programmes d’efficacité énergétique et nous y avons injecté des fonds. » On ne pourrait pas vraiment savoir si ces programmes nous permettront d’atteindre nos objectifs en matière de réduction des GES.

Lorsqu’on commencera à jumeler les fonds, alors on aura l’attention de la haute direction, mais elle devra aussi préparer des rapports, parce qu’elle donnera de son argent. Par conséquent, elle fera état de la façon dont elle a dépensé son argent au lieu de dépenser l’argent des autres, qui vient du centre.

En ce qui a trait aux exigences en matière de vérification, lorsqu’on pense aux partenariats public-privé, aux projets de PPP — toutes les nouvelles constructions de 80 millions de dollars ou 100 millions de dollars et plus —, la vérification est obligatoire. Nous n’avons rien de tel en place ici au Canada. Dans la plupart des États américains, tous les grands projets de modernisation doivent faire l’objet d’une vérification relative à l’optimisation des ressources en ce qui a trait au contrat de services écoénergétiques.

Ironiquement, ici au Canada, ce n’est qu’en Alberta qu’on doit procéder à une vérification dans le cadre des grands projets de modernisation énergétique, et seulement pour les écoles. Cela n’existe pas ailleurs au Canada. Si nous appliquions ce programme de vérification à l’échelle du pays, alors il y aurait une certaine reddition de comptes; nous pourrions produire des rapports et mesurer les progrès de manière appropriée, parce qu’on procèderait également à une vérification une fois le projet terminé. Nous forcerions également les gens à voir au-delà du projet en soi et à tenir compte du cycle de vie complet de la propriété ou de l’installation.

Le dernier point est plutôt inusité; c’est mon idée, en fait. Je crois que nous devrions faire participer le CNRC. À l’heure actuelle, on procède de deux façons : soit le secteur privé réalise ses propres mesures et vérifications puis le secteur public procède à une vérification périodique pour s’assurer que le secteur privé dit la vérité et fait bien rapport de ses activités; soit le secteur public engage un tiers qui surveillera et mesurera les projets des ESÉ, aux frais du secteur public.

Si nous comptons la participation du CNRC, nous pourrons alors miser sur des mesures et des vérifications effectuées par un tiers indépendant, tout au long du projet. De plus, étant donné la nature du CNRC, nous pourrons compter sur une analyse comparative pertinente qui pourra être utilisée partout au Canada, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, pour les projets futurs.

Le CNRC attirera également des fonds supplémentaires. Par sa nature, il attire une autre échelle et une autre source de financement pour l’industrie.

Enfin, le CNRC offre une très bonne plateforme, en raison de sa nature. Les entreprises l’utilisent à titre de plateforme pour mettre à l’essai les nouvelles technologies. Ensuite, les trois parties travaillent ensemble pour créer un banc d’essai pour ces nouvelles technologies. Ironiquement, c’est le secteur privé qui assume les risques associés au rendement.

J’ai quelque peu dépassé le temps qui m’était accordé. Voilà qui conclut mon exposé. Je vous remercie.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Galloway. Vous abordez un sujet très important et très intéressant. La plupart du temps, lorsqu’on parle de réaménagement et de rénovation, il est toujours question des coûts et de qui règlera la facture. Toutefois, je crois qu’on peut réaliser des gains à long terme et c’est ce que vous nous expliquez.

Pour le bien des membres du comité, pourriez-vous rapidement nous donner un exemple et nous présenter les diverses étapes pour que nous ayons une meilleure idée?

M. Galloway : L’exemple d’un immeuble ou d’un contrat?

La présidente : D’un immeuble.

M. Galloway : Prenons le projet de rénovation d’une école. Le secteur privé participera par l’entremise d’un processus de passation de marchés publics, une demande de propositions. L’entreprise choisie procèdera à une vérification complète de l’école. Elle passera l’école en revue, désignera les appareils de chauffage et les piscines, le cas échéant, et déterminera les façons de réaliser des économies d’énergie en tenant compte du fait que les derniers investissements remontent à 20 ou 30 ans. La technologie a beaucoup changé depuis… Je pense par exemple aux systèmes de gestion des immeubles.

De plus, selon la portée du projet, l’entreprise jettera aussi un coup d’œil à l’enveloppe générale… À l’isolation de l’immeuble, par exemple. Selon la région et les objectifs de la municipalité, l’entreprise pourrait également tenir compte de la production d’électricité, de l’énergie solaire et des microréseaux.

Après cela, l’entreprise s’assoit avec l’organisation cliente : l’école. Si le projet vise une seule école, alors elle négocie avec le gestionnaire de l’immeuble. Ensemble, ils décideront de l’ampleur des travaux qui seront réalisés. Ils dresseront une liste de toutes les économies qui pourront être réalisées et des façons de réaliser ces économies.

Ensuite, l’entreprise recommandera une méthode de remboursement. Si l’on prend les lumières DEL, par exemple, on rembourse les investissements en capitaux en deux ans, environ. Si les rénovations sont de plus grande envergure, il faudra peut-être 10 à 15 ans. En règle générale, le gestionnaire de l’immeuble réduira cela au minimum… Cinq ans. Le gestionnaire de portefeuille aura une vision à long terme et pensera à 10 ou 15 ans. C’est la principale différence.

Lorsqu’on aura déterminé la portée du projet, l’entreprise du secteur privé procèdera aux changements. Elle effectuera un suivi et présentera des rapports régulièrement, selon la demande du client, sur l’évolution du projet. Elle pourra le faire à deux ou trois reprises, ou tout au long du contrat.

Encore une fois, selon la liste des choses à faire, on peut exploiter et entretenir les appareils, mais ce n’est habituellement pas le souhait du secteur public, principalement en raison des syndicats, qui ne veulent pas prendre cet engagement. Or, lorsqu’un tel engagement est pris, les syndicats comprennent qu’il n’est pas question d’emplois, mais bien d’un changement, parce que le profil des employés change légèrement. Cela n’est pas toujours le cas, cependant.

Le projet sera mené à terme. On continuera à mesurer les économies, qui serviront à rembourser le prêt contracté, qu’il s’agisse du secteur privé ou du secteur public. Lorsque le prêt sera remboursé, s’il s’agit d’un programme de cinq ans, alors le secteur public et le secteur privé se serrent la main et se disent au revoir, et le secteur public a le choix d’entretenir lui-même les appareils ou d’engager une autre entreprise du secteur privé — ou la même — pour réaliser un autre projet de rénovation énergétique. Mais après cela, il profite de toutes les économies.

La présidente : Merci beaucoup. C’est un très bon exemple.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur Galloway. J’ai une question très précise à vous poser. Dans l’exemple que vous venez de donner au sujet d’une école, diriez-vous que c’est le même processus si vous faites affaire avec un conseil scolaire qui a une trentaine d’écoles sous sa responsabilité?

Les coûts qu’on économise en énergie et qui financent les travaux représentent-ils des économies d’échelle? Plusieurs conseils scolaires pourraient décider de prendre toutes les écoles en même temps. Est-ce qu’on effectue les travaux dans une école à la fois? Est-ce que cela doit être planifié différemment?

[Traduction]

M. Galloway : Tout à fait. La société engagée doit être suffisamment grande pour élargir la portée d’un projet, parce qu’on ne peut pas faire 50 écoles d’un seul coup. Il faut réaliser un projet-pilote, ou ce que j’appelle un projet phare, parce que le terme « pilote » porte à croire qu’on rénovera un immeuble puis qu’on évaluera comment les choses se sont passées.

Les projets phares peuvent se chevaucher. Si l’on réalise un projet phare dans trois ou quatre écoles, on peut réaliser certaines économies d’échelle, mais on établira aussi les principes de financement pour les 50 autres écoles.

Alors qu’on lancera le projet dans certaines écoles et qu’on le terminera dans d’autres, il prendra beaucoup d’ampleur. On peut alors associer le projet à la gestion du portefeuille et travailler directement avec le conseil scolaire pour déterminer les écoles à fermer et celles qui en valent la peine. On peut donc établir un programme approprié. Le Conseil scolaire du district de Toronto entreprend un projet phare et le Conseil scolaire francophone de Toronto y songe également.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Cette même logique s’applique-t-elle à une municipalité qui a un ensemble d’immeubles à logements à prix modique qui datent tous d’un certain nombre de décennies? Donc, ce serait le même type de raisonnement pour une municipalité.

[Traduction]

M. Galloway : Tout à fait. Encore mieux : les municipalités doivent gérer de multiples portefeuilles de biens immobiliers. Par leur nature, les écoles tendent à être un peu plus dispersées, tandis que les biens immobiliers d’une municipalité se retrouvent dans une zone en particulier.

Par exemple, si l’on intègre un programme d’éclairage des rues à cela, alors on parle de villes intelligentes. Si l’on ajoute à cela des logements abordables et les biens immobiliers de la municipalité, alors on intègre des immeubles intelligents. On peut également songer à utiliser les microréseaux et d’autres formes de production d’électricité et avoir moins recours au réseau en réduisant la consommation d’énergie.

Ce regroupement permet plus d’innovation. C’est beaucoup mieux. Les villes de London et de Windsor se sont unies pour faire exactement cela. Elles tentent de mettre le projet sur pied avec l’un de nos membres. Si nous travaillons ensemble, nous allons pouvoir réaliser des économies d’échelle et ce sera parfait.

Le sénateur Neufeld : Nous vous remercions pour votre exposé, qui était fort intéressant. Je suis certain qu’il y a de nombreuses possibilités, surtout au gouvernement fédéral, puisqu’il est le plus important propriétaire d’immeubles au Canada. Certains de ces immeubles sont très anciens, alors il faudrait peut-être les démolir. Mais les possibilités sont nombreuses.

Y a-t-il des programmes du genre en cours au gouvernement? Est-ce que vous travaillez avec des ministères à cet égard?

M. Galloway : Je dirais que c’est le gouvernement fédéral qui ouvre la voie. J’ai parlé de RNCan et des équipes qui y travaillent. Excusez-moi, j’utilise le mauvais acronyme… Je parle toujours de TPSGC. C’est maintenant SPAC, autrefois Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Donc je comprends qu’on aménage l’immeuble de l’autre côté de la rue en vertu d’un contrat de services écoénergétiques?

Mais oui, tout à fait : le gouvernement fédéral ouvre la voie. Je pense aussi au MDN. Je crois qu’on tente de passer des marchés dans sept bases du MDN à cette fin. Encore une fois, pour revenir au point soulevé par la sénatrice Dupuis au sujet des municipalités, les bases du MDN sont comme des villes miniatures. C’est exactement ce qu’on tente de faire.

Le sénateur Neufeld : D’accord. Pourriez-vous transmettre à la greffière une liste des projets qui sont en cours et auxquels vous avez fait référence?

M. Galloway : Bien sûr.

Le sénateur Neufeld : Je ne m’attends pas à ce que vous les connaissiez tous par cœur, puisque vous dites qu’il y en a beaucoup. Dites-moi où ils sont réalisés et ce qui se passe. Où est-on passé à l’action? Dites-nous où se font les vraies constructions de sorte que nous puissions voir ce qui se passe.

M. Galloway : Tout à fait. Il y a des projets excitants en cours.

Le sénateur Neufeld : Je crois que cela nous serait utile.

Aussi, sur le plan personnel, j’ai changé toutes les ampoules de ma maison pour des ampoules DEL; pourriez-vous me dire quelle est la période de récupération pour cela? Est-ce un an, deux ans, trois ans? Six mois ou 20 ans?

M. Galloway : Je ne vais pas parler de votre maison, parce que je n’ai probablement même pas changé la moitié des ampoules de la mienne. Je n’ai donc pas encore joint le geste à la parole.

Le sénateur Neufeld : Vous devriez le faire.

M. Galloway : C’est vrai. Je viens du Yorkshire... Je ne ferais que jeter à la poubelle une ampoule qui fonctionne toujours.

Le sénateur Neufeld : Vous attendez qu’elle brûle.

M. Galloway : C’est exact. On dit que le fil de cuivre a été inventé par deux hommes du Yorkshire qui se battaient pour un sou. Je vais toutefois vous parler d’un projet d’éclairage des voies publiques. C’est la même chose que de changer les ampoules à incandescence pour des ampoules DEL. Dans sa forme la plus simple, le projet d’éclairage des voies publiques peut être payé en cinq à huit ans et lorsqu’on y pense, c’est beaucoup plus compliqué que de changer quelques ampoules dans votre maison.

Nous tentons de clore un projet, un PPP dans la ville de Vaughan, mais on avait réalisé une analyse de rentabilisation pour un contrat de services écoénergétiques et c’était cinq à huit ans pour le changement des ampoules. Je dis cinq à huit ans parce qu’il y avait d’autres éléments à prendre en compte. Pour les ampoules DEL, c’était plutôt cinq ans si le socle de fixation n’était pas à changer.

Le sénateur Neufeld : La raison pour laquelle cela m’intéresse, c’est que nous avons beaucoup entendu parler des ampoules en tire-bouchon. Lorsqu’elles sont apparues sur le marché, on avait l’impression que le monde allait changer. On nous disait qu’elles dureraient pour toujours. Or, elles brûlent aussi rapidement que les ampoules à incandescence, si ce n’est plus rapidement, et il est plus dangereux de s’en débarrasser. Il ne faut pas toujours croire tout ce qu’on dit.

M. Galloway : Vous soulevez un bon point. Lorsqu’on pense au recyclage, c’est beaucoup mieux pour l’avenir également.

Le sénateur Richards : Nous vous remercions de votre présence.

Y a-t-il d’autres pays qui travaillent en collaboration avec le secteur privé de cette façon? Avez-vous des modèles sur lesquels vous pouvez miser pour aller de l’avant?

Quelles sont les vraies économies prévues si les codes des bâtiments changent tous les cinq ou six ans? On implante de nouveaux codes, qui sont associés à de nouveaux règlements fédéraux.

On mise toujours sur l’énergie du carbone, n’est-ce pas? Je veux dire, la plupart de ces immeubles miseront toujours en grande partie sur le gaz et le pétrole. Il y aura peut-être un peu d’énergie solaire. J’essaie de comprendre comment cela va changer les choses.

De plus, lorsque les choses ne se passeront pas bien avec le secteur privé, on commencera à faire marche arrière avec ces prêts, parce que c’est ce qui arrive. On va jeter le blâme sur le gouvernement fédéral, parce que c’est ce qui arrive. C’est très bien en théorie, mais cela n’a pas été prouvé de façon empirique. Pourriez-vous nous parler de ce que font les autres pays et de leur manière de procéder?

M. Galloway : Je peux vous dire que cela se passe partout dans le monde, tant en Extrême-Orient qu’au Royaume-Uni — avec mon accent, vous deviez vous en douter — et en Europe. Les États-Unis le font aussi. Au Canada, on le fait depuis la fin des années 1980. Ce n’est rien de nouveau. Je suis désolé, monsieur le sénateur, mais nous avons des preuves empiriques de ces économies.

Les économies ont augmenté au fil du temps parce que nos technologies ont changé. Revenons à ces vieilles ampoules de remplacement : nous avons maintenant les ampoules DEL. La technologie évolue et nous permet de réaliser plus d’économies.

En ce qui a trait aux codes et règlements, plus ils seront sévères, plus ces projets seront importants. L’idée, c’est que les immeubles respectent le code. En améliorant ainsi les immeubles, on réalise plus d’économies. C’est ce que visent les normes de construction relatives à l’isolation. À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas le faire sans puiser dans les réserves de capitaux, ce que nous n’avons pas, comme vous le savez.

Pour le gaz et le pétrole, vous avez tout à fait raison. Nous réduisons la consommation de façon générale. C’est l’idée derrière le projet. Ce que nous essayons de faire avec l’industrie et le secteur public, c’est de penser plus grand pour pouvoir entreprendre le projet. Personne ne pense aux objectifs en matière de réduction des GES. Lorsque les gens songent à ces projets, ils veulent économiser de l’argent. Ils ne pensent qu’à un seul immeuble à la fois. C’est là leur responsabilité. Ce sont leurs catalyseurs.

Nous tentons constamment de leur faire voir plus haut, de leur dire : « Nous avons ces objectifs pour 2020, 2030 et 2050. Il faut faire les choses différemment et plus intelligemment. » En réduisant la consommation d’énergie, nous pouvons commencer à ajuster notre production énergétique. C’est ainsi qu’on commencera à réduire les émissions de GES.

Le sénateur Richards : J’aimerais apporter une précision, rapidement. Lorsque j’ai parlé de preuves théoriques et non empiriques, je ne parlais pas des codes du bâtiment et des immeubles. Je parlais de l’idée générale et de la stratégie globale en matière de réchauffement climatique. C’est à cela que je faisais référence. C’est un autre problème. Je tenais à le préciser. Merci beaucoup.

M. Galloway : Je n’ai pas abordé la question des manquements aux prêts.

Le sénateur Richards : Nous en parlerons une autre fois.

M. Galloway : C’est de l’argent direct, dans le bilan. C’est une bonne chose.

La présidente : Il nous reste deux minutes.

Le sénateur Mockler : Nous vous remercions de votre exposé. Quelle est la région du Canada la plus intelligente, celle qui a le plus grand nombre d’immeubles intelligents?

Le sénateur Neufeld : Je peux répondre à cette question.

M. Galloway : Est-il possible de ne pas répondre à cette question sur cette tribune?

Bien sûr, je viens à Ottawa et je suis étourdi parce que le monde tourne autour de Toronto. Donc, l’Ontario est le plus grand marché pour ce type de contrat d’économie d’énergie au Canada. Je dois toutefois dire — pour les sénateurs qui représentent le Québec — que le Québec fait très bonne figure. En fait, le Québec est la seule province à soutenir ce type de contrat. Sa structure contractuelle est légèrement différente et la province travaille à l’améliorer en collaboration avec le Trésor, mais le Québec a accepté ce type de contrat. Il ne l’exige pas, mais l’encourage. Il semble très bien réussir.

L’Ontario semble être de loin le plus important marché. Il y a eu quelques complications avec la mise en œuvre en Colombie-Britannique, et la province travaille à régler le problème. L’Alberta est un marché en plein essor.

Le sénateur Mockler : Merci.

La présidente : Monsieur Galloway, nous vous remercions de votre témoignage et d’avoir répondu à nos questions. Nous vous en sommes très reconnaissants.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page