Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule nº 41 - Témoignages du 27 mars 2018
OTTAWA, le mardi 27 mars 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 17 h 38, pour étudier les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone.
La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonsoir. Soyez les bienvenus à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je me nomme Rosa Galvez, sénatrice du Québec et présidente du comité.
Je tiens d’abord à présenter mes excuses à notre invitée pour notre retard. Un motif supérieur nous a retenus au Sénat.
Chers collègues, je vous demande de bien vouloir vous présenter.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Paul J. Massicotte, de Montréal.
La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La présidente : J’aimerais également vous présenter le personnel du comité : notre greffière, Maxime Fortin, et nos analystes de la Bibliothèque du Parlement, Sam Banks et Jesse Good.
En mars 2016, le comité a entamé son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone. Le comité s’intéresse à cinq secteurs qui, ensemble, sont responsables de plus de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre au Canada, soit l’électricité, les transports, le pétrole et le gaz, les industries de distribution et de commerce et à forte intensité d’émissions, et les bâtiments.
[Traduction]
Aujourd’hui, nous souhaitons la bienvenue, par vidéoconférence, aux représentantes de la Ville de Halifax : la gestionnaire du programme de l’énergie et de l’environnement, Planification et développement, Mme Shannon Miedema, et la directrice générale des relations gouvernementales et affaires extérieures, Mme Maggie MacDonald.
Merci d’être avec nous. Je vous invite à faire votre déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions.
Shannon Miedema, gestionnaire du programme de l’énergie et de l’environnement, Planification et développement, Ville de Halifax : Merci beaucoup de nous avoir invitées à témoigner. Je suis très heureuse de représenter la municipalité régionale de Halifax et de discuter du rôle essentiel des municipalités dans la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone.
Halifax se distingue par le fait que la moitié de la population de la Nouvelle-Écosse l’habite et parce qu’elle est aussi étendue que l’Île-du-Prince-Édouard. Même si la plupart de près du demi-million de nos habitants vivent dans notre région métropolitaine, nous sommes aussi la circonscription rurale la plus étendue de la province et la plus populeuse aussi. Ces caractéristiques et le fait d’être la métropole du Canada atlantique nous permettent de tester des politiques, des programmes et des techniques innovantes en vue de leur répétition et de leur extrapolation ailleurs.
Partout dans le monde, le changement climatique et des épisodes météorologiques paroxysmiques frappent des collectivités, et, même si les villes sont à l’origine de plus de 70 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre du secteur de l’énergie, d’ordinaire elles influent directement sur moins de 5 p. 100 de ces émissions. Ville côtière dotée d’un des ports les plus profonds du monde et libre de glaces, Halifax a connu, ces dernières années, plusieurs épisodes météorologiques graves. Nous sommes déterminés à réduire nos émissions et prêts à nous adapter au changement climatique.
Depuis qu’elle a participé à la fondation du Club des 20 p. 100 de la Fédération canadienne des municipalités, en 1997, devenu maintenant la Campagne des villes pour la protection du climat, Halifax a travaillé en amont à l’élaboration de programmes, de mesures réglementaires, de plans et de politiques pour favoriser sa transition et celle de la collectivité vers la réduction de leur empreinte carbone et une plus grande adaptabilité.
Notre stratégie de planification municipale régionale de 2014 est à la base de ces efforts. En effet, elle s’est directement attaquée au changement climatique par des plans d’énergie communautaire et notre plan municipal de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’atténuation du changement climatique est également un objectif indirect de nombreux autres plans comme ceux du Réseau vert de Halifax, de mobilité intégrée et notre plan directeur de forêt urbaine.
Outre sa participation dans Partenaires pour la protection du climat, Halifax fait partie de la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie, de l’initiative des villes appelée Projet de divulgation des émissions de carbone et de l’accord sur le changement climatique de Calgary. Nous construisons régulièrement nos immeubles municipaux selon au moins la norme argent de LEED, en y intégrant beaucoup de technologies qui emploient des énergies vertes et qui augmentent l’efficacité énergétique. Nous continuons d’améliorer et de rénover nos immeubles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Halifax est déterminée à collaborer avec notre communauté, d’autres ordres de gouvernement, l’industrie, les entreprises et les universités dans ce qui est vraisemblablement le plus grand défi mondial de notre temps. Nous sommes une ville riche en expertise, en innovation, en créativité et en détermination. Les autorités municipales sont agiles et peuvent enregistrer des gains importants, à coût relativement faible, dans l’atténuation. Que nous faut-il alors pour être plus efficaces? Une liste exhaustive des obstacles et des recommandations est jointe à notre mémoire, mais les deux que nous voudrions souligner ici sont un pouvoir législatif approprié, essentiel à l’action, et un soutien financier souple.
La Nouvelle-Écosse est l’une des dernières provinces à accorder aux municipalités les pouvoirs d’une personne physique. Souvent, les pouvoirs permettant aux municipalités d’atténuer le changement climatique grâce à des mesures d’efficacité énergétique, à l’innovation technologique ou à l’adoption de sources nouvelles d’énergie ne sont pas définis. Malgré ces limites, Halifax a consacré énormément de temps et d’énergie à la création de son programme primé de « ville solaire », qui aide les habitants à réduire leurs émissions de gaz carbonique et à profiter de l’énergie solaire pour le chauffage, l’électricité et l’eau chaude. À cette fin, elle a dû faire modifier sa charte municipale pour obtenir le pouvoir voulu pour exécuter un tel programme.
Jusqu’ici, le programme de « ville solaire » a permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble de la communauté d’environ 920 tonnes par année. Premier programme de son genre au Canada, il prend en charge la totalité des coûts initiaux d’installation du solaire encourus par les propriétaires fonciers et il les autorise à les rembourser en 10 ans, au taux d’intérêt de 4,75 p. 100. D’autres villes pourraient s’en inspirer, et on pourrait l’élargir à d’autres énergies renouvelables.
Le flou des pouvoirs et le manque d’argent sont les obstacles à vaincre par les municipalités désireuses d’appliquer un programme semblable.
Toute augmentation des budgets municipaux consacrés à l’atténuation du changement climatique est de l’argent bien dépensé. Nous sommes des organisations publiques sérieuses, conscientes de leurs responsabilités financières, au courant, pour la plupart, de ce qui se passe dans la communauté. Des programmes de financement aux échéanciers et aux exigences souples pour le partage des coûts seront des plus utiles aux efforts des municipalités visant à réduire leur empreinte carbone. Des programmes dont les conditions d’admissibilité et les critères sont souples permettent aux municipalités de mettre sur pied des projets qui répondent le mieux aux besoins locaux, tout en atteignant les objectifs du programme de financement.
La plus grande partie du financement fédéral destiné actuellement à l’atténuation du changement climatique doit être négociée avec les provinces et les territoires à la faveur d’ententes bilatérales. Les négociations de la Nouvelle-Écosse, en cours, font que les municipalités ne pourront absolument pas puiser dans ces fonds considérables tant que les négociations n’auront pas abouti. Ces ententes doivent tenir compte du contexte municipal pour être efficaces, ce qui exige une véritable collaboration avec les autorités locales.
Le gouvernement fédéral pourrait aussi canaliser une plus grande proportion de son financement relatif au changement climatique par l’entremise de la Fédération canadienne des municipalités, ce qui permettrait d’influer davantage sur la structure de ces programmes de financement.
Le gouvernement fédéral pourrait aussi envisager des formules de financement qui ne s’inscrivent pas actuellement dans les cadres en vigueur des programmes de financement. Halifax est l’une des six villes canadiennes à avoir formé un partenariat pour demander un modèle absolument différent du financement fédéral pour l’atténuation du changement climatique. Avec Toronto, Ottawa, Montréal, Vancouver et Edmonton, elle demande des fonds pour créer des centres d’innovation pour les technologies à faibles émissions de carbone dans chacune des villes, à l’instar du modèle Atmospheric Fund de Toronto. Structuré comme une dotation, ce financement exercera un effet de levier sur les fonds fédéraux, grâce aux contributions des provinces, des municipalités et d’organismes philanthropiques. La proposition, soumise en février, demandait 161 millions de dollars, pour un objectif estimé de réductions annuelles des émissions de huit mégatonnes, d’ici 2030, au coût moyen de 20 $ la tonne.
Les municipalités sont désireuses de participer et sont capables d’agir rapidement et efficacement. Il leur suffit seulement de disposer des pouvoirs et des ressources convenables. Nous croyons que le gouvernement fédéral reconnaît le rôle essentiel des villes, aujourd’hui et demain, dans l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce phénomène, et nous sommes encouragés par beaucoup de mesures audacieuses et significatives qu’il a appliquées à cette fin.
Pour terminer, je vous remercie sincèrement de mobiliser les villes du Canada dans cette discussion importante, et nous avons hâte de voir la suite des choses.
La présidente : Merci beaucoup, madame Miedema.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Pouvez-vous nous fournir plus d’information au sujet de votre demande de financement dans un regroupement de municipalités de différentes tailles? Nous aimerions avoir une idée des différences entre les financements que vous demandez par rapport à ce qui existe à l’heure actuelle.
[Traduction]
Mme Miedema : La proposition et toute l’information sur cette demande innovante sont accessibles en ligne, et, dans notre mémoire, nous avons noté les coordonnées du site web. Je pense que c’est www.lc3.ca. Cette initiative a vraiment été lancée par l’Atmospheric Fund de Toronto, lequel a été incroyablement efficace dans la démonstration des initiatives, des programmes, des technologies d’atténuation, dans la réduction des risques qu’ils posent et dans leur extrapolation. La Ville de Toronto, le gouvernement de l’Ontario ou l’ensemble des développeurs ont fini par les adopter, en principe.
Ces actions ont vraiment eu beaucoup d’impact grâce à ce modèle de dotation, et, actuellement, ce modèle ne bénéficie d’aucune possibilité de financement fédéral. Mais nous croyons, d’après la recherche faite par ses promoteurs dans tout le pays, que si nous donnons cette chance aux villes, grâce à un investissement efficace et à l’effet de levier exercé sur les fonds fédéraux grâce à des fonds privés, nous pourrions être beaucoup plus efficaces et atteindre plus rapidement notre objectif de réduction des gaz à effet de serre fixé pour 2030.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Madame la présidente, est-ce qu’on pourrait demander ces documents et les distribuer aux membres du comité, s’il vous plaît?
La présidente : Nous pouvons en faire la demande, oui.
La sénatrice Dupuis : Merci.
[Traduction]
La présidente : J’ai deux questions. Expliquez un peu plus ce que vous avez dit tout à l’heure sur les extrêmes météorologiques qu’a connus Halifax et sur leurs conséquences, chiffres à l’appui, peut-être, sur les coûts encourus jusqu’ici pour les réparations ou l’atténuation de ces impacts.
Mme Miedema : À Halifax, l’un des pires phénomènes météorologiques récents a été l’ouragan Juan, en 2003. Nous pourrions vous communiquer nos chiffres sur son impact économique, que nous avons étudié.
En une nuit, nos cours d’eau ont débordé, et des vagues de tempête ont non seulement fait monter le niveau de la mer et la hauteur des marées, mais, en plus, elles ont frappé les collectivités et les terrains côtiers.
La fermeture d’entreprises et le manque d’électricité pendant cinq jours ont entraîné des dommages aux infrastructures et des coûts économiques; ce sont des problèmes que nous vivons assez régulièrement. Nous travaillons beaucoup à nous adapter, pour mieux nous préparer aux phénomènes actuels et à ceux que nous prévoyons pour l’avenir.
La présidente : Ma deuxième question concerne votre recommandation au gouvernement fédéral de canaliser une proportion plus grande du financement relatif au changement climatique par l’entremise de la Fédération canadienne des municipalités. Craignez-vous la dilapidation d’une partie de ces fonds avant qu’ils ne parviennent aux municipalités?
Mme Miedema : Non. Nous avons beaucoup confiance : la fédération saura défendre nos intérêts. Nous en avons actuellement contre les retards dans les négociations d’accords bilatéraux, qui menacent les réductions des émissions de gaz à effet de serre à atteindre d’ici 2030. Ces accords de financement ont un rôle et une place importante. Nous pensons que le financement traditionnel n’a pas réussi à s’adapter à la dynamique des rapports entre la province et l’État fédéral. Si le gouvernement fédéral pouvait mieux influer sur la destination de ce financement, tous en profiteraient grâce à l’atteinte de ces objectifs de réduction.
Le sénateur Massicotte : Merci de votre participation.
Ces derniers jours, le vérificateur général du Canada, en accord avec les vérificateurs de toutes les provinces qui y ont collaboré, a publié un rapport sur le changement climatique et a comparé les résultats de chaque province et du pays aux objectifs fixés il y a quelque temps.
Je dois dire que, dans l’ensemble, les résultats ne sont pas très encourageants; le rapport affirme bien clairement que nous sommes loin de les avoir atteints. Malgré les longues discussions sur la stratégie et l’atteinte des résultats, notre parcours n’est pas assez détaillé. Nous n’avons pas fixé d’objectif précis sur la façon de parvenir au but et nous ne mesurons pas les résultats. Les résultats sont faussement rassurants, mais ils ne sont absolument pas à la hauteur de la tâche à accomplir.
Je dois cependant ajouter que la Nouvelle-Écosse est en fait l’un des meilleurs élèves. De fait, le vérificateur général a fait remarquer que cette province — et non votre ville — a effectivement atteint la plus grande partie de ses objectifs, ce qui en fait une exception rare. Mais il précise aussi que la province les a atteints il y a quelques années et que, maintenant, aucun autre objectif ou aucun objectif complémentaire n’a été fixé.
Vous êtes une spécialiste des changements climatiques. La lecture de ce rapport, qui dit que nous n’y sommes pas du tout, est accablante. Tout le monde dit encore que nous atteindrons nos objectifs, mais, franchement, d’après ce que je lis, c’est absolument impossible.
On pourrait dire que le Canada est un petit pays et que ça n’aura pas d’importance, mais tout est important, parce que c’est un effort cumulatif que chacun fait pour atteindre ces objectifs. C’est planétaire. Ce n’est pas seulement Halifax ou la Nouvelle-Écosse, mais nous sommes tous dans la même galère.
Avez-vous des observations à ce sujet en votre qualité de spécialiste en la matière? Les faits et les observations de ces rapports, qui font douter de l’atteinte de nos objectifs, vous inquiètent-ils? Quel conseil donneriez-vous sur les actions à entreprendre et la voie à suivre?
Mme Miedema : Je crains beaucoup que nous ne puissions atteindre nos objectifs de 2030. Tout le monde prend des mesures prometteuses pour atteindre l’objectif, mais je suis d’accord avec le consensus selon lequel, le pays ou le globe ne pourront pas empêcher que le réchauffement ne dépasse 2 degrés Celsius.
Sur ce que nous pouvons faire, il semble que nous discutons, que nous planifions, que nous débloquons des fonds et que tout est assorti à un long échéancier. Nous, les municipalités, nous pouvons travailler un peu plus vite, simplement parce que nous sommes des organisations beaucoup plus petites que les provinces ou que l’État fédéral. Donc, tout ce qui peut être fait pour obtenir plus rapidement les fonds pour ces projets, pour les réaliser serait bénéfique. C’était, je pense, l’intention du Défi d’une économie à faibles émissions de carbone à l’annonce duquel nous avons assisté ici même, à Halifax, ce matin.
Les entraves que nous percevons sont plus détaillées que dans notre mémoire. Cependant, nous affrontons notamment un manque de données accessibles qui permettraient de calculer convenablement nos émissions de gaz à effet de serre à la grandeur de notre communauté, puis de fixer des objectifs et de mesurer les progrès dans leur atteinte. Nous savons que c’est une étape vraiment importante et que c’est un véritable obstacle pour la plupart des municipalités du Canada.
Le sénateur Massicotte : Nous sommes tous des gens raisonnables. La science des changements climatiques s’est scientifiquement révélée exacte à un haut degré de précision, et je ne crois pas qu’il y ait pénurie de connaissances sur ce que nous devons faire. Alors, pourquoi notre inaction? Est-ce parce que, sur le plan politique, certains réagiront négativement, d’où ces longs vœux pieux, pour ne pas offenser les Canadiens ni les gens de votre ville? Pourquoi ne sommes-nous pas des personnes raisonnables qui prennent des décisions raisonnables et qui s’appliquent à les concrétiser? Quelle est la raison de cette paralysie, d’après vous?
Mme Miedema : Quand je réfléchis à ce genre de questions, j’aime parfois me placer d’un point de vue psychologique ou d’un point de vue axé sur la nature humaine. Je comprends tout à fait votre démarche. Notre système économique étant ce qu’il est, la seule idée de le changer si radicalement, quand nous sommes si profondément ancrés dans nos habitudes, risque de vraiment dérouter les individus et les organisations.
L’histoire montre que nous nous mobilisons lentement tant que l’imminence de la catastrophe ne fait pas l’unanimité ou tant qu’il ne faut pas en réparer les dégâts, après coup. Malgré la prophétie sur le mur, encore beaucoup de Canadiens et d’autres êtres humains ne se donnent pas le temps de réfléchir à cette éventualité et à cette réalité. Ils ne comprennent pas vraiment et ne sont pas vraiment à l’aise de participer à la discussion.
Le sénateur Massicotte : Nous fixons un prix au carbone pour que toutes nos décisions quotidiennes en tiennent compte et pour que nous y réagissions. La fixation d’un vrai coût est-elle une partie importante de la solution, pour faire comprendre maintenant au consommateur ordinaire les conséquences indirectes de la consommation de CO2?
Mme Miedema : Oui. Je pense que tout ce qui influe sur le comportement humain et le comportement des consommateurs est un outil puissant. Dans notre mémoire, nous abordons les subventions, les dépenses du pays en subventions accordées aux carburants et combustibles fossiles, et les solutions à appliquer pour détourner une partie de ces subventions tout en maintenant la stabilité de l’économie et en la poussant — c’est-à-dire en consacrant notre argent à nos priorités, vers différentes solutions de rechange écologiques plutôt que de mettre toutes nos subventions dans le même panier, même pour l’expédition de biens et de services.
Le sénateur Massicotte : Merci.
La sénatrice Seidman : Mille fois merci d’être ici.
Vous avez parlé de votre « ville solaire » et dit que Halifax avait consacré beaucoup de temps et d’énergie à sa création et que le programme avait été primé. Vous avez aussi dit que vous croyez que d’autres villes pouvaient s’inspirer du programme, qu’on pouvait élargir à d’autres énergies renouvelables.
Étant donné la réussite de ce programme, je me demande si vous avez un protocole ou quelque chose, des pratiques exemplaires? Comment feriez-vous pour le propager dans d’autres villes qui pourraient s’en inspirer?
Mme Miedema : Nous n’avons pas vraiment de protocole pour les villes, mais nous avons discuté avec beaucoup de villes désireuses d’adopter le programme. Nous faisons de la recherche pour déterminer si c’est dans leur intérêt de le faire. Tout est accessible en ligne, cependant. La page d’accueil est www.halifax.ca/solarcity. Tout le processus, tous les documents, le spécimen de contrat et tout ce qui, dans le programme, s’adresse au public, tout ça s’y trouve.
Nous sommes toujours disposés à discuter avec les villes des mesures internes que nous avons prises pour concrétiser cette idée, et elles peuvent, si elles sont désireuses de donner suite à l’idée, d’inventorier les obstacles et leurs capacités. Nous ne sommes pas la seule municipalité qui devrait modifier sa charte pour le faire. Parfois, c’est un obstacle suffisamment rebutant pour les villes.
D’autres municipalités canadiennes réalisent actuellement des programmes semblables — par exemple le programme PACE, c’est-à-dire Property Assessed Clean Energy, ou énergie propre en fonction de l’évaluation foncière. Des organismes l’administrent pour le compte de municipalités. C’est un secteur qui, actuellement, est actif.
La sénatrice Seidman : Je sais que, par exemple, Montréal envisage sérieusement le train électrique pour le transport urbain; Québec privilégie aussi beaucoup cette solution.
Quel est, d’après vous, le critère de réussite que vous avez découvert? Vous avez parlé d’une entrave. Il peut y en avoir d’autres que vous voudriez mettre en relief, mais quelles ont été les principales causes de votre réussite, celle de votre ville, dans la réalisation de ce genre de projet?
Mme Miedema : Pour réussir, nous sommes parvenus à obtenir le pouvoir de le faire, puis nous avons œuvré, à l’interne, à toutes les étapes de l’acquisition — c’est-à-dire les finances, le juridique et mon bureau — avec tous les différents types de groupes pour structurer le programme, puis présenter convenablement l’information au public. Nous avons dû fixer avec soin le taux d’intérêt, parce que, comme toute municipalité, nous devons éponger les coûts d’emprunt et les coûts administratifs de notre programme. Voilà la raison d’être de ce taux. Actuellement, nous ne recevons aucun financement pour le programme de « ville solaire ». Au début, nous avons fait rouler un programme pilote, généreusement financé par la province et par la Fédération canadienne des municipalités, ce qui a permis d’éponger les coûts. Le programme, actuellement, est un programme triennal adopté et approuvé par le conseil municipal. Nous aspirons à la neutralité des coûts, mais, à ce chapitre, tout dépendra du nombre de participants au programme.
En fin de compte, ce programme pourrait entraîner des coûts pour la municipalité, mais nous avons pris cette décision en écoutant notre désir de promouvoir le solaire à l’échelle communautaire.
La sénatrice Seidman : Dans votre exposé, vous dites que les coûts initiaux d’installation du solaire pour les propriétaires fonciers sont couverts, qu’ils n’ont donc rien à débourser. Si vous n’avez pas les fonds, d’où vient l’argent pour prendre les coûts en charge?
Mme Miedema : Essentiellement, nous les finançons. Nous les prenons donc entièrement à notre charge pour le permis et l’installation. Nous faisons preuve de la diligence voulue pour protéger le propriétaire et nous apportons notre aide. Notre démarche est axée sur un marché ouvert, ce qui lui permet d’obtenir des devis des entrepreneurs, et nous couvrons la totalité des coûts. Les propriétaires concluent ensuite un contrat avec nous pour rembourser tout cet argent en 10 ans, au taux d’intérêt que j’ai dit. En fait, ce n’est pas nous qui payons. Tout est lié à la propriété foncière, et non au particulier, et la structure ressemble à celle de la taxe d’améliorations locales.
La sénatrice Seidman : Et ils sont tout à fait disposés à conclure un contrat comme une hypothèque, en quelque sorte, pour cette amélioration à leurs maisons? Vous dites qu’ils sont disposés à le faire?
Mme Miedema : Oui. Le mois qui se termine a été le plus occupé pour nous. Le coût moyen d’installation du solaire est de 16 000 à 18 000 $. C’est un gros montant à payer d’un coup. Voilà pourquoi nous avons privilégié cette solution. On ne les pénalise pas s’ils versent le plein montant d’un coup. Ils doivent le rembourser en 10 ans, et nous organisons des versements automatiques, préautorisés, bimensuels ou mensuels. Nous faisons vraiment preuve de souplesse. Ils peuvent rembourser le montant en moins d’un an s’ils le préfèrent. Notre formule permet de supprimer l’obstacle du coût initial.
La sénatrice Seidman : Merci. Excellent.
Le sénateur Wetston : Je suis désolé de mon retard, qui m’a empêché d’entendre votre exposé, mais je tenais à vous poser quelques questions. Je connais assez bien Halifax, comme le sénateur MacDonald le sait. Je me questionne un peu sur le réseau énergétique de quartier. J’aurais cru que ça présentait une belle occasion à saisir, à Halifax et que cette occasion aurait été valable pendant des années. En consultant rapidement vos observations, cependant, ça me semble encore en chantier, si vous me passez l’expression, peut-être que c’est plus avancé. Parlez-moi de ce qui se passe dans ce dossier. D’après moi, c’est un objectif facile à atteindre à Halifax, la pose de conduites et la circulation de l’eau. Avez-vous une opinion à ce sujet?
Mme Miedema : Je suis tout à fait d’accord. Nous nous y intéressons actuellement. La province vient de déposer un projet de loi visant à modifier notre charte pour nous permettre de réaliser l’énergie de quartier pour la réfection de l’échangeur Cogswell. Dans le centre-ville de Halifax, il se trouve un important échangeur, à proximité du port, construit dans les années 1970. On est en train de le démolir. On refait complètement le réseau routier. On y construira des édifices élevés. Ça présente vraiment une belle occasion pour la ville. C’est juste à côté de la station de traitement des eaux usées Harbour Solutions. Nous proposons d’employer la chaleur résiduaire produite par la station dans un complexe du secteur d’environ cinq immeubles. Mais nous devons pouvoir élaborer un règlement municipal pour exiger un branchement obligatoire qui rendra possible ce système. C’est ce que nous demandons à la province de nous accorder. La faisabilité a été démontrée, et nous attendons seulement que le processus aboutisse.
Le sénateur Wetston : Puis-je proposer l’idée que vous avez peut-être l’occasion de collaborer avec Dartmouth à ce projet aussi? Je ne demanderai pas de connaître la réaction du sénateur MacDonald. Ce serait peut-être une occasion à saisir. Je lance l’idée comme ça, bien sûr.
Je voulais vous questionner sur un deuxième sujet. J’ai remarqué que lorsque nous discutons de villes et de ce qu’elles doivent faire, essentiellement ça retombe sur leurs épaules. Le gouvernement fédéral et les provinces peuvent bien fixer des objectifs élevés et fournir de gros montants, pour leurs politiques, mais les municipalités doivent produire des résultats. Là réside la grande difficulté.
Ma question risque de vous paraître injuste. Dans ce cas, n’y répondez pas. Pensez-vous que le modèle de gouvernance des municipalités est assez robuste et assez moderne pour leur permettre de faire ce qu’il faut, dans le cadre actuel des autorités fédérales, provinciales et municipales? Je suis sûr que votre réponse, quelle qu’elle soit, ne mettra pas votre poste en danger.
Mme Miedema : Je suis certaine que nous serions beaucoup mieux préparés à faire ce que nous devons faire si la Loi sur les administrations municipales était révisée pour l’ensemble des municipalités dans les provinces et les territoires, car ces restrictions sont un des principaux obstacles qui nous empêchent d’être progressifs et dynamiques dans notre lutte contre les changements climatiques.
Le sénateur Wetston : Puis-je vous demander de me recommander ce que cela pourrait être? Bon, encore cet homme. Il s’appelle comment déjà? Je pense qu’on veut que j’arrête de parler. Quoi qu’il en soit, avez-vous une recommandation d’éventuelle modification? Si vous n’en avez pas, ce n’est pas grave. Je m’intéresse simplement à la façon dont la gouvernance fonctionne en raison de l’importance des municipalités dans notre système gouvernemental.
Mme Miedema : Oui. Donc, une chose que nous espérons obtenir en Nouvelle-Écosse est que les municipalités soient investies du statut de personne physique. Ce fut le cas des municipalités dans la plupart des provinces au pays, mais pas en Nouvelle-Écosse ni à l’Île-du-Prince-Édouard, je crois.
C’est plutôt que la porte est ouverte : vous pouvez travailler aux initiatives de lutte contre les changements climatiques et à d’autres initiatives environnementales, à moins qu’elles ne soient expressément exclues, tandis que, à l’heure actuelle, notre charte d’Halifax contient une liste de ce que nous pouvons faire. Les mesures sont limitées, car la charte a été créée bien avant les discussions sur les changements climatiques et l’environnement en général. Je pense donc que cette modification unique aurait une incidence importante dans ce cas.
Le sénateur Wetston : Merci.
La présidente : C’était une question très importante, sénateur Wetston.
Le sénateur MacDonald : Merci. Je ne m’attendais pas à parler de l’échangeur Cogswell aujourd’hui, mais je suis ravi qu’on l’ait mentionné, car c’est la question qui a retenu mon attention sur la feuille que j’ai devant moi.
Pour les membres du comité qui ne le savent pas, l’échangeur Cogswell est l’équivalent à Halifax de l’autoroute Gardiner à Toronto. Il s’agissait d’une initiative municipale qui devait être la voie de l’avenir et à laquelle nous devions tous pouvoir nous fier, mais, évidemment, c’est simplement devenu une horreur sur une route surélevée qui ne mène nulle part.
Je le mentionne pour vous rappeler que je ne crois pas toujours beaucoup à certaines des visions à long terme des municipalités, et l’échangeur Cogswell en est un exemple. Bien que le sénateur l’ait mentionné gentiment, je pense que la suggestion d’appliquer ce principe au port du côté de Dartmouth, ainsi qu’à Halifax, est pertinente. Je crois qu’on devrait insister davantage sur ce point.
Ma question porte sur la récupération de la chaleur résiduelle renouvelable dans ce projet. Il s’agit d’un terrain municipal. Je n’ai pas vu de configuration du redéveloppement et ce qu’on propose. Ce terrain municipal sera-t-il vendu ou loué à des promoteurs privés? Devront-ils souscrire au programme de récupération de la chaleur résiduelle renouvelable?
En tant que personne qui vit à proximité du port d’Halifax, j’aimerais qu’on prenne des mesures en ce qui concerne la récupération de la chaleur résiduelle. J’aimerais aussi qu’on prenne des mesures pour composer avec les eaux usées qui se déversent dans le port d’Halifax.
Mme Miedema : Oui, dans le cas du projet de système énergétique de district — il doit toujours être approuvé par notre conseil —, les bâtiments qui seraient construits dans ce secteur seraient tenus d’être branchés à ce système. C’est l’autorisation que nous demandons à la province de nous accorder. Le propriétaire du système serait probablement Halifax Water, qui est un service public réglementé par notre Commission des services publics et d’examen; il serait propriétaire et exploitant de ce système énergétique de district qui récupère la chaleur résiduelle.
La récupération de la chaleur résiduelle provenant d’une usine de traitement des eaux usées est une initiative sans précédent pour la Nouvelle-Écosse, mais on a mené des études de faisabilité, et le projet semble très prometteur.
En conséquence, si la charte nous autorise à le faire et que le projet est approuvé et mis en branle, nous pensons que ce serait un élément intéressant du projet de redéveloppement Cogswell. Si vous voulez jeter un coup d’œil à la vision pour ce projet, un plan conceptuel se trouve en ligne. Il comprend des facettes intéressantes, comme des espaces verts, des options d’infrastructure verte et des plaques tournantes du transport en commun, et je pense que ce sera vraiment un beau développement pour Halifax quand il sera en chantier.
Le sénateur MacDonald : En principe, je dois dire que j’aime l’idée. Puisque le terrain municipal serait développé par un promoteur privé, la municipalité nous assure-t-elle que tout investissement dans cette initiative de récupération de la chaleur résiduelle renouvelable serait uniquement privé et qu’il ne proviendrait pas des contribuables municipaux? L’a-t-on déterminé?
Mme Miedema : Oui, alors je pense que la Commission des services publics et d’examen doit réglementer cette chaleur résiduelle avec Halifax Water qui, quant à elle, doit respecter toute la réglementation concernant la protection des contribuables. En conséquence, la municipalité régionale d’Halifax en tant que telle ne participerait probablement pas à ce processus. Cela se ferait en collaboration avec Halifax Water, du moins, ce serait clairement l’intention.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’aimerais revenir sur le manque de données et le fait qu’elles sont souvent en retard de quelques années. Il y a de la documentation qui nous a été fournie par la Bibliothèque du Parlement et qui nous présente une ventilation des sources de chauffage en Nouvelle-Écosse : 45 p. 100 au mazout et 25 p. 100 au bois. Je dois dire que ce sont des données de 2015. La situation a pu changer. Pouvez-vous nous donner de l’information plus récente?
Ce sont des données pour l’ensemble de la Nouvelle-Écosse. Quelle proportion de ces dépenses relève d’Halifax? Autrement dit, la consommation de bois de chauffage est-elle plus grande ailleurs que dans la ville d’Halifax? Avez-vous des données à ce sujet?
[Traduction]
Mme Miedema : Juste pour préciser, avez-vous parlé de l’huile de chauffage et aussi de l’énergie éolienne?
La sénatrice Dupuis : Non, du bois.
Mme Miedema : Oh, du bois. D’accord. Je n’ai pas de chiffres précis pour Halifax. En règle générale, nous pensons que, pour ce qui concerne le chauffage domestique à la grandeur de la province, on utilise de l’huile de chauffage dans la moitié des cas et, pour l’autre moitié, on s’en remet à d’autres sources comme l’électricité, le bois et un peu de gaz naturel, mais pas trop. Je crois que la situation est semblable à Halifax. Cependant, je n’ai pas ces statistiques avec moi, désolée.
Le sénateur Wetston : Compte tenu de votre programme de ville solaire, vous l’avez peut-être mentionné, mais combien de propriétaires utilisent maintenant de l’énergie solaire à Halifax? Avez-vous des chiffres? Cette énergie pourrait aussi être utilisée au niveau commercial, mais elle semble l’être davantage du côté résidentiel. Avez-vous un chiffre?
Mme Miedema : Notre programme s’adresse uniquement au secteur résidentiel ou aux organisations sans but lucratif ou confessionnelles et, à ce jour, la plupart des installations ont été résidentielles. Je pense que nous avons plus de 60 ménages, du moins avec le programme actuel. Dans le cadre du projet pilote, je pense que nous avions près de 400 ménages.
Du côté des entreprises, nous avons placé des installations sur probablement 20 de nos bâtiments au moins, comme des casernes de pompiers, des centres communautaires, des salles de sport et des choses du genre.
Il y a aussi des gens qui installent des systèmes à énergie solaire sans faire appel à notre programme. Nous avons en fait créé un permis de façon à pouvoir réglementer la sécurité de la structure des toitures et faire le suivi du nombre d’installations solaires.
Le sénateur Wetston : Quelle est votre prévision? Qu’espérez-vous comme résultat?
Mme Miedema : Nous espérons que tout le monde passera à l’énergie solaire.
Non, à l’origine, je pense que le but était de convertir 450 maisons de plus à l’énergie solaire par l’intermédiaire du programme de trois ans. C’est assez ambitieux quand on songe aux coûts de l’installation photovoltaïque de 18 000 $, même avec le programme de financement. Et nous reconnaissons aussi que les taux d’intérêt sont vraiment bas en ce moment, et que 4,75 p. 100 est plutôt élevé. Nous n’exigeons pas de vérification du crédit, si bien qu’il y a divers éléments qui militent en faveur ou pas de la souscription à notre programme par rapport à celui d’une entreprise privée.
Nous observons une augmentation continue de la souscription à notre programme en ce moment, alors nous sommes excités.
Le sénateur Wetston : Merci.
La présidente : Merci beaucoup pour votre témoignage et vos réponses.
Les prochains témoignages que nous entendrons se feront aussi par vidéoconférence. Merci beaucoup de votre présence. Je vais vous laisser vous présenter et prononcer vos remarques, et nous passerons ensuite à une courte période de questions.
Mary-Margaret McMahon, conseillère, Ville de Toronto : Merci beaucoup. Je m’appelle Mary-Margaret McMahon. Je suis conseillère pour le quartier 32 à Toronto, le secteur des plages, et je préside le Comité des parcs et de l’environnement.
Jim Baxter, directeur, Division de l’environnement et de l’énergie, Ville de Toronto : Je m’appelle Jim Baxter. Je suis directeur de la Division de l’environnement et de l’énergie à la Ville de Toronto.
Mme McMahon : Nous sommes aussi accompagnés de Linda Swanston, qui me remplacera peut-être pour répondre aux questions parce que je pourrais avoir à retourner à la réunion du conseil, mais je vais lire notre déclaration. Est-ce que cela vous convient?
La présidente : Oui.
Mme McMahon : Merci d’avoir pris contact avec nous à ce sujet. Merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles aujourd’hui. Nous sommes ravis de représenter la Ville de Toronto et de discuter du rôle crucial que jouent les municipalités dans la transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone.
Pour réussir, tout effort national de lutte contre les changements climatiques devra compter sur la participation des villes, puisque 80 p. 100 de la population canadienne vit dans des régions urbaines. Comme vous le savez, Toronto compte plus de 2,7 millions d’habitants, ce qui en fait la quatrième ville en importance en Amérique du Nord. Elle est également l’une des villes qui se développent le plus rapidement en Amérique avec environ 150 nouvelles tours à condo et à bureau en construction.
Le conseil municipal de Toronto s’est engagé à amorcer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et comprend les mesures prises par le gouvernement fédéral pour conclure un partenariat avec la ville afin d’accélérer la transition du Canada vers un avenir à faibles émissions de carbone. Toronto souhaite aider le Canada à satisfaire ses engagements internationaux en vertu de l’Accord de Paris. Nous sommes membres de la Convention mondiale des maires pour le climat et l’énergie, de l’initiative des villes Projet de divulgation des émissions de carbone et du Carbons Neutral Cities Alliance, et travaillons activement avec d’autres villes canadiennes par l’entremise de la Fédération canadienne des municipalités.
En 2007, le conseil municipal de Toronto a adopté à l’unanimité l’objectif de réduire les émissions de carbone de 80 p. 100 d’ici 2050 au niveau de 1990. En 2014, nous avons estimé que les émissions de Toronto avaient baissé de 24 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. Bien qu’il s’agisse d’une réussite importante, il y a encore des obstacles à la décarbonisation et notre succès dépendra de la collaboration continue entre les trois ordres de gouvernement pour réussir cette transformation ambitieuse et essentielle.
Nous allons maintenant vanter notre Plan d’adaptation aux changements climatiques, TransformTO. En 2007, Toronto a adopté des cibles locales de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 6 p. 100 d’ici 2012, de 30 p. 100 d’ici 2020 et de 80 p. 100 d’ici 2050 au niveau de 1990. Les mesures prises par la ville, les habitants et les commerces ont permis à Toronto de dépasser sa cible intérimaire de réduction pour 2012 et d’être sur la bonne voie pour atteindre et dépasser sa cible pour 2020.
Toutefois, en 2014, le conseil municipal de Toronto s’est rendu compte que, malgré les progrès réalisés, d’autres mesures doivent être prises si la ville souhaite atteindre son objectif à long terme de réduction de 80 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Par conséquent, en 2015, nous avons amorcé l’initiative TransformTO. Sur une période de plus de deux ans, et avec la participation de milliers de Torontois, nous avons défini une voie viable pour transformer le système urbain de la ville et créé une ville à faibles émissions de carbone, solide, équitable et prospère. Les recommandations de TransformTO ont été adoptées à l’unanimité en juillet 2017. Plus récemment, dans le cadre du budget de 2018, le conseil municipal de Toronto a approuvé les fonds nécessaires pour la mise en œuvre des 23 stratégies à court terme nécessaires pour mettre Toronto sur la voie de la faible émission de carbone.
TransformTO a conclu que les efforts déployés et les mesures prises par toutes les parties concernées ne suffiront pas et que si nous n’apportons pas dès maintenant les changements importants, nous raterons notre cible de 2050 par près de 9 millions de tonnes. Toutefois, grâce à TransformTO, nous avons réalisé que la mise en œuvre accélérée des technologies actuelles nous permettrait de combler l’écart et d’atteindre notre cible.
Les possibilités les plus importantes en matière de réduction des émissions de carbone se trouvent dans l’efficacité énergétique des bâtiments et un approvisionnement local d’énergie à faibles émissions de carbone, suivis du transport et de la gestion des déchets. Selon l’analyse réalisée par TransformTO, les deux tiers des actions nécessaires en matière de changements climatiques auront des retombées financières positives et la transition vers une économie à faibles émissions de carbone pourrait entraîner la création de plus de 325 000 années-personnes d’emplois.
Cette analyse a également permis de comprendre qu’il faudra adopter un ensemble de mesures réglementaires, de politiques et de programmes afin d’atteindre les objectifs à long terme et que les secteurs public et privé devront investir des capitaux importants à l’échelle de la communauté. Ce n’est que grâce à la collaboration des autres, y compris le gouvernement fédéral, que nous atteindrons nos objectifs.
Nous allons maintenant parler de la décarbonisation du patrimoine bâti. Le patrimoine bâti actuel compte pour près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre de Toronto. Il s’agit donc d’un secteur important sur lequel nous devons nous concentrer. Toronto a adopté plusieurs programmes et politiques en appui à la décarbonisation du patrimoine bâti et, grâce au soutien du gouvernement fédéral, nous pouvons en faire davantage pour maximiser notre efficacité.
Selon nous, la majorité des immeubles qui seront encore debout en 2050 sont déjà construits. C’est pourquoi les modifications écoénergétiques sont une priorité. Dans le cadre de l’initiative TranformTO, nous avons établi un objectif selon lequel 100 p. 100 des immeubles actuels seraient modernisés d’ici 2050, nous permettant d’enregistrer, en moyenne, une réduction de 40 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.
Au cours des 20 dernières années, le Better Buildings Partnersphip de Toronto a soutenu plus de 2 500 projets de modernisation dans des immeubles multirésidentiels, commerciaux et à bureau en offrant les services de spécialistes techniques et en adoptant une approche à guichet unique pour évaluer les programmes d’incitatifs et autres programmes offerts par les services publics et autres ordres de gouvernement.
En appui à ces efforts, Toronto a amorcé l’élaboration de règles relatives à l’étalonnage et à la publication de rapports sur l’énergie pour les immeubles de 50 000 pieds carrés ou plus. Le gouvernement de l’Ontario a pris les devants dans ce dossier et, en 2017, il a adopté des règles provinciales.
Grâce à ces informations qui seront publiées bientôt, nous pourrons accélérer nos travaux et élargir la portée du Better Buildings Partnership, et le gouvernement fédéral pourrait nous aider en ce sens. Premièrement, il pourrait édicter un code national de l’énergie pour les bâtiments existants qui précise que, lorsque des travaux importants de modernisation doivent être réalisés dans un immeuble, le rendement écoénergétique de l’immeuble en question doit satisfaire une nouvelle norme.
Deuxièmement, il pourrait fixer des exigences en matière d’étalonnage et de publication de rapports coordonnées par le fédéral semblables aux règles proposées en Ontario. Une fois cette exigence formulée, il pourrait travailler avec les provinces et villes afin de créer des règles et d’offrir un soutien aux programmes qui exigeront la modernisation écoénergétique des immeubles dont le rendement écoénergétique est faible.
Le conseil municipal de Toronto a également créé des programmes de financement pour tirer parti des programmes d’incitatifs actuels et aider les propriétaires d’immeubles résidentiels à effectuer des travaux importants de modernisation écoénergétique. Il y a deux volets : le Home Energy Loan Program et le High-Rise Retrofit Improvement Support Program. Toronto offre aux occupants et propriétaires d’immeuble un financement à faible coût pour effectuer des travaux de modernisation écoénergétique. Ce financement est offert au moyen de frais d’amélioration locaux sous forme de prêts garantis par la propriété pouvant être remboursés par l’entremise des impôts fonciers municipaux.
À ce jour, ces programmes ont offert plus de 12 millions de dollars en soutien financier pour des travaux importants de modernisation écoénergétique. Par l’entremise de TransformTO, nous nous sommes fixé pour objectif d’élargir ces programmes afin qu’ils puissent être offerts à 5 000 foyers et 10 immeubles multirésidentiels d’ici 2020. Notre capacité à atteindre cet objectif dépend en partie de la législation fédérale. Le personnel de la SCHL soutient que, en raison de la législation actuelle, ils ne peuvent pas permettre aux propriétaires dont le prêt hypothécaire est assuré de participer au programme, malgré le fait que nous pouvons démontrer que les économies réalisées par les propriétaires concernés sur leur facture d’énergie seraient suffisantes pour rembourser les frais d’amélioration des locaux.
Nous demandons au gouvernement fédéral de lever cet obstacle législatif et de permettre aux propriétaires qui le souhaitent de participer au programme municipal de financement écoénergétique LIC.
Le dernier secteur important sur lequel Toronto doit se concentrer pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de l’initiative TransformTO est celui de l’approvisionnement local d’énergie, notamment le développement de systèmes géothermiques à faibles émissions de carbone. Comme Toronto connaît une croissance élevée, et que cette croissance se concentre dans certaines sections de la ville, nous croyons qu’il s’agit d’une belle occasion pour créer des systèmes d’énergie à faibles émissions de carbone pour chaque secteur de façon à assurer l’approvisionnement en énergie de ces nouveaux développements.
Toronto travaille à l’élaboration d’un accord de développement conjoint avec Enwave Corporation afin de maximiser l’utilisation d’un possible réseau géothermique à faibles émissions de carbone à l’échelle de la ville. Le conseil municipal a adopté cette initiative aujourd’hui.
Le gouvernement fédéral pourrait accélérer ces efforts en créant un programme de financement à l’intention des municipalités par l’entremise des programmes d’infrastructures vertes. Ces programmes devraient être conçus de façon à tirer parti des investissements provinciaux et privés, tout en étant suffisamment souples pour permettre la mise en œuvre à l’échelle locale.
En terminant, Toronto félicite le gouvernement fédéral pour son leadership dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques. Le conseil municipal de Toronto, ainsi que les habitants et commerces de la ville sont résolus à atteindre l’objectif de créer une ville à faibles émissions de carbone, solide, équitable et prospère. TransformTO nous ouvre la voie vers cet avenir à faibles émissions de carbone. Toutefois, nous sommes conscients que l’atteinte de cet objectif n’est possible qu’avec la participation active des gouvernements provincial et fédéral.
Il y a bien des façons pour le gouvernement fédéral d’appuyer l’action des villes. Nous vous avons donné quelques exemples basés sur les expériences que nous avons eues à Toronto et les objectifs que nous nous sommes fixés pour la ville. Nous encourageons le gouvernement fédéral à poursuivre son leadership afin de maintenir l’engouement suscité par la conférence de Paris et de soutenir la durabilité des efforts municipaux au-delà des régimes politiques actuels.
Pour terminer, je tiens à vous remercier de l’occasion que vous nous donnez de prendre part à cette importante conversation ainsi que pour cette démarche que vous faites afin de mobiliser les municipalités de l’ensemble du pays.
Nous serons heureux de répondre à vos questions.
La présidente : Merci de cette présentation. Avant de passer aux questions, je vous rappelle que nous avons un vote à 18 h 57. Pouvons-nous passer aux questions pendant 10 minutes avant d’aller voter? Les gens de Calgary sont ici, alors nous pouvons revenir tout de suite après le vote. Plaît-il aux sénateurs de procéder de cette façon?
Le sénateur Massicotte : Bien sûr.
Le sénateur Wetston : Bien sûr.
Merci à vous deux d’être là aujourd’hui. Je suis un sénateur de l’Ontario, et je réside à Toronto. Je voulais vous parler un peu du modèle de gouvernance dans les municipalités. Je vais le faire pendant que vous êtes encore là, madame McMahon, avant que vous ne vous éclipsiez comme nous allons tous le faire. C’est une chose à laquelle j’ai réfléchi et j’ai d’ailleurs posé la question au dernier témoin : quel modèle de gouvernance proposeriez-vous pour que les gouvernements fédéral et provinciaux comprennent que les municipalités jouent un rôle très important dans la prestation de ces programmes et, conséquemment, pour l’atteinte des cibles que vous avez proposées et qui ont été proposées par le gouvernement fédéral aux termes de l’Accord de Paris?
Mme McMahon : C’est une bonne question. Je crois qu’il faudrait quelque chose comme un comité directeur où des politiciens de tous les ordres de gouvernement et leur personnel travailleraient ensemble sur ces enjeux.
M. Baxter : À mon avis, il s’agirait de définir des rôles appropriés pour chaque ordre de gouvernement. Hazel McCallion a dit un jour que le gouvernement fédéral a tout le pouvoir, que le gouvernement provincial a tout l’argent et que le gouvernement municipal a tous les problèmes. Sauf qu’il ne fait aucun doute que c’est le gouvernement municipal qui traite directement avec les résidants de la ville.
Lorsque nous tenons compte du rôle de chaque ordre de gouvernement, nous devons nous assurer que nous posons des gestes pertinents pour chacun d’eux. Parfois, nous constatons que les différents ordres essaient d’empiéter les uns sur les autres, et nous essayons de nous interposer. Il nous appartiendrait de coordonner comment nous pouvons faire cela, dans les faits.
Mme McMahon : Nous travaillons de manière à éviter le dédoublement des efforts et de veiller à travailler à la réalisation du même objectif au même moment, idéalement, les uns avec les autres.
M. Baxter : Nous avons aussi constaté qu’il nous arrive d’essayer de régler le même problème plus qu’une fois. Il faut que la décision soit prise de passer à autre chose.
Le sénateur Wetston : Merci.
La présidente : J’ai une question.
Vous avez dit dans votre déclaration que, avec ces mesures et l’initiative TransformTO, vous pensez qu’il vous sera possible de créer de l’emploi à hauteur de plus de 335 années-personnes grâce à la transition vers une économie sobre en carbone. Pouvez-vous préciser votre pensée là-dessus? Cela me semble beaucoup. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
M. Baxter : Ce chiffre correspond au nombre total d’emplois qui seraient créés entre 2018 et 2050. C’est une période qui s’étend sur 32 ans, mais même à l’heure où l’on se parle, un nombre important d’emplois se créent dans le secteur de l’économie verte. Cette année par exemple, la Ville de Toronto a installé son centième système de réservoir d’eau potable dans ses immeubles. Cela a nécessité le travail d’ingénieurs, de fournisseurs d’équipements, d’installateurs, et l’octroi de contrats d’entretien. Nous pouvons directement cerner les emplois qui ont été créés dans le secteur de l’économie verte, et nous savons que cette tendance va en augmentant.
La présidente : J’ai une autre question. Vous nous avez dit que, aux termes de TransformTO, vous vous êtes fixé l’objectif de moderniser 100 p. 100 de tous les immeubles existants d’ici 2050, ce qui vous permettra en moyenne de réduire vos émissions de GES de 40 p. 100. Vous êtes-vous servi d’un modèle pour arriver à ce chiffre? Comment calculez-vous ces réductions?
M. Baxter : Dans le cadre du processus qui a mené à la création de TransformTO, l’une des choses que nous avons faites a été de modéliser la stratégie qui allait nous mener de 2018 à 2050. Nous avons modélisé 36 mesures touchant à tous les secteurs économiques propres à l’Ontario.
En nous basant là-dessus, nous avons établi qu’une cible légitime pour les immeubles existants serait de réduire l’empreinte de carbone de 40 p. 100, et c’est essentiellement ce que la modernisation écoénergétique des immeubles nous permettra d’obtenir.
À Toronto, il y a actuellement 18 000 immeubles. Une bonne partie d’entre eux ont été construits dans les années 1960, 1970 et au début des années 1980. Ce sont des constructions inefficaces sur le plan énergétique et elles produisent beaucoup de carbone. Essentiellement, la stratégie consiste à les équiper de technologies qui génèrent moins de carbone tout en offrant le même chauffage, la même climatisation et les mêmes services que maintenant.
La présidente : Auriez-vous cela dans un rapport public? Croyez-vous que vous pourriez nous en procurer une copie?
M. Baxter : Oui, nous avons cela dans un rapport. Nous vous enverrons le lien pour y accéder.
La présidente : Merci beaucoup.
Le sénateur Wetston : De toute évidence, le temps nous presse, mais je voulais revenir à cette opposition qui existe entre les immeubles et les transports. Nous reconnaissons que les immeubles sont les plus grands producteurs de GES, et il semble, compte tenu de vos objectifs, que les immeubles constituent également le plus grand défi du point de vue de la réduction de ces émissions. C’est une constatation générale avec laquelle vous pouvez être d’accord.
Les transports sont aussi problématiques, mais il semble que leur contribution aux GES, bien que considérable, est moindre que celle des immeubles. Cela dit, j’aurais tendance à penser que l’électrification des transports est quelque chose de plus facilement réalisable et de plus rentable que l’approche que vous préconisez relativement aux immeubles. Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?
M. Baxter : Le travail que nous avons fait nous indique que nous ne pouvons pas choisir entre les deux si nous voulons atteindre notre cible de 2050. Nous devons faire les deux. Nous n’avons pas le choix.
Le sénateur Wetston : Quelle sera la priorité pour les 10 prochaines années?
M. Baxter : Lorsque le conseil nous a demandé directement d’établir une priorité, de mettre la pédale douce — ce qui est arrivé plus d’une fois —, nous avons répondu qu’il n’était pas question de prioriser quoi que ce soit et que nous devions agir sur tous les fronts. C’est notre position actuelle. Les 23 mesures que nous avons établies touchent aussi bien aux immeubles qu’aux transports, et elles contiennent un certain nombre d’options pour relever ce défi.
Le sénateur Wetston : Merci.
La présidente : Merci beaucoup.
(La séance est levée.)