LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’AGRICULTURE ET DES FORÊTS
TÉMOIGNAGES
OTTAWA, le mardi 1er mai 2018
Le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts se réunit aujourd’hui, à 18 h 32, en séance publique et à huis clos, pour étudier la teneur des éléments de la partie 5, dans la mesure où cette partie concerne l’agriculture, du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
La sénatrice Diane F. Griffin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : La séance est ouverte. Le comité mène une étude spéciale sur la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.
J’invite maintenant les sénateurs à se présenter avant d’accueillir nos témoins.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Norman Doyle, de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.
[Français]
La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec.
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
Le sénateur R. Black : Rob Black, de l’Ontario.
Le sénateur Mercer : Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
La présidente : Nous avons une représentation qui va d’un bout à l’autre du pays.
Nous accueillons de nombreux témoins aujourd’hui. Nous recevons M. John Moffet, sous-ministre adjoint délégué, Direction générale de la protection de l’environnement, et M. Philippe Giguère, gestionnaire de la politique, Gouvernance législative, tous deux d’Environnement et Changement climatique Canada.
Nous accueillons également M. Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, à Agriculture et Agroalimentaire Canada.
Nous recevons aussi M. Gervais Coulombe, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt; M. Pierre Mercille, directeur principal (Législation), Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt; et, enfin, M. David Turner, analyste de politiques de l’impôt, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, tous du ministère des Finances Canada.
Si j’ai bien compris, M. Moffet va faire une déclaration. Monsieur Moffet, vous avez la parole, merci.
John Moffet, sous-ministre adjoint délégué, Direction générale de la protection de l’environnement, Environnement et Changement climatique Canada : Merci, madame la sénatrice. Nous sommes tous ravis d’être ici. Je commencerai par vous présenter un survol du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques et de la façon dont la tarification du carbone s’inscrit dans ce cadre. Je demanderai ensuite à mon collègue, M. Mercille, de décrire la façon dont la tarification du carbone s’appliquera aux termes du projet de loi. Nous serons ensuite heureux de répondre à vos questions.
La partie 5 du projet de loi d’exécution du budget édicte la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. La tarification de la pollution causée par le carbone ou la tarification du carbone est un élément fondamental du Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques sur lequel se sont entendus les premiers ministres en décembre 2016. Le cadre pancanadien comporte aussi plusieurs autres mesures, une réglementation complémentaire pour les secteurs où la tarification pourrait ne pas fonctionner étant donné que les marchés ne pourraient pas être aussi directs qu’on le voudrait, ou lorsqu’on doit agir avec plus de certitude ou plus rapidement.
Elle comporte aussi un éventail de mesures financières, par exemple pour aider les entrepreneurs à mettre au point et à commercialiser des technologies propres, et des mesures de soutien exhaustives pour les collectivités afin qu’elles soient plus résilientes et s’adaptent aux changements inévitables du climat.
La tarification du carbone est toutefois l’élément fondamental, parce qu’elle est, de manière générale, la façon la plus efficiente de réduire les émissions de gaz à effet de serre, essentiellement parce qu’elle procure le maximum de souplesse. Elle envoie un message qui résonne dans toute l’économie tout en offrant une souplesse complète quant à la façon de réagir à ce message. Cela est différent des autres types de règlements qui pourraient prescrire certaines actions ou décisions de financement qui viseraient certaines activités.
Environ un mois avant que les premiers ministres signent le cadre pancanadien, le premier ministre a distribué un document intitulé Approche pancanadienne pour une tarification de la pollution par le carbone. Dans ce document, le gouvernement fédéral énonce les objectifs de sa tarification du carbone, à savoir que la tarification du carbone s’applique aux sources d’émissions les plus répandues et communes dans tout le Canada, afin de s’assurer que le message résonne de la façon la plus vaste possible dans toute l’économie.
Ce document, que nous appelons le modèle, offre aux provinces et aux territoires la possibilité d’établir leur propre système de tarification. Au moment de la publication du document, trois provinces possédaient déjà leur propre système de tarification, c’est-à-dire la Colombie-Britannique, l’Alberta et le Québec, tandis que l’Ontario s’était engagé officiellement par une mesure législative à établir un système de plafonnement et d’échange qui serait lié au système du Québec, lequel est lié au système employé en Californie.
Conscient que ces quatre systèmes étaient déjà en place et qu’ils étaient tous différents, le gouvernement fédéral s’est en quelque sorte dit qu’il respecterait un éventail de systèmes de tarification et laisserait aux autres provinces et territoires au Canada la possibilité de mettre au point leurs propres systèmes de tarification pour autant que ceux-ci respectent un ensemble de critères énoncés dans le document et que ces systèmes soient mis en œuvre dans tout le Canada d’ici la fin de 2018.
C’est ainsi qu’en décembre de l’an dernier, en décembre 2017, les ministres Morneau et McKenna ont écrit à leurs homologues et leur ont donné plus de détails sur les échéanciers. En gros, ils ont demandé aux provinces et aux territoires de leur transmettre d’ici le 1er septembre de l’information sur les systèmes qu’ils ont adoptés ou qu’ils prévoient adopter. De cette façon, nous aurions le temps de déterminer si ces systèmes provinciaux et territoriaux répondent aux critères et à notre modèle, et si c’est le cas, tant mieux. Si ce n’est pas le cas, le gouvernement fédéral aurait alors le pouvoir d’appliquer un système fédéral de tarification. Ce système de tarification est celui décrit à la partie 5 du projet de loi d’exécution du budget. Les ministres ont expliqué qu’ils avaient l’intention de mettre en œuvre le système fédéral, ou le filet de sécurité fédéral, si on veut, d’ici le 1er janvier 2019 dans les provinces et les territoires qui en auraient fait la demande ou qui n’auraient pas encore mis en œuvre un système qui répond au modèle.
La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre crée le cadre juridique pour ce filet de sécurité et, conformément à l’approche générale du gouvernement à l’égard de la tarification, l’objectif explicite de la loi est d’aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre en s’assurant que la tarification du carbone s’applique à toutes les activités au Canada et qu’elle augmente au fil du temps.
Le système fédéral de tarification ressemblera beaucoup au système albertain. Il comportera deux volets. D’abord, il y aura les frais sur le carburant et ces frais seront fixés selon un taux équivalent à 10 $ la tonne, passant de 10 $ la tonne à 50 $ la tonne en 2022, à raison de 10 $ d’augmentation par année. Bien entendu, les frais sur le carburant ne seront pas de 10 $; ils seront fixés au prorata de la quantité de carburant qui doit être brûlée pour produire une tonne d’émissions, laquelle est facturée à un tarif de 10 $ la tonne. Pour comprendre plus facilement, disons qu’un prix de 10 $ la tonne de carbone représente un peu plus de 2 cents le litre de carburant.
La loi ne dit pas où le système fédéral de tarification s’appliquera. Le système fédéral de tarification s’appliquera à une province ou à un territoire après que le gouvernement aura pris un décret nommant la ou les provinces ou territoires dans lesquels il s’appliquera. Ce décret servira à remplir une annexe de la loi.
Cette annexe est actuellement vide. Nous pouvons y ajouter une province ou un territoire où le système fédéral s’appliquera en tout ou en partie. Cela signifie que, en théorie, nous pourrions appliquer le volet des frais sur le carburant dans une province ou un territoire, et le volet de régime de tarification fondé sur le rendement pour les grands émetteurs dans un autre. En fait, au moins une province ou un territoire nous a demandé, de façon informelle, d’appliquer seulement le volet de la tarification fondé sur le rendement.
Ce volet constitue le second volet du système fédéral de tarification. Ce régime est conçu pour s’appliquer aux secteurs exposés sur le plan de la compétitivité. L’idée derrière ce volet est de réduire au minimum la tarification du carbone que leurs installations doivent payer, réduisant ainsi au minimum les répercussions sur le plan de la compétitivité à l’échelle internationale tout en les encourageant de façon continue à réduire leurs émissions. Si vous le souhaitez, je peux vous fournir plus de détails. Je serai heureux de vous expliquer en long et en large le fonctionnement de ce régime, mais pour sauver du temps, je voulais simplement mentionner que ce régime existe.
J’aimerais également parler d’une étude que nous avons publiée hier. Cette étude porte sur les conséquences prévues de la mise en œuvre d’une tarification du carbone partout au Canada sur les émissions de gaz à effet de serre et sur l’économie d’ensemble. Je tiens à préciser que pour cette étude, nous nous sommes basés sur un scénario dans lequel les quatre systèmes existants demeureraient en place, ce qui mènerait à l’imposition du système fédéral dans toutes les autres régions du Canada.
Nous savons que ce ne sera pas le cas. Certaines provinces ont déjà dit vouloir créer leur propre système. Cependant, tant et aussi longtemps que leurs plans ne sont pas terminés, ils ne peuvent nous servir de modèles. Voilà pourquoi nous avons étudié les implications et les conséquences du système actuel. Nous avons pu confirmer que la tarification du carbone partout au Canada nous permettrait de réduire les émissions de 80 à 90 mégatonnes d’ici 2022. Nous avons aussi conclu que les répercussions sur l’économie d’ensemble seraient négligeables.
Par exemple, l’étude nous a permis de voir que le PIB continuerait de croître d’environ 2 p. 100 d’ici à 2022, qu’il y ait une tarification sur le carbone ou pas.
Enfin, j’aimerais vous faire part d’observations générales sur les incidences de la tarification du carbone sur l’agriculture. Tout d’abord, de façon générale, nous croyons que les répercussions sur l’agriculture seront modestes. Cela s’explique par le fait que la plupart des émissions agricoles ne seront pas tarifées, ce qui signifie que les émissions provenant des animaux ne le seront pas non plus.
Les systèmes britanno-colombiens et albertains et le système fédéral qui sont visés par le projet de loi d’exécution du budget excluent les carburants utilisés sur les fermes pour des activités agricoles, telles que le diésel et l’essence. Ces carburants, appelés communément carburants colorés à certains endroits, ne sont pas assujettis à la tarification.
De plus, dans notre système et dans certains des systèmes provinciaux, nous avons inclus un programme pour ceux qui désirent demander l’utilisation de crédits compensatoires. Le secteur agricole pourrait générer des crédits compensatoires pour le carbone qu’il pourrait ensuite vendre aux émetteurs qui ont besoin de compenser leurs émissions excédentaires. Le potentiel pour le secteur agricole est assez significatif.
Comme je l’ai brièvement expliqué, nous avons également inclus dans le système fédéral une composante pour les grandes installations industrielles, dont les grosses entreprises de transformation alimentaire. Il y en a, bien sûr, un certain nombre dans les Prairies, en Ontario, ainsi qu’une très grosse entreprise sur l’Île-du-Prince-Édouard. Tout serait sujet au système de tarification fondé sur le rendement, conçu, comme je l’ai dit, pour minimiser l’exposition au prix du carbone.
Sur ce, je vais laisser la parole à mon collègue, qui présentera une autre composante du système fédéral, la redevance sur les combustibles, et la façon dont elle s’appliquera aux activités agricoles. Après quoi, nous serons heureux de répondre à toutes vos questions.
[Français]
Pierre Mercille, directeur principal (Législation), Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l’impôt, ministère des Finances Canada : Comme il a été dit, la partie 5 du projet de loi met en œuvre la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. La partie 1 de cette loi contient des dispositions pour mettre en œuvre la composante du système de tarification du carbone, qui est une redevance sur les combustibles.
La redevance sur les combustibles, en vertu de la partie 1 de la loi, s’applique à 22 types de combustibles. On retrouve des combustibles communs comme l’essence, le diesel et le gaz naturel, mais aussi d’autres combustibles moins communs comme le méthanol ou le coke de pétrole. Les taux de redevance sur les combustibles se trouvent à l’annexe 2 de la loi. Vous trouvez ces taux à partir de la page 546.
Les taux de redevance sur les combustibles représentent une tarification du carbone de 10 $ à 50 $ la tonne d’équivalent de dioxyde de carbone. Toutefois pour faciliter l’administration et l’observation, les taux sont exprimés en termes d’unités commerciales normales. On trouve tous les taux à l’annexe 2. À titre d’exemple, pour l’essence, à 10 $ la tonne, cela représente 2,21 cents le litre; et à 50 $ la tonne, en 2022, cela représentera 11,05 cents le litre. Dans le cas du mazout léger, qui inclut le diesel, à 10 $ la tonne, cela représente 2,68 cents le litre; à 50 $ la tonne, cela représente 13,41 cents le litre.
[Traduction]
La partie 1 du projet de loi, que j’invoquerai par son acronyme, la LTPGES — un long acronyme, plus court quand même que le titre de la loi elle-même — prévoit que la redevance s’applique aux combustibles produits, livrés ou utilisés dans une province assujettie. Elle s’applique également aux combustibles importés dans une province assujettie et provenant d’ailleurs au Canada, ainsi qu’aux combustibles importés au Canada en un lieu dans une province assujettie.
Qu’est-ce qu’une province assujettie? Par définition, c’est une province, un territoire ou une zone figurant dans la partie 1 de l’annexe 1 de la LTPGES. Mes collègues ont expliqué quand une province ou un territoire figurerait dans l’annexe. Quant au pouvoir d’inscrire une entité dans l’annexe — province, territoire ou zone —, il revient au gouverneur en conseil.
Généralement, dans la plupart des cas, la redevance sur le combustible est acquittée par les distributeurs de combustible inscrits en vertu de la LTPGES. Qui sont les distributeurs inscrits? Le plus souvent, des personnes qui produisent des combustibles ou qui vendent ces combustibles, généralement en gros. Il s’agit habituellement de sociétés. C’est la personne qui livre le combustible qui acquitte la redevance et non la personne qui le reçoit.
Un distributeur inscrit est responsable d’acquitter la redevance sur le combustible livré à une autre personne. Il est également responsable d’acquitter la redevance sur le combustible qu’il utilise directement.
La partie 1 prévoit également dans quelles circonstances précises aucune redevance n’est exigée sur certains combustibles livrés à certaines personnes, si un certificat d’exemption est fourni. Dans ces cas, quand un distributeur inscrit livre du combustible à ce type de personne, le distributeur inscrit n’a pas à acquitter la redevance sur les combustibles pour cette livraison. Le coût de la redevance sur les combustibles, conséquemment, n’est pas inclus dans le prix de vente du distributeur.
Il y a plusieurs types de personnes qui peuvent se prévaloir d’un certificat d’exemption au titre de la loi. Je vais en donner quelques exemples seulement : un autre distributeur inscrit de ce type de combustible; des agriculteurs, pour certains combustibles dans certaines circonstances; ou les personnes assujetties au système de tarification fondé sur le rendement de la partie 2 de la loi, soit, généralement, de très gros émetteurs.
Qu’est-ce qu’un certificat d’exemption? C’est essentiellement un certificat que l’acheteur fournit au vendeur; il permet au distributeur d’être exempté de l’obligation d’acquitter la redevance pour ce combustible.
J’ai essayé d’axer mon exposé sur l’agriculture, si bien que je vais passer en revue tous les certificats d’exemption s’appliquant aux agriculteurs. J’espère que vous me pardonnerez d’entrer dans des détails. Vous demanderiez sans doute des explications dans vos questions, sinon.
Prenons un agriculteur. Un distributeur inscrit peut livrer de l’essence ou du mazout léger, comme le diésel, à un agriculteur, si l’agriculteur certifie quatre choses : premièrement, qu’il est agriculteur; deuxièmement, que le combustible est livré sur le lieu d’une exploitation agricole; troisièmement, que le combustible est exclusivement réservé à l’opération de matériel agricole admissible; quatrièmement, que tout le combustible sera utilisé pour des activités agricoles admissibles.
Si ces conditions sont respectées, les distributeurs pourront livrer le carburant à un agriculteur sans que les frais de carburant ne s’appliquent au carburant. Ces concepts dont j’ai parlé — agriculteur, machinerie agricole admissible, activités admissibles — sont tous définis dans le projet de loi.
Un agriculteur est défini comme une personne qui exploite une entreprise agricole dans une attente raisonnable de profit. La machinerie agricole admissible signifie, de façon générale, un bien servant principalement pour l’agriculture et qui est, soit un camion de ferme ou un tracteur, soit une machine industrielle ou un moteur stationnaire ou portable, ou encore soit un véhicule qui n’est pas immatriculé pour être opéré sur les voies publiques. La machinerie agricole admissible ne comprend pas le véhicule qui est une automobile au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu ou le bien qui sert au chauffage ou au refroidissement d’un bâtiment ou d’une structure semblable.
Une activité agricole admissible s’entend de l’opération d’une machinerie agricole admissible dans une exploitation agricole pour l’agriculture ou dans le but de se déplacer d’un endroit dans une exploitation agricole à un autre endroit dans une exploitation agricole. Il n’est pas nécessaire que ce soit la même exploitation agricole.
Je vais passer une partie de la description de cet autre domaine de l’économie où il y a des règles spéciales.
[Français]
La partie 1 de la loi prévoit également des obligations d’inscription pour les personnes qui exercent certaines activités liées aux combustibles sujets à la redevance. La plus importante des obligations est qu’une personne qui produit du combustible dans une province assujettie doit s’inscrire en tant que distributeur. Également, une personne qui exploite un réseau de distribution de gaz naturel commercialisable dans une province assujettie doit s’inscrire en tant que distributeur.
En vertu de la loi, les agriculteurs ne sont généralement pas soumis à certaines règles administratives qui s’appliquent à d’autres personnes pouvant se prévaloir d’un allègement de la redevance sur les combustibles.
Par exemple, un point important, c’est que les agriculteurs ne sont pas obligés de s’inscrire auprès de l’Agence du revenu du Canada, ce qui est généralement la norme pour les autres personnes qui peuvent se prévaloir d’un certificat d’exemption. De plus, les agriculteurs, étant donné qu’ils n’ont pas à s’inscrire, n’ont généralement pas à produire des déclarations mensuelles comme les autres inscrits.
Comme je l’ai dit, la redevance sera administrée par l’Agence du revenu du Canada. Alors, il y a une bonne partie des règles dans la loi qui sont des règles administratives, plusieurs ne s’appliquent pas aux agriculteurs ici parce que ce sont des règles pour établir des périodes de déclaration, des règles d’inscription et une obligation de payer la redevance. La partie 1 prévoit également des règles d’exécution afin d’assurer l’observation des règles prévues par la partie 1 par les personnes qui doivent payer la redevance.
Je voudrais mentionner que ces dispositions d’administration et d’exécution sont semblables à d’autres dispositions qu’on peut trouver dans d’autres lois administrées par l’Agence du revenu du Canada. La partie 1 donne le pouvoir au ministre du Revenu national de distribuer le montant net des redevances en vertu de la partie 1 relativement à une province, un territoire ou une zone.
Le montant net doit être déterminé pour une période et représente essentiellement le montant des redevances prélevées pour une période, moins les montants qui ont pu être remboursés ou remis pour cette période. Je veux juste mentionner que la partie 1 contient toutes les règles nécessaires pour assurer le bon fonctionnement de la redevance sur les combustibles. Cependant, afin que le gouvernement puisse réagir rapidement dans le cas où certaines situations pourraient être soumises par des intervenants pour l’Agence du revenu du Canada, le gouverneur en conseil est autorisé à prendre des règlements concernant l’application de la redevance sur les combustibles à des cas particuliers.
Je vais terminer en disant que la partie 1 autorise également le gouverneur en conseil à fixer les taux de la redevance sur les combustibles à l’annexe 2, ce qui inclut le pouvoir de fixer les taux pour les années subséquentes à 2022. Ceci termine ma présentation. Merci.
[Traduction]
La présidente : Merci pour vos exposés. Nous avons environ une demi-heure, et 10 sénateurs souhaitent poser des questions, et nous avons de nombreux témoins. Cela signifie que nous disposons d’environ trois minutes chacun, ce qui comprend la question et la réponse.
[Français]
Le sénateur Maltais : J’ai eu une réflexion très simple. Cela ne vous concerne pas, mais je vous invite à aller expliquer cela à un agriculteur dans le fond d’un rang. Je ne suis pas sûr qu’il comprendra bien ce que vous avez expliqué. Ce ne sera pas facile à administrer pour un agriculteur.
En fait, il s’agit d’une taxe ascenseur. Elle ne fait que monter. Elle ne baisse pas. Selon les spécialistes, l’agriculture produit 5 p. 100 des GES. Si on arrive à les réduire à 3 p. 100, la taxe continue de monter, si je comprends bien ce que M. Moffet a dit tout à l’heure. Une taxe ascenseur monte continuellement. Il ne faut pas se le cacher. Les agriculteurs et moi le comprenons ainsi.
Et comment allez-vous moduler cette taxe avec le Québec, l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique qui ont déjà leur propre taxe sur le carbone? Est-ce que cela va s’additionner? Allez-vous réinvestir cette taxe dans des technologies moins polluantes pour le secteur agricole ou si vous allez vous concentrer sur les gros pollueurs, comme les usines à charbon et ainsi de suite? Le montant que doivent verser les agriculteurs sera-t-il réinvesti dans les nouvelles technologies agricoles? Je ne parle pas des autres technologies comme celles des chemins de fer, des bateaux ou de l’aviation. Je parle du gars qui a les deux pieds dans la terre. Vous savez que votre loi est déjà contestée devant les tribunaux avant même de commencer?
[Traduction]
M. Moffet : Tout d’abord, le système de tarification fédéral ne s’appliquera pas aux administrations qui disposent déjà d’un système qui correspond au modèle établi par le gouvernement fédéral. Pour autant que l’Ontario, le Québec, la Colombie-Britannique et l’Alberta conservent leurs systèmes comme décrits actuellement dans la loi, le système de tarification fédéral ne s’appliquera pas dans ces provinces. Il n’y aura pas de dédoublement du système.
Dans les provinces et les territoires où un système de tarification du carbone existe déjà, le gouvernement fédéral s’est engagé à redonner à chaque administration les recettes générées sur son territoire. Le projet de loi prévoit que cette pratique soit obligatoire.
Ce sera ensuite au gouvernement de ces provinces et territoires de décider comment dépenser l’argent. Le gouvernement fédéral ne met pas en place un système de tarification pour générer des recettes au niveau fédéral. Il ne s’agit pas de mécanismes visant à générer des recettes. Le gouvernement fédéral n’a donc aucunement l’intention de décider les façons dont elles seront utilisées.
Enfin, en plus de la tarification et de la réglementation, le cadre pancanadien dont je vous ai parlé au début prévoit une série de programmes de dépenses, dont certains s’adressent directement aux agriculteurs et aux activités agricoles. Chaque province a accès à une partie du fonds pour une économie à faible émission de carbone, et certaines ont décidé de l’utiliser pour appuyer les activités de stockage du carbone dans les terres agricoles.
De plus, le budget de 2017 a offert aux producteurs agricoles canadiens un soutien financier pour l’adoption de technologies propres. Le budget a également accordé des fonds au projet novateur visant à aider les agriculteurs à atténuer les effets des émissions de gaz à effet de serre.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ce n’est pas ce que je veux savoir. Ce que vous dites se trouve dans la loi. Tout le monde peut la lire. Je parle de la taxe ascenseur.
Tom Rosser, sous-ministre adjoint, Direction générale des politiques stratégiques, Agriculture et Agroalimentaire Canada : J’aimerais ajouter quelques points. Les quatre provinces qui ont déjà un système en place représentent 70 p. 100 de la production agricole au Canada. Je parle de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec. En plus des programmes que M. Moffet a décrits, vous avez mentionné l’innovation. Nous faisons des investissements importants pour améliorer nos connaissances et les pratiques agricoles dans le but de réduire les émissions. De plus, nous avons en place des programmes avec les provinces pour aider les producteurs agricoles à diminuer leur empreinte environnementale, par l’entremise d’investissements sur la ferme, afin de réduire les gaz à effet de serre.
Le sénateur Maltais : Je comprends, mais qu’en est-il de la taxe ascenseur? Quand va-t-elle diminuer? Les producteurs agricoles sont responsables de 5 p. 100 des gaz à effet de serre. Vous leur demandez quelque 0,02 $ le litre d’essence. Quand ils n’en produiront que 2 p. 100, vous réduirez la taxe de combien?
M. Mercille : Le projet de loi qui a été déposé prévoit des taux de 10 $ à 50 $ la tonne. Ces taux ont été établis à l’issue d’une décision politique. Le gouvernement s’est engagé, vers 2020, à revoir ce qui pourrait s’appliquer après 2022. Ce sera une décision politique à savoir ce que seront les taux à ce moment-là et s’ils changeront ou non.
Le sénateur Maltais : L’agriculteur doit comprendre que l’ascenseur part du premier étage et s’arrête au dernier. Donc, il devra toujours payer. La taxe ne baissera pas au cours des 10 ou 15 prochaines années. Est-ce exact?
M. Mercille : Je ne peux pas confirmer ce que vous dites. Ce sera une décision politique à savoir ce que sera le taux.
Le sénateur Maltais : En vous basant sur ce qu’on sait maintenant, vous dites que ce sera bon pour cinq ans.
M. Mercille : Oui.
Le sénateur Maltais : Au cours des cinq prochaines années, les taux ne baisseront pas.
M. Mercille : Les taux proposés figurent tous à l’annexe 2 du projet de loi.
Le sénateur Maltais : Pourquoi me renvoyez-vous là? Ma question est simple.
M. Mercille : Parce que vous posez une question sur une décision politique à laquelle seuls les ministres et le gouvernement peuvent répondre. Je ne peux pas me prononcer sur la position du gouvernement pour les années à venir.
Le sénateur Maltais : Est-elle pour cinq ans ou huit ans?
M. Mercille : À l’heure actuelle, les taux augmentent jusqu’à 50 $ la tonne. Si aucune autre décision n’est prise, la loi prévoit que les taux seront les mêmes jusqu’à ce qu’une décision politique soit prise pour proposer un changement.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Merci messieurs. L’été dernier, j’ai eu l’occasion de visiter des serres en Ontario, dont certaines couvraient une superficie de cinq acres. Les propriétaires de ces serres sont très inquiets. Ils m’ont dit que si cette taxe sur le carbone est mise en œuvre, leurs serres ne seront plus concurrentielles par rapport aux serres américaines, puisqu’il n’y a aucun régime de tarification du carbone aux États-Unis.
Ma question est la suivante : le gouvernement a-t-il évalué les répercussions économiques d’un système de tarification des GES? Quels seront les changements pour le secteur agricole?
M. Moffet : Trois choses. D’abord, les exploitants de serres ontariennes ne seront pas soumis au système de tarification du carbone fédéral à moins que l’Ontario n’élimine son système de plafonnement et d’échange actuel.
Le sénateur Oh : Toutes les serres?
M. Moffet : L’Ontario a déjà un système de tarification du carbone en place. Il s’agit d’un système de plafonnement et d’échange. Notre système ne remplacera pas celui de l’Ontario à moins que le gouvernement ontarien ne décide d’éliminer le sien. Il n’y aura qu’un seul système en place en Ontario; soit le système provincial, soit le système fédéral.
Deuxièmement, nous avons publié hier une étude portant sur les répercussions économiques générales de la tarification du carbone. Au niveau macroéconomique, l’analyse démontre qu’il y aura des répercussions négligeables sur l’activité économique.
De plus, nous avons tenté, bien sûr, d’évaluer les répercussions sur le secteur agricole. Comme je l’ai dit dans mon exposé, notre analyse préalable nous démontre que les répercussions sur le secteur agricole seront limitées puisque la plupart des émissions agricoles ne seront pas assujetties à la tarification du carbone.
M. Rosser : Je tiens à signaler que, au ministère de l’Agriculture, nous nous sommes aussi penchés sur les répercussions potentielles de la tarification du carbone sur le secteur agricole et agroalimentaire. En ce qui a trait à la compétitivité du secteur, nos conclusions sont semblables à celles de nos collègues du ministère de l’Environnement, à savoir que les répercussions seront limitées, et ce pour les mêmes raisons citées par mon collègue.
Le sénateur Oh : L’agriculteur que j’ai rencontré m’a indiqué que toute nouvelle tarification du carbone allait lui être fatale puisqu’il n’y a aucune tarification semblable aux États-Unis. Nous en imposons une. Comme vous l’avez dit, même l’Ontario a un régime de tarification. Le système fédéral ne s’appliquera pas si l’Ontario a déjà un mécanisme de tarification. Or, les agriculteurs m’ont dit que toute tarification nuirait à leur compétitivité par rapport aux États-Unis. Ils m’ont dit qu’ils devraient tous déménager aux États-Unis.
Le sénateur Woo : J’ai deux questions que je tenterai de condenser en une seule. La première partie de ma question porte sur le système de tarification du carbone fondé sur le rendement. Nous n’avons malheureusement pas le temps pour que vous nous fournissiez une explication, mais j’aimerais que vous envoyiez un résumé écrit au comité puisque je crois qu’il est important que nous comprenions de quoi il s’agit. De plus, bon nombre des objections à la tarification du carbone se fondent sur les arguments commerciaux voulant que la tarification nuise à la compétitivité de certains secteurs et que ces derniers n’aient aucun recours. Ce serait très utile pour notre comité de bien comprendre le système de tarification fondé sur le rendement et les façons dont ce dernier peut améliorer, plutôt qu’éliminer, le problème des grands émetteurs.
Une autre partie de la question porte sur un point systématiquement soulevé par les témoins comme quoi, l’agriculture est traitée inéquitablement. Deux ministres de la Saskatchewan en ont parlé récemment. Tout est question de séquestration, de puits de carbone et de compensation carbone.
Où en êtes-vous dans l’élaboration d’indicateurs adéquats fondés sur la science pour mesurer la compensation et dans l’élaboration de points de référence vous permettant de mesurer les progrès? Dans quelle mesure le gouvernement est-il prêt, dans son cadre, à reconnaître le travail passé réalisé en matière de séquestration? La Saskatchewan a soulevé un enjeu majeur.
Êtes-vous également prêts à envisager les soi-disant technologies CSC qui, selon la Saskatchewan, aspirent tant de carbone de l’atmosphère? L’Alberta élabore sa propre technologie. Tiendra-t-on compte de tous ces efforts déployés pour aspirer le carbone de l’atmosphère avec des moyens naturels aussi bien que technologiques?
M. Moffet : Pour répondre brièvement, le système de tarification fédéral permet le recours à la compensation carbone, sans préciser de méthode.
Nous espérons publier un document dans les prochains jours expliquant l’approche adoptée en matière de compensation. Le plan vise essentiellement à reconnaître les méthodes de compensation provinciales et à permettre aux entités assujetties aux règlements fédéraux d’utiliser des méthodes de compensation sanctionnées par les provinces aux fins de conformité.
Comme vous le savez, des régimes de compensation sont en place en Alberta, en Ontario et au Québec, en particulier. Tous reconnaissent les deux types d’activités qui réduisent les émissions; il est possible de recevoir des crédits compensatoires pour les activités de séquestration des émissions également, ce qui comprend certaines pratiques agricoles.
Certaines pratiques agricoles ont été reconnues aux fins de compensation dans certaines provinces, mais je les décrirais comme des mesures supplémentaires possibles jusqu’à un certain point. Dans certains cas, ces pratiques sont si répandues qu’elles deviennent la norme, et il est difficile de soutenir qu’elles n’auraient pas été mises en place de toute façon, alors on peut se demande si elles ont vraiment une valeur ajoutée.
Cependant, il existe des compensations dans le secteur agricole que l’on reconnaît actuellement et que l’on prévoie reconnaître. Les critères que nous prévoyons employer sont le résultat d’un an et demi de collaboration avec l’ensemble des provinces, par l’entremise du CCME, qui a entamé le projet, et qui vise à établir des critères normalisés pour des compensations, critères que nous prévoyons adopter.
M. Rosser : Rapidement, madame la présidente, si vous me le permettez. Pour revenir aux systèmes provinciaux, autant que je me souvienne, je pense que le système albertain comporte huit protocoles qui permettent à différentes activités agricoles d’être mesurées et de générer des compensations. Je sais qu’au Québec, on s’efforce d’adopter des protocoles semblables, et dans le cas du système de l’Alberta, des compensations considérables ont été générées et intégrées au système.
Le sénateur Woo : Pouvez-vous nous parler de captage et de séquestration du carbone?
M. Moffet : Pour le moment, aucun système provincial n’est doté d’un processus permettant de générer des compensations grâce à l’utilisation du captage et de la séquestration du carbone, ce qui fait qu’aucune décision n’a été prise pour ce qui est de savoir si un investissement dans le captage et la séquestration du carbone pourrait être considéré comme donnant lieu à une compensation. La réponse n’est ni oui ni non; c’est simplement que nous ne nous sommes pas penchés sur la question, que l’on ne nous a pas encore proposé de projets.
La présidente : Par rapport à la demande du sénateur Woo qui souhaite obtenir des documents écrits, nous devons les recevoir lundi au plus tard.
M. Moffet : Nous avons justement un document qui fait en ce moment l’objet d’une consultation. Il s’agit d’un document qui explique le système de tarification fondé sur le rendement et que nous utilisons à des fins de consultation auprès de l’industrie en ce moment. Je serais ravi de transmettre ce document au comité et, bien entendu, de répondre à toute question de suivi que vous pourriez avoir.
La présidente : Si nous pouvions obtenir ces documents le plus rapidement possible, car nous avons le couteau sous la gorge.
Le sénateur Mercer : Monsieur Moffet, si je vous ai bien compris, vous avez dit que les émissions provenant des animaux ne figurent pas dans les calculs? Vous avez fait signe que oui.
M. Moffet : Je suis désolé. Nous n’établissons pas de tarification pour ces émissions.
Le sénateur Mercer : Certaines personnes ne pensent pas que ce soit un facteur important. Quiconque a déjà visité la Nouvelle-Zélande sait que la principale cause d’émission de gaz à effet de serre dans ce pays provient de l’arrière-train d’une vache, et c’est le problème le plus important auquel ils doivent faire face, c’est-à-dire que c’est de là que proviennent les émissions, et que ce pays va continuer à vendre ses produits laitiers partout dans le monde.
Je suis surpris que nous ne le fassions pas. Peut-être que vous pourriez m’expliquer cela dans une minute.
J’aimerais aussi parler du coût de l’électricité. C’est un problème majeur dans ma province. Nous payons les tarifs d’électricité les plus élevés au Canada. Nous n’avons essentiellement pas d’hydroélectricité. Nous en aurons une fois que le projet en collaboration avec nos collègues de Terre-Neuve-et-Labrador au Labrador sera terminé, mais ce n’est pas demain la veille, et les coûts de construction liés à ce projet sont très élevés.
La tarification du carbone mènera-t-elle à une augmentation du coût de l’électricité dans les provinces où la capacité de produire de l’hydroélectricité est pratiquement inexistante, comme en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard?
M. Moffet : Je pense pouvoir répondre à vos deux questions.
D’abord, pour ce qui est de l’émission de méthane en provenance des animaux, oui la quantité est assez considérable puisque c’est une source non négligeable de gaz à effet de serre.
J’aimerais revenir à la question du sénateur Woo concernant les compensations. Il est tout à fait concevable qu’un protocole de compensations puisse être élaboré — et j’émets une hypothèse ici — mais nous savons que certains types d’alimentation pour les animaux sont en cours d’élaboration justement pour réduire la production de méthane chez les animaux. Il se peut qu’une entreprise ou qu’un agriculteur déclare : « J’ai ajouté cette nouvelle moulée et je peux faire la démonstration que j’ai réduit les émissions de mon troupeau par X tonnes sur un an, de sorte que je devrais avoir droit à tel crédit. »
Je vous donne un exemple. Nous intégrons dans nos systèmes la possibilité d’établir des incitatifs financiers pour réduire ce type d’émissions.
Pour ce qui est de l’électricité, la tarification du carbone s’appliquera — ou s’applique déjà dans quatre des provinces ayant établi leur propre système — à la génération d’électricité à partir de carburant fossile. Dans le système fédéral, dans le document que j’ai décrit et que nous ferons parvenir aux membres du comité, nous avons proposé d’inclure la production d’électricité dans le système de tarification fondé sur le rendement afin que le prix soit établi sur la marge.
La réponse courte, c’est oui, cela se traduirait probablement par une augmentation du prix de la production de l’électricité au moyen de carburant fossile.
Le sénateur Mercer : Voici ma dernière question, je suppose qu’il existera toujours des incitatifs à l’intention des agriculteurs qui trouveront des moyens de produire leur propre électricité grâce à l’énergie éolienne. Je pense ici à un petit producteur d’œufs à Masstown en Nouvelle-Écosse qui a une éolienne sur sa ferme. Lorsque nous lui avons rendu visite, je lui ai fait l’observation que cela touchait directement son bilan. Lorsque le coût en capital de son éolienne sera remboursé, tout l’argent aura des répercussions directes sur son bilan, accroissant d’autant sa profitabilité.
Allons-nous offrir des incitatifs aux personnes de ce secteur qui diversifieront leur source d’énergie, plus particulièrement étant donné que le prix de l’électricité au Québec et en Ontario diffère énormément de celui en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard?
M. Moffet : L’incitatif direct vous est accordé si vous produisez votre propre électricité, vous ne payez pas pour de l’électricité. Si vous produisez votre propre électricité grâce à des technologies vertes, vous évitez alors également de payer un tarif sur le carbone.
Reste à savoir s’il existe des fonds pour cela, et je m’en remets à mon collègue d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. En outre, bien sûr, il peut y avoir disponibilité de fonds provinciaux.
M. Rosser : Oui, madame la présidente, et je serai bref.
Plus tôt, on a posé une question sur le Partenariat canadien pour l’agriculture qui, comme certains le savent, est entré en vigueur le 1er avril de cette année en vue de mettre l’accent sur l’environnement et les changements climatiques. Le partenariat offre divers types d’incitatifs pour permettre aux producteurs d’examiner leurs opérations, de recenser les possibilités de réduire leur empreinte environnementale et d’investir en vue de réduire cette empreinte. La façon dont cela fonctionne varie au cas par cas. Même s’il s’agit de projets à coûts partagés, ce sont les provinces qui administrent cette initiative, de sorte que les détails varieront d’une province à l’autre.
Comme John l’a mentionné, grâce au cadre pancanadien, il existe toute une gamme de programmes et d’initiatives qui voient le jour tant à l’échelle fédérale que provinciale et qui pourront fournir des fonds supplémentaires pour inciter les gens à faire ce type d’investissements.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma première question s’adresse à M. Moffet. Vous devez sûrement être au courant que le gouvernement de la Saskatchewan a annoncé la semaine dernière qu’il va « tester »la constitutionnalité de la taxe sur le carbone devant les tribunaux. Comment allez-vous traiter cette situation?
[Traduction]
M. Moffet : En effet, la Saskatchewan a fait un renvoi à la Cour d’appel de la province. C’est un renvoi très simple, il demande si la loi fédérale sur la tarification du carbone, en tout ou en partie, est inconstitutionnelle. Le gouvernement fédéral estime que son projet de loi est constitutionnel et qu’il a toute l’autorité nécessaire aux termes de la Constitution pour imposer un système de tarification fédéral dans tous les territoires et provinces du Canada, conformément aux pouvoirs prévus par la loi.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai une deuxième question à poser. Évidemment, il y aura des disparités régionales qui pourraient faire en sorte qu’il serait plus rentable pour l’usine de transformation de transférer leur usine dans une province ou dans une autre. De même, les usines limitrophes des États-Unis pourraient tenter de transférer leurs usines chez eux. Avez-vous pensé à cela aussi?
Les gens veulent aller là où les coûts de production sont moins élevés.
[Traduction]
M. Moffet : Il y a deux mécanismes pour régler ce problème, et j’aurais dû commencer par dire oui, tout à fait, je peux vous assurer que nos ministres se sont penchés sur cette question et qu’ils continuent de le faire.
Il s’agit à la fois d’une question économique et environnementale. Économique, parce que, bien sûr, toute perte commerciale au Canada est importante pour notre économie, et environnementale, tout simplement parce que si l’entreprise se relocalise ailleurs où les exigences environnementales sont moins rigoureuses, à ce moment-là, c’est l’environnement qui est perdant puisque les émissions pourraient en fait augmenter.
Il existe donc deux mécanismes, et toutes les recettes tirées de la tarification du carbone seront retournées à la province d’où elles émanent. Cette province peut ensuite employer les recettes comme bon lui semble, comme c’est le cas actuellement en Ontario, au Québec, en Alberta et en Colombie-Britannique. Ils peuvent s’en servir pour réduire l’incidence de la tarification sur les entreprises par l’entremise de diverses mesures allant de la réduction d’autres taxes jusqu’aux transferts financiers directs.
Pour les grands émetteurs, ou les émetteurs qui demandent à participer au système de tarification fondé sur le rendement, ce système est pensé expressément pour réduire au minimum le prix payé. Donc, une installation ne paiera de tarif que sur ses émissions marginales, plutôt que l’ensemble de ses émissions, ce qui réduit la note, et donc, le coût supplémentaire pour cette entreprise, et réduit d’autant l’incidence sur sa compétitivité.
[Français]
Le sénateur Dagenais : De toute évidence, une taxe fédérale aussi disparate demandera beaucoup de gestion de la part de ceux qui doivent la payer. D’ailleurs, ce sera un fardeau en temps et en argent pour l’application, les classifications et la surveillance. Combien de fonctionnaires devront être mobilisés? J’imagine que vous avez déjà prévu engager plus de fonctionnaires pour gérer cette taxe. On diminue l’effet de serre, on impose une taxe sur le carbone, mais on augmente les dépenses ailleurs, n’est-ce pas?
[Traduction]
M. Moffet : Environnement et Changement climatique Canada a créé une petite organisation pour surveiller la mise en œuvre de la tarification du carbone. La plupart des ressources de cette organisation sont issues d’une réorganisation du personnel et des ressources existants. Nous avons un petit nombre — je ne sais pas combien exactement, mais c’est moins d’une dizaine — de nouveaux employés, et l’Agence du revenu du Canada prévoit investir dans l’élaboration d’un système d’information.
En ce qui concerne les coûts annuels continus, on prévoit une augmentation négligeable, car on offre déjà le même genre de surveillance dans le cadre d’autres programmes de promotion de la conformité et de collecte, comme c’est déjà le cas dans d’autres secteurs de l’économie canadienne.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vous fais confiance, mais les coûts négligeables ce n’est pas une réponse claire, nette et précise. Les coûts négligeables peuvent représenter des millions. On verra dans cinq ans. Merci beaucoup de vos réponses.
[Traduction]
Le sénateur R. Black : Monsieur Mercille, vous avez parlé du chauffage et de la réfrigération de structures. S’agit-il d’une activité exonérée? Je n’ai pas tout à fait saisi.
M. Mercille : L’on ne peut pas employer de certificat d’exemption pour du carburant qui est destiné au chauffage ou à la réfrigération.
Le sénateur R. Black : Vous parlez du chauffage et de la climatisation des poulaillers, des entrepôts d’œufs, des serres? Ces activités agricoles ne sont pas jugées admissibles?
M. Mercille : C’est exact.
Le sénateur R. Black : C’est malheureux. Beaucoup de gens chauffent leurs serres et leurs granges pour l’élevage des poulets et la production d’œufs.
M. Mercille : Lorsqu’il a pris cette décision de politique, le gouvernement a examiné le modèle utilisé en Colombie-Britannique. Il ne s’est pas vraiment inspiré de la taxe sur le carburant en Colombie-Britannique.
Le sénateur R. Black : Merci.
[Français]
La sénatrice Gagné : Monsieur Moffet, je crois que vous avez mentionné qu’il y avait certains types d’installations ou d’entreprises de transformation qui pourraient être exemptés, mais vous n’avez pas vraiment approfondi la question. Ai-je bien compris ou ai-je manqué le bateau?
[Traduction]
M. Moffet : Je vous prie de m’excuser si j’ai laissé entendre que les installations seraient complètement exemptées. Je voulais dire que nous avons un système de tarification fondé sur le rendement pour les grandes industries. Si une installation est admissible en vertu de ce système, elle n’aurait pas à payer le plein prix. Elle ne paierait pas le prix pour chaque litre de carburant qu’elle utilise, par exemple. Elle paierait un prix fondé sur un pourcentage de ses émissions.
Lorsque j’ai employé le mot « exemption », je pensais probablement au fait que certaines grandes installations ne seraient pas admissibles à ce système. Pourquoi? Certaines de ces grandes installations ne sont pas exposées sur le plan de la compétitivité. Ainsi, un grand hôpital peut produire beaucoup d’émissions. Il n’est pas en concurrence avec un autre établissement au sud de la frontière et c’est pourquoi il n’est pas soustrait au secteur des municipalités, universités, écoles et hôpitaux. Les installations de traitement des déchets ne seront pas admissibles, peu importe leur taille. Elles paieront pour chaque tonne d’émissions. Par contre, les grandes installations industrielles seront assujetties à ce système de tarification de rechange qui vise à réduire au minimum les répercussions sur leur compétitivité, toutes les répercussions négatives sur leur compétitivité.
[Français]
La sénatrice Gagné : Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur Doyle : Je me demande comment vous allez pouvoir faire la distinction entre le carburant destiné aux véhicules de promenade et celui qui serait permis pour la machinerie agricole, ce type de choses. Les agents locaux d’application de la loi en auront-ils la responsabilité? Que prévoit la loi à cet effet?
M. Mercille : La loi prévoit que, dans certaines circonstances, les agriculteurs pourront présenter un certificat d’exemption. Comme je l’ai mentionné, ils devront attester de l’utilisation du carburant qu’ils achètent au moyen de ce certificat. S’ils prévoient utiliser le carburant pour autre chose, ils pourront faire livrer du carburant sans présenter de certificat ou le faire livrer en présentant leur certificat.
Vous avez parlé d’application de la loi. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’administration et de surveillance.
Essentiellement, il reviendra à l’agriculteur de décider s’il veut utiliser un certificat d’exemption. L’ARC sera chargée des activités d’administration. L’ARC n’est pas la police. L’ARC peut, de temps à autre, procéder à un audit ou demander des renseignements à l’agriculteur, comme elle le fait déjà aujourd’hui pour n’importe quelle entreprise.
Je tiens à préciser que si on découvre que l’agriculteur a utilisé son certificat d’exemption et qu’il a revendu le carburant à son voisin qui n’est pas un agriculteur, ou toute autre situation similaire, la loi comporte une disposition sur le détournement qui prévoit que l’agriculteur aurait à ce moment-là à payer un montant équivalent aux frais auquel s’ajouterait une pénalité.
Le sénateur Doyle : Il n’y aura pas réellement de façon d’assurer le suivi, n’est-ce pas?
M. Mercille : En pratique, il y aura peut-être des fuites, mais il faut toujours parvenir à un équilibre entre la simplicité et la complexité. Nous ne pouvons pas installer un dispositif sur chaque véhicule pour savoir quel type de carburant il consomme.
Le sénateur Doyle : Les agriculteurs auront-ils droit à une exemption similaire lorsqu’ils utilisent des engrais, par exemple? Les engrais produisent également des émissions, alors les agriculteurs recevront-ils une exemption semblable pour cela également? A-t-on prévu de la leur accorder?
M. Mercille : La partie 1du projet de loi prévoit que c’est le carburant qui fera l’objet d’une tarification. Les engrais ne seront pas assujettis à cette tarification.
Le sénateur Doyle : Il n’y a pas d’exemptions pour ce produit.
M. Mercille : Parce que ce n’est pas un combustible, la redevance sur les combustibles ne s’applique pas.
Le sénateur Doyle : Très bien. Merci.
La présidente : Dans votre document, vous mentionnez des cas où aucune redevance n’est exigible, notamment sur les biocarburants qui sont ajoutés au mélange de carburants. Voici ma question : si du maïs, par exemple, est cultivé pour produire du biocarburant, cela va faire augmenter le prix du maïs cultivé à des fins alimentaires. Étant donné cette augmentation du coût de l’aliment, que peut faire le gouvernement pour que les sources de biocarburants n’aient pas pour effet d’entraîner le prix des aliments à la hausse, ou est-ce même possible?
M. Rosser : M. Moffet a peut-être une opinion, étant donné sa connaissance des biocarburants. Cela fait l’objet d’un débat public. Il est clair que, en Amérique du Nord, une forte proportion du maïs sert à la production de biocarburants. Bien sûr, il y a des recherches en cours et il y a des technologies qui permettent de produire des biocarburants à partir de déchets des secteurs agricoles et forestiers. Bien sûr, l’utilisation de céréales pour la production d’éthanol ou d’autres biocarburants peut exercer une pression à la hausse sur les prix des denrées.
La présidente : Donc, il s’agit de trouver un équilibre, n’est-ce pas? Nous voulons encourager la production de mélange de carburants, mais cela entraîne des conséquences.
Je pense qu’il y a une autre conséquence. Je ne sais pas si vous serez d’accord avec moi ou non, mais nous verrons. Je pense que l’utilisation accrue de cultures pour la production de biocarburants aura pour effet de faire augmenter le prix des terres agricoles. Notre comité vient de faire une étude sur l’abordabilité des terres agricoles. Pensez-vous qu’une utilisation accrue des biocarburants aura un effet négatif sur l’abordabilité des terres agricoles?
M. Rosser : Madame la présidente, vous avez parfaitement raison de dire que le prix des terres agricoles a considérablement augmenté depuis une décennie environ. Cela s’est produit en même temps que la croissance du revenu agricole, quoiqu’à un rythme plus rapide. Dans certains cas, c’est le signe d’une activité positive dans le secteur agricole, mais cela peut poser un problème pour les nouveaux arrivants dans le secteur ou pour ceux qui aspirent à y entrer. Le gouvernement, à la fois par l’entremise de mon ministère et celui de Financement agricole Canada et d’autres programmes, s’efforce de permettre aux nouveaux arrivants, aux jeunes agriculteurs, de faire leur place dans l’industrie.
Il y a un certain nombre de facteurs qui expliquent l’augmentation de la valeur des terres. Je pense qu’il est tout à fait possible que la demande de biocarburants y contribue, mais je pense que c’est tout au plus une raison parmi bien d’autres.
La présidente : Merci. Au nom du comité, je remercie nos témoins. Nous avons eu une bonne discussion. Je sais que nous pourrions continuer longtemps, mais nous n’avons plus de temps. Merci beaucoup d’avoir été parmi nous ce soir.
(La séance est levée.)