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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule nº 46 - Témoignages du 24 mai 2018


OTTAWA, le jeudi 24 mai 2018

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd’hui, à 8 heures, pour étudier la teneur des éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Michael L. MacDonald (vice-président) occupe le fauteuil.

Le vice-président : Bonjour, et bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Je m’appelle Michael MacDonald, vice-président du comité, et je représente la province de la Nouvelle-Écosse au Sénat.

Je vais maintenant demander aux sénateurs à la table de se présenter.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Richard Neufeld, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Renée Dupuis, du Québec.

[Traduction]

Le vice-président : Nous poursuivons aujourd’hui notre étude sur la teneur des éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. La partie 5 du projet de loi porte sur la loi proposée sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Dans un premier temps, nous allons entendre le témoignage de deux organisations. Nous souhaitons la bienvenue à Stephen Hazell, directeur de la conservation et avocat général de Nature Canada, de même qu’à Sidney Ribaux, cofondateur et directeur général d’Équiterre, qui témoignera par vidéoconférence à partir de Montréal.

Merci d’être avec nous. J’invite chacun d’entre vous à prononcer sa déclaration liminaire, après quoi nous procéderons à une série de questions et de réponses.

Monsieur Ribaux, la parole est à vous.

[Français]

Sidney Ribaux, cofondateur et directeur général, Équiterre : Monsieur le président, honorables sénateurs, je vous remercie d’avoir invité Équiterre aujourd’hui à contribuer à votre étude du projet de loi C-74, et plus particulièrement à la partie 5.

Équiterre est un organisme à but non lucratif qui compte 22 000 membres et 110 000 sympathisants. On a des bureaux à Québec, à Montréal et à Ottawa. On intervient dans la cadre de questions liées à la protection de l’environnement et, plus particulièrement, au climat depuis 25 ans.

Pour s’attaquer au tabagisme au Canada, on a augmenté le prix du tabac. Pour s’attaquer aux pluies acides qui détruisaient les forêts, le président Georges Bush a mis un prix sur le dioxyde de soufre au moyen d’un système de plafonnement et d’échange, et si on veut diminuer les gaz à effet de serre, il faudra mettre un prix sur le carbone.

Mettre un prix sur le carbone est aussi un engagement international pris par le Canada à Paris et une politique essentielle à l’atteinte de notre cible de réduction des gaz à effet de serre à l’horizon 2030. C’est une approche simple, peu coûteuse qui a démontré son efficacité à de nombreuses reprises.

D’ailleurs, le récent rapport d’Environnement et Changement climatique Canada sur les résultats escomptés de la tarification du carbone estime que celle-ci pourrait réduire les gaz à effet de serre de 80 à 90 millions de tonnes d’ici 2022. De plus, ce rapport estime que l’impact sur la croissance du PIB au Canada sera négligeable, étant donné que nous prévoyons toujours un écart de 64 mégatonnes de GES envers l’atteinte de notre cible de 2030. Nous avons besoin des résultats escomptés par le prix sur le carbone.

Selon la Banque mondiale, il y a maintenant plus de 67 juridictions, incluant la Chine et plusieurs autres partenaires commerciaux du Canada, qui ont déjà imposé un prix sur le carbone. Il est grand temps que le Canada rejoigne ces économies.

Certains s’inquiètent du potentiel désavantage compétitif pour l’industrie canadienne, mais le système fédéral prévoit des mesures spécifiques pour mitiger les risques des industries exposées à ce type de concurrence.

Les nouveaux fonds consacrés à l’innovation propre et le défi de favoriser une économie sobre en carbone, notamment, stimuleront la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans plusieurs secteurs économiques, assurant ainsi la compétitivité de nos industries dans la nouvelle économie.

D’ailleurs, je vous raconte une petite anecdote. Il y a quelques années, l’industrie du béton au Québec prétendait que si on instaurait une bourse du carbone, toutes les cimenteries déménageraient en Ontario. Eh bien, ça n’a pas été le cas. Cinq ans plus tard, cette industrie se porte très bien. Qui plus est, le premier projet industriel majeur au Québec à voir le jour à la suite de la mise en place du prix carbone était justement une cimenterie.

Aujourd’hui, il y a un consensus politique au Québec sur la bourse sur le carbone, et aucun parti majeur ne s’y oppose. Elle est donc là pour de bon. Le système de plafonnement et d’échange du Québec couvre près de 85 p. 100 des émissions de la province et s’est de nouveau élargi avec la liaison des marchés du Québec et de la Californie avec celui de l’Ontario le 1er janvier dernier.

À ce jour, le marché du carbone a généré des revenus de plus de 2 milliards de dollars, lesquels sont entièrement consacrés au Fonds vert. Ce fonds finance des investissements dans l’économie de demain. À titre d’exemple, le fonds soutient la PME québécoise Lion qui fabrique des autobus scolaires entièrement électriques et, plus récemment, leur exportation en Californie. Un jour, tous les autobus scolaires du monde seront électriques, et le Québec se sera taillé une part de ce marché lucratif grâce au Fonds vert.

Notons toutefois que le fait d’imposer un prix sur la pollution du carbone, quoiqu’essentiel, est à lui seul insuffisant pour atteindre notre cible de réduction des gaz à effet de serre. De ce fait, les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral doivent mettre en place des politiques complémentaires. Je vous donne un seul exemple : la réglementation des gaz à effet de serre des véhicules passagers. Sans elle, les manufacturiers vont continuer à dépenser des milliards de dollars en publicité pour nous vendre de grosses voitures et, surtout, des camions légers rendant les consommateurs prisonniers de la fluctuation des prix de l’essence, comme nous l’avons vu d’ailleurs au cours des dernières semaines. Il est donc essentiel de réglementer l’efficacité énergétique des voitures et des camions légers, par exemple.

Le débat sur le prix du carbone ne date pas d’hier. Lors de l’adoption du protocole de Kyoto en 1997, déjà, un prix sur le carbone était la principale mesure préconisée par les pays signataires, y compris le Canada. Le Québec, avant de mettre en place une bourse sur le carbone, avait adopté un prix sur le carbone en 2006; la Colombie-Britannique l’a fait en 2008. Dans la même année, le Parti conservateur fédéral de l’époque proposait de mettre un prix sur le carbone à l’échelle nationale dans son plan intitulé «Prendre le virage  ».

Le projet de loi devant vous aujourd’hui est donc le fruit de quelques décennies de débats et d’expérimentations concrètes dans d’autres pays, mais aussi dans les quatre provinces les plus populeuses du pays. Qui plus est, les multiples consultations et rapports techniques du gouvernement fédéral ont permis un engagement exhaustif; ce projet de loi est donc attendu depuis longtemps.

Rappelons aussi que tous les revenus du système fédéral seront retournés dans la juridiction où le prix sur le carbone fédéral devra éventuellement être appliqué. Selon Équiterre, nous ne pouvons lutter contre les changements climatiques sans lancer un signal clair au sein de l’économie canadienne par la tarification du carbone. À notre avis, il est impossible d’élaborer un plan de lutte aux changements climatiques crédible sans imposer un prix sur le carbone. Sans les réductions de GES escomptées par cette tarification, il faudra des règlements beaucoup plus stricts et beaucoup plus coûteux afin d’atteindre notre cible.

Je vous signale d’ailleurs que la cible actuelle du Canada sur l’horizon 2030 est la même que celle du précédent gouvernement. Il s’agit donc d’un consensus politique minimum. Même si elle n’est pas assez ambitieuse, à notre avis, toujours est-il qu’il faut l’atteindre. Il va donc sans dire qu’Équiterre appuie le projet de loi visant la mise en œuvre de la tarification sur le carbone.

Je vous remercie.

[Traduction]

Le vice-président : Monsieur Hazell, c’est à vous.

Stephen Hazell, directeur de la conservation et avocat général, Nature Canada : Je suis directeur de la conservation et avocat général à Nature Canada, la voix de la nature au pays.

Je préside également la Coalition du budget vert, qui représente 20 des principaux groupes environnementaux et de conservation du Canada et plus de 600 000 Canadiens qui recommandent au gouvernement et au Parlement d’écologiser le budget fédéral chaque année. Nous publions annuellement un document sur la production d’un budget fédéral vert.

Je suis très reconnaissant d’avoir l’occasion aujourd’hui de vous parler de la loi proposée sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Tout d’abord, je félicite le gouvernement pour ses budgets lorsqu’il est arrivé au pouvoir. Les budgets de 2016 et 2017 ainsi que le cadre pancanadien représentent des investissements sans précédent dans les infrastructures vertes et l’économie à faible émission de carbone.

Le budget de 2018 prévoit un investissement fédéral jamais vu dans la conservation de la nature. Nature Canada est absolument enthousiasmée par la promesse de dépenser prudemment 1,3 milliard de dollars sur cinq ans pour freiner le déclin de la biodiversité au Canada en créant et gérant des aires protégées, puis en rétablissant des espèces en péril.

Nature Canada souhaite remercier sans réserve le gouvernement du Canada pour cet investissement budgétaire, de même que les 116 députés et sénateurs qui ont appuyé la recommandation de la Coalition du budget vert pour cet investissement dans la conservation de la nature.

Nature Canada appuie la loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre. Un système national de tarification du carbone est attendu depuis longtemps. Les changements climatiques sont probablement la plus grande menace mondiale qui pèse sur la nature et la biodiversité, et il a été démontré que la tarification du carbone est le moyen le plus rentable de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Il y a près de 30 ans, la coalition d’organisations environnementales et autochtones Créer un Canada vert a d’abord proposé une taxe fédérale sur le carbone au premier ministre Mulroney. Le Plan vert de 1990, à hauteur de 3 milliards de dollars, était une initiative environnementale très importante de son gouvernement, mais il ne comprenait pas le système de tarification du carbone que nous avions recommandé.

Il y a 25 ans, le Canada a signé la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, notre premier engagement international à réduire la pollution par les gaz à effet de serre. Nous commençons à peine à tenir cette promesse.

Puis, il y a 14 ans, le premier ministre Martin avait été le premier à annoncer son intention de fixer un prix sur la pollution par les gaz à effet de serre en créant un marché de réduction des émissions dans tous les secteurs de l’économie. Ce n’est jamais arrivé.

Il y a 10 ans seulement, le ministre de l’Environnement, John Baird, avait dit que les échanges de carbone étaient un « élément clé » du plan « Prendre le virage » du gouvernement, visant à réduire la pollution causée par les gaz à effet de serre. Or, ce virage n’a toujours pas été pris.

Plus tard en 2008, le gouvernement a promis de créer et de mettre en place un système de plafonnement et d’échange pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et la pollution de l’air. Ce n’est jamais arrivé.

Enfin, en 2015, le gouvernement actuel s’est clairement engagé à fixer un prix sur la pollution par les gaz à effet de serre. Cet engagement se reflète dans la loi proposée sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

Après trois décennies d’inaction, les terribles réalités des changements climatiques sont maintenant claires pour le Canada et le monde entier.

En 8 ans, la ville de Calgary a connu deux crues à récurrence de 100 ans, dont la plus récente en 2013 a entraîné des pertes financières et des dommages matériels de 6 milliards de dollars.

En 2016, soit il y a deux ans en mai, près de 90 000 personnes ont été évacuées en raison d’un feu de forêt dans les environs de Fort McMurray. Des milliers de maisons ont été réduites en cendres. Selon le Bureau d’assurance du Canada, le feu de forêt de Fort McMurray est la catastrophe naturelle la plus coûteuse sur le plan des assurances de toute l’histoire du Canada, avec des demandes d’indemnisation estimées à 3,77 milliards de dollars à la mi-novembre 2016.

Au printemps 2017, l’armée a été appelée en renfort lors d’inondations à Montréal, à Gatineau et à Ottawa. Cette crue a causé plus de 220 millions de dollars de dommages indemnisables à Ottawa seulement.

L’été dernier, la Colombie-Britannique a connu la pire saison d’incendies de son histoire. Plus de 1 300 feux ont brûlé plus de 1,2 million d’hectares, ce qui a chassé 65 000 personnes de leur foyer et coûté plus de 500 millions de dollars à la province. La saison des feux de forêt a entraîné un état d’urgence pendant 10 semaines, le plus long en Colombie-Britannique.

Ce printemps, il suffit de se tourner vers l’est ou vers l’ouest pour voir les inondations tragiques qui ont frappé le Nouveau-Brunswick et la Colombie-Britannique. Comme le premier ministre Brian Gallant l’a dit :

Nous assistons à des phénomènes météorologiques que nous n’avions jamais vus auparavant. Il est fort probable que ce sera l’inondation la plus grande et la plus marquante jamais enregistrée au Nouveau-Brunswick.

Nous ne pouvons pas affirmer que ces phénomènes sont directement liés aux changements climatiques, mais nous savons que les risques qu’ils surviennent s’accroissent à mesure que les émissions de gaz à effet de serre augmentent dans l’atmosphère.

Quel est l’essentiel? Selon le Bureau d’assurance du Canada, les coûts de l’inaction en matière de changements climatiques dépassent désormais de loin les coûts d’une intervention.

Pour revenir à la loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, permettez-moi de dire que la tarification du carbone n’est qu’un outil. Nous devrons utiliser l’ensemble de la boîte à outils afin de réduire suffisamment les émissions de GES de façon à atteindre nos objectifs.

Cette législation sera sans doute imparfaite et devra être ajustée à mesure que les différentes formes de tarification du carbone seront mises à l’essai dans diverses provinces. L’essentiel, et je suppose que c’est mon principal message, est de commencer maintenant et d’arrêter de se perdre en futilités pendant que nos collectivités brûlent et sont inondées.

Nature Canada demande instamment au Sénat à terminer son examen et d’adopter ce projet de loi rapidement.

Merci beaucoup.

Le vice-président : Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Merci à nos deux témoins de leur présence parmi nous.

Je suis très favorable à l’idée d’imposer une taxe sur le carbone. Tous les économistes sont d’accord sur ce point. J’aimerais surtout aborder certains points d’ordre technique.

Comme vous le savez, le projet de loi vise à compenser ou à protéger nos grands émetteurs qui sont confrontés à une concurrence américaine déloyale où le carbone n’est pas taxé. Environ 63 ou 83 émetteurs canadiens seront exemptés de la loi. Ils feront partie d’une catégorie à part. Dans ce cas, le prix sur le carbone sera imposé seulement sur une portion de leurs émissions. Jusqu’à présent, on parle de 30 p. 100. En d’autres mots, ils bénéficieront d’un crédit sur 70 p. 100, un peu comme on le fait dans les provinces qui ont un système de plafonnement et d’échange.

Croyez-vous que la structure proposée, avec le crédit de 30 p. 100, est juste et équitable pour respecter nos objectifs économiques et protéger notre industrie canadienne contre une concurrence injuste? Est-ce bien formulé? Est-ce qu’on a bien ciblé le nombre d’émetteurs? Allons-nous atteindre nos objectifs? Comment cela se compare-t-il aux provinces comme le Québec, qui ont un système de plafonnement et d’échanges qui offre une structure semblable, au moyen de crédits, mais dans un autre format? Quelle est votre opinion à ce sujet, monsieur Hazell, quant au projet de loi comme tel?

[Traduction]

M. Hazell : Je vous remercie infiniment de votre question. Elle est bonne parce que, comme le sénateur l’a mentionné, ce projet de loi comporte en fait deux régimes distincts. Il y a le régime qui fixe le prix du carbone à 10 $ la tonne pour les carburants qui sont brûlés. Un autre régime est prévu pour les grands émetteurs qui produisent 50 000 tonnes ou plus d’émissions de gaz à effet de serre par année dans un certain nombre de secteurs industriels désignés, y compris le pétrole et le gaz. Ce régime ne s’applique que lorsque la quantité d’émissions est supérieure à la moyenne de l’industrie.

Je ne peux pas me perdre en conjectures sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a adopté cette approche particulière, mais il est juste de dire que cela ne peut que contribuer à la compétitivité du Canada. C’est peut-être justement la raison pour laquelle les législateurs ont choisi cette méthode.

Il faudra peut-être revoir le texte législatif au fil des ans, mais, comme je l’ai dit, l’important est de commencer par mettre en place un système de tarification du carbone, après quoi nous verrons comment les choses se déroulent. Il va sans dire que nous devrons faire des ajustements. C’est ce qui est arrivé dans l’Union européenne et ailleurs.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Ribaux?

M. Ribaux : J’ai deux ou trois commentaires à faire pour répondre à votre question.

Effectivement, le système québécois offre des crédits pour certains des grands émetteurs qui font face à une concurrence à l’échelle internationale. Au Québec, le système est en place depuis cinq ans et les grands émetteurs n’ont pas fui la province. Le système semble avoir fonctionné. D’un point de vue environnemental, c’est imparfait. Dans un monde idéal, il y aurait un prix sur le carbone continental ou même mondial, qui ferait en sorte que tout le monde serait exposé au même prix sur le carbone. Comme l’a mentionné mon collègue, c’est un système qu’on devra adapter avec le temps. Près de 50 p. 100 de l’économie mondiale est exposée à un prix sur le carbone. Éventuellement, ces exceptions deviendront de moins en moins pertinentes.

Il faudra faire attention avec la loi. On est très à l’aise actuellement avec la formulation de la loi. Il faudra être vigilant en ce qui a trait au règlement pour s’assurer que les industries exemptées sont effectivement des industries exposées. Par exemple, l’électricité n’est pas une industrie exposée, selon nous. L’électricité ne devrait pas bénéficier d’un crédit, parce que c’est un marché qui dessert essentiellement des marchés nationaux. On est très à l’aise avec la formulation actuelle du projet de loi.

Le sénateur Massicotte : Le gouvernement fédéral laisse le champ libre aux provinces sur la façon de dépenser l’argent, surtout dans le cadre d’une taxe sur le carbone. Comme tout projet de loi, tout programme de financement, il y a des gagnants et des perdants. Certains sont capables d’assumer les coûts supplémentaires. Cependant, certaines familles n’ont pas les moyens de payer cette taxe. Les conséquences pour les ménages sont très importantes.

On prononce de belles paroles en disant qu’il faut trouver des moyens d’aider ces gens et s’assurer qu’il n’y ait pas de conséquences, mais le gouvernement laisse le champ libre aux provinces. C’est un choix politique. C’est un peu le modèle de notre pays. Cependant, certains sont d’avis que le gouvernement fédéral devrait déployer davantage d’efforts pour protéger au minimum les familles qui en subissent les répercussions financières. On peut également se fixer d’autres objectifs. Êtes-vous d’accord, monsieur Hazell, à l’idée de laisser le champ libre aux provinces sans énoncer d’objectifs?

[Traduction]

M. Hazell : C’est une excellente question. Les inégalités qui peuvent découler d’un système de tarification du carbone sont évidentes, et nous devons les corriger. Tandis que nous passons à une économie à faibles émissions de carbone, des défis se présenteront. Nous devons nous assurer que ce soit fait de façon équitable.

Je comprends pourquoi le gouvernement fédéral serait réticent à s’aventurer sur cette voie avant qu’un système national de tarification du carbone ne soit sur la table. Pour le moment, encore une fois, nous devons faire confiance aux provinces pour s’assurer que les régimes de tarification du carbone et de taxe sur le carbone qu’elles mettront en place seront justes, et pour proposer des rajustements aux Canadiens à faible revenu.

Au fur et à mesure que nous apprendrons de l’expérience du projet de loi, il se peut que le gouvernement fédéral doive prendre des mesures pour assurer l’équité dans l’ensemble du pays.

[Français]

M. Ribaux : Il serait logique de laisser aux provinces le soin d’adopter des mesures compensatoires pour les personnes à faible revenu qui seront pertinentes pour ces provinces. Il y a plusieurs façons d’assurer cet enjeu. Par le passé, certains gouvernements ont accordé des chèques directement aux consommateurs, donc aux citoyens. Cette méthode n’est pas la plus efficace ni la plus équitable, mais c’est une façon de le faire.

Il y a des façons de le faire aussi en ce qui a trait à l’efficacité énergétique des bâtiments, des maisons et des maisons pour personnes à faible revenu.

Il y a d’autres moyens, évidemment, en ce qui concerne le transport, le transport en commun, et cetera. Donc, considérant toutes ces mesures, les mesures appropriées dans une province, par exemple dans les Maritimes, où les provinces y sont moins urbanisées, ne seraient pas les mêmes mesures que celles qui seraient adéquates à Toronto. Pour nous, il est certain qu’il faut s’occuper de cette question, mais il serait préférable de laisser le soin aux provinces d’adopter des mesures dont elles ont besoin. Que ce soit elles qui décident d’imposer un prix carbone ou qu’il soit mis en place par le gouvernement fédéral, elles auront les revenus pour décider de la façon d’investir ces sommes.

[Traduction]

Le sénateur Wetston : Comme vous le savez tous les deux, et comme le sénateur Massicotte l’a indiqué, je crois, des arguments convaincants justifient de lutter contre les changements climatiques à l’échelle nationale et internationale. Il semble y avoir un certain nombre de moyens pour y arriver. Il ne suffit pas de mettre en place une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d’échange, comme vous l’avez tous les deux plus ou moins mentionné.

Nous avons des programmes en place, et nous sommes en train de faire l’étude préalable d’un projet de loi. En réfléchissant au projet de loi, à ce que nous devons faire en tant que comité, et aux programmes possiblement en vigueur en Colombie-Britannique, en Alberta, au Québec et en Ontario, nous nous faisons une idée du prix de la pollution.

Pourriez-vous nous dire tous les deux ce que vous aimez de ces programmes de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, du Québec et de l’Ontario? Quels en sont les éléments positifs? Qu’est-ce qui vous déplaît? Quels sont les réussites et les échecs de ces programmes?

Pour reprendre les propos du sénateur Massicotte, l’équité est importante. Tous les Canadiens doivent être traités équitablement à cet égard et pouvoir profiter d’une atténuation des changements climatiques, comme vous en avez tous les deux parlé. En même temps, ils doivent être en mesure de composer avec le régime dans leur vie et leur mode de vie.

Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous en parler tous les deux?

M. Hazell : Bien sûr. Je vais me lancer à pieds joints. M. Ribaux a une expérience très différente du système québécois, mais je suis en faveur d’une taxe sur le carbone.

Le grand avantage de la taxe sur le carbone, c’est que les gouvernements savent déjà comment taxer. C’est une chose que les gouvernements ont très bien appris à faire au fil des décennies, n’est-ce pas?

Il y a beaucoup d’expérience à ce chapitre. Nous savons comment nous y prendre. Ce serait une façon efficace d’établir les formalités administratives. La plupart des Canadiens n’y pensent pas nécessairement, mais la mise en place du système de plafonnement et d’échange est beaucoup plus complexe que la simple imposition d’une taxe sur le carbone.

Je préfère la taxe sur le carbone simplement pour sa facilité d’administration. La Colombie-Britannique nous a montré comment bien faire fonctionner une taxe sur le carbone. Le système est en place depuis assez longtemps dans la province pour que nous sachions dans quelle mesure il a modifié les comportements, même avec cinq cents par litre d’essence.

Est-ce que la mesure va détruire l’économie de la Colombie-Britannique? Les faits montrent que ce n’est pas le cas. L’économie de la province est l’une des plus fortes au pays. Les émissions de gaz à effet de serre des Britanno-Colombiens ont diminué plus rapidement qu’ailleurs au pays. L’étude de l’Institut international du développement durable attribue cette réussite à la taxe sur le carbone de la Colombie-Britannique.

Quoi qu’il en soit, je suis en faveur d’une taxe sur le carbone. Le projet de loi devant nous est une sorte d’amalgame d’approches. Je suis persuadé que M. Ribaux aura un point de vue légèrement différent du mien.

M. Ribaux : Nous préconisons une tarification du carbone. Nous pensons que la taxe et le système de plafonnement et d’échange peuvent être des moyens efficaces d’entraîner des réductions.

Le premier élément de votre question est que nous parlons d’un très faible signal de prix, au début du moins. Comme nous l’avons mentionné, il y a presque chaque année une instance gouvernementale au pays qui augmente le prix de l’essence, du tabac ou de l’alcool. Cela n’est pas discuté pendant des décennies.

Pour toutes sortes de raisons, la taxe sur le carbone suscite un énorme débat. Nous parlons en fin de compte de quelques cents sur l’essence ou le carburant. Nous avons constaté dans d’autres instances que lorsque l’intention est d’envoyer des signaux de prix sur un produit taxé comme celui-ci, le coût n’augmente pas nécessairement pour les consommateurs.

Au Québec, les gens achètent de petites voitures parce que le prix de l’essence est parmi les plus élevés en Amérique du Nord. En Europe, les gens consomment 10 fois moins d’essence que nous le faisons en Amérique du Nord en raison des taxes élevées sur l’essence. Au bout du compte, les Européens ne paient pas vraiment plus cher pour se déplacer. Ils ne font que se déplacer ou chauffer leur maison différemment.

C’est un premier point fort important. Nous devons mettre les choses en perspective. L’incidence n’est pas énorme. Nous avons parlé des répercussions sur les personnes à faible revenu, et il faut les atténuer.

Pour ce qui est de la différence entre une taxe et un système de plafonnement et d’échange, la taxe garantit le prix. Vous connaissez l’incidence sur le signal de prix. C’est l’avantage. L’inconvénient est que cela ne garantit pas la réduction des émissions. La taxe peut augmenter, mais si l’économie prospère et que les gens s’enrichissent, peut-être qu’ils ne vont qu’absorber la taxe et payer les cinq cents supplémentaires sur l’essence, par exemple.

En revanche, le système de plafonnement et d’échange ne garantit pas le prix. Il garantit plutôt des réductions puisque c’est un mélange entre l’envoi d’un signal de prix et la réglementation des grands émetteurs pour qu’ils diminuent leur pollution. Ils doivent réduire leurs émissions. C’est fait au moyen d’un système permettant à l’industrie de réduire aux endroits les plus efficaces, mais elle doit nécessairement agir au bout du compte.

Le Québec est assuré d’atteindre son objectif puisqu’il a réglementé les cibles et le système de plafonnement et d’échange. C’est plus complexe. Stephen Hazell a raison sur ce point. Vous devez formuler une réglementation adéquate.

À ce stade-ci, nous pensons que la façon dont le système a été mis en place au Québec, en Californie et en Ontario entraînera des réductions. Les deux systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Le sénateur Mockler : Pour mettre en œuvre ou opérer des changements, nous devons nous assurer que les gens qui paieront en fin de compte savent pourquoi ils le font.

C’est bien beau de dire qu’il ne fait aucun doute que des régions du Canada se réveilleront ce matin avec de la neige. Chez nous, au Nouveau-Brunswick, il y en avait aujourd’hui entre 4 et 6 centimètres dans le nord.

Nous croyons aux changements climatiques, mais nous croyons également que nous avons besoin d’une économie forte pour apporter ces changements. Nous ne pouvons pas simplement appuyer sur un bouton. Nous sommes devant un problème : lorsqu’il y a une instabilité politique ou sociale, aucun progrès n’est réalisé. Il arrive que la main gauche ne sache pas ce que fait la main droite, ou inversement.

En mars 2016, nous avons vu le premier ministre Trudeau et le président Obama publier une déclaration commune. J’aimerais entendre votre opinion, parce que vous n’en avez pas parlé.

[Français]

Vous, monsieur Ribaux, lors de votre présentation, vous avez mentionné ce qui s’est produit avec l’industrie du béton.

[Traduction]

Nous devons composer avec le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris. J’aimerais entendre votre opinion sur l’idée que le gouvernement est le mieux placé pour dire comment imposer une taxe. Si la taxe est trop élevée, je sais l’incidence que cela aura sur notre économie. Nous le voyons actuellement. Vous n’en avez pas parlé.

Voici ma question. Compte tenu de ce qui se passe avec notre plus important partenaire commercial de tous les temps, les États-Unis, quels effets la tarification du carbone ou un programme de plafonnement et d’échange pourraient-ils avoir sur la compétitivité des entreprises canadiennes, en particulier par rapport à nos concurrents américains?

Vous devez m’en convaincre pour que je sois en mesure d’en convaincre les gens au restaurant Tim Hortons et au McDonald’s, soit ceux qui devront payer cette taxe en fin de compte. Nous devons être conscients que vous avez un rôle à jouer en vue de nous aider à prouver que nous sommes sur la bonne voie.

J’aimerais entendre ce que vous pensez de ce que propose le gouvernement dans le projet de loi C-74 et des modifications que vous demandez au gouvernement d’envisager par rapport à la compétitivité du Canada.

M. Hazell : Premièrement, lorsque nous parlons de compétitivité, nous devons examiner aussi bien le coût de l’inaction que le coût de l’action. Nous faisons souvent fi de cet aspect. Voilà pourquoi je vous encourage à inviter des représentants du Bureau d’assurance du Canada, si ce n’est pas déjà fait, à témoigner devant le comité.

Les coûts qu’entraînent les conditions météorologiques extrêmes s’accentuent. Ils augmentent chaque année, et ce sont les Canadiens qui doivent assumer ces coûts. Lorsque nous parlons de compétitivité, c’est aussi un élément de l’équation. Nous devons inclure les coûts liés à la reprise des activités à la suite de ces diverses catastrophes. Je vous encourage donc fortement à inviter ce groupe.

En ce qui a trait à l’imposition d’une taxe, selon un principe en économie, il faut taxer les mauvaises choses et ne pas taxer les bonnes. L’imposition d’une taxe sur la pollution est une bonne idée, parce que la pollution est une mauvaise chose. Vous pourriez faire valoir que l’imposition des revenus est une mauvaise chose, parce que vous voulez que les gens mettent de l’argent de côté.

En mettant de l’avant un régime de tarification du carbone, vous essayez en gros de décourager les mauvais comportements. Parallèlement, avec tous les revenus que rapporte un régime de tarification des gaz à effet de serre, les gouvernements provinciaux et fédéral peuvent modifier d’autres taxes, comme l’impôt sur le revenu, pour que ce soit neutre sur le plan fiscal. Je crois que c’est un important principe qui a été mis en pratique en Colombie-Britannique.

Je ne sais pas si cet aspect a fonctionné. Je ne suis pas spécialiste en la matière, mais je crois que c’est un élément important de l’équation. Je ne pense pas que nous devons présumer que l’imposition d’une tarification ou d’une taxe sur les émissions de gaz à effet de serre entraînera automatiquement une hausse globale du fardeau fiscal. Nous serons peut-être en mesure de réduire d’autres taxes ou d’encourager les gens à économiser, par exemple.

M. Ribaux : Votre question soulève de nombreux points. Je vais essayer de les aborder très rapidement, parce que le temps file.

J’étais à Bonn lors de la dernière ronde de négociations des Nations Unies sur le climat en octobre 2017, après Paris et après que le président Trump a annoncé son retrait de l’Accord de Paris.

Devinez quoi? La délégation américaine était là. Les Américains étaient très présents. Ils continuent de participer aux négociations, parce que le processus de retrait de l’Accord de Paris prendra quatre ans. Voilà pour le premier point.

Je suis d’accord que les Américains ont annoncé leur retrait. Je fais valoir que ce n’est pas encore chose faite. Le processus est encore en cours.

Le deuxième point concernant les États-Unis, c’est qu’au moins la moitié de l’économie américaine est déterminée à réduire les émissions de gaz à effet de serre, et qu’il y a diverses structures de prix et réglementations pour ce faire. Par exemple, je parlais de réglementer l’industrie automobile. Bon nombre d’États américains, y compris la Californie et l’État de New York, ont signalé leur intention de réglementer cette industrie si le gouvernement Trump décidait de se retirer de l’Accord de Paris.

Ce n’est pas comme si nous avions un pays au sud qui a dit qu’il ne fera rien pour lutter contre les changements climatiques. En fait, la majorité des États-Unis en font beaucoup. Dans bien des cas, ils en font plus que nous pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cette nuance est importante.

Troisièmement, une stratégie mondiale de réduction des émissions de gaz à effet de serre profitera à un énorme segment de l’économie canadienne. Nous avons parlé plus tôt de l’électricité. Nous exportons quelques milliards de dollars d’électricité chaque année aux États-Unis. Hydro-Québec, BC Hydro et Hydro-Manitoba sont en très bonne posture pour tirer profit des États américains qui demandent aux producteurs de fournir des solutions à faibles émissions de carbone.

Par ailleurs, une importante industrie éolienne est en essor au Canada. Certaines de ces entreprises sont étrangères, mais bon nombre d’entre elles sont canadiennes. Bombardier construit des wagons. Nova Bus au Québec construit des autobus. Nous devrons améliorer le réseau de transport en commun au Canada et ailleurs si nous voulons sérieusement nous attaquer à cet enjeu. En Ontario, les constructeurs automobiles ont déjà commencé à offrir des véhicules hybrides et électriques.

La question n’est pas de savoir si nous nous dirigeons vers une économie à faibles émissions de carbone. Voilà la vraie question. Le Canada sera-t-il à la traîne ou aiderons-nous notre industrie à s’adapter à cette nouvelle économie à faibles émissions de carbone qu’annoncent de nombreux économistes et observateurs économiques dans le monde?

Au fil des ans, de nombreuses industries de grande envergure ont affirmé que la tarification du carbone est la manière la plus efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est ce qu’elles disent, parce qu’elles ont besoin d’avoir une idée claire de ce que le gouvernement a l’intention de faire pour réglementer cet enjeu. Les industries se sont généralement dites favorables à la tarification du carbone. Cela inclut l’industrie pétrolière. L’industrie l’a répété à plusieurs reprises.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci à vous deux d’être ici ce matin. Messieurs Ribaux et Hazell, vous nous avez parlé des inégalités qui peuvent être engendrées par la tarification du carbone. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus à ce sujet. Dans le programme 2030 pour le développement durable, je vois qu’on a fait le lien cette fois-ci entre la croissance économique et la protection de l’environnement, pour arriver à des sociétés plus inclusives et réduire les inégalités. D’ailleurs, monsieur Ribaux, lors de votre présentation, vous avez parlé des consommateurs — en fait, des citoyens —, et cela a particulièrement attiré mon attention. On est d’abord des citoyens et des citoyennes qui paient des impôts. On a subventionné des entreprises de développement des ressources naturelles, y compris le pétrole, pour se faire dire aujourd’hui qu’il faut changer radicalement le système d’exploitation des ressources. Au bout du compte, ce sont toujours les contribuables qui doivent payer. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Ribaux : Encore une fois, il y a plusieurs façons d’atténuer l’impact des mesures fiscales, comme un prix sur le carbone, sur les personnes les plus démunies. Il importe de dire que les personnes les plus vulnérables qui ont droit à l’aide sociale ou qui ont des revenus très faibles, généralement, consomment très peu d’énergie. Les personnes sans emploi, qui ont un logement où, souvent, dans les villes par exemple, le prix du chauffage est inclus, ce sont des gens qui ont peu de moyens pour ajuster leur consommation, parce qu’elle est très faible, mais en même temps, ils sont moins touchés par une taxe sur l’énergie que le consommateur moyen.

Cela dit, il y a des exceptions à toute règle. Certaines personnes à faible revenu habitent dans de vieilles maisons dans des régions éloignées ou conduisent de vieilles voitures. Au Québec, et ailleurs au Canada, des programmes d’efficacité énergétique destinés aux personnes à faible revenu ont été mis sur pied au fil des ans. Des actions ont été menées en faveur de la rénovation domiciliaire. Des programmes de mise au rancart de vieux véhicules ont été instaurés dans plusieurs provinces. Ceux-ci permettent aux personnes à faible revenu d’obtenir un rabais contre l’échange de leur vieux véhicule ou d’avoir accès à d’autres moyens de transport.

De nombreuses communautés autochtones sont situées en région éloignée. Elles sont desservies par des réseaux autonomes de distribution d’électricité qui fonctionnent généralement au diesel. On subventionne largement le diesel. On offre un financement pour faire en sorte que ces gens aient accès à une énergie à faible prix. L’envers de la médaille, c’est que les opportunités pour transférer cette énergie polluante vers une énergie propre sont énormes, parce que l’écart de prix est très important. Il existe une large panoplie de mesures à mettre en place. Je connais moins le plan de l’Alberta, mais je sais que toute une série de mesures a été mise en place pour atténuer l’impact du prix sur le carbone sur les plus démunis. C’est un enjeu important, et il faut le relever. Toutefois, il ne faut pas hésiter à adopter une telle mesure par peur que l’impact sur les personnes à faible revenu soit trop grand.

[Traduction]

M. Hazell : Je suis d’accord avec tout ce qu’a dit M. Ribaux. La Coalition du budget vert a recommandé, année après année, la mise en place d’un programme pour subventionner l’efficacité énergétique pour les Canadiens à faible revenu qui rénovent leur domicile et ainsi réduire leurs coûts en énergie et les émissions de gaz à effet de serre, en raison de maisons dont l’étanchéité fait défaut.

Cela me rappelle une étude qu’a réalisée le professeur Lars Osberg à l’Université Dalhousie il y a quelques années sur les émissions de gaz à effet de serre de divers groupes de Canadiens en fonction du revenu. Son étude a permis de conclure que les 80 p. 100 des Canadiens ayant le revenu le plus faible atteignaient déjà à cette époque les objectifs de Kyoto.

Le problème, c’est vraiment les 20 p. 100 des Canadiens ayant le revenu le plus élevé. Ce groupe produit toutes les émissions de gaz à effet de serre. Ce ne sont pas les 80 p. 100 des Canadiens ayant le revenu le plus faible. C’était une étude extrême intéressante. Cela devrait faire réfléchir, un peu, ceux d’entre nous qui prennent sans cesse l’avion.

[Français]

La sénatrice Dupuis : C’est exactement le genre d’iniquité dont je parlais. Si vous êtes la troisième génération de« jet setters », si vous avez des enfants qui n’ont pas les moyens d’accéder à la propriété, qui vivent dans des logements dont les propriétaires ne se préoccupent pas de ces questions, il y a une question intergénérationnelle qui joue aussi.

[Traduction]

Le sénateur Neufeld : Bon nombre de mes questions ont déjà été posées. Je suis inquiet pour Fred et Martha, les gens ordinaires dans le système, et notre économie. Je ne parle pas seulement des gens à faible revenu. Je parle des gens qui sont probablement dans la trentaine. Il peut s’agir d’une mère célibataire qui a deux ou trois enfants et qui habite dans une maison qui a 30 ans.

C’est bien de dire qu’il devrait y avoir des programmes. J’ai justement participé à l’élaboration de certains de ces programmes. Il faut toujours que les gens investissent un certain montant pour en fait avoir accès à cette aide, mais ils n’ont pas cet argent. Les mères célibataires qui élèvent deux ou trois enfants et qui habitent dans une maison qui a 30 ans n’ont pas cet argent. Elles n’ont pas 6 000 ou 7 000 $ à investir en amont pour demander au gouvernement de payer aussi sa moitié pour les aider à changer leurs fenêtres, leur isolation ou leur système de chauffage, par exemple. Voilà les gens pour lesquels je m’inquiète.

Je ne pense pas que la solution est de seulement parler des gens à faible revenu. Nous devons adopter une approche très différente. J’ai trouvé intéressant ce qu’a dit M. Hazell au sujet des 20 p. 100 des Canadiens ayant le revenu le plus élevé. Les gens comme Al Gore, qui affirment que nous devrions vraiment réduire nos émissions de gaz à effet de serre, sont ceux que nous devrions cibler, parce qu’ils vivent dans d’énormes manoirs et qu’ils se rendent aux quatre coins du monde en avion. Je suis d’accord avec cela, si c’est ce que vous dites, et je crois que c’est ce que vous dites.

En ce qui concerne le prix du gaz naturel à 50 $ la tonne, 50 p. 100 des maisons canadiennes utilisent le gaz naturel pour le chauffage. La taxe sur le carbone coûte deux fois plus cher que le carburant utilisé pour chauffer ces maisons. Dans bien des cas, il n’y a aucune option. De manière réaliste, que faisons-nous dans de tels cas?

Ne parlons pas de moyennes. Je n’aime pas les moyennes, parce que cela ne nous permet pas de cerner exactement nos problèmes. Nous devrions en fait choisir différentes maisons dans différentes provinces pour réaliser une petite étude pour déterminer ce qu’ont été les coûts au cours des 10 dernières années et ce qu’ils seront à 50 $ la tonne, au lieu de simplement parler de moyennes.

Que dites-vous à Fred et à Martha, les citoyens moyens, ou aux mères qui ont deux ou trois enfants et qui arrivent à peine à joindre les deux bouts dans l’économie actuelle et dans l’économie future? Que leur dites-vous?

M. Hazell : Je m’inquiète aussi des Fred et des Martha dans la vallée de la rivière Saint-Jean. Je m’inquiète aussi des Fred et des Martha à Gatineau, au Québec. Je m’inquiète des Fred et des Martha à Grand Forks. Je m’inquiète des Fred et des Martha qui habitent le long de la côte de la Colombie-Britannique à Surrey et qui devront vendre leur maison, parce que le niveau de la mer augmente. Il y a bon nombre de Fred et de Martha dans le monde, et nous devons tenir compte de tous ces gens.

Je souhaite parler d’approches différentes pour encourager l’efficacité énergétique, ce qui aidera vraiment les Canadiens les plus démunis. Vous pouvez choisir la fourchette de revenus. Le gouvernement a déjà offert des subventions modestes pour la rénovation domiciliaire, par exemple, mais nous pouvons avoir d’autres programmes par l’entremise du secteur privé. Si nous pouvions convaincre les banques de prêter de l’argent pour que les gens aient les moyens de réaliser des rénovations, l’argent qui serait ainsi économisé en raison de la diminution des coûts énergétiques pourrait servir à payer les frais hypothécaires additionnels.

Il y a divers programmes. Nous pourrions passer par les impôts fonciers, et cela permettrait aux gens d’avoir plus facilement accès au système. Nous sommes conscients que c’est plus difficile pour une mère célibataire qui a des enfants, par exemple, d’être au fait de ces programmes gouvernementaux et d’en profiter.

Vous avez tout à fait raison. Nous devons absolument trouver des manières de permettre aux gens d’avoir plus facilement accès au système. Une partie de ce que je fais valoir, c’est que nous ne l’avons pas vraiment fait de manière sérieuse jusqu’à présent. Ce n’a pas vraiment été une priorité.

Comme je l’ai mentionné dans mon exposé, les gouvernements se sont succédé — tant les conservateurs que les libéraux — et ils ont beaucoup parlé, mais ils ont fait très peu, même si nous pouvions déjà voir la tendance se dessiner depuis au moins la fin des années 1980.

M. Ribaux : Monsieur et madame Tout-le-monde, ou Fred et Martha, comme vous les appelez, sont au Canada actuellement. Même si vous ne voulez pas parler de moyennes, si vous regardez les sondages, les gens se disent en fait d’accord avec une taxe sur le carbone. Lorsque vous sondez les gens et que vous leur demandez s’ils sont favorables à une taxe, cela n’arrive pas souvent que les gens s’y disent favorables, et je suis certain que vous le savez. Toutefois, une majorité de Canadiens sont actuellement favorables à cette taxe.

Nous pouvons répondre à une partie de vos préoccupations en rappelant que cela laisse les provinces décider des approches, et c’est important. Les problèmes qui toucheront les Canadiens moyens au pays varieront d’une province à l’autre. L’Alberta n’a pas les mêmes enjeux économiques que les Maritimes. La Colombie-Britannique et le Québec ont aussi des structures économiques très différentes. C’est un aspect de l’enjeu.

Un autre élément vise un commentaire que j’ai fait dans mon exposé. Il doit y avoir des mesures complémentaires. Je suis d’accord pour dire qu’un programme d’efficacité énergétique ne permettra pas d’atteindre tout le monde. Ce ne sera jamais possible. Cependant, il faut aussi adopter des règlements. Le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques inclut notamment des codes de construction à consommation énergétique nette zéro. Nous devons aussi nous pencher sur les édifices actuels.

Tout ne se réglera pas en un an ou deux. Je présume que c’est en partie la raison pour laquelle le gouvernement souhaite adopter une tarification du carbone qui augmente graduellement sur plusieurs années. Il faudra du temps pour mettre en place certains règlements et certains programmes qui vous préoccupent.

Je dirai en terminant que toute mesure fiscale sera imparfaite. Certains avancent que la taxe sur les produits du tabac touche de manière disproportionnée les personnes à faible revenu, parce que ce groupe a tendance à fumer davantage. Cela signifie-t-il que nous ne voulons pas augmenter le prix des produits du tabac? Probablement pas. Par contre, cela peut signaler notre intention d’investir davantage en vue de nous assurer de sensibiliser ces groupes qui fument encore.

Ce sont des mesures que nous devons adapter aux diverses communautés où la tarification sur le carbone sera adaptée en fonction de l’orientation que les provinces adopteront.

C’est une petite taxe. Ce n’est pas une taxe élevée comparativement au reste du fardeau fiscal que nous payons au Canada. Cela représentera une très petite proportion de ce que paient les Canadiens.

Le vice-président : Notre temps est largement écoulé. Merci, messieurs, de vos témoignages ce matin.

Pour la deuxième partie, j’ai le plaisir d’accueillir Bruce Burrows, président de la Chambre de commerce maritime.

Monsieur Burrows, je vous invite à faire votre exposé, puis nous passerons aux séries de questions et de réponses avec les sénateurs.

Bruce Burrows, président, Chambre de commerce maritime : Merci de nous avoir invités à participer à vos travaux aujourd’hui sur la partie 5 du projet de loi C-74.

[Français]

Je suis Bruce Burrows, président de la Chambre de commerce maritime (CCM). La nouvelle chambre est une organisation qui représente plus de 130 membres du secteur maritime au Canada et aux États-Unis. Nos membres font du travail aux Grands Lacs, dans la Voie maritime du Saint-Laurent, sur les côtes du Canada et des États-Unis et en Arctique. La CCM travaille pour promouvoir une industrie maritime forte et concurrentielle au Canada .

[Traduction]

Mes commentaires porteront aujourd’hui sur le régime fédéral de tarification du carbone proposé dans le projet de loi C-74, ou ce que j’appellerai le filet de sécurité. À l’instar du secteur du transport aérien, des règlements internationaux encadrent le secteur du transport maritime. Par conséquent, le transport maritime nécessite une action coordonnée mondiale et non un ensemble disparate de normes et de règlements régionaux sur les émissions.

Selon nous, si une province doit adopter le filet de sécurité ou choisit de le faire au lieu d’avoir recours aux programmes provinciaux actuellement proposés de plafonnement et d’échange, cela créerait un fardeau administratif excessif pour le secteur du transport maritime au Canada, et cela désavantageait injustement les transporteurs canadiens.

Nous sommes après tout en concurrence directe avec les propriétaires de navires américains et étrangers dans le même secteur. Par conséquent, pour atténuer toute incertitude, nous demandons à ce que le secteur du transport maritime soit exclu du filet de sécurité pour les raisons suivantes.

Le transport maritime est déjà le moyen de transport le plus efficient et il est aussi celui qui émet le moins d’émissions de gaz à effet de serre pour le transport de marchandises. Le secteur du transport maritime a investi plus de 2 milliards de dollars dans de nouveaux navires verts à faible consommation de carburant qui permettront de réduire encore plus ses émissions de gaz à effet de serre. Nous prévoyons que la situation continue de progresser avec l’arrivée de nouveaux navires en 2018 et en 2019.

Même avec cet énorme avantage environnemental, les propriétaires de navires canadiens sont déterminés à aller plus loin en vue de protéger l’environnement et d’être des pionniers dans la réduction des gaz à effet de serre grâce à des projets comme l’Alliance verte et à l’adoption de nouvelles technologies.

L’Organisation maritime internationale, l’OMI, a adopté sa stratégie initiale de réduction des émissions de gaz à effet de serre des navires récemment, soit le 13 avril de l’année en cours. Il s’agit d’une entente ambitieuse et révolutionnaire qui vise à réduire de 50 p. 100, en termes absolus, les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime d’ici 2050, malgré l’augmentation des échanges commerciaux. Cela engagera l’industrie dans une voie de décarbonisation complète du secteur.

Conformément à sa nouvelle stratégie, l’OMI reprendra ses négociations afin de mettre en œuvre des mesures supplémentaires de réduction du CO2 pour atteindre cet objectif. Il faudra aussi que les gouvernements contribuent à favoriser l’élaboration et la distribution de nouveaux combustibles et de nouvelles technologies sans carbone. Par conséquent, les membres de la CMC appuient des mesures qui s’appliqueraient à l’échelle mondiale.

Le Canada a toujours appuyé fermement la réglementation prise par l’OMI en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime. Toutefois, l’application du filet de sécurité aux transporteurs maritimes, comme l’indique le projet de loi C-74, permet au Canada de proposer de façon unilatérale des règlements régionaux auxquels le transport maritime est assujetti.

En ce qui concerne la déclaration, l’OMI a mis en place des exigences en matière de déclaration annuelle de la consommation de combustibles en vertu d’une convention à laquelle le Canada est déjà partie et que Transports Canada est tenu de mettre en œuvre. En outre, Transports Canada demande déjà des données annuelles sur la consommation de combustibles dans le cadre des enquêtes annuelles que le ministère mène en vertu du Règlement sur les renseignements relatifs au transport de la Loi sur les transports au Canada.

Notre industrie est fière des efforts qu’elle déploie pour réduire ou éliminer les émissions de gaz à effet de serre. Nous croyons que la meilleure façon d’aller de l’avant consiste à s’employer à harmoniser les règlements internationaux sur les émissions du transport maritime. Par conséquent, nous demandons que la partie 5 du projet de loi C-74, qui traite de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, soit modifiée afin de rendre compte de la position particulière du secteur du transport maritime à l’échelle internationale ainsi que de permettre au secteur de ne pas participer à ce régime et de poursuivre son travail de mise en œuvre de la réglementation internationale.

Je me réjouis à la perspective de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le vice-président : Je vais commencer par poser une question, puis nous passerons au sénateur Massicotte. Je suis intrigué par la dernière partie de votre proposition, c’est-à-dire la mise en œuvre d’un règlement international et la collaboration avec la communauté internationale.

Je reviens sur les observations que vous avez formulées plus tôt et sur le fait que vous affirmez que plus de 2 milliards de dollars ont été investis dans des navires ecoénergétiques au cours des dernières années. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Envisageons-nous de convertir ou transformer des navires afin de les faire passer du diesel au GNL?

M. Burrows : Par exemple, il y a trois semaines, j’étais à Montréal pour notre dernier baptême. Nous avons intégré environ 26 nouveaux navires dans le système au cours des cinq dernières années. Il en reste probablement six autres à intégrer dans le cadre de l’étape actuelle, qui se déroulera au cours de l’année prochaine.

Celui d’il y a trois semaines était un navire Deganya alimenté au GNL. Nous l’avons inauguré à Montréal. Il est doté d’un système de carburation mixte — GNL et distillats d’essence ordinaire. Nous collaborons avec des fournisseurs de carburant afin d’établir un réseau de distribution de GNL.

En fait, c’est le deuxième navire. Nous innovons dans ce domaine. Le GNL est un bon carburant de transition. Nous pouvons atteindre 25 ou 30 p. 100 d’amélioration en matière d’émissions de carbone.

Le vice-président : Oui. Alors que je siégeais au sein du comité il y a quelques années, j’ai été frappé par le niveau d’émission des grands navires, par rapport à celui des véhicules sur une autoroute. Il était tellement plus élevé qu’il semblait évident qu’il nous fallait nous attaquer au secteur maritime et inciter ses membres à passer au GNL.

Combien d’autres développements prévoyez-vous en ce qui concerne le transport maritime canadien et mondial?

M. Burrows : Un assez grand nombre. En fait, je dirais un très grand nombre. Nous avons établi une norme très audacieuse. Nos objectifs sont plus ambitieux que ceux de l’Accord de Paris.

Comme vous le savez, les secteurs aérien et maritime n’ont pas été inclus dans l’Accord de Paris. C’est la raison pour laquelle nous travaillons en parallèle, afin de mettre en place notre propre accord. Tout comme l’industrie aérienne, notre situation est plutôt unique dans le monde des transports parce que nous sommes assujettis à une réglementation mondiale. L’OMI et l’OACI sont toutes deux des organismes de l’ONU. Dans notre cas, l’OMI est établie à Londres. Toutes les décisions sont transmises à tous les pays qui ont signé la convention, y compris le Canada.

Une réduction de quelque 50 p. 100 d’ici 2050 constitue un objectif très ambitieux. Nous avons beaucoup de travail à accomplir. La prochaine étape consiste à circonscrire la combinaison de règlements et de pratiques à adopter. Le GNL sera assurément l’un des moyens qui nous permettront de réussir. Je soupçonne que les biocarburants et d’autres combustibles de rechange feront partie du mélange de mesures à prendre, de même qu’une optimisation accrue de l’efficacité des navires.

Les nouveaux navires écoénergétiques des armateurs canadiens, qui arrivent au Canada, sont de calibre mondial. Ils sont plutôt spéciaux. Comme vous l’avez laissé entendre, chaque navire transporte jusqu’à 30 000 tonnes de produits. Il s’agit donc, d’emblée, d’opérations extrêmement efficaces. Avec un litre de carburant, nous pouvons déplacer une tonne de produits sur une distance de près de 250 kilomètres, ce qui est de loin supérieur au rendement du transport routier ou ferroviaire.

D’un point de vue purement fondé sur le carburant et les émissions de carbone, les navires sont probablement 500 ou 600 p. 100 plus efficaces que les camions, par exemple, car un navire équivaut à 1 000 camions ou plus. Cela fait donc une énorme différence au chapitre de l’empreinte écologique. C’est extraordinaire.

Le sénateur Massicotte : Merci, monsieur Burrows, d’être parmi nous ce matin.

Au cours de votre exposé, vous avez prononcé précisément les paroles suivantes :

Selon nous, si une province doit adopter le filet de sécurité ou choisit de le faire au lieu d’avoir recours aux programmes provinciaux actuellement proposés de plafonnement et d’échange, cela créerait un fardeau administratif excessif pour le secteur du transport maritime au Canada, et cela désavantageait injustement les transporteurs canadiens.

Quel est ce filet de sécurité? Soyons clairs. À quoi vos propos font-ils allusion?

M. Burrows : Je fais allusion au système décrit dans la loi. Il s’agit du filet de sécurité et des formules qui l’accompagnent. C’est un processus légèrement compliqué, et c’est aussi ce qui nous pose en partie un problème.

Habituellement, si vous prenez un navire qui arrive à Montréal ou qui part de cette ville pour se rendre jusqu’à Thunder Bay, il franchit la frontière 24 fois en moyenne. Nous rendons des comptes à Transports Canada. Selon les nouvelles règles de l’OMI, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2019, nous rendrons également des comptes à l’OMI. Compte tenu de la façon dont nous serions tenus de garder la trace de notre consommation pendant un voyage, afin de respecter les exigences du filet de sécurité, et de déclarer cette information, cela pourrait compliquer davantage notre travail. Nos activités peuvent devenir compliquées.

Le sénateur Massicotte : Vous faites allusion à la mesure législative en tant que telle.

M. Burrows : Oui.

Le sénateur Massicotte : Vous ne faites pas partie de ceux qui sont réputés être des émetteurs importants tributaires du commerce.

M. Burrows : Non.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes, effectivement, un émetteur ordinaire.

M. Burrows : Oui, nous ne faisons pas partie du club des émetteurs importants.

Le sénateur Massicotte : Faites-vous allusion aux deux systèmes? Autrement dit, le système fédéral et le système provincial de plafonnement et d’échange assorti de quotas sont-ils inacceptables parce qu’ils vous imposeraient un fardeau administratif inéquitable?

M. Burrows : Par exemple, en ce moment, la province de l’Ontario met en œuvre un système de plafonnement et d’échange, et le Québec en est également là. Nous pouvons tolérer la façon dont ces systèmes fonctionnent.

Le sénateur Massicotte : C’est le système fédéral qui vous déplaît. Le système provincial ne vous dérange pas.

M. Burrows : C’est exact.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi vous préoccuperiez-vous de cela, alors que le Québec, l’Ontario et la plupart des provinces ont déjà indiqué le système qu’elles allaient mettre en œuvre? Il y a seulement une ou deux provinces qui n’ont pas encore décidé ce qu’elles feraient. Bien qu’une ou deux provinces soient dans cette situation, ce n’est manifestement pas un problème en Saskatchewan et au Manitoba, étant donné qu’il n’y a pas beaucoup de navires là-bas.

M. Burrows : C’est l’éventualité d’un changement à venir en Ontario qui nous préoccupe.

Le sénateur Massicotte : Le système de plafonnement et d’échange de l’Ontario et du Québec ne vous pose pas problème.

M. Burrows : Oui, le statu quo est acceptable.

Le sénateur Massicotte : Dans le tout dernier paragraphe de votre exposé, vous semblez dire qu’en dépit de cela, vous ne souhaitez pas être assujetti au système fédéral ou provincial. Vous voulez respecter les engagements internationaux que vous avez pris. Mon interprétation était-elle correcte?

M. Burrows : Ce qui nous plaît, c’est le fait que le système ontarien nous permet d’office d’être assujettis au système international. Voilà pourquoi le statu quo en Ontario nous convient.

Le sénateur Massicotte : Veuillez me décrire brièvement le système international en 20 secondes ou moins. Dans la structure fondamentale des systèmes provinciaux, on retrouve un niveau de taxation.

En d’autres termes, selon le système fédéral, si vous êtes un grand émetteur, le pourcentage s’élève à 30 p. 100, sinon le pourcentage s’élève à 100 p. 100. Vous êtes immédiatement incités à innover et à réduire au minimum vos émissions de CO2, et la structure dans chaque province, où les crédits et les exemptions diminuent graduellement, maintient la pression exercée pour vous pousser à réduire vos émissions.

Le système international est-il un peu le même? Je sais que, dans le secteur de l’aéronautique, ce n’est pas le cas. S’ils maintiennent le programme, ils ne paient rien pour leurs émissions de CO2. Quel est le système maritime proposé? Comment se compare-t-il d’un point de vue structurel?

M. Burrows : Il est tout nouveau. Par conséquent, sa structure sera choisie au cours des six prochains mois; probablement d’ici novembre. La première étape consistait à établir l’objectif, à savoir la réduction de 50 p. 100 d’ici 2050. La prochaine mesure que prendra, encore une fois, l’OMI consistera à déterminer pour de bon à quoi ressemblera la structure qui nous permettra d’atteindre l’objectif.

Je ne peux pas encore répondre à votre question. Nous sommes en train de mettre au point le système.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que vous ne souhaitez pas être assujettis au système provincial ou fédéral. Vous voulez être soumis au système international qui sera défini dans les mois à venir.

M. Burrows : Au final, nous ne voulons pas être taxés deux fois. Il serait ridicule d’avoir un dédoublement de système, en particulier dans notre industrie, où nous entrons quotidiennement en concurrence avec les navires américains dans le réseau des Grands Lacs et de la Voie maritime du Saint-Laurent. Les navires internationaux vont et viennent. Je le répète, nous serions doublement taxés, si nous étions assujettis à un filet de sécurité.

Le sénateur Massicotte : Je suis sûre que vous comprenez que l’on fait la file à notre porte. Tous les gens souhaitent être exemptés du système. Lorsque les gens sont nombreux à demander : « Pourquoi pas nous? », nous devenons un peu cyniques. Cependant, je comprends votre point de vue à ce sujet.

M. Burrows : Comme je l’ai indiqué, nous avons une solution de rechange. Notre cas est un peu particulier. L’industrie aérienne est à peu près dans le même bateau que nous, en ce sens qu’elle a aussi mis un système en place.

Le sénateur Wetston : Je crois comprendre que l’industrie du transport maritime est principalement réglementée par le gouvernement fédéral, n’est-ce pas?

M. Burrows : Elle est réglementée d’abord par l’OMI, puis le Canada, en tant que pays signataire de la convention de l’OMI, prend ses propres règlements, en respectant la convention de l’OMI.

Le sénateur Wetston : Je pose la question parce qu’évidemment, le régime permet aux provinces de mettre en œuvre une tarification de la pollution ou d’imposer un prix sur le carbone, selon ce qui leur semble être dans leur intérêt.

L’Ontario et le Québec ont choisi un système de plafonnement et d’échange, avec lequel vous êtes manifestement à l’aise. Je suppose que le système de la Colombie-Britannique vous rend probablement mal à l’aise.

M. Burrows : Oui.

Le sénateur Wetston : Pouvez-vous me donner une idée de l’importance que cela revêt pour les transporteurs maritimes qui entrent et sortent du Canada?

M. Burrows : Voulez-vous parler de l’importance que cela a du point de vue des coûts en carburant?

Le sénateur Wetston : Du point de vue des conséquences qu’aurait une taxe sur le carbone ou un système de plafonnement et d’échange, outre leur complexité.

M. Burrows : En ce qui concerne l’utilisation des formules présentées dans le projet de loi C-74, nous avons fait quelques calculs. Initialement, nous assumerions probablement des frais d’environ 6 millions de dollars, selon les taux initiaux de 2018. Puis ces frais passeraient à près de 30 millions de dollars par année, en fonction des taux finaux.

Le sénateur Wetston : Est-ce en quelque sorte le coût à l’échelle nationale, par opposition à celui en Colombie-Britannique?

M. Burrows : Oui, ce serait le coût en fonction de l’approche canadienne.

Le sénateur Wetston : Je suppose que cela dépendrait du prix du carbone.

M. Burrows : Oui, et je précise encore une fois que ces prix sont indiqués.

Le sénateur Wetston : Vous demandez d’être exemptés de cette partie, mais non d’un programme qui tarifie la pollution.

M. Burrows : Je ne sais pas au juste ce que vous entendez par là.

Le sénateur Wetston : Je crois comprendre que vous êtes satisfait du système de plafonnement et d’échange du Québec et de l’Ontario.

M. Burrows : C’est exact.

Le sénateur Wetston : Cette approche diffère de la fixation d’un prix sur le carbone.

M. Burrows : C’est exact. En fin de compte, tout dépend du régime de l’OMI auquel nous serons assujettis, puisque c’est au sein de cette organisation que les choses se passent vraiment pour l’industrie du transport maritime.

C’est, en partie, parce que cette industrie est littéralement fluide, sans vouloir faire de mauvais jeux de mots. Les bateaux vont partout. Il est logique d’avoir un système unique. Dans la mesure où le régime de l’OMI comprendra une tarification de la pollution, nous nous satisferons de cela et tolérerons ce régime.

Le sénateur Wetston : Seriez-vous satisfaits si le gouvernement fédéral soutenait qu’il est important qu’un prix sur le carbone soit associé à votre industrie? Je comprends tout le travail que vous accomplissez, le transport maritime vert et toutes les mesures très positives de ce genre que vous prenez.

Pendant un moment, je vais présenter à voix haute les choses sous cet angle : à condition que votre industrie respecte entièrement les normes établies par l’OMI et que ces normes prévoient une tarification de la pollution que le gouvernement fédéral trouve acceptable, cela vous satisferait-il?

M. Burrows : Je pense que oui.

Le sénateur Neufeld : Dans le cadre de leur système de plafonnement et d’échange, les gouvernements ontarien et québécois vous ont-ils attribué un plafond? Est-ce qu’ils ont omis de vous attribuer un plafond, ou quels échanges avez-vous eus avec eux qui vous rendent heureux?

M. Burrows : Essentiellement, nous ne sommes pas assujettis à ce système.

Le sénateur Neufeld : Vous en avez été exclus.

M. Burrows : Exactement.

Le sénateur Neufeld : Le système de plafonnement et d’échange vous satisfait parce qu’il ne s’applique nullement à vous.

M. Burrows : Exactement. Nous ne participons pas aux échanges.

Le sénateur Neufeld : Il est plutôt facile d’être satisfait de cela.

M. Burrows : Nous n’échangeons pas de crédits ou de droits, et nous ne participons pas à la vente aux enchères du carbone, au marché annuel et aux activités de ce genre.

Le sénateur Neufeld : Cela m’aide un peu à comprendre. Je peux comprendre la raison pour laquelle votre industrie est tellement heureuse de cela.

Vous n’êtes donc assujettis à rien.

M. Burrows : Non, nous sommes assujettis à l’OMI.

Le sénateur Neufeld : Cependant, l’OMI n’a pas encore élaboré son système.

M. Burrows : Nous sommes en train de le faire en ce moment.

Le sénateur Neufeld : À la quatrième puce de votre exposé, il est question d’une réduction :

[...] de 50 p. 100 d’ici 2050, malgré l’augmentation des échanges commerciaux, ce qui engagera l’industrie dans une voie de décarbonisation complète du secteur.

Pouvez-vous me dire ce que vous entendez par « décarbonisation complète » de votre secteur?

M. Burrows : La première étape majeure consiste à atteindre ce niveau de réduction, mais, au-delà de 2050, le régime visera à éliminer complètement le carbone. Essentiellement, nous passerons à d’autres carburants auxquels aucune émission de carbone n’est associée. C’est la voie que nous désirons suivre au-delà de 2050.

Le sénateur Neufeld : C’est une intention louable. Pouvez-vous me donner un indice de ce en quoi cela consistera, selon vous? Vous devez réfléchir à certains de ces aspects en ce moment.

M. Burrows : Le GNL représente certainement une part importante du changement initial. Au chapitre des carburants, il y aura probablement une combinaison de carburants à base de biométhane, comme celui-là.

Dans l’intervalle, en partie en vertu du règlement 2, nous prendrons de nombreuses mesures opérationnelles pour réduire notre consommation de carburant. En toute honnêteté, il s’agit un peu d’un mélange de mesures. Il y a une foule de différentes mesures à prendre.

Je serais heureux de revenir, à un moment donné, afin que nous puissions passer un peu de temps à parler de ces enjeux, car il se passe beaucoup de choses.

Le sénateur Neufeld : C’est intéressant.

Vous dites que vous n’aimez pas le système de la Colombie-Britannique, sur la côte Ouest, mais est-ce que l’industrie de la côte Ouest a été énormément désavantagée par ce système?

Les entreprises ont-elles perdu des occasions d’affaires? Pouvez-vous m’affirmer que l’industrie maritime de la côte Ouest a perdu des occasions d’affaires et me préciser au profit de qui, à cause d’une taxe sur le carbone?

M. Burrows : Premièrement, je ne parle pas au nom de l’industrie de la côte Ouest.

Le sénateur Neufeld : Non, mais vous l’avez mentionnée. C’est la raison pour laquelle je vous pose cette question.

M. Burrows : Oui. Je suis assurément au courant du régime. Je sais qu’on se préoccupe énormément de la compétitivité par rapport aux ports américains de la région du Pacifique Nord-Ouest — de Los Angeles dans une certaine mesure, mais peut-être surtout de Seattle.

Je ne peux pas vous donner les répercussions concurrentielles précises de la taxe. Je me ferai un plaisir de me pencher là-dessus et de vous en informer.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur Burrows. Vous avez parlé des propriétaires de navire. Si j’ai bien compris, ce sont les propriétaires canadiens de navire qui sont membres de la Chambre de commerce maritime.

Dans le cas de la réduction des gaz à effet de serre, la pollution actuelle n’est pas produite uniquement par des propriétaires canadiens ou des vaisseaux dont les propriétaires sont canadiens. Quelle est votre position sur la responsabilité des propriétaires de vaisseau? Je pense à ceux qui passent devant l’île d’Orléans, où j’habite. Il y a des bâtiments de plus en plus gros qui circulent de plus en plus vite, ce qui leur fait consommer plus d’essence, et probablement qu’ils polluent davantage.

Pensons à un système qui devrait en principe aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Est-ce que votre position, par rapport à l’exemption que vous demandez pour les propriétaires canadiens de navire, s’applique aussi à tout le reste de l’activité maritime qui est menée dans les eaux canadiennes? C’est-à-dire que cela concernerait aussi toute la pollution qui est produite par des navires qui sont de propriété étrangère.

M. Burrows : Si vous me le permettez, je vais répondre en anglais.

[Traduction]

Ce sont les armateurs canadiens qui sont nos membres, et non les armateurs étrangers. En tant qu’armateurs, que nous soyons des Canadiens ou des étrangers, nous longeons tous l’île d’Orléans au quotidien. Vous allez voir des pavillons très variés, dont des pavillons canadiens, mais nous sommes tous soumis au même régime, soit celui de l’Organisation maritime internationale, l’OMI.

Si je parlais au nom des armateurs étrangers, je dirais la même chose. Nous sommes tous, à l’échelle mondiale, soumis à l’OMI, et c’est là que les règlements et le régime relatif au carbone sont mis en vigueur. J’aurais les mêmes arguments pour eux aussi.

Le sénateur Massicotte : Je veux revenir sur votre réponse au sénateur Neufeld, quand vous lui avez dit que vous ne représentez pas l’industrie maritime de la Colombie-Britannique. Cependant, selon votre déclaration liminaire, vous semblez représenter toutes les entreprises maritimes, y compris celles de l’Ouest, n’est-ce pas?

M. Burrows : Non. J’ai bien précisé initialement les territoires. Ce sont les Grands Lacs, le Saint-Laurent, la côte Est et l’Arctique.

Le sénateur Massicotte : Je pensais que vous aviez dit, dans votre exposé, que c’était le secteur maritime au Canada ou aux États-Unis.

M. Burrows : J’ai précisé la définition. Il n’y a pas tant d’activité sur la côte de la Colombie-Britannique, à l’exception des traversiers et des barges. L’activité de navigation est essentiellement internationale, et se concentre sur Prince Rupert et Vancouver, bien entendu.

Le sénateur Massicotte : J’ai une autre question d’intérêt. Connaissez-vous le nombre de pétroliers par mois ou par jour qu’il y a dans le port de Vancouver, par comparaison avec la Voie maritime du Saint-Laurent?

M. Burrows : Je ne connais pas le niveau d’activité. Je ne pourrais pas vous le dire, pour la côte Ouest.

Le vice-président : Je suis sûr que l’administration maritime là-bas aurait les nombres.

M. Burrows : Et la Chamber of Shipping of B.C., qui est une organisation apparentée à la nôtre.

Le vice-président : Ils auraient les nombres. J’ai été ravi de vous revoir, monsieur Burrows.

M. Burrows : Moi de même, sénateur.

Le vice-président : Je vous remercie de votre exposé et du temps que vous nous avez consacré aujourd’hui. Nous allons maintenant attendre notre témoin de la Californie.

Honorables sénateurs, nous allons passer à la troisième partie de notre séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons notre étude de la partie 5 du projet de loi C-74.

Nous accueillons maintenant, par vidéoconférence, Mme Rajinder Sahota, chef divisionnaire adjointe à la California Air Resources Board, qui se trouve à Sacramento, en Californie.

Madame Sahota, merci de vous joindre à nous. Nous sommes désolés de vous avoir fait attendre. Je vous invite à présenter votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions et réponses.

Rajinder Sahota, chef divisionnaire adjointe, California Air Resources Board : Je vous salue de la côte Ouest, je vous remercie de m’avoir invitée à vous faire part de notre expérience en Californie et je serai ravie de répondre à toutes vos questions.

Nous trouvons très encourageant de voir un nombre croissant d’administrations infranationales et nationales faire preuve de leadership et mettre en place des mesures pour s’attaquer aux changements climatiques, un enjeu crucial qui nous touche tous.

Comme vous le savez peut-être, la Californie a conçu un programme de plafonnement et d’échange s’appliquant à l’ensemble de l’économie et devant aider notre État à abaisser ses émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 d’ici 2020, et à atteindre notre cible de 2030, soit 40 p. 100 de moins d’émissions qu’en 1990. Le programme de plafonnement et d’échange n’est qu’un des éléments d’un ensemble de politiques complémentaires en Californie. Nous avons en effet d’autres politiques visant les sources renouvelables de production d’électricité, la norme sur les carburants à basse teneur de carbone et les voitures non polluantes de pointe.

Je suis très contente de pouvoir vous annoncer aujourd’hui que nous sommes sur la bonne voie d’atteindre à l’avance notre cible de 2020, et nous travaillons en ce moment à améliorer nos programmes existants afin de pouvoir atteindre nos cibles de 2030.

Ici, en Californie, pour déterminer le mécanisme de tarification du carbone qui fonctionnerait le mieux pour nous, nous avons évalué de multiples facteurs, dont ceux que notre propre corps législatif exigeait. Il s’agissait notamment de mettre bon nombre de ces facteurs en équilibre afin de concevoir un programme qui nous permettrait assurément d’atteindre nos cibles de réduction des émissions d’une façon qui ne surchargerait pas notre économie, de faciliter les partenariats et les liens avec d’autres administrations se lançant sur la même voie, de protéger nos consommateurs d’électricité et de gaz naturel et d’enrichir nos autres programmes de lutte contre la pollution atmosphérique à l’échelle de l’État.

Plus précisément en ce qui concerne la tarification du carbone, nous avons évalué plusieurs solutions avant d’arrêter notre choix sur le programme de plafonnement et d’échange. Nous avons envisagé une taxe sur le carbone. Nous avons aussi envisagé des règlements directs, ce qui aurait exclu tout mécanisme de tarification du carbone en Californie.

Après cette évaluation, pour la Californie, nous avons conclu qu’un programme de plafonnement et d’échange offre la certitude la plus grande pour l’atteinte de nos cibles. Il répond aussi à bon nombre des autres mandats législatifs que j’ai mentionnés tout à l’heure. Le plafond décroissant sur les émissions de gaz à effet de serre nous donne la certitude la plus élevée d’atteindre nos cibles en matière d’émissions. Nous avons réalisé une analyse d’incertitude, et avec notre ensemble de politiques complémentaires, nous avons plus de 90 p. 100 de chance d’atteindre notre cible de 2030, selon notre modélisation. Un programme de plafonnement et d’échange garantit aussi aux entreprises d’avoir de la flexibilité concernant la façon dont elles peuvent se conformer tout en nous permettant de suivre les plus faibles réductions d’émissions de gaz à effet de serre dans l’ensemble de l’économie. Cela signifie que nous réduisons au minimum les incidences sur les consommateurs et l’économie, tout en nous acquittant de notre mandat en matière d’émissions de GES.

En fait, nous avons démontré, par nos politiques sur le climat, et notamment par notre programme de plafonnement et d’échange, que notre économie continue de croître alors même que les émissions diminuent. En ce moment, la Californie se situe au cinquième rang des économies dans le monde, alors qu’elle était au sixième rang au cours des trois ou quatre dernières années. Le programme de marché est mieux adapté au risque de fuite d’émissions, car il permet la délivrance de droits d’émission en fonction des données, ce qui garantit à nos industries de ne pas être exposées au commerce à cause de l’absence de mesures relatives à la tarification du carbone ou aux changements climatiques dans d’autres régions où elles doivent faire face à la concurrence.

De plus, en intégrant au régime un mécanisme d’enchère, nous permettons la détermination du prix. Dans certains cas, les revenus générés par ce mécanisme d’enchère ont été utilisés au bénéfice des consommateurs d’électricité et ont été investis dans des programmes précis de réduction des gaz à effet de serre conçus pour profiter à certains de nos ménages à faible revenu et à certaines des collectivités désavantagées de l’État.

Nous constatons également que notre programme bien conçu de plafonnement et d’échange est idéal pour les liens avec des programmes semblables. Cela m’amène à vous parler d’un des plus grands succès de notre programme à ce jour. Nous avons effectivement démontré que nous pouvons faire un lien entre notre programme de plafonnement et d’échange et d’autres régimes infranationaux à l’étranger. Il s’agit d’un des rares liens internationaux dans le monde en ce moment.

Notre lien avec le Québec en 2014 et notre lien récent avec l’Ontario, cette année, nous ont permis d’optimiser les forces de nos programmes respectifs en formant un plus vaste marché du carbone qui devrait donner lieu à de plus importantes réductions des émissions de gaz à effet de serre que dans le cadre de chacun de nos programmes individuellement. Chacun de nos programmes s’est traduit par des caractéristiques liées à l’infrastructure et à la mise en œuvre efficaces et comprises de la communauté soumise à la réglementation. Les forts taux de conformité que nous avons constatés et les réductions constantes des émissions de GES sur nos territoires le démontrent.

L’infrastructure existante de notre programme lié peut aider d’autres administrations qui veulent s’y joindre ou suivre le même modèle. Vous savez peut-être très bien que la semaine dernière, la Nouvelle-Écosse a mentionné qu’elle utilisera notre structure administrative qui va avec notre programme en vue de mettre en œuvre son propre programme de plafonnement et d’échange, tout en choisissant de ne pas se lier aux partenaires de la Western Climate Initiative pour le moment.

En résumé, notre expérience des cinq dernières années nous a permis de constater qu’un programme de plafonnement et d’échange représente la façon la plus efficiente de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en offrant une protection en cas de fuite d’émissions et en facilitant les partenariats et les liens avec d’autres programmes, et qu’il donne lieu à des réductions certaines des émissions de gaz à effet de serre. Notre programme donne à notre communauté soumise à la réglementation la flexibilité et la certitude qu’il faut pour nous mettre sur la bonne voie d’atteindre nos cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre sans que cela nuise à l’économie. Notre programme s’est traduit par des bienfaits directs pour les collectivités désavantagées et à faible revenu grâce à sa rentabilité et à l’investissement des produits de la vente aux enchères. Nous envisageons d’étendre nos partenariats et de continuer de discuter avec d’autres États américains, provinces et territoires canadiens et pays comme le Mexique et les pays membres de l’Union européenne.

Je vais terminer mon exposé en disant que vous avez au Canada de formidables expériences, en Ontario et au Québec, ainsi que d’autres programmes régionaux. Des dizaines d’années au moins ont été consacrées à l’examen des mécanismes de tarification et d’échange du carbone. Il y a de l’aide, et nous sommes prêts à vous aider de quelque façon que ce soit dans vos efforts à cette fin à l’échelle nationale.

De plus, il faut encourager et soutenir la capacité d’action aux échelons national et infranational, car les mesures de toute forme seront essentielles pour faire obstacle aux répercussions les plus graves des changements climatiques.

Je vous remercie, et je serai ravie de répondre à toutes vos questions.

Le sénateur Wetston : Merci d’être avec nous aujourd’hui. De toute évidence, la Californie a énormément d’expérience dans ce domaine.

Je suis un sénateur de l’Ontario. Comme vous le savez, nous avons un programme de plafonnement et d’échange, et nous faisons partie du programme avec la Californie et le Québec.

Ma question porte sur certains documents récents que j’ai lus à propos du California Air Resources Board et de la question des crédits. Je suis sûr que vous êtes bien au fait de cette question et d’une partie de la controverse qui entoure le nombre élevé de crédits que votre système de plafonnement et d’échange semble comporter. Je crois qu’il y a des problèmes de reddition de comptes à ce sujet.

Dans l’optique de notre examen des mesures législatives fédérales au Canada, pouvez-vous nous donner de l’information sur cette question et peut-être nous éclairer sur ce qui se passe et sur certains des problèmes?

Mme Sahota : Bien sûr. Je suis très au courant de cette question. Quand nous avons établi nos plafonds initialement pour cette partie du programme, nous avons estimé le nombre de crédits qu’il nous fallait pour atteindre notre cible de 2020. Parce que nous étions dans la position enviable d’atteindre notre cible de 2020 à l’avance, il y a dans le système des crédits non utilisés.

Ce qu’on n’avait pas réalisé, en fait, c’est qu’il y a des mécanismes de soustraction progressive qui retirent ces crédits du système au fil du temps. Les rapports initiaux disant que nous avons une différence entre ce qu’il faut pour se conformer au programme et ce qui est disponible dans le cadre du programme n’ont pas tenu compte des mécanismes de soustraction progressive qui retirent les crédits inutilisés au fil du temps.

Par exemple, l’année passée, nous avons soustrait du système 45 millions en crédits. Si la demande de crédits est faible cette année, nous allons en retirer entre 50 millions et 80 millions du système. Cette caractéristique a été intégrée dès le début dans le système, en raison des leçons apprises grâce au programme de l’Union européenne et au programme RGGI, le Regional Greenhouse Gas Initiative. En effet, il y avait tellement de crédits que cela mettait en sourdine le signal de prix. Les gens constataient que les prix de leurs crédits étaient faibles. Rien ne les motivait à prendre des mesures pour réduire les émissions.

Forts de ces leçons apprises, nous avons ajouté ce mécanisme de soustraction progressive quand nous avons conçu le programme avec nos partenaires de l’Ontario, du Québec et de la Western Climate Initiative. Cette caractéristique entre donc en jeu et retire ces crédits. Nous avons produit des analyses qui traitent de la façon dont ces crédits sont retirés du système. C’était il y a un mois environ. La préoccupation relative aux crédits non utilisés est en fait que nos émissions diminuaient plus rapidement que prévu quand nous avons mis le programme sur pied.

En ayant ce mécanisme de soustraction progressive et un prix plancher d’environ 15 $ en ce moment pour un crédit — et le prix est demeuré stable à 15 $ —, nous sommes convaincus que ce sont les bons signaux qui sont envoyés quant au prix et qu’il y a des réductions même avec les crédits inutilisés qui sont offerts sur le marché.

Le sénateur Wetston : J’aimerais explorer le cadre de base. Quand, dans l’Union européenne, ils ont décidé d’adopter le programme ou système de plafonnement et d’échange, ils se sont manifestement un peu empêtrés, mais aujourd’hui, ils ont probablement corrigé certains des problèmes. En Californie, vous avez examiné ce système et avez mis en place un système répondant à ce genre d’enjeux.

Dans le cadre de votre relation avec le Québec et l’Ontario, est ce que le Québec et l’Ontario ont rencontré ce genre de problèmes? Je comprends que l’Ontario a adopté le système plus tardivement et que le Québec l’a fait en 2014. Pourriez-vous nous parler de certains des problèmes relatifs aux relations que vous entretenez avec le Québec et l’Ontario?

Je pense bien que la deuxième partie de ma question est la suivante. Avez-vous des relations semblables à celles que vous avez avec le Québec et l’Ontario avec d’autres États américains ou avec d’autres pays? Je sais que la Nouvelle-Écosse se penche là dessus aussi.

Mme Sahota : Bien sûr. Les éléments du programme californien sont essentiellement structurés en fonction de ceux de la Western Climate Initiative. En 2008, quand les États de l’Ouest étaient très actifs sur cette scène, la province canadienne et certains États observateurs du Mexique se sont réunis. Ils ont tenu un processus public sur deux ans et demi pour regarder les caractéristiques de ce qui serait un bon système d’échange de droits d’émission. Des principes de base ont découlé de cela.

L’un de ces principes est le mécanisme de soustraction progressive. L’utilisation de données réelles pour fixer nos plafonds en est un autre, et c’est un des problèmes que l’Union européenne a connus. Ils n’avaient pas de données ascendantes enregistrées pour les aider à fixer leurs plafonds. Ils comptaient sur des estimations descendantes, ce qui a causé des inexactitudes concernant le nombre de permis inclus dans leur programme.

Nous avons aussi ajouté un prix plancher. Dans le programme de l’Union européenne, il n’y a pas de prix plancher, et dans le programme de la RGGI, le prix plancher est très bas. Nous voulions nous assurer que nous n’aurions pas les mêmes problèmes et à cette fin, nous avons utilisé les données disponibles les plus raisonnables et les meilleures que nos industries avaient enregistrées et que les programmes couvriraient. C’est une caractéristique commune. Ce sont les caractéristiques de conception qui ont découlé du processus public de la Western Climate Initiative.

Après cela, chacune des autorités devait retourner avec ce guide de planification global et établir ses propres processus d’établissement des règles, déterminer ce qui lui conviendrait mieux et ce qui serait sensé dans le contexte de son économie, de ses politiques et de son contexte.

Ces trois caractéristiques sont demeurées dans les trois programmes. En ce qui concerne les problèmes que vous avez vus concernant le SEDE UE — le Système d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne —, les problèmes relatifs à la RGGI et les énormes corrections du programme ayant entraîné le retrait de millions de crédits, nous ne voyons pas cela dans ces trois programmes parce que, dès le début, nous avons ajouté des caractéristiques précises dans le but d’éviter ces problèmes par la suite. En fait, certaines des caractéristiques que nous avons incluses dans nos programmes se propagent maintenant; elles sont mises en œuvre dans les pays de l’Union européenne et envisagées pour la RGGI.

En ce qui concerne les autres engagements, l’État de l’Oregon, qui se trouve au nord de la Californie, envisage depuis deux ans des mesures législatives visant un système de plafonnement et d’échange. Leur session législative est structurée différemment. Ils ont une courte session de cinq semaines, et auront une session plus longue l’année prochaine. La courte session ne leur a pas laissé le temps nécessaire pour discuter de tous les détails d’un SEDE — un système d’échange de droits d’émission. Comme suite à la discussion active à ce sujet, l’année prochaine, il y a un bureau intégré au bureau du gouverneur, au sein de l’appareil législatif, qui a été mis sur pied spécialement pour envisager de remettre sur la table une loi qui contribuera à la conception d’un programme de plafonnement et d’échange qui pourrait obtenir tous les votes et toutes les signatures nécessaires pour pouvoir être lancé en 2021, et ce programme serait lié à ceux de la Californie, du Québec, de l’Ontario ainsi que d’autres États et régions.

Le Mexique a annoncé, il y a deux ou trois semaines, qu’il a adopté des mesures législatives visant un mandat pour un système d’échange de droits d’émission. Nous avons un accord bilatéral avec eux. Nous discutons avec eux depuis plus de trois ans. Il y a eu des appels téléphoniques mensuels et hebdomadaires, pour l’établissement des caractéristiques d’un programme. Ils ont aussi déclaré qu’ils envisagent de concevoir un programme maintenant qui permettrait le lien avec le programme existant de la Western Climate Initiative.

Nous voyons de tels efforts dans d’autres régions. Il se consacre beaucoup de temps et d’effort à la compréhension de ce que cela signifie pour le contexte local, quand vient le temps de se lancer dans ce type d’initiative.

Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d’être avec nous aujourd’hui. Il est particulièrement tôt le matin pour vous. Nous parlons entre nous du fait que le gouvernement des États-Unis n’a pas adopté de système de tarification du carbone, alors que des États comme la Californie le font. Nombreuses sont les personnes préoccupées qui se demandent comment nous pouvons être concurrentiels si nous fixons un prix au carbone alors que les États-Unis, notre principal concurrent, ne le font pas. La situation relative au prix est alors inéquitable.

Pourriez-vous nous parler de votre expérience sur ce plan? De toute évidence, c’est la même chose. Au début de votre exposé, vous avez parlé de la vulnérabilité des émetteurs importants qui sont tributaires du commerce. Pouvez-vous nous parler de votre expérience et de la façon dont nous devrions gérer cela d’après vous?

Mme Sahota : Le programme de la Californie, les programmes du Québec et de l’Ontario et le programme de l’Union européenne comportent des mécanismes qui relèvent les industries dont les émissions sont très élevées et qui sont très exposées au commerce. Que ce soit à l’intérieur du pays ou à l’étranger, cette exposition est réelle.

Une fois que vous connaissez ces industries, vous pouvez en fait regarder dans quelle mesure elles sont efficaces, et vous pouvez récompenser les plus efficaces en leur offrant des crédits gratuits pour veiller à ce que le prix du carbone ne les rende pas moins concurrentielles par rapport à des industries semblables ou à des entreprises semblables, au pays ou à l’étranger.

Je vais prendre l’exemple du secteur du ciment en Californie. Nous avons une ville portuaire et sommes par conséquent très vulnérables aux importations venant de la Chine. Quand nous connaissons une croissance accrue et une augmentation de la construction résidentielle, nous ne pouvons pas produire assez de ciment dans l’État de la Californie. Nous en importons beaucoup pendant de telles périodes. Quand la croissance et la construction résidentielle sont normales, en Californie, des cimenteries chinoises ont alors l’occasion de s’approprier une partie du marché de la Californie.

En travaillant avec le secteur du ciment, nous avons compris leur exposition au commerce, la part du coût qui pourrait être transmise et qui ferait que les cimenteries pourraient demeurer compétitives, par rapport aux importations de la Chine, car il y a un coût associé à l’expédition du matériel. Il y a une étude complète découlant des analyses techniques que nous avons réalisées sur plusieurs années. Une fois que nous avons bien compris les analyses techniques, leur exposition au commerce et le coût que les cimenteries pourraient assumer, nous les avons indemnisées afin de veiller à ce qu’elles demeurent concurrentielles en leur accordant des crédits gratuits chaque année. Aucune entreprise n’obtient assez de crédits gratuits pour pouvoir se conformer pleinement au programme, mais les crédits suffisent à leur garantir, compte tenu du prix du carbone en Californie, qu’elles ne sont pas désavantagées à cause du ciment qui arrive de la Chine. Nous avons fait cela pour tous nos grands secteurs industriels.

Le sénateur Massicotte : Vous avez dit précédemment qu’en Californie, vous allez avoir un surplus. Vous êtes en avance sur vos objectifs en matière de réduction des émissions de CO2. Nous entendons qu’en Ontario et au Québec, parce que nous sommes liés au marché de la Californie, nos émetteurs importants vont acheter principalement des crédits de la Californie parce que vous avez une meilleure capacité de dépasser vos objectifs. Par conséquent, le coût des crédits sera inférieur. Les entreprises du Québec ou celles de l’Ontario vont tout simplement acheter des crédits en Californie, ce qui signifie qu’elles ne réduisent pas leurs émissions de CO2, que sur le plan économique l’argent canadien s’en va aux États-Unis et que cela n’a aucun effet sur les changements climatiques au Canada.

Pouvez-vous nous parler de cela? Est-ce une préoccupation valable? Que pouvons-nous faire à ce sujet?

Mme Sahota : Je vous sais gré de cette question. Elle a été soulevée en Californie quand nous avons établi le lien avec le Québec.

En Californie, nous avons des dispositions législatives qui disent que quand nous nous préparons à établir un lien avec une autre administration, les règles de cette administration doivent être aussi rigoureuses que celles de la Californie, ce qui signifie que vous avez des occasions semblables de réduire les émissions, ainsi que des coûts correspondants pour la réduction des émissions sur votre territoire. Vous n’allez donc pas avoir le problème d’inonder un autre territoire de vos crédits.

Nous avons fait ces tests en Californie, avec le Québec et l’Ontario, et nous ne constatons pas d’énorme déséquilibre; il n’y a pas de nombres élevés de permis allant de la Californie à l’Ontario ou au Québec, ou l’inverse. Parce que le marché est lié, il n’y a qu’un coût pour l’ensemble du programme. Le coût au Québec, en Californie et en Ontario était à peu près le même, avant que le lien soit établi. Nous ne constatons pas de grosse différence de prix qui stimulerait l’achat de permis d’un autre territoire. Nous sommes très semblables concernant les possibilités qu’il reste de réduire les émissions et le coût de cela. Rien ne démontre, d’après ce que nous avons vu à ce jour, qu’il y a de l’argent qui va dans une direction alors que les crédits vont dans la direction inverse.

Avec le temps, selon les types d’industries et le prix des crédits, nous pourrions voir certaines de ces tendances, mais ce n’est pas le cas en ce moment.

Le vice-président : S’il n’y a pas d’autres questions, je vais d’abord présenter mes excuses pour cette séance écourtée. Nous avons eu des difficultés techniques. Madame Sahota, nous vous remercions de nous avoir accordé de votre temps et nous remercions les gens de votre groupe, en Californie, de s’être levés tôt pour que vous puissiez discuter avec nous. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.

Avant que nous partions, je veux dire à mes collègues que nous avons entendu tous les témoins qui étaient prévus pour notre étude. À notre prochaine réunion, nous devrions passer en revue notre ébauche de rapport. Idéalement, elle vous sera transmise lundi soir ou mardi matin au plus tard.

Notre échéance est très serrée. Je vous rappelle que c’est au plus tard jeudi prochain, soit le 31 mai, que nous devons présenter notre rapport au Sénat. Je vais maintenant lever la séance. Je vous remercie de votre participation.

(La séance est levée.)

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