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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DE L’ÉNERGIE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mardi 30 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, se réunit aujourd’hui à 17 h 5 pour étudier le projet de loi.

La sénatrice Rosa Galvez (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonsoir et bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles. Je m’appelle Rosa Galvez et je suis sénatrice du Québec. Je préside ce comité.

Je vais maintenant demander à mes collègues de se présenter.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, sénateur du Nunavut. Bienvenue.

Le sénateur Plett : Don Plett, sénateur du Manitoba.

[Français]

Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, sénateur du Québec.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Paul Massicotte, sénateur du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Richards : David Richards, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice McCoy : Elaine McCoy, de l’Alberta.

La sénatrice McCallum : Sénatrice McCallum, de la Première Nation Barren Lands, région du Traité 10, au Manitoba.

La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy et je suis sénatrice de la Nouvelle-Écosse. C’est toujours un plaisir d’accueillir des Canadiens de l’Atlantique. Bienvenue, monsieur le premier ministre.

Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, Alberta, Territoire du Traité 6.

[Français]

Le sénateur Pratte : André Pratte, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Woo : Yuen Pau Woo, Colombie-Britannique. Bienvenue, monsieur le premier ministre.

La présidente : Bienvenue. Je profite de l’occasion pour présenter les analystes de la Bibliothèque, Sam Banks et Jesse Good, ainsi que la greffière du comité, Maxime Fortin, que je remercie.

Avant que nous ne commencions officiellement la séance, chers collègues, accepteriez-vous à titre exceptionnel d’autoriser le personnel des communications du Sénat à prendre des photos, à filmer des extraits pendant la réunion et à les publier?

Des voix : D’accord.

La présidente : Merci.

Chers collègues, nous poursuivons ce soir notre étude du projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et d’autres lois en conséquence.

Nous accueillons aujourd’hui l’honorable Blaine Higgs, premier ministre du Nouveau-Brunswick, gouvernement du Nouveau-Brunswick. Il est accompagné de Louis Léger, sous-ministre et chef de cabinet, et de Nicolle Carlin, directrice des communications.

[Français]

Merci beaucoup d’être venu, monsieur le ministre. Je vous invite à faire votre déclaration liminaire. Nous poursuivrons avec une période de questions et réponses. Merci beaucoup.

[Traduction]

L’honorable Blaine Higgs, premier ministre du Nouveau-Brunswick, Gouvernement du Nouveau-Brunswick : Honorable présidente, Rosa Galvez, honorables sénateurs et sénatrices, merci de me donner la possibilité de comparaître devant votre comité, ce soir, pour partager avec vous les préoccupations de ma province au sujet du projet de loi C-69.

[Français]

Merci de me donner la possibilité de comparaître devant les membres de votre comité ce soir pour partager avec vous les préoccupations de ma province au sujet du projet de loi C-69.

[Traduction]

Je désire aussi féliciter votre comité pour sa diligence dans l’étude de ce projet de loi important.

[Français]

Je tiens à féliciter votre comité de sa diligence dans l’étude de ce projet de loi important.

[Traduction]

Vous avez décidé de visiter les régions du Canada à l’occasion d’un exercice très important.

En ce qui me concerne, cela démontre le sérieux de la situation et votre appréciation pour les vraies répercussions que le projet de loi C-69 pourrait avoir sur le secteur des ressources du Canada, qui est tellement important pour notre bien-être.

[Français]

Vous avez décidé de visiter les régions du Canada. Je suis ici pour faire le point avec vous sur ma province et partager avec vous mes préoccupations sur les impacts néfastes que ce projet de loi, tel qu’il est rédigé en ce moment, pourrait avoir sur l’économie du Nouveau-Brunswick, de l’Atlantique et de notre pays tout entier.

[Traduction]

Avant de débuter, permettez-moi de dire que le Nouveau-Brunswick est aux prises avec des niveaux d’eau très élevés, et vous êtes nombreux à nous avoir visités et à l’avoir constaté de visu. Le Nouveau-Brunswick n’est pas la seule province à être touchée, comme le savent les résidants de l’Ontario et du Québec, mais cela entraîne de graves répercussions pour de nombreux Néo-Brunswickois.

Vous comprenez, j’espère, que ma priorité était d’être avec les gens de ma province pour faire face à la situation, et j’apprécie la diligence dont vous avez fait preuve en me donnant la possibilité de vous rencontrer ici, cet après-midi. C’est pour cela que je n’ai pas été en mesure de comparaître lors de votre audience au Nouveau-Brunswick.

Cela dit, mes préoccupations concernant le projet de loi C-69 demeurent les mêmes. Cela m’a motivé à comparaître devant vous aujourd’hui, et je vous remercie de m’avoir accommodé.

J’aimerais également indiquer que je suis très rassuré de savoir que, en tant que sénateurs, vous assumez vraiment vos responsabilités liées à l’étude des répercussions du projet de loi C-69 sur toutes les régions du Canada. Je suis certain que vous avez une meilleure compréhension de toutes les subtilités de ce projet de loi que moi. Mais ce que moi je comprends de ce projet de loi est très préoccupant.

Permettez-moi de commencer en vous faisant part de certains éléments et de la teneur d’une lettre officielle datée du 27 février 2019, qui a été signée par l’ancien premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Wade MacLaughlan, au nom du Conseil des premiers ministres de l’Atlantique, et qui était destinée au premier ministre Trudeau.

[Français]

Cette lettre, signée par l’ancien premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard, Wade MacLauchlan, au nom du Conseil des premiers ministres de l’Atlantique, était destinée au premier ministre Trudeau.

[Traduction]

Les préoccupations exprimées à ce moment demeurent sans réponse, et cela est inquiétant parce que le premier ministre du Canada, à ce que je sache, n’a pas encore répondu à notre lettre commune, ce qui, je dois l’admettre, me préoccupe encore davantage.

D’un côté, certains affirment que le projet de loi C-69 pourrait présenter une réelle occasion d’améliorer l’évaluation des projets de développement des ressources. D’autres croient que le projet de loi C-69, dans sa forme actuelle, représente un risque et un obstacle inacceptables qui portent atteinte à la prospérité future du Canada atlantique et du Nouveau-Brunswick.

Je crois que le projet de loi C-69 pourrait priver le Nouveau-Brunswick et le Canada atlantique de possibilités économiques dont bénéficie déjà le reste du Canada, non pas pour des raisons économiques, mais bien à cause des règles. Cela est complètement inacceptable.

La réglementation, les règles et les lois du Canada ont permis de construire un réseau complexe de pipelines qui ont très bien servi les intérêts du Canada central pendant des décennies.

Nous, au Canada atlantique, continuons de perdre au change, parce que le processus d’approbation de tous les nouveaux projets est lourd, non concurrentiel et difficilement réalisable, et notre région de l’Atlantique est ainsi maintenue sans voie de raccordement. Maintenant, plus que jamais, nous avons vraiment besoin de leadership afin de bâtir une infrastructure essentielle nationale au Canada. Malheureusement, nous nous dirigeons plutôt dans l’autre direction et nous nous compliquons la tâche.

Le Canada a un vaste réseau de pipelines. À titre d’information, l’Office national de l’énergie du Canada réglemente plus de 73 000 kilomètres de pipelines de transport dans l’ensemble du Canada. Et on estime que le réseau canadien de pipelines dans son ensemble s’étend sur plus de 840 000 kilomètres, qu’il fonctionne très bien et qu’il s’est avéré sécuritaire, fiable et efficace pour la livraison du pétrole et du gaz naturel à des millions de Canadiens.

Pourquoi soulever ce point? Parce qu’il y a un facteur très inquiétant qui ne semble pas être reconnu. Le Canada atlantique ne fait pas partie du réseau canadien de pipelines. Le Canada atlantique n’est relié à aucun réseau de pipelines du Canada. Tous les réseaux s’arrêtent à notre province voisine du Québec. Nous avons une voie de raccordement au gaz naturel des États-Unis. Nous avons donc au moins une voie d’accès au gaz naturel de notre bon voisin du Sud. Heureusement, les Américains sont tout à fait disposés à permettre aux pipelines d’approvisionner nos résidants, nos entreprises et nos industries, parce que le Canada atlantique ne peut pas y avoir accès par le Canada. Et le Parlement du Canada pourrait très bien adopter une loi qui rendra presque impossible la réalisation de ce lien.

Comment cela est-il possible?

[Français]

Nous avons une voie de raccordement au gaz naturel des États-Unis. Nous avons donc au moins une voie d’accès au gaz naturel de notre bon voisin du Sud.

[Traduction]

En tant que sénateurs, une de vos responsabilités principales est de défendre et de protéger les régions de notre grand pays. Je dois dire que je ne peux penser à un sujet plus pertinent. Il est tout simplement inacceptable que le réseau canadien de pipelines s’arrête au Québec. Et il est inacceptable que le Parlement du Canada adopte maintenant une loi créant un obstacle qui pourrait rendre pratiquement impossible tout raccordement avec le Canada atlantique.

Mesdames et messieurs les sénateurs, comme je l’ai mentionné plus tôt, le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique a exprimé ses préoccupations communes relativement au projet de loi C-69, en février dernier, par l’entremise d’une lettre adressée au premier ministre du Canada.

Le projet de loi C-69, dans sa forme actuelle... ne répond[ra] pas au double objectif de protéger l’environnement et de favoriser la croissance économique. De plus, le projet de loi ne cadre pas avec les principes de gestion communs des Lois de mise en œuvre de l’Accord atlantique, et il accorde beaucoup de place à la discrétion dans les processus de prise de décisions qui devraient être prévisibles et fondés sur des données scientifiques.

Une préoccupation particulière qui doit être abordée est que le projet de loi, dans sa forme actuelle, place le pouvoir de décision définitif entre les mains du ministre ou du gouverneur en conseil, et il accorde la possibilité d’imposer un veto sur les résultats d’une évaluation scientifique rigoureuse et sur un examen approfondi des preuves.

Ici, au Canada atlantique, nous avons tous eu des expériences négatives liées au poids politique des riches provinces du Québec et de l’Ontario dans le cadre du processus décisionnel fédéral.

Cela aura des répercussions négatives importantes sur la certitude des projets majeurs et sur la confiance des investisseurs, et cette approche devrait être modifiée.

Nous vous prions également d’adopter les modifications qui ont été proposées par l’industrie, les groupes d’intervenants et les gouvernements, qui, globalement, ont pour but : deveiller à ce que les éléments clés lors d’une évaluation soient bien définis lors des premières étapes du processus, et que les processus établis en vertu de la loi soient traités de manière appropriée;

de veiller à ce que le processus d’évaluation soit calibré afin d’exclure les activités et projets à court terme comprenant des mesures d’atténuation éprouvées, comme le forage d’exploration en mer;

de veiller à ce que la nature et la portée de la participation du public puissent être clairement établies dans le cadre du processus d’évaluation, qu’elles ne soient pas ambiguës et qu’elles ne soient pas susceptibles d’être contestées;

de veiller à ce que le pouvoir discrétionnaire qui est accordé par la loi et qui permet de prolonger les échéanciers du processus soit utilisé uniquement dans certaines circonstances et que des motifs soient fournis;

de permettre de prendre en considération les répercussions positives des projets, y compris les retombées économiques, lors des évaluations; et d’exiger que l’agence d’évaluation d’impact et les organismes de réglementation du cycle de vie — les offices des hydrocarbures extracôtiers, la Régie canadienne de l’énergie, et la Commission canadienne de sûreté nucléaire — travaillent en collaboration lors de l’évaluation de projets réglementés par ces organismes, et permettre à ces projets d’aller de l’avant conformément à tout processus élaboré dans la loi.

Chères sénatrices et chers sénateurs, comme vous pouvez le constater, le Conseil des premiers ministres de l’Atlantique était uni dans ses préoccupations. J’aimerais insister de nouveau sur un élément : il s’agit de la notion voulant qu’à la fin du processus pour un projet majeur, le ministre ou le Cabinet fédéral peut décider de ne pas tenir compte du processus simplement parce qu’il n’aime pas les conclusions.

Je réalise que c’est peut-être une simplification exagérée, mais dites-moi, quel sera le pouvoir du ministre ou du Cabinet fédéral? Sur quelles bases peuvent-ils décider qu’ils n’aiment pas un projet? L’incertitude qui en découle n’est pas sans importance.

[Français]

Quel sera le pouvoir du ministre ou du Cabinet fédéral? Sur quelles bases peuvent-ils décider qu’ils n’aiment pas un projet?

[Traduction]

Comme vous le savez, le Nouveau-Brunswick aurait été un terminal de l’oléoduc Énergie Est. Il me paraît clair que cette immense incertitude réglementaire a contribué à la fin d’un projet d’édification nationale.

[Français]

Il me paraît clair que cette immense incertitude réglementaire a contribué à la fin d’un projet d’édification nationale.

[Traduction]

Fondamentalement, je pense que nous devons travailler ensemble en tant que pays pour développer un corridor national de l’énergie et des services publics qui est dans notre intérêt national. Cela aidera l’Ouest canadien et permettrait au Canada de changer de direction, puisque cette route ne peut que mener à une dévaluation de nos ressources naturelles et elle laisse l’Ouest canadien avec des ressources délaissées. Il s’agit d’une occasion perdue qui représente des pertes d’emplois et qui aura des répercussions négatives sur notre prospérité.

De plus, nous avons une immense perte de recettes fiscales qui servent à financer les services auxquels nos citoyens s’attendent. Le projet de loi C-69 alourdirait des processus qui sont déjà rigoureux.

Votre comité a une occasion en or de s’assurer que les Canadiens ont un cadre qui fournit une viabilité environnementale tout en stimulant l’économie. Ces deux concepts ne sont pas contradictoires.

Permettez-moi d’être franc : ce projet de loi, dans sa forme actuelle, est un obstacle aux investissements dans le secteur énergétique du Nouveau-Brunswick, du Canada atlantique et du Canada. Pendant des mois, j’ai entendu ce que des dirigeants communautaires, des chefs d’entreprises et des gens de tous les horizons avaient à me dire. Il est très difficile de ne pas conclure que ce projet de loi vise à interdire la construction de nouveaux oléoducs.

Un autre secteur clé du Nouveau-Brunswick qui pourrait être touché est le secteur de l’aquaculture. Certains craignent que la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact n’aille au-delà des considérations environnementales. Les acteurs de l’industrie de l’aquaculture craignent que tout nouveau projet d’aquaculture ne déclenche une évaluation d’impact, ce qui alourdirait le fardeau réglementaire et les coûts.

Une autre composante clé touche la consultation des Autochtones et le savoir traditionnel autochtone. Le manque de clarté n’est bénéfique pour personne, notamment pas pour les communautés autochtones et les promoteurs du secteur privé.

Le Nouveau-Brunswick a besoin de processus clairs qui répondent à nos préoccupations, tout en favorisant l’accélération des projets importants et en garantissant aux promoteurs de projets qu’ils seront traités de manière équitable.

La semaine dernière, vous avez entendu Brett Plummer, vice-président du nucléaire et dirigeant principal de l’exploitation nucléaire d’Énergie NB. M. Plummer a indiqué, à juste titre, que l’énergie nucléaire, les énergies renouvelables, la génération d’hydrogène et le réseau électrique intelligent continueront à jouer un rôle essentiel en vue de permettre à Énergie NB de respecter son engagement et de répondre à ses besoins énergétiques. Les petits réacteurs modulaires représentent une occasion unique pour l’économie de notre province, mais ils contribuent également à la décarbonisation.

Mais le caractère imprévisible des échéanciers, associé à un abandon progressif de la très compétente Commission canadienne de sûreté nucléaire, représente une double menace : une occasion économique ratée et une occasion environnementale ratée.

J’ai aussi été informé de la présentation de la directrice des Syndicats des métiers de la construction du Canada, Arlene Dunn, devant votre comité et j’ai noté ce qui suit; et je la cite :

Les promoteurs doivent connaître les règles avant de commencer. Tout processus d’évaluation rationnel doit définir, le plus tôt possible, ce qui est essentiel pour l’évaluation, et on doit accorder une considération adéquate aux processus. Les décisions politiques et stratégiques devraient être retirées du processus d’examen.

Encore une fois, je partage entièrement son point de vue. Les réserves de mon gouvernement à propos de ce projet de loi, comme je l’ai mentionné, ne sont évidemment pas uniques et, à vrai dire, il y a suffisamment de critiques fondées à l’égard de ce projet de loi pour vous obliger à le modifier de façon importante ou à le rejeter.

En terminant, on a déjà demandé à un voleur de banques bien connu pourquoi il ciblait les banques. Sa réponse était simple : c’est là où se trouve l’argent.

[Français]

Cela m’amène à la prochaine question : pourquoi certaines des plus grandes banques canadiennes actuelles ont-elles été fondées dans les Maritimes? C’est parce que c’est là où se trouvait l’argent avant la Confédération. Nous avons soutenu la construction de la Voie maritime du Saint-Laurent au détriment du Canada atlantique.

[Traduction]

Imaginez tous les ports en plein essor que nous aurions si la seule façon d’exporter nos produits passait par nos ports maritimes? Et comment les autres provinces se sentiraient-elles si nous avions adopté une position qui aurait comme conséquence que vous ne pouvez pas envoyer vos ressources par ces ports maritimes?

[Français]

Cela ne serait jamais arrivé, parce que les gens des Maritimes ne pensent tout simplement pas comme ça. C’était la bonne chose à faire, à ce moment-là, afin de renforcer notre nation.

[Traduction]

C’est la bonne chose à faire maintenant quand on songe que l’on continuerait ainsi de renforcer notre nation.

[Français]

Le Canada atlantique et le Nouveau-Brunswick veulent participer pleinement à l’économie canadienne.

[Traduction]

Et comme le dirigeant de la plus grande banque du Canada — Dave McKay, PDG de la Banque Royale — le disait récemment lors de son assemblée annuelle à Halifax, où la banque a été fondée en 1864 :

Nous sommes à un moment crucial de l’histoire de notre pays. [...] Notre compétitivité est mise au défi. Notre capacité de faire croître notre économie stagne.[...] Nous avons besoin d’une nouvelle approche.

Il a également dit :

Il est essentiel d’investir dans l’énergie pour veiller à ce que le Canada demeure prospère aujourd’hui et pour les générations à venir. [...] Le Canada a perdu 100 milliards de dollars dans des projets énergétiques au cours des deux dernières années seulement. Nous ne pouvons simplement pas nous permettre de perdre davantage.

Qu’est-ce que tout cela signifie donc? Je crois que l’important, ici, c’est ce que nous risquons de perdre si ce projet de loi tourne mal. Je demande à tous les sénateurs du Canada atlantique de joindre les forces de leurs collègues de l’Ouest canadien et de dénoncer ce projet de loi qui nuira à la région de l’Atlantique.

[Français]

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

Merci pour le temps que vous m’avez accordé. Vous avez une occasion unique de faire ce que, en tant que sénateurs, vous devez faire, c’est-à-dire protéger toutes les régions du Canada comme les Pères de la Confédération l’avaient prévu dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Sans vous, il a été prouvé que nous n’avons pas d’autre voix. C’est l’occasion pour les sénateurs d’agir en sénateurs.

[Français]

Vous avez une occasion unique de faire ce que, en tant que sénateurs, vous devez faire, c’est-à-dire protéger toutes les régions du Canada, comme les Pères de la Confédération l’avaient prévu dans l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Sans vous, il a été prouvé que nous n’avons pas d’autre voix. C’est l’occasion pour les sénateurs et les sénatrices d’agir dans ce but. Je vous implore de modifier ce projet de loi de manière substantielle ou de retarder son adoption. Je suis heureux de l’occasion qui m’a été donnée d’expliquer la position du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Je serai heureux de répondre à vos questions et de vous expliquer ma position. Merci beaucoup.

[Français]

La présidente : Merci à vous, monsieur le premier ministre Higgs. Passons maintenant à la période des questions.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : Merci. Monsieur le premier ministre, pensez-vous que le projet de loi C-69 devrait être vidé de sa substance ou qu’il devrait être modifié?

M. Higgs : Compte tenu de l’incertitude et de l’ambiguïté de l’ensemble du projet de loi, je pense qu’il faut le renvoyer à la planche à dessin. Il y a tellement d’inconnues qui laissent place à la subjectivité et, en fin de compte, à l’incertitude pour les investisseurs. À l’heure actuelle, nous avons besoin d’une période de certitude dans notre pays. Il faut que les investisseurs nous considèrent comme un endroit où ils veulent participer.

Je pense que nous en sommes arrivés au point où les investisseurs, comme je l’ai dit plus tôt dans mon exposé, cherchent ailleurs. Nous l’avons vu au Nouveau-Brunswick. Nous l’avons constaté partout au pays. Je pense qu’il doit être renvoyé à la table à dessin et que nous ne devrions pas nous inquiéter de la date des élections. Nous devrions nous préoccuper d’un échéancier pour bien faire les choses.

La sénatrice Cordy : Diriez-vous que ce texte est meilleur que la LCEE de 2012, qui faisait partie d’un projet de loi omnibus n’ayant fait l’objet d’aucune consultation? Il n’y a pas eu de consultation parce que cela faisait partie du projet de loi d’exécution du budget. Je sais que vous avez parlé aujourd’hui du pouvoir du ministre de retarder ou de bloquer les choses. Il s’agit d’un changement par rapport à la LCEE de 2012. Dans la LCEE de 2012, le projet de loi d’exécution du budget, le ministre pourrait suspendre un projet pendant 180 jours. Dans ce nouveau projet de loi, la période de suspension peut être de 90 jours et le ministre doit rendre publique la justification du retard, ce qui n’était pas prévu dans la loi précédente.

N’est-ce pas une amélioration? Le délai est plus court et le ministre a toujours la responsabilité. En fait, le ministre n’avait pas cette responsabilité avant 2012. C’est une période plus courte et la justification doit être publique.

M. Higgs : Je suppose que, dans le vrai sens du terme, on peut dire qu’il y a eu une amélioration, mais au vu de l’histoire des grands projets au pays, force est de constater que nous avons eu beaucoup de difficultés. Ici, on présente cela comme un projet de loi rempli de certitudes, qui attirera les investisseurs au Canada, autrement dit qui fait ce qu’il faut pour l’investissement. Or, ce n’est pas le cas.

Si nous essayons ici d’établir les règles de base en vertu desquelles le Nouveau-Brunswick ou n’importe quelle province du pays peut accepter des investissements, alors ce devrait être clair. J’ai dit avoir parlé à des investisseurs ou à des dirigeants de l’industrie, et je retiens des thèmes abordés dans bon nombre d’exposés que rien n’est clair. Pourquoi ne pas passer à l’étape suivante? Si nous établissons des critères appropriés pour le processus décisionnel, pourquoi prévoir un pouvoir politique discrétionnaire, étant sous-entendu que tous les critères seront définis à l’avance? C’est un peu comme les discussions sur l’établissement d’un corridor. Si les critères régissant le travail dans un corridor et l’instauration de ce corridor à l’échelle du pays étaient clairs, nous pourrions alors passer d’une province à l’autre, et les provinces prendraient le relais immédiatement après vous.

Si l’on parle de clarté et de la façon dont on nous présente, du moins sur le plan politique, ce projet de loi comment étant celui qui apporte des certitudes et qui favorisera l’investissement, alors, je pense qu’on met à côté de la plaque.

La sénatrice Cordy : Vous avez parlé de report ou d’incertitude, et nous avons déjà entendu parler d’incertitude pour le secteur de l’investissement. Si nous retournons le projet de loi à la case départ et qu’il nous faut encore deux ans avant qu’il nous revienne — de façon réaliste, le processus ne commencerait pas avant 2020 —, cette approche ne créerait-elle pas une période d’incertitude beaucoup plus longue que si nous tentons d’amender le projet de loi et de le rendre acceptable?

M. Higgs : Si ce processus doit permettre de préciser et de définir adéquatement les éléments qui changeront de façon significative — je connais les conditions dont nous avons parlé dans le mémoire de l’Atlantique —, que ces conditions doivent être prises en compte, que vous devez apporter ces modifications et ensuite en informer les nombreux promoteurs qui ont proposé des changements, je pense qu’il faut adopter une sorte de mécanisme. Si nous pouvons le faire en peu de temps, ce serait formidable.

Je comprends ce que vous dites concernant le fait qu’il faudra encore quelques années avant que le projet de loi soit adopté. Je suis ingénieur de profession, alors les projets, les échéanciers et l’adoption des résultats sont pour moi une sorte de seconde nature. Si vous fixez un échéancier réel quant à la façon de procéder et au moment où tout doit être terminé et que vous définissez clairement les questions à régler, vous devriez vous attendre à ce que le tout soit achevé en moins de deux ans. Quelqu’un doit rendre des comptes pour que vous y parveniez.

[Français]

Le sénateur Mockler : J’ai trois ou quatre questions, mais je vais seulement en poser une. Je poserai les autres questions si nous avons une deuxième ronde.

Tout d’abord, monsieur le premier ministre, je tiens à vous féliciter d’avoir expliqué la vision des gens du Nouveau-Brunswick et de l’Atlantique.

[Traduction]

Ce matin, j’ai assisté à une réunion, honorables sénateurs et sénatrices. La personne qui animait la réunion était M. Frank McKenna, ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick. Il animait une table ronde du congrès syndical ici, à Ottawa. Le ministre Sohi, le commissaire en chef adjoint David Paul de la Commission de la fiscalité des Premières Nations et le premier ministre Blaine Higgs y participaient également.

[Français]

Monsieur le premier ministre, le Nouveau-Brunswick est un chef de file dans bien des domaines.

[Traduction]

Et il y a un domaine dans lequel nous sommes un chef de file : Énergie Nouveau-Brunswick est un chef de file mondial de la technologie des petits réacteurs modulaires pour la production d’électricité sûre et fiable sans émissions. Avant que je pose une question, M. McKenna a dit que le monde se tournait vers le Canada et que « le Canada est perçu comme un endroit où il ne faut pas investir de l’argent. »

Monsieur le premier ministre, en ce qui concerne les petits réacteurs modulaires et compte tenu de votre expérience, quelles seraient les répercussions du projet de loi C-69, s’il n’est pas assorti des modifications nécessaires concernant les petits réacteurs modulaires qui pourraient être produits ici au Canada, en particulier au Canada atlantique, au Nouveau-Brunswick?

M. Higgs : Elles seraient très importantes pour ce qui est de retarder ou éliminer le potentiel. La technologie des petits réacteurs nucléaires constitue une voie à suivre pour l’avenir pour la production d’énergie propre. J’ai exploité avec succès l’installation nucléaire pendant de nombreuses années. Cette installation est reconnue pour ses grandes possibilités et ses capacités opérationnelles. Nous avons la technologie ici; nous avons l’emplacement, les connaissances et la technologie. Lorsque vous essayez de reconstruire et explorez les possibilités offertes au Nouveau-Brunswick; il s’agit d’une réelle possibilité pour nous.

Il s’agit d’un autre mécanisme pour surveiller et vraiment remplacer l’organisme de réglementation nucléaire qui surveille actuellement cette industrie. Pourquoi tentons-nous d’inventer quelque chose qui retardera le processus plutôt que de simplement nous assurer que les normes et les règlements que nous avons déjà sont respectés dans les nouveaux projets?

Nous semblons créer davantage de bureaucratie et d’incertitude en mettant en place une division distincte, au lieu de faire en sorte que les capacités actuelles soient plus efficaces et de rendre compte des décisions prises. Cette façon de faire aura des conséquences néfastes.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur le premier ministre, merci de votre présence. Une des questions que j’ai posées ailleurs dans le reste du Canada, je l’ai posée également au ministre de l’Environnement du Québec. Je vais vous poser la même question. Elle porte sur un concept de création d’un corridor énergétique dans lequel les parties et les provinces pourraient transporter l’énergie d’est en ouest, que ce soit du gaz ou de l’hydroélectricité. Cela nous permettrait au moins de rejoindre l’ensemble des provinces par la même empreinte au niveau du sol, ce qui éviterait de multiplier les différents éléments ou risques environnementaux à plusieurs endroits sur le territoire plutôt que de le confiner dans un corridor qui pourrait être choisi plus judicieusement pour respecter l’environnement et les groupes autochtones. Croyez-vous qu’il s’agit là d’une avenue qui serait souhaitable?

Dans un deuxième temps, croyez-vous que ce projet de loi devrait tenir compte de ce processus, afin que le corridor soit autorisé ou évalué pour que les conduites ou les lignes de transport d’énergie qui se font à l’intérieur du corridor subissent un processus d’évaluation plus rapide?

[Traduction]

M. Higgs : Absolument. C’est une façon de procéder. Je pense que c’est une solution qui nous permettra d’aller de l’avant en tant que nation et en tant que nation de provinces qui cherchent à atteindre un objectif commun. L’avantage est de définir les critères relatifs à ce qui entre dans un tel corridor, à l’évaluation environnementale requise, à la participation de la collectivité et à la participation des Premières Nations. Il serait donc très clair que tout lien que nous établissons dans notre pays doit respecter ces normes. Il n’est pas nécessaire d’inventer les critères tout au long du processus. Ces critères contribuent à éliminer le processus politique, qui a souvent paralysé notre pays. Il est arrivé que nous ne puissions pas faire avancer un projet dans un sens ou dans l’autre, parce qu’une province n’était pas d’accord. Puis, il y a une élection, tout part vers le sud et nous devons recommencer à zéro.

Il est temps, comme nous ne l’avons pas fait depuis longtemps, de nous demander comment nous pouvons constituer une coalition des provinces qui sont préoccupées et qui veulent acheminer leurs ressources vers les marchés. Le Québec se trouve dans la même situation avec son volume énorme de production hydroélectrique qu’il doit transporter partout au pays. Nous achetons de l’hydroélectricité au Québec actuellement, mais ces échanges pourraient prendre beaucoup d’ampleur.

Si je pense aux enjeux dans d’autres provinces — et avec l’Alberta —, ce qui m’a réellement étonné est ma réunion des premiers ministres. Le premier ministre de l’Alberta de l’époque... la dévaluation du pétrole était de 70 p. 100. Je n’arrivais pas à croire que ce n’était pas la priorité à l’ordre du jour. Je me sentais vraiment coupable, parce que je représentais une province qui reçoit des paiements de transfert depuis des générations. Les familles de ma province en ont bénéficié au fil des ans — et dans la région de l’Atlantique —, mais il n’y avait pas de sentiment d’urgence. Au bout du compte, cet enjeu pourrait avoir une incidence sur notre bien-être à tous.

Il est essentiel de créer ce genre de mécanisme, un mécanisme qui permettrait d’établir clairement la circulation des ressources dans notre pays. C’est peut-être l’occasion parfaite pour le faire.

Le sénateur Richards : Merci d’être ici, monsieur le premier ministre, monsieur Leger et madame Carlin.

J’ai entendu une personne qui a voté aux élections en Alberta dire qu’elle avait voté contre le pétrole, parce qu’elle votait pour la culture, l’éducation, la recherche et la médecine. Je me suis dit : « Eh bien, selon vous, qu’est-ce qui va payer l’éducation, la médecine et la culture si nous n’avons pas de bonnes infrastructures et une bonne économie? » L’un ne va pas sans l’autre; on ne peut pas avoir l’un sans l’autre. Je pense que c’est ce qui est le plus mal compris à bien des égards.

Nous le savons certainement au Nouveau-Brunswick. Mon fils travaillait dans le champ pétrolifère lorsque sa femme était enceinte de cinq mois au Nouveau-Brunswick. Nous le savons.

J’aimerais en savoir plus sur Énergie Est. J’ai eu l’impression que c’était une trahison. Je n’étais pas au Sénat à l’époque, mais j’ai eu l’impression que c’était une trahison à l’époque comme ce l’est maintenant. À votre avis, combien de revenus cette décision a-t-elle fait perdre?

M. Higgs : Si vous me permettez, nous avons fait le calcul, ce serait environ 38,7 milliards de dollars pour le Canada.

Mais pour ce qui est de savoir où nous en sommes, sur le plan politique, une thèse, et je la crois fondamentalement, est que nous pouvons avoir les deux : nous pouvons avoir un avenir économique, et nous pouvons avoir un avenir plus vert et plus propre. Il semble y avoir une distinction entre les deux et des croyances selon lesquelles nous ne pouvons pas faire les deux, mais nous ne pouvons pas financer les projets que nous voulons mettre de l’avant.

J’ai dans ma bibliothèque un livre de 1998 intitulé The End of Oil. On n’y parle pas d’arrêter d’utiliser du pétrole, mais bien de manquer de pétrole. La panique s’installe. Nous n’aurons pas d’énergie, et qu’allons-nous faire?

Alors, 20 ans plus tard, nous ne craignons pas d’en manquer, nous essayons de déterminer où il va s’arrêter. Nous appuyons tous le même programme de réduction des émissions. On dira que si je ne veux pas faire payer plus de taxes aux gens à la pompe, je suis contre un climat plus propre. Absolument pas. Ce n’est pas vrai. Ce que je dis, c’est que nous pouvons y arriver et proposer un plan sur le carbone sans taxer davantage les gens.

Pourquoi ai-je l’impression que c’est le moment? Quand j’étais enfant, je suis allé à l’Exposition universelle de New York — je me sens vieux — et il y avait des voitures là-bas qui n’avaient pas de volant, des véhicules autonomes. J’avais 10 ans à l’époque et je me suis dit : « Super, d’ici à ce que j’obtienne mon permis de conduire, il n’y aura plus de voitures. » J’aimerais bien qu’il y ait de ces voitures maintenant; même si nous sommes de plus en plus près.

Pensez à ce que nous imposons à l’industrie dans notre plan sur le carbone. Au Nouveau-Brunswick seulement, lorsque le plan sera entièrement mis en œuvre conformément à la réglementation actuelle et lorsque nous irons de l’avant avec un plan pour le gouvernement fédéral, ce montant s’élèvera à environ 12 à 14 millions de dollars par année. À l’échelle du pays, combien d’argent l’industrie verse-t-elle aujourd’hui? Prenez les industries qui le font — par exemple la raffinerie de Saint John —, elles paient un tarif important, comme elles le doivent, puisqu’elles sont de grands émetteurs dans la province. Si cet argent sert principalement à financer les percées technologiques, nous reverrons ce qui est arrivé à Kodak. Nous arriverons à un tournant majeur quant à la capacité de stockage électrique au moyen de batteries; soudainement, nous n’utiliserons plus d’appareil photo et de films, car tout aura changé du jour au lendemain comme avec l’arrivée de la photographie numérique. Il y aura de la concurrence pour le stockage. Nous évoluons constamment dans cette voie. Tout à coup, les gens diront qu’ils peuvent se permettre une voiture électrique et qu’ils peuvent utiliser plus d’énergies renouvelables partout dans leur maison. Mais à l’heure actuelle, nous en sommes au point où le coût est un obstacle sérieux à la capacité de payer des gens et où il ne nous incite pas à encourager l’investissement.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci d’être ici. Je suis très encouragée d’entendre un premier ministre qui ne tient pas le discours qui crée des divisions : « ma province avant tout le monde », mais qui parle de l’édification d’une nation et qui pense au reste du Canada. Je pense vraiment que c’était une très bonne chose à entendre dans ce pays à l’heure actuelle. Quand je regarde ce projet de loi, je vois l’une des mesures législatives les plus controversées que j’aie jamais vues.

Ma question porte sur votre proposition de corridor énergétique en deux parties. Par exemple, la Voie maritime du Saint-Laurent est en train de s’envaser. Je prévois qu’il y aura bientôt une interdiction des pétroliers. Alors où en serons-nous? Parce que le gouvernement actuel est un réel fervent de l’interdiction des pétroliers. Si nous avions un corridor énergétique, pourriez-vous me dire comment il fonctionnerait? Parlez-vous de toute l’énergie ou seulement du pipeline? Qu’est-ce qui fait partie de votre grande vision pour le pays?

M. Higgs : Il faut tenir compte des besoins de chaque province. Prenons le Québec, par exemple, si la province a besoin d’un système de transport pour que l’énergie se rende au marché, elle doit avoir la capacité de mettre en place ce système de transport. Si nous allons à l’autre bout du pays, l’Alberta et la Saskatchewan ont besoin d’un pipeline pour acheminer le pétrole vers les marchés. J’espère que le gaz naturel sera exploité au Nouveau-Brunswick. Je veux pouvoir acheminer le gaz jusqu’à la chaîne d’approvisionnement, et le Québec et d’autres régions du pays pourraient devenir un point d’approvisionnement pour la distribution du gaz. Nous avons eu de la difficulté au Nouveau-Brunswick à obtenir du financement, mais il est censé être là, alors nous le cherchons.

Dans notre propre pays, nous parlons de libre-échange entre les provinces, mais le libre-échange entre les provinces doit être juste et équitable. Il ne s’agit pas seulement d’un corridor, il s’agit également de la réglementation qui ferait en sorte de faciliter le mouvement de la main-d’œuvre de part et d’autre des frontières, parce que les accréditations sont les mêmes, que les gens peuvent dire qu’ils font partie d’un pays et que nous avons un passeport pour nous déplacer dans notre pays. Ce corridor constituerait la base avec ses capacités électriques, ses systèmes de transport, ses systèmes de gaz, de pétrole et de communication. L’utilisation et les exigences relatives à son développement seraient bien définies.

Ce corridor permettrait de détourner l’attention des enjeux individuels et permettrait de dire qu’il est temps d’avoir un projet rassembleur, parce que nous avons des défis à relever. J’ai dit plus d’une fois que je me sentais comme un bien abandonné au Nouveau-Brunswick. Depuis des années, le Canada atlantique est là. Nous vous donnons 100 millions de dollars, et nous vous disons d’aller construire des routes puis que nous allons voter pour vous. J’ai en quelque sorte changé d’avis au cours des six derniers mois parce que je n’ai pas besoin de routes. Je dois créer une économie dynamique comme c’était le cas au début il y a de nombreuses années quand nous étions une région édificatrice de la nation.

La présidente : Merci.

Le sénateur Woo : Merci, monsieur le premier ministre, d’être venu. Nous avons vraiment aimé visiter Saint John et entendre les vues de vos concitoyens du Nouveau-Brunswick. Nous avons entendu de nombreux points de vue différents au sujet du projet de loi C-69. Nous avons notamment entendu des gens qui sont très favorables au projet de loi et même certains qui voulaient que nous allions encore plus loin, ce qui m’amène à parler des modifications et de la façon d’améliorer le projet de loi. Bon nombre des suggestions que vous et les autres premiers ministres de l’Atlantique nous avez faites me tiennent réellement à cœur. Je pense que si vous restez un peu, vous serez heureux de constater que nous sommes nombreux à travailler sur des modifications qui touchent précisément les domaines que vous avez mentionnés. Le défi est d’apporter des modifications qui préserveront un équilibre délicat.

Ce projet de loi n’est pas tombé du ciel; il n’est pas apparu du jour au lendemain. Il est le fruit d’années de consultations, y compris avec des experts et des collègues du Canada atlantique. De nombreux experts y ont participé, et de nombreux groupes d’experts nous disent que, selon eux, le projet de loi ne va peut-être pas assez loin. Nous prenons tous notre rôle de sénateurs très au sérieux, comme vous le décrivez. Nous représentons les régions, représentons d’autres intérêts et essayons de trouver des façons d’améliorer le projet de loi sans compromettre cet équilibre très délicat.

Ce qui m’amène à vous poser la question suivante. Vous nous avez dit qu’il fallait soit modifier le projet de loi en profondeur — et vous avez beaucoup insisté là-dessus — soit le rejeter. Je m’inquiète un peu du fait que les mesures que nous prenons ne vont pas assez en profondeur pour vous et que vous penchiez plutôt vers le rejet du projet de loi. Est-ce vraiment ce que vous voulez voir? Quels conseils donneriez-vous à des sénateurs qui s’efforcent vraiment de trouver un équilibre entre les divers intérêts qui existent, non seulement les intérêts économiques, qui sont très importants, mais ceux de nombreuses autres parties dont nous devons tenir compte?

M. Higgs : Tout d’abord, je tiens à préciser que je ne suis pas ici seulement pour rejeter le projet. Ce n’est pas la raison pour laquelle je suis ici.

Le sénateur Woo : Merci.

M. Higgs : Nous avons eu de la difficulté avec des projets. J’ai présenté un exposé à Ottawa en 2013 sur ces projets, sur un projet qui devait être terminé dans cinq ans, soit d’ici 2017. On nous a dit que nous étions les plus susceptibles de réussir, mais c’était avant l’entrée en vigueur de la nouvelle règle concernant les émissions en amont et en aval. Ce sont ces incertitudes qui ont causé des problèmes. Ce genre de changement dans la réglementation a créé de l’incertitude pour les investissements.

Ce que j’aimerais le plus en ce qui concerne les modifications proposées, c’est qu’on puisse demander aux investisseurs — qu’il s’agisse d’entreprises, de banques — si ces modifications ouvrent la porte de façon juste et équitable et si elles sont raisonnables à tous égards afin d’encourager l’investissement dans notre pays. Ce sont eux le moteur de notre économie, les investissements du secteur privé. Ils nous aident à payer les factures et à offrir des services. Il y a un lien et c’est votre travail de le faire. Si vous pouvez le faire de manière à ne pas fermer la porte au développement dans notre pays, vous avez fait votre travail admirablement.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup, monsieur le premier ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Vous avez mentionné dans votre exposé que vous aviez notamment fait valoir dans votre lettre au premier ministre que le projet de loi, dans sa forme actuelle, confie la décision irrévocable au ministre ou au gouverneur en conseil et leur donne l’occasion de mettre leur veto aux résultats de l’évaluation scientifique et de l’examen des preuves. Nous avons entendu à maintes reprises cette préoccupation au sujet de la capacité du ministre de mettre son veto à des projets qui en sont aux dernières étapes. Vous dites que cette mesure mine considérablement la certitude par rapport aux grands projets et qu’elle devrait être modifiée. Avez-vous un exemple particulier en tête?

M. Higgs : Je crois que le processus devrait être fondé sur les faits. Il devrait comporter des critères suffisamment objectifs pour que l’on puisse prendre la décision d’aller de l’avant ou non. De cette façon, on peut essentiellement éliminer la subjectivité du processus politique. C’est ce que je veux dire. Tout ce que nous laissons au hasard à cet égard, ce qui est laissé ouvert, est une incertitude pour les investisseurs, parce que tout dépend de qui est au pouvoir à ce moment-là.

Je souhaite que nous tentions de créer la certitude dans notre modèle de développement, soit de tracer la voie à suivre pour assainir l’environnement et réduire les émissions, et que nous soyons tous prêts à le faire. Et que nous le fassions de manière à ce que les gens disent : « Les portes du Nouveau-Brunswick ne sont pas fermées aux investissements. »

Si le processus est objectif, il n’y a pas de confusion. Mais si on laisse place aux préférences personnelles et à l’influence politique, on en sèmera. Je l’ai vu au Nouveau-Brunswick. Je parle de chiffres, ce qui est important dans notre Constitution et dans l’organe à qui je m’adresse aujourd’hui même. C’est ainsi que nous pouvons être représentés dans une petite région comme l’Est du Canada.

Lorsque j’étais ici en 2013, je partais de l’hypothèse que presque tout le monde dans la salle pensait que le Canada se termine à Montréal ou au Québec. Je veux vous raconter le reste de l’histoire, puis j’ai continué et nous avons présenté un graphique et j’ai montré le tracé du pipeline à ce moment-là. Et j’ai parlé de la raffinerie. J’ai dit : « Nous avons la plus grande raffinerie en Amérique du Nord. » Qui le savait? « Nous transportons du pétrole brut depuis 40 ans par les plus gros pétroliers du monde. » Qui le savait? Tout le monde était en état de choc. Vous avez toutes ces installations au Nouveau-Brunswick? Nous essayons de remettre le Nouveau-Brunswick et le Canada atlantique sur la carte avec une vision objective et non politique.

La présidente : Monsieur Higgs, j’ai une brève question pour vous. Comme vous le savez, nous avons entendu plus de 200 témoins. Nous avons consacré plus de trois mois à l’étude de ce projet de loi et nous avons entendu le point de vue de toutes les pétrolières de l’Est et de l’Ouest du Canada. Elles nous ont proposé des amendements et elles ont été nombreuses à nous dire que le statu quo était inacceptable; elles nous ont également dit, entre autres, que le projet de loi C-69 était un pas dans la bonne direction.

Vous avez dit qu’il fallait retarder ou rejeter le projet de loi. J’aimerais savoir à qui vous parlez exactement, parce qu’il n’y a aucune correspondance entre ce que vous dites et les messages que je reçois.

M. Higgs : Je pense avoir clarifié cette position en réponse à une question précédente concernant mon objectif — et cela n’a pas fonctionné dans le passé. Je ne veux pas dire que tout était parfait dans le projet de loi précédent, parce que ce n’est pas vrai. Je pense que vous avez maintenant l’occasion de faire les choses correctement. Ainsi, si vous avez des amendements très clairs à apporter pour faire en sorte que le projet de loi soit plus neutre et énonce des critères plus précis, c’est fantastique.

La présidente : Merci beaucoup.

Le sénateur Massicotte : Monsieur, je vous remercie d’être venu nous rencontrer aujourd’hui.

Mon but n’est pas de chercher des responsables, mais des études empiriques démontrent clairement qu’au Canada, nous avons eu énormément de difficulté, ces 20 dernières années, à faire approuver des projets, parce que le processus d’approbation est exagérément long. En fait, nous nous classons au 34e rang parmi 35 pays de l’OCDE pour la lourdeur de nos processus d’approbation de projets. C’est un grave problème, et il ne date pas d’hier. Cela fait 20 ans qu’il perdure. Nous avons un défi de taille à relever.

Je suis persuadé que les sénateurs ici présents sont déterminés et prêts à travailler d’arrache-pied pour résoudre ces problèmes. Il est essentiel de trouver un équilibre. Nous allons y travailler de notre mieux, et j’ai bon espoir que nous pourrons formuler des recommandations judicieuses pour régler une bonne partie des problèmes. Personne ne sera content, mais c’est justement un critère d’équité. Si tout le monde est mécontent dans une même mesure, cela veut dire que nous avons fait notre travail.

Cela dit, dans sa forme actuelle, le projet de loi permet des changements. La Colombie-Britannique est une province très exigeante en matière de développement et très pointilleuse en ce qui concerne ses besoins. Elle vient de conclure une entente avec le gouvernement fédéral en vertu de laquelle c’est la province, et elle seule, qui évaluera tout futur projet d’envergure.

Avez-vous réfléchi à cela et vous êtes-vous demandé pourquoi vous ne feriez pas la même chose avec le Nouveau-Brunswick? Cela simplifierait et faciliterait tellement les choses et éviterait la redondance inutile entre les propositions des clients, des promoteurs ou des développeurs; avez-vous réfléchi à cette option?

M. Higgs : Je ne l’ai pas examiné en détail, mais je suis au courant du concept. Je suppose que la même logique s’appliquerait à l’égard d’une province, ce qui permettrait de rendre le processus décisionnel plus clair. Nous avons constaté une grande volatilité parmi les positions adoptées, puisqu’elles varient en fonction des décideurs en place au gouvernement.

Cette solution est envisageable et elle permet aux provinces d’exercer un peu plus de contrôle sur les projets. Elle est compatible avec l’idée d’un corridor d’approvisionnement parce qu’une province qui a des ressources à offrir peut décider ce qu’elle en fera, elle a un choix. Je ne propose pas de retirer cela aux provinces, mais je veux simplement dire que la province pourrait choisir cette solution. Il vaut la peine de se demander ce que ferait la province, mais j’aimerais que cette possibilité soit clairement définie.

Le sénateur Mitchell : Monsieur, je vous remercie d’être venu. J’ai été très impressionné — et je pense que nous le sommes tous — par votre idée d’un corridor national de l’énergie et je sais que ce serait une excellente façon de renforcer la cohésion nationale. Cette idée m’a fait sourire, car pendant 150 ans, nous avons eu de la difficulté à passer du vin et de la bière d’un bord à l’autre des frontières. Pourriez-vous réserver une petite partie de ce corridor pour des pipelines de vin et de bière?

M. Higgs : Je n’y avais pas pensé. Je vais m’en occuper.

Le sénateur Mitchell : Vous avez soulevé des points très importants. Si le temps le permet, j’aimerais vous démontrer que bon nombre de ces points sont abordés dans le projet de loi. Par exemple, tous les délais sont plus courts qu’actuellement, et le pouvoir du ministre et du Cabinet est en quelque sorte restreint. Je pourrais continuer, mais vous avez soulevé des questions intéressantes qui méritent qu’on s’y arrête. Je pense d’ailleurs que vous laissez la porte ouverte, et soyez assuré que nous l’apprécions, parce que si nous revenons à la planche à dessin huit ans après l’adoption de la LCEE de 2012 et après trois années de consultation, imaginez-vous l’ampleur de la tâche? C’est maintenant que nous devons agir.

Vous êtes un élu et j’ai moi-même été élu il y a des années, je suis donc en faveur de l’exercice d’une discrétion politique, tout en cherchant un équilibre. Vous avez dit qu’il y avait trop d’éléments là-dedans. J’ai examiné le processus d’évaluation environnementale du Nouveau-Brunswick ainsi que votre arbre décisionnel. En gros, le ministre présente un rapport et une recommandation au lieutenant-gouverneur en conseil, c’est-à-dire au Cabinet, et la décision est prise par le lieutenant-gouverneur en conseil, qui est le Cabinet.

Comment avez-vous réglé ce problème particulier dans notre propre processus d’évaluation environnementale et pouvez-vous nous donner une idée de ce que nous pourrions faire pour améliorer ce processus?

M. Higgs : C’est là que réside le problème au Nouveau-Brunswick. Incidemment, je n’ai pas encore corrigé toutes les dispositions législatives. Je suis en fonction depuis six mois seulement. Nous avons vu cela dans le secteur de l’exploitation du gaz naturel. Nous avons constaté que tout se résumait à une joute politique et que rien n’était clair. Et pour répondre à votre question, je suppose que cette situation a été créée par un gouvernement, elle a été maintenue par le gouvernement suivant et le gouvernement qui l’a créée a refusé de décréter un moratoire.

Vous me demandez pourquoi nous faisons cela. Il n’y a qu’une seule raison, c’est parce qu’il y a eu un changement d’attitude. Nous ne pouvons nous entendre sur un projet qui nous permet d’aller de l’avant. Nous finissons donc par être guidés par les sondages et c’est pourquoi je dis que le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être balisé. Je suis d’avis le processus décisionnel doit être en grande partie public. Les citoyens ont le droit de savoir si nous protégeons leur intérêt supérieur. Sommes-nous motivés par des intérêts politiques, d’une manière négative, en ne respectant pas les règles? Ou, au contraire, respectons-nous les règles et avons-nous des résultats financiers pour le démontrer? Cette façon est un gage de clarté et de transparence.

C’est l’une des principales difficultés. Les gens ne comprennent pas le processus et ils ne le comprendront peut-être jamais, mais ils doivent avoir confiance. Aujourd’hui, je pense que la confiance n’est pas au rendez-vous.

La présidente : Merci beaucoup. Si vous le permettez, monsieur, nous avons encore trois sénateurs à entendre.

M. Higgs : J’ai tout mon temps pour vous.

La présidente : Parfait. Par contre, nous avons d’autres groupes de témoins.

La sénatrice McCallum : Monsieur Higgs, je vous remercie pour votre exposé. L’industrie a sa propre histoire et les peuples autochtones ont la leur. Je pense que beaucoup de Canadiens ne comprennent pas les problèmes que l’industrie a causés aux Premières Nations. Vous avez dit avoir l’impression de vos ressources sont laissées pour compte et, de leur côté, de nombreuses Premières Nations ont l’impression d’être emprisonnées dans leur propre territoire.

Les promoteurs précédents doivent assumer leur part de responsabilité dans la rédaction de ce projet de loi. Malgré la réglementation, les évaluations scientifiques et les données probantes, de nombreux endroits du Canada, notamment à proximité des terres des Premières Nations, ont été et sont des dépotoirs de déchets toxiques, sans parler des effets catastrophiques sur les terres, les êtres vivants et la santé des habitants. Vous dites que notre responsabilité première est de défendre et de protéger les régions de notre grand pays, mais ma priorité à moi, ce sont les Premières Nations que nous n’entendons pas suffisamment, surtout les femmes. Les activités des secteurs de l’énergie, de l’exploitation forestière, des mines et de l’hydroélectricité ont eu de graves répercussions et ont semé la dévastation partout dans le Nord canadien. L’Alberta compte 150 000 puits orphelins et il en coûtera 55 milliards de dollars pour les nettoyer. Bon nombre de ces puits se trouvent à proximité de terres appartenant à des Premières Nations et à des Métis. Ce sont là de sérieux obstacles qui nuisent à la santé des Premières Nations et à leur développement économique sur leurs propres terres.

Quelles mesures recommandez-vous pour réparer le tort qui leur a été causé? Avez-vous des suggestions à faire pour atténuer ces problèmes?

M. Higgs : Nous reconnaissons tous, je pense, que les conditions de vie de nombreuses communautés autochtones sont tout à fait inacceptables. Nous avons ce problème au Nouveau-Brunswick également. À l’avenir, tous les projets de développement devront être entrepris dans un esprit de collaboration. On a voulu faire croire que les Premières Nations s’opposent au développement. Je n’y crois pas du tout. Pour revenir à ce que vous disiez, je pense qu’elles ont reconnu qu’elles n’en avaient pas profité.

J’ai l’impression que lorsque... voilà comment je procède dans de nombreux dossiers dans ma province. Je regarde combien d’argent nous dépensons dans différents domaines et je prends note des résultats que nous obtenons sur le plan des services et d’autres enjeux à l’échelle provinciale. Quels sont nos objectifs? Que voulons-nous accomplir? Au Nouveau-Brunswick ou dans l’ensemble du Canada, comment devons-nous mesurer les progrès accomplis à ce jour dans les collectivités des Premières Nations? Quels sont les problèmes les plus urgents? Comment pouvons-nous nous engager sur la voie du changement?

Encore plus important, que devons-nous faire pour nous assurer que notre engagement demeure cohérent d’une élection à l’autre et que les collectivités et les gens le sentent? Il n’est pas nécessaire que cela fasse la une des médias. Les gens le savent parce que leurs conditions de vie se sont améliorées. Je n’ai pas l’impression que nous avons une idée de nos cibles, ni de ce que nous essayons d’accomplir.

J’ai eu d’intéressantes discussions au cours des derniers jours. J’ai rencontré David Paul lors d’un dîner hier soir et nous avons parlé des possibilités offertes aux Premières Nations et des possibilités de croissance économique, de partage et d’entraide. C’est réel. Je crois qu’on a voulu faire croire, à tort, que les Premières Nations ne veulent pas participer à la stratégie de croissance économique de notre pays. C’est faux. Je pense qu’elles veulent y participer et profiter des retombées.

La sénatrice McCoy : En tant qu’Albertaine, je vous remercie, monsieur, d’avoir si bien exprimé une perspective pancanadienne, de comprendre de manière aussi subtile ce que l’Alberta vit en ce moment et de manifester votre sympathie à notre égard. C’est vraiment là une attitude qui favorise l’édification du pays.

J’aimerais, moi aussi, revenir sur votre idée de conclure une entente visant la création d’un corridor pancanadien, mais il me semble que cela dépasse largement la portée du processus d’évaluation de l’impact environnemental. Il s’agit, selon moi, d’une entente stratégique beaucoup plus vaste. En fait, il faudrait obtenir le consensus des Canadiens, des provinces et des territoires au sujet de nos objectifs et des résultats souhaités. Si nous y arrivions, nous pourrions peut-être aller de l’avant d’une manière plus réfléchie, plus neutre, fondée sur des données factuelles. J’aimerais que vous nous donniez plus de détails à cet égard et que vous nous donniez l’assurance, en votre qualité de premier ministre, qu’à l’occasion de la prochaine réunion des premiers ministres et de la réunion de la fédération...

M. Higgs : Du Conseil de la fédération auquel participent les provinces.

La sénatrice McCoy : Oui, que vous fassiez la promotion de cette idée.

M. Higgs : J’en ai bien l’intention. Nous avons eu des discussions à ce sujet lors de nos réunions dans la région atlantique ainsi qu’aux réunions des premiers ministres. Je pense que les provinces sont sur la même longueur d’onde dans de nombreux domaines. C’est de plus en plus manifeste. Nous devons saisir l’occasion de poursuivre la discussion au sein de la fédération. Hors du cadre fédéral et provincial, il ne faut pas trop se fixer de cibles à cet égard, mais nous devons nous rappeler que nous avons un objectif commun supérieur, que notre énoncé de vision doit décrire ce que nous essayons d’accomplir et que nous devons convenir avec les provinces que c’est la chose sensée à faire. C’est la chose sensée à faire à bien des égards, non seulement pour acheminer l’énergie, mais aussi de la bière d’une province à l’autre. Nous parlons depuis toujours de commerce interprovincial.

La sénatrice McCoy : Depuis l’époque où j’étais membre du Cabinet.

M. Higgs : Il en est question depuis que je fais de la politique également. On dirait que nous ne pouvons pas y arriver. Nous parlons d’homologation d’une province à l’autre. Nous semblons incapables d’y arriver.

Je reviens sur ma formation d’ingénieur. La gestion et l’exécution de projets faisaient partie de ma...

La sénatrice McCoy : Évidemment, vous invoqueriez alors l’article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982, en vertu duquel les provinces et le gouvernement fédéral s’engagent à promouvoir les chances, sans disparité entre les différentes régions du pays.

M. Higgs : C’est tout à fait ça. J’ai parlé tout à l’heure des exigences constitutionnelles et je constate qu’elles correspondent certainement aux valeurs du Sénat. C’est cela.

La présidente : Je vous remercie.

Le sénateur Plett : Monsieur, merci beaucoup de votre présence ici. Je vous ai écouté avec plaisir. Permettez-moi de vous dire que je suis vraiment ravi de vous avoir entendu dire que le Canada atlantique et le Nouveau-Brunswick souhaitent participer pleinement à l’économie canadienne. Pourquoi les grandes banques ont-elles été dans les Maritimes? C’est parce que c’est là que l’argent se trouvait avant la Confédération.

Il y a quelques années, l’Alberta était probablement la province qui contribuait le plus à l’économie canadienne. Ces dernières années, beaucoup de lois, sans parler des débats qui ont eu lieu ici, ont pour effet de soulever les provinces et les régions les unes contre les autres, alors que nous devons travailler à l’unisson. Quand nous avons des ressources dans une partie du pays, nous devons les exploiter dans l’intérêt commun du pays au lieu de faire obstacle à leur exploitation. Je vous remercie beaucoup pour vos commentaires.

La loyale opposition à la Chambre des communes et au Sénat n’a jamais eu l’intention de tuer le projet de loi C-69, elle cherche plutôt à l’améliorer et à l’amender. Je crois que c’est le message que vous avez transmis ici aujourd’hui et c’est ce que nous souhaitons, mais cet exercice devient de plus en plus difficile.

Ma question est très courte et fait suite à une observation de la sénatrice Cordy. Elle a été la première à poser des questions, et je suis le dernier. Elle a dit que si nous n’adoptons pas ce projet de loi, il faudrait peut-être attendre deux ans avant d’en concocter un nouveau. Nous sommes tous d’accord pour dire que le statu quo n’est pas ce que nous voulons; nous voulons améliorer les choses.

N’est-il pas préférable d’attendre deux ans et d’améliorer le projet de loi au lieu d’adopter une mesure bancale aujourd’hui?

M. Higgs : Dans mon mémoire, j’ai mentionné que si nous ne faisons pas les choses correctement, les conséquences pourraient être désastreuses pour notre pays. Nous devons prendre un moment pour réfléchir à la façon dont nous finançons les projets entrepris à la grandeur du pays, à la façon dont nous les gérons, pour revenir à la question soulevée précédemment.

En vous appuyant sur les données dont vous disposez et les amendements proposés, vous devez déterminer si nous faisons la bonne chose. Sur quel critère vous appuierez-vous? Vous pouvez revenir sur certains mémoires et sur les témoignages que vous avez entendus ici et demander aux témoins si le projet de loi leur semble correct et s’il est raisonnable. Vous pouvez aussi demander l’avis d’investisseurs du Canada et de l’étranger et comparer leurs observations avec ce qui se passe dans d’autres pays, pour que nous ayons un point de comparaison. Comme nous sommes en concurrence avec les États-Unis dans bien des domaines, vous devez vous demander si nous sommes en train de chasser les investisseurs vers les États-Unis? Cela fait vraiment mal, d’autant plus qu’un grand nombre de nos entreprises font directement concurrence à nos voisins du Sud.

À mon avis, si vous pouvez corriger le projet de loi et si vous avez des données comparatives indiquant que vous l’avez amélioré, c’est fantastique. Nous savons que le statu quo pose problème. Mais si vous n’êtes pas convaincus de l’avoir amélioré, prenez le temps de le faire.

La présidente : Je vous remercie beaucoup, monsieur. Chers collègues, merci pour cette importante discussion.

Dans la deuxième partie de notre réunion, nous recevons, du Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke, Ross Montour, chef du conseil, et Francis Walsh, conseiller juridique. Je vous remercie d’être venus.

De la Première Nation de York Factory, nous accueillons le chef Leroy Constant et la conseillère Louisa Constant.

De l’Institut canadien de recherche sur les femmes, nous entendrons, par vidéoconférence d’Happy Valley-Goose Bay, Leah Levac, associée de recherche et professeure agrégée à l’Université de Guelph; également par vidéoconférence de Halifax, nous entendrons Susan Manning, chercheuse et candidate au doctorat à l’Université Dalhousie.

Le sénateur Plett : Madame la présidente, j’aimerais faire un rappel au Règlement concernant les travaux du comité.

Le comité a décidé — à l’unanimité, je pense — de demander que ses audiences soient prolongées d’une semaine. Cette demande a été transmise à la direction dans une lettre demandant qu’un membre du comité, soit le leader du plus grand caucus au Sénat, fasse clairement savoir, à la réunion de ce caucus, qu’il n’était pas nécessaire d’aborder cette question, ce que je trouve très préoccupant parce qu’au contraire, je pense qu’il est très important d’en discuter.

Madame la présidente, certains ont suggéré que le premier ministre de la deuxième province la plus occidentale du pays soit convoqué ici — il est question de l’inviter à une réunion qui aurait lieu à 7 heures du matin — jeudi prochain afin que nous puissions entendre trois ministres dans un créneau de deux heures, en après-midi, et adopter le projet de loi à la hâte. Je trouve cela carrément inacceptable.

Comme la décision prise par le comité et approuvée à l’unanimité n’est pas à l’ordre du jour, je propose une motion et j’aimerais que nous en discutions maintenant.

Madame la présidente, je propose donc :

Que le premier ministre de l’Alberta, l’honorable Jason Kenney, soit convoqué devant le comité, ce jeudi 2 mai, durant les heures normales de séance du comité; et

Que les ministres Sohi, Garneau et McKenna soient invités à comparaître devant le comité la semaine prochaine, et non pas cette semaine, pendant au moins une heure chacun; et

Que l’étude article par article du projet de loi C-69 commence le 14 mai.

La présidente : Puis-je dire quelque chose avant de débattre de votre motion? Nous sommes prêts à recevoir M. Kenney après les trois ministres, jeudi. La comparution des fonctionnaires sera différée. J’allais vous en informer à la fin de la séance. Est-ce que cela va changer votre motion?

Le sénateur Plett : Eh bien, si cela ne change pas le délai, cela ne changera rien à ma motion. Nous trouvons inacceptable que les ministres comparaissent avant M. Kenney et qu’on ait deux heures pour trois ministres. S’il y a une autre solution nous permettant d’avoir au moins une heure pour chaque ministre, d’entendre également les fonctionnaires et de faire comparaître M. Kenney à une heure raisonnable...

La présidente : Oui, à 10 heures, pendant une heure.

Le sénateur Plett : ... pour ce qui est de sa comparution, ma motion peut être modifiée, mais il faudrait que je voie cela, madame la présidente. Je suis prêt à suspendre ma motion si le comité est d’accord pour que personne ne tente d’ajourner la séance avant que nous n’ayons réglé cette question. Nous pouvons suspendre la discussion jusqu’à ce que tous les témoins aient été entendus aujourd’hui. Si nous convenons que personne ne tentera d’ajourner la séance avant que nous ayons fait le tour de cette motion, je me ferai un plaisir de la suspendre.

La présidente : Oui. Merci.

Le sénateur Plett : Le comité est-il d’accord?

La présidente : Est-ce d’accord?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Plett : Merci.

La présidente : Merci.

Je suis désolée. Pourriez-vous faire votre déclaration, s’il vous plaît?

Ross Montour, chef du Conseil, Conseil des Mowaks de Kahnawake : Tout d’abord, je vous transmets les salutations de la communauté mohawk de Kahnawake. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui. Les Mohawks de Kahnawake se réjouissent d’avoir l’occasion d’informer le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles de leur position selon laquelle le projet de loi C-69 devrait être adopté par le Sénat. Dans tous nos rapports avec la Couronne, nous cherchons avant tout à progresser dans le cadre de la relation de nation à nation que le wampum à deux rangs symbolise. Bien que le projet de loi C-69 ne reflète pas pleinement cette relation de nation à nation, il constitue un pas dans la bonne direction. Si ce projet de loi devait mourir au Feuilleton ou être modifié d’une manière qui irait à l’encontre de son objectif, nous raterions l’occasion d’améliorer considérablement les évaluations d’impact et de faire progresser le potentiel de réconciliation avec les peuples autochtones.

Les cadres législatifs et réglementaires actuels, y compris la LCEE de 2012 et la Loi sur l’Office national de l’énergie, ne tiennent pas suffisamment compte des droits des Autochtones et des contributions importantes que les peuples autochtones peuvent faire pour protéger l’environnement et optimiser les projets qui se déroulent sur nos terres.

Le processus actuel est profondément vicié et ne sert pas les intérêts des Canadiens, de l’environnement et, surtout, des nations autochtones. Le Conseil des Mohawks de Kahnawake possède une vaste expérience de la LCEE de 2012 et de la Loi sur l’Office national de l’énergie. Les conflits d’intérêts, les limites de la liste des questions examinées et le mépris des connaissances et des droits autochtones sont quelques-uns des problèmes que nous avons constatés au cours de ces processus. Il n’est donc pas surprenant que les processus d’examen et les décisions qui en ont découlé n’aient aucune crédibilité au sein de nos communautés.

Il ne faut pas oublier non plus que l’impasse actuelle en ce qui concerne l’approbation des grands projets survient dans le cadre du régime existant de la LCEE de 2012. Compte tenu de ces préoccupations, nous avons participé, dès les premières étapes, au processus d’examen législatif d’Environnement Canada. Nous étions satisfaits de certains aspects de l’orientation du gouvernement et déçus par d’autres aspects, car nous estimions qu’ils n’allaient pas assez loin. Par conséquent, nous avons fait des observations sur les aspects positifs du projet de loi, mais nous avons aussi formulé des recommandations sur la façon dont le projet de loi pourrait être amélioré.

Nos recommandations n’ont pas donné lieu à d’importantes améliorations supplémentaires au projet de loi C-69. Il convient également de souligner que bon nombre des recommandations émises dans les rapports du groupe d’experts n’ont pas été retenues. Par conséquent, le projet de loi C-69 ne répond pas, selon nous, aux désirs des groupes environnementaux et des nations autochtones. Il s’agit plutôt d’un compromis qui tient compte des points de vue des différents intervenants.

Comme je l’ai déjà dit, dans tous nos rapports avec la Couronne, nous cherchons avant tout à progresser dans le cadre de nos relations de nation à nation. Bien que le projet de loi C-69 ne reflète pas entièrement cette relation, il y a plusieurs caractéristiques qui permettront à la Couronne de s’engager rapidement et respectueusement. Par exemple, le projet de loi C-69 prévoit une période de consultation précoce pouvant durer jusqu’à 180 jours avec les nations autochtones. Le Conseil croit que c’est extrêmement important, car cela donne aux nations l’occasion de fournir des renseignements essentiels concernant leurs connaissances traditionnelles de la région locale et les répercussions potentielles associées au projet proposé, y compris de l’aide pour l’établissement de la portée du projet et les zones d’étude. Les modifications au projet peuvent être discutées à un stade précoce avant que les promoteurs n’investissent beaucoup de temps et d’argent pour améliorer l’acceptabilité du projet.

Les possibilités de partenariat peuvent également faire l’objet de discussions à cette étape, ainsi que les critères d’évaluation d’impact qui peuvent être propres à la vision du monde autochtone. L’obligation de tenir compte explicitement des répercussions sur les droits ancestraux et de l’évaluation autochtone des projets constitue un autre progrès important dans le processus d’évaluation des répercussions que prévoit le projet de loi C-69. Le fait d’exiger que les répercussions sur les droits des Autochtones soient prises en compte pour l’évaluation d’impact, et par le ministre pour la prise de décisions, aidera le Canada à respecter ses obligations en matière de consultation juridique et éliminera l’incertitude et la jurisprudence quant à savoir qui doit tenir compte de ces répercussions et à quel moment.

Les évaluations d’impact en seront améliorées et si elles sont menées correctement, cela pourrait aussi limiter les contestations judiciaires possibles des décisions. L’ajout des connaissances autochtones aux études scientifiques aidera à déterminer véritablement les répercussions du projet. Dans le processus actuel, les évaluations environnementales concluent généralement qu’il n’y a « aucune incidence importante » découlant de toutes les activités du projet alors qu’il est évident pour nous que ce n’est pas le cas.

La prise en compte des connaissances autochtones permet de faire une évaluation réaliste des répercussions du projet, et de proposer les mesures d’atténuation et autres qui s’imposent. L’officialisation de l’importance des études d’impact régionales et stratégiques dans le projet de loi est également un progrès important. Bien que le CMK recommande, comme il l’a déjà fait, de prévoir des déclencheurs dans le projet de loi pour rendre obligatoires les évaluations d’impact régionales et stratégiques, l’inclusion de ces évaluations est un début pour reconnaître l’importance d’une planification avancée si l’on veut réaliser un développement durable.

L’approche écosystémique qu’offre l’évaluation des impacts régionaux facilitera l’élaboration des projets en déterminant les seuils d’impact appropriés et en mesurant et gérant adéquatement les effets cumulatifs.

Dans l’ensemble, le projet de loi C-69 est un compromis. Néanmoins, il améliorera considérablement les évaluations environnementales et donnera à la Couronne la possibilité d’agir de nation à nation avec les nations autochtones. Bien que le CMK ait fait de nombreuses suggestions sur la façon dont le projet de loi pourrait être amélioré, à cette étape tardive, sa principale recommandation serait que le projet de loi prévoie des déclencheurs pour les évaluations d’impact régionales et stratégiques.

Le CMK est convaincu que ce projet de loi ne nuira pas à l’économie dans l’avancement des projets. Compte tenu du calendrier législatif, il ne faudrait pas retarder davantage son adoption. Le Sénat doit adopter le projet de loi C-69 sans proposer d’amendements qui réduiraient davantage ou élimineraient les améliorations qu’il contient. Cela rendrait totalement illusoires la relation de nation à nation et l’obligation constitutionnelle de consulter, qui est exercée dans le cadre des évaluations d’impact.

La présidente : Merci. Chef Constant?

Leroy Constant, chef, Première nation de York Factory : Bonsoir, honorables sénateurs. Je m’appelle Leroy Constant. Je suis le chef de la Première Nation de York Factory. Je suis ici avec Louisa Constant. Elle est conseillère auprès de notre conseil et elle a consacré beaucoup d’attention à ces questions. Elle est également une ancienne chef et membre du conseil de notre Première Nation.

Nous avons également dans la salle notre aînée, Flora Beardy, que je tiens à saluer pour la longue randonnée que nous avons faite jusqu’ici, depuis le nord du Manitoba, sur plus de 3 000 kilomètres, littéralement en avion, en train et en voiture. Evan Beardy, un membre du conseil, nous accompagne également. Martina Saunders est des nôtres, elle aussi. Nos amis d’Amnistie internationale se sont également joints à nous aujourd’hui.

Nous sommes heureux d’être ici avec vous tous aujourd’hui, en territoire algonquin non cédé, pour exprimer notre appui au projet de loi C-69, tel qu’il est rédigé, y compris à ses solides dispositions sur les droits des Autochtones et des femmes. Nous avions demandé à prendre la parole lors de l’audience du comité à Winnipeg. Comme nous n’en avons pas eu l’occasion à ce moment-là, nous avons dû venir ici. Nous vous en sommes très reconnaissants et nous remercions la présidente d’avoir pris des dispositions pour que nous prenions la parole.

Nous sommes des Cris du territoire du Traité no 5 et je tiens à saluer la sénatrice McCallum. Elle vient du même territoire que nous. Les territoires traditionnels et les terres ancestrales de notre peuple qui couvrent les basses terres côtières de la baie d’Hudson entre les rivières Churchill et Kettle, y compris les rivières Nelson et Hayes. Ces terres et ces eaux nous font vivre depuis des temps immémoriaux.

Au milieu des années 1950, le Canada a déplacé de force notre communauté de York Factory de nos terres natales, dans la baie d’Hudson, à un nouvel endroit, que nous appelons York Landing. À plus de 250 kilomètres de la côte, on nous a obligés à quitter nos foyers avec la promesse d’une nouvelle communauté avec des maisons, et tous nos biens sont arrivés à un endroit marqué d’un simple repère dans le sol. À l’heure actuelle, nous ne pouvons accéder à nos terres ancestrales traditionnelles que par hélicoptère, ou par traversier en faisant 200 kilomètres en voiture, ou en affrétant un bateau à grands frais, mais nous continuons d’exercer activement nos droits issus de traités en utilisant notre territoire traditionnel, conformément à notre adhésion au Traité no 5, en 1910.

La Première Nation de York Factory est maintenant située le long du fleuve Nelson sur lequel Manitoba Hydro a construit des barrages et des systèmes de régulation depuis la fin des années 1950. Il y a maintenant neuf barrages et structures de régulation sur le réseau du fleuve Nelson. Le plus récent, un barrage de 695 mégawatts appelé Keeyask, est en construction en ce moment même.

Le développement hydroélectrique a donc eu des répercussions réelles sur notre communauté et il a entraîné de la discrimination, du racisme, du harcèlement, ainsi que de la violence raciale et sexuelle. Nous sommes loin d’être contre le développement. Notre Première Nation a conclu un partenariat avec Manitoba Hydro pour le projet Keeyask en cours. Nous avions peur des répercussions que les projets hydroélectriques ont eu, au fil des ans, sur nos peuples et nos terres, mais en même temps, nous espérions que le projet pourrait apporter des avantages à long terme à notre communauté, au moins pour compenser les effets négatifs du barrage qui avait déjà été approuvé.

Depuis le début des travaux, nous avons été confrontés, à la fois en tant que propriétaires du projet et en tant que communauté, à la violence raciale et sexiste qui accompagne l’exploitation des ressources. Nos membres sont constamment victimes de violations des droits de la personne. Il y a eu de nombreuses agressions sexuelles dans le campement de travailleurs. Les familles ont du mal à faire face à la séparation prolongée qu’exige l’horaire de travail.

Il y a une augmentation marquée de la toxicomanie et des dépendances, ainsi que l’apparition de drogues dures dans notre communauté qui correspond à l’ouverture du chantier de Keeyask. Nos dirigeants ont essayé de prendre des décisions au mieux des intérêts de notre communauté. Nous souhaitons la prospérité, l’indépendance, le bien-être et la stabilité économique. Mais nous ne sommes pas non plus prêts à sacrifier notre peuple ainsi que les terres et les eaux dont nous sommes responsables.

Je vais céder la parole à ma collègue Louisa Constant, et j’aurai d’autres observations à faire après son exposé.

Louisa Constant, conseillère, Première Nation de York Factory : Bonsoir, honorables sénateurs. Je vais parler des répercussions sociales, culturelles, sanitaires et économiques de l’hydroélectricité sur notre communauté. Les projets de développement hydroélectrique dans le Nord du Manitoba ont eu de nombreuses répercussions sur nos femmes, surtout sur les personnes bispirituelles et sur nos filles. Et nous sommes ici pour dire au comité que ces répercussions doivent faire partie du processus d’évaluation de tout projet.

La violence sexuelle et sexiste directement liée au développement hydroélectrique est un fardeau qui est imposé à notre communauté chaque fois qu’il y a un projet. Et c’est ainsi depuis le début des chantiers de projets hydroélectriques qui ont eu lieu sur notre territoire depuis les années 1950.

Nos gens commencent maintenant à en parler, les femmes en parlent. La parole se libère de plus en plus, notre communauté s’efforce activement d’appuyer ses membres et nous essayons d’obtenir du soutien pour nous attaquer aux causes profondes de ces problèmes.

Nous nous attaquons à nos traumatismes individuels et collectifs et nous racontons nos histoires. Voilà donc ce qui se passe dans notre communauté de la Première Nation de York Factory. Les femmes disent la vérité lorsqu’elles disent avoir été agressées sexuellement dans les campements de travailleurs des projets hydroélectriques. Et des femmes disent avoir été agressées sexuellement depuis les années 1970, lorsqu’elles travaillaient dans le chantier hydroélectrique situé juste à côté de notre communauté, celui de la centrale de Kelsey, jusqu’à maintenant dans celui du nouveau barrage de Keeyask.

Nos membres parlent également des incidents survenus au nouveau campement de Keeyask au cours des cinq dernières années. Selon un article paru récemment dans le Winnipeg Free Press, environ 241 plaintes concernant le racisme, la violence, l’inconduite sexuelle, l’intimidation et le langage inapproprié ont été déposées. Mais nous croyons que ces chiffres sont faibles. Beaucoup de nos membres ne font pas de rapports officiels sur ce genre d’incidents parce qu’ils ne croient pas aux mécanismes mis en place dans le campement.

Nos membres endurent aussi des commentaires racistes comme « sales Indiens », « squaws », « sauvages » jusqu’à aujourd’hui. On pourrait croire que ce n’est plus le cas, mais c’est le cas de nos jeunes travailleurs dans les camps. Les femmes qui travaillent à Keeyask nous parlent constamment d’agressions sexuelles, de harcèlement et même de viols collectifs. Les membres de notre communauté bispirituelle ont fait face à l’homophobie et à la transphobie qui les ont amenés, eux et leur famille, à craindre pour leur sécurité pendant qu’ils travaillaient à Keeyask.

Les agressions ne sont pas signalées parce qu’on ne fait pas confiance aux autorités, parce que c’est l’entrepreneur qui s’occupe du processus de plainte dans le campement. Et c’est ce processus qui est censé protéger les femmes. Il est censé protéger notre peuple. D’autres agressions qui ont été signalées n’ont donné lieu à aucune enquête policière, aucun soutien médical pour les femmes.

Nous sommes ici pour dire que cela s’est produit dès les années 1970. Cela s’est déjà produit par le passé, cela se produit maintenant à Keeyask, et nous essayons de comprendre à quel point les gens de chez nous ont été touchés par les répercussions des chantiers et du développement. Nos femmes, nos filles, les personnes bispirituelles, et il y a des enfants qui ont été conçus dans la violence. Les familles et nos proches sont touchés. Et nous sommes ici pour dire qu’il faut bien comprendre ces répercussions, et qu’il faut aussi s’en occuper. Nous appuyons l’inclusion obligatoire d’une analyse comparative entre les sexes dans le processus d’évaluation des répercussions de tout projet.

M. Constant : Encore une fois, nous appuyons le projet de loi C-69 parce que nous savons que nous devons protéger les membres de notre communauté. Nous devons protéger nos enfants, nos femmes, nos hommes, nos personnes bispirituelles. Nous devons protéger la terre, l’eau, les animaux qui nous soutiennent et qui sont actuellement menacés par le développement, qui à son tour menace nos propres pratiques culturelles.

Tout cela doit être considéré et analysé lorsque le prochain projet sera proposé sur notre territoire. Les répercussions environnementales sont incroyablement importantes, mais ce n’est pas le seul facteur à prendre en considération aux fins de l’analyse. Nous savons qu’il est dans l’intérêt de tous, et non seulement des membres de notre propre communauté, d’aller de l’avant avec des projets lorsque nous sommes pleinement conscients de l’ampleur des répercussions environnementales, sociales, sanitaires, culturelles, économiques et sexospécifiques. J’ai été témoin de la destruction causée par la crue ici, à Ottawa, et partout au pays. Il s’agit d’un rappel indéniable des changements climatiques et des raisons pour lesquelles nous devons continuer à travailler à l’utilisation responsable des ressources.

Je suis ici pour vous dire que la Première Nation de York Factory appuie les modifications que le projet de loi C-69 apporte à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Nous appuyons l’inclusion d’une analyse comparative entre les sexes dans le processus d’évaluation d’impact. Ces répercussions doivent être comprises et prises en considération, et nous reconnaissons qu’il est impératif de tenir compte des répercussions sociales et culturelles sur les communautés autochtones et, en particulier, de la façon dont ces projets toucheront les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.

Nous appuyons le projet de loi C-69, qui rend obligatoire la prise en compte des connaissances traditionnelles autochtones dans la planification de projets et la création de rôles consultatifs pour les peuples autochtones, et qui accorde du poids aux approches autochtones en matière d’évaluation environnementale. Nous devons participer à ces processus dès le début, et non pas une fois que l’entente est conclue et que tous les plans sont déjà établis, comme c’est souvent le cas.

Nous croyons qu’il manque également dans le projet de loi un élément très important, à savoir un processus fondé sur le consentement qui respecte la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Il y a aussi un manque de reconnaissance du territoire traditionnel et des terres visées par les traités. Nous espérons que le projet de loi C-69 pourra améliorer la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale afin de créer une analyse plus holistique qui comprendra la reconnaissance des compétences autochtones et davantage de possibilités de participation aux processus de gouvernance conjointe.

Nous savons maintenant quelles sont les répercussions sociales et environnementales de ces projets, et si les gouvernements et l’industrie choisissent de ne pas tenir compte de leur coût pour notre peuple, notre culture, nos moyens de subsistance, nos terres et nos eaux, c’est de l’ignorance volontaire.

Nous exhortons respectueusement le comité à se pencher sur l’avenir des gens et de notre planète en prenant ces décisions. Nous espérons que vous reconnaîtrez le rôle que vous avez à jouer en matière de réconciliation et d’utilisation responsable des ressources.

Merci beaucoup de m’avoir permis de m’adresser à vous.

La présidente : Merci beaucoup.

Leah Levac, associée de recherche et professeure agrégée, Université de Guelph, Institut canadien de recherche sur les femmes : Je vous remercie de votre invitation et je remercie les témoins précédents de leurs commentaires importants.

Nous sommes heureux d’être ici pour vous parler, au nom de l’Institut canadien de recherche sur les femmes, de notre appui au projet de loi C-69.

Je vais commencer par souligner notre présence et notre travail sur les territoires autochtones, y compris sur le territoire algonquin non cédé où se tiennent les audiences. Nous reconnaissons les effets de la colonisation sur les peuples autochtones et sur tous les Canadiens.

Je m’appelle Leah Levac. Mes ancêtres se sont établis en Ontario, en territoire anishinaabe. Je suis associée de recherche à l’ICREF-ICAW et professeure agrégée de sciences politiques à l’Université de Guelph.

Depuis plus de 40 ans, l’ICREF-CRIAW utilise la recherche pour documenter et faire progresser les droits économiques et sociaux et le bien-être des femmes. Plusieurs des projets sur lesquels nous nous appuyons aujourd’hui proviennent de recherches soutenues par l’ICREF-ICAW et aussi par le CRSH.

Voici ma collègue, Susan Manning. Ses ancêtres se sont établis à Terre-Neuve, dans le territoire des Micmacs et des Béothuks. Elle est candidate au doctorat au Département de sciences politiques de l’Université Dalhousie.

Au cours de la dernière décennie, nous avons travaillé avec des équipes de recherche communautaires et universitaires sur des questions liées au bien-être et à la participation des femmes autochtones et du Nord aux décisions stratégiques. Nous travaillons dans plusieurs territoires et en collaboration avec des femmes autochtones et du Nord, des organismes communautaires et des représentants des administrations municipales, des Premières Nations et des Inuits.

Ce soir, nous voulons présenter trois points essentiels qui sous-tendent notre appui au projet de loi C-69. Ils correspondent aux trois points que nous avons exposés en détail dans le mémoire que nous vous avons remis.

Le premier est que notre recherche appuie fortement l’élargissement de l’objectif de la Loi sur l’évaluation d’impact au moyen des facteurs obligatoires à prendre en considération dans l’évaluation d’impact, mais en particulier l’intersection du sexe et du genre avec d’autres facteurs identitaires. Il est essentiel d’appliquer un cadre d’analyse comparative entre les sexes plus parce que, comme vous venez de l’entendre, il y a un important corpus de preuves démontrant comment les femmes autochtones et du Nord sont particulièrement touchées par les projets de développement des ressources.

Par exemple, les femmes signalent souvent une augmentation des taux de violence sexiste et raciale, une sécurité alimentaire et hydrique compromise et des difficultés à accéder à un logement abordable. De plus, les retombées économiques souvent célébrées de l’exploitation des ressources ne profitent pas nécessairement aux femmes de la même façon. Par exemple, le manque de services de garde dans de nombreuses collectivités du Nord constitue un obstacle à l’emploi. Lorsque les femmes occupent des emplois directement liés aux ressources, ce sont le plus souvent des rôles typiquement féminins, par exemple dans les cafétérias et l’entretien ménager, qui sont généralement moins bien rémunérés que les emplois plus lucratifs.

Deuxièmement, nos recherches démontrent l’importance de donner aux femmes autochtones une voix et une expérience explicites dans la configuration des mécanismes de consultation et des structures de soutien de la loi. Plus précisément, nous pensons qu’il est essentiel d’inclure les femmes autochtones dans la constitution du conseil consultatif du ministre, dans d’autres comités constitués en vertu de la loi et lors des consultations associées à des projets particuliers.

Le principal point que nous voulons souligner ici, c’est qu’il n’est tout simplement pas possible de s’occuper pleinement des facteurs obligatoires à prendre en considération en vertu de la loi sans être guidé par les femmes et sans les entendre.

En même temps, nos recherches démontrent également qu’en général, la participation des femmes autochtones au processus se heurte à des obstacles particuliers. Par exemple, le lieu des audiences peut être inaccessible et le format des audiences peut être intimidant. Il faudrait améliorer le processus de consultation notamment en s’assurant que les femmes autochtones y jouent un rôle de premier plan et en travaillant avec les organisations de femmes autochtones à l’élaboration et à la mise en œuvre de processus de consultation.

Troisièmement, selon nos recherches, il serait possible de faire davantage d’efforts pour établir un lien entre la science occidentale et le savoir autochtone dans le but d’éclairer les évaluations d’impact. Ce point se rapporte à plusieurs références aux connaissances autochtones dans la loi, y compris le fait que l’un des principaux objectifs de la loi est de veiller à ce que les évaluations d’impact tiennent compte de l’information scientifique et des connaissances autochtones et communautaires.

Nous pensons que le projet de loi C-69 pourrait être une bonne feuille de route pour arriver à des évaluations d’impact qui respecteront les principes du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et qui seront attentives et réceptives aux expériences des femmes autochtones. Pour que cela se réalise, nous devons reconnaître que le savoir autochtone est souvent marginalisé dans les évaluations environnementales actuelles et changer notre façon de penser à la relation entre le savoir autochtone et la science occidentale.

Nos recherches montrent plusieurs façons de relier le savoir autochtone et la science occidentale sans marginaliser le savoir autochtone.

En conclusion, nous considérons qu’il s’agit d’un moment important compte tenu de l’engagement du gouvernement fédéral d’entreprendre une analyse comparative entre les sexes plus et de son engagement à respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le projet de loi C-69 n’est certainement pas parfait. Toutefois, il représente une étape importante dans la lutte contre la persistance du colonialisme et une occasion de tenir compte plus efficacement des expériences et des connaissances des femmes autochtones et du Nord dans les évaluations d’impact. Merci.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons passer aux questions.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup à tous. C’était un groupe de témoins très impressionnant aujourd’hui, et nous avons entendu des choses dont nous n’avions pas beaucoup entendu parler auparavant.

Je vais commencer par le chef Montour. Vous avez dit que le projet de loi C-69 était un compromis. En voyant ce projet de loi, beaucoup de gens pensent qu’il porte sur le pétrole et le gaz, mais ce n’est pas le cas, et votre exposé a très bien clarifié les choses. Nous examinons ensemble l’environnement et l’industrie, et ce projet de loi est un compromis. Je sais que votre groupe est un de ceux qui ont participé aux consultations avant son élaboration.

Les changements prévus dans le projet de loi C-69, par rapport à ce qui se trouvait déjà dans la loi de 2012, amélioreront-ils la situation des Premières Nations en ce qui concerne la protection de l’environnement tout en optimisant les projets sur les terres autochtones?

M. Montour : En un mot, oui. Le fait est que ce qu’il contient n’est pas suffisant, de notre point de vue. Ce n’est pas parfait. Nous sommes d’avis que ce n’est pas parfait. Toutefois, c’est beaucoup mieux que ce qui existe actuellement. Nous voulons considérer cela comme un pas en avant, et les efforts doivent être continus.

Nous ne sommes pas opposés à tout développement. Ce que nous avons, c’est un profond sens des responsabilités à l’égard de l’environnement dans lequel nous vivons tous — notre peuple et tout le monde au Canada, dans nos territoires et dans nos régions. C’est quelque chose que nous prenons très au sérieux, comme je l’ai dit.

Je dois avouer qu’il y a une chose qui me laisse toujours perplexe depuis le peu de temps que je siège au conseil. Je détiens un portefeuille pour la consultation, les droits des Autochtones et la recherche. De plus en plus, je constate que lorsque nous entrons en contact avec des promoteurs ou des représentants du ministère, le MPO, le ministre des Transports, nous nous demandons toujours si c’est pour s’acquitter d’une simple formalité. La consultation est-elle réelle? Est-ce vraiment important ou non?

Parfois, nous avons l’impression — et nous le constatons — que nos recommandations n’ont pas vraiment été intégrées dans les projets. Nous avons parlé de la nécessité de déclencher des évaluations régionales. Nous sommes peut-être loin de l’embouchure du Saint-Laurent et pourtant, nous constatons des effets cumulatifs — pas par projet; nous voyons qu’ils s’accumulent jusqu’au bout.

Nous parlons de choses comme celle-ci. Je sais que nous parlons ici d’énergie, mais si nous parlons de l’environnement en ce qui concerne les espèces de poissons, il arrive souvent qu’on mette l’accent sur des espèces de poissons ciblées, qui ne constituent qu’une partie de l’environnement.

Le chef Constant a parlé du savoir autochtone. Je viens d’une vision du monde où nous commençons nos réunions et nos conversations en nous fondant sur ce qu’on appelle Ohen:ton Karihwatehkwen, qui sont les mots qui viennent avant tous les autres. C’est une reconnaissance et une récitation de tous les éléments de la création que nous pouvons nommer. C’est une reconnaissance du fait que toutes ces choses fonctionnent comme prévu, mais en tant qu’êtres humains, nous devons nous mettre en harmonie avec elles, sinon nous les menaçons; et quand nous les menaçons, nous menaçons notre propre existence.

Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais c’est notre position. C’est donc mieux.

La sénatrice Cordy : Je n’ai probablement pas le temps de poser une question, mais je veux simplement dire, chef Constant, madame Constant, madame Levac et madame Manning, que c’est la meilleure description des raisons pour lesquelles nous avons besoin de l’article 2 du projet de loi sur l’analyse comparative entre les sexes. J’ai lu dans les journaux pourquoi le projet de loi prévoit cette analyse. En vous écoutant aujourd’hui, vous avez donné la meilleure description que j’ai entendue de la nécessité de cette mesure. Lorsque vous êtes dans le Nord et que vous voyez les défis et les effets que les grands projets ont sur les filles — les jeunes filles en particulier —, il faut que cela fasse partie de l’évaluation d’impact. Vous avez très bien présenté vos arguments.

La présidente : Je suis tout à fait d’accord avec la sénatrice Cordy.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Le chef Montour a répondu à ma question dans sa dernière réponse. Tous les membres de ce groupe de témoins souhaitent accroître la certitude et réduire le risque de litige. Il me semble que l’une des meilleures façons de le faire est de s’assurer que le gouvernement fédéral s’acquitte de son devoir de consulter. C’est l’un des principaux facteurs. Je vous remercie de votre réponse.

Excusez-moi; veuillez répondre très brièvement par la négative ou l’affirmative. Pensez-vous que le projet de loi C-69 oblige suffisamment le gouvernement fédéral à s’acquitter de son obligation de consulter? Pensez-vous que les dispositions voulues sont là?

M. Montour : Comme je l’ai déjà dit, c’est un début.

Francis Walsh, conseiller juridique, Conseil des Mohawks de Kahnawake : Permettez-moi d’ajouter quelques éléments. Nous sommes convaincus que tous les éléments énoncés à l’article 22 pour l’évaluation d’impact aideront certainement la Couronne à s’acquitter de son obligation de consulter de façon plus efficiente et efficace pendant l’évaluation d’impact. Je pense que cela va, en fait, mettre beaucoup de décisions à l’abri des demandes de contrôle judiciaire, si c’est fait correctement, bien sûr. Si ce n’est pas fait correctement, alors, bien sûr, c’est une autre histoire. Si tous les facteurs énoncés à l’article 22 sont bien évalués, je pense que cela limitera le risque de litige pour l’approbation des projets.

Je pense que ce qui nous satisfait peut-être moins dans le projet de loi C-69, c’est la fin du processus, la prise de décisions. Nous avons fait écho à certaines observations que le chef Constant a émises au sujet du pouvoir décisionnel final d’approbation et du consentement, et du fait que le consentement libre et éclairé n’est pas tout à fait reflété dans le projet de loi C-69. Mais, comme nous l’avons mentionné, c’est une grande amélioration. Nous estimons qu’une évaluation rigoureuse en vertu de l’article 22 contribuera à donner aux gens la certitude qu’ils recherchent.

La sénatrice LaBoucane-Benson : Chef Constant, je vous suis très reconnaissante de votre exposé. Ma collègue a parlé de la dévastation dans les communautés autochtones. Je n’en avais pas beaucoup entendu parler, et vous nous en avez brossé un tableau clair. Si j’avais une baguette magique et que je pouvais la brandir, et que nous pouvions remonter dans le temps et que le gouvernement avait effectivement fait son devoir de consulter et d’accommoder votre communauté, qu’auriez-vous négocié pour obtenir un résultat différent pour votre communauté, pour protéger votre communauté? Je pense que beaucoup de membres du groupe sont inquiets : qu’est-ce que cela signifie pour les promoteurs? N’aurons-nous jamais de projet?

Je vous entends dire que vous n’êtes pas contre le développement ni contre les ressources. Qu’auriez-vous négocié pour protéger votre communauté?

M. Constant : Je pense que ce qui manquait le plus, c’était l’aspect application de la loi. Vous avez entrepris ces grands projets dans les territoires. Nous avons actuellement un campement de 2 500 personnes, et il n’y a pas d’application de la loi. Je pense que ce serait la clé des mesures préventives en ce qui concerne les répercussions que nous constatons sur les femmes. À l’heure actuelle, nos femmes sont vraiment vulnérables. Elles ont peur. Les femmes du Nord ont peur lorsqu’un projet est mis en œuvre : seront-elles protégées? C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui, pour défendre les intérêts des femmes qui ont cette crainte. Je pense que ce serait la meilleure façon d’éliminer beaucoup de préoccupations à cet égard.

La sénatrice LaBoucane-Benson : C’est une mesure d’adaptation très mesurée et raisonnable à demander. Vous ne demandez pas un droit de veto; vous dites : pouvons-nous vraiment protéger nos citoyens? Je pense que c’est vraiment mesuré. Parfois, j’ai l’impression que nous parlons comme si les Premières Nations allaient absolument dire non, mais elles demandent simplement des accommodements très raisonnables pour se protéger et protéger l’environnement également. Je vous remercie de cette réponse.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup à vous tous. Nous avons entendu d’excellents exposés.

Je m’intéresse beaucoup à l’ACS, dont plusieurs d’entre vous ont parlé. Cela a été controversé, mais c’est essentiel, à mon avis.

Au début de la discussion, l’ACS a mis l’accent sur la violence faite aux femmes. C’est, bien sûr, la question prioritaire, à mon avis. Nous avons certainement entendu cela dans vos exposés. La sénatrice McCallum et d’autres ont insisté sur l’importance de l’ACS pour cette raison.

Je m’intéresse également à une question dont on n’a pas autant parlé, mais que Mme Levac a abordée, soit celle de la sécurité alimentaire, de l’eau et du logement. Pourriez-vous expliquer la dynamique qui fait que ces questions posent peut-être des problèmes et des défis plus grands pour les femmes que pour les hommes dans le cadre de ces projets?

Mme Levac : Bien sûr. Je peux essayer de faire valoir quelques points clés.

Nous pourrions dire à cet égard que souvent, dans nos projets, nous constatons que les femmes et les hommes ont des responsabilités différentes en ce qui concerne l’approvisionnement alimentaire dans leur collectivité, de sorte que les répercussions sur la sécurité alimentaire peuvent être différentes selon le type de sources d’alimentation qui sont perturbées.

Au sujet des facteurs liés au logement, nous pourrions dire également que nous constatons, comme dans une grande partie du pays, une forte incidence de faible revenu chez les familles monoparentales et un grave problème qui se pose dans les collectivités du Nord, suite à l’arrivée des projets d’extraction, est l’augmentation du coût de la vie parce que le prix des logements augmente. Lorsque les parents seuls, qui sont des femmes de façon disproportionnée, doivent s’efforcer de conserver un logement dans un environnement de plus en plus restrictif sur le plan des coûts, cela peut avoir un impact différent sur les femmes et leurs enfants. Ce sont là quelques-unes des nuances et des différences que nous voyons.

Susan Manning, chercheuse et candidate au doctorat, Université Dalhousie, Institut canadien de recherche sur les femmes : J’ajouterais simplement que ce sont surtout les femmes qui subissent des traumatismes intergénérationnels, qui sont aux prises avec des dépendances ou des crises de santé mentale ou qui ont peut-être un faible niveau d’éducation qui risquent le plus de devenir des personnes difficiles à loger — certains organismes communautaires utilisent cette terminologie — ou même des sans-abri dans ce contexte.

Les femmes avec qui nous travaillons à Happy Valley—Goose Bay, au Labrador, ont remarqué une augmentation très élevée du taux d’itinérance dans cette collectivité en raison du développement de Muskrat Falls et de l’augmentation du coût de la vie qui en découle. C’est une autre façon dont différents groupes de femmes pourraient être touchés.

Le sénateur Mitchell : Madame Constant, vous avez dit que la violence faite aux femmes est un problème important, et c’est vrai, bien sûr, mais il est également vrai que, dans une certaine mesure, les aspects économiques du logement, de l’alimentation et de la sécurité alimentaire posent un problème. Je me demande si vous pouvez nous parler de votre expérience et de votre connaissance de la question pour nous donner un peu plus de contexte.

Mme Constant : Ce que je peux vous dire, c’est que je siège actuellement au conseil d’administration du partenariat Keeyask. Je suis également présente dans la communauté et nous entendons nos femmes parler des conséquences qu’elles subissent, particulièrement le fait d’être harcelées sexuellement et violées dans le campement ou à l’extérieur par des hommes qui logent là.

Je dirais que nous avons besoin de sensibilisation, d’éducation du public et d’outils pour les jeunes femmes qui vont travailler dans ces chantiers. Nous avons besoin d’outils plus appropriés pour qu’elles sachent quoi faire si cela leur arrivait dans le cadre de projets futurs. C’est le genre de choses que nous commençons à examiner et que nous essayons de régler pour notre communauté. Nous avons une réunion de femmes pour parler de ce genre de stratégies pour les femmes, parce que nous savons que Keeyask ne sera pas le dernier projet de développement. Il y aura d’autres projets qui continueront de toucher nos femmes.

Voilà le genre de choses dont nous avons besoin. Nous essayons de le faire comprendre aux promoteurs de projets hydroélectriques, qui sont les seuls de l’industrie dans le nord du Manitoba à l’heure actuelle, car malgré les pressions que nous exerçons au niveau du conseil d’administration, nous estimons que les mesures en place à Keeyask ne sont pas encore suffisantes. Souvent, nos appels ne sont pas entendus. Nous estimons qu’on ne fait pas les choses assez vite pour que nous puissions protéger les jeunes travailleuses dans les campements, comme je l’ai dit.

Nous avons dit que nos femmes, et cela m’inclut, ont subi des répercussions, depuis les années 1970, du fait qu’elles ont été victimes d’agressions sexuelles dans les campements. Nous avons demandé aux responsables des projets hydroélectriques d’établir des programmes de guérison, un centre de guérison, pour les femmes dans le nord du Manitoba. Nous avons également demandé la tenue d’une enquête publique, parce que nous savons que nous ne sommes pas la seule collectivité du nord du Manitoba qui a été touchée. Nous ne sommes pas la seule où des femmes ont subi des répercussions. Il y a eu d’autres collectivités touchées dans le nord du Manitoba, y compris des collectivités voisines de la nôtre, comme Fox Lake, Grand Rapids et South Indian Lake, qui travaillent également à différentes stratégies. C’est ce que nous essayons d’obtenir, des stratégies de guérison, un centre de guérison, une certaine sensibilisation du public. Comme je l’ai dit, nous voulons des ressources et des outils pour nos jeunes.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à Mme Manning et à Mme Levac, et elle porte sur les connaissances autochtones. On reconnaît tous l’importance des connaissances autochtones. À l’article 84, on mentionne que l’on doit en tenir compte dans les éléments lorsqu’une décision est prise. Toutefois, la loi va également s’appliquer à l’étranger. Le paragraphe 84(2) dit ceci :

Toutefois, dans le cas où le projet est réalisé à l’étranger, il n’est pas nécessaire pour l’autorité de prendre en compte les éléments visés aux alinéas (1)a) et b).

L’alinéa 84(1)a) va de soi, parce que c’est l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, mais, dans l’alinéa b), on parle des connaissances autochtones fournies à l’égard du projet de loi. Donc, c’est comme si les connaissances autochtones étaient de moindre importance à l’étranger par rapport au Canada, alors qu’on sait très bien que les connaissances autochtones, peu importe le pays, au Mexique, par exemple, sont tout aussi importantes.

Croyez-vous qu’on devrait faire un amendement au projet de loi afin de tenir compte des connaissances autochtones à l’étranger également?

[Traduction]

Mme Levac : Oui, monsieur le sénateur. Je vous remercie de votre question. J’ai l’impression que, partout dans le monde, si nous voulons appliquer et respecter la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, nous devons penser sérieusement à ce que cela signifie du point de vue de la collaboration internationale. Pour ce qui est d’apporter un amendement précis à ce projet de loi dans ce contexte, il me semble que mes collègues de Kahnawake ou de York Factory ont davantage réfléchi aux rapports de leurs nations avec les connaissances autochtones dans d’autres pays et ont peut-être des idées plus précises à ce sujet. Je dirais qu’en réfléchissant à la façon de respecter de manière significative les connaissances autochtones, nous devrons nous pencher sur ce que cela signifie aussi plus largement dans nos relations internationales.

M. Montour : Un de mes amis, M. Kenneth Deer, qui a été actif aux Nations Unies tout au long de l’élaboration de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et avant, a participé à sa rédaction conjointe.

L’une des choses que nous voulons souligner, c’est qu’il est important pour nous, en tant qu’Autochtones, de définir la déclaration des Nations Unies, ses répercussions et la façon dont elle devrait être respectée dans les États qui nous entourent. Le Canada est un État, et il empiète à de nombreux égards sur nos territoires traditionnels. Cela a un impact sur nos droits historiques. Il s’agit d’une lutte continuelle, et je pense que tout part de là.

En ce qui concerne les peuples autochtones dans d’autres régions du monde — parce qu’il y en a partout dans le monde —, qu’on le veuille ou non, il y a toujours quelqu’un qui a ce statut, peu importe l’endroit, et je dirais que c’est important.

Il faudra se pencher sur la façon dont cela sera défini et dont cela fonctionnera au Canada au fil du temps. Ici au Canada seulement, les connaissances autochtones et le droit à la propriété intellectuelle sur le savoir autochtone sont des choses avec lesquelles il faut composer en tenant compte de ce cadre et des particularités de ce pays. Partout où se trouvent des Autochtones au Canada, nous devons voir comment ils définissent ces choses pour eux-mêmes sur leur propre territoire. C’est certainement ainsi que nous envisageons les choses. De ce point de vue, nous accueillons tous nos frères et sœurs autochtones, où qu’ils soient, et il s’agit d’un processus à l’échelle mondiale.

Les perspectives pour l’avenir jouent un rôle essentiel. Le gouvernement actuel du Canada a commencé par dire qu’il avait l’intention de mettre pleinement en œuvre la déclaration des Nations Unies. On se demande si cela tient toujours. Il est certain que le gouvernement précédent a voté contre, tout comme les États-Unis et, je crois, la Russie, étonnamment. Nous voyons cette relation comme une chose qui doit être construite et sur laquelle il faut travailler.

En tant que Mohawks, nous essayons toujours de trouver une façon de structurer nos relations avec les autres comme dans le cadre d’un traité de wampum à deux rangs, ce qui constitue toujours l’idéal du point de vue des relations, même si cela n’a jamais été parfait. Au début, nos ancêtres ont rencontré vos ancêtres, ceux de beaucoup d’entre vous dans cette salle, et nous nous sommes rendu compte très vite que des nouveaux venus étaient là et que nous devions vivre côte à côte. Nous avons dû décider de la façon de nous adapter. Il y avait des choses au chapitre du commerce à l’époque qui étaient et sont devenues nécessaires pour nous. Il a donc fallu établir cette relation entre nous.

Nous devions créer ce paradigme, si vous voulez, de deux vaisseaux qui descendent le fleuve de la vie côte à côte, les nôtres dans notre canot et les Hollandais dans ce qu’ils appelaient leur navire.

Un jour ou l’autre, nous nous sommes rendu compte qu’il y aurait un certain mouvement de va-et-vient, et qu’il faudrait travailler à l’établissement de cette relation. Nous avons donc proposé une approche à cet égard, que nous appelons le Pacte d’amitié de la chaîne d’argent, qui doit être constamment peaufiné. Le premier maillon de cette chaîne est l’amitié. C’est de cela que notre relation est faite, je l’espère, d’amitié. Il faut aussi aborder cela avec un esprit ouvert, et que tout cela se termine dans la paix.

La sénatrice McCoy : Merci à tous d’être ici. Votre présence est très utile. Ma question est en fait celle de la sénatrice LaBoucane-Benson, je crois. Nous sommes nombreux à ne pas bien connaître le processus de consultation des peuples autochtones. Cela ne fait tout simplement pas partie de notre expérience personnelle ou professionnelle, alors c’est un vrai mystère. Votre réponse concernant le Manitoba a été très utile.

J’aimerais poser une question au chef Montour. Elle est peut-être un peu trop abstraite. Libre à vous de rendre la réponse plus concrète, afin que nous puissions comprendre. Vous avez parlé de consultations sérieuses ou adéquates, et je me demande à quoi cela ressemble. Quels en sont les indicateurs? Quelles sont les caractéristiques d’une consultation adéquate?

M. Montour : Si vous me le permettez, je dirais que je suis d’abord un conteur.

La sénatrice McCoy : Cela nous aidera certainement.

M. Montour : Un des sénateurs a mentionné en passant — je n’ai pas entendu tous les commentaires — la Voie maritime du Saint-Laurent. À l’époque où les effets de la Voie maritime du Saint-Laurent se sont fait sentir à Kahnawake, mon grand-père était l’un des chefs là-bas. À ce moment-là de notre histoire, dans nos rapports avec ceux que nous appellerons le « peuple colonisateur », l’État canadien, il n’y avait pas vraiment de consultations. En fait, il n’y en avait pas du tout. Les gouvernements qui étaient à la tête de ce projet faisaient l’hypothèse qu’il y en aurait.

On a donc eu recours aux expropriations et on a créé certains concepts de propriété foncière pour diviser les gens. Je me souviens d’avoir entendu ma mère répéter ce que mon grand-père disait : « Vous ne pouvez pas prendre ces terres, parce qu’elles n’appartiennent pas à un tel ou un tel; elles nous appartiennent à tous collectivement. » Un processus de propriété foncière individuelle reposant sur ce que l’on appelait des certificats de possession a donc été mis au point et a servi à diviser les gens. J’ai connu cela, à cause de la Voie maritime du Saint-Laurent et de l’absence de consultations.

Je présume que c’est la doctrine de la découverte 101. De plein droit, par suite d’une proclamation royale ou de quelque chose du genre, on pouvait décider tout simplement qu’on pouvait faire ceci ou cela. Quelqu’un pouvait dire « prenez nos terres ». À cause de cela, dans ma propre famille, nous nous sommes appauvris. Ma mère était une mère seule. Elle a perdu la maison de mon grand-père, qui devait lui revenir, et cela a eu des conséquences désastreuses pour nous.

Donc, lorsqu’il est question de consultations appropriées, il faut d’abord prendre le processus au sérieux. Si nous nous engageons à donner notre avis sur les répercussions de projets qui pourraient avoir un impact sur nous, maintenant et plus tard, sur nos droits, à tous les niveaux, sur l’exercice de nos droits sur notre territoire, ainsi qu’à exprimer nos préoccupations en matière d’environnement, au-delà des limites du territoire de la grosseur d’un timbre-poste que nous appelons maintenant Kahnawake, cela devient notre responsabilité en tant que peuple mohawk et en tant que peuple autochtone sur notre territoire.

Une bonne consultation, c’est une consultation dans laquelle nous sommes pris au sérieux et nous sommes écoutés avec respect, qui tient compte de nos connaissances traditionnelles et qui aboutit à une solution avec laquelle nous pouvons tous vivre.

L’une des préoccupations dont nous avons discuté avant de venir avait trait à certaines des questions qui ont été posées : Cherchons-nous un droit de veto? Cherchons-nous à contrôler le programme énergétique au Canada — à empêcher des projets? Ma réponse est non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Mais je pose aussi la question suivante : à quel moment faut-il envisager de ne pas aller de l’avant avec un projet? Je pense que c’est quelque chose dont nous devons tenir compte.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

La présidente : Merci beaucoup. Nous devons poursuivre, je suis désolée.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci de votre présence ici. Mes questions s’adressent au chef Constant et à Mme Constant.

Je n’ai pas été directement touchée, mais je sais que lorsque la centrale de Churchill Falls a été construite au Québec, les bandes ont été déplacées les unes après les autres dans diverses régions. Je pense à une en particulier, qui n’avait que des contacts très limités avec la civilisation à l’époque. Mon père était à Schefferville lorsque cela est arrivé, et il m’a raconté avec force détails comment les gens ont souffert, autant les femmes que les hommes, en fait. J’ai donc beaucoup de sympathie pour ce que vous dites, car je sais que ce sont des choses qui se produisent réellement.

Je n’aime pas l’analyse comparative entre les sexes en soi, parce qu’elle n’a pas de pouvoir. En fait, lorsque l’on demande qu’une analyse comparative entre les sexes soit faite, il est rare qu’elle nous soit présentée pour qu’on l’examine. Il est consternant que les entreprises ne soient pas tenues d’appliquer un code de conduite à leurs travailleurs. Si de tels cas de violence se produisent, et je suis d’accord avec vous à ce sujet, chef Constant, c’est l’application de la loi qui fait vraiment une différence. J’aimerais savoir quel genre de pouvoir nous pourrions donner à l’analyse comparative entre les sexes, selon vous, pour nous assurer qu’elle n’est pas menée uniquement pour bien paraître. En attendant, que pouvons-nous faire pour nous assurer que les violences cessent?

M. Constant : Je vais laisser Mme Constant répondre.

Mme Constant : Nous disons non seulement qu’il devrait y avoir des policiers dans les campements, mais aussi que dans un campement comme Keeyask, dont la population au cours des trois ou quatre dernières années a été de 2 500 personnes, que dans un si grand campement, il devrait y avoir des services de police.

Nous avons aussi dit qu’il devrait y avoir des vérifications de dossiers criminels liés à des agressions contre des enfants et du casier judiciaire des travailleurs, ce qu’il n’y a pas à l’heure actuelle, pas à Keeyask en tout cas. Nous avons tenté de connaître la situation pour les autres campements du Nord, comme la station de conversion Keewatinohk que Douglas a récemment construite. Nous avons essayé de savoir si dans ce campement — qui se trouve à proximité de Gillam —, on impose de telles exigences aux travailleurs. Je ne sais pas vraiment quelle est la taille de ce campement, mais c’est un grand campement aussi. C’est ce genre de choses que nous demandons au comité d’examiner, ce genre d’exigences pour les entreprises ou l’industrie.

La sénatrice Stewart Olsen : C’est donc dire que l’analyse comparative entre les sexes devrait reposer sur des principes, des critères et des ententes bien établis, pour le cas où le projet irait de l’avant, puis qu’il faudrait surveiller ceci et cela. Je ne parle pas seulement des Autochtones, mais aussi de tous les travailleurs. Il est plutôt consternant de voir que des industries ou des entreprises, quelles qu’elles soient, s’installent dans notre pays et permettent que des travailleurs soient maltraités.

Mme Constant : J’aimerais parler un peu de mon expérience personnelle. J’avais 18 ans lorsque je suis allée travailler à ce projet hydroélectrique qui se trouve juste à côté de notre collectivité de York Factory, où elle est établie actuellement, soit à York Landing. J’avais 18 ans quand je suis allée travailler là-bas et j’ai été agressée sexuellement par un travailleur. Je l’ai signalé à mon superviseur de campement et l’homme a été expulsé. Je ne sais pas où. Je n’avais que 18 ans. Je ne savais vraiment rien. Je ne me souviens même pas d’avoir rencontré la police pour faire un rapport, ni vu un médecin pour être examinée. Ce sont des choses réelles qui se produisent ou qui se sont produites.

La présidente : Voulez-vous ajouter quelque chose? Allez-y.

M. Constant : Merci. J’aimerais ajouter un autre commentaire. L’application de la loi est davantage considérée comme une garantie pour que les projets puissent aller de l’avant, mais comme je l’ai dit, dans le passé, il n’existait pas de processus comme cela pour les gens qui venaient travailler dans les campements, un processus de vérification du casier judiciaire et des dossiers criminels liés à des agressions envers les enfants, comme elle l’a mentionné. L’embauche se fait par l’entremise du Manitoba, grâce à un service d’offres d’emplois, et c’est ainsi que les travailleurs sont sélectionnés. Évidemment, comme nous sommes des partenaires dans le projet, nous avons la priorité pour l’emploi. Cela a été négocié dans le cadre de l’accord.

Nous accueillons beaucoup de travailleurs de l’étranger. Des gens de partout dans le monde viennent travailler dans ce campement. Je pense que c’est l’absence de compréhension du territoire qui fait que certains franchissent la ligne. Je pense que la façon de s’exprimer est très différente de celle à laquelle ils sont habitués chez eux. Nous avons vraiment dû défendre l’idée de les sensibiliser à l’environnement dans lequel ils se trouvent.

Ils suivent une formation de sensibilisation culturelle lorsqu’ils arrivent au campement, qui est obligatoire. Je pense que cela aide dans un sens. Il s’agit d’une tentative d’éduquer les gens qui viennent de partout au pays pour travailler sur notre territoire, et nous pensons que c’est un outil. Est-ce un outil efficace? Faisons-nous vraiment passer notre message? Nous ne le savons pas. Mais le simple fait de dire qu’une tentative a été faite est suffisant pour nos Premières Nations.

Le développement hydroélectrique a une longue histoire. Comme je l’ai dit, vous parlez de consultations. Rien n’a été fait avant les 20 dernières années, puis nous avons enfin commencé à être consultés. Du développement s’est fait sans consultations des Autochtones. Je tenais simplement à ajouter cela.

La sénatrice McCallum : Tout d’abord, je tiens à m’excuser du fait que vous avez dû attendre pour présenter vos exposés. Après que nous vous ayons invités, vous avez fait un long voyage pour nous faire part de votre expérience, et je suis vraiment désolée.

Pour ce qui est de l’analyse comparative entre les sexes, je voulais dire que quand nous étions à Winnipeg, Amnistie internationale et Connie Greyeyes ont parlé du cadre qui existe et qu’elles ont présenté à l’industrie. Le promoteur qui l’a examiné a dit : « C’est logique et, oui, nous allons l’utiliser. » Je pense qu’elles avaient l’intention de le soumettre.

Je voulais ajouter que tout ce qui arrive aux Premières Nations est une question de consentement, de droits de la personne et de déplacements qui se perpétue. J’ai vu mes ancêtres passer de la naissance à la mort et vivre constamment avec ce problème de consentement et de violations des droits de la personne. Cela est inacceptable au Canada. C’est notre pays. Je ne sais pas si vous avez des recommandations à ce sujet pour que les choses changent et que les promoteurs n’aient pas l’impression qu’ils sont propriétaires du territoire et qu’ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent sans demander votre consentement. Parce que s’il est question de consentement et si les gens ne veulent pas que la déclaration des Nations Unies soit adoptée, il s’agit en fait d’une forme inversée de veto sur les droits de la personne des Premières Nations.

La présidente : Voulez-vous faire un commentaire, monsieur Walsh?

M. Walsh : Si vous me permettez un bref commentaire, je pense que pour en arriver à un consentement, surtout dans le cas des grands projets, lorsqu’il est question d’utilisation des terres et de déplacements, il faut notamment faire ressortir vraiment la nécessité de ces évaluations régionales et stratégiques, parce que c’est là que les grands enjeux concernant l’utilisation des terres doivent être soulevés. Ce n’est pas au niveau d’un projet précis, lorsque le promoteur décide d’utiliser un tel corridor pour réaliser un tel projet, et qu’il n’y a pas de consultation, ni d’évaluation stratégique ou régionale, pour appuyer le choix d’un emplacement géographique donné.

Je pense que si nous faisons ces évaluations de haut niveau correctement, ce pourrait être l’une des façons de régler ce problème.

La présidente : Merci beaucoup de votre présence et de vos témoignages.

Pour la troisième partie de la séance, nous accueillons Brenda Kenny, à titre personnel, et Wade Locke, professeur et chef du Département d’économie de l’Université Memorial de Terre-Neuve.

Merci de vous joindre à nous. Vous pouvez commencer votre exposé.

Brenda Kenny, à titre personnel : Merci beaucoup de m’avoir donné l’occasion de comparaître à ce moment crucial. J’espère que vous avez reçu la biographie que je vous ai envoyée. Je ne m’attarderai pas là-dessus, mais je veux mentionner que mon expérience s’étend à de nombreux secteurs, régions et rôles. Je comparais à titre personnel, mais je vais m’inspirer de toute une gamme d’expériences dans mon exposé d’aujourd’hui.

Vous avez été chargé d’examiner un projet de loi très précis et, dans le cadre de l’étude de ce projet de loi et de ses amendements, vous savez que les problèmes soulevés ne peuvent pas être résolus dans une seule optique ou au moyen d’une loi seulement. Le leadership que vous exercerez aura une incidence sur le succès du Canada au XXIe siècle. Je vous félicite des efforts que vous déployez.

Je veux commencer par dire simplement : quelle est l’intention du Canada? Quelle est notre intention? Et j’espère que les affirmations suivantes auront une résonance réelle, et qu’elles ne seront pas simplement considérées comme des aspirations, quoique. Disons que cela pourrait peut-être servir de préambule.

Vous serez d’accord, je l’espère, pour dire que nous devons avoir des objectifs bien définis. Le Canada excellera, qu’il s’agisse de conservation de l’environnement ou de vigueur économique. Nous tirerons parti de notre savoir-faire et de notre histoire en matière d’excellence dans l’innovation et le déploiement de nouvelles technologies afin d’améliorer la situation du Canada et de bâtir une économie diversifiée et mondiale pour le siècle à venir. Nous prendrons la situation actuelle comme point de départ en exploitant de façon responsable les ressources — humaines, financières et naturelles — dont nous disposons afin de rendre le Canada plus fort, plus sûr et plus durable.

Pendant votre étude du projet de loi C-69, demandez-vous, je vous prie, si vous croyez que ces affirmations sont vraies et si vous pensez que la voie qui se dessine devant nous permettra d’atteindre cet objectif.

Tout renouvellement de la réglementation doit reposer sur des objectifs qui permettent d’accomplir des visées stratégiques allant dans ce sens-là pour le Canada. Vous avez entendu les témoignages de nombreux intervenants. En général, les témoins sont plutôt sur la même longueur d’onde en ce qui a trait à l’intérêt public fondamental et aux objectifs fondamentaux, qu’il s’agisse de la protection de l’environnement, de la consultation de la Couronne, du soutien à la croissance économique, et cetera. Cependant, il nous faut aussi être honnêtes et clairs : si les cadres stratégiques sont opaques ou absents, aucune évaluation ne pourra remédier à cela. À mon avis, c’est l’une des raisons fondamentales qui expliquent que la confiance s’est érodée.

Nous avons plusieurs défis à relever. Il y a la réaction de l’économie dans son ensemble aux changements climatiques à l’échelle mondiale. Il y a la consultation de la Couronne, dont il a été question aujourd’hui. Il y a la protection des océans — comme pays qui aspire à faire du commerce au-delà des États-Unis, nous sommes les gardiens de trois océans. Il y a enfin la vision et les mesures nécessaires pour rétablir la capacité concurrentielle du Canada dans le monde.

Tout cela n’est pas facile. Il faut faire preuve de détermination et de prévoyance.

Voilà qui m’amène à parler de ce projet de loi et de la réglementation en général — un sujet qui m’a occupé pendant une bonne partie de ma vie. J’ai l’habitude de dire que la réglementation peut permettre d’assurer la conformité, mais non pas l’excellence. L’excellence exige que l’on envisage l’ensemble du cycle de vie pour favoriser le développement responsable. Notre vision de l’évaluation repose-t-elle sur la peur ou est-elle une manière de renouveler le système pour atteindre l’excellence?

D’après mon expérience, on obtient d’excellents résultats grâce à une évaluation par projet, à des conditions bien définies qui se rattachent à la surveillance et aux opérations ainsi qu’aux systèmes globaux de poursuite de l’excellence. Je suis consciente du fait que ce n’est pas toujours pertinent par rapport à ce qui vous occupe, car ce ne sont pas tous les secteurs qui possèdent des organismes de réglementation du cycle de vie complet. Cela dit, là où de tels organismes sont bien campés, bon nombre des problèmes qui sont soulevés dans le contexte d’une évaluation préliminaire de projet se trouvent réglés au moyen d’une base solide de normes comme l’intervention d’urgence, la vérification par une tierce partie, et cetera. Je m’inquiète par-dessus tout de la possibilité que l’évaluation des projets se coupe des connaissances approfondies et de l’expertise dans le domaine de la réglementation.

De plus, l’évaluation préliminaire devrait être axée, dans sa portée, sur les domaines d’intérêt qui sont véritablement uniques et déterminants pour l’avenir d’un projet afin d’élaborer une conception bien éclairée. Aussi l’imposition de conditions à portée trop politique est très risquée et devrait être évitée. La création des conditions doit reposer sur la preuve et la décision doit revenir à la personne qui juge cette preuve.

Bien sûr, dans certains domaines précis, il y a des risques et des possibilités d’amélioration, d’où l’intérêt de se pencher non seulement sur ce projet, mais aussi sur le système de gouvernance.

Revenons donc à ce sujet. Nous devons pouvoir faire en sorte que la prévoyance et le leadership dans le système débouchent sur une planification de projet réussie et, en fin de compte, sur une évaluation appropriée pour la suite des choses — il y a peut-être d’ailleurs dans cette loi des moyens pour renforcer cela. Par exemple, nos inquiétudes au sujet de la circulation des pétroliers n’auraient dû surprendre personne. À travers le spectre des différentes allégeances politiques, nous avons répété que nous voulions faire du commerce au-delà des États-Unis. Pourtant, lorsque cela se produit, la surprise est grande. À mon avis, nous aurions pu réaliser que, il y a 10 ou 20 ans, des mécanismes robustes et des données scientifiques approfondis auraient pu être utilisés. Dans le secteur privé, il existe des exemples à petite échelle d’un tel processus.

Pour ce qui est des connaissances intégrées, je vous recommande la lecture du rapport publié la semaine dernière par le Conseil des académies canadiennes, présidé par Cassie Doyle, au sujet de la gestion intégrée des ressources naturelles. Non seulement ce rapport en dit long sur l’importance du projet de loi C-69 et de l’évaluation régionale et stratégique, mais il va plus loin encore et montre l’importance de combiner tout cela à — j’y reviens encore une fois — l’ensemble du cycle de vie.

Je tiens à aborder un troisième aspect. Il est crucial que les organismes de réglementation et les secteurs industriels fassent montre d’un engagement actif à l’égard des questions qui relèvent de l’environnement, du social et de la gouvernance. Vous serez peut-être surpris d’apprendre que, dans le secteur mondial pétrolier et gazier, le Canada est premier de cordée. Notre pays est celui qui consacre le plus d’argent à l’innovation. Au Canada, environ 70 p. 100 des investissements dans les technologies propres proviennent des hydrocarbures. L’impact est important à l’échelle nationale comme internationale. Les retombées positives vont bien au-delà des combustibles fossiles. J’ai siégé pendant 10 ans au conseil d’administration d’Emissions Reduction Alberta. Je préside actuellement Alberta Innovates, mais à Emissions Reduction Alberta, nous avons affecté 572 millions de dollars à la réduction des GES dans le cadre de 164 projets. Cette somme a permis d’amasser un total de 4,3 milliards de dollars.

Voilà où je veux en venir : lorsque nous évaluons des projets, il faut absolument éviter de miner la capacité concurrentielle. Si je vous dis cela, ce n’est pas seulement en raison des témoignages d’autres intervenants. Si nous nous soucions de faire progresser le pays, si nous nous soucions de l’innovation, il faut savoir que le partenariat avec le secteur privé est la clé de l’optimisation des ressources. Voilà qui est central. C’est de là que viennent le déploiement, l’utilisation et l’amélioration — une amélioration qui passe par une mise à l’essai — de ces technologies. C’est ainsi que naît une nouvelle génération d’entreprises. Celles-ci n’émergent pas grâce à l’argent de l’État donné sous forme de subventions, mais bien grâce au travail de personnes œuvrant de manière active dans le monde des affaires.

En terminant, j’aimerais vous communiquer quelques brefs messages importants. Premièrement, lorsque vous envisagez des amendements, visez l’excellence plutôt que de pencher du côté de la peur. Nous devrions adopter une telle perspective. Notre pays mérite bien cela.

Assurez-vous que les organismes de réglementation du cycle de vie restent forts et qu’ils demeurent responsables des résultats dans l’ensemble du système, ce qui comprend l’évaluation des répercussions, et veillez à l’intégration des connaissances et de l’expertise. Autrement dit, il s’agit de faire en sorte que la liste des projets n’inclue que des projets véritablement uniques, importants et différents de ceux qui existent déjà, surtout lorsqu’il existe des organismes de réglementation du cycle de vie. Ensuite, précisez la portée de l’examen afin de mettre l’accent sur ces éléments qui sont bien distincts.

Comme l’ont indiqué les témoignages du dernier groupe, il faut miser sur les pratiques exemplaires existantes. Il ne sert à rien de réinventer la roue en établissant toutes sortes de conditions. Utilisez les pratiques exemplaires existantes et veillez à ce que, en ce qui a trait aux systèmes de gouvernance, l’on poursuive l’évaluation d’impact, à ce que l’on continue de tirer des leçons de cela et à ce que l’on fasse bon usage des données et de l’information dans notre grand pays. Dans bien des sphères qui font l’objet de nos préoccupations environnementales au Canada, comme les progrès réalisés dans les domaines de la technologie numérique, de l’analyse des données massives, des technologies prédictives, des télécapteurs, et cetera, nous avons des compétences et des connaissances de pointe à même de changer fondamentalement notre point de vue sur la gestion intégrée des ressources et sur l’évaluation des projets.

Nous devons veiller à ce que le projet de loi C-69 ne devienne pas, sans qu’on l’ait voulu, une menace contre les investissements, contre l’innovation et, en fin de compte, contre l’objectif qui nous est le plus cher. Merci.

Wade Locke, professeur et chef, Département d’économie, Université Memorial de Terre-Neuve, à titre personnel : Je dois dire que les témoignages précédents étaient plutôt forts. Votre travail n’est pas facile.

Je vais vous faciliter la tâche. Je ne parlerai que de Terre-Neuve et de la manière dont le projet de loi s’applique à cette province.

Je m’appelle Wade Locke. Je suis actuellement chef du département d’économie de l’Université Memorial. Je me spécialise en économie du secteur public, plus particulièrement en ce qui a trait à la situation financière de la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Je me spécialise également dans les ressources naturelles, plus particulièrement dans les activités pétrolières, gazières et minières extracôtières. J’étudie également la situation générale de l’économie de Terre-Neuve-et-Labrador.

Mes services ont été requis par tous les ordres de gouvernement : le fédéral, le provincial, le municipal, ainsi que les groupes autochtones, les groupes de recherche, les sociétés d’État, les entreprises et les sociétés locales, nationales et internationales. J’ai mené des travaux dans les trois territoires et dans toutes les provinces à l’exception du Québec et de l’Île-du-Prince-Édouard.

Je tiens à remercier le comité de me permettre d’exprimer mon point de vue sur le projet de loi C-69.

J’encourage les membres du comité à tenir compte des conséquences négatives que le projet de loi C-69, dans sa forme non amendée, pourrait avoir sur le bien-être économique des Canadiens en général et des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador en particulier.

Avant d’aborder mes préoccupations en détail, je tiens à souligner l’importance des activités pétrolières et gazières pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Selon les plus récentes données disponibles sur le site web de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers, près de 60 milliards de dollars ont été investis dans des activités d’exploration, de développement et de production associées aux activités pétrolières et gazières extracôtières de Terre-Neuve. Au large de Terre-Neuve-et-Labrador, on a produit 1,85 milliard de barils de pétrole et foré 470 puits, 171 puits d’exploration, 57 puits de délimitation et 240 puits de développement. Aucun problème environnemental majeur n’a été attribué à ces activités, ce qui montre le bon fonctionnement de la surveillance environnementale effectuée par l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers.

À l’apogée de la production, le secteur des hydrocarbures représentait plus de 5 000 emplois et 36 p. 100 du produit intérieur brut de Terre-Neuve-et-Labrador. Au cours de la même période, le secteur de la pêche représentait 7 600 emplois et 1,7 p. 100 du PIB.

À l’heure actuelle, l’exploitation extracôtière représente 15,6 p. 100 du PIB provincial, comparativement à 2,5 p. 100 pour le secteur de la pêche et de la transformation du poisson.

À l’apogée de la production, le pétrole et le gaz représentaient près de 30 p. 100 des recettes du gouvernement provincial. Ce pourcentage a chuté à 13,6 p. 100 en raison de la faiblesse des prix du pétrole.

Enfin, au plus fort de la production, près de 5 p. 100 des Terre-Neuviens et des Labradoriens travaillaient dans le secteur des hydrocarbures en Alberta. Le pétrole et le gaz sont très importants pour l’économie provinciale. C’est grâce à ce secteur que Terre-Neuve-et-Labrador, qui était auparavant une province bénéficiaire de la péréquation, ne l’est plus depuis 2008-2009.

L’aperçu que je viens de donner devrait aider les membres du comité à saisir l’importance des activités pétrolières et gazières pour Terre-Neuve-et-Labrador. Sans l’activité économique, les recettes du gouvernement et les emplois liés à ce secteur, le niveau de vie des habitants de la province s’en trouvera considérablement réduit. Si l’on ajoute à cela le niveau élevé de dette par habitant, les taux d’imposition élevés et la réduction des services, on voit que les répercussions négatives sur les résidents de la province seront importantes. Conséquemment, les jeunes auront du mal à demeurer dans la province et à y rester actifs.

Il faut absolument que les membres du comité comprennent que les activités pétrolières et gazières sont d’importants moteurs économiques pour le pays dans son ensemble et pour Terre-Neuve-et-Labrador en particulier. Ces activités ne sont pas des nuisances qu’il faudrait stopper à tout prix ou ralentir jusqu’à ce qu’il devienne impossible de continuer à les mener.

Voilà qui m’amène à parler de mes préoccupations au sujet du projet de loi C-69. Tous les Canadiens sont d’accord pour dire que l’environnement doit être protégé et que les répercussions sur l’environnement doivent être prises en considération pour choisir la meilleure façon d’exploiter nos ressources naturelles. Cela dit, si le projet de loi C-69 ralentit considérablement le processus d’approbation et ajoute de l’incertitude dans ce processus, cela aura des répercussions négatives sur les investissements dans les hydrocarbures extracôtiers et sur la prospérité de Terre-Neuve-et-Labrador à l’avenir. Il faut bien comprendre que les activités pétrolières et gazières, pour l’instant à tout le moins, sont des activités importantes qui contribuent au bien-être des Canadiens.

L’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers a réussi à faire en sorte que l’exploitation pétrolière et gazière extracôtière soit faite d’une manière qui respecte l’environnement. Aucun problème environnemental majeur n’a été attribué aux 171 puits qui ont été forés à ce jour. Procéder à des activités de forage pétrolier et gazier au large des côtes tout en atténuant tout dommage éventuel à l’environnement relève de l’exercice de routine. Compte tenu de cette expérience, il est important que les forages d’exploration et les programmes géophysiques connexes soient exemptés ou expressément retirés de la liste des projets désignés.

Enfin, il est important que l’Accord atlantique soit respecté afin que Terre-Neuve-et-Labrador demeure un bénéficiaire principal et que l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers continue d’être responsable de tous les processus d’évaluation environnementale liés aux activités pétrolières et gazières extracôtières au large de Terre-Neuve-et-Labrador.

Je vous remercie de m’avoir invité à présenter mon point de vue sur le projet de loi C-69 et ses répercussions éventuelles sur Terre-Neuve-et-Labrador.

La présidente : Merci beaucoup. Nous allons commencer la période des questions.

La sénatrice Cordy : Je remercie les deux témoins de leur présence. Il commence à se faire tard ici, sans parler de l’heure qu’il est à Terre-Neuve-et-Labrador.

Monsieur Locke, je viens de la Nouvelle-Écosse et je connais donc très bien l’Accord atlantique. En fait, les gens de la Nouvelle-Écosse ou de Terre-Neuve qui ne connaissaient pas l’Accord atlantique savent de quoi il s’agit depuis le budget de décembre 2007, parce qu’à ce moment-là les deux provinces ont reçu moins d’argent.

Vous avez dit qu’on devrait respecter l’Accord atlantique. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Votre commentaire rend certaines personnes quelque peu nerveuses. Ce n’est pas mentionné dans la mesure législative; je me pose simplement la question.

M. Locke : L’accord a été renégocié récemment par le gouvernement fédéral et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Les aspects qui n’ont pas été négociés comprennent notamment l’efficacité de la réglementation, qui serait visée par le projet de loi C-69. À l’heure actuelle, d’après ce que j’en comprends, le projet de loi C-69 permettrait au ministre — si des questions environnementales se posaient — de passer outre aux questions concernant la capacité du gouvernement provincial, par exemple, par l’entremise de l’office des hydrocarbures extracôtiers, de réglementer le mode et le rythme de développement.

Par exemple, si l’on se trouvait trop près d’une déclivité, l’on pourrait être en mesure de faire valoir qu’une structure gravitaire, un système de stockage de production flottant, un système de déchargement ou un navire ne seraient peut-être pas indiqués.

L’accord a amélioré la capacité de la province de devenir un important moteur économique pour l’ensemble du pays. Il serait malheureux que, par suite de ce projet de loi, des activités raisonnables qui permettent aux Terre-Neuviens et aux Canadiens de gagner décemment leur vie de manière parfaitement légale et appropriée soient touchées de manière importante par la mesure législative.

La sénatrice Cordy : Même lorsque le premier ministre de Terre-Neuve a comparu au comité, je n’ai rien entendu de tel. C’est une bonne question à poser à la ministre lors de sa comparution la semaine prochaine. Merci d’avoir exprimé cette préoccupation.

Madame Kenny, vous avez parlé de la possibilité d’obtenir une vigueur économique tout en protégeant l’environnement. Il me semble que c’est l’équilibre que ce projet de loi tente d’établir. Nous pouvons favoriser le développement économique tout en protégeant l’environnement. Les deux tâches ne s’excluent pas. Le souci de l’environnement ne nuit pas au développement économique. Le développement économique n’empêche pas de se montrer responsable sur le plan environnemental. Je vous remercie d’avoir tenu ce propos.

Vous avez dit que les amendements devraient être fondés sur l’excellence et non pas sur la peur. Quels types d’amendements envisagez-vous pour ce projet de loi?

Mme Kenny : Il est crucial, selon moi, de veiller à éviter le risque d’aller trop loin, par exemple en étendant de manière excessive la portée de la mesure. Lorsque j’ai examiné la mesure, je me suis posé la question suivante : à quel endroit et de quelle manière cette information doit-elle être examinée?

Permettez-moi de prendre l’exemple des pipelines. Normalement, en passant dans un territoire, un pipeline traverse des centaines de cours d’eau tantôt saisonniers, tantôt permanents. Si je m’inquiète pour l’eau, je pourrais être tenté d’examiner en détail chaque cours d’eau traversé. À moins que la portée ne soit claire et que la question fondamentale se pose aux premières étapes... On devrait d’abord se demander si le terrain présente des caractéristiques inhabituelles. Si la réponse est non, alors on devrait se demander si la pratique actuelle est source d’inquiétudes. Si la réponse est non, alors on se dira ceci : « Si l’on va de l’avant avec le projet, la pratique exemplaire va s’appliquer. »

C’est une question de portée. Il s’agit de se concentrer sur ces aspects et d’éviter d’aller dans les menus détails, lesquels ont tendance à devenir fastidieux dans de grands projets comme ceux-ci. À ce chapitre, j’ai de l’expérience à titre de cadre supérieur de la réglementation et à titre d’étudiante. À moins d’avoir une idée claire de la portée et de la raison d’être de l’évaluation initiale, beaucoup de problèmes peuvent se présenter.

Le sénateur Woo : Je vous remercie, madame Kenny et monsieur Locke. J’aimerais m’inspirer de l’avertissement de Mme Kenny voulant que nous adoptions une approche systémique. J’en appellerai peut-être aussi à l’expérience de M. Locke en économie, tout particulièrement en économie du secteur public, et à l’importance de la conception institutionnelle dans l’élaboration d’une réglementation appropriée pour les grands projets.

D’après ce que j’en comprends, l’un des principes fondamentaux de la conception institutionnelle en matière d’évaluation d’impact est la nécessité d’une certaine séparation entre l’organisme qui effectue l’évaluation d’un projet et l’organisme qui s’occupe de la réglementation, de la conformité et de l’application des permis, des règles et des autres exigences régissant le projet.

C’est ce que ce projet de loi tente d’accomplir. Certains jugent que cette mesure législative ne va pas assez loin. Comme vous le savez, le nouvel Office national de l’énergie aura toujours un rôle à jouer, tout comme les offices des hydrocarbures extracôtiers accompliront une fonction dans les commissions d’examen, et ainsi de suite.

J’aimerais savoir ce que vous pensez de cette idée qui nous a été présentée par des experts de tous horizons, à savoir que, pour procéder à l’évaluation d’impact, la conception institutionnelle appropriée consiste à établir une certaine séparation entre l’organisme d’évaluation d’impact — appelons-le ainsi — et l’organisme de réglementation du cycle de vie. Comme je l’ai dit, le projet de loi ne va pas jusqu’au bout de cette idée, mais pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du principe?

Mme Kenny : Je serai peut-être l’exception à la règle. Personnellement, si je me fie à l’expérience acquise durant mes 40 années sur cette planète, je ne peux qu’être en désaccord avec ce principe. Je pense que vous devez vous demander où, comment et pourquoi la séparation est-elle importante? Si vous craignez qu’il y ait des doutes à propos d’une évaluation environnementale régionale dont on doit tenir compte pour déterminer comment réaliser un projet, disons, alors cette séparation est acceptable.

Toutefois, dans le cas de projets dont l’évaluation donne lieu à un « refus » ou à une « autorisation à condition de répondre à certaines préoccupations », je sais par expérience que le mieux, c’est lorsque le promoteur comprend vraiment bien les risques et ce qu’ils signifient — plutôt que d’apprendre à mesure qu’avance le projet —, lorsqu’il peut mener le projet à terme et lorsqu’il parvient aux résultats attendus au début. À mon avis, on commettra une grosse erreur, qu’il faudra corriger, si on élimine certaines de ces étapes ou qu’on en saute.

J’aimerais bien connaître l’intention derrière cette politique...

Le sénateur Woo : Eh bien, c’est dans le rapport du groupe d’experts, et nous pouvons vous l’envoyer si vous le souhaitez.

Mme Kenny : J’ai siégé au comité d’experts de l’Office national de l’énergie, l’ONE. Comme vous le savez, nous avons adopté un point de vue différent.

Le sénateur Woo : Oui. Je soupçonne que le soi-disant groupe d’experts dirait deux choses. D’abord, il dirait qu’il y a le risque d’emprise réglementaire et, deuxièmement, que l’évaluation des impacts va bien au-delà des aspects techniques d’une centrale hydroélectrique ou d’un pipeline, par exemple.

J’aimerais savoir ce qu’en pense M. Locke. Il y a énormément d’ouvrages économiques sur ce sujet, et nous aimerions savoir ce que vous avez tiré de ces ouvrages.

M. Locke : En théorie, vous avez raison, mais en pratique, ce n’est peut-être pas le cas. Si vous aviez une entité distincte à grande échelle pour s’occuper de ce genre de dossiers, celle-ci aurait tendance à traiter toutes ces choses plus ou moins de la même façon.

Par exemple, nous faisons beaucoup d’explorations extracôtières qui nécessitent 30 à 60 jours par puits. Comme ces projets figurent sur une liste de projets désignés, cela incitera les promoteurs à réaliser une évaluation détaillée pour chaque puits. Toutefois, s’ils se sont déjà livrés à cet exercice à maintes reprises et ont prouvé leur capacité à atténuer les risques, ils n’auront pas forcément à le faire systématiquement.

Lorsqu’on crée une agence d’évaluation des impacts à grande échelle, celle-ci a tendance à utiliser des règles communes parce que c’est équitable. Certaines choses qui s’appliquent dans ce contexte ne sont peut-être pas la façon la plus efficace de régler le problème, ce qui peut avoir pour effet d’augmenter l’incertitude et de ralentir le processus.

Le sénateur Woo : Et si vous pouviez trouver une façon de gérer ces projets répétitifs, comme l’exploration extracôtière, par le biais d’évaluations régionales et stratégiques, c’est peut-être une façon d’apaiser vos craintes.

M. Locke : Tout ce que je vous suggérais, c’était de retirer les activités bien connues et qui peuvent être facilement atténuées de l’évaluation détaillée proposée dans le projet de loi C-69.

Le sénateur Woo : C’est très utile. Merci.

Mme Kenny : Si vous me le permettez, le comité de l’Offfice national de l’énergie, l’ONE, a fait une suggestion — je ne suis pas ici pour parler en son nom, et je comprends que c’est de l’histoire ancienne —, mais en ce qui concerne ces problèmes reproductibles, nous avons recommandé de reconnaître qu’il y aura des projets récurrents.

L’une des façons d’y arriver serait de former des groupes d’intervenants permanents. Ce serait la même chose pour l’évaluation régionale. Prenons Montréal, par exemple, qui, pendant des décennies, a été traversée par quatre grandes lignes de transmissions soumises à la réglementation nationale. Il serait très sage, par exemple, d’avoir un groupe d’intervenants de 20 ou 30 personnes qui, disons, deux fois par année, examinent ce qui s’est passé et se demandent : « Quelle est notre plus grande préoccupation? ». Attirez ces entreprises. Demandez à l’organisme de réglementation d’y être aussi.

Pour éviter les risques que vous avez soulevés concernant la capture réglementaire, nous pouvons aborder la gouvernance des systèmes de façon plus sensée. Nous n’atteindrons pas l’excellence en matière de gouvernance des systèmes en retirant l’expertise et la connaissance des risques réels du processus d’évaluation.

Le sénateur Patterson : Merci d’être ici. Madame Kenny, vous avez parlé d’un projet, d’un mantra d’examen qui donne d’excellents résultats, je crois que c’est vous qui avez dit que les organismes de réglementation du cycle de vie ont un rôle important à jouer.

J’ai ma propre opinion sur ce que le projet de loi C-69 fait, mais je me demande si vous pourriez nous dire comment le projet de loi C-69 s’inscrit dans cet objectif de simplicité — un projet, un examen — et les excellents résultats que vous avez dit pouvoir obtenir.

Mme Kenny : Il y a des préoccupations claires. Nous avons déjà parlé de la portée de la liste des projets. Il faut réduire la discrétion politique, et non pas l’augmenter. Nous avons besoin de mesures claires pour régler des questions stratégiques importantes qui empêchent les gens d’avoir confiance dans le processus d’examen.

Dans sa mouture actuelle, le projet de loi rate la cible. Certains de vos amendements pourraient rectifier le tir.

Je suis fortement en faveur d’une évaluation solide et efficace des impacts. C’est un élément central de ce que vous essayez de régler, mais il s’agit de comprendre la différence. M. Locke a fait allusion à la même chose. Il y a une grande différence entre les choses que nous savons bien faire, celles qui n’ont pas besoin d’être améliorées ou mises à l’essai — voilà où l’excellence d’un projet, d’un examen complet du cycle de vie est si importante — et ce qui est vraiment exceptionnel et qui exige un examen plus approfondi pour déterminer où se situe l’intérêt public.

Le sénateur Patterson : Merci. Vous avez parlé de l’importance des organismes de réglementation du cycle de vie. Nous avons de la chance, puisque vous avez peut-être passé la majeure partie de votre carrière dans l’industrie de l’énergie.

J’aimerais savoir si vous pourriez nous parler d’une raison d’être fondamentale de ce projet de loi, à savoir la nécessité de rétablir la confiance du public et du fait que l’Office national de l’énergie — je crois que même notre présidente au Sénat l’a dit — a été discrédité. Je me souviens que notre présidente avait dit cela avant le début de nos audiences.

Que pensez-vous de la crédibilité de nos processus de réglementation, particulièrement de l’ONE, que vous connaissez bien?

La présidente : Ce n’est pas moi qui ai dit cela. C’était une citation tirée d’un sondage de CBC/Radio-Canada.

Mme Kenny : Très bien. J’ai lu ces sondages. C’est une tendance inquiétante. Outre les sondages que vous avez peut-être lus, je vous recommande le baromètre Edelman Trust, qui dénote un dénigrement de la part d’un grand nombre d’institutions. Nous avons un grave problème, et c’est pourquoi je suis obsédée par l’excellence.

Il y a deux choses. Premièrement, la transparence est essentielle. Je le sais parce que j’ai travaillé dans le domaine de la réglementation et de l’industrie. Je suis ingénieure, et nous sommes généralement de piètres communicateurs. Nous hésitons aussi à aller parler aux gens. Je peux dire, sans équivoque, que jusqu’à il y a 10 ou 15 ans, l’idée était : « Faites votre travail. Vous n’avez qu’à vous assurer que tout est sécuritaire, et vous n’avez pas besoin de le dire aux gens », mais ce n’est pas correct.

Une partie de la confiance repose sur la transparence, et je pense que l’ONE a fait beaucoup d’efforts en ce sens. Nous avons besoin de plus d’étalonnage international. Je sais que les oléoducs canadiens sont presque deux fois plus sécuritaires que ceux des États-Unis. Je sais que le travail d’amélioration continue de l’Office national de l’énergie, qui dure depuis 60 ans et dont le but était d’arriver à l’élimination de tout incident, a donné des résultats étonnants sur le plan de l’étalonnage, mais cela devrait être transparent.

Je pense aussi que nous devons parler de nos histoires. À mes débuts à titre d’ingénieure subalterne pour le compte de l’Office national de l’énergie, l’une de mes premières tâches consistait à examiner une défaillance de pipeline. J’étais l’une des deux métallurgistes de l’équipe, et ma recommandation était la suivante : « En examinant cela, en tant qu’ingénieure subalterne, je ne sais pas ce qui se passe. Vous devriez tout arrêter jusqu’à ce que nous le sachions. » Et ils l’ont fait. J’ai appris très tôt que les gens prennent des mesures lorsqu’elles sont fondées sur des données probantes. Dans ce cas, c’était la bonne décision. Et cette ligne a été remplacée.

Donc, je trouve très troublant de nous voir obnubilés par cette question de confiance sans aucune forme d’analyse critique. On parle de confiance envers un plan énergétique national, et de la certitude qu’on a que les consultations par l’État ont été honorables. Certes, mais ça nous conduit où tout ça? Ce n’est pas une simple question d’évaluation linéaire des impacts, mais plutôt d’appropriation d’un tout.

Je vous suggère donc des éléments que vous pourriez songer à ajouter. Tout d’abord, le Canada devrait se doter d’un bureau d’information sur l’énergie qui assurerait le suivi des résultats et établirait des repères. Ce bureau devrait produire un rapport annuel comportant une vérification par une tierce partie et un groupe consultatif d’intervenants. J’ai parlé plus tôt des groupes d’intervenants permanents. En Alberta, nous avons eu recours à des groupes de synergie pour mobiliser les collectivités de façon continue afin d’assurer la sécurité et l’efficacité des opérations. Cela joue aussi un rôle dans la transparence.

Dans ce projet de loi, nous pourrions exiger que, chaque année ou chaque semestre, cet organisme et d’autres organismes se réunissent et examinent ce qui se profile à l’horizon. Qu’est-ce qui sera inévitablement un défi stratégique pour l’excellence au pays? Si on avait fait cela, le Plan de protection des océans aurait été mis en œuvre il y a 15 ans. La recherche scientifique effectuée par la Société royale, payée par l’industrie, mais entièrement indépendante du sort et du comportement de tout le pétrole brut qui circulait au Canada il y a environ quatre ans, aurait été faite 10 ans plus tôt.

Nous devons reconnaître que la prévoyance, la planification, une bonne démarche scientifique et des pratiques exemplaires sont les fondements. À partir de là, de bonnes évaluations d’impact, un projet à la fois, reposent sur des bases solides, plutôt que de tergiverser dans une zone de peur, de désinformation et un monde post-factuel, parfois avec des abus de processus, avec un objectif différent en tête.

Le sénateur Richards : Merci. Vous avez répondu à la question que j’allais poser, probablement mieux que je ne l’aurais imaginé. Vous avez mentionné les niveaux nécessaires de portée et de contenu, et ce projet de loi semble en être rempli. Je sais que ce n’est pas votre travail, mais j’aimerais beaucoup que vous nous donniez trois ou quatre amendements qui pourraient remettre tout cela en question, parce que nous allons avoir beaucoup de difficulté à trouver des amendements avec lesquels nous allons tous être d’accord.

Monsieur Locke, c’est plutôt un commentaire, mais vous avez dit que 36 p. 100 des revenus de Terre-Neuve proviennent du pétrole et du gaz. L’abandon du projet Énergie Est a entraîné des pertes de 36 milliards de dollars. Cela représente beaucoup d’argent qui pourrait être investi ailleurs, comme dans la recherche, dans les infrastructures et dans les hôpitaux. Je suis surpris que ce ne soit pas l’une des principales préoccupations de notre pays. Quoi qu’il en soit, c’est tout ce que j’avais à dire.

Mme Kenny : Je vais réfléchir à votre question à propos des amendements, mais j’aimerais revenir à la portée et à la clarté.

L’une des choses que j’ai constatées alors que j’étais cadre supérieur à l’Office national de l’énergie, il y a longtemps, c’est qu’il fallait être extrêmement discipliné quant à la façon d’utiliser l’information que l’on s’apprête à demander. Pour un évaluateur, l’une des choses les plus faciles à faire est de dire que vous n’êtes toujours pas certain, qu’il faudrait obtenir plus de détails. C’est gratuit. Il faut 10 minutes pour rédiger 20 questions. Cela pourrait coûter quelques millions de dollars au promoteur. Il s’agit de savoir si cette information fera vraiment une différence dans votre travail. Si ce n’est pas le cas, alors peut-être que vous ne faites que reporter le problème à plus tard et que vous n’obtiendrez pas le résultat souhaité. C’est un élément clé. Je crois que la portée est la clé.

Revenons à l’intention. Vous avez fait allusion à la façon dont on envisage le développement au Canada. À titre d’exemple, et je suis évidemment très active dans le domaine de l’innovation et des technologies propres maintenant, lorsque je regarde les chiffres de l’Alberta, qui a donné 230 milliards de dollars à la fédération au cours des 10 dernières années — généreusement et sans mendier, selon ce que je sais de mes voisins et de moi-même —, c’est de l’argent que nous avons, comme pays, choisi d’utiliser plutôt que d’investir dans les technologies propres et la prochaine génération. Nous avons des choix à faire à ce niveau.

Enfin, parce que c’est pertinent à l’intention et à la portée, les amendements doivent faire en sorte que nous ne nous laissions pas obnubiler par le discours d’un d’autre. En janvier, j’ai fait du vélo sur des routes de campagne en Inde pendant trois semaines. Je sais à quoi ressemblent les questions liées au genre lorsque les femmes passent leurs journées à ramasser des bouses et du petit bois parce qu’elles n’ont pas accès à l’énergie nécessaire pour cuisiner. Vous ne pensez pas que cela influe sur le développement économique, les options en matière d’éducation et d’autres choses que les femmes préféreraient faire? C’est en partie dû au fait que nous avons été paralysés par l’utilisation de la technologie la plus propre de la planète pour acheminer le gaz naturel liquéfié au large de nos côtes et par la recirculation de ces fonds au profit du Canada et de la pauvreté énergétique en Inde.

Ce que je veux dire, c’est que lorsque vous examinerez les amendements, essayez de trouver des façons d’être ambitieux et de mettre l’accent sur quelque chose qui serait positif pour le Canada.

M. Locke : Un amendement facile serait d’exclure les puits extracôtiers d’une liste de projets désignés qui n’auront aucune incidence sur les autres choses dont vous parlez. Vous devez savoir que Terre-Neuve prévoit doubler sa production quotidienne d’ici 2030. Ce n’est pas possible avec le projet de loi C-69.

Le sénateur Mitchell : Ce matin, j’ai participé à une table ronde présidée par un ancien ambassadeur du Canada et premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Frank McKenna. Il a dit qu’il voyait le monde entier... Vous, le parrain du projet de loi, auriez dû être là. Vous auriez adoré. Il a dit que, aux yeux du monde, le Canada est perçu comme un pays où il vaut mieux ne pas investir. Au cours des deux ou trois derniers mois, j’ai eu la chance de discuter avec des intervenants du Canada atlantique. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui est proposé ou demandé aux sénateurs et aux parlementaires, soit d’apporter des amendements et des changements et d’attirer l’attention du gouvernement sur les problèmes liés à — je m’adresse au parrain du projet de loi — la clarté.

Le projet de loi C-69 devrait être modifié de façon à exempter de la liste des projets désignés les activités extracôtières de courte durée dont les impacts et les mesures d’atténuation sont bien comprises. J’aimerais savoir ce que vous en pensez.

Deuxièmement, en ce qui concerne le Canada atlantique et Terre-Neuve-et-Labrador, le projet de loi C-69 limite le nombre de représentants de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers qui peuvent faire partie d’une commission d’examen. Cette limite devrait être retirée. Qu’en pensez-vous?

M. Locke : Il est clair que je suis en faveur du retrait de la liste des activités répétitives de courte durée comme le forage exploratoire. Pour ce qui est de la limitation des membres de la commission au sein de la commission d’examen des impacts, nous devrions essayer de tirer pleinement parti des connaissances et de l’expertise qui ont été générées pour leur objectif particulier. Elles devraient être intégrées pleinement à tout groupe d’étude d’impact.

Mme Kenny : J’ajouterais que le libellé concernant le fait que les projets, les incidences et les mesures d’atténuation sont bien compris devrait être retiré. Ce pourrait être quelque chose que vous envisageriez pour les pipelines également, étant donné que vous avez un organisme de réglementation solide pour l’entièreté du cycle de vie, que ce soit à l’Office national de l’énergie ou dans des provinces clés comme la Régie de l’énergie de l’Alberta. Aujourd’hui, en Alberta, nous avons prévu des projets de gaz naturel d’une valeur d’environ 5 milliards de dollars pour augmenter, rationaliser et renouveler cette importante infrastructure de gaz naturel. J’ai récemment fait partie d’un groupe d’experts qui s’est penché là-dessus pour le compte du gouvernement provincial, et nous craignons beaucoup que ce projet de loi n’étouffe inutilement et involontairement ce genre de développement. Nous n’avons pas l’intention de faire autre chose que d’utiliser l’emprise existante et d’améliorer la capacité.

Le sénateur Mitchell : Bienvenue à vous deux. Merci de vos exposés. Je dois dire que je suis heureux de revoir Mme Kenny. Pendant un certain temps, elle était à la tête de la l’Association canadienne de pipelines d’énergie et elle était pratiquement membre honoraire de ce comité tellement elle y a comparu souvent, et qu’elle a toujours été aussi utile qu’elle l’est ce soir.

Madame Kenny, vous avez fait valoir qu’il est très important — nul ne le contredira et vous venez de le rappeler — de commencer le plus tôt possible à s’y intéresser. Voilà qui sonne bien. Je crois que c’est une caractéristique essentielle et importante de ce projet de loi, car celui-ci prévoit cinq extrants et un processus de planification précoce qui est maintenant officiel, qui comporte des exigences et des obligations du gouvernement qui n’existent pas dans les processus non officiels de planification précoce qui sont suivis actuellement. L’un de ces cinq extrants est un document de lignes directrices sur mesure qui intégrera les 20 éléments de l’article 22 et les adaptera spécifiquement à l’article 18 dans la trousse qui doit être préparée dans le cadre d’un projet en particulier. Êtes-vous au courant de cela et de l’impact que cela pourrait avoir?

Mme Kenny : Oui.

Le sénateur Mitchell : Donc, le projet de loi tient compte de la portée?

Mme Kenny : Oui, mais je pense qu’il manque toujours la clarté dont vous avez besoin.

Le sénateur Mitchell : Donc, si vous aviez plus de clarté, cela vous conviendrait?

Mme Kenny : Sur le plan directionnel, c’est une bonne idée. Je pense qu’il faut préciser la liste des projets. Je pense que vous devez préciser ce que vous pourriez ajouter à cette liste. Par exemple, avez-vous de la latitude — avez-vous une certaine marge de manœuvre? Enfin, est-ce que le fait d’examiner ou non les lacunes stratégiques fait partie de l’évaluation des impacts majeurs? Comment gérez-vous cela? Je dirais que le principal facteur de la perte de confiance à l’égard du système de réglementation n’est pas le processus ou l’approche fondée sur des données probantes et des données scientifiques, mais plutôt le fait que le processus de réglementation — et c’est la même chose ici — n’est pas en mesure de combler les lacunes stratégiques.

Le sénateur Mitchell : C’est en partie la raison pour laquelle vous avez dressé une longue liste d’éléments qui, je crois, peuvent être peaufinés davantage.

Mme Kenny : Il faut quand même régler la question de politique dans une évaluation d’impact.

Le sénateur Mitchell : Je suis d’accord. Je ne pense pas que ce soit une question de politique. Il faut l’adapter et c’est à cela que servent les lignes directrices. Vous avez parlé du projet. Cela m’amène à poser une question à M. Locke. Merci de votre exposé. J’ai cru y détecter une pointe de pessimisme.

Vous dites que le projet de loi C-69 ne ferait que ralentir le processus. Je peux vous dire qu’il y a toutes sortes d’endroits où cela accélérera le processus et aucun d’entre eux ne le ralentira par rapport à ce que nous avons. Vous en avez mentionné un en particulier, et j’aimerais insister là-dessus et vous demander de réexaminer votre argument.

En fait, chaque puits d’exploration extracôtier doit maintenant faire l’objet d’une évaluation — l’un après l’autre. Si vous consultez le document de travail sur la liste des projets, le premier qui a été produit, il est très clair que l’intention du gouvernement est d’avoir des évaluations régionales. La région deviendrait alors extracôtière. On indiquerait que si vous avez besoin de 100 puits d’exploration dans cette région, vous n’avez pas à faire 100 évaluations différentes.

Cela me semble être une façon assez importante d’accélérer le processus en vertu du projet de loi C-69. C’est dans ce document, et cela pourrait certainement être confirmé comme moyen d’écarter ce genre de projets pour la liste des projets.

M. Locke : Tout d’abord, la loi actuelle prévoit que l’approbation au large des côtes du Canada, par exemple, prend environ quatre fois plus de temps qu’en Norvège, qu’au Royaume-Uni ou que dans le golfe du Mexique.

Le sénateur Mitchell : C’est pourquoi nous réglons le problème.

M. Locke : Je comprends cela. Utiliser le taux d’approbation actuel comme point de référence n’est probablement pas le meilleur. Il semble également raisonnable de procéder à une évaluation régionale pour une région.

La sénatrice McCoy : Je vous remercie tous les deux de votre présence ici ce soir et de vos observations. Ce que j’entends, c’est qu’il y a différents niveaux et que différentes décisions doivent être prises. Je pense que le premier ministre du Nouveau-Brunswick en était au même point, sous une forme ou une autre, lorsqu’il a dit qu’il fallait décider à l’échelle du pays que nous allions avoir un corridor énergétique et que nous allions ajouter un pipeline pour le vin et la bière, ce qui était la meilleure idée.

C’est le genre de décision stratégique majeure. Une fois que vous avez conclu cette entente, vous avez d’autres éléments à mettre en place pour le projet, la durée de vie de projets individuels, en gardant à l’esprit que ces projets durent entre 30 à 50 ou 60 ans.

Dans tout ce spectre, si vous examinez la question de façon systémique, l’évaluation des répercussions — qui, s’il n’y a pas de retard, est un exercice de cinq ans au début d’un projet — est un élément mineur et ce n’est pas ce qui vous permet d’atteindre l’excellence pendant les 45 ou 50 autres années du projet.

Mme Kenny : Tout à fait.

La sénatrice McCoy : Maintenant que vous êtes d’accord, je vais passer rapidement à une autre question, puisque j’ai la permission du sénateur Dalphond.

Une des raisons souvent invoquées est que nous devons rétablir la confiance du public dans nos organismes de réglementation. Je vais poser la question de la façon suivante : en réalité, nous disons que l’organisme de réglementation est passé sous l’emprise de la partie réglementée. C’est la raison donnée. On a accusé l’Office national de l’énergie d’être passé sous l’emprise des promoteurs, des propriétaires d’entreprises qui construisent des lignes de transport et des pipelines internationaux et interprovinciaux. Ce sont leurs clients.

Dans ce cas, permettez-moi de poser la question. Pensez-vous que les politiciens sont parfois sous l’emprise de leurs clients? Pourriez-vous répondre en quelques mots? Mon autre question est la suivante : croyez-vous que les fonctionnaires, comme dans le cas d’une agence d’évaluation d’impact, sont parfois sous l’emprise de leurs clients?

Mme Kenny : Voulez-vous commencer?

La sénatrice McCoy : Veuillez répondre franchement.

La présidente : Qui va répondre à la question?

Mme Kenny : Je pense que nous devons tous, à un moment ou un autre, regarder au plus profond de nous-mêmes et nous assurer d’être aussi objectifs que possible. Je pense qu’il y a toujours un risque pour l’un ou l’autre de ces acteurs, mais je crois que les institutions qui travaillent en collaboration à l’excellence ont beaucoup réduit ce risque.

En ce qui concerne certains des amendements que vous voudrez peut-être examiner concernant le projet de loi, par exemple — et je crois que quelques autres intervenants ont avancé l’idée que ce ne soit pas présenté à un ministre, mais à trois ministres, ou à un comité du Cabinet. Comme universitaire spécialisée en développement durable, je trouve cela très intéressant, parce qu’un pilier en particulier n’est probablement pas la situation idéale. Cela réduirait donc cette emprise.

Je pense que c’est toujours un risque. Par conséquent, comme pour toute autre chose, que faites-vous pour atténuer le risque? Si vous estimez qu’il y a un risque qu’un organisme de réglementation soit sous une emprise, que faites-vous en ce qui concerne les groupes d’intervenants, la vérification par une tierce partie, et cetera? Je pense que c’est en grande partie ce qui se passe au Canada.

C’est peut-être aussi quelque chose que vous voudrez examiner, surtout compte tenu des commentaires du premier ministre et de votre retour sur la question des corridors, par exemple. Compte tenu de ce que le Canada prévoit, le gouvernement lui-même pourrait prendre de nombreuses mesures et faire sa propre évaluation d’impact. Une partie du problème, à mon avis, tient à la dynamique qui fait que certaines entreprises vont de l’avant et disent que, dans l’intérêt public du Canada — si je remonte aux années 1950 —, l’acheminement du gaz naturel vers l’Ontario est vu comme étant utile. Devrait-il être fait à titre de société d’État ou de société privée?

TransCanada est née parce que le Parlement a fermé la porte à l’idée de la privatisation. S’agissait-il de l’empire du mal qui essayait de profiter de cela ou du promoteur de l’infrastructure qui essayait de faire quelque chose dans l’intérêt public?

Aujourd’hui, la dynamique reste la même : si un promoteur se présente, on suppose a priori qu’on ne peut lui faire confiance parce qu’il est sous l’emprise d’autres intérêts, plutôt que de se dire : Examinons ce corridor et traitons de gouvernement à gouvernement. S’il faut se doter d’une infrastructure, où va-t-on la mettre? Effectuons une évaluation et voyons ensuite qui pourrait se montrer intéressé à la réaliser avec des fonds privés, si tant est que cela réponde aux souhaits du pays.

M. Locke : La réponse est évidemment oui. Rien dans votre projet de loi n’empêcherait un groupe particulier d’évaluation d’impact, quelle qu’en soit la définition, d’avoir une emprise. C’est ce qui se passe actuellement en politique à Ottawa. Les gens sont sous une emprise ou sous une autre, et rien dans la loi ne peut l’empêcher.

La présidente : Merci beaucoup. C’était un sujet très intéressant.

Chers collègues, s’il vous plaît, il est déjà très tard. Revenons à la discussion qui a été amorcée par le sénateur Plett, au sujet de laquelle j’ai dit que j’avais des nouvelles à vous annoncer.

Chers collègues, il y a consensus pour dire que nous voulons entendre le premier ministre Kenney, mais aussi le premier ministre de l’Île-du-Prince-Édouard. Il y a consensus. Nous leur avons envoyé des invitations. Fait intéressant, nous avons reçu une réponse de M. Kenney disant qu’il viendra jeudi à 10 heures. D’accord. C’est possible, mais je crois savoir qu’il serait peut-être prêt à venir à 8 heures, et si cela vous convient, nous entendrons les trois ministres de 9 heures à 11 heures, puis nous passerons à l’étude article par article en présence des fonctionnaires. Sommes-nous d’accord?

Des voix : D’accord.

La présidente : Il viendra le jeudi 2 mai.

Le sénateur Woo : C’est excellent. Je ne sais pas ce que vous avez fait de magique, mais c’est une excellente solution. Elle va dans le sens de ce que le sénateur Plett veut accomplir et de ce que le comité a demandé, et elle préserve la capacité des trois ministres de témoigner pendant la période prévue. Je pense qu’ils retardent les choses d’une heure; est-ce bien ce que vous dites?

La présidente : Oui.

Le sénateur Woo : Ils sont prêts à faire des accommodements. Tout le monde est très coopératif.

Le sénateur Plett : Permettez-moi donc de suggérer que nous essayions également de coopérer, et tout ce que je vais faire, c’est apporter une modification à cette suggestion. Le premier ministre Kenney a dit qu’il pouvait être ici à 8 heures, et je crois que nous devons tenir compte du fait qu’il vient de l’Alberta. Il vient d’être assermenté aujourd’hui. Je crois qu’il a un programme assez chargé et qu’il a témoigné devant le comité des transports, mais s’il dit qu’il peut être ici à 8 heures, et je crois que c’est l’heure normale du début des travaux du comité, cela ne me pose pas de problème.

Toutefois, j’ai encore un sérieux problème avec un projet de loi de cette ampleur, où nous avons trois ministres et nous les accueillons pendant deux heures. Permettez-moi de dire que je serais disposé et que nous serions disposés à accepter ce que vous proposez, madame la présidente, si nous disions simplement que le premier ministre sera ici pour sa comparution pendant une heure et que les ministres seront ici, pendant trois heures, et je suis sûr que nous serions tous d’accord pour que le comité siège une heure de plus. Nous accordons habituellement une heure à un ministre.

Si nous avons trois ministres, je pense qu’ils devraient avoir chacun une heure. Très franchement, j’aimerais qu’ils fassent partie de trois groupes distincts. Je ne sais pas si c’est impératif, mais nous obligeons trois ministres à respecter un horaire très serré. Je ne pense pas que ce soit un fardeau pour qui que ce soit. Je suis sûr que ce ne serait pas un fardeau pour les ministres, et si vous entreprenez de déterminer si les ministres comparaîtraient pendant trois heures et si les fonctionnaires seraient ici pour l’étude article par article, alors nous pourrions régler cette question.

La présidente : Puis-je dire que je vais essayer, mais je ne peux pas contrôler l’ordre du jour de trois ministres. Je vais donc essayer, mais s’ils disent deux, alors il faut que ce soit deux.

Le sénateur Plett : Eh bien, vous avez raison, vous ne pouvez pas contrôler leurs horaires et je ne peux pas contrôler leurs horaires, mais c’est leur projet de loi et s’ils veulent que leur projet de loi soit adopté, alors je pense qu’ils répondront au souhait du comité et qu’ils seront ici.

Le sénateur Woo : Puis-je vous demander comment se fait-il que les trois ministres devaient-ils témoigner jeudi dans ce créneau de deux heures? On peut supposer que cela a été entendu il y a longtemps. Comment en sommes-nous arrivés à cette entente et pourquoi la revoyons-nous?

La sénatrice Cordy : C’est ce que j’allais dire. Le 19 mars, le comité a décidé d’inviter les trois ministres pour deux heures. Je crois que c’était de 8 heures à 10 heures, n’est-ce pas?

La présidente : Oui.

La sénatrice Cordy : Le 20 mars, la lettre a été envoyée. Désolée, je ne sais pas si c’était une lettre.

Les trois ministres ont été informés et on leur a demandé de comparaître devant le comité pendant deux heures, entre 8 heures et 10 heures. Le comité en a convenu et l’invitation a été envoyée le 20 mars aux trois ministres, il y a un mois et demi de cela. Elle précisait qu’ils seraient ici pendant deux heures. Je crois savoir qu’aujourd’hui, ils ont accepté de faire des compromis et de dire qu’au lieu d’être ici de 8 heures à 10 heures, ils seraient ici de 9 heures à 11 heures. Je pense qu’il serait un peu déplacé de leur dire, la veille, que ce sera trois heures et non deux heures.

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, mais c’était avant qu’on commence les témoignages. On a entendu 200 témoins. Il y a beaucoup d’enjeux qui touchent les ressources naturelles. Je crois qu’il est important d’avoir le temps de discuter avec le ministre. Il y a également des enjeux qui concernent les transports. L’environnement est aussi une autre partie du projet de loi. Avec les témoignages que nous avons entendus, je pense qu’il serait important de discuter au moins une heure avec chacun des ministres. S’ils ne peuvent pas venir tous les trois ensemble, ils peuvent nous consacrer une heure chacun, mais on doit avoir le temps de couvrir tous les enjeux. Sinon, on risque de manquer de temps pour poser des questions, surtout en ce qui a trait aux ressources naturelles et aux transports.

La présidente : Comme je l’ai dit, je peux garantir deux heures, parce que c’est l’engagement qui avait été pris. On peut essayer de s’entendre pour trois heures. On peut également leur demander de revenir si on a encore des questions à poser plus tard. On leur a déjà demandé de retarder leur comparution d’une heure. Je pense qu’on a déjà fait assez de compromis. Il faut se montrer coopératif. Il était prévu que les ministres comparaîtraient de 8 heures à 10 heures. Comme l’a dit la sénatrice Cordy, l’engagement avait déjà été pris. C’est la décision que le comité a prise.

[Traduction]

Le sénateur Woo : J’aimerais revenir sur le point soulevé par le sénateur Carignan, à savoir que les choses ont changé. Je suis tout à fait d’accord avec lui. Nous avons entendu beaucoup de témoignages et nous comprenons les enjeux actuels. Ce qui me frappe dans tous les témoignages récents, c’est que nous devons commencer à travailler sur des amendements. Nous devons tous le faire. Je sais que tous mes collègues ont des idées d’amendements à proposer et j’espère que nous pourrons le faire collectivement avant de passer à l’étude article par article.

J’aimerais apporter une modification à cette idée, c’est-à-dire que je peux appuyer l’idée d’essayer de réunir les ministres pendant trois heures de façon séquentielle ou ensemble. Faites de votre mieux, mais nous devrions le faire rapidement jeudi, mettre sur pied un sous-comité composé d’un groupe représentatif du comité pour commencer à s’échanger des amendements et discuter de la façon de procéder à un certain regroupement avant l’étude article par article afin de respecter l’échéance du 9 mai.

La présidente : Avant de vous céder la parole, je tiens à dire que je soulève cette question au comité de direction depuis plus d’un mois et demi. Nous devons travailler sur des amendements.

Vous avez reçu les amendements de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’ACPP, de la CIPA, d’ONG, de municipalités. Je pense qu’au total, nous avons reçu 40 ou 50 amendements, et je suis certaine que vous y travaillez. Je sais qu’ils y travaillent et qu’à un moment donné, nous devons nous échanger ces amendements, travailler en collégialité et en collaboration, pour ne pas avoir une fin chaotique à notre rapport au Sénat.

Je peux vous dire que nous sommes tous favorables aux amendements de l’industrie, alors je pense que nous pourrons trouver un terrain d’entente. C’est une occasion de montrer que notre comité est efficace et qu’il peut faire le travail. Après avoir entendu 200 témoins et sillonné le pays, j’affirme avoir toujours répondu présente, ce qui n’a pas été le cas de tout le monde, même s’il est dit que nous avons voté à l’unanimité.

Je vous demande de faire preuve de collégialité, de collaborer et de travailler aux amendements. L’idée du sous-comité était bonne. En fait, nous attendons votre opinion, sénateur Plett, parce que le sénateur MacDonald a dit que la décision vous revenait, alors je suis heureuse que vous soyez avec nous ce soir.

Le sénateur Plett : Le courriel a été formulé un peu différemment et ne disait pas que la décision revenait au sénateur Plett. Je crois qu’il précisait que la décision revenait au comité, et c’est ce qu’il fait.

Je présente une motion au comité, et le comité décidera s’il l’accepte ou non, sénateur Woo. Cela a toujours été notre processus.

Sénatrice Galvez, je ne vais pas parler de l’idée d’un sous-comité. C’est la première fois que j’en entends parler, à part les courriels que j’ai vus. Je n’ai pas pensé à un sous-comité.

Sénatrice Cordy, j’ai la parole.

Je pense qu’il faut faire venir les ministres et le premier ministre. Je pense que nous sommes très près d’une entente, alors permettez-moi simplement de reformuler ma motion. Si vous dites que le premier ministre Kenney a déjà confirmé sa présence à 8 heures jeudi matin, et que nous avons les trois ministres. La sénatrice Cordy a dit qu’ils ont modifié leurs engagements, et ils se sont tous engagés à être présents pendant deux heures.

Eh bien, nous allons faire en sorte que ce soit très facile, parce que je pense que la meilleure façon, c’est d’avoir un ministre à la fois au lieu d’avoir trois ministres dans trois dossiers différents. Permettez-moi donc de présenter la motion de la façon suivante : Que le premier ministre Kenney vienne à 8 heures, qu’un des ministres vienne à 9 heures, un à 10 heures et un à 11 heures, et qu’ils ne soient ici que pendant une heure chacun. Nous ne rompons aucune promesse.

C’est ce que je pense, et si cela vous convient, nous pouvons continuer. Je vais laisser le comité décider ce qu’il veut faire au sujet d’un sous-comité.

Le sénateur Carignan : Et ils pourraient choisir leur heure.

Le sénateur Plett : Ils pourraient choisir leur heure. Je pense que c’est assez souple.

La sénatrice Cordy : C’est probablement l’un des comités de direction les plus frustrants dont j’ai fait partie. Nous avons pris des décisions; on les change.

Le sénateur Plett : C’est ce qu’on m’a dit également.

La sénatrice Cordy : Je ne suis pas surprise. Il nous a aussi dit qu’il vous avait consulté à ce sujet. Vous devriez peut-être faire partie du comité.

Le sénateur Plett : J’en fais partie maintenant.

La sénatrice Cordy : Je le sais. C’est frustrant quand, après avoir tranché il y a un mois et demi, le comité revient sur ses décisions moins de 48 heures avant la comparution des ministres. Ces gens-là sont occupés, et vous savez, après votre passage au gouvernement, qu’il n’est pas facile d’obtenir la participation d’un ministre. Ce n’est déjà pas une mince affaire d’amener trois ministres à modifier leur horaire, alors passer de deux heures à trois heures de témoignage...

Le sénateur Plett : Une heure chacun.

La sénatrice Cordy : Trois heures au total. J’ai la parole, sénateur Plett.

Trois heures au total pour les ministres. C’est tout un changement par rapport à ce que c’était.

Il ne sert à rien de planifier si toutes ces décisions doivent être modifiées deux jours avant la comparution des témoins. Je trouve cela très frustrant.

Nous pouvons demander aux ministres s’ils sont prêts à le faire. C’est très gentil de leur part. Si ce n’est pas le cas, alors je pense que nous revenons à leur deuxième changement, non pas à ce qu’ils ont accepté le 20 mars, c’est-à-dire de 9 heures à 11 heures, ce qui, comme je l’ai dit plus tôt, est très généreux.

Le sénateur Woo : Nous devrions donner aux ministres la possibilité de comparaître pendant une heure de plus, mais nous devons leur laisser la souplesse voulue pour organiser l’utilisation de ces trois heures. Ils ont déjà accepté de venir à trois et de témoigner pendant deux heures. Je pense que c’est faute de mieux, mais je suis prêt à ce que vous fassiez de votre mieux pour leur demander d’ajouter une heure et de rester pendant la séance, pour ceux qui peuvent le faire. Autrement, ils pourraient prévoir un programme qui convient au mieux, compte tenu de leur horaire chargé.

Les ministres ont déjà été assez complaisants pour déplacer leur comparution d’une heure. Nous ne devrions pas leur imposer de nouvelles contraintes.

Le sénateur Plett : Par souci de coopération et de collégialité, je vais reformuler ma motion.

La présidente : Merci.

Le sénateur Plett : Que le premier ministre Kenney comparaisse à 8 heures et que nous réservions les créneaux de 9, 10 et 11 heures aux trois ministres.

Ma préférence, et ma motion dira que c’est ce que nous préférons, est que les ministres comparaissent individuellement, mais s’ils choisissent de ne pas le faire, il faudrait que nous ayons trois heures et un minimum d’une heure pour chaque ministre. Si un ministre dit : « Je vais comparaître pendant une partie de la période, mais je ne vais rester que 20 minutes », alors que les autres restent deux heures et 40 minutes, ce ne serait pas acceptable.

La présidente : Une heure chacun.

Le sénateur Plett : Je suis prêt à proposer la motion. Elle tient compte de ce que le sénateur Woo a dit et, en partie, du point de vue de la sénatrice Cordy. Nous sommes tous satisfaits, et nous pouvons aller faire la fête.

Le sénateur Carignan : Vous êtes tellement coopératifs.

La présidente : Non, nous n’allons pas faire la fête. Ce point est réglé.

Le prochain concerne le sous-comité. Accepté? D’accord?

Des voix : D’accord.

La présidente : À la majorité?

Des voix : D’accord.

La présidente : Discutons du sous-comité. L’idée d’un sous-comité, c’est qu’au lieu de discuter de tous les amendements en grand groupe, nous aurions un petit groupe de sénateurs qui essaierait d’examiner les dédoublements pour ensuite présenter les amendements comme un ensemble cohérent. Au départ, nous hésitions à le faire à nous trois. Nous proposons plutôt un sous-comité de six personnes.

J’ai proposé que le sénateur MacDonald, la sénatrice Cordy et moi-même invitions chacun quelqu’un pour que nous soyons six à examiner tous ces amendements. J’ai même pressenti le sénateur Neufeld parce qu’il connaît très bien le sujet et qu’il a présidé le comité pendant de nombreuses années. Il est prêt à faire partie de ce sous-comité. C’est d’accord, ou confions-nous ce travail au comité de direction?

[Français]

Le sénateur Carignan : On a étudié le projet de loi C-58 tout récemment. Or, on n’avait pas nécessairement partagé les amendements et tout s’est bien passé.

Le sénateur Dalphond : Ils ont été partagés.

Le sénateur Carignan : Vous les avez partagés de votre côté, mais nous ne les avons pas partagés parce que les choses évoluaient, ce qui changeait certains amendements. Cela nous a permis de nous ajuster, et tout s’est très bien passé. Le rapport a été déposé aujourd’hui et il contient beaucoup d’amendements. Le comité a tout de même fait un bon travail. De toute façon, on procède article par article, une section à la fois. Ainsi, on couvre tous les amendements de façon logique. Par conséquent, je ne crois pas qu’on ait besoin d’un sous-comité. On peut faire ce travail en comité, mais on doit le faire de manière structurée.

Je regarde la greffière. Cela va demander une bonne dose de concentration pour s’assurer qu’on n’oublie pas d’amendements. Je pense que ça s’est bien passé dans le cas du projet de loi C-58.

La présidente : Si c’était un petit projet de loi ou un moyen projet de loi, mais...

Le sénateur Carignan : Le projet de loi C-58 n’est pas un petit projet de loi. Il s’agit de la politique du gouvernement sur la transparence.

La présidente : Le projet de loi C-69 compte plus de 300 pages. Il y a beaucoup d’amendements. Nous avons reçu les mêmes amendements. Vous avez reçu les amendements de l’Association canadienne des producteurs pétroliers et de l’Association canadienne de pipelines d’énergie. Il faudrait demander à l’autre greffier de travailler en double sur une quarantaine d’amendements. Donc, je pense que c’est...

Le sénateur Carignan : Personnellement, j’aurai des amendements à présenter que je n’ai reçus de personne, et je suis capable de le faire.

La présidente : Toutefois, cela n’enlève rien de travailler là-dessus et de présenter d’autres amendements. N’importe qui peut déposer des amendements à n’importe quel moment. Même quand on ira devant le Sénat, d’autres amendements seront déposés. L’idée est d’essayer de savoir quels amendements ont été reçus et lesquels ont obtenu un consensus de la part du comité. Par la suite, il y aura plein d’autres amendements. Le sénateur Forest veut également présenter des amendements.

Le sénateur Carignan : Oui, je vais les présenter.

La présidente : C’est parfait.

Le sénateur Dalphond : Si je comprends bien, un sous-comité serait chargé des amendements qui ont été proposés par les intervenants.

La présidente : Oui.

Le sénateur Dalphond : Chacun pourrait ensuite proposer ses amendements en parallèle. Le sous-comité ne traite que les amendements qui ont été proposés par les intervenants, ce qui n’empêcherait pas les autres...

Le sénateur Carignan : Selon ma compréhension, le sous-comité ne présentera pas les amendements. Il va les mettre en ordre. Il va les classer et les structurer, mais il ne les adaptera pas.

La présidente : Non, on ne peut pas les adapter au sein de notre comité. Les amendements seront présentés ici quand même. Ça ira plus vite.

[Traduction]

La sénatrice Cordy : C’est au comité des affaires sociales que j’ai vu l’un des meilleurs moyens d’aborder les amendements proposés à un projet de loi important. Sauf erreur, sénatrices Stewart Olsen et Seidman, vous vous êtes occupées toutes les deux de cette question. Le comité de direction cherchait le moyen de parvenir à une présentation structurée des amendements. Pour ma part, peu m’importe que les sénateurs fassent connaître la teneur de leurs amendements, mais je souhaite que nous puissions regrouper les divers amendements en catégories comme l’environnement, l’industrie, la zone extracôtière, selon ce que nous déciderons. D’après les propos de la présidence et les échanges que nous avons eus, il faudrait que l’étude des amendements soit structurée. Le sous-comité ou le comité de direction, selon ce que nous déciderons, classera les amendements en divers groupes ou fixera la façon de les aborder, et chacun pourra décider où ses amendements se rangent.

Ce que j’ai constaté, moi qui n’étais pas membre du comité des affaires sociales, c’est que, lorsque les amendements ont été présentés au Sénat, il était beaucoup plus facile de s’y retrouver, car on savait par exemple que les amendements sur la zone extracôtière seraient abordés le mardi après-midi, à 15 heures ou à un autre moment. Il me semble que votre façon de faire a été excellente. Comment vous y êtes-vous pris? Le comité de direction s’en est chargé? Il s’agissait du projet de loi C-45, portant sur le cannabis.

La sénatrice Stewart Olsen : Nous avons fait la même chose dans le cas de l’aide médicale à mourir.

La sénatrice Seidman : C’était au Sénat. La sénatrice parle du comité.

Le comité de direction des affaires sociales n’a joué aucun rôle au départ. Ce qui s’est passé, d’après moi, c’est que, pour le comité, chaque caucus a structuré ses amendements autour de thèmes et les a regroupés.

La sénatrice Cordy : Mais qui a défini les thèmes? Peu importe comment les caucus s’y prennent, comment ils les présentent, peu importe s’il y en 10 ou 20 et peu importe leur teneur. Je pense simplement que, du point de vue organisationnel, c’est la seule façon d’aborder les choses.

La sénatrice Seidman : Mais vous savez qu’il faut les regrouper article par article. Lorsqu’on les examine en comité, il faut les regrouper de cette façon. Donc, tous les amendements qui visent un même article portent sur la même question. Lorsque les membres du comité reçoivent leur liasse, les amendements sont regroupés. Vous pourriez avoir cinq amendements semblables dont le libellé est identique ou légèrement différent. Ils sont regroupés parce qu’ils visent par exemple le paragraphe 5.1(1) du projet de loi. Les membres les étudient un à la fois. Si des amendements sont identiques, certains membres peuvent se désister, disant qu’ils n’ont pas besoin de présenter leur amendement parce qu’il y en a un autre semblable qui lui est supérieur, par exemple. Le comité s’en occupe au fur et à mesure pendant l’étude article par article. C’est au Sénat que le regroupement thématique se fait.

La sénatrice Cordy : Donc, une fois tous les amendements reçus, le comité de direction les a regroupés?

La sénatrice Seidman : Non, le greffier.

Le sénateur Woo : Ce que la sénatrice Seidman a décrit, il me semble, en ce qui concerne le tri des amendements en double, c’est ce que le sous-comité ferait, d’après moi. Je suis presque certain qu’il y aura de nombreux amendements sur la même question, et probablement sur le même article. Nous savons tous que différents groupes de l’industrie et différents intervenants ont présenté des amendements visant le même article et dont le libellé est radicalement différent. Nous pourrions peut-être examiner la question au moment de l’étude article par article, mais je sais ce qui s’est passé dans le cas du projet de loi C-58. Lorsque vous vous êtes enlisés dans l’étude de ce projet de loi, vous avez interrompu l’étude article par article et vous avez demandé de nouvelles audiences d’experts. Vous avez convoqué de nouveau la commissaire à l’information.

Nous ne voulons pas d’une situation où nous passerions à l’étude article par article, remarquerions qu’il y a cinq amendements sur le même article et que nous ne comprenons pas un ou deux d’entre eux, et serions coincés. J’essaie de débroussailler, en quelque sorte. Il se peut que nous insistions tous sur nos amendements; nous pensons avoir le meilleur et nous voulons qu’il soit mis aux voix. C’est possible.

D’un autre côté, je vais peut-être prendre connaissance de votre amendement visant le même article et conclure que son libellé est en fait supérieur, si bien que je retirerai le mien avant même l’étude article par article.

Il s’agit d’être plus efficace. C’est tout ce que nous voulons. Nous devons toutefois être prêts à communiquer les amendements.

La sénatrice Seidman : Pourquoi avons-nous besoin d’un sous-comité? Lorsque nous avons procédé de cette façon au comité des affaires sociales, nous avons préparé la liasse des amendements une semaine à l’avance et nous l’avons communiquée.

Le sénateur Woo : Parce que notre date limite est le 9 mai et parce que nous devons commencer l’étude article par article le 6 mai.

La sénatrice Seidman : Il faudrait peut-être reporter l’étude article par article.

Le sénateur Woo : C’est une autre question. Le comité a adopté une motion portant présentation du rapport le 9 mai. Il s’agit d’une motion du comité. Cette motion tient toujours, et les leaders s’en sont simplement tenus à la décision que nous avons prise.

La présidente : Il y a deux accords, celui du comité et celui des leaders. Nous avons décidé, dans l’Est, de demander au leader d’envisager un report, mais nous n’avons pas eu de réponse. Nous devons donc encore travailler en fonction du 9 mai.

Le sénateur Plett : Il faut encourager le sénateur Woo à insister pour obtenir cette réponse, car c’est lui qui insistait pour ne pas en avoir.

Le sénateur Woo : J’invoque le Règlement, madame la présidente. Le sénateur Plett vient de révéler des renseignements venant d’une réunion que je croyais confidentielle. Il a soulevé la question de privilège contre moi.

Le sénateur Plett : Non.

Le sénateur Woo : Je ne vais pas insister là-dessus.

Le sénateur Plett : La réunion n’est pas confidentielle.

La présidente : La sénatrice McCoy.

La sénatrice McCoy : Merci. À mon avis, le processus que la sénatrice Seidman a décrit est exact et typique de ce que nous avons fait. J’ai deux observations à faire, toutefois, à la lumière de ce qui s’est passé dans le cas du projet de loi C-58. J’étais membre du comité pendant l’étude article par article, à la demande des sénateurs du GSI. C’était un projet de loi très imparfait. Il a fallu lui consacrer du temps et se soucier des détails. C’était un projet de loi incroyablement détaillé. Nous y avons travaillé, et je crois que, comme l’a dit le sénateur Carignan, c’était un processus collégial. Nous avons bonifié le processus.

Je dirai néanmoins que, si tout a si bien fonctionné, c’est notamment parce que le président a adopté une position tout à fait neutre, et cela doit être maintenu. Le président était donc là davantage comme modérateur...

La présidente : Exactement. D’accord.

La sénatrice McCoy : ... plutôt que comme quelqu’un qui propose des amendements ou même vote sur ces amendements. C’est donc un élément clé qui, à mon avis, a été tenu pour acquis, mais qui devrait être explicitement exigé.

Deuxièmement, sénateur Woo, vous dites que nous nous sommes enlisés, mais je ne crois pas que ce fut le cas. Ce qui nous posait problème, c’était l’aspect pratique des amendements que nous avions proposés. Nous avons voulu savoir quel serait leur effet en temps réel, dans la pratique réelle, l’impact de notre proposition. Nous avons donc demandé à la commissaire à l’information de nous donner son honnête point de vue, et elle nous a répondu : « S’il vous plaît, ne faites pas cela maintenant. Pourrions-nous attendre un an? » Nous avons donc accédé à sa demande. Cette disposition, nous la souhaitions tous et nous en avions envie, mais la question très concrète était de savoir si elle pouvait être appliquée efficacement lorsque le projet de loi aurait reçu la sanction royale, pour peu que le gouvernement accepte l’amendement. Cela, ce n’est pas s’enliser, c’est faire preuve de prudence.

Nous sommes entrés dans la légende parce que l’étude article par article s’est étalée sur cinq ou six séances. On me dit que c’est très inhabituel. Remarquez que ce fut l’un des projets de loi les plus mal rédigés que j’aie eu le malheur de lire. Deuxièmement, c’est l’une des lois les plus détaillées et les plus complexes où nous avons dû essayer de nous retrouver. Ce n’est pas sans rappeler la complexité et le niveau de détail du projet de loi dont nous discutons maintenant.

La présidente : Merci.

La sénatrice McCoy : Si vous me le permettez, je voudrais terminer mes observations.

Si on dit qu’il y a un délai à respecter au lieu d’un objectif à atteindre, ne limite-t-on pas en fait l’efficacité? Il est très possible qu’on se trouve... Lorsqu’on entreprend une étude article par article, il peut arriver qu’on doive passer de l’article 1 à un autre qui se trouve 400 pages plus loin. Si on s’impose une limite de quatre heures, on se précipite et on finit par manquer de temps. On se retrouve...

La présidente : Sénatrice McCoy, nous avons d’autres...

La sénatrice McCoy : Vous ne vous donnez donc pas la possibilité de chercher à dégager un consensus.

Vous devriez peut-être vous donner la possibilité de bien faire le travail.

La présidente : La sénatrice Seidman souhaite intervenir.

La sénatrice Seidman : Si vous me le permettez, ce sont là des paroles vraiment sages. Revenons à la motion que le sénateur Woo a présentée au sujet du délai à respecter pour l’étude article par article. Nous avons tous été très clairs lorsque nous avons accepté ce délai à l’unanimité : des circonstances imprévues pourraient nous obliger à repousser ce délai. C’est à cette condition que... Je me rappelle que le sénateur Woo lui-même était d’accord pour dire que des imprévus risquaient de nous obliger à repousser la date limite.

Il ne faut pas perdre cela de vue si nous voulons réussir. Ou allons-nous nous précipiter, quitte à ne pas faire du bon travail? Il faut que les sénateurs aient le temps de prendre connaissance des amendements à l’avance, avant que le comité ne s’attaque à l’étude article par article. Si nous n’avons pas déjà ces amendements et procédons à l’étude article par article la semaine prochaine, c’est tout à fait irréaliste, pour un projet de loi aussi imposant. Nous ne nous donnons pas assez de temps, soit seulement cinq jours pour que tout le monde prenne connaissance des amendements et se fasse une idée... Comme le sénateur Woo l’a dit, il se pourrait qu’un sénateur retire un amendement parce qu’il a pris connaissance d’une meilleure version. Si nous arrivons ici sans préparation pour étudier une centaine d’amendements, nous faillirons à la tâche. Nous avons de bien meilleures chances de faire le travail dans les meilleurs délais si nous les recevons à l’avance et si on nous laisse assez de temps.

J’appuie donc la position de la sénatrice McCoy. Si nous voulons réussir et avoir un projet de loi qui nous semble acceptable, je ne pense pas que nous devions dire qu’il est impératif d’achever le travail le 6 ou le 7 mai.

Le sénateur Plett : Je serai bref, mais je veux au moins faire écho en partie aux propos des sénatrices Seidman et McCoy et même à ceux du sénateur Woo.

On fixe toujours des dates, et il n’y a rien de mal à le faire. Il arrive que la situation exige qu’on les modifie. Le comité a déjà demandé un report du délai et cette requête n’a pas été étudiée comme il se doit. Je suggère au comité de rappeler aux dirigeants qu’il a besoin d’une semaine de plus.

Je regarde le document confidentiel que nous avons diffusé dans le monde il y a quelque temps. Il indique un moratoire relatif aux pétroliers à compter du 16 mai et dit que le projet de loi C-68 sera adopté le 14 mai. Il n’y a rien de mal. Ce n’est pas faire traîner les choses que de demander une semaine de plus.

Il est matériellement impossible, madame la présidente, compte tenu de la quantité d’amendements que vous évoquez, que le travail se fasse d’ici la semaine prochaine. C’est une impossibilité. Essayons donc de fixer une date réaliste. Cela nous donnerait au moins la possibilité, madame la présidente, de quitter cette réunion, ce soir, et d’aller discuter avec nos propres groupes et de voir si nous appuyons l’idée d’un sous-comité.

Je n’ai jamais vu cette façon de faire depuis 10 ans que nous sommes ici, mais c’est peut-être une bonne idée. Pouvons-nous prendre une décision tout de suite, à 21 heures passées, alors qu’il y a des divergences de vues? Je suis d’avis qu’il faut remettre cela à jeudi. Nous déciderons, soit dans nos caucus, soit comme groupe, ici même, si nous souhaitons prendre cette orientation. Nous accepterons la demande de report jusqu’au 14 ou au 16 mai. Je ne suis pas certain de ce que dit la lettre. Cela pourrait être modifié pour que ce soit le 16 mai. Très bien, le 14 mai, si nous pensons pouvoir achever le travail d’ici là. Assurons-nous de pouvoir le faire d’ici là, puis nous poursuivrons. Ce serait une meilleure façon de s’y prendre.

La présidente : Je tiens simplement à rappeler que, si la mise sur pied d’un sous-comité est proposée, c’est pour parvenir à une plus grande efficacité.

Le sénateur Plett : Je comprends.

La présidente : D’accord? Et il n’y a aucune intention de déplacer...

Le sénateur Plett : Nous comprenons cela, mais nous aimerions simplement en discuter et c’est l’occasion de le faire.

La présidente : Les autres sénateurs veulent vérifier... Non? C’est tout? Vous, d’accord.

Le sénateur Patterson : Voici comment cela peut fonctionner et fonctionne habituellement. Le comité fixe une date limite pour les amendements. Tous présentent leurs amendements. Le légiste et la greffière du comité, c’est leur rôle, travaillent ensemble, rassemblent les amendements selon des thèmes et une approche logique, puis nous les étudions systématiquement en comité. C’est ainsi que cela fonctionnait par le passé, et le légiste et la greffière connaissent bien ce processus.

Le problème que présente cette approche... Soit dit en passant, je suis d’accord avec vous, madame la présidente, pour dire que nous ne voulons pas sombrer dans le chaos. Cela ne ferait pas bien paraître l’ensemble du Sénat. Il y a sans doute consensus là-dessus. J’ai entendu le sénateur Mitchell le dire aujourd’hui. On s’entend pour dire que le projet de loi peut être amendé ou amélioré. Le gouvernement l’admet. Le ministre l’a dit. Nous avons un intérêt commun à agir de façon cohérente.

Le problème, c’est que la date butoir pour la présentation des amendements a été fixée à demain, 1er mai. Pourtant, nous entendrons le témoignage de ministres le lendemain. Nous recevons également un mémoire. Demain, le parrain du projet de loi organisera une séance d’information qui, je présume, nous permettra de dissiper certains problèmes ou de nous concentrer sur la nécessité d’une réforme.

Tout cela pour dire qu’il est justifié de demander un peu plus de temps. C’est important. Cela nous permettra de nous organiser. Certains disent que le comité est maître de sa destinée. Peut-être devrions-nous prendre une décision, plutôt que de demander aux dirigeants de le faire. Peut-être devrions-nous décider, pour toutes ces raisons, d’un nouveau calendrier et d’un nouveau processus. L’idée d’un sous-comité peut être séduisante, mais qui en fera partie? Comment ses membres sont-ils choisis? Quel est le lien avec le comité de direction?

Nous avons un processus qui a fait ses preuves. Il y a une date limite pour la présentation des amendements. Le légiste et la greffière du comité préparent une liasse d’amendements. Nous avons le temps de les examiner, ce qui est très important, de les considérer dans le contexte de ce que les ministres vont nous dire, de ce que la séance d’information du sénateur Mitchell va nous révéler. Nous avons besoin d’un peu plus de temps.

La présidente : Oui. Je veux simplement dire que, si nous procédons de cette manière, nous devrons donner la permission au légiste de communiquer les textes et tous pourront discuter. Mettons que vous deux, vous vous rencontrez, ces deux autres aussi et deux autres encore...

Le sénateur Patterson : Le légiste travaille pour tout le monde. Il est au service du Sénat.

Le sénateur Plett : À l’heure actuelle, il n’a pas le droit de communiquer quoi que ce soit à qui que ce soit.

La présidente : Vous comprenez?

Le sénateur Patterson : Je comprends.

[Français]

Le sénateur Carignan : J’aimerais dire que je suis d’accord avec ce que les sénateurs Plett, McCoy et Seidman ont dit. J’aimerais qu’on fasse attention. Il va falloir y aller article par article; c’est la façon la plus logique.

La présidente : Non, c’est la procédure.

Le sénateur Carignan : Il faut faire attention à la date butoir pour les amendements, parce que la pression sera sur le légiste qui devra les rédiger. Si on impose une date butoir au légiste, il va probablement faire une dépression. Il vaut mieux prendre le temps nécessaire pour faire le travail correctement. Si on bouscule le processus et qu’on ne fait pas le travail correctement ici, tous les amendements qui n’auront pas été traités vont se retrouver devant la Chambre. Donc, il est préférable de faire le travail au comité plutôt que de laisser 15 ou 20 amendements non traités et d’être obligés d’en discuter en Chambre, avec le délai que cela suppose. Je pense qu’il est préférable de faire le travail proprement ici.

[Traduction]

Le sénateur Dalphond : J’ai trouvé excellente l’idée de la sénatrice Seidman. Elle fait presque consensus. Pas de sous-comité, mais une date limite pour le dépôt des amendements. Ceux-ci seront communiqués et les membres auront quelques jours pour les étudier avant que le comité ne passe à l’étude article par article. Nous avons procédé de la sorte pour près des trois quarts du projet de loi C-58. Nous avons discuté et nous avons retiré certains amendements parce qu’il y avait toujours des doubles emplois. Ce sera une bonne façon de procéder. L’idée de la sénatrice Seidman est excellente.

La présidente : N’oubliez pas que n’importe quel sénateur peut présenter un amendement à n’importe quel moment.

Le sénateur Plett : Cela dit, madame la présidente, pour revenir à ce qu’a dit le sénateur Dalphond, il y a peut-être des sénateurs ici présents qui veulent bien communiquer leurs amendements, mais je ne crois pas que nous puissions l’imposer à quelque sénateur. Il y en a peut-être qui ne veulent pas le faire.

Le sénateur Dalphond : Il serait plus efficace que tout le monde communique les amendements de bonne foi.

La présidente : Nous avons maintenant quelques problèmes auxquels vous pouvez réfléchir. Par exemple, quels amendements voulez-vous voir proposés? Voulez-vous les communiquer aux autres ou non? La date limite était demain. Vous en souvenez-vous? C’est ce que le comité a décidé.

Le sénateur Plett : Mais cette date butoir ne peut pas s’appliquer, madame la présidente, si les ministres n’ont pas comparu.

La présidente : Je comprends, mais nous devons commencer à étudier les amendements, n’est-ce pas? Nous en reparlerons à la prochaine séance. Réfléchissez aux dispositions que vous voulez prendre. Très bien. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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