Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 8 - Témoignages du 6 mai 2016
HALIFAX, le vendredi 6 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 7, pour étudier les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada (cercle de partage).
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie tous de votre présence. Ce matin, nous allons faire quelque chose d'un peu différent de ce que fait le comité d'habitude : nous aurons un cercle d'échange sur la justice réparatrice organisé par Mme Llewellyn, professeure à l'Université Dalhousie. Nous la remercions au nom du comité pour tout le travail qu'elle a fait.
Je cède maintenant la parole à Jennifer.
Jennifer Llewellyn, professeure, Schulich School of Law, Université Dalhousie, à titre personnel : Merci beaucoup, monsieur le président, de nous laisser ouvrir vos audiences à Halifax de cette façon. Nous savons que c'est un peu étrange, mais nous sommes vraiment heureux de commencer ainsi. Nous savons que cette formule est nouvelle pour vous; elle vous permettra donc de décider s'il vous plairait de recommencer. Nous allons nous présenter au fur et à mesure, mais je voulais vous donner un aperçu du processus.
Il y a deux grandes raisons de tenir un cercle de partage. La première est de nous donner l'occasion de vous montrer quelques-uns des processus que nous utilisons en justice réparatrice. Nous pourrons ainsi vous montrer comment nous utilisons des pièces de conversation, comment nous nous parlons les uns aux autres directement et non à travers une table. Nous avons pensé que ce serait un autre moyen pour vous d'avoir une idée du travail que nous faisons dans la province. Bien sûr, il y a de nombreux processus, pratiques et moyens de travailler d'une manière réparatrice. Par conséquent, nous ne vous présentons pas nécessairement un modèle unique en son genre. Nous voulons juste vous donner une idée.
L'autre raison est que cela nous donne la possibilité de nous parler les uns aux autres, comme nous le faisons souvent même si nous sommes dans des régions différentes et avons des centres d'intérêts différents, car nous avons en commun notre engagement envers l'approche réparatrice. Cela donne aussi la possibilité d'avoir un impact collectif dans les domaines qui vous intéressent aujourd'hui à cause de votre étude. Il s'agit de notre impact collectif sur la sécurité publique et sur la façon dont nous affrontons les conduites et les comportements nuisibles ainsi que leurs effets sur la communauté, la façon dont nous mobilisons les ressources de nombreux systèmes pour éviter de surcharger la structure du système de justice pénale ou de la considérer comme le seul moyen de régler les problèmes et de lui confier, à ce titre, des affaires qui seraient mieux réglées ailleurs. Nous croyons que cela a d'énormes incidences sur le système de justice pénale, qui pourrait alors mieux fonctionner, sur la façon dont nous travaillons dans ce système, sur ce que nous faisons dans la communauté et dans nos autres systèmes sociaux pour soulager les pressions qui s'exercent sur le système. Tout cela aboutit à une plus grande justice dans le système et dans les communautés.
Nous avons ici beaucoup de gens qui ne viendraient pas normalement vous parler des délais dans le système de justice pénale. Cela est intentionnel. Nous avons ainsi l'occasion de nous parler les uns aux autres. Cette approche est souvent appelée « technique de l'aquarium ». Ainsi, nous sommes dans l'aquarium et vous pouvez nous regarder nager. Nous espérons que cela deviendra naturel et que vous commencerez à avoir l'impression de participer à notre conversation même si vous n'êtes pas directement dans le cercle.
Nous aurons trois tours de questions que j'animerai faire avec le groupe. Ensuite, nous envisagions de venir nous asseoir avec vous dans le cercle afin de vous donner l'occasion de nous poser quelques questions.
D'ordinaire, l'animateur pense beaucoup à l'endroit où les gens sont assis, à leur façon d'entrer dans la salle et à leur degré de préparation. Ensuite, nous guiderons la conversation au moyen de questions ou de discussions. C'est mon rôle. Nous nous servons de pièces de conversation, pas toujours, mais assez souvent. C'est en partie un mécanisme destiné à diriger la discussion. Ainsi, les gens qui tiennent la pièce ont la possibilité de se faire entendre et de parler; ils peuvent passer la pièce, mais ils ont eu l'occasion de la tenir. Cela donne aux membres du groupe la possibilité de contrôler dans une certaine mesure leur propre comportement. Dans beaucoup de groupes, vous entendrez des gens dire gentiment : « Ah, vous n'avez pas la pièce de conversation. » Aujourd'hui, pour éviter le désordre, nous utiliserons — à juste titre, je crois — un microphone comme pièce de conversation. Je ne suis pas sûre qu'il ait le même effet qu'un objet lourd pouvant vous rappeler que vous êtes en train de parler, mais, le plus souvent, il n'empêche pas les gens de parler beaucoup. Nous verrons comment les choses se présenteront. Nous ferons donc passer ce micro comme pièce de conversation et nous aurons la possibilité de laisser des gens intervenir pour faire des commentaires les uns aux autres simplement en cédant le micro. Vous pouvez donc considérer soit que le micro a un sens particulier pour le groupe soit qu'il sert simplement à céder la parole à d'autres.
À moins que vous ne pensiez que j'ai oublié quelque chose dans mes explications, je vais inviter les gens à se présenter au cours du premier tour et à parler un peu de leur travail relatif à l'approche réparatrice.
Je leur ai passé les questions d'avance pour situer le contexte parce que nous voulons vous donner une base suffisante pour que vous puissiez poser des questions sans avoir à rester dans le cercle extérieur pendant trop longtemps. Je vais donc vous demander, dans une minute ou deux, de donner votre nom, votre lieu de travail et le lien entre ce que vous faites et l'approche réparatrice.
Il y a une autre chose que je vous demanderai de faire si vous pouvez vous en souvenir. J'essaierai de faciliter les choses à cet égard. Je vais signaler au fur et à mesure qu'Emma ou Jennifer ou Scott ait la parole parce qu'il y aura un procès-verbal de la rencontre d'aujourd'hui. Si vous ne vous identifiez pas au cours de l'échange, je pourrais simplement dire votre nom ou vous remercier sans paraître trop formelle. Je répéterai cela lorsque nous rejoindrons le grand cercle.
Emma, j'ai pensé que vous pourriez commencer. Nous continuerons ensuite en suivant le cercle. Pour répondre à la première question, vous direz qui vous êtes, ce qui vous a amené ici et de quelle façon votre travail est lié à une approche réparatrice dans la province.
Emma Halpern, agente d'équité et d'accès, Nova Scotia Barristers' Society : Merci beaucoup de votre invitation. Je m'appelle Emma Halpern. Je suis avocate. Je travaille pour la Nova Scotia Barristers' Society, où je dirige le bureau de l'équité et de l'accès à la justice. J'ai commencé à connaître l'approche réparatrice en 2007, très tôt dans ma carrière juridique. Je travaillais alors pour l'Aide juridique de la Nouvelle-Écosse et je vivais à Yarmouth. Je me suis occupée d'un grand nombre de dossiers criminels d'adolescents. J'ai pu me rendre compte en peu de temps que beaucoup de choses causaient des retards et engorgeaient le système judiciaire alors qu'il aurait été possible de les régler ailleurs.
Je me suis intéressée particulièrement au règlement de ces problèmes dans le contexte scolaire. J'ai commencé à travailler pour la Restorative Justice Agency — dont vous rencontrerez les représentants plus tard aujourd'hui —, Tri- County Restorative Justice sur une initiative de justice réparatrice à l'école, qui a plus tard pris le nom d'initiative pour une approche réparatrice à l'école. Je me suis occupée de cette initiative pendant un certain nombre d'années, même après avoir assumé mes fonctions à la Nova Scotia Barristers' Society. C'est ainsi que ma façon de penser a évolué pour laisser une place à l'approche réparatrice non seulement dans le système de justice pénale, mais aussi à l'école, au travail et dans d'autres systèmes. J'en dirai davantage à ce sujet plus tard.
J'ai récemment participé à des travaux dans deux domaines où je vois une possibilité d'adopter une approche réparatrice. Il y a d'abord la réglementation des services juridiques. Le travail dans ce domaine en est encore à ses premiers balbutiements, mais l'idée est de penser aux organismes réglementés et à la façon dont ils pourraient adopter une approche réparatrice.
Enfin, il y a le domaine de l'accès à la justice, qui est au cœur de mes principales fonctions. Une bonne part de la réflexion à cet égard s'est située à un niveau élevé, tournant autour des principes et des valeurs qui interviennent lorsqu'on pense à l'accès à la justice, à la complexité des problèmes et, partant, à la façon d'aborder cet accès sous un angle réparateur. J'en reparlerai plus tard.
Jennifer Furlong, directrice générale, Cumberland Restorative Justice Society : Bonjour. Je m'appelle Jennifer Furlong. Je suis directrice générale de la Cumberland Restorative Justice Society qui se trouve dans le nord de la province dans la ville d'Amherst. Nous desservons le comté de Cumberland. Nous sommes l'agence de justice réparatrice de la région. Il y en a huit dans la province. Elles sont chargées de mettre en œuvre le programme de justice réparatrice de la Nouvelle-Écosse auprès des jeunes délinquants.
Je travaille pour le programme depuis 1999, je crois. J'ai commencé comme bénévole, et je suis restée là. Le travail me convient bien parce que j'aime beaucoup travailler avec les jeunes et avoir des contacts avec la communauté. Je suis passée à l'éducation communautaire lors de l'adoption de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Je suis directrice de l'agence depuis janvier 2009.
Dans les premiers temps de la justice réparatrice pour les jeunes, le travail consistait essentiellement à faire de la gestion de cas et à traiter des dossiers. Au cours des cinq ou six dernières années, nous avons pu étendre notre rôle en pensant davantage à la façon d'appliquer la justice réparatrice et d'utiliser une approche réparatrice. Par conséquent, j'ai maintenant beaucoup plus de contacts avec la communauté, intervenant à des endroits tels que le Centre de ressources familiales Maggie's Place ou le YMCA de Cumberland et appuyant les approches réparatrices dans les écoles. C'est l'essentiel du travail que je fais maintenant. J'en dirai plus à ce sujet plus tard.
Stephanie MacInnis-Langley, directrice générale, Nova Scotia Advisory Council on the Status of Women : Bonjour. Je m'appelle Stephanie MacInnis-Langley. Je suis directrice générale du Conseil consultatif sur la condition féminine de la Nouvelle-Écosse. J'ai eu de multiples carrières dans les 30 dernières années. J'ai commencé à m'occuper des approches de justice réparatrice dans les années 1980. J'appartiens donc à la vieille école, et j'ai toujours fortement cru à la nécessité de concentrer notre attention sur les besoins des personnes victimisées ou marginalisées dans notre société et sur les moyens de renforcer nos capacités afin d'assumer de plus grandes responsabilités collectives de différentes façons.
J'ai construit et dirigé un refuge pour femmes battues dans une communauté rurale. J'avais commencé ma carrière dans cette communauté. Les services offerts étaient complets. J'avais créé ce refuge pour les femmes qui avaient fui leur foyer avec leurs enfants pour échapper à la violence familiale. Nous avons eu des problèmes de transport, d'accès à la justice et de financement. Pendant toute ma carrière, je me suis battue pour défendre les refuges et veiller au bien-être des femmes battues et des personnes vulnérables de la Nouvelle-Écosse. J'ai été la première directrice des initiatives spéciales en faveur des victimes. Lorsque j'ai renoncé au travail communautaire dans les années 1990 pour venir travailler au gouvernement, je l'ai fait pour influencer la façon dont le système de justice traite les victimes de violence.
Par conséquent, cela m'aide à boucler la boucle parce que c'est un privilège d'être ici aujourd'hui et de vous parler, comme directrice des initiatives spéciales, de deux de mes centres d'intérêt. Le premier concerne l'élaboration d'un protocole de coordination des cas à grand risque, qui a été approuvé par les ministres et nous a permis de nous parler les uns aux autres d'une façon réparatrice et respectueuse des problèmes de violence dans les familles et des moyens de travailler ensemble pour assurer la sécurité des victimes au sein de leur famille.
Ce travail a été vraiment remarquable. Nous avons dû surmonter tous les obstacles de la confidentialité, surtout au sujet de la réaction de notre système, et il a fallu déployer de très grands efforts pour amener les ministères, le gouvernement et la communauté à agir de concert.
Grâce à cette initiative, nous avons développé avec les services de police de la Nouvelle-Écosse des moyens de réaction fondés sur l'évaluation des grands risques. Les services aux victimes avaient mis en place des évaluations de risques à l'intention des victimes, mais nous n'avions pas la même chose au niveau de la justice pénale. Les services de police de la Nouvelle-Écosse ont été de merveilleux partenaires. Ils ont créé avec nous des moyens de réaction et d'évaluation des cas à risque élevé que traite le système de justice pénale. Ils ont été de vrais partenaires depuis le début de ce travail.
Ma première priorité, comme directrice de la prévention du crime, a été la stratégie de prévention du crime, qui était la première de son genre en Nouvelle-Écosse. J'ai beaucoup insisté en outre pour investir dans des programmes de prévention et pour aider les communautés à concentrer conjointement leurs efforts sur la sécurité et la prévention. J'ai eu le privilège de pouvoir financer, grâce à ce programme, un très grand nombre d'initiatives fondées sur l'approche réparatrice qui ont eu beaucoup de succès.
Comme directrice générale du Conseil consultatif sur la condition féminine, j'applique le même modèle. J'adopte une approche réparatrice et respectueuse, qui m'a valu un grand succès au gouvernement et dans la communauté. Je dirai aussi que nous insistons sur la responsabilité collective à l'égard des plus vulnérables ainsi que sur la façon dont cette responsabilité s'exerce dans les différents systèmes et les différentes communautés dans le cadre d'approches réparatrices. Pour moi, ces approches ont une grande importance. Je crois qu'elles offrent un moyen de renforcer les communautés et les systèmes. J'ai passé 15 ans dans le système de justice pénale, ayant exercé pendant une grande partie de mes premières années les fonctions de spécialiste de l'aide aux victimes auprès des tribunaux. Je suis souvent sortie des salles d'audience en compagnie des victimes sans savoir si les agresseurs seraient punis ou non et sans connaître le résultat des mesures prises. J'appuie donc fermement les nouvelles voies.
Scott Milner, directeur, Service d'éducation, Chignecto-Central Regional School Board : Bonjour. Je m'appelle Scott Milner. Je suis directeur du Service d'éducation du conseil scolaire de Chignecto, dans le nord de la Nouvelle-Écosse. Je suis responsable de près de 20 000 étudiants et de 70 écoles.
C'est en fait grâce à Emma que j'ai entrepris mon parcours vers l'approche réparatrice. Emma m'a influencé depuis 2007 ou 2008 dans le cadre d'ÉcolesPlus. J'admets volontiers qu'il m'a fallu du temps pour accepter cette théorie et cette idée relationnelle. Longtemps directeur d'une école intermédiaire, j'en suis venu petit à petit à comprendre l'importance de l'approche relationnelle par rapport à une approche fondée sur la conséquence de l'acte, si je peux m'exprimer ainsi.
J'ai également compris, pendant la période que j'ai passée dans l'administration scolaire, que c'est un moyen de penser à la façon de travailler ensemble pour influencer la culture des écoles, la culture de nos organisations, pour agir non seulement sur les étudiants mais aussi sur leur famille, et pour nouer des liens entre eux. J'ai donc passé beaucoup de temps récemment à réfléchir à l'approche relationnelle comme moteur et agent d'influence de l'organisation, dans le but de m'assurer que nous sommes reliés les uns aux autres et à nos communautés et que nous ne nous bornons pas à traiter des dossiers d'étudiants.
Ce que je dis peut vous sembler cru, mais il arrive parfois, dans une journée occupée, que nous ne pensions pas suffisamment les uns aux autres. Dans mon expérience du travail dans le système scolaire, je me rends compte que nous avons passé beaucoup de temps — Jennifer Furlong a aussi eu une grande influence — à penser à la façon de travailler avec nos écoles pour nous assurer que chacun comprenne la théorie et l'approche relationnelle. Dans les quatre ou cinq dernières années, nous avons essayé d'amener petit à petit nos écoles à cette compréhension. Plus tard, je vous parlerai de quelques-uns des résultats que nous avons pu observer. En fait, au moment où je vous parle, des enseignants discutent de la théorie relationnelle et de la façon dont elle peut être reliée aux méthodes d'enseignement. La grande question qui se pose maintenant porte sur la façon d'agir sur les programmes d'études en tenant compte de ces idées.
Je vous remercie.
Jocelyn Yerxa, directrice par intérim, ministère des Aînés, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Bonjour. Je suis Jocelyn Yerxa. Je travaille pour le ministère des Aînés de la Nouvelle-Écosse comme coordonnatrice du développement communautaire et, depuis deux ans et demi, comme directrice par intérim de ce que nous appelons la Division des programmes.
Je me suis familiarisée avec l'approche réparatrice en 2009 lorsque, ayant commencé à travailler pour le ministère, j'ai été chargée de m'occuper de la maltraitance des personnes âgées dans la province, des moyens de la combattre et de la façon de soutenir les programmes de sécurité destinés aux aînés. Dans notre province, des organismes à but non lucratif s'occupent de ces programmes en partenariat avec les services de polices locaux. Souvent, les employés de ces organismes travaillent dans les postes de police, en étroite collaboration avec les agents. Ce sont des programmes vraiment efficaces qui répondent aux besoins des aînés. Par conséquent, quelles que soient les difficultés que connaissent les aînés dans leur communauté, ils peuvent parler à des gens de ce qui leur arrive et obtenir de l'aide.
Les cas de maltraitance de personnes âgées dans leur propre famille ou ailleurs constituent les principaux problèmes que doivent affronter ces travailleurs. Aussitôt que j'ai commencé à exercer mes fonctions, ceux-ci sont venus me voir pour me dire qu'ils ne savaient pas quoi faire et que c'était leur principal défi. Ils m'ont parlé des multiples raisons pour lesquelles ces cas n'étaient pas soumis au système de justice pénale et m'ont dit qu'ils se sentaient perdus chaque fois qu'ils cherchaient un moyen d'aider un aîné.
J'ai eu la chance de tomber sur l'approche de justice réparatrice, puis d'être en mesure de prendre contact avec de nombreux partenaires partout dans la province, dont certains membres de ce cercle ainsi que Jennifer et le ministère de la Justice, et d'essayer de considérer le problème autrement afin de pouvoir aider les aînés, les familles et la communauté à se sentir plus en sécurité et à affronter leurs difficultés.
Depuis près de sept ans, nous développons avec nos partenaires communautaires une approche plus adaptée aux besoins des aînés, qui considère la communauté dans son ensemble, qui nous permet de nous soutenir les uns les autres et de créer un environnement où nous nous sentons en sécurité et avons l'impression de faire partie de la communauté dans les efforts que nous déployons pour régler des problèmes difficiles.
Tony Smith, coprésident, Council of Parties for the Restorative Public Inquiry into the Home for Coloured Children : Bonjour. Je m'appelle Tony Smith. Je suis un ancien pensionnaire de l'orphelinat pour enfants de couleur de la Nouvelle-Écosse. En 1998, j'ai commencé à dénoncer des abus commis dans cet établissement. En 2001, nous avons intenté des poursuites individuelles contre le gouvernement et l'orphelinat. En 2012, nous avons tenu notre première réunion d'anciens pensionnaires et avons créé l'organisation VOICES, ou Société pour les victimes de l'exploitation institutionnelle des enfants. Nous avons défendu les droits des anciens pensionnaires et sommes en fait parvenus à une entente hors cour avec le gouvernement provincial et l'orphelinat pour enfants de couleur. Nous avons aussi obtenu des excuses de ces deux parties.
Nous avons en outre ouvert une enquête publique que nous avons appelée enquête réparatrice. Je ne savais pas grand-chose de la justice réparatrice, mais il y a une chose que je connais : en 2012, lorsque nous nous sommes réunis pour la première fois avec le stress, l'anxiété et la douleur que beaucoup d'entre nous ressentaient — car nous ne nous connaissions pas et que le plus âgé d'entre nous avait alors 86 ans — nous nous étions dit : « Quoi que nous fassions, nous voulons être sûrs de ne plus faire de mal. » Avec les avocats, nous avons rencontré Jennifer Llewellyn. Nous avons eu une bonne conversation avec elle, et elle a commencé à nous faire comprendre que ce que nous faisions correspondait exactement à l'approche réparatrice. Elle a beaucoup fait pour nous aider. Nous avions une équipe de conception qui portait le nom d'Ujima. Elle se composait de représentants du gouvernement, de la communauté, de l'orphelinat pour enfants couleur et de son conseil d'administration ainsi que d'anciens pensionnaires. Nous avons alors élaboré un mandat.
Je voudrais vous donner un exemplaire du texte que nous avons rédigé. Encore une fois, le mandat n'a pas pour objet d'accuser ou de blâmer. Le sankofa est notre pièce de conversation. C'est un oiseau mythique qui vole vers l'avant, la tête tournée vers l'arrière avec un œuf dans son bec. Il nous dit symboliquement que nous pouvons revenir sur le passé pour en tirer des enseignements à utiliser à l'avenir. Nous essayons non de blâmer, mais d'examiner les institutions et la façon dont elles ont manqué à leurs obligations envers nous.
L'une des raisons pour lesquelles l'orphelinat pour enfants de couleur a été créé au départ, c'est que le gouvernement d'alors se souciait peu de l'endroit où étaient placés les orphelins noirs. Le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Stephen MacNeil, nous a présenté des excuses pour les abus auxquels nous avons été soumis. Il ne s'est pas arrêté là. Il a également présenté des excuses à la communauté africaine de la Nouvelle-Écosse pour la discrimination systémique dont elle a fait l'objet pendant toute son histoire. Par conséquent, c'était une excellente occasion pour nous de soulager toute la communauté et de bâtir finalement les relations que nous n'avons jamais eues auparavant avec ces institutions.
Je suis très heureux de faire partie de cette initiative. J'aimerais dire que Jennifer Llewellyn est un être humain extraordinaire. Elle travaille inlassablement et avec acharnement, comme si elle était là tout le temps. Pour nous aider comme groupe, elle ne nous a jamais dit : Voici ce que vous devez faire. Elle disait plutôt : Que voulez-vous faire? Comme individus, nous avons tous quelque chose à apporter à la table, mais quel est le but? Cela étant dit, nous avons élaboré le mandat. Nous nous en servons dans nos contacts avec les communautés. Nous parcourons toute la province, et je suis allé un peu partout au Canada. Lorsque les gens entendent parler de ce processus, ils disent souvent : « Ah bon, d'accord. » Bref, nous ne cherchons pas à vous dire ce que vous devez faire. Nous voulons plutôt savoir ce que vous pouvez apporter à la table. Que pouvez-vous nous dire qui puisse nous aider à vous aider? Je suis donc extrêmement heureux d'être ici aujourd'hui.
Mme Llewellyn : Merci beaucoup à tous. Nous avons eu une excellente introduction sur la portée du travail que vous avez accompli et sur les façons dont vous avez établi des liens pour avoir un impact collectif et pour agir dans tous les systèmes.
Je me demande si vous pouviez maintenant profiter de l'occasion pour vous aider les uns les autres et aider aussi les sénateurs à comprendre l'influence qu'a eue l'approche réparatrice dans votre secteur de travail ou dans votre façon de travailler. Quelle influence cette approche a-t-elle exercée sur les processus que vous utilisez? Qu'avez-vous réussi à faire que vous n'auriez pas pu faire autrement, qu'y a-t-il de nouveau dans votre façon de travailler dans votre secteur ou avec les autres? Dites ce qui vous passe par l'esprit à ce sujet. Nous avons prévu trois minutes pour chacun. Nous aurons ensuite la possibilité de présenter des commentaires sur ce que chacun aura dit et d'établir encore d'autres liens.
Emma, puis-je vous demander encore une fois de commencer?
Mme Halpern : J'ai beaucoup réfléchi à cette question. D'une certaine façon, je trouve qu'il est très difficile d'y répondre car, pour moi, il y a tant de réponses possibles. Il est probable, si la question m'avait été posée il y a un an, que j'aurais répondu différemment pour dire où j'en suis, où se situe l'impact le plus important et quelles sont les possibilités de changement.
J'ai travaillé dans le cadre d'un certain nombre de systèmes : justice pénale, questions réglementaires, Commission des droits de la personne, bref, beaucoup de systèmes différents. J'ai eu des contacts avec beaucoup de gens qui sont compétents et font du bon travail, mais qui se sentent pris au piège dans le système où ils travaillent. Ils trouvent que le système est englué dans une certaine façon de faire les choses. Même si beaucoup d'entre nous savent que le système ne marche pas vraiment pour les gens que nous voulons servir, nous avons l'impression qu'il n'existe pas beaucoup d'autres choix ou d'autres occasions.
L'approche réparatrice offre justement l'occasion de penser différemment à nos systèmes parce qu'elle place des éléments incroyablement différents au centre. Elle place nos relations au centre. Inévitablement, lorsque les innombrables relations que nous avons sont placées au centre, nous commençons à envisager différemment le problème et la solution à y apporter. Lorsqu'on sait qu'il faut penser au contexte, à la cause, lorsqu'on sait qu'il faut penser d'une manière holistique — car ce sont là quelques-uns des principes de l'approche réparatrice —, lorsqu'on veut être inclusif et orienté sur l'avenir et qu'on se sert de tout cela comme point de départ de la recherche de la solution à tout problème, la façon d'envisager les choses est complètement différente.
Ce qu'il y a de fascinant dans cette approche, c'est qu'elle ne nécessite pas toujours de rejeter globalement tout ce qu'on fait pour recommencer à zéro. Il suffit en fait de penser différemment au problème ou au défi en cause. Qu'il s'agisse de moi, avocate travaillant avec des jeunes qui ont des démêlés avec la justice, ou encore de quelqu'un qui s'occupe du système scolaire ou même de la réglementation professionnelle ou qui se débat contre le très grand problème que représente l'accès à la justice, si on place tous ces principes au centre, on pense différemment au problème et, inévitablement, on arrive à une solution différente, beaucoup plus proactive et relationnelle.
J'ai pensé à vous présenter un petit exemple pour illustrer tout cela. C'est en fait un cas qui m'a amené à faire ce travail. Je travaillais alors pour l'aide juridique quand j'ai reçu cette jeune femme dans mon bureau. Certains d'entre vous connaissent sans doute l'histoire. Elle avait été accusée de voies de fait pour un incident qui s'était produit dans la cour de l'école. Elle était tellement choquée. Elle avait l'impression d'être victime d'une profonde injustice parce que l'accusation découlait de l'intimidation et des horribles insultes raciales auxquelles elle avait été soumise. C'était une jeune étudiante noire du secondaire, l'une des très rares Noires inscrites à cette école où elle se sentait terriblement marginalisée. L'école avait une politique de tolérance zéro envers la violence et avait donc appelé la police, ce qui n'a laissé aucune place pour examiner et comprendre le racisme et l'intimidation dont cette jeune femme avait été victime.
Je n'ai pas le temps d'aller dans tous les détails, mais je peux vous dire que ce processus a suivi son cours. L'affaire a fini par être renvoyée à une approche réparatrice, ce qui a permis à cette jeune femme de retrouver une certaine paix dans la communauté, mais elle n'a jamais retrouvé cette paix à l'école. Elle était en 12e année, mais elle n'a jamais repris ses études. Elle était tellement en colère contre la façon dont elle avait été traitée que sa vie en a été profondément affectée. Voilà ce qui m'a incitée à aller dans les écoles pour dire : « Nous devons penser différemment. » Cela ne veut pas dire que cette jeune femme ne doit pas être tenue responsable de ses actes. Il est évident qu'on ne peut pas laisser des gens aller cogner sur d'autres étudiants dans la cour de l'école. Toutefois, l'affaire est beaucoup plus complexe que cela. Nous devons aussi tenir compte de ce que cette jeune femme a subi pour essayer de soulager le tort qui a été causé. Nous devons examiner la réaction de nos institutions. Nous devons prendre en compte la façon dont elle a ressenti l'école et les autres personnes qui s'y trouvaient, la façon dont d'autres jeunes Noirs ou d'autres enfants subissent la même chose à l'école, la façon dont réagissent les autres étudiants qui observent ce qui se passe. Si nous devons vraiment avancer pour régler les problèmes de ce genre, nous avons besoin d'une approche générale s'appliquant à l'échelle du système pour considérer ensemble tous les facteurs en cause. L'approche réparatrice offre justement cette possibilité.
Voilà ce qui m'a accrochée. Depuis, je travaille dans de très nombreux contextes différents et j'examine les conflits qui se produisent dans mon milieu de travail d'un œil complètement différent. Cette approche m'a donné la possibilité de voir tout ce que je fais dans une optique différente et en fonction d'un ensemble différent de principes. Je crois que le résultat a été vraiment très positif dans toutes sortes de milieux.
Mme Llewellyn : Merci, Emma. Jenn est sur le point de commencer. Vous me verrez me pencher vers les participants tandis que j'essaie de leur faire comprendre qu'ils tiennent la pièce de conversation. Je suis vraiment très, très intéressée, mais je tiens aussi à ce que nous puissions avancer.
Jennifer.
Mme Furlong : Merci.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, mon travail est centré sur les jeunes délinquants et le programme de justice réparatrice de la Nouvelle-Écosse. Ce n'est que récemment que j'ai commencé à voir dans la justice réparatrice une véritable révélation : « Oh oui, voilà l'approche réparatrice de la justice. » Dans les premières années qui ont suivi la transition entre les mesures de rechange et la justice réparatrice, le système de justice pénale utilisait l'approche pour les infractions mineures et les délinquants primaires. J'ai souvent pensé que les jeunes renvoyés à la justice réparatrice étaient les plus susceptibles d'aller jusqu'au bout du programme et de ne pas récidiver. Il appartenait à la police de choisir à son gré ceux qui méritaient de participer à ce programme.
Avec les années, nous avons été témoins d'une importante évolution. Les cas renvoyés ne se limitaient plus au vol à l'étalage et au vandalisme. Nous recevions des cas vraiment complexes. Nous pouvions avoir un jeune accusé pratiquement de n'importe quoi. Chaque fois, nous creusons pour déterminer ce qui les a amenés là et utilisons l'approche réparatrice et les principes du holisme et de l'inclusivité pour examiner les facteurs contributifs. Il y a des familles en crise et des jeunes laissés-pour-compte, comme on dit, qui n'ont plus de liens avec l'école et la communauté. Grâce à l'optique réparatrice, j'ai l'impression que nous faisons un bien meilleur travail pour répondre à leurs besoins.
Avec les années, nos partenaires collaborent plus volontiers. Agents de police et procureurs de la Couronne reconnaissent que la justice réparatrice convient bien dans les cas complexes où il y a des préjudices, surtout si des relations ont été affectées. Très souvent maintenant, on nous renvoie des jeunes qui se sont attaqués à des membres de leur famille. S'ils avaient été déférés à un tribunal pour adolescents et avaient plaidé coupables, ils auraient été condamnés à du service communautaire et rien n'aurait été fait pour remédier au tort causé aux relations avec les membres de la famille ou au tort causé aux gens de l'école, de la communauté ou du YMCA où ces jeunes vont le vendredi soir. Le tribunal leur aurait interdit d'aller à ces endroits, qui comptaient parmi les rares aspects positifs qu'ils avaient dans leur vie.
Grâce au programme de justice réparatrice, nous sommes maintenant beaucoup mieux en mesure de les préparer à réintégrer la communauté, à remédier au tort causé et à travailler sur leurs relations. Ils restent quand même responsables de leurs actes et ont l'occasion de faire du service communautaire, d'écrire des lettres d'excuses et de verser des indemnités. Je ne connais pas les chiffres, mais je suis sûre, en fonction de mon expérience, qu'il y a maintenant un taux d'achèvement plus élevé pour le service communautaire et le versement de dédommagements.
Notre organisme s'occupe aussi des jeunes assujettis à une ordonnance judiciaire leur imposant de faire du service communautaire. Nous savons, grâce à 15 ans d'expérience, que ces jeunes sont moins susceptibles que les autres d'achever leur programme. Comme je vois que Jennifer s'incline, je vais juste dire qu'en nous appuyant sur l'approche réparatrice pour établir le contact avec les jeunes et les victimes dans la communauté, nous avons pu constater une plus grande satisfaction parmi les victimes qui ont leur mot à dire sur ce qui se passe, qui ont l'occasion de raconter leur histoire, de se faire entendre et de faire valoir tous les autres facteurs à prendre en considération. J'imagine mal un système de justice pour les jeunes sans approche réparatrice. À mesure que nous étendons cette approche aux adultes, je crois que nous pouvons nous attendre aux mêmes résultats.
Mme MacInnis-Langley : Je suis bien d'accord avec mes deux collègues. Dans le système de justice, les femmes victimes de violence, qu'il s'agisse de violence conjugale ou sexualisée, obtiennent rarement gain de cause.
Celles qui s'adressent au système — et nous savons que beaucoup ne le font jamais — n'ont aucun choix. Le système définit étroitement le rôle de la victime. Au fil des ans, la justice pénale a progressé et s'est améliorée. Toutefois, elle n'est pas centrée sur la victime. Le système est essentiellement accusatoire et se base sur les droits de l'accusé. Par conséquent, les victimes qui se présentent devant un tribunal — j'en ai accompagné beaucoup — sont toujours craintives et ont toujours l'impression d'être elles-mêmes sur la sellette.
Je ne conteste pas la nécessité des modèles actuellement en place, mais je crois qu'il faut considérer chaque cas dans une optique sexospécifique si nous recherchons la justice dans le vrai sens de ce mot. Pour appliquer aux femmes une approche réparatrice dans le système de justice pénale, nous devons nous demander comment nous percevons le concept de justice. Les approches ou les programmes réparateurs ne peuvent pas être régis par une série de pratiques dans un système établi. Ces approches nous imposent de changer radicalement notre façon d'envisager chaque cas et de donner beaucoup plus de place au contexte, aux causes et conditions et à la façon dont le préjudice se manifeste. Tout événement a un contexte. Nous l'avons appris à maintes et maintes reprises. Bref, si nous voulons faire les choses différemment, nous devons penser différemment. C'est là un changement qui met longtemps à se produire chez les gens. L'approche réparatrice est un concept plus vaste que les approches individuelles. Notre système est fondé sur un modèle uniforme qui est censé s'appliquer à tous. Nous savons que ce modèle ne réussit pas toujours.
Je peux vous donner deux exemples. D'abord, j'ai eu l'occasion — je devrais peut-être dire le privilège — de me rendre à Hull, en Angleterre en compagnie de Mme Llewellyn il y a quelques années. Hull a travaillé inlassablement pour mettre en place une approche réparatrice dans les domaines de l'aide sociale et de la sécurité publique. J'ai pu me rendre compte alors qu'en travaillant différemment ensemble dans une optique réparatrice, on aboutit à de nouvelles approches et à de meilleurs résultats.
J'ai également eu l'occasion de m'occuper du premier plan d'action contre la violence familiale en Nouvelle-Écosse. L'un de nos objectifs était d'établir des liens dans la communauté. Depuis un certain temps, les relations s'étaient détériorées. Il était vraiment important de trouver des moyens de collaboration et de nouvelles façons de travailler ensemble. Les relations entre la communauté de défense des droits des femmes et le gouvernement étaient très tendues. Nous avons pu jeter des ponts. Nous avons pu ouvrir la porte à d'autres perspectives et chercher de nouveaux moyens de travailler dans la collaboration et le respect. Ces conversations se déroulent depuis plusieurs années. Nous avons réussi à réunir des gens autour de la table et à les amener à partager avec nous leur compréhension des changements qu'il fallait apporter.
Mme Llewellyn : Merci.
Scott, je vais répéter la question. Nous essayons de créer une occasion de penser à ce qu'il y a de différent dans votre travail et votre façon de travailler depuis que vous avez adopté cette approche.
M. Milner : Merci, Jennifer.
Beaucoup de gens pensent à l'école en fonction de leur propre expérience. Que vous ayez fait vos études il y a 10 ou 30 ans, vous pensez parfois à ce que vous éprouviez alors. J'aimerais vous parler de ce que vous verriez si vous faisiez une visite dans les écoles du conseil scolaire pour lequel je travaille. Si vous entrez dans une école aujourd'hui, vous verrez des classes sans pupitres. Dans la salle de classe, des chaises sont disposées en cercle comme ici et l'enseignant donne sa leçon de mathématiques, d'histoire, de langue ou d'art. Les gens participent. Bien sûr, il n'y a pas de micros, mais il y a ordinairement une pièce de conversation qui permet d'assurer l'ordre dans les conversations et les relations. C'est vraiment l'un des grands changements que vous verriez dans notre système. Si vous parlez aux étudiants qui participent dans ces salles de classe, vous constaterez que la grande différence se situe au chapitre de l'engagement et du lien noué entre l'étudiant et l'enseignant. Encore une fois, il ne s'agit pas simplement de relayer l'information. Des relations s'établissent entre l'enseignant ou le moniteur et les étudiants.
Il y a aussi d'autres aspects à cette situation. Dans les écoles qui ont adopté cette approche, nous pouvons constater une plus grande assiduité. Les étudiants veulent aller à l'école. L'engagement de la communauté est plus fort. Les parents aiment venir à l'école parce qu'ils peuvent y trouver un lien avec les enseignants et avec tout ce qui se passe. Le lien ne se limite pas à un professeur particulier. Il englobe l'école comme organisation communautaire. Par conséquent, le lien avec la communauté est vraiment important.
Aux réunions du personnel et aux séances de perfectionnement professionnel des enseignants, vous verrez un environnement comme celui-ci au lieu de l'environnement habituel dans lequel les gens viennent s'asseoir, puis s'en vont quand c'est fini. Encore une fois, les liens entre les professionnels sont plus étroits.
Je pense encore à l'engagement des étudiants. Hier, j'ai jeté un coup d'œil aux statistiques de suspension de notre conseil scolaire. C'est un grand conseil qui compte près de 20 000 étudiants. Hier, lorsque j'ai compté, j'ai juste tenu compte des suspensions prolongées, c'est-à-dire celles de plus de 10 jours. À la date d'hier, nous avions perdu — ou plutôt les étudiants avaient perdu — 2 131 jours en suspension. Eh bien, il y a un an, ce chiffre était de 4 969. Nous avons donc réalisé une amélioration de 57 p. 100. Pour moi, c'est significatif. Nous ne pouvons pas exercer une influence sur les étudiants s'ils sont absents. Quand ils sont à l'école, nous pouvons exercer cette influence et établir des liens.
Nombre total de jours perdus à cause de suspensions : Cette année, nos suspensions sont en baisse de 26 p. 100. L'année dernière, c'était à peu près la même chose au même moment de l'année. Nous en sommes au point où les suspensions dans l'une de nos plus grandes écoles ont baissé de 60 p. 100 par rapport à l'année dernière. Cela témoigne de bien des choses. Toutefois, si on pose la question au directeur ou aux enseignants, ils évoquent la théorie ou l'approche relationnelle qu'ils ont adoptée en classe. Ils parlent d'engagement. Est-ce un indicateur de succès? Personnellement, j'en suis sûr parce que nos étudiants sont en classe et à l'école.
L'autre aspect dont je voulais parler, ce sont les réactions des étudiants eux-mêmes à certains comportements dans la cour de l'école.
Dans beaucoup des écoles primaires de notre système, vous verrez que les élèves règlent eux-mêmes leurs propres problèmes. Ils abordent les enseignants et leur disent : « Nous avons besoin de former un cercle tout de suite. Nous venons juste d'avoir une récréation, mais quelque chose s'est passé dans la cour. Nous devons nous en occuper. » Pour moi, quand des étudiants engagent ce genre de conversation, cela signifie que nous avons mûri et que nous bâtissons une société qui réfléchira de cette façon.
Mme Llewellyn : Merci, Scott.
Jocelyn?
Mme Yerxa : J'ai beaucoup pensé à cette question. Je dois dire que lorsque nous avons examiné la sécurité des aînés, notre attention était concentrée sur la maltraitance et sur les moyens d'y réagir. Dans les premiers jours de la mise en œuvre de l'approche réparatrice, nous avons commencé à nous demander ce qu'est la justice. C'était aux premiers temps. Nous avions recours à l'approche réparatrice pour réagir et donner plus de sens à la justice. Nous nous occupions des torts causés et nous étions en mesure d'avancer. Depuis que nous avons commencé à travailler ensemble, à sonder plus profondément le sens de l'approche réparatrice, à poser des questions sur ce que la sécurité signifie pour une communauté, sur la façon dont nous nous soucions les uns des autres et sur l'importance des relations, le plus important changement qui s'est produit, c'est que nous avons pris conscience du fait que cette approche était centrée sur la prévention. Nous avons des gens qui travaillent dans la communauté, qui peuvent déceler les signes avant- coureurs et réagir avant même que la situation ne dégénère au point où une intervention de la justice pénale est nécessaire. Par conséquent, nous avons pu être beaucoup plus réceptifs et agir assez tôt pour que ce soit utile avant que la situation ne se gâte. Je crois que c'est probablement le plus grand impact que j'ai observé. Nous ne cherchons plus seulement à réagir après coup. Nous essayons d'arrêter l'évolution assez tôt pour que la situation ne dégénère pas. C'est probablement la plus importante conséquence de l'approche réparatrice.
Plus tôt, la définition de la justice était la suivante : la justice consiste à renvoyer les cas qui se présentent au système de justice pénale, à déposer au tribunal et à faire passer les gens dans le système. Aujourd'hui, nous nous demandons plutôt ce que cela signifie pour la famille, pour l'aîné, pour la communauté. Il s'agit essentiellement de considérer la justice d'une manière différente.
L'autre conséquence importante, c'est la façon dont nous travaillons ensemble et dont nous nous soutenons les uns les autres. Nous formons un réseau de personnes venant de multiples endroits différents du système et de la communauté. Nous avons des bénévoles âgés, des organismes de justice réparatrice, des services de police, des avocats, des coordonnateurs de la sécurité des aînés, des gens du gouvernement. Nous avons toutes sortes de gens dans le réseau, et cela a vraiment changé la façon dont nous travaillons ensemble. Nous ne disons plus : « Je travaille ici et voici ce que je fais. » Nous expliquons plutôt la façon dont nous abordons ensemble le problème. Il y a maintenant beaucoup plus de collaboration. Nous cherchons vraiment des moyens de nous soutenir mutuellement. Au lieu de dire « Voici mon travail », nous disons : « Que puis-je faire? Voici le problème que nous avons à régler. Comment pouvons-nous le résoudre ensemble? » Je pourrais vous citer une multitude d'exemples, mais je vous en donnerai un seul très rapidement. Il s'agit du logement des personnes âgées, du problème de l'intimidation qu'on trouve dans ces logements, des difficultés que doivent souvent affronter les coordonnateurs de la sécurité des aînés et les agents de police. Le réseau de personnes qui ont travaillé sur le terrain dans ce domaine s'est formé pour voir comment nous pouvons aller dans les logements des aînés pour les aider, pour déterminer comment ils vivent ensemble et s'entraident pour créer un environnement de sécurité dans une communauté saine. Il faut donc travailler avec le réseau et les membres de la communauté dans les logements d'aînés. Auparavant, on appelait la police qui réagissait et suivait son parcours, aboutissant parfois à un résultat ou n'aboutissant à rien, selon le cas.
Mme Llewellyn : Merci, Jocelyn.
Tony, quelle différence avez-vous constatée?
M. Smith : Il y a eu d'importantes conséquences. Je pense à la toute première fois où nous nous sommes réunis en 2012. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y avait les anciens pensionnaires avec la douleur et les souffrances qu'ils connaissaient lorsque nous avons commencé à examiner les cas individuels. En tout, 160 personnes avaient répondu à l'appel après que j'ai dénoncé en 1998 les sévices que nous avions subis. Ces gens étaient découverts non seulement par leur propre avocat, mais aussi par l'avocat du gouvernement, les services communautaires, l'avocat des services d'aide à l'enfance, l'avocat de l'orphelinat pour enfants de couleur et non pas une seule fois, mais deux, trois et jusqu'à six fois dans certains cas. Nous étions donc victimisés encore et encore, chaque fois que nous avions à reprendre notre histoire. Pour certains, nous cherchions seulement à nous faire payer, mais l'argent n'était pas vraiment cause. Nous avons ensuite intenté un recours collectif. Le gouvernement d'alors y était très opposé. Il voulait créer une commission indépendante qui entendrait nos histoires dans un but de guérison, mais il voulait du même coup éviter que l'affaire passe devant les tribunaux. Le gouvernement se battait donc contre nous, aggravant les traumatismes.
Lorsqu'il a été question d'un règlement et de dédommagements, le gouvernement a assumé la responsabilité des pupilles de l'État, mais non celle des enfants venant d'autres provinces ou des enfants qu'on avait laissé tomber. Nous avons dit qu'il était hors de question d'abandonner n'importe qui et que nous acceptions de recevoir moins à condition que chacun obtienne quelque chose.
L'un des aspects importants de l'affaire est que beaucoup d'agresseurs étaient décédés. Il est impossible dans ces conditions d'obtenir justice en passant par le système judiciaire. Il était cependant possible d'obtenir une revanche et des excuses dans le cadre de cette enquête réparatrice. Nous pouvions être à un endroit différent de celui d'une enquête publique traditionnelle avec ses avocats et ses réponses par oui ou non. Les gens ont pu raconter leur histoire à leur façon, de la manière qui les mettait le plus à l'aise. Nous l'avons fait.
Quant au règlement, nous avions deux revendications : une pour l'expérience commune et l'autre pour les préjudices graves. Dans ce dernier cas, nous nous sommes assurés de la présence d'un facilitateur plutôt que d'un enquêteur pour aider les anciens pensionnaires, ainsi que d'un évaluateur. Il fallait déterminer les incidences des préjudices subis à l'orphelinat et l'influence qu'ils ont eue sur la vie de l'intéressé. On mesurait ensuite, non en cochant des cases, mais en évaluant les différents genres de traumatismes subis.
En 2012, le plus difficile était de voir des gens qui ressentaient tant de peine, de stress et d'anxiété et qui vivaient depuis des années accablés par la honte et la culpabilité. Un an plus tard, après cette réunion qui a duré quatre jours, nous avons tenu une autre réunion. Les mêmes personnes disaient alors : « Pouvons-nous aller manifester devant un autre bureau local du gouvernement? » Ces gens éprouvaient de la confiance. Ils pouvaient sourire et vous regarder dans les yeux au lieu de baisser la tête et d'avoir un regard fuyant. Il y avait aussi la fierté. Auparavant, nous étions terrassés par la honte; aujourd'hui, nous arborons notre fierté. Par conséquent, le fait de passer par cette enquête réparatrice est complètement différent du processus d'une enquête publique traditionnelle. Nous sommes maintenant partenaires. Le gouvernement ne peut plus nous dire que s'il n'aime pas les renseignements donnés par les pensionnaires, il mettra fin à l'enquête.
Nous avons un conseil des parties dont je suis coprésident. Nous avons 10 personnes qui peuvent voter et sommes investis du pouvoir de convoquer des témoins. Nous avons en fait réussi à faire modifier la Loi sur les enquêtes publiques de façon à accorder l'immunité aux anciens pensionnaires pour qu'ils puissent raconter librement leur histoire sans craindre d'être poursuivis ou menacés. Nous avons l'équipe de l'enquête réparatrice. Au cours de notre première réunion avec les anciens pensionnaires, nous les avons vu entrer. Ils étaient à l'aise dans cet environnement. Ils étaient capables de se soutenir les uns les autres et de participer à l'enquête. Le grand avantage de l'enquête réparatrice est que nous établissons des relations. Nous n'attendons pas d'avoir un commissaire ou un juge à la retraite chargé d'examiner toutes les recommandations avant de les classer sur une étagère quelconque. Nous obtenons en fait que des changements soient faits pendant que nous avançons. Ainsi, le conseil des parties réunit l'information. Nous avons une équipe de réflexion composée de sous-ministres. Des membres de la communauté demandent ce qu'il y a à faire pour apporter des changements. Nous sommes en train de bâtir les relations que nous n'avions jamais établies auparavant. Voilà le grand changement : être entendu, avoir sa revanche. Nous avons vu ces gens qui vivaient dans la douleur, la honte et la culpabilité. Leurs petits-enfants leur disent : « Est-ce que je peux parler de toi à l'école, toi, le survivant de cet orphelinat? » Il est extraordinaire de penser à la force de caractère qu'ils ont eue pour supporter les sévices et pour traîner ce fardeau pendant leur vie ainsi qu'au fait qu'ils ont eu leur revanche. En 2012, les aînés disaient : « Tony, nous voulons que tu continues à te battre parce que nous ne vivrons pas assez longtemps pour voir le jour de la victoire. » Il y a tant de gens qui sont morts sans avoir vu ce jour. Puis, un an plus tard, tout a changé parce qu'un nouveau gouvernement a dit qu'il assumerait la responsabilité de ce qu'on nous avait fait.
Une grande part du problème réside dans la discrimination systémique et le racisme institutionnel. C'est la seule façon que nous ayons de remédier à cette injustice. Les communautés noires de la Nouvelle-Écosse doivent s'unir parce qu'elles ne l'ont jamais fait. Nous devons avoir avec les institutions les relations réelles que nous n'avons jamais eues. Je suis vraiment très heureux du travail que nous avons fait jusqu'ici. Et ce sera toujours « nous », pas « je ».
Mme Llewellyn : Merci beaucoup. Je voudrais vous donner une occasion. Je sais que vous travaillez ensemble de multiples façons pour réussir dans tous les systèmes et dans toutes les communautés où vous êtes. Avant de passer à la dernière question et de vous aider à établir, à l'intention des sénateurs, un lien pour leur permettre de voir les conséquences de la façon dont nous obtenons justice au sein du système de justice pénale, je voudrais vous donner la possibilité de vous faire entendre. Si vous avez une pensée quelconque, une réflexion découlant du fait que vous connaissez entre vous, si vous pensez à des choses que d'autres auraient dû mentionner, vous pouvez intervenir très rapidement, pour une minute peut-être, afin de parler d'une chose qu'un de vos collègues a dite et qui vous a fait penser que vous auriez dû dire telle ou telle chose. Est-ce que quelqu'un a quelque chose à ajouter?
M. Smith : J'ai trouvé très intéressant d'entendre un groupe de personnes ayant des antécédents différents parler du système de justice. Je n'ai jamais eu de démêlés avec la justice. Je ne savais pas grand-chose du système avant de dénoncer en public des sévices subis par les pensionnaires de l'orphelinat. J'ai cependant une grande expérience professionnelle des toxicomanies, des troubles mentaux et du travail avec les gens. Ce que j'entends dire est très clair. Parfois, en présence d'un jeune qui a des problèmes de comportement, c'est lui qui demande de l'aide parce qu'il ne sait pas comment l'obtenir. Une fois qu'on a réussi à saisir ce qu'il est, comme individu, il est en général disposé à parler. Il y a alors du respect mutuel.
Je travaille également pour le programme Second Chance du Centre CEED. Le programme est destiné à de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes qui ont été incarcérés ou qui sont en probation. Encore une fois, il suffit de s'asseoir avec eux pour comprendre exactement ce qu'ils sont, car il faut être intelligent pour devenir criminel. Il s'agit donc de changer quelque peu leur orientation pour les transformer en entrepreneurs. Il est extraordinaire de voir leur vie changer dans un court laps de temps. Voilà un système fondé sur l'investissement. Le système que nous avons se base sur la punition. En jetant ces gens en prison, on les place dans un environnement qui ne fait que multiplier le nombre de criminels cars ils sont obligés de survivre dans ce milieu. Toutefois, si vous pouvez leur offrir quelque chose qui puisse susciter leur intérêt, c'est comme si vous leur disiez : « Voilà ton problème comme individu. Nous allons travailler avec toi comme individu pour te donner des compétences et renforcer la base que tu possèdes déjà. » Dans le système de justice, ce genre de choses peut avoir une énorme influence. N'oublions pas qu'il y a un coût de 10 000 $ à assumer chaque année quand on met quelqu'un en prison.
Mme Llewellyn : Scott?
M. Milner : Merci, Jennifer.
J'ai parlé de la baisse du nombre de suspensions. Je vous ai dit que ce nombre a diminué de 57 p. 100, mais, derrière chaque nombre, il y a une personne, un étudiant. Tony a dit — j'en ai pris note — que grâce à ce processus, chacun peut raconter son histoire. L'une des grandes différences que nous avons constatées après avoir adopté cette approche, c'est qu'en travaillant avec les étudiants qui se comportent mal ou qui sont en crise, nous nous arrêtons pour écouter leur histoire. Cela fait vraiment une grande différence. Nous sommes parfois trop occupés dans notre système scolaire et il y a beaucoup d'étudiants dont le comportement pourrait être jugé inacceptable à l'école. Aujourd'hui, cependant, nous nous arrêtons pour écouter leur histoire. Ainsi, lorsque nous examinons les statistiques des suspensions ou discutons de ces situations, l'étudiant peut s'exprimer. Sa famille aussi peut se faire entendre. Nous invitons des partenaires à la table et créons des solutions pour l'étudiant et sa famille. C'est l'une des grandes différences que cette approche a apportées dans notre système. Le blâme et la honte se dissipent. On n'y recourt plus, préférant créer conjointement des solutions et cherchant des moyens de nous entraider pour dominer la situation. J'ai donc été heureux de vous entendre dire que vous pouvez raconter votre histoire. C'est vraiment très important. De grands changements en ont découlé dans notre conseil scolaire. Je vous remercie.
Mme Llewellyn : Jennifer?
Mme Furlong : Je me suis dit que ce serait une bonne idée de parler maintenant parce que mes pensées tournaient autour des enfants à l'école.
Après que j'ai parlé la dernière fois, je me suis dit, aussitôt que j'ai passé le micro, qu'il y avait beaucoup de choses que je voulais dire, mais que je n'en avais pas eu l'occasion.
L'approche de collaboration qui caractérise le travail que je fais dans la communauté pour le compte de notre agence s'est certainement étendue aux écoles. Comme mon agence se trouve dans les locaux du conseil scolaire de Chignecto, j'ai assisté à de nombreuses séances de formation avec les enseignants des écoles que Scott supervise. Le vocabulaire a changé depuis mon arrivée. Je ne crois pas que les enseignants comprenaient la raison d'être de la justice réparatrice qui intervient ordinairement en cas de conflit et de préjudice. Ils s'interrogeaient sur son rôle dans une situation exempte de conflit et de préjudice. Maintenant, avec le changement de vocabulaire, au lieu de parler d'« enseignants suppléants », certaines écoles les appellent plutôt « enseignants invités ». Avant leur arrivée, quelqu'un parle aux étudiants de la façon dont il convient de traiter les invités et de la manière d'accueillir les nouveaux membres du personnel et de se comporter en leur présence.
L'autre point que je trouve important, c'est qu'au lieu de parler d'« inconduite » ou d'« écart de conduite », le fait d'utiliser le vocabulaire des erreurs sociales aide les jeunes à mieux se comporter en milieu scolaire. Comme l'a dit Tony, il faut chercher l'origine de ces erreurs sociales et de ces écarts de conduite. J'ai maintenant l'impression que nous ne pourrions plus faire notre travail sans l'aide des services de santé mentale et de toxicomanie, d'ÉcolesPlus, de Parenting Journey et de tous ces partenaires. On dit qu'il faut une communauté pour élever un enfant. Ce n'est pas seulement ce que vous avez fait ou ce que vous pouvez faire pour améliorer la situation et remédier au préjudice causé. Il faut aussi savoir qui a subi les conséquences, de quelle façon, comment on a soi-même été affecté et comment nous pouvons travailler ensemble pour remédier au préjudice causé. Nous avons donc besoin de tous ces intervenants pour redresser la situation.
Mme Llewellyn : Un dernier commentaire?
Mme Halpern : Je crois que je dois corriger mon histoire. Pendant que j'étais assise ici, je me suis rendu compte que la jeune femme dont j'ai parlé et qui a eu un incident il y a des années n'avait pas été renvoyée à un programme de justice réparatrice dans la communauté. Si elle l'avait été, elle aurait profité de ces liens et aurait été branchée sur l'école. Tanya Bain doit prendre la parole plus tard. L'affaire avait abouti à un non-lieu, comme cela se produit fréquemment en cas de voies de fait dans la cour d'une école. D'une certaine façon, ces choses suivent leur cours, mais elles ne vont pas très loin devant les tribunaux. Les juges leur accordent un certain temps, puis rendent souvent une ordonnance de non-lieu. Par conséquent, il n'y a absolument aucune guérison. Comme Jennifer l'a dit, il n'y a pas eu d'occasion, comme cela aurait été le cas si l'affaire avait été renvoyée au programme. Des liens auraient été noués avec la communauté. Autrement, qui, dans la communauté, soutiendrait cette jeune femme? Dans ce cas, il n'y a eu absolument aucune relation avec l'école. Je veux juste appuyer ce que Jennifer a dit. C'est la transition qui s'est produite. Dans les sept ou huit dernières années où nous avons utilisé cette approche, nous avons vu davantage de renvois à la justice réparatrice par différents moyens qui permettent d'établir les relations voulues dans les systèmes et entre les systèmes. C'est une magnifique occasion pour nous de commencer à penser aux moyens de faire disparaître les silos pour essayer de travailler les uns avec les autres. L'approche fournit à cette fin une tribune extrêmement puissante.
Mme Llewellyn : Très bien.
Nous allons maintenant passer à la dernière question avant de nous joindre tous au grand cercle. Je vous invite à réfléchir et à aider les sénateurs à réfléchir avec vous aux avantages et aux conséquences possibles pour le système de justice pénale. Je sais que certains d'entre vous ont des liens directs avec ce système et connaissent bien les façons dont les affaires qui aboutissent là peuvent être traitées.
Nous savons que vous avez entendu parler d'un modèle pour adolescents qu'on avait envisagé, lors de sa création en 1997, comme modèle pour adultes. Ce modèle fait depuis quelque temps l'objet de projets pilotes à trois endroits, l'Université Dalhousie, Truro et le Cap-Breton, de concert avec le Mi'kmaq Legal Support Network, ou MLSN. Dès la mise en place du programme, le MLSN, dont vous entendrez les représentants cet après-midi, l'avait appliqué à des adultes. Nous avons certainement entendu parler de l'enquête publique ainsi que des organisations féminines et des aînés qui s'en servent aussi dans le cas des adultes.
Nous avons beaucoup appris. Nous avons consacré beaucoup de temps au modèle pour adolescents. C'est à partir de là qu'a été développé tout le travail que vous avez partagé après avoir constaté la nécessité d'œuvrer d'une manière proactive et en visant la prévention. Nous n'essayons pas seulement de faire ce travail dans le domaine de la sécurité publique. Nous voulons créer de meilleurs moyens d'avancer lorsque des affaires aboutissent dans le système de justice pénale.
Je veux donner à chacun d'entre vous la possibilité d'amorcer la conversation pendant deux minutes. Ensuite, nous passerons au grand cercle. Aidez-nous à penser aux perspectives et aux conséquences. Quel peut être l'impact collectif sur la justice pénale, sur les affaires qui aboutissent là et sur la recherche de meilleurs moyens de régler les problèmes au niveau communautaire dans l'intérêt de la sécurité publique et en fonction de l'objectif général de notre système de justice pénale?
Emma?
Mme Halpern : Il y a une chose que je n'avais pas mentionnée dans mon introduction. Je suis aussi intervenante régionale pour l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry. Je passe une grande partie de mon temps libre dans des établissements pour femmes, comme la prison fédérale et la prison provinciale. Je passe beaucoup de temps avec des femmes qui sont actuellement soit détenues soit dans des foyers de transition. Cela m'a donné une bonne idée des gens qui se trouvent dans nos prisons. Je peux vous dire avec beaucoup de conviction que les détenues ont souvent de très graves troubles mentaux, des troubles débilitants, des retards cognitifs ou ont grandi avec de graves traumatismes ou dans une grande pauvreté. Voilà ce qu'on trouve surtout dans nos prisons. Ce sont les gens qui passent par notre système de justice pénale.
Bien sûr, à cause de mes antécédents et du travail que je fais dans le domaine de l'accès à la justice, je pense toujours, dans un esprit réparateur, aux moyens qui auraient permis à ces femmes de se trouver dans une situation différente. Qu'aurions-nous pu faire plus tôt? Quels systèmes auraient dû exister pour les soutenir afin qu'elles ne finissent pas en prison? J'ai eu de nombreuses conversations avec elles au sujet de ce qu'elles auraient dû avoir pour que les choses prennent une orientation différente : logement, accès à des soins de santé mentale et à des moyens d'éducation dans un système qui se soucie vraiment d'elles et les comprend.
C'est en fait une chose que j'ai vue très souvent dans mon travail quand je m'occupais de justice réparatrice. Une jeune personne m'a dit une fois : « Comment un avocat peut-il me représenter s'il ne me connaît pas? Comment peut-il me représenter s'il n'a jamais pris le temps de me connaître, de savoir qui je suis et d'où je viens? » Pour moi, comme je l'ai dit tout à l'heure, les principes qui sont à la base de l'approche réparatrice permettent de prendre le temps nécessaire afin de comprendre les aspects complexes de la vie que nous menons, des relations que nous établissons et de ce que nous sommes comme individus. Tout cela doit être pris en compte et valorisé dans tous nos processus. Pour revenir à l'argument de Scott concernant l'importance de notre histoire, tout cela doit faire partie du grand tableau. Cela permet de trouver des solutions tellement meilleures aux problèmes que nous affrontons dans notre société et certainement aux difficultés qui incitent au crime.
L'autre aspect extrêmement positif de la justice réparatrice est qu'elle nécessite une approche pluridisciplinaire. C'est la raison pour laquelle nous sommes tous ici. Le système de justice pénale n'est pas le seul responsable des problèmes de la justice pénale. Il y a l'éducation, la santé mentale, les soins aux aînés, nos communautés et la nécessité d'écouter les voix qui se font entendre. C'est certainement un élément central des approches réparatrices de tenir compte des voix qui s'expriment dans la communauté et de faire participer la famille, qui joue un grand rôle dans notre compréhension de la façon d'avancer dans n'importe quel domaine. À cause de la façon dont elle se situe dans notre société, la criminalité constitue en quelque sorte un point de pression. C'est une occasion de réagir. Nous pouvons le faire d'une manière punitive en jetant les gens en prison et en les gardant à l'écart de la société. Nous pouvons aussi le faire en essayant de trouver les causes profondes de ce qui se passe. Nous pouvons essayer de nous attaquer à la dynamique sociale complexe qui fait que des gens arrivent devant nous dans une salle de tribunal. Voilà ce que nous offre l'approche réparatrice : une occasion.
Mme Llewellyn : Merci, Emma.
Jennifer?
Mme Furlong : Comme on l'a mentionné, la Nouvelle-Écosse a depuis longtemps un programme de justice réparatrice pour les jeunes. Personnellement, j'ai pu constater que rien de magique ne se produisait au 18e anniversaire d'une personne. Elle ne devient pas soudain super-intelligente. Il y a beaucoup de délinquants adultes, ou qu'on dit adultes. Je ne crois pas que beaucoup de jeunes de 18 ans se voient comme des adultes, surtout s'ils vont encore à l'école secondaire, qu'ils vivent chez leurs parents et n'ont pas un emploi. Il y a le groupe d'âge des 18 à 25 ans, qui peut s'étendre jusqu'à la fin de la vingtaine dans certains cas, qui a encore des difficultés. Si les gens avaient envisagé la justice réparatrice comme seconde chance, comme occasion de donner à quelqu'un la chance de ne pas traîner un casier judiciaire, je crois qu'il y aurait beaucoup d'adultes qui mériteraient le même traitement parce qu'ils avaient connu les mêmes problèmes, surtout à 16 ou 17 ans. J'ai vraiment compris que rien de magique ne se produit le matin du 18e anniversaire. Si nous pouvions aller au-delà de ces projets pilotes pour établir un programme provincial de justice réparatrice pour adultes, je ne peux qu'imaginer les répercussions que cela aurait sur les tribunaux, si nous traitons efficacement ces délinquants qui ont besoin d'être mieux reliés à leur communauté ainsi qu'aux services et aux programmes pouvant les écarter du système de justice pénale.
Je ne veux pas m'aventurer sur la voie très difficile de la récidive parce que je n'ai pas assez de temps, mais je crois qu'il y aurait certainement des répercussions. Avec le temps, nous pourrions sûrement constater des effets sur le nombre de personnes qui passent par le système.
Je veux également mettre en évidence le fait que le programme provincial de justice réparatrice de la Nouvelle- Écosse a quatre niveaux d'entrée. Ce n'est pas seulement la déjudiciarisation avant la mise en accusation. Il y a aussi les cercles de détermination de la peine, la réintégration, les mesures post-sentencielles et le retour dans la communauté, où nous nous occupons encore des relations et des besoins des délinquants, qu'ils soient jeunes ou adultes.
Cela m'amène à mon dernier point concernant le traitement dans le système de justice pénale des adultes ayant des besoins spéciaux. Je pense au tribunal de la violence familiale, au programme judiciaire de traitement de la toxicomanie et au tribunal de la santé mentale d'Halifax. Nous avons récemment établi à Amherst un tribunal du mieux-être. Nous avons décidé qu'il ne s'agissait ni d'un tribunal de santé mentale ni d'un programme judiciaire de traitement de la toxicomanie. Nous l'avons donc appelé tribunal du mieux-être car comment peut-on établir une distinction claire entre la toxicomanie et les troubles mentaux?
Je crois que j'ai beaucoup de chance de faire partie de l'équipe du tribunal du mieux-être d'Amherst et d'avoir l'occasion d'imprimer une certaine orientation réparatrice et relationnelle au travail qui se fait là auprès de gens qui, oui, ont des problèmes de toxicomanie. Je crois qu'il y a tant à faire pour tenir les adultes responsables, pour les amener à s'imprégner de l'esprit réparateur des tribunaux spécialisés pour examiner les relations auxquelles ils ont nui. C'est un aspect sur lequel nous pouvons encore beaucoup travailler.
Mme Llewellyn : Stephanie?
Mme MacInnis-Langley : Je crois que la Nouvelle-Écosse est un chef de file en matière d'élaboration d'outils et de ressources à l'appui d'une approche réparatrice dans beaucoup des systèmes de la province, et pas seulement le système de justice. Qu'il s'agisse d'un effort gouvernemental, communautaire ou conjoint, je pense que la Nouvelle-Écosse a établi la norme à atteindre pour ce qui est des progrès accomplis sur la voie de l'adoption d'une approche réparatrice et respectueuse. Nous en avons parlé devant presque toutes les tribunes du gouvernement. Nous en parlons au cours des discussions communautaires pour montrer que c'est un moyen de progresser. Nous savons qu'il reste encore du chemin à parcourir, mais les gens reconnaissent la valeur essentielle de cette façon de considérer les relations tandis que nous progressons de différentes manières fondamentales.
La force de l'approche réparatrice réside dans la reconnaissance de l'importance du contexte. Le contexte compte. J'étais présente à un procès pour meurtre avec la famille d'un jeune homme qui avait été assassiné le jour de son 19e anniversaire. Au tribunal, sa mère m'a dit : « Stephanie, je ne sais pas comment nous sommes arrivés là et je ne sais pas non plus comment nous allons en sortir. » Précisant que le garçon qui avait tué son fils était son ami, elle a ajouté : « Je comprends qu'il y avait peut-être des choses que nous aurions pu faire, comme parents, pour en arriver à un résultat différent... Je ne comprends pas non plus le jeune homme qui a tué mon fils... J'aurais vraiment voulu pouvoir parler de ce qui nous a amenés ici aujourd'hui. » Le procès ne s'est pas trop bien déroulé dans le système de justice pénale. Même si l'agresseur a été déclaré coupable et a été incarcéré pendant une assez longue période, il avait un casier judiciaire chargé. Cela me rappelle constamment la tristesse des gens qui passent par le système de justice pénale sans ressentir du soulagement et sans avoir l'impression que justice a été faite au bout du compte. Après un procès de six semaines ou plus, les gens partent avec l'impression qu'il n'y a pas de justice et que personne n'est sorti gagnant de ce processus.
Je vois constamment cela en constatant combien les victimes sont traumatisées et retraumatisées et à quel point le système de justice pénale manque de concepts individuels. Nous devons comprendre que le contexte compte. Nous devons comprendre que la violence doit être considérée dans une optique sexospécifique, que les nuances du contexte des relations doivent être mises en évidence et que le contexte ou la dynamique des relations a son importance. En pratique, le système de justice pénale tend à isoler l'expérience des femmes de son contexte, à nier l'influence de leur sexe et à rationaliser l'expérience dans le monde.
L'approche réparatrice n'est pas un modèle conçu pour mettre les gens à l'aise. Elle n'a pas nécessairement pour seul but de rétablir des relations qui ont subi un préjudice. Elle a aussi un but préventif qui nous incite à tirer des leçons des expériences passées afin d'apporter des changements pour l'avenir. C'est ainsi que nous l'avons imaginée à l'étape de la conception. La notion de rétablissement est centrée sur les structures et les conditions des relations nécessaires au mieux-être. Qu'elles soient personnelles, interpersonnelles, sociales ou institutionnelles, les relations doivent être basées sur l'égalité, le respect, le souci d'autrui et la dignité. Je peux vous dire que ce sont parfois les interventions les plus mineures qui ont le plus d'influence. J'ai connu une jeune femme qui allait coucher chez les uns et les autres pour diverses raisons. Elle avait à peine 16 ou 17 ans. Elle ne pouvait pas rester chez elle et allait donc passer quelques nuits à droite ou à gauche. Elle était souvent en retard à l'école. Elle arrivait tous les matins à l'heure où le petit-déjeuner était servi. Elle n'était jamais la première dans la salle de bain ou la première à sortir. Par conséquent, l'école avait décidé de ne pas lui permettre de manger. C'était pourtant son seul repas de la journée. Lorsque des gens m'en ont parlé, j'ai appelé le directeur de l'école et je lui ai demandé : « Y aurait-il un moyen de faire une exception pour cette étudiante? Je ne demande pas de mobiliser du personnel pour elle. Je demande simplement qu'on lui laisse un sandwich, un morceau de pain ou autre chose à un endroit où elle peut le trouver. » C'était tout ce qu'il fallait pour changer sa vie jusqu'à ce qu'elle puisse passer à l'étape suivante.
Souvent, dans le cas des femmes maltraitées, nous allons au tribunal où les délais se multiplient à l'infini sans que ce soit la faute de personne. C'est simplement que les responsables des mauvais traitements savent utiliser le système à leur avantage. Dans la plupart des cas, ce sont des femmes qui sont victimes. Elles se retrouvent donc sans moyens, incapables de payer leur facture d'électricité ou de s'acheter à manger. Elles n'ont pas les moyens de payer pour que leur enfant participe au système scolaire. Il n'y a aucune intervention qui puisse les aider à passer à l'étape suivante.
Ce n'est pas un problème simple. Il est très complexe. Nous travaillons dans un système complexe, mais il y a des moyens d'adopter une approche réparatrice, de penser d'une manière réparatrice. Au départ, je ne suis pas très encline à punir, ce qui m'a toujours causé des problèmes quand je vois que des gens pensent vraiment que la punition constitue la meilleure solution. Je dois dire en même temps que beaucoup des gens qui travaillent dans le système judiciaire cherchent vraiment à faire les choses différemment.
Les approches réparatrices sont axées sur la guérison et le rétablissement des relations dans la dignité, l'égalité et la santé. Ce sont là des principes fondamentalement liés à des résultats justes. C'est la voie que nous devons emprunter à l'avenir.
Mme Llewellyn : Merci, Stephanie.
Scott?
M. Milner : Je voudrais parler moins de justice pénale et plus de justice sociale. En pensant à la théorie relationnelle, en travaillant et en réfléchissant à une approche réparatrice, nous avons réussi à faire un changement de culture dans notre système scolaire de Chignecto. Cela nous a permis de penser différemment à la façon dont les gens parlent de leurs aptitudes, à la manière dont nous établissons des liens avec les membres des Premières Nations et dont nous établissons des liens et pensons à la sexualité et aux sexes. Je donne à ce changement de culture le nom de « combustion lente ».
Lorsque j'ai rencontré Emma pour la première fois, j'ai cru qu'il me fallait faire quelque chose tout de suite. Elle a tant d'énergie qu'on est tenté de croire qu'elle donne plus ou moins l'ordre d'agir sur-le-champ. C'est en tout cas l'impression que j'ai eue. Toutefois, j'ai compris en réfléchissant à ces idées que la combustion lente, le changement culturel, la façon dont nous pensons les uns aux autres, le constat que nous avons plus de choses en commun que de différences constituent les plus importants changements qui se produisent. C'est une grande idée avec laquelle je me débats tous les jours.
Lorsque je travaille avec des étudiants et des membres du personnel, quand j'essaie d'influencer les administrateurs scolaires en leur parlant de ces concepts, ils finissent par penser de cette façon. Pour moi, c'est en cela que réside le succès. Nous devons être patients, nous devons nous démener inlassablement tout en faisant preuve de patience. Je m'inquiète parce que nous avons besoin de garder le pied sur l'accélérateur et de ne pas oublier qu'il faut continuer à avancer. J'ai parfois l'impression de marcher dans des sables mouvants, en reculant un peu à chaque pas. Toutefois, à chaque recul, on apprend à refaire un pas vers l'avant. Et tous les petits succès finissent par se transformer en un grand changement.
Pour moi, ce qui compte, c'est le changement qui amène à penser à la justice sociale. Je sais que cela est lié au système de justice pénale, mais c'est le changement culturel plus large qui semble être important pour nous en ce moment. Je vous remercie.
Mme Llewellyn : Merci, Scott.
Jocelyn?
Mme Yerxa : Pas de petites questions ici. Comment allez-vous faire cela? Eh bien, l'une des choses qui me frappent, c'est la complexité de toutes les situations, de tous les systèmes, la façon dont chacun de ces systèmes complexes interagit avec les autres et la multitude de niveaux de préjudice que nous voyons. Chaque fois qu'on commence à examiner une situation, il devient évident qu'elle n'est pas simple.
Stephanie a parlé des sexes, de la pauvreté et des facteurs socio-économiques. Les humains sont complexes. Toutes nos identités se croisent et tout cela se répercute sur ce qui se passe et sur la façon dont nous réagissons. La justice pénale elle-même est un système complexe. En combinant toutes ces choses les unes par-dessus les autres, je ne crois pas qu'on puisse nécessairement trouver une solution simple.
Tony a dit quelque chose tout à l'heure au sujet de la création conjointe qui a touché une corde sensible chez moi. Il s'agit de la capacité de débrouiller l'écheveau complexe pour déterminer comment aller de l'avant. Une approche réparatrice permet de le faire. Elle permet de mettre les histoires en perspective, de débrouiller l'écheveau et d'imaginer un moyen d'avancer qu'on contribue soi-même à créer et qui ne nous est pas dicté. On peut mieux réussir à avancer ainsi qu'en appliquant une solution imposée. C'est certainement à la fois une question de justice sociale et une question de justice pénale.
Scott aussi vient de dire une chose qui m'a touchée concernant le changement de culture. Je vais décrire une expérience. Nous passons beaucoup de temps à parler et à déballer. Nous avons un certain nombre de personnes très actives qui veulent constamment agir. Elles disent toujours « Nous ne faisons rien », mais je me rends compte qu'en fait, nous faisons bel et bien quelque chose : nous sommes en train de modifier notre façon de penser et de réagir à des situations qui se présentent à nous. Nous empruntons un chemin différent qui a une influence sur la vie de certains aînés et de certaines communautés. Cela est important.
Je vais terminer en citant une phrase que j'ai lue récemment. Je l'ai trouvée particulièrement puissante dans beaucoup de situations, et je crois qu'elle aura un sens ici aussi. Voilà : Chaque problème complexe à une solution claire, simple et fausse. Par conséquent, réfléchissons beaucoup pour essayer de trouver une solution qui ne soit pas fausse.
Mme Llewellyn : Tony, donnez-nous deux dernières minutes pleines de vigueur avant de nous joindre au cercle derrière.
M. Smith : Je vous remercie.
Ayant écouté tout le monde, je suis tout à fait d'accord que le système de justice est très varié. Je dirai cependant qu'en général, les règles du jeu n'y sont pas très équitables. Les nantis ont de meilleures chances de se voir infliger une peine moindre que les autres. Il y a des choses que nous devons examiner dans cette optique. Pour revenir à l'orphelinat pour enfants de couleur, si nous étions passés par le système de justice et avions eu un procès, nous n'aurions pas pu raconter notre histoire. Qui gagne? Qu'on gagne ou qu'on perde, on ne tire aucune leçon de l'expérience. On s'en va et on refait la même erreur. Personne n'en sort gagnant.
Avec l'approche réparatrice, on a la possibilité de raconter son histoire, d'établir des relations, d'écouter les autres et de leur témoigner du respect dans le contexte des différents antécédents en cause. Avec l'équipe de conception, nous voulions être certains d'avoir un endroit sûr parce que nous ne nous connaissions pas les uns les autres. Les gens disaient : « Je pourrais dire une chose qui vous choquerait. Ce n'est pas mon intention, mais c'est ce que je crois savoir. » Vous devez être présent dans cet espace pour laisser les gens faire cela. C'était la même chose avec le conseil des parties. Nous sommes des personnes différentes, venant de milieux différents avec des points forts différents. Il faut être à l'aise pour dire ce qu'on a à dire afin qu'il nous soit possible d'en arriver collectivement à parler d'une seule voix. C'est ce qu'il faut faire pour avancer.
Il y a beaucoup de choses que je ne voudrais pas dire au sujet du système de justice parce que je suis un Noir indigène de Nouvelle-Écosse. J'ai travaillé dans les secteurs de la toxicomanie et de la santé mentale, ce qui me permet de voir l'envers des choses. Je reviens à la même conclusion : nous avons besoin d'avoir un endroit où raconter notre histoire, un endroit où les gens peuvent nous comprendre. Si on se sent respecté et écouté, on peut apprendre. Toutefois, si on est constamment dans un environnement où on ne peut rien réaliser, où la pauvreté et d'autres problèmes se manifestent, on ne pourra rien régler dans le système. Si on entre dans le système à cause d'un problème de comportement, on est toujours traité de la même façon parce qu'il n'y a aucun moyen d'en sortir. C'est ainsi que le nombre de détenus augmente.
Mme Llewellyn : Merci beaucoup.
L'une des choses que vous apprendrez au sujet de l'approche réparatrice, c'est qu'on devient vraiment bon pour déplacer les meubles. J'espère que nous pourrons reculer pour faire partie d'un plus grand cercle avec vous et que chacun se sentira libre de poser des questions et d'écouter les réponses. C'est une tâche intimidante. J'ai l'impression que vous ne vous prêterez peut-être pas trop bien à mes signes.
Nous allons donc nous asseoir les uns à côté des autres. Votre président pourra s'incliner vers moi quand il pensera qu'une question est bonne. Nous voulons vous donner l'occasion de vous asseoir avec nous et de nous poser des questions sur les points qui vous intéressent. Vous pouvez adresser votre question à une personne particulière ou à tout le groupe. Dans ce dernier cas, nous nous arrangerons ensemble.
Le président : Je vous remercie.
Vous avez tous raconté des histoires remarquables et vraiment impressionnantes. J'aimerais préciser que l'étude du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles porte sur les délais du système de justice pénale.
Ce que Scott a dit de ce qui se passe dans le système scolaire et des statistiques des suspensions est vraiment fascinant. Il n'y a pas de doute que cela aura des incidences sur les tribunaux futurs.
Jennifer, vous avez parlé de l'aspect intéressant les jeunes. J'aimerais savoir de quelle façon cela se répercute sur les tribunaux d'Amherst et d'autres endroits de la province. Des jeunes vont devant les tribunaux, mais vous les retirez de ce circuit pour les brancher sur un autre processus qui change leur vie. D'après les statistiques, la criminalité diminue, mais les tribunaux restent engorgés. Il y a donc des problèmes réels à ce niveau.
La question s'adresse non seulement à vous, Jennifer, mais aussi à quiconque a quelque chose à dire sur ce que vous faites et sur les incidences actuelles de votre action sur ce qui se passe dans les tribunaux. J'imagine bien sûr que vous espérez tous qu'à un moment donné de l'avenir, ces mesures auront des effets. Je suppose aussi que vous souhaitez que la même approche soit étendue aux adultes, mais je crois que cela ne se fait presque pas pour le moment.
Mme Llewellyn : Au cours de la discussion du cercle, nous n'avons pas parlé de la possibilité de réduire les délais aussi bien au tribunal qu'à l'extérieur. Je voudrais également préciser qu'il est envisagé d'étendre sous peu notre programme de justice réparatrice aux adultes. La volonté politique est là, la communauté est prête pour ce changement et le système existe déjà. Nous avons cependant voulu faire les choses de la bonne façon et en prenant les précautions nécessaires. Les projets pilotes actuels visent explicitement à en arriver à un modèle de compétences partagées entre le système de justice pénale et les organismes de justice communautaire. Ce sera peut-être pour vous l'occasion de revenir en Nouvelle-Écosse à un moment donné.
J'invite un membre du groupe à répondre.
Mme Furlong : Je peux commencer et essayer de répondre à cette grande question.
En fait, pendant que nous prenions le café ce matin, Tanya et moi avons parlé de la façon de répondre à la question, qui est plus ou moins évidente. Nous savons que le nombre de jeunes ayant des démêlés avec le système de justice pénale est en baisse. Nous savons qu'en ce qui concerne la probation, l'aide juridique, la Couronne et la justice réparatrice, le nombre de jeunes en cause a diminué. C'est peut-être parce que nous faisons du très bon travail. C'est peut-être aussi parce qu'il y a moins de jeunes qui vivent dans les communautés rurales. Nous ne le savons pas vraiment. Comme je l'ai déjà noté, la complexité des cas a certainement augmenté, de même que les besoins des jeunes et des familles que nous aidons et la gravité des infractions commises.
Jennifer a parlé de délais. Mercredi après-midi, un agent de la police municipale nous a renvoyé un cas. Nous avons reçu le renvoi à notre bureau deux heures après l'infraction. Quelqu'un, dans le centre-ville d'Amherst, a appelé la police en disant qu'il a vu deux jeunes en train de flâner dans une ruelle et qu'il les soupçonnait de tracer des graffitis ou de faire du vandalisme. L'un des deux avait de la marijuana sur lui. L'affaire a été traitée. Le document de renvoi a été rempli et nous a été faxé. Nous l'avons reçu à notre bureau peut-être 118 minutes après l'heure à laquelle l'infraction avait été commise. C'était vraiment rapide, mais cela se produit de plus en plus.
Dans la semaine qui a suivi, un agent de chez nous a pris contact avec le jeune pour organiser une réunion. Une séance de justice réparatrice a été prévue et une entente a été conclue en quelques semaines, certainement moins d'un mois. Cela dépend un peu des cas, mais ce dossier particulier pourrait être fermé en quelques semaines ou moins d'un mois après l'infraction. C'est court à comparer à la façon dont les choses se passent au tribunal pour adolescents d'Amherst, comté de Cumberland. Le tribunal siège le premier mercredi de chaque mois. Si un jeune commet une infraction le premier jeudi ou le premier vendredi du mois, il doit attendre un mois avant de comparaître. Ensuite, l'affaire est reportée à la séance suivante du tribunal pour permettre au jeune de parler à un avocat. Avec la justice réparatrice, c'est certainement plus rapide.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup de votre présentation. J'aurais aimé avoir cette présentation il y a 39 ans, et je vous explique pourquoi.
Je me présente, Jean-Guy Dagenais. Je suis un sénateur du Québec, mais je dois vous dire qu'avant d'être sénateur, j'ai été policier à la Sûreté du Québec pendant 39 ans. J'ai travaillé 24 ans sur une auto-patrouille dans un milieu défavorisé, où 80 p. 100 de la population vivait de l'aide sociale. Ceci étant dit, j'ai dû intervenir souvent dans des situations de violence conjugale, de voie de fait, de voie de fait grave, de meurtre, de tentative de meurtre, de vol à main armée, souvent avec des adolescents.
J'ai passé 24 ans de ma carrière devant les cours de justice où il y avait beaucoup de remises, et j'ai souvent remarqué — peut-être que certains avocats n'aimeront pas cela — que les avocats de la défense demandaient des remises tout simplement pour obtenir des délais déraisonnables et demander au juge de retirer la cause, parce que les délais étaient de deux ou trois ans. J'ai vu des jeunes qui ont été arrêtés à 16 ans ou à 14 ans, et qui ont été judiciarisés à 19 ans ou 20 ans, parce que les délais étaient trop longs. Pour ma part, je salue votre courage, votre détermination et votre patience, parce que, évidemment, aujourd'hui, je pense que les policiers ont une formation un peu de travailleur social, ce que nous n'avions pas à l'époque.
Encore là, aujourd'hui, dans la région de Montréal, la semaine dernière, un policier a été attaqué avec une arme blanche. Il a dû se servir de son pistolet Taser. Le Taser ne fonctionnait pas, alors il s'est servi de son arme et il a abattu le sans-abri qui souffrait de troubles mentaux. Maintenant, je ne sais pas comment les choses se passent à Halifax, mais au Québec, les jeunes ont été désinstitutionnalisés. Cela signifie que le gouvernement a fermé les institutions et que beaucoup de personnes qui souffrent de maladies mentales se retrouvent à la rue, où les premiers intervenants sont des policiers.
Ceci étant dit, ma question — d'ailleurs, notre président l'a bien souligné — porte sur le fait qu'on évoque les retards dans les cours de justice, mais ce qui fait défaut, particulièrement au Québec, ce sont les délais. Je ne sais pas comment les choses se déroulent à Halifax, mais l'ancien juge en chef de la Cour supérieure du Québec, le juge Rolland, nous a informés que les prochaines dates de cour disponibles sont en 2019. Alors, le problème, c'est qu'il faut se doter d'une justice qui réhabilite. Cependant, il faut aussi avoir des délais plus courts, parce que les délais ont un impact sur le prévenu.
De plus, il ne faut pas oublier que les délais ont un impact sur la victime. La personne qui est victime et qui doit attendre deux, trois ans subit un stress important, elle doit se présenter à la cour, et ce n'est pas facile pour elle. Ainsi, je ne sais pas comment vous entrevoyez la situation de votre côté, mais je tiens à vous féliciter pour votre excellent travail et votre détermination, parce que j'imagine qu'il faut beaucoup, beaucoup de détermination. Merci.
[Traduction]
Mme Llewellyn : Je vais inviter les membres du groupe à répondre.
Nous sommes vraiment très heureux du fait qu'après cette réunion, vous irez au tribunal de la santé mentale et que vous aurez un entretien avec notre juge en chef Pam Williams, qui était auparavant juge au tribunal pour adolescents. Le tribunal a pris une mesure intéressante pour réduire les délais et travailler dans un esprit de réparation en désignant un agent chargé du traitement des cas de justice réparatrice comme membre de l'équipe du tribunal. De plus, cette équipe recourt à des processus réparateurs pour intensifier la communication et la collaboration afin d'accélérer les choses une fois que les dossiers arrivent là. Les préparatifs faits par l'équipe avant la comparution devant le tribunal réduisent les délais et les ajournements. La juge en chef a joué un rôle de premier plan en créant l'espace nécessaire dans la structure judiciaire pour mettre en place les processus réparateurs à l'intention non seulement de ceux qui ont des démêlés avec la justice, mais aussi des intervenants du système pour qu'ils puissent mieux travailler et collaborer. Elle a aussi fait les mêmes changements au tribunal de la santé mentale. Je crois que vous trouverez très intéressant de voir son équipe à l'œuvre.
Nous avons eu des questions sur les moyens de rendre la justice plus efficace aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du système de justice pénale.
Emma, voulez-vous commencer?
Mme Halpern : Conformément à ce que Jennifer a dit, il n'y a pas de doute que le système de justice pénale se complaît dans les délais, qui se généralisent partout au Canada. Nous tombons encore sur des cas comme ceux dont vous avez parlé où la date du procès n'est fixée que deux ans après que l'affaire est arrivée devant les tribunaux. Les possibilités qu'offrent les approches réparatrices comprennent tout d'abord l'élément évident qui consiste à détourner de nombreux cas du système judiciaire pour les aiguiller vers d'autres processus et mécanismes qui, comme nous en avons parlé plus tôt, font intervenir différents services et différentes personnes en vue de la solution du problème qui se pose.
Comme Jennifer l'a dit, les tribunaux spécialisés offrent une autre possibilité d'adopter une approche plus réparatrice. Je crois savoir — mais je suis sûre que la juge Pamela Williams vous l'expliquera mieux que moi — que les délais de certains des tribunaux spécialisés, comme celui de la santé mentale, sont beaucoup plus serrés. Ces tribunaux n'ont pas à affronter les mêmes difficultés que les autres parce qu'ils sont conçus pour tenir compte de la complexité des problèmes sociaux auxquels une personne est exposée et qu'ils fixent des délais assez courts dans lesquels la personne doit montrer qu'elle s'est occupée du problème, quel qu'il soit.
À mon avis, la meilleure façon d'affronter ces problèmes consiste à penser différemment et à aborder notre système d'une manière très différente. Je crois personnellement que le système actuel récompense les retards dans une certaine mesure parce qu'on peut avoir plus de succès si on réussit à obtenir des remises et à manipuler le système. C'est habituellement la façon dont la défense voit les choses, comme je le faisais moi-même il y a bien longtemps. On attend souvent que différentes choses se produisent. Il arrive fréquemment dans le système actuel que les avocats n'aient vraiment rien à gagner en accélérant les choses. Nous devons commencer à penser différemment à ce que nous essayons de faire dans notre système, c'est-à-dire ne pas simplement viser un seul résultat final, mais s'efforcer de régler le problème qui se pose à la personne en cause. Que ce soit en santé mentale, dans le cadre de nos tribunaux de la santé mentale ou du mieux-être, une approche réparatrice éliminera inévitablement, à mon avis, beaucoup de délais. Nous en sommes certainement témoins dans les tribunaux qui utilisent l'approche réparatrice.
Encore une fois, je ne dispose pas de statistiques, mais je sais que les taux de récidive sont beaucoup moindres dans le cas des jeunes qui passent par l'approche réparatrice. Tanya ou Jennifer en parleront peut-être plus tard. De toute façon, nous constatons que les gens que nous revoyons sont moins nombreux.
Il y a un autre aspect que je voulais aborder. Seul un tout petit pourcentage de notre population a des démêlés avec la justice pénale. Parmi les jeunes, par exemple, les nombres ne sont vraiment pas très élevés. Nous parlons d'un très petit groupe bien particulier de personnes. Si nous pouvons nous attaquer vraiment à leurs problèmes, nous commencerons inévitablement à régler le problème des délais et d'autres difficultés que connaît notre système.
Mme Llewellyn : Lorsque nous aurons obtenu les statistiques concernant le respect des ordonnances, je pense qu'elles correspondront à ce qu'ont dit les membres du cercle. Les gens sont beaucoup plus susceptibles de respecter leurs engagements s'ils les ont pris dans un esprit de collaboration et s'ils ont participé au processus qui a mené à l'adoption de l'ordonnance. Cela aussi joue un rôle dans l'évolution du taux de récidive.
Je manquerais à mon devoir si je n'ajoutais pas que, dans beaucoup des programmes et des établissements dont vous avez entendu parler ce matin, la police a été un partenaire essentiel grâce à son rôle en matière de police communautaire et de prévention du crime. Les agents jouent un rôle actif non seulement en préservant la sécurité publique, mais aussi en participant à des partenariats et à des activités dans les écoles, les communautés et les services communautaires du campus de mon université. Dans tous ces endroits, une approche fondée beaucoup plus sur la collaboration permet, dans ceratins cas, de réallouer des ressources ailleurs qu'au sein du système de justice pénale et donne en même temps à ce système la possibilité d'utiliser ces ressources beaucoup plus tôt dans la communauté, grâce à l'esprit de collaboration et à l'approche réparatrice.
Sénateur White?
Le sénateur White : Merci.
Ma question s'adresse à vous, Emma. J'écoute des témoins depuis maintenant six mois et je constate que, en fait, les avocats veulent le plus souvent un système plus imposant, sans qu'il soit forcément en meilleur état. Ils ne tiennent pas à corriger ce qui ne va pas dans le système. Et soyons justes, nous discutons des failles du système et non de la possibilité d'accroître les effectifs d'un système qui ne marche pas.
J'ai un parti pris. J'ai passé 32 ans dans les services de police. En 1985, j'ai participé au premier programme de justice réparatrice à Nain, au Labrador. Ma thèse de maîtrise a porté sur la justice réparatrice, dont je suis un fervent partisan. Les plus grandes réticences, où que je sois allé, dans les trois territoires et dans trois provinces, ont été celles des avocats de la défense et du ministère public. Chaque fois. C'est qu'ils veulent avoir la mainmise sur le système de justice; ils refusent que qui que ce soit d'autre le dirige; ils veulent faire partie de la solution. Cela doit s'expliquer par la formation qu'ils ont reçue : c'est leur système. Comment combattre cette attitude?
Mme Halpern : J'ai quelques réponses à apporter. Il faut laisser une place aux avocats dans l'approche de justice réparatrice. On ne peut pas les exclure.
J'en demande beaucoup à Tanya. Je sais qu'elle prendra la parole plus tard. Je me suis rendue à Yarmouth, chez elle, et il y a eu une excellente participation de la part des avocats de la défense et du ministère public à nos cercles de justice réparatrice et à son conseil. C'était étonnant. Lorsqu'il est allé pour la première fois à un cercle, un avocat de mon bureau, aujourd'hui juge, en est revenu les yeux grands ouverts par l'expérience. Il y était allé comme simple membre de la communauté et non comme avocat. On n'est pas là pour parler au nom d'un client. Cette expérience a entraîné un revirement chez lui. Il s'est mis à accepter, à soutenir l'approche de la justice réparatrice et il a été disposé à aiguiller ses clients vers cette approche et à les soutenir dans cette démarche.
Il faut que le système soit moins axé sur une opposition entre deux camps et nous devons trouver un moyen d'intégrer les principes de la justice réparatrice dans le système actuel et de modifier les rôles dans une certaine mesure, mais nous ne pouvons pas dire que nous n'avons plus besoin des avocats de la défense ou du ministère public. Dans mon travail, je passe beaucoup de temps à parler des principes de la justice réparatrice sous l'angle des compétences culturelles, et donc d'une meilleure capacité de représenter les cultures diverses de notre province, et de l'utilisation des principes de la justice réparatrice pour aborder les traumatismes et mieux les comprendre. Je crois que nous observons une évolution chez les avocats, qui doivent comprendre que leur rôle va au-delà de la connaissance de la loi et de la lutte pour obtenir un acquittement ou une constatation de culpabilité. Bien sûr, c'est le rôle des avocats du ministère public; ils sont censés veiller à ce que nous ayons une société juste.
Chose certaine, les avocats du ministère public commencent à explorer cette approche. Comme quelqu'un l'a dit, peut-être était-ce Scott, le changement ne se fera pas du jour au lendemain. Nous allons devoir accueillir les gens, leur confier un rôle, les aider à comprendre, à voir la place qu'ils peuvent occuper, à voir comment ils peuvent s'intégrer. Nous n'essayons pas de créer un programme de déjudiciarisation qui ne laisse aucune place aux acteurs actuels du système de justice. Il est vraiment important que les approches de la justice réparatrice ne soient pas perçues comme un mode de déjudiciarisation qu'on utilise quand cela convient ou avec de jeunes contrevenants, mais plutôt comme un élément central du rôle joué par les acteurs du système de justice.
J'ai l'avantage de faire partir d'un barreau et donc d'avoir une certaine autorité à l'égard d'avocats. Comme je l'ai dit au départ, nous évoluons vers une conception de notre réglementation professionnelle éclairée par la justice réparatrice. Cela entraînera également les avocats, puisque, que cela leur plaise ou non, ils font partie d'un barreau. Ils observeront une évolution dans la façon de penser et de travailler de leur organisme de réglementation, et cela se traduira plus ou moins, je l'espère, par une transformation de la conception de leur rôle ou, au moins, par une ouverture à une conception différente de leur travail.
La sénatrice Batters : Je m'appelle Denise Batters. Je suis une sénatrice de la Saskatchewan et une avocate. J'ai eu une pratique privée pendant plus d'une dizaine d'années, après quoi j'ai été chef de cabinet du ministre de la Justice de la Saskatchewan pendant près de cinq ans. J'ai donc une certaine expérience d'un côté comme de l'autre, et je siège au Sénat depuis maintenant trois ans.
Monsieur Smith, je vous suis vraiment reconnaissante de votre témoignage. Il est important pour nous d'entendre le point de vue des victimes et de ceux qui travaillent avec elles, des conséquences pour elles des retards du système de justice. Ces conséquences peuvent être très lourdes, et nous n'en avons pas beaucoup entendu parler pendant nos audiences. De toute évidence, beaucoup de victimes hésitent à parler. Pourriez-vous nous parler davantage du point de vue des victimes?
M. Smith : Merci de me poser la question. Je suis bien placé, car les victimes ont voulu que je sois leur principal porte-parole. J'ai donc entendu de nombreux témoignages. C'est très pénible. Comme je l'ai dit, nous avons été interrogés par nos propres avocats. Certaines femmes ont trouvé très pénible de se trouver dans une salle avec un homme. Nous luttons pour vous, mais c'est très traumatisant. Ce sont là les gens qui se sont exprimés.
Je le répète, il y a eu 160 actions au civil. Il y a eu des interrogatoires à répétition. Nous racontions la même histoire, mais nous ne nous connaissions pas. Il y a eu l'attente et les retards. Les tribunaux, les juges, les avocats peuvent faire cela. Par exemple, trois des principaux plaignants du recours collectif sont venus jusqu'ici pour apprendre que l'audience avait tout à coup été annulée. L'une des trois souffrait de cancer et suivait des traitements. Elle a fini par décéder. C'était accablant, mais la cause était importante pour elle. Même si elle souffrait, il lui semblait plus important d'être présente spirituellement et physiquement pour cette cause.
Lorsqu'il y a un recours collectif, les gens ne savent pas nécessairement qu'il se déroule. Tout à coup, ils l'apprennent, ce qui ravive les souvenirs. Lorsqu'on présente une plainte, c'est très pénible parce que les souvenirs reviennent. Comme je l'ai dit, nous essayons d'atténuer ces nouvelles douleurs, de procurer un soutien. Les victimes qui racontent leur histoire, on les enregistre, et l'enregistrement est transmis à l'enquête de sorte qu'elles n'ont pas à tout répéter.
Il doit y avoir une autre façon de considérer ce problème et d'aborder la population en question. Plus le processus est long, plus les victimes souffrent et plus elles se sentent rejetées. Elles commencent à penser qu'on ne les croit pas, que personne ne va les croire, que tout le monde se fiche de ce qu'elles ont vécu toute leur vie.
Je dois dire qu'il a été très pénible pour nous, anciennes victimes, de traiter ainsi avec le système de justice. Il y a aussi un autre élément, le racisme, car, dans notre cas particulier, nous ne pouvions pas aller de l'avant à cause du système de justice. Des affaires identiques mettant en cause des personnes d'une autre couleur allaient de l'avant et recevaient plus d'attention. Nous sommes donc doublement frappés : les mauvais traitements ou autres problèmes et le racisme. Plus il y a de retards, plus les victimes sont de nouveau victimisées. Il faut mettre quelque chose en place.
La dimension réparatrice de la justice est ce qui nous est arrivé de mieux, je peux vous le dire maintenant, tout comme le fait que le gouvernement songe à adopter cette conception et dise que nous devons apporter des changements, que nous devons faire les choses différemment. Je vais être très honnête avec vous. Le premier ministre Stephen MacNeil a dit : « Tony, je veux que vous proposiez une équipe de conception avec la participation de pensionnaires. Je veux que vous réfléchissiez à ce que vous souhaitez comme enquête publique. Je ne veux pas qu'on ait l'impression que le gouvernement vous dicte ce que vous allez faire. Nous allons être des partenaires sur un pied d'égalité. » Normalement, on a un commissaire qui est un juge à la retraite. Maintenant, nous avons des représentants de la communauté, des représentants du gouvernement, d'anciens pensionnaires et nous invitons tout le monde, des gens de la GRC, de la police d'Halifax, des différents partis de l'opposition. Les différents ministères, dont ceux de la Justice, de l'Éducation et de la Santé, ont tous eu une influence sur notre façon d'apprendre. J'ai été au service du gouvernement pendant une trentaine d'années, je connais les fonctionnaires, je sais qu'il y a une foule de gens bien qui veulent faire ce qu'il faut, mais à cause des dirigeants élus et de la politique en place, ils doivent apporter des changements.
Avant que je ne dénonce les faits, je m'occupais de jeunes en famille d'accueil et j'ai parlé de l'orphelinat pour enfants de couleur et de choses de cette nature. J'ai dit que j'avais beaucoup de ressentiment contre les travailleurs sociaux, qui m'ont demandé pourquoi. Je n'étais pas un enfant difficile. Je n'avais pas de problèmes avec les policiers ni avec l'école, par exemple, mais comme je n'étais pas difficile, je n'ai pas pu vous voir, même si j'étais maltraité par ce système. Beaucoup de travailleurs sociaux ont dit : « Nous avons beaucoup de ressentiment parce que la priorité imposée par nos surveillants était de nous occuper des enfants qui avaient beaucoup de problèmes de comportement. » Après quelques années, ils ont dit : « Vous savez quoi, Tony? Nous avons apporté des changements. Maintenant, nous voyons tous les enfants. »
Je me sentais négligé; je me disais que je faisais ce qu'il fallait pendant ces années de croissance, mais je n'avais personne à qui parler. Moi qui étais dans ce système en très bas âge, je me disais que je pouvais faire tout ce que je voulais. Ce n'est pas pour cela que j'ai dénoncé les faits. J'ai réussi à me faire une vie, j'ai une belle femme avec qui je vis depuis maintenant environ 36 ans. J'ai un fils qui est agent de la GRC, une fille qui est enseignante. Oui, je peux dire que j'ai réussi ma vie. Je ne savais pas qu'il y avait un recours au sujet de ce qui m'est arrivé personnellement. Ce qui me tourmentait, c'était mon camarade qui a été battu et en est mort. Je me sentais impuissant parce que j'ai essayé de l'aider. Cela me faisait peur, mais un jour, je me suis dit que je devais raconter cette histoire. Je ne me suis pas adressé aux médias. C'était mon travail. On est venu me dire : « Vous êtes un ancien pensionnaire de l'orphelinat pour enfants de couleur. Il est question qu'on reconnaisse son caractère patrimonial et il serait bien d'avoir le point de vue d'un ancien pensionnaire. » J'ai répondu : « Je veux bien vous raconter mon histoire, mais ce n'est peut-être pas celle que vous voulez entendre. » C'est à ce moment que j'ai dénoncé les faits, ce qui a amené d'autres personnes à sortir de l'ombre.
Il faut du temps pour mettre l'enquête en route. C'est à l'avantage de ceux qui ont quelque chose à se reprocher, puisque, avec le temps, des gens meurent. Puis, on rencontre une victime, comme l'aîné qui m'a dit : « Tony, continue de lutter, parce que nous ne verrons jamais ce jour-là. » Voilà ce qui m'a incité à poursuivre la lutte. Bien des années ont passé, depuis 1998. Mais il a été extraordinaire que ces gens voient venir ce jour-là, de voir ces visages. Pour moi, le plus important, le plus réjouissant, c'est de constater que ces personnes savent maintenant qui elles sont, reconnaissent dans l'adulte l'enfant qu'elles ont toujours été et sentent qu'elles sont innocentées. Plus il faudra de temps pour parvenir à un règlement, plus il y aura de préjudices encore.
Mme Llewellyn : Merci, Tony. Une chose intéressante pourrait découler de cette enquête, qui suscite beaucoup d'espoir : elle peut faire changer le système grâce à l'approche de la justice réparatrice. Je présume que l'un des défis à relever au sujet des délais dans le système de justice pénale tient non seulement aux programmes et pratiques en place, et aux modifications de politiques et de lois, mais aussi aux recommandations visant à ce que les gouvernements apportent ces modifications. L'une de choses que vous voudrez peut-être surveiller dans le déploiement de l'enquête selon l'approche de la justice réparatrice dans la province, c'est la façon dont nous réunissons divers acteurs du système pour qu'ils s'engagent et travaillent à une modification axée sur l'action de systèmes qui avancent à pas de tortue.
Nous espérons sincèrement qu'une approche de justice réparatrice, comme Tony l'a dit, nous permettra de collaborer à la recherche de solutions à l'intérieur des systèmes, solutions qui pourront s'implanter et apporter les changements nécessaires.
Monsieur le sénateur McIntyre, un diplômé de Dalhousie, je crois?
Le sénateur McIntyre : Je serai très bref.
Je m'appelle Paul McIntyre. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick. Ce que vous avez dit m'a paru non seulement intéressant, mais aussi très touchant. Si j'emploie cet adjectif, c'est que, lorsque j'étais jeune, l'approche de la justice réparatrice n'existait pas, il n'y avait pas de cercle d'échange. Les seuls cercles que j'ai connus, ce sont ceux dans lesquels il fallait se battre, pour faire son chemin à l'école, pour pratiquer les sports, et ainsi de suite. J'avais de bons parents. Ma mère et mon père étaient mon cercle d'échange. Ils n'étaient pas instruits. Mon père était bûcheron et travaillait dans la forêt, mais mes deux parents travaillaient fort et ils nous ont envoyés, mon frère et moi, faire des études. J'ai fini par devenir avocat, diplômé de Dalhousie, ce dont je suis très fier, soit dit en passant. J'ai exercé le droit pendant 35 ans dans le nord du Nouveau-Brunswick : beaucoup de droit pénal, de droit de la famille et droit civil.
Le sénateur Baker : NCR.
Le sénateur McIntyre : NCR, effectivement : non criminellement responsable, c'est juste. Je siégeais à la commission d'examen du Nouveau-Brunswick : troubles mentaux, partie 20.1.
Quoi qu'il en soit, tout ce que je veux dire, c'est que la violence dont j'ai été témoin lorsque j'étais enfant est réapparue dans les salles des tribunaux, et j'ai pu le voir. J'avais entendu parler de l'approche de la justice réparatrice, et je suis très fier d'entendre parler de l'excellent travail que vous accomplissez. Je vous en prie, continuez.
Je terminerai par ceci, dont je suis convaincu : nous devons parler. Nous devons le faire, car si nous parlons, les choses progresseront. Si nous ne parlons pas, c'est fichu. Merci.
Mme Llewellyn : Les applaudissements qui ont accueilli vos observations sont en soi émouvants.
Madame la sénatrice Jaffer.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup à vous tous.
Les échanges de ce matin ont été vraiment stimulants. Je dois m'assurer de ne pas rêver devant une expérience aussi convaincante. Je m'en voudrais de ne pas remercier le sénateur White, qui a insisté pour que nous fassions cela aujourd'hui. C'est à lui que nous devons d'être ici. Nous hésitions un peu, tellement les demandes sont nombreuses.
J'ai une question à poser à Scott, mais je sais que nous manquons de temps. Tous, vous nous avez accordé beaucoup de temps et je me demandais si, dans notre rapport, nous pourrions publier une annexe qui expliquerait comment vous vous y êtes pris, de façon que d'autres administrations puissent utiliser le même modèle. Il serait très utile que, pour assurer le suivi, nous puissions décrire la démarche qui a été la vôtre.
Ma question — je sais que nous avons très peu de temps et nous y reviendrons peut-être... Vous qui étiez en position d'autorité, qui pouviez prendre des décisions, comment avez-vous acquis la conviction que c'était la bonne chose à faire? J'ai écouté Emma, et je comprends. Mais alors, comment avez-vous insisté pour qu'on adopte cette formule. J'ai compris l'autre élément. Pas la peine d'y revenir.
M. Milner : Non, je ne le ferai pas.
La sénatrice Jaffer : Mais tout le reste.
M. Milner : Non, je ne vais pas répéter. Je traitais avec des enfants et des familles et je voyais des enfants et des familles écartés du système scolaire. Ma conception des choses a changé grâce à la pratique. Au départ, je n'étais pas convaincu. Je concevais cette approche comme un moyen de faire prévaloir mon point de vue de figure d'autorité, mais la pratique m'a amené à changer. Je me suis aperçu que ce n'était pas un moyen pour moi, comme administrateur, directeur ou enseignant, d'imposer mon point de vue, mais que c'était une façon de m'engager. Cela m'a fait comprendre que je ne savais pas tout. Cela m'a aidé à devenir plus introspectif, plus réfléchi, plus conscient de mes propres réflexions et de ma propre approche.
Il s'agissait au fond de prendre le risque, d'avoir le courage d'être vulnérable, de se remettre en question. Ce fut une suite de petits pas. Parfois, il y a eu une certaine insistance. Je ne dirai pas que c'est à cause d'Emma, encore une fois, mais elle m'a tout de même poussé en me disant de prendre le risque. Une fois que j'ai eu fait l'expérience de cette approche, cela m'a ouvert le cœur et s'ouvrir le cœur amène à penser différemment.
Au moment où je vous parle, je me représente les enfants et les élèves dont je me suis occupé et qui étaient dans des situations très complexes. Il ne s'agissait pas d'enfants qui oubliaient leur crayon ou n'arrivaient pas à étudier, mais d'enfants qui ne venaient pas à l'école parce qu'ils étaient plongés dans des situations très complexes. S'ouvrir pour essayer de comprendre, aller dans les foyers des enfants, chercher des solutions tous ensemble, voilà les éléments constitutifs, les petits pas qui m'ont aidé à changer ma façon de penser.
L'étape suivante a été d'essayer d'influencer les autres. À ce stade, j'ai senti à la fois des pressions et un soutien. Il faut faire des déclarations très fermes et exercer des pressions sur ceux qui travaillent dans les établissements et les organisations qui préfèrent le statu quo. J'ai dû exercer des pressions avec autorité, mais aussi donner l'exemple lorsque l'occasion se présentait de travailler avec un conseil d'administration élu, par exemple, ou des administrateurs chevronnés du système, de travailler de cette manière, de joindre le geste à la parole et d'expliquer.
C'est un processus lent et méthodique. C'est comme un sentier rocailleux vers la plage. On finit par arriver sur la plage, mais il est parfois difficile de s'y rendre.
Votre question est très difficile. C'est une accumulation de petites expériences échelonnées dans le temps, c'est une influence à exercer et il faut constamment penser à faire évoluer l'organisation. J'espère avoir répondu à votre question, mais nous pourrons en discuter plus tard.
Mme Llewellyn : Nous serions heureux de nous mettre à la disposition du comité s'il souhaite avoir d'autres renseignements, et nous vous demandons de nous faire savoir si nous pouvons vous fournir autre chose. Nous pouvons certainement vous procurer de courts textes sur le contexte du travail que nous accomplissons dans la province. Je sais que vous avez le reste de la journée pour vous renseigner sur le système de justice en Nouvelle-Écosse et la justice réparatrice lorsque vous irez voir le tribunal de la santé mentale. Bon voyage à l'aller comme au retour.
Nous vous sommes très reconnaissants de l'occasion qui nous a été offerte et nous avons hâte de voir les séances du comité sénatorial sur les cercles de réparation en webdiffusion. Ce fut vraiment un honneur et un plaisir d'échanger avec vous. Merci beaucoup de nous avoir accueillis ce matin.
(La séance est levée.)