Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 10 - Témoignages du 9 juin 2016
OTTAWA, le jeudi 9 juin 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi S- 1001, Loi autorisant La Capitale Sécurité financière, Compagnie d'assurance à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province du Québec, ainsi que le projet de loi S-217, Loi modifiant le Code criminel (détention sous garde), s'est réuni aujourd'hui, à 10 h 31, pour étudier les projets de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du public qui suivent la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous allons commencer notre séance aujourd'hui par l'étude du projet de loi S-1001, Loi autorisant La Capitale Sécurité financière, Compagnie d'assurance à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.
Comparaissent aujourd'hui Pierre Marc Bellavance, vice-président, Affaires juridiques et secrétaire général ainsi que Julie Noël de Tilly, avocate et coordonnatrice du secrétariat général, de La Capitale Groupe financier.
Merci d'être venus. Je crois savoir que vous allez faire une déclaration préliminaire, monsieur Bellavance. Vous avez la parole.
[Français]
Pierre Marc Bellavance, vice-président, Affaires juridiques et secrétaire général, La Capitale groupe financier inc. : Merci de l'invitation à participer aux travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. C'est une première pour moi et ma collègue, ici présente. Je voulais vous en remercier d'entrée de jeu.
J'aimerais également remercier l'honorable sénateur Dennis Dawson, qui a accepté de parrainer notre projet de loi d'intérêt privé, et souligner qu'il a fait preuve d'une grande efficacité dans le cadre de ce dossier. J'aimerais aussi remercier le sénateur Claude Carignan, qui prendra la relève dans le cadre de ce dossier.
Je tiens à souligner, par ailleurs, que nous avons contacté le député libéral Joël Lightbound, qui a accepté de parrainer notre projet de loi à la Chambre des communes afin que nous puissions respecter notre délai.
J'aimerais vous expliquer un peu qui est le pétitionnaire, La Capitale sécurité financière, la CSFCA comme on l'appelle, qui demande aux membres du comité de recommander l'adoption du projet de loi S-1001, Loi autorisant La Capitale sécurité financière, compagnie d'assurance à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec.
Ce n'est pas un projet de loi controversé, mais un simple projet de loi privé de nature purement administrative qui demande qu'une société privée puisse modifier son statut de société à charte fédérale à celui de société d'assurances provinciale, comme si elle avait été constituée selon les lois du Québec.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, qui pourra vous exposer l'historique de cette compagnie que nous voulons proroger en vertu des lois du Québec.
Julie Noël de Tilly, avocate et coordonnatrice du secrétariat général, La Capitale groupe financier inc. : Bonjour. La société a été constituée en personne morale le 1er janvier 1993 en vertu de l'article 22 de la Loi sur les sociétés d'assurances. À l'origine, elle portait le nom de La Compagnie d'assurance-vie Penncorp. En 2004, nous avons procédé au changement de sa dénomination sociale pour son nom actuel, La Capitale sécurité financière, compagnie d'assurance. Sa place d'affaires principale est située à Mississauga, en Ontario.
En 2006, la société a été achetée par La Capitale assureur de l'administration publique inc. Ces deux sociétés font maintenant partie du groupe financier La Capitale. Le groupe La Capitale se divise en deux secteurs, un secteur d'assurance de dommages et un secteur d'assurance de personnes, et est composé de six sociétés d'assurances, dont cinq sont constituées en vertu des lois du Québec.
La Capitale, par l'intermédiaire de ses filiales en assurance de personnes, se classe au 10e rang en importance au Canada. Au 31 décembre 2015, les actifs sous gestion de La Capitale étaient de 5,8 milliards de dollars. Les primes pour le secteur de l'assurance de personnes et des services financiers étaient de l'ordre de 1 milliard de dollars, tandis que celles du secteur de l'assurance de dommages étaient de 880 millions de dollars. Le groupe La Capitale emploie 2 699 personnes qui desservent 1 million de Canadiens et de Canadiennes.
La société a rempli toutes les conditions exigées pour présenter le projet de loi, comme l'a mentionné l'honorable sénateur Dennis Dawson dans le cadre des débats lors de la deuxième lecture du projet de loi S-1001. Nous avons effectué la publication exigée dans la Gazette du Canada, la Gazette de l'Ontario, ainsi que dans le Financial Post. De plus, nous avons fait certifier la pétition par l'examinateur des pétitions au Sénat, et elle a été adoptée en première lecture le 12 mai 2016, et en deuxième lecture le 19 mai 2016.
Il est également important de noter que le Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, l'organisme de réglementation actuel de la société, et l'Autorité des marchés financiers du Québec, qui sera le nouvel organisme de réglementation de la société, ne s'opposent pas à cette demande. Les deux organismes nous ont d'ailleurs transmis des lettres confirmant leur appui à cette mesure, lettres dont nous pouvons vous remettre des copies si vous souhaitez les examiner.
Nous devrions également mentionner que ce projet de loi ne crée pas un précédent. En fait, depuis 1994, nous avons dénombré cinq précédents, lesquels ont tous requis l'adoption d'une loi d'intérêt privé. La première est l'Industrielle Alliance Pacifique, Assurance et services financiers, qui s'est prorogée en vertu des lois du Québec en 2012. Par ailleurs, il y a l'Industrielle Alliance Pacifique, Compagnie d'assurances générales, cette fois qui s'est prorogée en vertu des lois du Québec en 2011, et L'Impériale, Compagnie d'assurance-vie, qui s'est prorogée en 2011 également. Toujours en 2011, on dénote Certas direct, compagnie d'assurance, qui s'est prorogée en vertu des lois du Québec et, finalement, la dernière, la Sécurité, Compagnie d'assurances générales du Canada, qui s'est prorogée en vertu des lois du Québec en 1994.
M. Bellavance : J'aimerais ajouter que les débats parlementaires relatifs aux précédents que ma collègue vient de mentionner militent clairement en faveur d'une proposition d'amendement à la Loi fédérale sur les sociétés d'assurances, car cette loi ne permet pas la prorogation sous une loi provinciale. C'est la raison pour laquelle nous sommes devant vous aujourd'hui avec un projet de loi d'intérêt privé.
Dans le cadre des débats parlementaires, notamment dans le dossier du projet de loi S-1002, il a été question que les sénateurs travaillent sur des projets de loi d'autres natures qu'un simple projet de loi d'intérêt privé de type administratif.
Les commentaires exprimés dans le cadre du projet de loi S-1002 sont assez éloquents à cet égard, et les discussions que nous avons eues avec le sénateur Dawson visaient à nous permettre d'aller un peu plus loin dans nos démarches, c'est-à-dire d'entrer en communication avec certaines associations, dont l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes (ACCAP), par exemple, et le Bureau d'assurance du Canada (BAC), en ce qui concerne l'assurance de dommages, pour leur demander de proposer un amendement à la Loi sur les sociétés d'assurances, de sorte à éviter la démarche liée au projet de loi d'intérêt privé.
Ces démarches ont été faites, et nous avons reçu des lettres adressées au sénateur Dawson. Je les ai reçues en copie conforme et elles seront transmises au ministre des Finances du Canada.
[Traduction]
Le président : Merci à tous les deux. Nous allons passer aux questions.
Le sénateur Baker : Je remercie les témoins. Je vais poser ma question à M. Bellavance, qui n'est pas un néophyte en matière de contentieux, comme le sénateur Carignan, qui touche ce domaine particulier du droit du Québec.
Monsieur Bellavance, vous avez parlé de modifier la Loi sur les sociétés d'assurances du Canada pour y insérer un mécanisme qui vous permettrait de faire ce que vous essayez de faire aujourd'hui avec un projet de loi d'origine parlementaire.
Il faudrait apparemment modifier l'article 39 de la Loi sur les sociétés d'assurances du Canada. La première partie de l'article 39 décrit la procédure à suivre pour obtenir un certificat ou des lettres patentes de prorogation aux termes de diverses lois du gouvernement du Canada ou pour obtenir l'autorisation du ministre.
C'est le paragraphe 5 de la loi qui vous empêche de faire ce que vous faites aujourd'hui. Est-ce bien exact?
M. Bellavance : Oui.
Le sénateur Baker : Pour faire ce que vous souhaitez faire aujourd'hui, vous devez respecter certaines conditions. Il y a la liste qui énumère cinq ou six lois et cinq ou six façons de faire ce que vous cherchez à faire et vous devez vous limiter aux dispositions contenues dans la première partie de l'article 39.
Comment pourrions-nous modifier la loi pour que vous puissiez faire ce que vous demandez maintenant sans être obligés de vous présenter devant le Sénat du Canada et devant la Chambre des communes du Canada? Je suis certain qu'aucune des personnes qui se trouvent autour de la table ne s'oppose à ce que vous essayez de faire, de sorte que je vous demande comment pourrions-nous modifier la Loi sur les sociétés d'assurances du Canada pour que vous puissiez accomplir à l'avenir ce que vous voulez accomplir?
[Français]
M. Bellavance : Si j'ai bien compris votre question, monsieur le sénateur, effectivement, notre demande est liée au libellé du texte de l'article 39. Comme les alinéas 39(1)a) à e) ne s'appliquent pas à nous, nous devons faire référence au paragraphe 39(5), et nous n'avons pas le choix de passer par un projet de loi d'initiative privée pour proroger notre société. Dans le cas des cinq précédents que ma collègue vous a cités, on a dû procéder de la même façon, soit par un projet de loi d'intérêt privé.
L'amendement en soi qui serait demandé serait probablement de donner ce pouvoir de continuation ou de prorogation directement au ministre des Finances, qui est responsable de la loi en tant que telle, un peu comme au Québec. Cela éviterait aux sociétés de devoir présenter une demande au Sénat et permettrait de régler le dossier d'une telle continuation par la voie du ministre fédéral des Finances. C'est une modification qui pourrait très bien être formulée et qui serait acceptable en vertu de la Loi fédérale sur les sociétés d'assurances.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Cela serait facile, n'est-ce pas? Je pense que l'alinéa 39(1)c) mentionne que vous pouvez vous adresser à un ministre, le ministre responsable des entreprises ou quelque chose du genre. Est-ce bien exact?
Vous voudriez donc qu'on ajoute un sous-alinéa qui énoncerait « avec l'agrément du ministre des Finances » parce qu'il y a déjà un article de cette loi qui mentionne « le ministre » un peu plus haut; est-ce bien exact?
[Français]
M. Bellavance : L'alinéa 39(1)c) traite de la Loi canadienne sur les coopératives ou d'un certificat de prorogation ou de fusion en coopérative. En vertu de cette loi, on fait référence à la Loi canadienne sur les coopératives. Une modification pourrait être faite à l'article 39(1)c); ce pourrait être à cet endroit, mais il doit y avoir une modification.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Pour la prorogation en qualité de personne morale?
M. Bellavance : Oui.
Le sénateur Baker : Merci.
[Français]
M. Bellavance : Est-ce que cela répond bien à votre question?
[Traduction]
Le sénateur Baker : Oui, effectivement.
C'est une simple modification qui permettrait à tous les intéressés d'économiser du temps et elle me paraît tout à fait légitime.
[Français]
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui, et de votre présentation. Je comprends qu'il s'agit d'un projet de loi d'intérêt privé. La Capitale groupe financier souhaite être réglementée par un gouvernement provincial. Cela dit, est-ce que certains organismes de réglementation fédérale, par exemple le Bureau du surintendant des institutions financières et, au Québec, l'Autorité des marchés financiers, doivent donner leur approbation à ce changement? De plus, les actionnaires doivent-ils y donner leur accord? Finalement, les titulaires de polices d'assurance seront-ils touchés par ce changement?
M. Bellavance : Je vais répondre à votre première question concernant les régulateurs. Les régulateurs doivent aussi donner leur aval, effectivement, et nous avons reçu l'aval de l'Autorité des marchés financiers pour accueillir cette société au Québec, en vertu de la loi provinciale. Nous avons ici copie de la lettre, si les membres du comité veulent en prendre connaissance. C'est ma collègue qui vous l'a offert plus tôt.
Nous avons reçu ce matin la lettre du BSIF, qui ne s'oppose pas à ce projet et qui donne son aval. Il était très important pour nous que les deux régulateurs soient à l'aise avec la démarche et donnent leur aval à cette continuation au Québec.
Vous avez parlé des actionnaires. Nous avons apporté, si vous le souhaitez, un organigramme complet du groupe La Capitale. Il comporte plusieurs entités, soit six compagnies d'assurances, dont cinq sont déjà réglementées en vertu des lois du Québec, le régulateur étant l'Autorité des marchés financiers. Il n'y en a qu'une qui ne l'est pas, soit celle qui fait l'objet du projet de loi, ici aujourd'hui.
L'actionnaire est une compagnie, Canada inc., qui détient 100 p. 100 des actions de La Capitale sécurité financière. Cette compagnie appartient à l'une de nos principales compagnies d'assurances, La Capitale assureur de l'administration publique, qui est notre grosse compagnie d'assurances au Québec. Elle fait donc partie du giron. On a l'autorisation de l'actionnaire unique, qui est la compagnie Canada inc. dont je vous parlais, pour cette continuation, et nous l'avons dans notre dossier.
Pour répondre à votre deuxième question, l'actionnaire unique est en parfait accord avec notre démarche. Il faut bien comprendre que La Capitale est une mutuelle qui existe depuis 1940. Je ne sais pas si vous connaissez son historique. À l'origine, ce sont des fonctionnaires québécois de l'État qui ont démarré cette compagnie. C'est encore une mutuelle. Les gens de la mutuelle, en haut de la pyramide, sont au courant et sont d'accord avec notre démarche. Le groupe financier La Capitale est juste au-dessus, et nous travaillons ensemble. Tout le monde est d'accord, au-delà de l'actionnaire.
Le sénateur McIntyre : Finalement, qu'en est-il des titulaires?
M. Bellavance : La dernière réponse concerne les titulaires. Dans cette entreprise, il n'y a pas de titulaires avec participation. Il n'y a pas de police participante à La Capitale sécurité financière. Le noyau d'affaire de cette entité est la police d'assurance dans le secteur vie, accident et maladie. Toutefois, il n'y a pas de police participante. Il n'y a donc aucun impact pour les titulaires de police. Ce point est important.
La sénatrice Jaffer : Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui. J'aimerais également dire un grand merci au sénateur Dawson et au sénateur Carignan pour leur travail.
J'aurais deux questions à vous poser.
[Traduction]
Les intéressés devraient-ils approuver le changement ou seront-ils touchés par celui-ci?
[Français]
M. Bellavance : Les actionnaires?
La sénatrice Jaffer : Oui.
M. Bellavance : C'est un peu la même question que le sénateur...
[Traduction]
La sénatrice Jaffer : Non, les intéressés.
[Français]
M. Bellavance : Ils n'ont pas à donner leur aval à cette continuation du tout. Il n'y a aucun impact ni changement négatif pour eux.
La sénatrice Jaffer : C'est le même cas pour la police d'assurance?
M. Bellavance : C'est la même chose. Cela n'a pas d'impact sur le produit. Le fait qu'on change ou qu'on proroge la compagnie en vertu de la loi du Québec n'a pas d'impact sur la police d'assurance émise antérieurement pour les détenteurs de police. Il n'y a aucun impact à ce chapitre.
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue au Sénat. Quels sont les avantages de ce projet de loi pour votre compagnie sur le plan des affaires?
M. Bellavance : Sur le plan des affaires, les avantages pour nous, évidemment, sont les suivants : le fait d'avoir un seul régulateur nous permet de limiter certains frais à l'interne. Je vous le dis tout de suite, il n'y a aucun impact pour les employés qui sont à Mississauga, ni perte d'emplois ni enjeu en ce qui concerne l'emploi. En ce qui nous concerne, à l'interne, nos coûts diminueront, étant donné qu'à l'heure actuelle, nous devons acheminer les documents à deux régulateurs en même temps. Sur le plan des affaires à l'interne, cela aura un impact positif.
Le sénateur Boisvenu : Lorsque vous faites référence aux deux régulateurs, il s'agit des échelons fédéral et provincial?
M. Bellavance : Oui, parce qu'il y a l'Autorité des marchés financiers.
Le sénateur Boisvenu : Donc, vous faites le double du travail?
M. Bellavance : C'est exact, et c'est ce que nous souhaitons éviter. Cela nous donnera plus de flexibilité au niveau des placements. Je vous explique pourquoi. L'Autorité des marchés financiers applique ses règles de placement en vertu de la Loi sur les assurances du Québec. La loi fédérale comporte d'autres règles, qui sont un peu plus complexes. Cela nous simplifiera la tâche, étant donné que nos politiques de placement, qui sont adoptées par les conseils d'administration, sont très surveillées par l'Autorité des marchés financiers, comme par le BSIF, donc cela nous facilitera la tâche en matière de placements. À l'interne, cela se traduira par des économies, notamment en ce qui concerne la conformité réglementaire, la gestion des risques et les groupes de surveillance.
Le sénateur Boisvenu : En principe, vous collaborerez avec le gouvernement du Québec comme régulateur.
M. Bellavance : Oui.
Le sénateur Boisvenu : L'inverse aurait-il été possible?
M. Bellavance : Oui, si nous avions décidé de modifier toutes les lois, qui sont très complexes. La Capitale assureur de l'administration publique, notre première compagnie d'assurances, a été créée par une loi privée. On aurait donc du pain sur la planche. Ce n'est pas impossible, mais...
Le sénateur Boisvenu : La voie la plus simple c'est...
M. Bellavance : Vous n'êtes sans doute pas au courant, mais nous avons entrepris la même démarche avec Unica Insurance, notre autre filiale ontarienne, constituée en vertu de la Loi sur les assurances de l'Ontario. Il y a deux ans, nous avons continué d'exploiter cette entreprise à l'échelon provincial, au Québec. Aucun débat n'a eu lieu, parce que la loi ontarienne nous autorisait à mener des activités au Québec par voie administrative. Nous avons procédé ainsi pour la ramener au Québec. Nous entamons la deuxième démarche en ramenant la dernière entreprise au Québec.
Un jour, il est possible que nous soyons en mesure de fusionner cette entreprise que nous souhaitons amener au Québec, tout comme une autre de nos compagnies d'assurances québécoises. À ce moment-là, nous réaliserons d'importantes économies. Toutes ces démarches seront sans doute avantageuses pour notre structure organisationnelle. C'est un plan que nous examinons, car cela pourrait être très avantageux pour nous sur le plan des affaires.
Le sénateur Boisvenu : Y aura-t-il un impact sur le service à la clientèle, étant donné que cette compagnie fera des affaires au Québec?
M. Bellavance : Non. Il n'y aura aucun changement quant à l'offre des services. Il faut bien comprendre que les provinces sont responsables de l'offre des produits. Ce que nous souhaitons obtenir, c'est-à-dire la continuation, est plutôt d'ordre administratif. Cela n'a rien à voir avec l'offre des produits.
[Traduction]
Le sénateur Joyal : Je demanderais à la greffière du comité de noter le fait que je ne participe pas à ce débat parce que je tiens à éviter toute apparence de conflit d'intérêts. Je n'ai aucun intérêt direct dans La Capitale, mais on pourrait penser que j'aurais peut-être un intérêt dans une autre compagnie d'assurance. Je vais donc m'abstenir et je demande à la greffière de le mentionner dans le compte rendu de la réunion.
La sénatrice Fraser : Monsieur le président, sur ce même sujet général, je mentionne que je ne suis pas officiellement membre du comité, mais j'assiste à la séance aujourd'hui. Je ne participe pas au débat pour ne pas risquer que soit perçu un conflit d'intérêts.
Le président : Noté.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je tiens à remercier nos témoins. Lorsque j'étais superviseur des compagnies d'assurances de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, j'ai dû présenter un projet de loi privé à l'Assemblée nationale pour assurer la conformité à certaines règles de l'Autorité des marchés financiers. Je comprends bien le but de votre projet de loi privé.
Mes questions seront brèves. Historiquement, bon nombre de compagnies d'assurances ont vu le jour au Québec. Y a-t-il d'autres compagnies qui ont déjà le statut que vous avez demandé?
M. Bellavance : Si je comprends bien votre question, vous demandez s'il y a d'autres compagnies qui pourraient faire une demande similaire?
Le sénateur Dagenais : Ou des compagnies qui ont déjà fait ces demandes.
M. Bellavance : Il y a cinq précédents de telles demandes. Ma collègue en a fait part dans son exposé. L'Industrielle Alliance a fait deux demandes et Desjardins en a fait trois, selon les précédents que nous avons relevés. En 2004, 2011 et 2012, on compte cinq dossiers. Ceci dit, j'ignore si d'autres compagnies feront une demande au cours des années à venir.
Le sénateur Dagenais : L'Autorité des marchés financiers du Québec est-elle plus sévère?
M. Bellavance : Non, c'est plutôt l'équivalent. Nous nous entendons très bien, autant avec le BSIF qu'avec l'AMF. Il n'y a pas de différence.
[Traduction]
Le président : Vous avez parlé d'un autre élément de votre entreprise qui a été constitué en société en Ontario et qui a déménagé au Québec. Vous souhaitez maintenant faire la même chose et peut-être éventuellement fusionner ces deux éléments.
Votre bureau principal est à Mississauga, en Ontario. Y a-t-il des aspects de la législation ontarienne qui rendent cette province moins intéressante pour vous que le Québec? En tant que compagnie basée en Ontario, pourquoi ce déménagement au Québec au lieu de vous constituer en société en Ontario?
[Français]
M. Bellavance : Vous faites référence à Unica, qui était dans un contexte où le régulateur ontarien — selon ma compréhension du dossier — préférait que de moins en moins de compagnies d'assurances soient sous sa gouverne, pour des raisons de personnel ou d'efficacité, entre autres. Je crois que le gouvernement provincial ontarien ne souhaitait pas avoir à réglementer beaucoup de compagnies d'assurances pour des raisons d'économie, et l'AMF était prête à accueillir cette entité. C'est le contexte du dossier d'Unica, où le gouvernement ontarien souhaitait que ce soit réglementé par le régulateur provincial québécois. Tout cela est arrivé en même temps que notre volonté de ramener cette compagnie au Québec.
[Traduction]
Le président : Voilà qui est intéressant, c'est le moins que l'on puisse dire.
[Français]
M. Bellavance : Cependant, il n'y avait pas d'avantages particuliers. Le régulateur ontarien accomplissait tout de même son travail.
[Traduction]
Le président : Y a-t-il d'autres commentaires sur ce point?
Est-il convenu que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi S-1001, Loi autorisant La Capitale Sécurité financière, Compagnie d'assurance à demander sa prorogation en tant que personne morale régie par les lois de la province de Québec?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le préambule est-il réservé?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le préambule est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Je remercie les témoins.
Le sénateur Carignan : Sera-t-il déposé cet après-midi?
Le président : Oui. Il est prêt à être envoyé.
Nous allons maintenant poursuivre notre étude du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (substances utilisées pour la production de fentanyl). Le sénateur White a parrainé ce projet de loi.
Sénateur White, vous avez la parole.
Hon. Vernon White, parrain du projet de loi : Monsieur le président, merci. Honorables sénatrices et sénateurs, le projet de loi a pour but de s'attaquer à un problème qui préoccupe gravement les services de police, les autorités de santé publique et les collectivités au Canada — c'est celui du fentanyl. Le fentanyl est une substance beaucoup plus toxique que les autres opioïdes et elle est même extrêmement mortelle. Même de faibles quantités peuvent entraîner des surdoses et des décès. En fait, des centaines de personnes sont décédées au Canada cette année à la suite de surdoses reliées au fentanyl. Ce produit est particulièrement mortel pour les consommateurs d'opioïdes. Il est arrivé que des usagers meurent après leur première dose de ce produit.
Nous avons entendu certains témoins la semaine dernière, en particulier la Dre Christenson, qui s'occupe de la clinique de soins de santé de la réserve Blood en Alberta, où il y a eu plus de 12 décès l'année dernière, et la Dre Karen Woodall, toxicologue qui a parlé plus précisément de ce qu'elle a constaté au Centre des sciences judiciaires de l'Ontario, et nous pouvons constater les résultats. Nous avons également entendu le témoignage de Marie Agioritis, la mère d'un jeune de 19 ans qui est décédé après avoir absorbé la moitié d'un faux comprimé d'oxycodone qui était en réalité du fentanyl. Nous avons entendu le témoignage de personnes qui ont pu constater les effets du fentanyl illicite et illégal au Canada.
S'il était adopté, le projet de loi S-225 modifierait la partie 1 de l'annexe VI de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (LDS), en ajoutant certaines substances utilisées pour la production du fentanyl pour qu'elles soient réglementées à titre de précurseurs de la catégorie A.
Nous parlons du chlorure de propionyl, de la phénéthyl-pipéridone, de l'aniline et de la pipéridone. Les précurseurs sont donc les ingrédients et les produits chimiques qui sont souvent détournés des activités légitimes et utilisés pour la fabrication illégale de drogues. Aux termes du Règlement sur les précurseurs, les individus ou les sociétés qui veulent produire, emballer, fournir ou vendre des précurseurs de la catégorie A doivent demander une licence. Le régime de réglementation impose d'autres obligations.
Pour l'essentiel, avec ce projet de loi, il serait plus difficile pour le crime organisé, pour les vendeurs de drogues et pour les fabricants de drogues illicites et illégales au Canada d'avoir accès aux ingrédients nécessaires à la fabrication du fentanyl de rue, que l'on fabrique à l'heure actuelle dans notre pays et qui cause, et je dirais, qui a causé, de nombreux décès.
Il marque un début dans le travail que doit effectuer le Sénat et le Parlement pour lutter contre le commerce des drogues illicites, mais c'est un début important.
Merci, monsieur le président, et je suis prêt à répondre aux questions.
Le sénateur Baker : Je félicite le sénateur White d'avoir présenté ce projet de loi. Bien sûr, si l'on pense à l'historique de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, je ne vois pas pourquoi ce projet de loi ne serait pas adopté par les deux corps législatifs.
Vous dites que cette substance sera visée par la partie 1 de l'annexe VI à titre de précurseur de catégorie A. Si je me souviens bien, les substances de l'annexe VI ne sont pas des drogues contrôlées. Elles ne sont pas ce que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances définit comme étant des « drogues contrôlées ». Elles le seraient si elles étaient combinées à une drogue contrôlée, ce qui veut dire une drogue dont le nom figure dans les annexes I à V inclusivement. On y trouve les drogues contrôlées; et dans l'annexe VI, dans la catégorie A, ce serait les substances qui sont utilisées dans les activités quotidiennes, et sont consommées ou employées pour les travaux ménagers et autres.
Je me demandais si nous pouvions entendre un expert et je n'en connais pas, mais peut-être vous en connaissez. Chacune de ces quatre substances, je ne peux pas prononcer ni même deviner comment elles se prononcent en français. Je m'inquiète toujours lorsqu'on ajoute une substance à titre de précurseur de la catégorie A.
Si vous examinez les précurseurs de la catégorie A, lorsque vous allez dans une pharmacie et achetez un médicament en vente libre pour le rhume, celui-ci pourrait contenir un précurseur de la catégorie A. Ou si quelqu'un achète des produits de nettoyage pour la maison, certains pourraient contenir un précurseur de la catégorie A.
Sénateur, allons-nous imposer tout à coup aux Canadiens, une procédure complètement nouvelle qui les obligera à se procurer des licences pour vendre un produit qu'on peut à l'heure actuelle acheter dans une épicerie? Quelles seront les répercussions sur les consommateurs canadiens qui utilisent de façon légitime ces substances? Je me demande si vous pouvez répondre à cette question.
Le sénateur White : Merci d'avoir posé cette question, sénateur Baker. Les choses sont donc claires. Nous ne demandons pas à ce que les précurseurs soient qualifiés de drogues contrôlées et figurent sur les listes à ce titre. Nous demandons en fait que les ingrédients figurent sur une liste et qu'ils soient enregistrés pour qu'il soit obligatoire de se procurer une licence pour les acheter. En particulier, le fentanyl est, je crois, une drogue contrôlée selon l'annexe I de la LDS.
Le sénateur Baker : Effectivement, c'est l'annexe I.
Le sénateur White : Il figure déjà sur cette liste, un peu comme le gouvernement a inscrit, ces dernières semaines, le W-18 sur la liste des drogues contrôlées.
Le problème que nous connaissons actuellement est que le fentanyl se vend et s'achète illégalement par l'intermédiaire des pharmacies et il est même en vente libre. Le problème est qu'il y a des gens qui importent les ingrédients, bien souvent de Chine. En fait, j'ai visité la semaine dernière un site web et j'ai pu remplir une commande et un formulaire destiné au gouvernement du Canada dans le but d'obtenir certains ingrédients. C'est ce que j'ai réussi à faire en 10 minutes avant de venir siéger ici.
Nous essayons donc de limiter l'accès aux ingrédients pour que seuls ceux qui l'utilisent à des fins légitimes, un peu comme nous l'avons fait il y a quelques années pour la cristal méthamphétamine, l'éphédrine et la pseudoéphédrime. Bien sûr, si les gens sont en possession de ces substances pour des fins légitimes, il n'y a pas de problème. Ils doivent obtenir une licence, ils doivent en faire la demande, ils la reçoivent et ils sont alors légalement en possession de ces substances.
Nous avons entendu la Dre Christenson la semaine dernière qui nous a déclaré que, lorsque nous avons pris cette mesure à l'égard de la cristal méthamphétamine, mieux connue sous le nom de « ice » dans certains endroits, nous avons constaté une diminution importance de l'utilisation de la cristal méthamphétamine illégale. Cela veut dire que, lorsque la consommation d'une drogue diminue, c'est celle d'une autre qui augmente. Notre lutte vise l'offre et la demande : essayer de réduire l'offre et lutter contre la demande provenant des toxicomanes. Cela nous donne la possibilité de nous occuper des toxicomanes à ce moment-là.
Le sénateur Baker : Monsieur le président, ma question principale — et je crois que vous la comprenez — est la suivante : que se passe-t-il pour ceux qui utilisent ces drogues de façon légitime? Ces substances vont figurer dans la catégorie A, des produits que l'on utilise de façon quotidienne. Quelle est la partie du règlement ou de la loi qui exclut l'utilisation légitime de ces précurseurs? Allons-nous obliger toutes les épiceries ou tous ceux qui fabriquent une préparation — je ne sais pas si les représentants de Santé Canada qui sont ici comprennent ce que je veux dire par « préparation ». Ils hochent la tête et donc, ils le savent.
Les préparations sont visées par un article spécial du règlement. Je crains qu'en ajoutant des substances à la catégorie A, nous rendions illégal ce qui était parfaitement légal jusqu'ici.
Je sais que vous allez dire : « Oui, vous prenez ce précurseur, et ce précurseur de la catégorie A pour créer quelque chose qui est une drogue contrôlée ». Je comprends cela. Mais pour ceux qui utilisent de façon légitime un précurseur de la catégorie A, quelles sont les obligations nouvelles que cela va imposer aux Canadiens? Peut-être que les spécialistes vont me le dire. Le règlement prévoit-il une exception?
Le sénateur White : Pour être clair, je dois dire que cela ne rend pas ces substances illégales. Cela veut simplement dire que vous devez vous procurer un permis pour acheter, importer, exporter ou livrer ces produits. Cela ne veut pas dire qu'il est illégal de les posséder. Cela veut dire que vous devez avoir un motif légitime et une licence. La possession de fentanyl n'est pas un crime. Ce qui est illégal, c'est d'être en possession de fentanyl contrairement au règlement.
Le sénateur Baker : Nous ne sommes pas en train de parler du fentanyl.
Le sénateur White : Non. Nous parlons des précurseurs et ils ne sont toujours pas illégaux. Si le projet de loi est adopté, il ne serait pas illégal d'en posséder si vous le faites dans un but légitime et détenez une licence.
Le sénateur Baker : Si c'est dans un but légitime.
Le sénateur White : C'est exact.
Le sénateur McIntyre : Tout d'abord, je vous remercie, sénateur White, d'avoir parrainé ce projet de loi.
En avril dernier, Prince, la superstar, a été trouvé mort et d'après le médecin qui l'a examiné, il est décédé d'une surdose de fentanyl. Je mentionne que selon la loi fédérale des États-Unis, le fait de distribuer illégalement du fentanyl à une personne qui en meurt ensuite est punissable d'une peine minimale obligatoire de 20 ans d'emprisonnement. Selon la loi du Minnesota, la même conduite peut entraîner des accusations de meurtre au troisième degré et des peines pouvant aller jusqu'à 25 ans d'emprisonnement.
Le projet de loi impose-t-il une peine minimale obligatoire?
Le sénateur White : Voilà qui me dépasse un peu. Il faudrait que je réfléchisse à la question de savoir si la possession de précurseurs pourrait entraîner une peine obligatoire. Le but de ce projet de loi est en réalité de réduire l'offre des ingrédients utilisés pour fabriquer du fentanyl illicite et illégal, comme cela a été fait aux États-Unis.
Pour que les choses soient claires, je dirais que les États-Unis ont la possibilité de placer immédiatement un précurseur sur une liste temporaire, comme ils l'ont fait en 2006 après le nombre considérable de décès qu'ils ont connus à cause du fentanyl illégal. Je ne pense pas avoir suffisamment réfléchi à la question de savoir s'il faudrait créer une infraction pénale distincte, en plus de celle que nous avons. Je crois que les infractions de possession illégale sont tout à fait suffisantes. Je n'ai pas réfléchi à cet aspect. Veuillez m'en excuser, sénateur.
Le sénateur McIntyre : Vous n'avez pas à vous excuser. Merci.
Le sénateur Joyal : Sénateur White, au sujet de la question que vous a posée le sénateur Baker, il serait utile que vous nous disiez dans quel genre de produit final le fentanyl peut être utilisé, comme un ingrédient, en plus de sa consommation illégale à titre de drogue. Autrement dit, quelle est l'importance légitime de ce produit dans l'industrie chimique?
Le sénateur White : Je vous remercie d'avoir posé cette question, sénateur. Il y a un ingrédient qui m'a été signalé par un certain nombre de personnes et qui peut être utilisé régulièrement de façon légitime, c'est l'aniline. Elle sert à la fabrication de plastique, en particulier de ceux qui sont fabriqués à partir du pétrole.
Ce produit figure dans la liste des précurseurs des États-Unis, mais c'est le seul des quatre mentionnés ici à propos duquel il m'a été signalé qu'il était utilisé régulièrement et de façon légitime et quelqu'un ait déclaré s'inquiéter de le voir figurer dans la liste des précurseurs.
Le sénateur Joyal : Pourriez-vous nous donner une idée de l'importance des produits qui sont fabriqués de façon légitime avec ce précurseur?
Le sénateur White : Je crois savoir que ce sont toutes les matières plastiques qui contiennent des produits dérivés du pétrole. Je pense que cela représente un nombre considérable de produits. Il est donc possible que nous soyons amenés à un moment donné — probablement au cours de l'étude article par article — à avoir une discussion au sujet de sa suppression.
Le sénateur Joyal : Est-il exact de dire que ces industries possèdent déjà une licence pour utiliser d'autres produits et d'autres produits chimiques qui pourraient être considérés comme des drogues de la catégorie A de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances?
Le sénateur White : C'est possible, mais je dois vous dire que je n'en suis pas certain.
Le sénateur Joyal : Mon raisonnement est le suivant : s'ils ont déjà demandé une licence, ce n'est qu'une licence de plus. Ce n'est pas une mesure qui leur imposerait un fardeau supplémentaire au point d'entraver leurs activités ou de les rendre plus coûteuses.
Le sénateur White : Je sais par contre, sénateur, que, parmi ces quatre substances, celle-ci n'a pas le même potentiel pour la fabrication du fentanyl illicite comme des substances comme la piperidone, en particulier et le chlorure de propionyle, d'après les chimistes à qui nous avons parlé.
Le sénateur Joyal : Vous avez mentionné dans vos remarques que c'est un des ingrédients qu'utilise le crime organisé ou le marché noir pour fabriquer des drogues puissantes et dangereuses. Y a-t-il d'autres produits chimiques, à votre avis et en vous basant sur votre expérience, qui devraient être étudiés de la même manière et que le gouvernement ou Santé Canada devrait envisager de réglementer?
Le sénateur White : Il y en a. Je suis sûr que le comité sait que j'ai été en contact étroit avec l'Association canadienne des chefs de police, ainsi qu'avec l'Alberta Association of Chiefs of Police. Leur contribution a été considérable dans ce domaine. La question que soulève le W-18 — et je sais que le gouvernement fédéral vient de l'identifier et de l'ajouter à la liste des drogues contrôlées et illégales ces dernières semaines — les précurseurs du W-18 ont également été mentionnés. Je ne les ai pas ajoutés à ce projet de loi au cours de la première ou de la deuxième lecture, je ne les ai pas ajoutés, même s'il est possible qu'il y ait au Sénat un débat au sujet de l'amendement du projet de loi, parce que le W-18 se répand de plus en plus dans le pays.
J'ai déjà reçu des courriels des responsables de la lutte contre la toxicomanie en Nouvelle-Écosse disant que le W-18 était déjà arrivé dans cette province — il est 100 fois plus fort que le fentanyl, 1 000 fois plus fort que la plupart des autres opioïdes que l'on retrouve déjà dans la rue. Ce n'est pas un opioïde, je le dis en passant, mais il est mortel et il tue encore des gens aujourd'hui. C'est pourquoi je dis que cela ne fait que commencer.
Le deuxième aspect est que je crois que le gouvernement canadien et nous tous reconnaissons qu'il faudrait mettre sur pied un processus qui soit plus simple que celui-ci, si nous voulons obtenir des résultats. Des centaines de personnes sont mortes en juin et nous sommes encore en train de discuter de la question de savoir si nous devrions inscrire ces substances dans la liste des précurseurs.
Le DEA, je crois que cela relève du FDA aux États-Unis, a le pouvoir de demander immédiatement une inscription temporaire, ce qui ralentit de ce fait l'offre, comme cela a été fait en 2006, et il est ensuite possible d'utiliser le mécanisme qui autorise les inscriptions permanentes.
Je crois qu'il faudrait aujourd'hui disposer d'un mécanisme qui nous permettrait de présenter sur-le-champ une demande valable pour 90, 180 ou 365 jours qui nous permettrait à tous de faire notre travail et d'obtenir une inscription permanente. Ce sont là les deux sujets qui me préoccupent.
Je vais avoir des discussions avec les sénateurs entre aujourd'hui et la troisième lecture au Sénat sur la question de savoir si nous présentons un autre projet de loi au sujet des précurseurs du W-18 ou sur celle de savoir si nous nous entendons sur l'identification des précurseurs du W-18 et si nous les acceptons.
Le sénateur Joyal : Les représentants du ministère de la Santé sont ici, vous devriez peut-être vous adresser à eux...
Le sénateur White : Voilà une excellente idée.
Le sénateur Joyal : ... vous pourriez ainsi faire d'une pierre deux coups, si la société de protection des animaux me permet d'utiliser cette expression.
Le sénateur White : Pour aujourd'hui.
Le sénateur Joyal : Pour aujourd'hui. Voilà qui serait utile. Si le comité estime que c'est une chose que nous devrions faire, nous pourrions la recommander en troisième lecture et faire en sorte que le projet soit examiné par la chambre plénière.
Le sénateur White : J'en conviens, sénateur.
À titre de question secondaire, si vous le permettez, monsieur le président, nous avons entendu le sergent d'état- major Klassen et le chef adjoint Daroux qui ont parlé des presses à comprimés. Si nous devons tenir un débat sur les mesures supplémentaires qu'il conviendrait de prendre au Canada, il faudra comprendre qu'une stratégie nationale de lutte contre les drogues ne consiste pas uniquement à gérer l'offre des drogues dans la rue; je crois qu'il faut également travailler sur les drogues illicites.
Le fait qu'il y ait des gens qui achètent des presses à comprimés de 10 000 $ et qui les font livrer chez eux à Airdrie, en Alberta, indique qu'il devrait exister un régime de réglementation au sujet du caractère légitime des personnes qui peuvent se permettre d'acheter une presse à comprimés de 10 000 $ et de savoir ce qu'elles veulent vraiment faire avec cette presse. Ce serait bien sûr une autre chose s'il s'agissait d'un vétérinaire.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais féliciter le sénateur d'avoir parrainé le projet de loi. Vous l'avez dit, en référence, il s'agit de centaines de morts par année. L'interdiction de cette drogue est une chose, mais le dépistage est tout aussi important.
Savez-vous si l'Agence des services frontaliers du Canada et même Postes Canada pourraient être mises à contribution pour qu'on sache exactement qui achète cette drogue et qui reçoit de tels produits? On sait que l'interdiction d'une drogue est souvent le déclencheur de l'appétit des utilisateurs. Le danger, parfois mortel, de ces produits ne devrait-il pas faire l'objet d'une plus grande campagne de sensibilisation?
[Traduction]
Le sénateur White : Je vous remercie pour cette question, sénateur Dagenais, et je pense que nous devrions accorder beaucoup d'importance à la sensibilisation. L'attention qu'a suscitée dans les médias le fentanyl au cours des cinq derniers mois a porté principalement sur le mot « fentanyl », ce qui n'est pas très juste pour le vrai médicament, le fentanyl, que nous utilisons. Il faut bien admettre qu'en vérité, nous ne parlons pas de cette substance; nous parlons du poison illicite et illégal qui se fabrique dans les sous-sols des maisons.
Je ne suis pas sûr que les Canadiens comprennent bien tout ceci. Je crois que l'ASFC le comprend, mais tant que nous n'aurons pas donné à cet organisme l'outil qui rendra illégale l'importation de ces ingrédients, je crois qu'il faudra bien reconnaître que ses employés auront les mains liées.
La sénatrice Jaffer : Merci, sénateur White, pour le travail que vous faites sur cette question et pour le leadership dont vous faites preuve. Je viens de la Colombie-Britannique, et j'apprécie énormément ce que vous faites.
D'après la discussion que nous avons eue ce matin, je crois que le fentanyl comprend quatre composés chimiques. Au cours du discours que vous avez livré en deuxième lecture, vous avez parlé d'application de la loi et des représentants des ministères de la Justice et de la Santé pour être sûr de bien viser tous les ingrédients. Nous avons eu une petite discussion ce matin, avant que je pose ma question, au sujet des ingrédients.
Un des ingrédients est l'aniline, qui est également utilisée, je crois, pour fabriquer le polypropylène et le plastique. À la suite de ce que nous avons dit ce matin, est-ce que cela toucherait les industries, est-ce qu'elles auraient déjà une licence de sorte que cela ne leur causerait pas de problème ou devrions-nous proposer un amendement?
Le sénateur White : Merci, madame la sénatrice, pour la question. Comme le sénateur Baker l'a mentionné, la plupart des entreprises de fabrication achètent déjà régulièrement ces produits si elles fabriquent ce genre de produits chimiques. Ces entreprises seraient absolument tenues de se procurer une autre licence. Je pense que c'est la réalité. Nous avons enregistré plus de 300 décès au Canada jusqu'ici cette année. Si elles sont obligées d'acheter une licence, alors cela ne me dérange pas.
La sénatrice Jaffer : Je sais que cet aspect a également été discuté, mais une des choses qui m'ont été dites dans le cadre de l'étude du projet de loi, en particulier à Vancouver, est que le fentanyl n'est pas aussi dangereux que le W-18. Vous pouvez éliminer le fentanyl, mais il reste que le W-18 est encore pire. Je ne crois pas que cela soit vrai, mais je vous le mentionne. Des gens disent que le fentanyl sera tout simplement remplacé par le W-18. Que leur répondez- vous?
Le sénateur White : Je dirais, pour être juste, qu'ils ont raison. Nous avons eu les sels de bain il y a deux ans. Nous avons eu la méthamphétamine en cristaux avant ça. On m'a déjà demandé si je n'étais pas en train de lancer une nouvelle guerre contre les drogues. Je pense que nous sommes constamment en guerre contre les drogues.
Je pense qu'en matière de drogues, il faut se concentrer sur deux aspects : l'offre et la demande. La demande concerne les toxicomanes, les traitements, les traitements d'urgence, l'adoption d'une stratégie nationale en matière de drogues qui porte sur ces aspects. Sur le plan législatif, nous avons la possibilité d'agir du côté de l'offre; il s'agit de supprimer les ingrédients pour que les fabricants de substances illicites n'aient pas la possibilité, ou du moins aient moins de possibilités, de fabriquer du W-18, du fentanyl — et c'était le W-15 avant cela, et il y aura sans doute un W-19 et d'autres choses ensuite. Nous allons, je crois, devoir continuellement viser ces aspects.
Les criminels ne connaissent pas les frontières, mais nous, oui. C'est la réalité. Je crois toutefois qu'il faut viser ces chaînes d'approvisionnement.
La sénatrice Jaffer : Au cours de notre dernière séance, nous avons entendu une mère nous présenter un argument très émotif et convaincant. Je sais qu'il y a des fonctionnaires de la santé dans la salle. Nous avons commencé avec les sels de bain et la situation ne fait que s'aggraver. On a beaucoup parlé d'éducation, en particulier dans les écoles et à la télévision.
Avec ce projet de loi, ne pensez-vous pas qu'il faudrait vraiment faire beaucoup du côté de l'information de la population? Si nous pensons à ce que nous a déclaré la mère, c'était que les enfants — en particulier le deuxième enfant — faisaient ce genre de choses innocemment, ou à peu près innocemment, et que cela ne fait que s'aggraver.
Le sénateur White : Je suis tout à fait d'accord avec vous. À Ottawa, nous avons la chance d'avoir un programme qui s'appelle s.t.e.p. — soutien, traitement, éducation, prévention — et nous avons levé des millions de dollars pour qu'il y ait un conseiller en toxicomanie dans toutes les écoles secondaires de la ville, 57 écoles secondaires — la seule ville au pays qui ait fait cela. Ils ont eu beaucoup de succès pour informer les adolescents qui, lorsqu'ils comprennent les risques réels, prennent pour la plupart les bonnes décisions, les décisions qui leur paraissent acceptables.
J'ai travaillé 32 ans dans la police et je n'ai jamais rencontré quelqu'un qui voulait être toxicomane, vivre dans la rue, se prostituer, et pourtant, j'ai connu des milliers de personnes de ce type. C'est probablement parce que nous ne leur avons pas fourni l'éducation dont elles avaient besoin et par la suite, nous ne leur avons pas donné la possibilité d'avoir accès à un traitement, lorsqu'elles ont chuté.
La sénatrice Jaffer : Avez-vous parlé à des représentants de la Santé ou à la ministre de la Santé, Mme Philpott, de lancer une campagne d'information nationale pour accompagner cette mesure?
Le sénateur White : Non, mais je le ferai.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Le monde du crime organisé s'adapte très rapidement à toute mesure législative qui l'empêche de vendre des produits. Le processus législatif que nous devons suivre pour lui imposer des contraintes est très lourd. Je ne comprends pas pourquoi on doit absolument créer une loi chaque fois que l'on veut imposer l'interdiction d'un produit.
Dans une ancienne vie, alors que je travaillais au ministère de l'Environnement du Québec, le ministre avait le pouvoir de réglementer des interdictions, ce qui lui évitait de devoir constamment faire modifier les lois à l'Assemblée nationale. Cette façon de faire était beaucoup plus expéditive et, ainsi, en 45 jours, le règlement était publié et la matière dangereuse comme telle était interdite.
Pourquoi, dans ce processus, ne prendrait-on pas une voie différente que celle des modifications législatives? Pourquoi ne donnerait-on pas le pouvoir, soit au ministre de la Santé ou au ministre de la Sécurité publique, par voie réglementaire, d'interdire ces matières, sachant que ces matières sont des intrants qui servent à produire des drogues mortelles?
Le sénateur White : Merci de votre question, sénateur Boisvenu. Il est très important de bien comprendre la situation au Canada comparativement à celle d'autres pays.
[Traduction]
À titre d'exemple, je mentionnerais qu'aux États-Unis, la DEA a le pouvoir de demander l'inscription immédiate, mais temporaire de précurseurs et de produits chimiques, ce qui répond exactement à ce qui vous préoccupe à ce sujet.
Cela fait quelques années que nous assistons à une explosion de l'usage du fentanyl qui cause des centaines de morts dans le pays et cela fait environ six semaines que ce processus législatif est déclenché au sujet d'un projet de loi d'origine parlementaire. Il faudrait donner à l'équivalent canadien de l'administration de l'application des lois sur les drogues, la GRC, la possibilité de s'adresser directement au ministre et de demander un permis temporaire, voilà ce qu'il faudrait faire. Il faudrait modifier les lois pour le faire, mais j'estime que c'est exactement ce qu'il faut faire.
Il faudrait une modification législative qui autorise la GRC à demander ce genre d'inscription, que celle-ci soit temporaire, et qu'il faille ensuite suivre le processus législatif pour que l'inscription devienne permanente. Je crois que cela permettrait à ces agences et à ces collectivités d'agir beaucoup plus rapidement.
J'étais ici la semaine dernière et j'essayais de commander en ligne, auprès d'une société basée en Chine, les produits chimiques que j'espère inscrire sur cette liste. Je pouvais même choisir la langue que je voulais, je le signale en passant. On proposait l'anglais canadien et le français canadien. Cette entreprise m'expliquait les problèmes que je pourrais avoir avec l'ASFC. Non pas parce que cela est illégal, je vous le dis. On m'expliquait simplement ce que je devrais faire lorsque ma commande arriverait.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : À ce moment-là, il serait intéressant, à l'étape de la troisième lecture, que vous fassiez une recommandation visant à inciter le gouvernement à modifier la loi constitutive, soit celle du ministère de la Sécurité publique ou celle de Santé Canada, pour donner ce pouvoir au ministre.
[Traduction]
Le sénateur White : C'est exact et je suis très satisfait de voir les mesures qu'a prises la ministre tout récemment à l'égard du W-18. J'espère que les discussions que nous avons au sujet de cette mesure législative vont susciter de l'intérêt non seulement au sujet de l'adoption d'une stratégie nationale en matière de drogues qui aborde certains de ces aspects, mais également nous amener à un point où nous aurons un mécanisme d'inscription rapide de ces produits chimiques.
Il ne s'agit pas de nuire aux activités des fabricants. Nous parlons d'une inscription temporaire qui autorise ces organismes légitimes à avoir accès à ces produits et qui les interdit aux autres. Merci pour la question.
La sénatrice Fraser : J'ai à peu près la même question.
Le sénateur White : Mais en anglais.
La sénatrice Fraser : Si j'ai bien compris, l'ASFC permet que les annexes I à VIII soient modifiées par règlement. Pourquoi sommes-nous alors obligés de procéder par voie législative, ce qui n'est pas la façon la plus simple, la plus facile et la plus rapide d'introduire des changements?
Le sénateur White : C'est une excellente question qu'il faudrait poser aux autorités lorsqu'elles comparaîtront à nouveau ici. En fait, je crois que ce serait la bonne façon de procéder. J'ai été très surpris, il y a deux semaines, lorsque j'ai lu un article qui expliquait que le W-18 était maintenant inscrit aux termes de la LDS, mais il ne parlait pas de l'inscription des précurseurs. Il y avait donc cette possibilité, mais elle n'a pas été utilisée. J'espère que l'intérêt que nous suscitons grâce à cette mesure législative va également déboucher sur ce genre de mesure immédiate.
La sénatrice Fraser : Il y a là deux aspects. Le premier est l'inscription immédiate et provisoire dont vous parlez, aspect qui me paraît tout à fait intéressant. Mais l'autre est la question fondamentale qui nous oblige à choisir entre loi et règlement.
Le sénateur White : D'accord.
La sénatrice Fraser : Mais vous n'avez pas de réponse immédiate à fournir à ce sujet?
Le sénateur White : Non.
La sénatrice Fraser : Avez-vous simplement décidé de déposer ce projet de loi parce que vous avez constaté que rien ne se faisait?
Le sénateur White : J'ai décidé de déposer ce projet de loi parce que rien ne se faisait.
La sénatrice Fraser : Très bien. Merci.
Le sénateur Lankin : Merci et j'apprécie à la fois le travail que vous avez effectué dans ce domaine et aussi, la sensibilité que vous apportez dans votre démarche qui découle de votre expérience en matière d'application de la loi et de l'approche que vous mentionnez concernant l'offre et la demande, la nécessité d'adopter une stratégie nationale en matière de drogues et de viser la réduction des méfaits et d'autres mesures pour aider les toxicomanes.
J'appuie ce que vous essayez de faire. J'aimerais que nous puissions obtenir la réponse à certaines questions que je me pose, mais je ne sais pas exactement comment le faire, ni si cela peut se faire grâce à la direction de la recherche. Il me semble que, s'il existe un pouvoir réglementaire — il est possible que, grâce à votre projet de loi, nous soyons en mesure de susciter cet intérêt et cela m'apparaît une bonne chose — nous devrions le savoir. Nous ne devrions pas paraître ignorer quels sont les pouvoirs que confèrent déjà les lois et les règlements.
Si certains secteurs de l'industrie ou d'autres utilisateurs légitimes de ces précurseurs seront tenus de demander des licences, et je n'ai rien contre cela, j'aimerais savoir quelles seront les entreprises visées et quelles seront les répercussions de cette mesure, pour que nous soyons sensibles à cette situation et que nous connaissions à l'avance les répercussions du projet de loi. D'autres ont parlé de certaines choses et j'aimerais ajouter quelques commentaires.
Sénateur White, seriez-vous en faveur de demander qu'une étude soit faite et nous soit remise, pour que nous puissions appuyer l'adoption du projet de loi, en sachant pleinement quelles seraient ces répercussions, pour que nous puissions en parler en connaissance de cause et ajouter cette information à celle que nous envoyons à la Chambre et dans la demande que nous ferons au ministre de prendre des mesures, dans le cas où ce pouvoir de réglementation existe déjà?
Le sénateur White : Merci d'avoir posé la question, sénateur. Je l'apprécie. Premièrement, l'inscription de ces produits n'empêche pas les utilisateurs légitimes des ingrédients d'y avoir accès. Cela les oblige simplement à suivre un processus qui, nous l'espérons, écartera les utilisateurs illégaux ou illégitimes.
Une façon de sensibiliser la population serait de joindre des commentaires au projet de loi si nous le transmettons. Je m'inquiète seulement du retard que cela causerait peut-être parce que nous sommes au milieu du mois de juin et j'aimerais que ce projet de loi soit adopté le plus tôt possible, principalement parce que je crois qu'il pourra avoir rapidement des effets. J'appuie tous les commentaires qui montrent au gouvernement l'importance de certaines des choses que vous avez mentionnées, y compris l'offre et la demande, la réduction des méfaits et le traitement, et cetera, aussi.
Le sénateur Lankin : Si vous le permettez, vous pourriez peut-être m'expliquer certaines choses sur le plan de la procédure, monsieur le président. Serait-il possible de demander à nos recherchistes parlementaires de nous dire si cette loi accorde déjà des pouvoirs de réglementation?
La sénatrice Fraser : Nous avons déjà reçu un mémoire de la bibliothèque.
Le sénateur Lankin : Excusez-moi, sénatrice Fraser. Si c'est le cas, comme vous l'avez mentionné, et c'est ce à quoi je réagis, s'il existe un pouvoir réglementaire, ne devrions-nous pas être en mesure d'en parler en possédant les connaissances nécessaires à ce sujet et avec conviction?
Il me semble que l'on voulait poser des questions. Je n'ai pas le sentiment que nous savons avec certitude ce que cela va donner. Si nous pouvions obtenir cette information de façon à pouvoir prendre la parole en troisième lecture en faveur de ce projet de loi, cela pourrait faire partie des commentaires que nous transmettrons avec ce projet de loi, mais nous pensons que vous avez déjà le pouvoir nécessaire, alors utilisez-le. Il y a peut-être un moyen de comprendre la recherche qui a été faite au sujet de l'usage légitime de ces précurseurs et des industries concernées.
Je suis entièrement d'accord. Si cela peut sauver des vies, il ne serait pas excessif d'exiger l'obtention préalable d'une licence. Je n'ai, cependant, pas tous les éléments me permettant d'en être sûre. Pour que nous puissions décider de cela en connaissance de cause, il nous faudrait, sur ce point, des précisions supplémentaires.
Je n'entends aucunement retarder les choses et je suis d'accord avec vous qu'il nous faudrait pouvoir finaliser cela avant le mois de juin.
Le sénateur White : Monsieur le président, les représentants du ministère de la Santé appelés à témoigner ensuite devraient être en mesure de répondre à la première question touchant le processus réglementaire.
Le président : Oui, nous allons en effet accueillir un groupe de fonctionnaires du ministère. Si nous avons encore, après cela, des questions, nous pourrons toujours demander à notre équipe de recherchistes de nous obtenir les renseignements qui nous manquent.
Le sénateur Baker : Je m'en remets donc aux représentants du ministère de la Santé.
Sénateur White, permettez-moi de dire qu'à votre place, je ne retirerais pas de la liste les quatre substances en question. Je joindrais ma voix à la vôtre afin de les y maintenir.
Le sénateur White : Merci, sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Si je dis cela, c'est parce que le règlement sur les précurseurs prévoit déjà des exemptions. C'est à ma demande, en effet, qu'un comité les y a inscrits. Je ne sais pas, toutefois, si elles vont assez loin. Je crois me souvenir que les exemptions s'appliqueraient aux quatre substances en question, mais je voudrais en être sûr.
Le sénateur White : Je vous comprends, sénateur.
Le sénateur Baker : Je pense donc qu'on pourrait les y laisser, mais comme le sénateur vient de le dire il y a quelques instants, je voudrais que le ministère de la Santé nous dise exactement ce qu'il en est.
Le sénateur White : Je vous remercie, sénateur.
Le sénateur Joyal : Sénateur White, les membres du comité saluent vos efforts en faveur de cette mesure, mais je ne comprends pas comment le gouvernement du Canada a pu consacrer des millions de dollars à une stratégie de lutte contre la drogue, de lutte contre la criminalité organisée, sans songer à prendre la simple mesure que vous proposez en l'occurrence. Il a fallu pour cela qu'un sénateur ou un député en prenne l'initiative.
Qui surveille le marché pour déceler les nouvelles substances qui apparaissent? N'y a-t-il personne pour s'apercevoir qu'il faudrait intervenir sans tarder? Il semblerait qu'en votre absence personne n'aurait pensé à s'occuper de la question.
Notre pays a adopté une soi-disant stratégie antidrogue, dans le cadre de laquelle les divers gouvernements du pays sont censés collaborer. Pourtant, la simple idée de réglementer une substance qui sert à fabriquer une drogue ayant entraîné la mort de centaines de personnes ne semble avoir retenu l'attention de personne. Il y a quelque chose qui ne va pas. À tout le moins, notre système comporte des lacunes que quelqu'un devrait être tenu d'expliquer. Nous allons auditionner des représentants de Santé Canada et, dans le cadre de nos observations au Sénat et à l'autre Chambre, nous allons devoir attirer sur cela l'attention du gouvernement, car il y a un problème à régler alors même que nous nous penchons sur le projet de loi que vous parrainez. J'y suis entièrement favorable, mais...
Le sénateur White : Non, je comprends très bien.
Le sénateur Joyal : ... on ne peut pas à cet égard éluder nos responsabilités.
Le sénateur White : Permettez-moi, monsieur le président. Reconnaissons que nous sommes en cela tous responsables. Nous savons tous qu'il nous faut proposer quelque chose. Nous allons devoir réviser la stratégie antidrogue afin de nous attaquer au problème que j'ai évoqué, et agir sur l'offre avant que le problème devienne insoluble.
Le président : Je vous remercie, sénateur, de vos observations.
Je vais maintenant demander au sénateur White de reprendre sa place habituelle, et aux représentants de Santé Canada de s'avancer. Nous allons poursuivre notre examen du projet de loi S-225.
Je voudrais, avant de passer aux questions, présenter les collaborateurs ministériels que nous accueillons aujourd'hui. D'abord, Kirsten Mattison, directrice, Bureau de la politique des drogues, Direction des substances contrôlées; Norma Won, conseillère juridique; et Jacqueline Gonçalves, directrice générale, Direction des substances contrôlées. Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
Je donne la parole à Mme Gonçalves, qui va nous faire un exposé sur l'état de la question.
[Français]
Jacqueline Gonçalves, directrice générale, Direction des substances contrôlées, Santé Canada : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour répondre aux questions des membres au sujet du projet de loi S-225.
[Traduction]
Le Canada est, par la consommation moyenne d'opioïdes par habitant, le deuxième pays au monde et l'on constate une forte augmentation du nombre de décès dus à ces substances ainsi que du nombre de personnes qui en font un usage abusif. Santé Canada prend cette situation tout à fait au sérieux.
Le mauvais usage des opioïdes constitue un problème complexe qui englobe à la fois les médicaments d'ordonnance et les drogues illicites, les deux étant susceptibles d'être dangereusement abusés.
Il n'y a, quant au mauvais usage des opioïdes, aucune solution simple aux problèmes que cela pose au plan de la santé et de la sécurité. Toute solution passe par une approche collaborative, compassionnelle et globale. Il s'agit de mettre en œuvre, à partir d'éléments objectifs, des mesures de répression, de prévention, de traitement et de réduction des risques.
Le projet de loi S-225 offrirait aux services de police un moyen supplémentaire de lutter contre la production illicite de fentanyl au Canada.
[Français]
Le fentanyl est un opioïde particulièrement préoccupant. De 2009 à 2014, il a causé le décès ou contribué au décès d'au moins 655 personnes au Canada.
[Traduction]
Le fentanyl illicite est de plus en plus importé en contrebande, ou produit ici dans des laboratoires clandestins. De 2011 à 2015, le Service d'analyse des drogues de Santé Canada a aidé les organismes policiers à démonter, en Colombie-Britannique, en Alberta et au Québec, huit laboratoires clandestins produisant du fentanyl.
Le projet de loi S-225 tend à modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, la LRCDAS, en inscrivant à la partie 1 de l'annexe VI de la loi, en tant que précurseurs de catégorie A, des substances servant à produire du fentanyl. En vertu des dispositions envisagées, en l'absence d'autorisation préalable, l'importation, l'exportation, ou la possession en vue de l'exportation de ces substances interdites en vertu des dispositions de la LRCDAS seront passibles de sanctions pouvant atteindre 10 ans de prison. Cette réglementation n'interdirait pas les activités légitimes telles que la recherche, mais les chercheurs ne pourraient plus importer ou exporter ces substances directement. Il leur faudrait désormais se procurer ces précurseurs auprès d'un fournisseur agréé.
[Français]
L'inscription d'une substance contrôlée ou d'un précurseur à l'annexe de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances se fait généralement par décret, mais peut également se faire au moyen d'un processus législatif comme dans le cadre du projet de loi S-225. Habituellement, pour déterminer s'il faut inscrire un précurseur, Santé Canada évalue un certain nombre de facteurs, tels que les usages industriels ou scientifiques légitimes, ainsi que l'importance du précurseur dans la fabrication d'une substance contrôlée.
[Traduction]
C'est très volontiers que mes collègues et moi-même répondrons aux questions que vous souhaiteriez nous poser. Je vous remercie.
Le président : Je donne d'abord la parole au sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Je tiens à remercier nos témoins. Nous sommes heureux de vous accueillir à nouveau devant le comité. Nous nous sommes déjà entretenus lorsque nous nous penchions sur la question de la fabrication de drogues dans les prisons. Nous nous intéressions particulièrement à l'époque à l'usage qui peut être fait de diverses drogues, et aux mélanges permettant d'obtenir en prison des drogues contrôlées.
C'est un domaine extrêmement complexe du droit. En termes simples, on entend par « drogue contrôlée » une drogue figurant aux annexes I à V; c'est bien cela, non? Et puis, on trouve à l'annexe VI, les drogues de catégorie A, c'est-à-dire les drogues qui servent aussi à des fins légitimes. Elles entrent notamment dans la fabrication de produits de nettoyage. Elles font partie de la catégorie « A », car le règlement prévoit à leur égard une exemption. Je me souviens de l'époque à laquelle nous avons prévu cette exemption.
Les exemptions figurent aux articles 4, 5 ou 6. Lequel est-ce? C'est bien l'article 5, non?
Kirsten Mattison, directrice, Bureau de la politique des drogues, Direction des substances contrôlées, Santé Canada : Il y a en effet plusieurs exemptions.
Le sénateur Baker : Oui, c'est bien l'article 5 qui prévoit une exemption.
Mme Mattison : Oui, en effet. Il s'agit de mélanges et de préparations dont nous avons parlé la dernière fois.
Le sénateur Baker : Vous voyez? On a à l'époque évité au public de tomber dans l'illégalité, à condition que de telles substances de catégorie A fassent l'objet d'un emploi légitime et entrent, par exemple, dans la fabrication d'un comprimé ou de tel ou tel mélange, est-ce bien cela?
Dans le cadre de ce projet de loi, le sénateur White propose, par exemple, que l'on exclue l'aniline. L'exemption au titre de l'article 5 s'appliquerait aux personnes qui vendent une quantité déterminée de cette substance en vue de la fabrication de certains mélanges.
L'exemption prévue couvre tout ce qui se trouve dans le règlement. Cette exemption évite d'avoir à obtenir une licence dans la mesure où la quantité en cause est destinée à un usage légitime. Est-ce bien cela?
Mme Mattison : C'est exact.
Le sénateur Baker : Je vous remercie.
Mme Mattison : Cette partie du règlement entrerait en vigueur une fois les précurseurs inscrits à l'annexe au règlement.
Le sénateur Baker : À l'annexe A.
Mme Mattison : Le projet de loi aura pour effet d'inscrire les précurseurs à l'annexe de la loi, mais, pour les inscrire à l'annexe du règlement, il faudra modifier après cela le règlement.
Le sénateur Baker : En effet.
Mme Mattison : C'est après l'inscription de la substance que l'on décidera des quantités. Ce chiffre peut d'ailleurs varier en fonction de la substance en cause. La quantité sera calculée en fonction des quantités qu'exigent normalement les divers secteurs d'activités, les quantités ordinairement vendues. Et puis il y aurait aussi les quantités qui pourraient être importées en vue d'un usage illicite, par des laboratoires clandestins, par exemple. Il faut bien distinguer entre les deux afin de ne pas exempter les ventes destinées à des fins illicites, mais les ventes destinées à un commerce légitime s'inscriraient dans le cadre des quantités prévues. La quantité peut varier beaucoup selon la substance.
Le sénateur Baker : Oui, mais le règlement prévoit des exemptions qui dispensent de l'obligation d'obtenir une licence. Nous savions en effet que cela allait imposer à divers secteurs d'activité légitimes cette nouvelle obligation d'obtenir une licence, mais l'exemption couvre également, n'est-ce pas, les autres exigences figurant au règlement?
Mme Mattison : Oui.
Le sénateur Baker : La disposition dit bien « est soustraite aux exigences du présent règlement ».
Mme Mattison : Oui, et l'alinéa 6(1)b) ne s'applique pas dans certaines conditions. C'est effectivement cela.
Le sénateur Baker : Je vous remercie.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Bienvenue, mesdames. Le rapport du professeur Bugden, de l'Université du Manitoba, en 2016, nous indique que près de 50 p. 100 des prescriptions faites par les médecins pour l'usage de fentanyl posaient des risques. Donc, dans 50 p. 100 des cas, il y avait une possibilité de surdose.
De 2009 à 2014, 650 personnes sont décédées. Combien de ces décès sont effectivement liés à des erreurs médicales ou à un mauvais usage de cette drogue, par rapport à l'usage « récréatif » qu'en font les gens qui s'en procurent illégalement?
Quelle est la proportion des décès de l'un par rapport à l'autre?
[Traduction]
Mme Mattison : Hélas, le seul moyen de le savoir est de consulter les rapports des coroners pour voir les résultats des analyses toxicologiques. Nous ne sommes pas, à l'heure actuelle, en mesure de distinguer entre les personnes qui ont pris un médicament qui leur avait été prescrit, et celles qui l'avaient obtenu autrement.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Vous n'avez donc pas les données.
Mon autre question sera plus difficile. Vous êtes responsable de la santé publique au Canada. De 2009 à 2014, 650 personnes sont décédées. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi ce n'est qu'en 2016 que l'on propose un projet de loi visant à interdire ces substances? Comment se fait-il que Santé Canada n'ait pas réagi plus tôt? Votre rôle est de protéger la population et, pourtant, c'est un sénateur qui prend l'initiative de proposer un projet de loi pour interdire ces substances. Il me semble qu'une lumière rouge aurait dû s'allumer chez vous. N'êtes-vous pas d'accord avec moi?
Mme Gonçalves : C'est un point très pertinent. Il est certain que nous examinons les effets de plusieurs substances. Les processus réglementaires associés au décret permettant d'inscrire les substances exigent des données scientifiques.
Le sénateur Boisvenu : Mais, madame, 650 personnes ont perdu la vie, et vous me dites que c'est une question de processus, que c'est une question de réglementation?
[Traduction]
Mme Mattison : Mais il y a en même temps lieu de se pencher sur le phénomène pris dans son ensemble.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ma question n'est pas là. Pourquoi ne revoyez-vous pas vos façons de faire? Pourquoi ne revoyez-vous pas votre réglementation? Il y a 650 personnes qui sont décédées.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Il ressort de ce qui vient d'être dit que nous allons devoir, en matière de lutte antidrogue, mettre en œuvre des stratégies efficaces. C'est à cela que nous devrions nous attacher.
Pourriez-vous nous fournir quelques précisions quant aux efforts engagés par Santé Canada en matière de prévention, d'éducation, de traitement et de mesures destinées à assurer le respect de la réglementation applicable? Je sais que chacun de ces éléments est nécessaire si l'on souhaite régler les problèmes qui se posent.
Mme Mattison : Dans le cadre du dispositif actuel, le gouvernement canadien intervient à la fois sur le plan de la prévention, du traitement et des mesures destinées à faire respecter la loi.
La stratégie nationale englobe notamment un dispositif permettant d'assurer aux Premières Nations et aux populations inuites des services de traitement à l'intention des personnes éprouvant des problèmes liés à l'usage de la drogue. Il y a par ailleurs les programmes de traitement destinés aux jeunes ayant des démêlés avec la justice, et les tribunaux de traitement de la toxicomanie, qui permettent de déjudiciariser le dossier de contrevenants qui, en raison de leur dépendance, ont commis des crimes sans violence. Cette stratégie a récemment permis de financer des travaux de recherche sur de nouveaux modèles de traitement.
Depuis 2007, le portefeuille de la santé est doté d'un budget de 970 millions de dollars. Au cours du présent exercice financier, environ 100 millions de dollars ont été affectés aux divers services de traitement.
Le sénateur McIntyre : Il est clair que, comme le trafic d'autres drogues, le commerce illicite du fentanyl crée de sérieux problèmes. Selon vous, le nombre de décès, le caractère addictif de cette substance et les bénéfices que procure son commerce sont-ils sans précédent?
Mme Mattison : La situation est effectivement très préoccupante. Il s'agit d'une drogue extrêmement forte. Cela permet de réduire le volume des envois et facilite donc son transport. Les laboratoires clandestins où est synthétisée cette substance peuvent, eux aussi, être plus petits, et donc plus facilement camouflés.
En outre, étant donné que cette substance peut en même temps faire l'objet d'une utilisation licite en tant que médicament, la substance produite illicitement bénéficie d'une sorte de prestige par association. Vu le trafic de comprimés contrefaits, le consommateur de drogue ne sait pas toujours ce qu'il ingère. Cela augmente naturellement les risques. Tout cela est très préoccupant.
Le sénateur McIntyre : Le projet de loi S-225, parrainé par le sénateur White, est donc, selon vous, d'une utilité incontestable.
Mme Mattison : Ce texte concerne un aspect très important du problème, puisqu'il vise à réduire l'offre.
La sénatrice Batters : Ma question vient en quelque sorte compléter celle qu'avait posée le sénateur Boisvenu, car j'éprouve à ce sujet la même préoccupation.
Madame Mattison, vous êtes directrice du Bureau de la politique des drogues, Direction des substances contrôlées. Madame Gonçalves, vous êtes, en ce qui vous concerne, directrice général, Direction des substances contrôlées et, madame Won, vous êtes conseillère juridique.
L'une d'entre vous a-t-elle recommandé à la hiérarchie, à votre ministère, au gouvernement la prise de cette importante mesure tendant à réduire la consommation d'une substance qui fait des ravages dans la société canadienne? Heureusement que le sénateur White a présenté ce projet de loi. On connaît pourtant depuis un certain temps déjà les ravages qu'entraîne cette substance.
Mme Gonçalves : J'allais expliquer, tout à l'heure, que nous suivons de près l'apparition de ces diverses substances, et leur consommation. Nous travaillons en étroite collaboration avec les organismes policiers pour les déceler et les analyser.
Pour ce qui est du problème des précurseurs du fentanyl, et de la consommation de la substance même, nous nous penchions très activement sur le problème et étudions les diverses manières permettant d'y faire face.
Il est vrai que le sénateur White a pu intervenir plus rapidement que nous, mais il ne fait aucun doute que nous nous penchions très attentivement sur le problème.
La sénatrice Batters : « Penchions sur le problème », mais il s'agit d'une substance qui défraie la chronique depuis assez longtemps. Je viens de regarder un ancien épisode de la série « Law & Order », qui porte justement sur les ravages du fentanyl.
Oui, il est clair que vous étudiez ces diverses drogues qui évoluent extrêmement vite, et qui deviennent de plus en plus dangereuses en raison, par exemple, de cette drogue toute nouvelle évoquée ces derniers jours dans les actualités. Mais, l'une d'entre vous avait-elle personnellement recommandé la prise de cette mesure, et pas seulement son étude?
Mme Gonçalves : Oui, nous étions justement en passe de le faire.
La sénatrice Batters : Il n'y a que quelques mois que le sénateur White a présenté son projet de loi. Outre l'étude du phénomène, envisagiez-vous avant cela de prendre des mesures?
Mme Mattison : Permettez-moi de répondre. La Direction des substances contrôlées effectue des recherches sur toutes les annexes à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nos chercheurs analysent la conjoncture, décèlent les problèmes qui se présentent et recueillent les données scientifiques les concernant. Ces données sont alors soumises à une discussion de groupe, après quoi nous fixons un certain nombre de priorités. Nous formulons des recommandations qui sont alors transmises à la hiérarchie.
Il est fréquent que nous nous penchions sur diverses substances et leurs précurseurs. Nous nous attachons à recueillir des preuves scientifiques qui sont suffisamment solides que l'on puisse en faire état selon les procédures en vigueur. Il s'agit pour nous d'un travail continu.
La sénatrice Batters : Mais, étant donné le temps qu'il a fallu pour en arriver là, ne pensez-vous pas que la procédure est un peu lourde et qu'il conviendrait peut-être de la simplifier?
Mme Mattison : Je peux vous citer plusieurs exemples de cas où nous avons pu accélérer le mouvement en concentrant davantage nos travaux.
Ainsi, il y a quelques années, nous avons inscrit aux annexes les sels de bain, et nous avons récemment ajouté à la liste des substances réglementées le W-18. C'est dire que les choses peuvent aller assez vite lorsque la sécurité, ou la santé publique l'exigent. En l'occurrence, les substances en question ont été davantage soumises à la procédure régulière.
La sénatrice Batters : Malgré tous les décès?
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question sera très simple. Si vous pouvez me répondre, tant mieux. Cette drogue fait beaucoup de morts. Qu'est-ce qui pourrait faire avancer le dossier plus rapidement pour sauver des vies? Est-ce un projet de loi ou une intervention directe de la ministre dans le dossier?
[Traduction]
Mme Mattison : Nous sommes conscients de l'augmentation du nombre de décès dus à la consommation d'opioïdes. En modifiant les dispositions de la loi, on va pouvoir agir sur l'offre et permettre aux organismes policiers de porter des accusations, avant même en l'occurrence, que la drogue en question ait été fabriquée. Si ce projet de loi est adopté, on va en effet pouvoir s'en prendre aux précurseurs.
Il y a eu de nombreuses autres interventions. On a parlé d'éducation, de prévention et de traitement. Notre ministre a récemment demandé aux divers services du ministère d'étudier toutes les solutions possibles, et de voir comment le gouvernement fédéral pourrait répondre à la crise provoquée par la consommation d'opioïdes.
C'est à cela que nous nous attachons actuellement. C'est un travail qui mobilise nos efforts et, dans les diverses régions du pays, nous œuvrons dans ce sens de concert avec nos partenaires.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je veux bien faire confiance au système et je ne veux pas porter un jugement de valeur. Toutefois, depuis un certain temps, je remarque que, dans plusieurs dossiers, on a tendance à faire beaucoup d'analyses, d'études et de réunions de comités. On ne peut pas être contre la vertu, mais il reste que, parfois, cela retarde le dossier plus qu'autre chose. Il faut trouver les moyens les plus utiles pour essayer d'arriver à un résultat qui permettra de sauver des vies. Lorsqu'on parle de lois, il ne s'agit pas seulement de lois, mais plutôt de sauver la vie des Canadiens et Canadiennes qui, malheureusement, utilisent ces drogues et bien d'autres également.
[Traduction]
Mme Mattison : Je me permets par ailleurs de faire état de certaines des autres mesures prises récemment. Nous avons, par exemple, accordé, dans la région de Vancouver, des autorisations pluriannuelles pour l'ouverture de deux centres de consommation supervisée. Je pourrais également citer la mesure récemment prise par le gouvernement fédéral pour autoriser la vente sans ordonnance du naloxone, un médicament qui permet de guérir une surdose, et la récente inscription du W-18 à l'annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Nous nous attachons à trouver d'autres moyens de remédier à la situation afin de proposer à notre ministre les mesures que pourrait prendre le gouvernement fédéral.
Le sénateur White : Madame Mattison, lorsque le W-18 a été inscrit dans le cadre de la LRCDAS, a-t-on envisagé d'y inscrire également les précurseurs?
Mme Mattison : Oui. J'hésite à m'avancer, car si j'ai apporté mes notes sur les précurseurs du fentanyl, je n'ai pas les notes concernant le W-18.
Le sénateur White : Je vous prête les miennes, si vous voulez.
Mme Mattison : Je vais donc devoir vous répondre en fonction des éléments dont je dispose.
Le sénateur White : Je vous en prie.
Mme Mattison : Nous avons eu, au sujet des précurseurs du W-18, des discussions très intéressantes, car les composés de la série W sont liés entre eux et le W-18 est en fait synthétisé à partir du W-15. Plusieurs des précurseurs du W-18 sont psychoactifs, ce qui fait qu'ils peuvent être consommés indépendamment, et que ce ne sont pas de simples molécules entrant dans la composition d'autres substances.
Certains de ces précurseurs sont déjà soumis à réglementation. La manière dont nos chimistes ont formulé l'inscription du W-18 nous permet d'effectuer, dans le cadre de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, des inscriptions catégorielles et nous pouvons donc ajouter des précisions chimiques telles que sels, dérivés, isomères. L'inscription peut donc englober plusieurs molécules en même temps. C'est ce que nous avons fait pour l'inscription du W-18.
Certains des précurseurs sont donc déjà réglementés.
Le sénateur White : Et inscrits en tant que drogues contrôlées.
Mme Mattison : Effectivement.
Le sénateur Joyal : Je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées, mais j'en perds un peu mon appétit. On n'a pas l'impression que le ministère travaille en étroite collaboration avec les forces de police. Les services de police des diverses provinces disposent chacun d'une brigade anti-stupéfiant, qui enquêtent et interviennent en cas de décès. Les policiers sont donc aux avant-postes de la lutte contre ces drogues illicites. Ils sont les mieux placés pour observer en direct les conséquences du phénomène. Il semblerait que, dès qu'on parvient plus ou moins à contrôler une drogue, il y en a une autre qui apparaît.
On a l'impression que le système n'est pas en prise directe avec ce qui se passe sur le terrain. Je vous félicite de ce que vous avez fait pour le W-18, mais les précurseurs visés par le texte que propose le sénateur White auraient dû, eux aussi, attirer votre attention.
Vous m'avez persuadé que les contacts que vous entretenez avec les forces de police vous permettent d'intervenir rapidement et de prononcer une interdiction provisoire dans les cas où vos analyses ne vous permettent pas encore de vous prononcer sur les effets d'une substance, ou sur l'emploi légitime que le secteur privé pourrait en faire. Mais la procédure me paraît trop lourde. C'est l'impression que je retire de tout cela. Elle est peut-être injuste et je ne souhaite pas être injuste envers vous.
Il me semble, cependant, que le système ne travaille pas vraiment de concert avec les acteurs du terrain. C'est effectivement ce que pourraient nous dire le sénateur White et ses anciens collègues, ainsi que le sénateur Dagenais. Le nombre de décès ne fait qu'augmenter. Combien de morts faudra-t-il avant que vous déclariez l'état d'urgence? Il y a toute une pente à remonter si nous voulons convaincre la population de l'efficacité du système en place.
Nous souhaitons naturellement soutenir vos efforts, mais nous souhaitons encore plus disposer d'un système qui soit à l'avant-garde du phénomène de la drogue. Or, j'ai l'impression qu'on va toujours accuser un certain retard par rapport aux organisations criminelles, qui parviennent à découvrir sans cesse de nouvelles substances et à offrir de nouveaux produits.
J'espère qu'on va pouvoir profiter encore longtemps de la présence du sénateur White, car nous pouvons à cet égard compter sur lui. Il serait dans la logique du système d'atteindre une efficacité plus grande qu'à l'heure actuelle.
Le président : Aviez-vous une question à poser, sénateur?
Le sénateur Joyal : Oui. Quelles sont, en matière de drogues, les relations que vous entretenez avec les services de police?
Mme Gonçales : Je vous remercie de votre question.
Nos laboratoires d'analyse des drogues sont en contact direct avec les services de police. C'est par eux que nous savons ce qui se passe sur le terrain. Ils collaborent avec les forces policières en analysant les échantillons recueillis. Les résultats de leurs analyses nous sont alors transmis. Nous sommes ainsi tenus au courant de la situation. C'est à partir de cela que nous voyons quels seraient les moyens réglementaires de s'attaquer aux nouvelles substances qui apparaissent.
En ce qui concerne le fentanyl, ce qu'on a pu constater au cours des quelques dernières années, entre 2009 et 2014...
Le président : Permettez-moi de vous interrompre. Nous risquons d'être à court de temps. La question qui vous a été posée concernait, je crois, la police. J'invite nos témoins à être aussi concis que possible et à répondre directement à la question qui leur est posée, car, comme je viens de le dire, nous risquons d'être à court de temps et nous avons après cela deux autres questions à régler.
Mme Gonçalves : La réponse est que, par l'intermédiaire de notre service d'analyse des drogues, nous entretenons un lien direct avec la police. Nous entretenons des contacts directs avec la GRC qui nous informe de ses constatations sur le terrain.
Le président : Je demande aux sénateurs qui se sont joints à nos délibérations de faire, eux aussi, preuve de concision.
La sénatrice Lankin : Je vais, en cela, faire de mon mieux, mais vous me connaissez bien.
Je vous remercie. J'aurais deux questions à poser. Le nombre de décès que vous avez cité englobait-il à la fois les morts dus au fentanyl prescrit sur ordonnance et au fentanyl faisant l'objet d'un commerce illicite?
Mme Mattison : Oui.
La sénatrice Lankin : J'appuie les efforts du ministère et le travail qui s'y effectue, car bon nombre des 600 décès évoqués sont en fait dus à la consommation de fentanyl prescrit sur ordonnance. Il s'agit soit de surdoses accidentelles, soit de surdoses délibérées, que le produit provienne d'un commerce illégal ou qu'il ait été prescrit licitement. Il ne me semble pas juste d'affirmer que des mesures n'ont pas été prises en temps utile. En ce qui concerne le fentanyl, plusieurs mesures ont en effet été prises, mais je n'en dirai pas plus sur ce point.
L'étape suivante consistera à étudier les substances produites illicitement, dont les précurseurs. Je vous félicite du travail qui a été accompli jusqu'ici et je suis persuadée que vous étudiiez déjà la question.
Je souhaiterais savoir, cependant, si vous ne pouviez pas, au cours de la semaine qui vient, adopter sans tarder un règlement sur les précurseurs, puisque l'adoption d'un règlement n'exige pas l'intervention du Cabinet. Je sais comment l'on pourrait procéder. Ou, conviendrait-il plutôt, selon vous, d'adopter le projet de loi?
Mme Mattison : Nous sommes, en ce qui nous concerne, à même de réunir la documentation écrite nécessaire, et de formuler une recommandation à cet égard. La décision finale, toutefois, ne nous appartient pas.
La sénatrice Lankin : Pourriez-vous, effectivement, formuler une recommandation en ce sens? On vous a assaillie de questions, et on vous a aussi accusée plus ou moins subtilement de ne pas avoir réagi assez vite. Ne serait-ce pas l'occasion de discuter de tout cela avec vos collaborateurs et de faire avancer le dossier?
Mme Mattison : Nous pourrions assurément en discuter au sein du ministère.
La sénatrice Fraser : J'ai pris connaissance de la liste de facteurs qui doivent être pris en compte avant qu'une substance puisse être inscrite à l'annexe de la loi. La procédure n'est pas simple. On doit en effet prendre en compte les similitudes chimiques et pharmacologiques avec les substances déjà réglementées, ainsi que les règles internationales applicables en ce domaine, et la manière dont les divers pays font actuellement face à ce problème. Rien de cela n'est simple, et je comprends fort bien que tout cela prenne du temps compte tenu de la procédure administrative qui est, naturellement, marquée par la prudence.
Cela dit, je voudrais vous demander combien de temps il faudrait normalement pour que l'examen d'une pareille substance entraîne son inscription à l'annexe?
Deuxièmement, comment est-on parvenu à faire avancer relativement vite le dossier des sels de bain et du W-18? Qu'est-ce qui a permis d'accélérer les choses?
Mme Mattison : La procédure prend généralement de 18 à 24 mois. Plusieurs choses permettent cependant d'accélérer le traitement d'un dossier. Nous travaillons au sein d'une administration, c'est-à-dire d'un système hiérarchique, et il est clair que si le ministre nous demande d'agir rapidement dans le cadre d'un dossier, nous réagissons en conséquence.
Je précise qu'en ce qui concerne l'examen d'une mesure par le gouverneur en conseil, les projets de décret, les changements qu'il est envisagé d'apporter à un règlement font l'objet d'une consultation, suivis de leur publication préalable. S'il y a lieu, il peut être décidé, au cas par cas, de passer outre à cette exigence procédurale. Il est alors possible d'adopter le règlement sans consultation préalable.
La sénatrice Fraser : La procédure accélérée prend combien de temps?
Mme Mattison : Il a fallu environ trois mois et demi dans les deux cas que je viens de vous citer.
Le sénateur White : Existe-t-il une procédure d'urgence qui permettrait de régler, d'ici mercredi prochain par exemple, un problème qui survient, disons vendredi soir?
Mme Mattison : La législation actuelle ne le permet pas.
Le sénateur White : Ce n'est donc pas comme aux États-Unis où les autorités peuvent procéder à une inscription provisoire?
Mme Mattison : C'est exact.
La sénatrice Jaffer : Je crois savoir que le BC Centre for Disease Control a mené une étude afin de voir si les personnes qui prennent de la drogue sont conscientes du fait qu'elles consomment du fentanyl. On leur a demandé de remplir un questionnaire anonyme. Des 242 personnes interrogées, 29 p. 100 savaient qu'elles prenaient du fentanyl, mais 73 p. 100 ne le savaient pas. Santé Canada envisage-t-il une étude comparable permettant de distinguer entre les personnes qui consomment sciemment du fentanyl, et les autres?
Mme Mattison : Je vais vous répondre en quelques mots.
Pour l'instant, non. D'ordinaire nous nous procurons auprès d'autres organismes les données dont nous avons besoin. Nous travaillons actuellement à un projet avec l'Institut canadien d'information sur la santé, le ICIS, afin d'améliorer la collecte des données provenant des rapports de coroners. J'ai évoqué la question plus tôt. Il s'agit d'établir, en matière de collecte des données, des normes nationales. Les données feraient ainsi l'objet d'un codage uniformisé nous permettant d'en extraire des renseignements plus détaillés. Nous assurons le financement de ce projet mené au sein de l'ICIS.
Le président : Je tiens à remercier nos témoins des éléments d'information qu'ils nous ont fournis.
Mesdames et messieurs les membres du comité, vous avez pu voir, en consultant l'ordre du jour, que le comité directeur recommande que nous passions maintenant à l'examen article par article du projet de loi S-225.
Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-225, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (substances utilisées dans la production du fentanyl)?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 1 est-il adopté?
Le sénateur Harder : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie. Je suis loin d'être expert en ce domaine, et j'ai beaucoup appris des questions qui ont été posées. Il est clair que ce sujet soulève, plus largement, des questions de politique publique qui retiennent naturellement notre attention et qui devraient retenir l'attention de la population en général.
Après avoir écouté le discours que le sénateur White a prononcé au Sénat, j'estime que la question mérite le soutien du gouvernement. J'en ai discuté à plusieurs reprises avec la ministre, puis au sein du Cabinet, et je suis venu pour dire que le gouvernement entend appuyer ce projet de loi si l'on parvient à s'entendre sur un certain nombre d'amendements.
Je vais expliquer les amendements. Je précise qu'ils sont proposés amicalement. Je me suis entretenu avec le sénateur White, qui pourra d'ailleurs vous dire ce qu'il en est. La décision sur ce point appartient naturellement au comité et au sénateur. Je vous ai remis les amendements, car je vais me référer aux précurseurs en cause en citant leur numéro plutôt que leur nom.
Aux termes des trois amendements que je propose, l'aniline est retirée de la liste qui figure dans le projet de loi. La question a fait partie de la discussion d'aujourd'hui. Comme nous l'avons dit, c'est un produit chimique largement employé dans diverses industries, notamment dans l'industrie pétrochimique. En l'absence des autres substances en cause, il ne peut pas servir à produire du fentanyl. En le retirant de la liste, on ne nuit donc aucunement à l'objectif visé. Nous ne voulons pas soumettre l'aniline à des mesures qui ne seraient pas nécessaires pour encadrer la fabrication de fentanyl.
Et puis il y a, deuxièmement, les sels de deux des substances en cause. Ces sels sont souvent ajoutés aux annexes pour que l'on soit certain de contrôler les formes les plus communes de ces substances chimiques.
Le troisième amendement complète la liste en ajoutant trois autres précurseurs pouvant servir à fabriquer du fentanyl. Il s'agit en l'occurrence des précurseurs 28, 29 et 30.
Si le comité le veut bien, je propose que ces amendements viennent s'ajouter à l'article premier afin de le compléter. Je suis en mesure de vous dire que le gouvernement appuiera le projet de loi ainsi amendé.
Le président : Le sénateur Harder propose un amendement. Nous allons en débattre.
La sénatrice Jaffer : Sénateur Harder, je vous remercie de nous avoir précisé cela. Comme vous le savez, j'avais moi- même posé une question au sujet de l'aniline. Je sais que cette substance sert à fabriquer certaines matières plastiques, et je me préoccupais en outre des conséquences que cela pourrait avoir sur l'industrie des produits pharmaceutiques. Lequel de ces trois produits est l'aniline?
Le sénateur Harder : J'ai supprimé l'aniline.
La sénatrice Jaffer : Ah, bon.
La sénatrice Batters : Sénateur, en tant que représentant du gouvernement, vous proposez un amendement qui permet d'améliorer le texte du projet de loi. Que pensez-vous de l'idée, évoquée tout à l'heure, de voir le gouvernement intervenir par décret? Une mesure réglementaire pourrait être adoptée plus rapidement qu'un projet de loi. Êtes-vous disposé à recommander au gouvernement d'opter pour la voie la plus rapide?
Le sénateur Harder : Bien sûr. Je n'ai jamais travaillé à Santé Canada et je n'ai aucune expérience en ce domaine. Le comité a posé des questions très pertinentes et il convient en même temps, me semble-t-il, de prendre en compte certaines questions de politique publique qui dépassent la seule question du fentanyl. J'invite le comité à renvoyer ces questions aux responsables dont elles relèvent en fait. Ces questions, plus larges, de politique publique ne sont manifestement pas du ressort des collaborateurs ministériels à qui il appartient d'administrer les affaires réglementaires. Je suis, moi aussi, préoccupé par les questions qui ont été soulevées en l'occurrence. Elles sont parfaitement légitimes et appellent une réponse.
La sénatrice Batters : Vous, qui représentez le gouvernement au Sénat, êtes venu rendre compte de la politique actuellement en vigueur. Pourriez-vous nous dire si, compte tenu de ce qui s'est dit aujourd'hui, vous recommanderiez au gouvernement fédéral de prendre à l'égard du fentanyl une mesure réglementaire permettant de juguler la crise causée par cette substance? Il serait bon de faire adopter ce projet de loi, mais il y a peut-être un moyen plus rapide d'intervenir.
Le sénateur Harder : Je croyais avoir répondu à la question. Je ne souhaite pas privilégier une solution en particulier dans la mesure où il pourrait y en avoir une qui n'a pas encore été portée à l'attention du comité, ou à la nôtre. Il est clair qu'il faut continuer à étudier le problème, mais pour l'instant aucune conclusion évidente ne se présente à l'esprit.
Le sénateur Baker : Je voudrais qu'on parvienne à régler la question de ce projet de loi. Je comprends maintenant pourquoi les représentants de Santé Canada hésitaient un peu à répondre à nos questions, car ils avaient manifestement déjà été consultés à ce sujet.
Le sénateur White va obtenir l'inscription de six nouveaux précurseurs, alors que, selon ce document, la catégorie A de l'annexe VI n'en comprenait que 23. Je lui demande de nous permettre d'accepter l'amendement. S'il est d'accord, nous allons pouvoir procéder sans tarder.
Le sénateur White : Je suis tout à fait d'accord pour adopter l'amendement. Qu'il me soit permis de dire que nous allons également devoir examiner les questions plus larges qui se posent en l'occurrence. Compte tenu de ce qui s'est dit aujourd'hui, je crains, cependant, que la procédure la plus rapide prenne au moins trois semaines. J'estime, pour ma part, que nous devrions pouvoir régler le problème en moins de temps.
Le sénateur Joyal : Sénateur White, êtes-vous d'accord avec le sénateur Harder pour que l'aniline soit supprimée de la liste?
Le sénateur White : Oui. Je comprends que cette substance ne permet pas à elle seule de produire de la drogue.
Le président : Nous allons maintenant nous prononcer sur l'amendement proposé.
Tous ceux qui sont pour l'amendement proposé par le sénateur Harder?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 1 est-il adopté tel que modifié?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Dois-je faire rapport au Sénat du projet de loi amendé?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Y a-t-il quelqu'un qui souhaite annexer des observations au rapport?
La sénatrice Jaffer : Oui, monsieur le président. Il me faudrait pour cela demander l'aide de nos analystes, mais je souhaite proposer deux observations La première consiste à inviter la ministre à lancer une campagne nationale de sensibilisation au sujet du fentanyl. La seconde concerne les délais.
Le président : D'après nos analystes, cela est-il possible? Le comité est-il d'accord pour annexer ces observations? Nous pourrons nous entendre ultérieurement sur leur formulation exacte.
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord.
Avant de conclure, il nous reste une question à régler. La sénatrice Jaffer va quitter ses fonctions de vice-présidente.
La sénatrice Jaffer : Je propose que le sénateur Baker soit nommé vice-président du comité.
Le président : La sénatrice Jaffer propose que le sénateur Baker soit nommé vice-président du comité.
Plaît-il aux membres du comité d'adopter cette motion?
Des voix : D'accord.
Le président : Félicitations, sénateur Baker. Sénatrice Jaffer, je vous remercie de vos efforts au sein du comité.
(Le comité s'ajourne.)