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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 15 - Témoignages du 3 novembre 2016


OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 10 h 33, pour étudier les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je souhaite la bienvenue à mes collègues, à nos invités et aux membres du grand public.

Mesdames et messieurs les membres du comité, plus tôt cette année, le Sénat a autorisé le comité à étudier les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada et à examiner les rôles joués par le gouvernement du Canada et le Parlement afin de réduire ces délais. Il s'agit de la 29e réunion sur cette étude.

Nous sommes heureux de recevoir à nouveau l'honorable Neil Wittmann, juge en chef de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta, qui se joint à nous par vidéoconférence à partir de Calgary.

Le juge en chef a témoigné devant le comité plus tôt cet automne lorsque nous étions à Calgary et à la fin de la réunion, je lui avais fait part de cinq sujets que nous n'avions pas pu aborder, faute de temps. Je l'ai invité à témoigner à nouveau devant nous pour explorer ces sujets et d'autres.

Pour vous rafraîchir la mémoire, les sujets étaient l'incidence du recours à des juges surnuméraires sur l'établissement du calendrier; la pertinence des enquêtes préliminaires dans la foulée de l'affaire Stinchcombe; l'incidence de la suraccusation sur l'augmentation du nombre d'accusations et les délais; l'incidence, s'il y a lieu, de la réduction de la peine pour le temps passé en détention préventive sur les délais dans le système de justice pénale.

Enfin, je voulais étudier une question soulevée par l'autre témoin que nous avions entendu ce jour-là, le juge en chef Matchett de la Cour provinciale de l'Alberta, mais il ne peut malheureusement pas se joindre à nous aujourd'hui. Il avait fait valoir que même s'il était juge en chef, il n'était pas le patron des juges de l'Alberta; qu'ils étaient ses collègues. Je voulais approfondir cette question. Je voulais demander au juge en chef à quels défis il était confronté à cet égard lorsque venait le temps d'aborder la question des délais.

Donc, monsieur Wittmann, vous pouvez aborder l'une ou l'autre de ces questions ou toutes les questions. Je sais que vous avez quelques commentaires à faire avant que nous passions à la période de questions. Je sais aussi que la situation relative aux postes vacants a changé en Alberta. Nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue et sommes honorés de vous recevoir aujourd'hui. Vous avez la parole.

L'honorable Neil Wittmann, juge en chef, Cour du banc de la Reine de l'Alberta, à titre personnel : Merci, monsieur le président.

Je ferai quelques brèves remarques au sujet du mémoire que j'ai présenté la dernière fois et des événements qui se sont produits depuis.

Comme les membres qui étaient présents à Calgary et tous ceux qui ont lu la transcription de la réunion le savent, ma principale préoccupation était le manque de ressources judiciaires et d'autres ressources pour traiter les affaires criminelles en temps opportun.

Je suis heureux de vous annoncer que depuis ce temps, de nouveaux juges ont été nommés à la cour. Or, les postes vacants n'ont pas tous été pourvus le 19 octobre. L'annonce de sept nominations en Alberta par le gouvernement du Canada était vraie, mais ce qu'on n'a pas dit, c'est que deux d'entre elles visaient la Cour d'appel, et que les juges nommés siégeaient à notre tribunal. Nous avons donc trois juges de plus.

Il y a maintenant trois postes vacants. D'ici le 3 janvier, nous aurons quatre autres postes vacants. Mon opinion au sujet de l'importance de pourvoir les postes vacants de manière opportune demeure.

De plus, au cours de cette semaine, la province de l'Alberta a annoncé qu'elle allait ajouter neuf postes à notre tribunal.

La difficulté, c'est que le gouvernement du Canada n'a jamais reconnu les quatre postes qui avaient été autorisés par le gouvernement de l'Alberta dans la loi de janvier 2013. Le gouvernement du Canada n'a reconnu que deux de ces postes, et l'un d'entre eux n'a jamais été pourvu.

De plus, ce qui me préoccupe particulièrement, c'est le processus de nomination aux tribunaux d'instance supérieure du Canada et le communiqué de presse publié à cet effet le 19 ou le 20 octobre. Certaines modifications ont été apportées aux comités consultatifs sur les nominations à la magistrature du pays et ont été vantées à titre d'améliorations. Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est que tous les comités ont été démantelés et qu'une personne qui avait été approuvée par un comité ne l'est plus. Donc, aujourd'hui, selon le protocole, plus personne n'est admissible à la nomination à un tribunal d'instance supérieure. Ces comités devront être reconstitués. Il faudra du temps pour cela, et les postes ne seront pas pourvus tant que le processus ne sera pas terminé. Je sais qu'on s'efforce de le faire rapidement, mais il faudra ensuite que les comités se réunissent, qu'ils étudient les candidats et qu'ils fassent un choix. Cela m'inquiète.

Voilà l'information que je voulais transmettre au comité au sujet du processus de nomination. Il nous faut plus de juges pour servir correctement le système de justice pénale et aussi réaliser tous les travaux de la cour — le droit familial, le droit civil — en temps opportun.

C'est ce que j'avais à dire au sujet de mon témoignage précédent. En ce qui a trait aux cinq sujets à aborder, je peux répondre à vos questions ou les aborder un à un, selon votre préférence, monsieur le président.

Le président : Votre honneur, pourquoi ne faites-vous pas un bref commentaire sur chacun d'entre eux, si possible? Les sénateurs auront alors peut-être d'autres questions à vous poser ensuite.

M. Wittmann : Bien sûr. Le premier point était l'incidence du statut surnuméraire sur l'établissement du calendrier. Je dirais qu'il n'a aucune incidence sur l'établissement du calendrier de notre tribunal; il n'entraîne aucune difficulté. Je crois que je l'ai dit précédemment, mais on s'attend à ce que le calendrier des juges surnuméraires corresponde à la moitié de celui d'un juge à temps plein.

Nous savons quels juges sont surnuméraires. Nous savons quand ils le deviennent. Habituellement, s'ils obtiennent ce statut en cours de mandat, ils termineront leur mandat. Par exemple, nous avons trois juges qui obtiendront ce statut au cours de ce mois-ci et du mois suivant, mais ils siégeront jusqu'au 31 décembre et termineront leur mandat comme s'ils étaient des juges à temps plein. Toutefois, selon le calendrier du 1er janvier au 30 juin 2017, ces juges siégeront la moitié du temps.

Il n'est donc pas difficile de prévoir que ces juges siégeront la moitié du temps. Nous savons quand ils obtiendront le statut de surnuméraire. Ils nous donnent un préavis fort raisonnable; plus que le préavis officiel donné au ministre de la Justice de l'Alberta et au ministre de la Justice du Canada.

En ce qui a trait à l'utilité des enquêtes préliminaires, je conseillerais aux personnes qui étudient la question d'écouter les avocats de la défense et le service des poursuites plus que les juges. Je sais que les juges ont une opinion à ce sujet. J'en ai beaucoup entendu. En règle générale, ces opinions se fondent sur l'expérience des juges lorsqu'ils étaient avocats de la défense, procureurs ou autres.

Je crois que la tension est attribuable à deux ou trois éléments. Tout d'abord, l'enquête préliminaire est très utile dans certains cas pour la Couronne et la défense lorsque la crédibilité d'un témoin — disons le témoin d'un plaignant — est en cause. Est-elle utile dans tous les cas? Peut-être pas. Est-ce que les avocats de la défense demandent parfois une enquête préliminaire pour des raisons autres que pour évaluer le cas auquel ils travaillent? Je ne le sais pas; il faudrait leur demander. Je crois toutefois que cette information leur est utile. C'est ainsi qu'ils perçoivent le monde et je ne vois pas comment on pourrait leur reprocher cela. On peut toutefois se demander dans quelle mesure cette information est utile dans certains cas, étant donné le régime de divulgation en vigueur. Est-ce que les enquêtes préliminaires contribuent aux délais? Oui.

De plus, la solution de rechange est problématique, dans une certaine mesure, et on le constate lorsqu'ils demandent une mise en accusation directe. Comme vous le savez, en cas de mise en accusation directe, il n'y a pas d'enquête préliminaire. Dans ces cas-là, nous avons dû tenir plus de conférences préparatoires aux procès parce que la Couronne et la défense ne connaissaient pas aussi bien leurs dossiers que lorsqu'il y avait enquête préliminaire.

Nos juges tentent d'examiner le bien-fondé de l'affaire pour la Couronne et la défense et posent beaucoup de questions. Nous sommes de plus en plus agressifs à cet égard parce que nous avons constaté qu'en étant plus agressifs... et je parle d'être agressif dans le bon sens du terme; nous ne voulons pas forcer qui que ce soit. Toutefois, nous voulons savoir certaines choses et si nous croyons, par exemple, que certaines accusations ont peu de chances d'être retenues, nous le disons franchement lors de la conférence préparatoire. Dans notre administration, le juge responsable de la conférence préparatoire n'est jamais juge au procès. Il peut donc être franc avec les avocats ou avec la personne qui se représente elle-même à cette étape.

En ce qui a trait à l'utilité des enquêtes préliminaires — pour terminer ce que j'ai commencé —, il faut en parler aux avocats de la Couronne et de la défense. Je crois qu'ils vous donneront une meilleure vue d'ensemble.

En ce qui a trait à la mise en accusation ou à la suraccusation, nous avons constaté qu'à la suite d'une conférence préparatoire, la Couronne décidait souvent de ne pas déposer d'accusations pour de nombreux chefs dans l'acte d'accusation. J'ai été surpris de voir, dans l'article d'un journal national, les différences entre les régimes de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique, et de voir que le taux de condamnation semblait beaucoup plus élevé dans les administrations où la Couronne étudiait les accusations avant qu'elles soient déposées, par opposition à un régime où ce sont les policiers qui déposent les accusations et où la Couronne doit les gérer. Je crois qu'il s'agit d'une question du domaine public. Les statistiques de l'Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique — et je suppose qu'elles existent aussi pour l'Alberta — nous permettraient peut-être d'examiner la question de la suraccusation et du dépôt des accusations par la Couronne.

En ce qui a trait à la réduction de la peine pour le temps passé en détention préventive, encore une fois, je crois qu'une discussion franche avec les avocats de la défense et les procureurs, et peut-être même avec les agents correctionnels, serait utile à cet égard. Je crois que les diverses perceptions à ce sujet sont peut-être fausses. L'idée qu'une personne puisse vouloir être en détention provisoire dans des conditions beaucoup plus difficiles que celles d'un pénitencier fédéral ou d'une prison provinciale pour obtenir un crédit de 1,5 pour 1 ou de 2 pour 1, comme c'était le cas avant... je sais que cette impression domine dans certains cas, mais je ne sais pas si elle est réaliste. Je crois encore une fois que le point de vue d'un avocat de la défense serait plus utile. J'ai du mal à croire qu'on puisse donner une telle directive à un avocat de la défense dans le but de retarder une affaire.

Le dernier sujet auquel vous avez fait référence, monsieur le président, était le commentaire du juge en chef Matchett, qui avait dit qu'il n'était pas le patron des juges de la cour provinciale. Je dirais la même chose. Je ne suis pas le patron des juges de notre cour. Ce sont mes collègues. On dit souvent que le seul pouvoir d'un juge en chef est de nommer les juges. C'est peut-être le cas, officiellement. Dans la pratique, par contre, le juge en chef doit à mon avis non pas gouverner, mais bien gérer les activités de la cour, fixer des objectifs communs et susciter l'enthousiasme des juges non seulement pour ce que nous faisons, mais aussi pour la façon dont nous le faisons.

En Alberta, du moins, nous avons non seulement créé un plan stratégique, mais aussi une sorte de structure de gouvernance. Nous avons un conseil exécutif composé de quatre juges élus, de moi-même et d'un juge en chef adjoint. Il est très rare que nous remettions en question une décision du conseil exécutif. Nous procédons par consensus, mais c'est la façon, je crois, d'exercer une influence sur nos collègues et je crois qu'on doit les considérer comme nos collègues parce que, comme vous le savez, les juges sont indépendants et ont leur propre personnalité.

Le président : Est-ce qu'il y a des conseils exécutifs partout au pays?

M. Wittmann : Je n'ai pas la réponse à cette question. Je n'en ai pas entendu parler. Nous avons abordé la question lors de nos réunions du Conseil canadien de la magistrature, puisque lorsque j'ai été nommé juge en chef en 2009, j'étais d'avis qu'il fallait établir un plan stratégique et une structure différente. Nous avions de nombreux comités, mais ils ne fonctionnaient pas. J'oserais dire qu'ils ne livraient pas la marchandise, donc, pour changer les choses, nous avons fait venir une personne de l'école de commerce Haskayne de l'Université de Calgary. Elle nous a expliqué ce qu'était la planification stratégique et comment nous pouvions l'appliquer, et a fait des recommandations relatives à la structure de gouvernance, puisque contrairement à une entreprise ordinaire, on ne peut pas utiliser la rémunération ou les avantages sociaux à titre de mesure incitative. Je crois que notre tribunal s'en trouve mieux, mais je ne dis pas que les autres tribunaux n'ont pas d'autres mécanismes similaires. Je ne le sais pas.

Le président : Pouvez-vous nous donner un exemple? Si vous jugez le rendement d'un tribunal insatisfaisant, comment allez-vous aborder la question?

M. Wittmann : Nous avons plusieurs initiatives pour aborder les divers volets de nos processus. Par exemple, par l'entremise du conseil exécutif et de nos groupes de pratique, la structure de gouvernance est composée de groupes de pratiques et nous avons des comités directeurs sur le droit pénal, civil et familial qui font des recommandations au conseil exécutif à des fins de mise en œuvre.

Il y a quatre ou cinq ans, on a fait des recommandations en matière de droit pénal. On a notamment recommandé de consacrer une semaine aux processus criminels, à Calgary et Edmonton seulement, puisque c'est là que résident la majorité de nos juges. Ce tribunal se charge des décisions rendues par procédure sommaire, des mises en liberté sous caution et de toutes les conférences préalables aux procès pour la semaine, en plus des déterminations de la peine si des plaidoyers de culpabilité sont disponibles pendant cette semaine. C'est une semaine où l'on se concentre sur les processus criminels et nous avons constaté qu'elle permettait de faire avancer les choses.

Comment y arrivons-nous? Nous avons des volontaires. Nous avons donné cette responsabilité à environ six juges par ville, et nous procédons par rotation et pour une durée déterminée, parce que nous savons que le barreau pénal et le service des poursuites aiment que les juges aient une bonne connaissance du domaine. Cela évoque la question de la spécialisation, qui est assez controversée dans de nombreux tribunaux d'instance supérieure au pays où il n'y a pas de division familiale ou de tribunal unifié de la famille, parce que le barreau demande une spécialisation. De nombreux juges s'y opposent. Ils disent que ce n'est pas ce qu'ils se sont engagés à faire et qu'ils forment un tribunal généraliste.

À mon avis, il est très difficile de suivre les progrès lorsque nous — et par « nous », je veux dire le tribunal — sommes censés traiter de tous les domaines du droit en tant que tribunal d'instance supérieure.

Le président : Merci, votre honneur. Nous allons passer à la période de questions.

Le sénateur Baker : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci, monsieur le juge, de votre exposé.

Je crois que nous voulons remercier tous les juges. Des dizaines ont témoigné devant le comité dans le cadre de notre étude. Nous tenons à vous en remercier, parce que nous pouvons poser des questions à tous les procureurs de la Couronne, à tous les avocats de la défense et à tous les groupes de victimes que nous voulons, mais nous ne pouvons pas vraiment avoir un portrait complet de la situation avant d'entendre l'opinion des juges sur certains aspects.

J'ai une question d'ordre général, parce que nous sommes beaucoup à vouloir poser des questions. Vous avez parlé du calendrier et vous avez mentionné planifier les travaux de janvier au 30 juin. Je présume que la relâche estivale débute à cette date. Pouvez-vous me le confirmer?

En ce qui concerne nos recommandations, l'arrêt Stinchcombe me pose problème, et vous y avez fait allusion. D'autres exigences forcent maintenant la divulgation du nom et des dossiers disciplinaires de tous les policiers qui participent à une enquête en raison d'une décision de la Cour suprême du Canada.

Vous avez mentionné l'enquête préliminaire. Nous avons examiné les règles de procédure au Canada, et ces règles prévoient en vue d'assurer la gestion des procès une période avant le procès au cours de laquelle l'avocat de la défense doit présenter toutes ses requêtes, y compris ses requêtes fondées sur la Charte. Autrement dit, il y a une période prévue avant le procès pour entendre ces requêtes. Je présume que l'enquête préliminaire se veut une bonne occasion pour l'avocat de la défense d'examiner toutes les requêtes préliminaires qu'il souhaite présenter, y compris les requêtes fondées sur la Charte.

Comme nous en avons beaucoup discuté, nous nous demandons si nous devrions forcer la Couronne, soit les procureurs et les services de police, à divulguer avant le procès tous les éléments de preuve qui seront utilisés lors du procès. Autrement dit, nous établirions une période distincte, puis toute autre divulgation durant le procès devrait satisfaire aux critères semblables à ceux utilisés lorsque vous interjetez appel devant une cour d'appel. Si vous voulez présenter un nouvel élément de preuve, vous devrez alors prouver que vous avez fait preuve de diligence raisonnable et que cet élément de preuve n'était pas disponible au moment du procès. Si vous souhaitez rouvrir un voir-dire en raison de nouveaux éléments de preuve, vous devrez satisfaire à ces critères.

Avez-vous des commentaires sur l'un ou l'autre des points que je viens de mentionner?

Le président : Nous suspendrons quelques minutes la séance pour régler certains problèmes techniques.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

Le président : Merci. Nous reprenons. Je ne sais pas si vous avez entendu la question que vous a posée plus tôt le sénateur Baker. J'espère que c'est le cas.

M. Wittmann : Je ne crois pas qu'il avait terminé. Ma mémoire à court terme fonctionne encore très bien.

Le président : Aimeriez-vous terminer votre intervention, sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Je vais essayer. Je ne sais pas jusqu'à quel moment vous avez été en mesure de m'entendre. Ma première question portait sur la raison...

M. Wittmann : Au sujet de la divulgation et des échéanciers pour présenter des requêtes fondées sur la Charte et des aspects connexes.

Le sénateur Baker : Oui. Nous voyons donc l'enquête préliminaire comme une occasion pour l'avocat de la défense de présenter de telles requêtes préliminaires, des requêtes fondées sur la Charte, et cetera. Nous envisageons de formuler une recommandation concernant la divulgation en vue de prévoir une période avant le procès et d'établir que tout nouvel élément de preuve communiqué durant le procès doit suivre le processus qui s'applique normalement si vous voulez présenter de nouveaux éléments de preuve et rouvrir un voir-dire ou satisfaire à certains critères si vous interjetez appel d'une décision et que vous souhaitez présenter de nouveaux éléments de preuve.

Ma première question portait sur votre calendrier qui s'étend de janvier à juin. Pourquoi se termine-t-il le 30 juin? Quand le nouveau calendrier débute-t-il à l'automne? Je vous ai également demandé si vous aviez des commentaires sur les aspects que j'ai mentionnés. Vous m'avez entendu vous remercier énormément de témoigner devant le comité et remercier également la dizaine d'autres juges qui ont fait comme vous. Vous donnez l'exemple. Merci.

M. Wittmann : Premièrement, en ce qui concerne la manière dont nous planifions notre calendrier en Alberta, j'ai proposé plus ou moins l'an dernier que nous ne le fassions pas. En août, nous avons le calendrier pour l'automne qui s'étend du 1er septembre au 31 décembre. Notre cour fonctionne toute l'année, mais nous planifions nos travaux en segments. Je sais que certaines autres cours... Lorsque je suis arrivé ici il y a environ 11 ans, il n'y avait pas de procès l'été, comme le prévoit le calendrier. Depuis environ cinq ans, nous avons commencé à avoir des procès durant l'été. Le problème à cet égard, c'est que le barreau ne s'est pas... Des rapports préliminaires et les recommandations découlant de l'arrêt Jordan indiquent qu'un changement de culture s'impose. Nous pouvons facilement avoir un calendrier pour toute l'année. Notre cour compte beaucoup de juges qui n'ont plus d'enfants en bas âge qui plutôt que...

Le président : Nous perdons la communication. Il recommande en gros que les cours siègent toute l'année. Nous ne pourrons malheureusement pas avoir plus de détails en raison de nos problèmes techniques. Nous suspendons encore la séance.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

Le président : Avec un peu de chance, nous n'aurons pas d'autres problèmes techniques. Notre deuxième témoin aujourd'hui est Anthony Tessarolo, directeur du Centre des sciences judiciaires du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de l'Ontario.

Bienvenue. Nous vous sommes reconnaissants de votre présence. Je crois comprendre que vous avez un exposé. Je vous invite à le faire.

Anthony Tessarolo, directeur, Centre des sciences judiciaires, ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels : Bonjour, monsieur le président, honorables sénateurs. Je m'appelle Anthony Tessarolo, et je suis directeur du Centre des sciences judiciaires, ou CSJ, qui est un laboratoire du gouvernement de l'Ontario qui relève du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels.

Merci de nous donner l'occasion de venir parler aujourd'hui au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles des analyses génétiques réalisées pour faire avancer les enquêtes criminelles.

En Ontario, le CSJ fournit des services aux forces de l'ordre, aux procureurs de la Couronne, aux coroners, aux pathologistes et à d'autres organismes d'enquête officiels de la province. Nous acceptons des demandes d'avocats de la défense dans certaines circonstances, et nous sommes l'un des seuls laboratoires gouvernementaux nord-américains à le faire.

Je crois comprendre que vous vous inquiétez énormément des retards dans les procédures criminelles et que vous vous intéressez à la contribution à ce sujet des sciences judiciaires et particulièrement des analyses génétiques. Je partage le même sentiment.

Le succès des analyses génétiques judiciaires et du Centre des sciences judiciaires dépend de notre capacité d'anticiper les besoins de nos clients et d'innover pour nous assurer de leur fournir en temps opportun des analyses de haute qualité. C'est en fait notre mission et notre vision.

Dans les prochaines minutes, j'aimerais vous donner quelques renseignements au sujet du CSJ, de notre rendement actuel, de nos problèmes, de nos défis et de nos plans futurs.

Le CSJ a été créé en 1951. C'était à l'époque le laboratoire du procureur général de l'Ontario, et son mandat était d'appuyer l'application juste et efficace de la loi par la prestation d'analyses scientifiques admissibles en cour.

Aujourd'hui, le CSJ compte 240 employés et deux laboratoires : un à Toronto et un à Sault Ste. Marie, en Ontario. Notre organisme a reçu son agrément selon des normes internationales et réalise annuellement des analyses dans plus de 4 000 affaires pour ses clients. De ces 240 employés, 85 travaillent dans le domaine de la biologie ou de l'ADN.

En 2015-2016, notre délai de traitement moyen pour les analyses génétiques dans les cas réguliers était de 33 jours. Dans les cas où il faut réaliser rapidement des analyses, le CSJ consulte ses clients pour déterminer le délai de traitement approprié et évalue son rendement en fonction de ces ententes pour les cas urgents. Au cours de la même période, le CSJ a toujours respecté le délai de traitement qu'il s'était engagé à respecter pour les analyses génétiques urgentes, et la moyenne était de 14 jours.

Lorsque c'est une question de sécurité publique — dans le cas, par exemple, d'un prédateur en série en cavale —, le CSJ fournit régulièrement les résultats des analyses génétiques aux forces de l'ordre en moins de 24 ou de 48 heures. Je tiens à rappeler qu'une communication ouverte est d'une importance capitale entre les clients et le laboratoire.

Nous sommes arrivés à un tel rendement grâce à trois stratégies importantes : un personnel bien formé au rendement élevé, des procédures efficaces et fiables et des technologies de pointe qui permettent des analyses à haut débit. Nos clients sont en grande partie très satisfaits de notre travail. En 2015, le sondage annuel du CSJ auprès de ses clients a été remis à plus de 2 500 clients, et le taux de satisfaction était de 91 p. 100.

Le CSJ a travaillé d'arrache-pied au cours de la dernière décennie pour améliorer son rendement, tout en devant composer avec une augmentation de la demande. En fait, entre 2006 et 2015, le CSJ a réussi à améliorer ces délais de traitement de 48 p. 100, alors que la demande a augmenté de 27 p. 100 et que son personnel a diminué de 5,5 p. 100.

Depuis la création de la Banque nationale de données génétiques en 2000, le CSJ a versé plus de 44 000 profils d'identification génétique dans le fichier de criminalistique, ce qui représente 36 p. 100 de tous les profils dans ce fichier. Ces contributions ont mené à établir des liens et à résoudre bon nombre d'affaires non élucidées. J'aimerais seulement vous donner un exemple; c'est l'une des premières affaires à avoir illustré la valeur des analyses génétiques et de la Banque nationale de données génétiques.

Le 27 août 1991, au milieu de la nuit, un étranger a fait irruption dans l'appartement de Muriel Holland, âgée de 63 ans, à Mississauga, en Ontario. L'intrus a pénétré dans la résidence en découpant la moustiquaire de la fenêtre du rez- de-chaussée. Il a trouvé Mme Holland endormie sur le divan-lit dans le salon. Elle avait laissé son lit à son père de 93 ans qui se trouvait dans la pièce voisine. L'agresseur l'a frappée à la tête et lui a fait perdre connaissance avant de l'agresser sexuellement et de l'étrangler à mort. Des preuves ont été recueillies, et un profil d'identification génétique a été établi par le CSJ à partir du sperme.

L'affaire est demeurée non élucidée durant 10 ans. Cependant, en 2001, à la suite du lancement de la nouvelle Banque nationale de données génétiques, le profil d'identification génétique de l'agresseur a été versé dans le fichier des condamnés, parce que les dispositions rétroactives en vertu de la loi s'appliquaient dans son cas. Le profil correspondait au profil d'identification génétique établi à partir du sperme, et Richard Eastman a été arrêté peu de temps après, et des accusations ont été portées contre lui. Il a finalement été reconnu coupable de meurtre au premier degré.

Évidemment, le travail réalisé par le CSJ et la Banque nationale de données génétiques a depuis permis d'établir bien d'autres liens à partir de l'ADN et de faire progresser bien d'autres enquêtes, mais le cas de Muriel Holland, qui a été le premier homicide à être résolu grâce à la banque de données, illustre la valeur incroyable des analyses d'ADN.

Cependant, il n'y a pas que de bonnes nouvelles. Au cours des 12 ou des 24 derniers mois, nous avons constaté une tendance préoccupante. La demande pour des analyses judiciaires et particulièrement des analyses génétiques a considérablement augmenté. La demande pour des analyses génétiques a augmenté de 25 p. 100 entre 2013-2014 et 2015-2016, et cette importante tendance à la hausse s'est poursuivie au cours de la première moitié de l'exercice en cours.

Cela m'inquiète, parce que les améliorations que nous avons réalisées au cours de la dernière décennie ne seront pas suffisantes pour répondre à une augmentation de la demande sans soutien additionnel.

Le budget annuel du CSJ est de 27,3 millions de dollars. Durant un certain nombre d'années, le gouvernement fédéral, par l'entremise de Sécurité publique Canada, a fourni annuellement à l'Ontario et au Québec 3,45 millions de dollars dans le cadre du Programme de contribution aux analyses biologiques en vue d'améliorer les analyses des éléments de preuve biologiques et d'accroître le nombre de profils d'identification génétique versés dans la Banque nationale de données génétiques. Même si le ministère de la Sécurité publique s'est engagé à renouveler ce financement lorsque l'entente précédente est arrivée à échéance en mars 2015, l'Ontario n'a encore rien reçu.

Le financement continuera d'être une question importante. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, la loi fédérale qui établit le répertoire de données génétiques sur les personnes disparues a obtenu la sanction royale en 2015. Lorsque la mise en place de ce répertoire sera terminée, les profils d'identification génétique de restes humains non identifiés et de personnes disparues et de leurs proches parents seront versés dans une banque nationale de données, mais les ressources nécessaires pour réaliser ces analyses génétiques au CSJ devront provenir du budget actuel, étant donné que le Canada nous a informés que nous ne recevrons pas de financement additionnel pour ce faire.

Pour veiller à notre réussite continue et future et au respect de nos engagements, il faudra adopter une nouvelle approche et peut-être une nouvelle manière de réaliser des analyses génétiques judiciaires.

Au CSJ, nous proposons une nouvelle approche pour établir les délais de traitement visés. Nos clients nous ont dit que les analyses génétiques dans les dossiers concernant des enquêtes en cours — c'est-à-dire les dossiers où les policiers sont activement à la poursuite du criminel, mais où il n'y a pas encore eu d'arrestation ou d'accusation de déposer — sont beaucoup plus prioritaires.

Nos clients nous ont également dit que, lorsqu'une arrestation a été faite et que nous sommes rendus à l'étape des procédures judiciaires, les contraintes de temps sont quelque peu réduites, parce que cette étape est plus posée et mesurée. En fonction des commentaires que nous avons reçus de nos clients, nous établirons différentes cibles selon les deux étapes.

Pour les procès, nous continuerons de faire la promotion de la vidéoconférence pour les témoignages de vive voix de nos spécialistes. Dans pas moins de 40 p. 100 des cas, nos scientifiques sont appelés à témoigner devant la cour un peu partout dans la province et apprennent que leur présence n'est pas requise. Les frais et le temps de déplacement et la perte de temps de travail en laboratoire ont des répercussions considérables.

J'aimerais également ajouter qu'en Ontario nous avons le Réseau vidéo pour la justice. Nous n'avons donc généralement pas les problèmes techniques que nous venons de connaître lorsque nous sommes connectés à des salles d'audience dans la province.

En terminant, j'aimerais vous présenter une vision de l'avenir pour la réalisation efficace et en temps opportun d'analyses génétiques juridiques. Dans un avenir proche, des instruments portatifs pour réaliser rapidement des analyses génétiques pourront être utilisés sur la scène de crime ou au moment de la collecte dans le cas de suspects; des analyses préliminaires pourront être réalisées en une heure ou deux pour écarter des suspects, identifier de possibles auteurs de crime et réduire le nombre d'éléments de preuve probants et cruciaux qui doivent faire l'objet d'analyses plus approfondies en laboratoire.

Le CSJ a déjà réalisé d'énormes progrès en ce sens en se procurant de l'équipement et en effectuant des analyses internes. Toutefois, nous pourrons concrétiser cette vision que si nous continuons de respecter les trois stratégies qui nous ont permis de nous rendre où nous en sommes maintenant : du personnel qualifié, des procédures fiables et des technologies de pointe.

Nous vous remercions encore une fois de nous donner l'occasion d'être ici. Je serai ravi de répondre à vos questions.

Le sénateur Baker : Merci, monsieur Tessarolo. Premièrement, permettez-moi de reconnaître publiquement votre incroyable contribution dans ce domaine à votre poste.

C'est quelque peu troublant. Nous examinions hier un projet de mesure législative sur l'ADN qui proposerait de modifier le Code criminel pour éliminer un moyen de défense pour une personne qui a commis une infraction primaire, soit une infraction très grave, et qui refuse qu'un prélèvement soit effectué pour établir son profil d'identification génétique.

Nous en parlions hier, mais nous vous avons entendu dire que votre financement pose problème et que le nombre de demandes a augmenté de 25 p. 100. Je présume que vous êtes le plus grand centre canadien d'analyses génétiques, n'est- ce pas?

M. Tessarolo : Les services de laboratoire de la GRC, qui regroupent trois laboratoires, ont un effectif plus important que le nôtre.

Le sénateur Baker : Je crois vous avoir entendu dire que vos analyses représentent 36 p. 100 des profils d'identification génétique dans la Banque nationale de données génétiques.

Pouvez-vous répéter ce que vous avez dit au sujet de la contribution fédérale à laquelle vous vous attendiez, mais qui est arrivée à échéance en 2015 et que vous n'avez pas reçu depuis? Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé à ce sujet? Vous n'avez pas reçu l'augmentation qui devait provenir du gouvernement fédéral, et je présume que le gouvernement provincial ne compense pas cette prétendue réduction du financement fédéral. Vous vous retrouvez donc avec un manque à gagner. Vous ai-je bien compris?

M. Tessarolo : Pas exactement. C'est au gouvernement ontarien que ce financement doit être versé. Heureusement, le gouvernement de l'Ontario nous a fourni ce financement additionnel. C'est l'Ontario qui attend de recevoir les 3,45 millions de dollars provenant de l'entente qui est arrivée à échéance le 31 mars 2015. Nous avons négocié à plusieurs reprises avec Sécurité publique Canada, et nous avons reçu un engagement verbal que ce financement se poursuivrait encore cinq ans, mais nous semblons enlisés à l'heure actuelle dans des questions administratives qui empêchent ce financement d'aller de l'avant.

Je suis persuadé que le dossier se réglera, mais c'est décevant de voir tout le temps qui s'est écoulé sans que l'Ontario reçoive ces fonds prévus.

Le sénateur Baker : Vous contribuez grandement à la prévention de la criminalité.

En ce qui concerne les retards dans le système de justice, vous avez proposé d'avoir recours à la vidéoconférence au lieu de faire comparaître en personne vos spécialistes. Est-ce en raison des nombreux retards dans le système de justice? Est-ce que je vous comprends bien?

M. Tessarolo : Oui. Ils ne comparaissent pas devant la cour pour diverses raisons. Il arrive parfois que nos spécialistes se présentent à la salle d'audience et apprennent que l'accusé a plaidé coupable. En raison de la charge de travail des procureurs, il arrive aussi parfois que le procureur de la Couronne n'ait pas l'occasion de discuter du dossier avec l'accusé avant le matin du procès et que l'affaire se règle en dehors de la salle d'audience la même journée que le témoin devait comparaître.

Si nous avons recours à la vidéoconférence pour les témoignages, ces manques d'efficacité ne sont pas un aussi grand problème, parce que notre employé se rend au deuxième étage de notre édifice et attend d'être appelé à la barre, pour ainsi dire. Si l'accusé plaide coupable ou que l'affaire se règle à l'extérieur de la salle d'audience, l'employé retourne tout simplement au laboratoire et reprend son travail. C'est très efficace pour nous.

Le sénateur White : Merci beaucoup de votre présence ici.

Des témoins nous ont parlé de la collecte d'ADN et de la situation qui prévaut au Canada comparativement à d'autres pays. En fait, un témoin a expressément fait la comparaison hier entre la collecte d'ADN et la collecte d'empreintes digitales. Nous recueillons des empreintes digitales latentes sur toutes les scènes de crime au Canada, et je crois que nous avons actuellement environ 35 millions d'empreintes digitales provenant de scènes de crime dans notre banque de données. Environ 3,5 millions de ces empreintes digitales appartiennent à des criminels connus, et nous les comparons de manière continue, mais nous ne le faisons pas dans le cas de l'ADN.

Le nombre de crimes pour lesquels nous recueillons l'ADN des personnes est très limité. Si nous étions un peu plus comme le Royaume-Uni, qui recueille régulièrement l'ADN des personnes lors de leur arrestation — je crois que ce n'est même pas lorsque des accusations sont déposées —, cela nous permettrait encore plus d'empêcher de futurs crimes d'être commis. Par ailleurs, comme il est question des retards dans le système de justice, notre taux de réussite devant les tribunaux serait meilleur.

La preuve génétique est la preuve ultime. À une certaine époque, nous disions la même chose des empreintes digitales, mais je crois que l'ADN est devenu la référence. Si vous aviez du financement, seriez-vous d'avis que nous devrions aller dans cette direction? Croyez-vous qu'il nous serait possible d'avoir le même type de succès que ce que nous présentait hier notre témoin, M. Bird?

M. Tessarolo : Vous posez une très bonne question, sénateur. C'est évident; plus nous augmentons le nombre de profils dans la banque de données et plus nous augmentons le nombre de liens ou de correspondances. Si vous augmentez le nombre de correspondances, vous augmentez aussi le nombre d'enquêtes que vous faites progresser. Il y a deux fichiers dans la banque de données : le fichier de criminalistique, qui est, comme vous l'avez mentionné, un fichier des profils d'identification génétique provenant des éléments de preuve recueillis sur les scènes de crime, et le fichier des condamnés, qui regroupe les profils des personnes reconnues coupables.

En vue d'améliorer l'efficacité générale de la banque de données, il est important d'accroître le nombre de profils dans ces deux fichiers. Accroître l'un au détriment de l'autre n'améliorerait pas l'efficacité générale de la banque de données. Vous pouvez augmenter le nombre d'échantillons dans le fichier des condamnés en vous assurant que les profils des personnes reconnues coupables d'infractions désignées sont bel et bien versés dans la banque de données. Vous pouvez en augmenter le nombre en élargissant ou en modifiant les lois. Comme vous l'avez souligné, au Royaume-Uni et dans plus de la moitié des États américains, la loi s'applique aux personnes arrêtées. Les profils d'identification génétique des personnes arrêtées sont immédiatement établis dans de nombreux États et versés dans la banque de données.

Vous pouvez aussi accroître le nombre d'échantillons dans le fichier de criminalistique en augmentant le nombre d'infractions admissibles. Par conséquent, tout profil établi à la suite de toute infraction pourrait être versé dans la banque nationale. Je crois que c'est une combinaison de mesures et une augmentation des échantillons dans le fichier des condamnés et le fichier de criminalistique.

Le sénateur White : Si ce domaine ne vous concerne pas, c'est correct. Ma deuxième question porte sur les renseignements recueillis sur les armes à feu, comme les balles, les douilles et l'analyse balistique des armes saisies. Je crois que le New Jersey a une loi qui oblige les services policiers qui recueillent des renseignements à les verser dans le Système intégré d'imagerie balistique. Nous avons le RCIIB, qui est le système canadien. Une telle exigence n'est pas imposée aux forces de l'ordre. De plus, la vaste majorité des 198 services de police n'y versent pas régulièrement ces renseignements. Je suis certain que vous répondrez que nous n'en avons pas de toute façon les ressources, et je le comprends. Cependant, si une loi était adoptée et que des ressources étaient offertes, convenez-vous aussi que cela permettrait d'établir le troisième lien — les empreintes digitales, l'ADN et maintenant les renseignements balistiques —, de résoudre plus rapidement les crimes — d'autant plus que ce sont des crimes graves, parce qu'il s'agit d'infractions commises avec des armes à feu — et surtout d'obtenir, selon toute vraisemblance, plus facilement des condamnations?

M. Tessarolo : Nous connaissons bien le RCIIB, et le CSJ offre des services d'analyse balistique.

Il y a une différence importante encore la Banque nationale de données génétiques et le RCIIB et les renseignements recueillis au sein du RCIIB; c'est la précision et la force de la correspondance provenant de ces deux banques de données. Personne n'a le même profil d'identification génétique. Lorsque nous avons un profil d'identification génétique qui est semblable ou pareil à un profil d'identification génétique dans le fichier des condamnés, nous pouvons affirmer avec un fort degré de certitude que ces échantillons proviennent de la même personne.

Lorsqu'il est question d'armes à feu dans le RCIIB, les résultats que nous recevons lorsque nous mettons en corrélation une arme à feu que nous avons recueillie et ce qui se trouve dans la banque de données ne sont pas précis. Cela exige une grande évaluation. Cela s'apparente un peu aux empreintes digitales en ce sens, mais nous devons nous assurer, si nous voulons veiller à l'efficacité du RCIIB, de verser uniquement dans cette banque de données les renseignements sur les armes à feu qui ont servi à commettre des infractions. Bref, si nous vérifions et évaluons les armes à feu pour nous assurer que seuls les renseignements sur celles qui ont servi à commettre des infractions sont versés dans le RCIIB, je crois que cela permettra d'accroître l'efficacité de la banque de données.

Toutefois, si l'on entre simplement toutes les armes à feu, toutes celles qui ont été saisies par la police, alors, en fait, on diminue l'efficacité du RCIIB plutôt que de la renforcer.

Le sénateur White : C'est une différence importante. On n'entrera pas dans le réseau un fusil de chasse .410 qui a été trouvé dans un champ, car ce n'est pas utile.

Cependant, lorsqu'il y a une amnistie sur les armes à feu et qu'on vous donne un appareil photo en échange — je pense que le programme s'appelle « des pistolets pour des pixels »; j'y ai déjà participé une fois —, le fait est que certains services de police ne font même pas d'essais pour les .357. Il ne s'agit pas d'armes de crime, mais ils pourraient être utilisés pour commettre un crime — 9 millimètres — et ils n'étaient pas enregistrés dans l'ancienne banque de données nationale ou toute banque de données concernant les armes prohibées.

Je conviens que nous devons être clairs, car nous le faisons pour les empreintes digitales. Tous les employés fédéraux, les employés du gouvernement dont on a pris les empreintes digitales, ne sont pas confrontés à une vérification en cas de crime; nous le savons. Or, il est important que nous fassions quelque chose, car à l'heure actuelle, si un service de police a des ressources et que la GRC a les capacités, ou si vous avez les capacités, alors nous saisissons les données, et sinon, nous ne le faisons pas. C'est ce qui se passe aujourd'hui.

M. Tessarolo : Je crois que vous avez soulevé un point important sur le triage. On doit effectuer une évaluation préliminaire en quelque sorte sur la probabilité que l'arme à feu en question soit utilisée dans des activités criminelles. Si l'on fait cela en premier lieu, je crois qu'il est possible d'améliorer l'efficacité du RCIIB.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie du travail que vous faites et également de l'exposé que vous nous avez présenté. J'ai quelques questions préliminaires.

Vous avez de bonnes relations avec le personnel de la Banque nationale de données génétiques. Pouvez-vous nous dire de quelle façon vous échangez les renseignements? Avez-vous les mêmes renseignements?

M. Tessarolo : Eh bien, nos relations sont très bonnes, en effet. Nous entretenons de très bonnes relations professionnelles et collaborons très bien avec le personnel de la Banque nationale de données génétiques. Les membres du personnel des deux organismes se connaissent bien et collaborent très étroitement.

Pour ce qui est de l'échange de renseignements, la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques prévoit des restrictions très précises sur la façon de communiquer l'information. Or, je dirais simplement que l'information la plus importante qu'échangent les deux organismes concernent le versement de profils d'identification génétique dans la Banque de données et la communication de tout lien connexe qui résulte des recherches effectuées dans la base de données, et des moyens courants et efficaces sont utilisés.

La sénatrice Jaffer : Par quel moyen communiquez-vous l'information partout au pays?

M. Tessarolo : L'information de la Banque de données génétiques est communiquée au moyen d'une connexion sécurisée entre la GRC et le laboratoire juridique provincial, de sorte que la GRC se connecte à notre laboratoire de la même façon qu'elle se connecterait au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec.

La sénatrice Jaffer : Ce que vous disiez m'a beaucoup intriguée, c'est-à-dire que si c'est assez grave ou urgent — par exemple dans le cas d'un tueur en série —, vous pouvez fournir des résultats en 24 heures. Pouvez-vous expliquer à quelqu'un qui n'est pas spécialiste quelle information il vous faut obtenir pour pouvoir le faire? Pouvez-vous nous expliquer les aspects pratiques?

M. Tessarolo : Tout d'abord, la police communique avec le Centre des sciences judiciaires, et nous avons un numéro spécial ainsi qu'une adresse de courriel d'un conseiller scientifique avec qui l'on communique initialement. Une fois que c'est fait, un gestionnaire du département de biologie s'entretient avec l'enquêteur qui est responsable du dossier pour savoir quels sont les besoins précis. S'agit-il d'un prédateur en série? Y a-t-il une question de sécurité publique en jeu? Dans quelle mesure l'obtention rapide de résultats d'analyse fera-t-elle progresser l'enquête? Que font les policiers sur le plan de la surveillance d'un prédateur potentiel? Y a-t-il une équipe chargée de surveiller l'individu en tout temps? Puisqu'il s'agit d'une mesure très coûteuse, si nous sommes capables de faire un test d'ADN en 24 à 48 heures, l'équipe d'enquêteurs et de policiers chargée du dossier peut alors s'occuper d'autres dossiers, ce qui se traduit par des économies de coûts énormes.

Or, c'est le type de discussion que nous avons avec l'enquêteur, et nous prenons une décision ensemble par la suite. Parle-t-on d'une période de 24 à 48 heures, de trois, cinq ou sept jours? Une fois que nous nous sommes entendus à cet égard, nous demandons à ce que l'élément de preuve soit soumis, et dans le cas d'un temps d'exécution de 24 à 48 heures, une équipe est en place, devant la porte du laboratoire essentiellement, pour recevoir l'élément de preuve et pour commencer l'analyse immédiatement de sorte que nous puissions obtenir les résultats le plus vite possible.

La sénatrice Jaffer : De quel type d'élément de preuve provenant de la scène de crime avez-vous besoin, que vous intégrez dans la banque de données par la suite? Quel est le type d'élément de preuve?

M. Tessarolo : C'est une bonne question, car il peut s'agir de n'importe quoi. Il peut s'agir d'un échantillon de sang prélevé sur la scène de crime ou d'un autobus. Cela dépend vraiment de la situation.

Souvent, dans ce type de cas, il est possible qu'un profil d'identification génétique ait déjà été établi, peut-être à partir d'un échantillon de sperme prélevé sur une plaignante dans un cas d'agression sexuelle, et qui peut être comparé à d'autres éléments de preuve. Si la police a une personne d'intérêt en tête, elle peut recueillir un échantillon rejeté — il peut s'agir d'une cannette de boisson gazeuse ou d'un mégot —, d'un objet qui peut être envoyé au laboratoire pour établir un profil d'identification génétique et le comparer à un profil que nous avons déjà établi à partir des éléments de preuve provenant de la scène de crime.

La sénatrice Jaffer : Avez-vous besoin d'un mandat pour obtenir le mégot ou un échantillon de salive de l'accusé?

M. Tessarolo : Pas dans le cas d'un échantillon rejeté; on le considère comme un échantillon abandonné.

La sénatrice Jaffer : Je parle plutôt de l'autre type d'échantillon, la salive, par exemple.

M. Tessarolo : L'échantillon de comparaison peut être obtenu de deux façons. Cela peut être fait de façon volontaire. La police peut en faire la demande. En règle générale, si une personne est une personne d'intérêt ou un suspect dans l'affaire, la police obtiendra tout simplement un mandat pour cet échantillon.

Le sénateur McIntyre : Monsieur Tessarolo, je vous remercie de votre exposé et du bon travail qu'effectue votre centre.

Dans votre exposé, vous avez dit que la réussite de votre centre est en grande partie attribuable aux trois stratégies, à savoir, compétence, méthodes fiables et technologies sophistiquées. Je crois que c'est très important, et si c'est important, c'est parce que l'objectif des tests d'ADN dans le domaine de l'application de la loi, c'est d'avoir des éléments de preuve qui sont recevables en cour.

Je crois comprendre que les membres du personnel des laboratoires d'analyse génétique reçoivent une sorte de formation juridique et savent comment procéder concernant la chaîne de possession. Quelles sont les relations entre le personnel d'application de la loi et les personnes qui gèrent les laboratoires d'analyse génétique? Êtes-vous satisfaits de ces relations ou doivent-elles être améliorées?

M. Tessarolo : J'en suis très satisfait, surtout pour ce qui est du modèle ontarien. Les relations entre les enquêteurs et les fournisseurs de services de sciences judiciaires sont importantes. Elles nécessitent la collaboration, et je viens de vous donner un exemple de son importance et de la capacité de collaborer étroitement.

Toutefois, il faut également qu'il y ait une certaine séparation pour s'assurer que l'examen, les conclusions que nous tirons, les rapports que nous fournissons, les témoignages que nous donnons sont indépendants et impartiaux. Il faut donc tenir compte de ces deux éléments dans ces relations.

Nous sommes un laboratoire gouvernemental ontarien qui relève du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels. Nous ne faisons pas directement partie d'un service de police, et nous sommes donc capables de conserver cette indépendance, ce qui nous permet de prendre des décisions qui sont fondées sur les données scientifiques plutôt que sur les relations que nous avons établies avec la police.

Le sénateur McIntyre : Je crois comprendre qu'avant qu'un profil d'identification génétique soit ajouté dans une base de données, certaines exigences juridiques et scientifiques doivent être respectées. Êtes-vous satisfait de ces exigences ou croyez-vous qu'elles sont trop peu rigoureuses ou, au contraire, trop rigoureuses?

M. Tessarolo : Je suis satisfait des exigences actuelles. Comme vous l'avez dit, il y a deux types d'exigences.

Tout d'abord, le profil doit provenir d'un cas qui vise une infraction désignée, et c'est quelque chose que nous pouvons déterminer en fonction de l'information que la police nous fournit. De plus, le profil doit répondre à certaines normes scientifiques ou exigences techniques afin qu'il soit possible de l'inclure dans la Banque nationale de données génétiques. Le système actuel fonctionne très bien et nous permet de travailler efficacement.

Le sénateur White : Pour nos auditeurs et nos téléspectateurs, vous avez parlé brièvement de la différence entre l'ADN aujourd'hui et il y a 10 ans. À la télévision, on voit une gouttelette de sang, mais de nos jours, une empreinte digitale peut suffire; on en est au niveau moléculaire. Nous avons également beaucoup plus de possibilités, et non pas seulement des défis.

M. Tessarolo : C'est vrai. C'est une technique très précise, et je vais vous donner un exemple qui illustre la quantité d'ADN dont on a besoin pour faire une analyse.

La plupart des gens ont déjà mangé des Smarties — c'était l'Halloween il y a quelques jours et j'en ai mangé beaucoup —, et une seule Smartie pèse environ un gramme. Si on la divisait en 1 000 morceaux, qu'on prenait un de ces morceaux pour le diviser en 1 000 autres morceaux, qu'on prenait un de ces morceaux pour le diviser en 1 000 morceaux, qu'on prenait un de ces morceaux pour le diviser en 1 000 morceaux, et qu'on prenait un de ces morceaux, ce dernier serait assez gros pour faire une analyse génétique. On parle d'un nanogramme ou d'un milliardième de gramme — d'une très petite quantité.

Le sénateur Baker : Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. C'est fascinant et cela nous est utile dans le cadre de notre étude.

En répondant à une question de la sénatrice Jaffer, vous avez dit que dans le cas d'une matière rejetée qui contient de la salive, comme un mégot ou une tasse dans laquelle une personne a bu, il n'est pas nécessaire d'obtenir une autorisation judiciaire. Il ne s'agirait que de prendre l'objet parce qu'il a été jeté; c'est comme un déchet. Avez-vous dit que si la police souhaite avoir un échantillon de salive d'une personne, vous croyez qu'elle doit obtenir une autorisation judiciaire?

M. Tessarolo : Pour un échantillon provenant d'un individu, cela peut se faire par l'obtention d'un mandat ou par voie de consentement.

Le président : Monsieur Tessarolo, au nom du comité, je vous remercie. Pendant près de six ans, j'ai eu l'occasion de voir de près le travail exceptionnel et précieux que le personnel de votre centre effectue non seulement au nom des Ontariens, mais de tous les gens du pays. Veuillez remercier vos collègues de la part du comité. Nous vous remercions beaucoup d'être venu comparaître aujourd'hui.

M. Tessarolo : Merci, sénateur. Je suis sûr qu'ils nous regardent.

Le président : C'est ce qui met fin à nos travaux aujourd'hui.

(La séance est levée.)

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