Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 19 - Témoignages du 8 décembre 2016
OTTAWA, le jeudi 8 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S- 230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues), et le projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones), se réunit aujourd'hui, à 10 h 31 pour étudier les projets de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, à l'ordre du jour d'aujourd'hui : l'étude article par article de deux projets de loi. Je dois aviser les membres du comité de la présence de représentants du ministère de la Justice dans la pièce, donc si nous avons des questions techniques, nous pourrons leur demander leurs lumières.
Nous commencerons par le projet de loi S-230.
Le comité est-il d'accord pour procéder à l'étude article par article du projet de loi S-230, Loi modifiant le Code criminel (conduite avec les capacités affaiblies par les drogues)?
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord.
L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord.
L'étude du préambule est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord.
L'étude du titre abrégé, à l'article 1, est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : D'accord.
L'article 2 est-il reporté?
Le sénateur Baker : À titre de porte-parole de l'opposition sur le projet de loi, j'aimerais demander l'avis du ministère de la Justice sur ce projet de loi, particulièrement à la lumière des témoignages que nous avons recueillis à la dernière séance du comité sur ce projet de loi. J'aimerais demander aux fonctionnaires leur opinion au sujet d'une question relative à l'article 2.
Le président : Les fonctionnaires veulent-ils bien s'avancer et s'identifier pour le compte rendu?
Hal Pruden, conseiller juridique, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice : Monsieur le président, je m'appelle Hal Pruden et je travaille à la Section de la politique en matière de droit pénal, au ministère de la Justice.
Le président : Avez-vous entendu la question?
M. Pruden : Oui.
Le sénateur Baker : La dernière fois où j'ai parlé à M. Pruden, c'était il y a environ sept ans, dans cette pièce même, au sujet de l'article 254 du Code criminel, soit justement celui sur lequel nous nous penchons aujourd'hui. C'est un spécialiste renommé du domaine. Je suppose qu'il n'a pas avec lui de copie de la décision R. c. Jaycox, qui portait sur la constitutionnalité de cet article. L'affaire a été renvoyée à la Cour d'appel, au sujet de la constitutionnalité, et M. Pruden est abondamment cité dans le jugement de la cour.
Je vais vous en remettre une copie, parce qu'il porte sur l'article à l'étude aujourd'hui.
Tout cela pour dire que vous êtes un expert reconnu par les tribunaux.
Voici ce qui me dérange dans l'article 2 du projet de loi. Il y a beaucoup de choses qui me dérangent, mais voici un extrait de son libellé : « Instrument d'un genre conçu pour déceler la présence d'alcool ou de drogues dans le sang d'une personne et approuvé [... par le] procureur général du Canada. » Puis, il est écrit un peu plus loin, toujours à l'article 2 : « Le prélèvement de l'échantillon de liquide buccal ou d'urine qui, de l'avis de l'agent de la paix, est nécessaire à une analyse convenable permettant de déterminer la quantité de drogue dans son sang. »
Nous avons toutefois entendu en comité que c'est chose impossible. D'après les témoignages recueillis par le comité, on ne peut pas déterminer la quantité de drogue dans le sang d'une personne par l'analyse de liquide buccal, comme le laisse entendre ce projet de loi.
Êtes-vous d'accord avec le témoignage recueilli par le comité selon lequel c'est problématique, parce qu'on ne peut pas déterminer la quantité de drogue dans le sang d'une personne de cette manière?
M. Pruden : Je ne vous dirai qu'une chose en préambule, c'est-à-dire qu'un expert n'est que la personne qui peut obtenir une réponse en deux ou trois appels.
En gros, effectivement, d'après ce que je comprends, il est vrai que l'analyse du liquide buccal ou de l'urine n'équivaut pas à une analyse de sang pour déterminer la quantité de drogue dans l'organisme d'une personne, de la même manière que l'analyse d'un échantillon d'haleine peut se convertir en taux d'alcool dans le sang.
Le sénateur Baker : Il n'y a donc pas de taux de conversion, comme on l'appelle?
M. Pruden : Non.
Le sénateur Baker : C'est scientifiquement impossible?
M. Pruden : C'est ce que je comprends des travaux du Comité sur les drogues au volant de la Société canadienne des sciences judiciaires, qui prodigue des conseils en matière scientifique au ministère de la Justice sur l'effet des drogues sur la conduite.
Le sénateur Baker : C'est ce que nous avons entendu devant le comité. Vous avez vérifié l'information. En droit, on appellerait cela une impossibilité, une absurdité.
Nous ne voulons pas adopter un projet de loi qui... En fait, il pourrait finir par être adopté, parce que l'autre Chambre pourrait le modifier. Mais comme il s'agit d'une impossibilité, croyez-vous qu'il pourrait y avoir des problèmes plus tard et qu'on ne pourrait pas simplement le modifier par suppression des mots dérangeants? Les articles 253 à 258 du Code criminel contiennent plusieurs renvois à la présence d'alcool ou de drogue dans le sang, notamment à une alcoolémie de 80 milligrammes d'alcool par 100 millilitres de sang.
Croyez-vous que ce projet de loi serait modifiable? Je vous mets peut-être dans l'embarras, mais de toute évidence, nous ne pouvons pas adopter une chose qui constitue une impossibilité en dernière analyse, à la troisième lecture au Sénat. Nous ne pouvons pas faire cela. Croyez-vous qu'il serait possible de modifier ce projet de loi pour ne pas créer d'absurdité?
M. Pruden : C'est le mot « sang » qui pose problème. Je regarde l'article 2, paragraphe (3), où il est question d'un nouvel alinéa 254(3.4)a). C'est là où l'on retrouve les mots « quantité de drogue dans son sang »; il serait possible de remplacer le mot « sang » par une quelconque mention du liquide buccal ou de l'urine.
Le sénateur Baker : Le juge vient tout juste de comparaître devant le comité, et il a entendu bien des affaires de ce genre. Donc, vous estimeriez possible de le modifier pour ne pas créer d'absurdité, d'impossibilité. C'est le principal article du projet de loi, l'article 2. De toute évidence, quand il sera finalement adopté au Sénat, il ne peut pas comprendre ces articles.
Permettez-moi de vous poser une autre question. Nous avons parmi nous un membre de l'Association internationale des chefs de police. Il est assis à ma gauche. Il a assisté récemment à la convention internationale des chefs de police. C'est elle qui atteste de la compétence des agents de la paix à titre d'experts en reconnaissance de drogues. Il y a une école au Québec où le sénateur Dagenais est allé, l'École nationale de police du Québec, qui forme ces personnes. Le projet de loi élimine l'obligation de faire intervenir un expert. Il élimine toute mention de l'expert en lui substituant les mots « agent de la paix ». Est-ce ce que vous comprenez? Il est écrit « agent de la paix » plutôt que « expert en reconnaissance de drogues ».
À votre avis, ouvre-t-on la porte à des poursuites judiciaires si un policier ou une policière non qualifié(e) affirme avoir des motifs raisonnables de croire qu'une personne a les capacités affaiblies par une drogue, mais que l'avocat de la défense affirme qu'il ne s'agit pas d'un expert reconnu? Croyez-vous qu'il y a là un danger?
M. Pruden : Permettez-moi de vous parler de ce paragraphe en particulier, soit le paragraphe (3) de l'article 2. Il modifie le paragraphe 254(3.4) du Code criminel. Il propose de le remplacer par une disposition selon laquelle si l'agent de la paix a des motifs raisonnables de croire que la capacité d'une personne de conduire est affaiblie, sur le fondement des épreuves de coordination des mouvements et de l'une ou l'autre de deux choses, soit l'évaluation d'un agent évaluateur en reconnaissance de drogues — si bien que l'intervention possible d'un expert en reconnaissance de drogues est maintenue dans le projet de loi — ou sans l'intervention d'un expert en reconnaissance de drogues, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis une infraction, sur le fondement des épreuves de coordination des mouvements et des dispositions prescrites au paragraphe 2(2)...
Le sénateur Baker : Ils peuvent exiger un échantillon de sang.
M. Pruden : Ils peuvent exiger un échantillon de sang s'ils ont l'un ou l'autre de ces deux motifs.
À l'heure actuelle, l'agent de la paix qui a des motifs raisonnables de croire à une infraction de conduite avec capacités affaiblies peut, selon les dispositions actuelles du Code criminel, ordonner à la personne de se soumettre à l'analyse d'un agent évaluateur en reconnaissance de drogues. C'est donc un changement qu'apporterait ce projet de loi.
Le sénateur Baker : Oui. C'est un changement important, parce que ce n'est plus l'expert en reconnaissance de drogues, mais l'agent de la paix qui recommande une analyse de sang.
M. Pruden : Le projet de loi prévoit deux possibilités. La première est la procédure actuelle, qui passe par un agent évaluateur en reconnaissance de drogues. Il y aura ensuite une nouvelle possibilité, si l'agent de la paix a des motifs raisonnables de croire à une infraction, qu'il a fait passer les épreuves de coordination des mouvements à la personne, puis qu'il a soit recueilli un échantillon d'haleine soit...
Le sénateur Baker : Je m'excuse, monsieur Pruden, mais vous n'avez pas répondu à ma question. Ma question était la suivante : cela n'ouvre-t-il pas la porte à des poursuites judiciaires parce que cette personne n'est pas un expert et qu'elle ne peut pas avoir de motifs raisonnables de croire à une infraction à moins d'être un expert reconnu?
M. Pruden : Il ne faut pas oublier qu'en ce moment, pour l'alcool, par exemple, si l'agent de la paix, qui n'est pas un technicien qualifié...
Le sénateur Baker : Comme le sénateur Dagenais.
M. Pruden : ... a des motifs raisonnables de croire qu'une personne est en train de commettre une infraction de conduite avec les capacités affaiblies, cet agent de la paix peut lui ordonner, sans même avoir utilisé d'appareil de détection lors du contrôle routier, de se soumettre immédiatement au dépistage par un appareil de détection approuvé, dont les résultats sont admis en preuve devant les tribunaux. C'est un peu comme de pouvoir exiger un échantillon de sang pour le dépistage de drogues plutôt que de s'adresser d'abord à un expert en reconnaissance de drogues.
Le sénateur Baker : Il y aura des contestations.
Que nous proposez-vous de faire de l'article 2 du projet de loi, qui contient deux impossibilités?
M. Pruden : Je m'excuse. Je n'en vois qu'une.
Le sénateur Baker : Elle est mentionnée à deux reprises, monsieur Pruden.
M. Pruden : C'est la question de la quantité de drogue.
Le sénateur Baker : Oui, c'est au début : « appareil de détection approuvé ». C'est ce dont on parle au tout début, d'un instrument conçu pour déceler la présence d'alcool dans le sang de la personne.
On prend ensuite l'alinéa (3.4)a) :
a) soit le prélèvement de l'échantillon de liquide buccal ou d'urine qui, de l'avis de l'agent de la paix, est nécessaire à une analyse convenable permettant de déterminer la quantité de drogue dans son sang;
Cela revient donc deux fois dans le même article.
M. Pruden : Je parlais de la seconde occurrence.
Le sénateur Baker : Vous n'avez donc pas parlé de la première.
M. Pruden : Un peu avant.
Le sénateur Baker : Vous avez dit que la seconde créait une impossibilité.
M. Pruden : Et qu'on pourrait remplacer le mot « sang » par « liquide buccal ou urine ».
La première occurrence apparaît dans la définition d'« appareil de détection approuvé ». Au lieu d'écrire « d'alcool », on pourrait écrire « d'alcool dans le sang », comme c'est écrit actuellement dans le Code criminel. On pourrait aussi ajouter « ou de drogue », et on pourrait ensuite faire mention du liquide buccal.
Le sénateur Baker : L'un ou l'autre, mais pas seulement comme on le voit ici.
M. Pruden : Non, ce n'est pas que dans le sang.
Le président : Sénateur White, avez-vous quelque chose à dire sur cet article?
Le sénateur White : Je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Pour que ce soit bien clair, l'alcootest, qu'on appelait ALERT en anglais quand j'ai commencé, ne permet pas de dépister la présence d'alcool dans le sang non plus. Il permet d'analyser l'air dans l'estomac de la personne, un indicateur de la présence d'alcool dans le sang.
Vous dites que pour détecter la présence de drogue dans la salive, le test n'est pas le même. Nous avons pourtant reçu des experts qui sont venus nous montrer les appareils utilisés pour dépister la présence de drogue dans l'organisme. Nous dites-vous que c'est le mot « sang » qui pose problème, et non le fait d'ordonner des tests de dépistage de drogue? Nous dites-vous que le mot « sang » ne devrait pas apparaître là? Est-ce le sens de votre intervention?
M. Pruden : Je dis que le mot « sang » a sa place dans la partie de la définition sur l'alcool, mais qu'il y aurait lieu de l'élargir pour ce qui est du dépistage de drogue, parce que les échantillons qui peuvent être exigés sont des liquides buccaux.
Le sénateur White : Ce serait donc plutôt « dans le sang et/ou les liquides corporels »?
M. Pruden : On pourrait dire « liquide buccal ».
Le sénateur White : Vous comprenez que la deuxième partie de ce projet de loi ne crée pas de nouvelles infractions?
M. Pruden : C'est exact.
Le sénateur White : Il permet l'utilisation d'autres appareils?
M. Pruden : Oui. Ce serait pour les enquêtes sur...
Le sénateur White : C'est un outil.
M. Pruden : ... parce que pour l'alcool, nous avons deux motifs d'accusation.
Le sénateur White : La conduite avec capacités affaiblies et une alcoolémie de plus de 0,08?
M. Pruden : Exactement. Avec ce projet de loi, il n'y aura toujours qu'une seule infraction liée à la conduite : la conduite avec capacités affaiblies par la drogue ou l'alcool ou une combinaison des deux.
Le président : Sénateur Baker, déposez-vous un amendement?
Le sénateur Baker : Non, je ne dépose pas d'amendement. J'ai écouté les témoignages d'hier et j'entends un expert me dire aujourd'hui que l'article 2 crée une impossibilité.
Le comité doit donc faire un choix. Ce projet peut être adopté avec dissidence, puis être modifié à la troisième lecture au Sénat par le parrain de la motion. Je pense que c'est une possibilité. Il est malheureux que ces projets de loi ne soient pas vérifiés au préalable par le ministère de la Justice. Nous ne pourrons évidemment pas donner notre approbation finale, à la troisième lecture, à un projet de loi qui crée une impossibilité. Nous ne pouvons pas faire cela.
Sénateur Plett, je suis sûr que vous êtes d'accord.
De même, j'aimerais beaucoup entendre le sénateur White et le sénateur Dagenais nous dire ce qu'ils pensent du retrait des dispositions sur l'expert en reconnaissance de drogues du Code criminel.
Vous êtes un expert, sénateur Dagenais, et le sénateur White est membre de l'association des chefs de police qui établit les normes aux États-Unis. Vous n'êtes pas tenus de témoigner devant le comité aujourd'hui, mais vous avez certainement le devoir de nous consulter en coulisses avant la troisième lecture de ce projet de loi au Sénat.
Le sénateur Sinclair : Monsieur, l'une des choses qui me préoccupent, c'est que les appareils de détection qu'on utilise à l'heure actuelle aux contrôles routiers pour déceler la présence de drogue dans l'organisme ne permettent que de dépister les opioïdes et non toutes les drogues. Êtes-vous d'accord avec cela?
M. Pruden : Je crois que je dois vous répondre par l'intermédiaire du président. Je ne connais pas très bien la procédure à ce sujet, mais je dirai, monsieur le président, que je remercie le sénateur de cette question.
Il est vrai que les appareils de dépistage salivaire ne permettent de déceler que la présence des drogues précises qu'ils ont été conçus pour déceler. Je souligne qu'au Royaume-Uni, ils ne permettent de dépister que le THC, une substance chimique présente dans le cannabis, ainsi que la cocaïne. Il y a beaucoup de drogues qui ne seront pas décelées à l'aide l'appareil de dépistage salivaire.
Le sénateur Sinclair : Selon cet article, qui dicte que l'agent de la paix doit envoyer la personne subir une analyse de sang, celui-ci doit en être arrivé à conclure, selon les résultats de l'appareil de détection utilisé au contrôle routier, que la personne a les capacités affaiblies par une drogue pouvant être décelée à l'aide de cet appareil, et il ne pourrait s'agir pour l'heure que d'opioïdes, d'après les renseignements dont nous disposons.
M. Pruden : Le THC et la cocaïne ne sont pas des opioïdes, mais ce sont les deux substances qui font l'objet de dépistage au Royaume-Uni.
Il est clair que les appareils de détection salivaire sont conçus pour des drogues en particulier et non pour toute la pléiade de drogues qui existent. Il n'en demeure pas moins qu'en vertu du projet de loi, l'agent de la paix peut ordonner à la personne de se soumettre à l'évaluation d'un agent évaluateur en reconnaissance de drogues, qui lui fera subir des tests pour toute une série de drogues que ne décèlent pas les appareils de détection salivaire, ou encore de se soumettre à un test sanguin ou de fournir un échantillon de liquide buccal ou d'urine.
Le sénateur Sinclair : Avec un mandat.
M. Pruden : Sur ordre de l'agent, selon les dispositions de la loi.
Le sénateur Baker : Au moment de l'arrestation. Quand la personne se fait arrêter.
M. Pruden : Quand les policiers ont des motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction de conduite avec capacités affaiblies, ils ont le pouvoir d'imposer ces exigences.
De même, s'ils ont des motifs raisonnables ou probables de croire qu'il y a conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool, ou qu'il y avait plus de 80 milligrammes d'alcool dans l'organisme du conducteur, ils peuvent l'obliger à se soumettre à un appareil de détection approuvé au poste de police, dont les résultats peuvent être utilisés devant les tribunaux. Seuls les résultats des tests effectués à l'aide d'appareils approuvés peuvent être admis en preuve devant les tribunaux.
De même, l'appareil de dépistage salivaire serait considéré comme un appareil de détection pour le contrôle routier; ses résultats ne pourraient pas servir de preuve devant les tribunaux. Les éléments de preuve admissibles seraient les observations de capacités affaiblies au moment du contrôle routier, puis les résultats de l'évaluation en reconnaissance de drogues ou de l'analyse des échantillons de sang, d'urine ou de salive.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je vois que vous avez une bonne compréhension du processus prévu dans la loi qui offre deux voies possibles à l'agent de la paix. Celui-ci peut choisir de faire appel à l'expert en reconnaissance de drogues ou d'utiliser les échantillons, selon l'étape du processus, si la première étape est passée. Donc, après la première étape de détection, les deux options sont offertes. Souvent, l'exercice du choix se fera selon la disponibilité d'un expert en reconnaissance de drogues dans le secteur en question.
Ma question porte sur deux sujets. Premièrement, vous avez dit que les testeurs pouvaient, au Royaume-Uni, couvrir deux familles de drogues. Vous avez probablement entendu les experts qui sont venus témoigner ici nous parler d'appareils qui peuvent détecter plusieurs familles de drogues. Dans le cas de ces appareils, il s'agit simplement de les programmer pour qu'ils puissent détecter les autres familles de drogues. En vertu de la modification apportée au Code criminel, il appartiendra au procureur général du Canada, par arrêté, d'accréditer ou d'approuver la détection d'autres familles de drogues en fonction de l'analyse qui sera faite de l'appareil.
[Traduction]
M. Pruden : Pour répondre à la question, je crois que je dois d'abord vous toucher quelques mots du processus d'approbation des appareils de dépistage d'alcool par le procureur général du Canada. Le procureur général sollicite l'avis du Comité des analyses d'alcool de la Société des sciences judiciaires, qui a établi les critères d'évaluation à respecter. Si ces critères sont respectés et que le comité juge l'appareil assez robuste et adapté à l'utilisation au Canada, il avisera le ministère et la ministre de la Justice que cet appareil peut être recommandé pour l'utilisation au Canada. La ministre devra ensuite décider de l'ajouter ou non à la liste des appareils de détection approuvés pour déceler la présence d'alcool chez une personne.
Il est concevable qu'un processus similaire soit utilisé pour les appareils de détection salivaire, comme il en est question dans le projet de loi. Cela signifie que la ministre solliciterait encore l'avis de la Société canadienne des sciences judiciaires, mais du Comité sur les drogues au volant, cette fois-ci. À l'heure actuelle, le Comité sur les drogues au volant examine quels sont les critères d'évaluation qui seraient nécessaires pour évaluer les appareils de dépistage salivaire.
Comme vous l'avez mentionné, il est possible de programmer ces appareils pour dépister plus d'une forme de drogue, mais d'après ce que je comprends du raisonnement du Royaume-Uni, il a décidé de chercher les drogues les plus communément consommées par les conducteurs, si bien qu'il a sélectionné le THC et la cocaïne.
Je ne sais pas combien cela coûte exactement, mais plus un appareil peut dépister de drogues, plus il coûte cher. Jusqu'à maintenant, les autorités du Royaume-Uni se disent satisfaites du dépistage des deux familles de drogues les plus courantes sur leur territoire.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma deuxième question porte sur la quantité de drogue dans le sang. Le sénateur Baker a soulevé un point pertinent. Si on amendait le projet de loi aux alinéas 2(3.4)a) et b) pour parler de la quantité de drogue dans l'organisme plutôt que dans le sang, ce serait en parfaite harmonie avec l'actuel alinéa 254(3.4)a) du Code criminel qui parle de la présence d'une drogue dans l'organisme. Selon vous, cela réglerait-il la problématique soulevée par le sénateur Baker?
[Traduction]
M. Pruden : Je pense que vous constaterez, monsieur le président, que les toxicologues judiciaires, les spécialistes de la science judiciaire, vous diront qu'on ne peut pas déterminer scientifiquement la quantité de drogue dans l'organisme. Il faut cibler un ou des liquides en particulier. On peut parler de présence d'alcool dans le sang parce qu'on peut utiliser un taux de conversion. Pour les drogues, par contre, on peut mesurer la quantité d'une drogue en particulier dans le sang ou sa concentration dans le liquide buccal ou encore dans l'urine.
D'un strict point de vue scientifique, ce serait plus précis, et les spécialistes pourraient vous donner une mesure, mais je ne crois pas qu'ils puissent vraiment déterminer la quantité de drogue dans l'organisme en général.
[Français]
Le sénateur Carignan : Donc, le Code criminel en vigueur à l'heure actuelle serait inapplicable.
[Traduction]
M. Pruden : J'examine également l'article 254.
Le sénateur Carignan : Je fais référence aux alinéas 254(3.4)a) et b).
M. Pruden : Oui, il y a une énorme différence. À l'heure actuelle, la différence est que, plutôt que de déterminer la quantité, on établit en vertu des alinéas 254(3.4)a) et b) s'il y a présence de drogues, ce qui est très différent.
[Français]
Le sénateur Carignan : Si on retirait tout simplement la notion de quantité de drogue dans le sang pour revenir à l'article original et à la notion de présence d'une drogue dans l'organisme, est-ce que, selon vous, cela réglerait le problème qu'a soulevé le sénateur Baker?
[Traduction]
M. Pruden : Cela réglerait le problème que le sénateur Baker a mentionné. On saurait alors s'il y a présence de drogues dans le corps. On ne pourrait pas renvoyer la quantité à des toxicologues, mais on saurait s'il y a présence de drogues dans le corps.
[Français]
Le sénateur Carignan : Donc, cela réglerait le problème qu'a soulevé le sénateur Baker en référence au paragraphe 2(1) qui porte sur la définition d'« appareil de détection approuvé ».
[Traduction]
M. Pruden : Oui. Cela réglerait également le problème entourant l'utilisation du terme « sang » en lien avec les drogues. S'il était question de la présence dans le corps, que ce soit la présence d'alcool ou de drogues, cela réglerait les problèmes liés à l'utilisation du terme « sang ».
Le sénateur White : Je tiens à préciser que les témoins qui ont comparu — avec qui j'ai discuté après la réunion — ont parlé du fait que l'on pourrait effectuer des tests de dépistage de différentes drogues. Je pense à l'Australie, qui utilise du matériel exact. L'homme qui était assis au milieu des témoins a dit que le pays fait des tests de dépistage de tétrahydrocannabinol, de méthamphétamine, de méthamphétamine en cristaux et de MDMA, car ce sont les principales drogues qui posent problème en Australie. Le pays n'est pas aux prises avec le problème de crack et de cocaïne. En fait, il n'a pas le même problème que nous avons avec le fentanyl.
J'ai entendu dire — et quelqu'un peut me corriger si j'ai tort — que l'on peut procéder à des tests de dépistage de n'importe quelle drogue, et la majorité des endroits vérifient la présence de la drogue la plus utilisée.
De plus, le sénateur Baker a parlé de retirer la notion d'expert en reconnaissance de drogues. Je ne vois rien qui prévoit le retrait de cette notion. J'estime que l'expert en reconnaissance de drogues est très important pour lutter contre les infractions de conduite avec les capacités affaiblies par les drogues. Je ne vois rien à cet effet ici, à moins que vous voyiez quelque chose.
M. Pruden : Je conviens que l'on peut toujours faire appel à un expert en reconnaissance de drogues, mais le projet de loi ajoute une autre option que l'agent de la paix pourrait utiliser.
Le sénateur White : C'est un autre outil dans le coffre à outils.
M. Pruden : L'outil pourrait être utilisé pour atteindre le résultat final visant à obtenir un échantillon de sang — si la suggestion formulée par le sénateur Carignan est appliquée — pour prouver la présence de drogue ou d'alcool dans le corps.
Le sénateur White : Merci, monsieur Pruden. Je vous en suis reconnaissant.
Le président : Je pense que le sénateur Baker a suggéré que tous les amendements proposés seront reportés à la troisième lecture. Nous avons un consensus à ce sujet.
L'article 2 est-il adopté?
Le sénateur Baker : Avec dissidence.
Le président : L'article est adopté avec dissidence.
L'article 3 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le préambule est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le titre est-il adopté?
Des voix : Adopté.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le comité souhaite-t-il annexer des observations? Non.
Puis-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Merci.
Nous allons maintenant passer à l'étude article par article du projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones).
Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi S-215, Loi modifiant le Code criminel (peine pour les infractions violentes contre les femmes autochtones)?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude du titre est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'étude du préambule est-elle réservée?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
L'article 1 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté avec dissidence.
L'article 2 est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté avec dissidence.
Le préambule est-il adopté?
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Adopté avec dissidence.
Le titre est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Le projet de loi est-il adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Adopté avec dissidence.
Le comité souhaite-t-il annexer des observations au rapport? Non. Est-il convenu que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : Adopté.
Voilà qui termine notre séance d'aujourd'hui. Les membres du comité ont-ils d'autres points à ajouter?
Comme personne ne veut intervenir, avant de lever la séance et compte tenu que nous ne nous rencontrons pas la semaine prochaine, je tiens à vous remercier, votre remarquable personnel et vous, de l'excellent travail que vous avez fait encore cette année au comité.
Des voix : Bravo!
Le président : Cela fait sept ans que je siège au comité, et c'est ma cinquième année en tant que président, et nous avons toujours fait du bon travail. Mais comme vous le savez tous, cette année a été très différente. Nous n'avons pas eu le programme législatif du nouveau gouvernement, et nous avons eu l'occasion d'entreprendre et de terminer une étude très importante et très nécessaire sur les retards dans le système judiciaire. J'ai confiance, comme la plupart sinon la totalité d'entre aussi, compte tenu de notre réponse à notre rapport provisoire, que le rapport final ne dormira pas sur les tablettes et qu'il sera un document qui servira de catalyseur à de nombreux changements attendus depuis longtemps dans le système judiciaire.
Merci à tous de poursuivre votre bon travail et de ne pas trop me donner de fil à retordre. Je vous souhaite un joyeux Noël, de joyeuses Fêtes et mes meilleurs vœux pour la nouvelle année.
(La séance est levée.)