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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 24 - Témoignages du 9 mars 2017 (Séance de l'après-midi)


OTTAWA, le jeudi 9 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 15 h 31 pour étudier les questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada.

Le sénateur George Baker (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Bonjour et bienvenue à vous, chers collègues, et bienvenue aussi à nos témoins. Plus tôt cette année, le Sénat a autorisé le comité à examiner des questions relatives aux délais dans le système de justice pénale au Canada, à en faire rapport, et à étudier les rôles du gouvernement du Canada et du Parlement pour régler pareils délais.

Nous sommes ravis d'accueillir aujourd'hui l'honorable Jody Wilson-Raybould, ministre de la Justice et procureure générale du Canada. Elle est accompagnée de représentants du ministère de la Justice, en l'occurrence, William Pentney, sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, qui a témoigné devant le comité concernant le projet de loi C-14 il n'y a pas très longtemps; et M. Donald Piragoff, sous-ministre adjoint principal, Secteur des politiques, qui a témoigné devant le comité et répondu à des questions trois fois concernant le sujet précis sur lequel porte notre étude d'aujourd'hui.

Membres du comité, nous n'avons qu'une heure aujourd'hui avec la ministre et ses fonctionnaires. Je vous demanderais de vous assurer que vos questions sont concises et ciblées. Madame la ministre, si vous pouviez en faire autant avec vos réponses, nous vous en saurions gré. Bien sûr, nous vous donnons le temps de prononcer vos remarques liminaires.

Alors voilà, nous aurons une longue liste de sénateurs désireux de poser des questions. Sur ce, madame la ministre, la parole est à vous.

L'honorable Jody Wilson-Raybould, C. P., députée, ministre de la Justice et procureure générale du Canada : Honorables sénateurs, merci de m'avoir donné l'occasion de venir ici et de réparer les pots cassés pour mon merveilleux... je plaisante. Je suis vraiment ravie de pouvoir venir ici pour vous parler et pouvoir répondre à vos questions concernant les délais dans le système de justice pénale au Canada.

Je tiens à commencer — vous l'avez mentionné, sénateur Baker — par féliciter le comité pour son excellent travail sur la question et pour le rapport intérimaire que vous avez publié l'été dernier. Vous avez accordé une attention renouvelée et apporté de nouvelles perspectives au défi pressant que présentent les délais dans le système de justice pénale.

Je me réjouis à la perspective de recevoir votre rapport final et ses recommandations, qui m'appuieront dans mon travail de ministre de la Justice et de procureure générale du Canada. Je suis persuadée qu'ils m'aideront grandement à honorer l'engagement énoncé dans ma lettre de mandat d'entreprendre des efforts de modernisation pour rehausser l'efficacité du système de justice pénale.

La question des retards dans le système de justice pénale ne date malheureusement pas d'hier. Bien avant que la Cour suprême du Canada publie sa décision dans l'affaire R c. Jordan, le gouvernement collaborait avec les provinces et les territoires à régler la question cruciale des retards dans le système de justice pénale. Le comité a vu juste avec le titre de son rapport provisoire : Justice différée, justice refusée.

Les retards ont un profond effet sur toutes les personnes visées par le système de justice pénale — les victimes de crimes, qui sont à nouveau victimisées par la simple longueur du système de justice pénale, ce qui les empêche de se remettre; les accusés, qui doivent attendre leur procès, souvent détenus dans des établissements de détention provisoire pendant qu'on détermine leur culpabilité ou leur innocence; les professionnels dévoués de la justice, l'âme de notre système, qui se découragent lorsque les délais menacent de ternir la réputation de la loi qu'ils pratiquent; et, bien sûr, les Canadiens, qui s'attendent — à juste titre — à ce que leur système de justice pénale soit juste, efficace et conforme aux valeurs profondes de notre société qui sont énoncées dans notre Charte des droits et libertés. Nous pouvons et devons redoubler d'efforts pour réduire les délais.

Il est important de reconnaître, comme l'a fait le rapport provisoire du comité, que les délais ont des causes multiples et complexes. Pour les régler correctement, il faudra faire preuve de leadership non seulement à l'échelon fédéral, mais aussi aux échelons provinciaux et territoriaux qui sont responsables de l'administration de la justice, et parmi les intervenants du système de justice pénale.

Comme il a été exprimé clairement dans l'arrêt Jordan, il faut un changement de culture général qui englobera tous les acteurs du système. Les victimes et les accusés méritent des procès en temps opportun et, sans ce changement fondamental, la situation restera la même.

En ce qui concerne le rapport provisoire du comité, j'accueille favorablement la première recommandation qui appelle le gouvernement du Canada à collaborer avec les provinces, les territoires et le système judiciaire en vue d'examiner et mettre en œuvre les pratiques exemplaires en matière de gestion des instances, de réduire le nombre de comparutions et d'ajournements inutiles, et de veiller à ce que les procédures criminelles soient traitées plus rapidement. Le gouvernement travaille déjà étroitement avec ses homologues à appliquer cette importante recommandation.

J'ai eu la chance de rencontrer les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables de la justice et de la sécurité publique en octobre. Les délais ont été au cœur de nos discussions, et les ministres ont fait remarquer l'importance de l'examen du système de justice pénale qui est en cours et ont convenu du bien-fondé de l'échange continu de renseignements et de pratiques exemplaires.

J'aimerais aussi dire au comité que, depuis la publication de l'arrêt Jordan, les fonctionnaires de mon ministère ont collaboré avec leurs collègues provinciaux et territoriaux afin de déterminer comment le nouveau cadre est mis en œuvre sur le terrain, ainsi que de cerner les défis émergents et les solutions potentielles pour les relever.

Comme vous le savez, un certain nombre d'administrations, dont le Québec et l'Ontario, ont récemment annoncé qu'elles prenaient des mesures précises pour améliorer le temps de traitement des causes, décision que j'accueille favorablement et que j'appuie.

Je sais qu'un certain nombre de décisions des tribunaux qui interprétaient l'arrêt Jordan ont été publiées et que la Cour suprême du Canada réexaminera la question au printemps. Je vais continuer de suivre ces affaires de très près. Je comprends tout à fait la frustration et la douleur que cause une affaire criminelle qui est suspendue pour des raisons de délais.

Comme vous l'avez appris dans le cadre de votre étude, il est extrêmement difficile de mettre en balance la rapidité avec la protection du public ou l'intégrité du système de justice pénale. Je suis consciente du fait que les réformes proposées de notre système de justice pénale devraient chercher, autant que possible, à s'harmoniser avec l'objectif de réduire les délais.

Le rapport intérimaire du comité s'est aussi penché sur la responsabilité fédérale de nommer, en temps opportun, des juges aux cours supérieures provinciales et territoriales. C'est une responsabilité que je prends vraiment très au sérieux. En juin et en octobre de cette année, j'ai annoncé la nomination de 39 juges pour réduire le nombre de postes devant être immédiatement pourvus dans les tribunaux.

Depuis, j'ai pris des mesures pour faire en sorte que le processus de nomination des juges soit transparent et responsable, et qu'il promeuve la diversité. Les comités consultatifs à la magistrature nouvellement reconstitués sont sans précédent pour leur diversité et se composent de femmes à 70 p. 100. Les nominations de juges sont examinées clairement, et les nominations seront annoncées incessamment.

Je suis ravie de pouvoir annoncer aujourd'hui la nomination de Tracy Clements à la Cour supérieure de l'Île-du- Prince-Édouard. Elle est la première juriste nommée suivant le nouveau processus, et il y en aura d'autres.

Les modifications au processus de nominations contribueront aussi à régler la question du manque de juges de langue officielle en situation minoritaire dans certaines parties du pays en faisant en sorte qu'on soit mieux informé des compétences en langue seconde des candidats à des postes de juges et qu'on comprenne mieux les besoins de tribunaux particuliers sur le plan du bilinguisme.

Comme je l'ai mentionné, les délais dans le système de justice ne peuvent être attribuables à une cause unique; ils ne peuvent être réglés que grâce aux efforts de multiples intervenants à de multiples égards.

Ce qui peut s'avérer efficace dans une province ou un territoire peut ne pas l'être ailleurs. En effet, nous avons vu que les types de délais différaient grandement en fonction de la province ou du territoire, ce qui laisse entendre qu'il pourrait y avoir des leçons importantes à tirer d'une administration à l'autre. Les juges des cours supérieures constituent une part importante du système de justice pénale, mais il reste que tous les juges nommés par les provinces et les territoires rendent des décisions dans la grande majorité des poursuites judiciaires, si bien qu'il demeure essentiel de collaborer avec les provinces et les territoires à trouver des solutions.

Je suis d'accord avec la troisième recommandation du comité concernant l'importance de l'innovation dans le système de justice pénale, y compris par le recours grandissant à la justice réparatrice et aux tribunaux spécialisés, et je reconnais aussi le bien-fondé de l'échange de pratiques exemplaires entre les responsables du système de justice pénale.

Dans le cadre de notre examen en cours, nous travaillons avec nos partenaires et principaux intervenants et nous prenons des mesures concrètes à l'échelon fédéral. Par le truchement du budget de 2016, nous avons haussé le financement destiné à l'aide juridique et aux services d'assistance parajudiciaire pour les Autochtones afin de faire en sorte que tous les Canadiens, y compris les Autochtones, soient appuyés comme il se doit lorsqu'ils doivent naviguer dans le système de justice pénale.

Je suis aussi d'accord avec la quatrième recommandation du rapport provisoire qui appelle le gouvernement du Canada à prendre les devants et à investir plus de ressources dans l'élaboration et le déploiement de solutions technologiques afin de moderniser les procédures criminelles. En effet, en ce qui concerne les gains en efficience, ma lettre de mandat énonce directement que je dois envisager de meilleures façons d'utiliser la technologie de l'information pour accroître l'efficacité du système.

Bien qu'il y ait eu d'importantes innovations dont le comité a pris note, notamment en ce qui concerne la divulgation électronique et les vidéocomparutions dans certaines administrations, il faut redoubler d'efforts pour tirer parti des gains potentiels en efficience que la technologie de l'information offre aux tribunaux pénaux à la grandeur du pays. Je suis très intéressée à étudier la façon dont les pratiques exemplaires en place peuvent être augmentées et promues, ainsi qu'à envisager de nouvelles idées que le comité pourrait suggérer pour faire fond davantage sur la recommandation dans votre rapport final.

En terminant, je veux insister sur le fait que j'ai clairement entendu le message du comité, de la Cour suprême dans l'arrêt Jordan et de nombreuses autres sources voulant que les délais excessifs soient l'un des défis les plus pressants de notre système de justice pénale. Je me réjouis à la perspective de faire ma part en faisant preuve de leadership et en réunissant des intervenants de partout au Canada pour s'attaquer à cette importante question, qui est au cœur même de l'équité et de la réputation de notre système de justice pénale.

Il reste beaucoup de travail à faire, mais je suis persuadée qu'en partenariat avec les provinces et les territoires, la magistrature et les barreaux, nous instaurerons les changements nécessaires pour veiller à ce que notre système de justice pénale reste au service des Canadiens et qu'il donne des résultats équitables en temps opportun.

Monsieur le président et honorables sénateurs, merci encore de m'avoir donné l'occasion de venir vous parler. Je me réjouis à la perspective de connaître vos points de vue et de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci, madame la ministre.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vais essayer de donner environ cinq minutes à chaque personne et de procéder ensuite à une seconde série de questions dans l'ordre dans lequel elles auront été posées au départ.

La sénatrice Batters : Madame la ministre, mardi pendant la période des questions, on a posé une question au premier ministre Trudeau concernant les délais critiques du système de justice pénale au Canada et le manque de nominations de juges de votre gouvernement. En réponse, le premier ministre Trudeau a dit : « depuis notre arrivée au pouvoir, plus de 100 personnes ont été nommées ».

Madame la ministre, depuis votre assermentation, vous n'avez nommé qu'une petite trentaine de juges. Vous avez un nombre ahurissant de postes de juges vacants à la cour supérieure en ce moment, soit 62. Vous avez démantelé tous les comités consultatifs à la magistrature, et il a fallu 14 mois pour enfin pouvoir reconstituer seulement 7 de ces 17 comités, et la plupart restent vides. Il vous a même fallu 10 mois pour nommer un conseiller à la magistrature, poste clé dans votre cabinet.

Pendant ce temps, les avocats de la défense ont présenté 800 demandes de sursis. Parmi les affaires alarmantes devant les tribunaux qui ont récemment été abandonnées, citons deux accusations de meurtre au premier degré, une accusation d'agression sexuelle à l'encontre d'un enfant de trois ans et une accusation de voies de fait graves à l'encontre d'un nourrisson de deux semaines. La situation est critique.

Lorsque le premier ministre Trudeau a fait allusion à la centaine de personnes qui avaient été nommées, il est clair qu'il ne faisait pas allusion aux juges. Si le premier ministre faisait allusion à toutes les nominations faites au gouvernement pendant vos 16 mois au pouvoir, cela est scandaleux et montre que votre gouvernement fédéral est presque paralysé par l'inaction et les délais.

Alors en tant que personne qui siège aux réunions du Cabinet où ces nominations sont faites, pourriez-vous confirmer que le premier ministre faisait allusion aux nominations faites à la grandeur du gouvernement au cours des 16 derniers mois?

Mme Wilson-Raybould : Je peux assurément parler des mesures que le gouvernement a prises en ce qui concerne les nominations de juges.

Si je compte la nomination d'aujourd'hui, jusqu'à présent, j'ai pu nommer 40 juges des cours supérieures à la grandeur du pays. J'ai aussi eu l'occasion de nommer 22 juges suppléants. Je suis résolue à honorer la responsabilité qui m'incombe de nommer à nos cours supérieures un bassin diversifié et important de candidatures fondées sur le mérite pour refléter la diversité de notre pays.

C'est en tenant compte de la responsabilité de renouveler le processus de nomination des juges, de reconstituer les comités consultatifs à la magistrature et le processus de présentation des candidatures, et de trouver des candidats solides et représentatifs de la diversité canadienne que nous avons ajouté des critères et des questions au processus de présentation des candidatures. Nous nous sommes aussi assurés que les comités consultatifs à la magistrature soient diversifiés afin d'avoir un bassin de candidats hautement recommandés dans lequel puiser pour nommer des juges. Ce faisant, nous voulons être certains de prendre le temps nécessaire pour nommer des juges à la grandeur du pays, et ces juges seront bientôt nommés.

Je suis bien consciente des postes vacants, sénatrice Batters, et je suis ravie de veiller à ce que nous continuions à nommer des juges. De plus, d'autres comités consultatifs à la magistrature viendront s'ajouter aux sept qui ont déjà été constitués.

La sénatrice Batters : Pour enchaîner, vous n'avez pas répondu à la question dans laquelle je demandais à quoi le premier ministre Trudeau faisait allusion lorsqu'il a parlé de la centaine de nominations. Si vous n'en êtes pas certaine, pourriez-vous vérifier et nous revenir avec la réponse?

Mme Wilson-Raybould : Sénatrice Batters, je comprends votre question. Je ne m'en souviens pas, mais je serai ravie d'en faire le suivi et de vous revenir avec une réponse.

La sénatrice Batters : C'était mardi de cette semaine, en réponse à une question de Rona Ambrose.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, madame la ministre, pour votre présentation. Je vais m'abstenir de vous dresser la liste des présumés criminels et criminelles qui ont échappé à la justice à cause des retards judiciaires. Je trouve honteux pour le Canada d'avoir un tel système judiciaire à l'heure actuelle et de ne pas prendre rapidement des mesures pour tenter de corriger la situation.

Depuis que nous étudions cette question, nous avons entendu des intervenants qui nous ont parlé de réunions, d'identification de problèmes et de solutions. Malgré toutes ces discussions, les criminels continuent d'échapper à la justice. On a assez parlé, et il faut maintenant passer à l'action.

Comme vous n'avez pas l'autorité de tout corriger, puisque certains problèmes sont d'ordre provincial, j'aimerais savoir si vous allez confier non pas à un autre comité, mais plutôt à une personne la mission de régler les problèmes qui relèvent de votre champ de compétence. Vous pourriez nommer une personne, d'ailleurs, qui serait responsable des résultats obtenus.

Quant à moi, il y a eu suffisamment de comités pour étudier cette question. Vous savez quoi faire. Nous devons obtenir des résultats rapidement. Êtes-vous prête à prendre cet engagement devant notre comité aujourd'hui?

[Traduction]

Mme Wilson-Raybould : Comme je l'ai mentionné dans mes remarques liminaires, les délais dans notre système de justice pénale me préoccupent aussi. J'ai ajouté que ces délais ne datent pas d'hier; ils existaient quand nous sommes arrivés au pouvoir. Je suis résolue à entreprendre un examen exhaustif du système de justice pénale, y compris de la réforme de la détermination de la peine.

Et en ce qui concerne votre recommandation de collaborer avec mes collègues des provinces et des territoires, l'administration de la justice est une responsabilité partagée. Nous avons pris, et continuons de prendre, un certain nombre de mesures concernant le travail auquel nous donnons suite, et pas seulement en ce qui concerne la nomination des juges aux cours supérieures, qui relève du gouvernement fédéral. Nous continuons de discuter avec nos homologues de la réforme de la mise en liberté sous caution. J'étudie la réforme de la détermination des peines et le Code criminel pour examiner les peines minimales obligatoires, dont il est prouvé qu'elles retardent le processus, et je me penche aussi sur ce que nous pouvons faire pour composer avec le nombre élevé d'infractions contre l'administration de la justice et une meilleure technologie. Une bonne partie des 130 témoignages et plus que le comité a entendus a reflété les travaux importants que nous avons entrepris au sein du ministère et avec nos collègues de partout au pays.

Encore une fois, je suis très heureuse que le budget de 2016 prévoie un montant de 88 millions de dollars pour l'aide juridique afin d'aider les personnes non représentées à obtenir des services d'un avocat, ainsi qu'un investissement dans le programme d'assistance parajudiciaire aux Autochtones. Nous déployons des efforts considérables, sénateur, et nous continuerons à le faire.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous ai suggéré de nommer une personne si vous aviez la possibilité de le faire. Quand on nomme quelqu'un dans une entreprise privée, on peut la congédier lorsqu'on n'est pas satisfait. C'est la raison pour laquelle je vous ai fait cette suggestion. Merci, madame la ministre.

[Traduction]

Le vice-président : Vouliez-vous dire un mot là-dessus, madame la ministre?

Mme Wilson-Raybould : J'assume ma responsabilité, sénateur, à titre de ministre de la Justice et de procureure générale, en déployant tous les efforts possibles et je m'assure de continuer à travailler avec mes collègues. J'estime donc remplir ce rôle.

Le sénateur McIntyre : Merci, madame la ministre, d'être des nôtres aujourd'hui et de répondre à nos questions.

L'arrêt Jordan fait maintenant partie du droit applicable au pays. La décision de la Cour suprême ne fait pas l'objet d'un appel. Nous espérons que la cour réexaminera la question dans un proche avenir. Entretemps, un des grands problèmes, c'est que les gouvernements et les tribunaux inférieurs n'ont d'autre choix que d'y donner suite. Ils doivent trouver des moyens de s'assurer que des dossiers progressent plus rapidement.

Certaines provinces ont décidé d'accélérer les procédures en prenant le taureau par les cornes, c'est-à-dire en procédant directement à l'instruction par la mise en accusation directe. De plus, je crois comprendre que les trois juges en chef et la procureure générale du Manitoba vous ont écrit pour demander une modification au code afin d'éliminer les enquêtes préliminaires. Le procureur général de l'Ontario a fait la même demande. Avez-vous eu l'occasion de vous entretenir avec eux? Dans la négative, quand prévoyez-vous le faire?

Mme Wilson-Raybould : En ce qui concerne vos observations initiales sur l'arrêt Jordan, je tiens à souligner ce que j'ai dit dans mon exposé : la décision dans l'affaire Cody sera rendue en avril et elle tiendra compte du cadre énoncé dans l'arrêt Jordan. Nous suivrons de très près le dossier.

Je peux confirmer que j'ai reçu une lettre de la ministre de la Justice et procureure générale du Manitoba, Heather Stefanson, et du juge en chef, comme vous l'avez indiqué, pour demander l'élimination des enquêtes préliminaires. J'ai également reçu une lettre ouverte du procureur général Naqvi, de l'Ontario, exprimant le même désir.

Je dirai que l'élimination des enquêtes préliminaires ne fait pas l'unanimité dans l'ensemble des administrations du pays. Cette question suscite souvent des discussions et des débats animés.

Comme je l'ai indiqué dans mon entretien avec la ministre Stefanson et le procureur général Naqvi, je demeure ouverte à leurs suggestions. Je leur ai également mentionné que nous menons des discussions à l'interne, auprès de nos fonctionnaires et des groupes de travail qui étudient la question des enquêtes préliminaires. Encore une fois, je suis ouverte à toutes les suggestions. La décision d'éliminer les enquêtes préliminaires doit s'appuyer sur un travail de fond, des données et des preuves. Nous observons certaines pratiques prometteuses en Ontario et au Québec, notamment les pratiques de divulgation extrajudiciaire.

Je suis ouverte aux suggestions, mais pour l'instant, je vais attendre le rapport des honorables sénateurs ici présents, ainsi que le rapport du groupe de travail des comités fédéraux-provinciaux-territoriaux.

Le vice-président : Il y a aussi la décision de la Cour suprême du Canada, comme vous l'avez mentionné, dans l'affaire Cody. Il s'agit d'une cause venant de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai lu la transcription du procès et le jugement de la Cour d'appel, tout comme d'autres sénateurs. Cette décision répondra à bon nombre des questions qui se posent au sujet de l'arrêt Jordan. Alors, vous avez tout à fait raison en ce qui concerne le jugement prévu pour avril.

Vous avez parlé des infractions contre l'administration de la justice. Nous allons céder la parole au sénateur White, et j'espère qu'il posera quelques questions à ce sujet, car il est un expert dans le domaine.

Le sénateur White : Félicitations pour votre nomination aujourd'hui. Je suis heureux de voir quelqu'un quitter la magistrature.

En ce qui a trait aux infractions contre l'administration, nous avons eu des discussions sur les résultats positifs observés en Colombie-Britannique dans les cas de conduite avec facultés affaiblies, et je sais que vous êtes probablement au courant du fait que la Colombie-Britannique était aux prises avec un énorme arriéré de tels dossiers. Au fond, en retirant ces infractions du système de justice pénale, nous avons réussi à régler ces cas.

Le ministère envisage-t-il de procéder ainsi pour d'autres infractions, c'est-à-dire diviser le tout en infractions criminelles et non criminelles, au lieu de prévoir des infractions mixtes punissables par mise en accusation ou par procédure sommaire, ce qui nous permettrait de retirer du système de justice pénale, dans certaines provinces, 25 p. 100 des infractions pour les inclure dans le droit administratif?

Mme Wilson-Raybould : Ce sujet a certes fait partie des discussions sur les délais lors de ma rencontre avec mes homologues en octobre. Nous avons discuté de l'approche des sanctions administratives en Colombie-Britannique, d'où je viens; bien entendu, j'appuie les efforts déployés par les provinces et les territoires en ce sens. Je suis disposée à examiner d'autres possibilités de procéder ainsi.

De façon générale, les infractions contre l'administration de la justice, comme vous le savez probablement, représentent un nombre élevé de cas dans le système de justice pénale, et je suis prête à examiner des solutions efficientes et efficaces en matière de pratiques opérationnelles et à déterminer les mesures à prendre pour réduire éventuellement le nombre d'infractions contre l'administration de la justice afin d'aider à améliorer les délais existants.

Le sénateur White : Nous avons entendu d'excellents témoins ce matin qui ont parlé de l'affaire Jordan et des possibilités que nous pourrions avoir pour — à tout le moins, selon moi — corriger ce qui s'est produit. Selon une recommandation formulée par un des témoins et appuyée par les gens autour de la table, nous pourrions faire un renvoi à la Cour suprême du Canada au sujet d'un projet de loi qui préciserait des recours particuliers, au lieu de s'en tenir à un seul recours, à savoir le sursis, afin de voir si la Cour suprême estime que cela pourrait être conforme à la ligne de pensée que nous essayons de mettre de l'avant. En l'espèce, on est pris avec une seule cause et une seule réponse.

Mme Wilson-Raybould : Je suis impatiente de passer en revue la transcription des témoignages de ce matin pour connaître le contexte de cette discussion. En ce qui concerne les délais dans le système de justice et les motifs invoqués par la Cour suprême dans l'arrêt Jordan, l'accent était mis sur le besoin d'un changement de culture qui se répercuterait nécessairement sur tous les acteurs du système de justice pénale.

J'appuie la nécessité de faire tout en mon pouvoir pour aider à trouver des solutions. Il n'y a pas de recette magique ou de solution unique pour régler le problème des délais. Encore une fois, je travaillerai avec mes homologues dans les provinces et les territoires où les réalités sont différentes, comme en témoignent leurs données et leurs pratiques exemplaires, pour faire en sorte que nous coordonnions nos efforts autant que possible et que nous nous échangions de l'information sur ces pratiques exemplaires. En vertu de l'engagement que j'ai pris envers tous les procureurs généraux et aux termes de leur engagement réciproque envers moi, nous continuerons d'avoir de telles discussions afin de trouver de multiples solutions pour réduire tous les délais.

Le sénateur White : Je reviens à ma première question. Un chef de police m'a dit que l'arrêt Jordan revenait à jeter le bébé avec l'eau du bain, car cela permet à des meurtriers de s'en tirer impunément. Cet arrêt a des conséquences réelles pour nos collectivités.

Pour ce qui est de l'arriéré, c'est en 1985 que nous avons vu pour la première fois la mise en application de la justice réparatrice au Canada en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. Rares sont les gouvernements qui ont vraiment cherché à augmenter le financement des programmes de justice réparatrice et d'intervention précoce à l'échelle du pays. Le cas échéant, nous avons constaté de bons résultats. Je peux citer les exemples du Yukon, de la région de Durham, de l'Alberta, par intermittence, et de la Colombie-Britannique sous la direction d'un juge en particulier. Dans l'ensemble, toutefois, nous n'avons pas été témoins d'un engagement réel à l'égard des modèles de justice réparatrice et d'intervention précoce. Des efforts sont-ils déployés pour trouver des sources de financement à long terme à l'intention de différents tribunaux en vue de nous permettre de commencer à cibler certains de ces modèles et, ainsi, de voir des résultats positifs? Cela fait maintenant plus de 30 ans.

Mme Wilson-Raybould : Je suis très contente que vous me posiez la question, sénateur. J'ai déclaré —- et je le répète chaque fois que je le peux —- que je suis une fervente partisane et défenseure des mesures de justice réparatrice. En tant que ministre de la Justice, je suis déterminée à travailler avec mes homologues pour étudier des mesures de rechange en matière de prévention et trouver des portes de sortie pour les gens ayant des démêlés avec la justice après avoir évidemment commis un crime, mais qui pourraient être aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou des troubles de santé mentale. Nous devons reconnaître la surreprésentation de personnes marginalisées dans le système de justice en raison de problèmes tels que la pauvreté.

Je reconnais qu'il y a de très bonnes pratiques employées partout au pays. Notre programme de justice autochtone appuie financièrement bon nombre de ces mesures dans l'ensemble du pays, mais je sais qu'il y a également de très bonnes mesures de justice réparatrice en Nouvelle-Écosse.

Dans le cadre de l'examen exhaustif du système de justice pénale au regard de ses principes de base, j'ai hâte d'examiner les individus dans le système de justice. J'entends par là les 70 p. 100 de gens pour lesquels nous pouvons adopter une approche plus vaste en leur offrant des services de soutien social pour faire en sorte, dans la mesure du possible, que leur première incursion dans le système de justice reste leur dernière et pour leur fournir des mesures de réadaptation dans des circonstances appropriées; par exemple, la victime pourrait rencontrer le délinquant et participer à des cercles de détermination de la peine ou recourir à d'autres moyens qui pourraient s'avérer appropriés.

Le vice-président : À titre d'explication, le sénateur White a fait allusion à certains témoignages que nous avons entendus ce matin devant le comité. Nous avons entendu un juge de la Cour supérieure à huis clos, puis nous avons reçu des constitutionnalistes, dont le professeur Hogg. Certains sénateurs n'appuient pas l'idée d'un arrêt des procédures pour des crimes très graves comme le meurtre, les agressions sexuelles contre des enfants, et cetera; nous cherchons donc des moyens de régler ce problème. Il s'agit d'une décision que la Cour suprême a rendue en 1987, et le Canada se distingue de tous les autres pays comparables par le recours prévu au paragraphe 24(1) de la Charte. C'est seulement à titre d'information et de préavis. Je ne dis pas que nous aborderons cette question, mais il se peut que nous en parlions dans le rapport final. Il s'agit d'un sujet très important. Les sénateurs ont des opinions bien arrêtées sur les crimes graves et ils déplorent qu'une personne accusée de meurtre ou d'un crime très grave puisse s'en sortir en raison d'un arrêt des procédures comme seul recours.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Bonjour, madame la ministre. Je vous souhaite bonne chance, car le Canada a tout un défi à relever. Au Québec, comme vous le savez, la situation est catastrophique. Le Québec occupe le dernier rang en termes de délais par rapport à l'ensemble des provinces canadiennes.

Pour bon nombre de victimes d'actes criminels, c'est un drame. Selon le juge Fournier, environ 50 p. 100 des procès au criminel au Québec risquent d'être annulés. Les personnes qui seront libérées n'auront aucune directive de la part de la cour de ne pas entrer en contact avec les victimes, de ne pas les menacer. C'est un drame pour les victimes d'avoir à dénoncer un agresseur, pour ensuite se rendre compte qu'il n'y aura pas de procès et que le criminel ne recevra aucune directive de ne pas s'approcher d'elles, parce que le procès est annulé. C'est un drame pour les victimes, madame la ministre.

Je vais vous répéter la phrase que j'ai retenue du premier ministre il y a quelques jours :

Nous devons nous assurer que les victimes d'agressions sexuelles soient traitées correctement dans un système judiciaire qui leur offrira un procès équitable et qui donnera de réelles conséquences aux agresseurs.

Il faut retenir deux mots : procès et conséquences.

Dans les médias, on parle rarement de ce qui attend les victimes d'actes criminels. On parle des criminels libérés sans procès, mais rarement des procès pour qui justice n'a pas été rendue. Le Québec vous a récemment demandé de nommer deux juges à la Cour d'appel et quatre ou cinq à la Cour supérieure.

J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, le gouvernement fédéral a-t-il l'intention de modifier la Loi sur les juges afin d'augmenter le nombre de magistrats au Québec? Deuxièmement, le gouvernement fédéral est-il prêt à octroyer au Québec les crédits nécessaires pour l'embauche de ces juges à court terme? Parce que le Québec devra verser 200 millions de dollars d'ici quatre ans pour tenter de régler la situation.

[Traduction]

Mme Wilson-Raybould : Sachez que j'ai les mêmes préoccupations concernant les répercussions des délais et des sursis potentiels sur les victimes d'actes criminels.

Je connais bien, sénateur, la situation au Québec. Je travaille fort pour assurer une discussion continue avec la ministre Vallée, et je sais que mes collaborateurs sont en communication avec son équipe.

Pour ce qui est d'augmenter l'effectif judiciaire, plusieurs administrations, dont le Québec, nous ont demandé de procéder à de telles augmentations sur demande. Comme vous l'avez dit à juste titre, si nous devions le faire, nous aurions à modifier la Loi sur les juges. Lorsque nous recevons une demande de la part d'une administration qui souhaite accroître l'effectif judiciaire, mes collaborateurs entament des pourparlers avec les représentants de l'administration en question pour élaborer une proposition ou un plan et faire les recherches nécessaires, de sorte que je puisse m'entretenir avec mes collègues du Cabinet et présenter une demande bien réfléchie et bien documentée pour la nomination de juges supplémentaires dans des administrations particulières. C'est une réalité dans de nombreuses administrations.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Au Québec, il y a un état d'urgence. Je regardais la liste des procès qui seront annulés bientôt au Québec : on parle de procès pour meurtres, pour agressions sexuelles, et cetera. Des procès sont annulés tous les jours. Il y a réellement un état d'urgence au Québec.

À mon avis, le Québec fait un effort immense en injectant 50 millions de dollars par an au cours des quatre prochaines années. Je ne crois pas qu'on peut se permettre de dire que l'on confiera la tâche à des fonctionnaires. Le Québec vous demande de nommer deux juges à la Cour d'appel et cinq juges pour le procès de ces causes. Sinon, la décision ne sera prise que dans quatre ou cinq mois, et entre-temps, des centaines de victimes d'actes criminels en paieront la note. Le Cabinet doit prendre une décision rapidement, madame la ministre, et le Québec compte sur vous.

[Traduction]

Mme Wilson-Raybould : Sénateur, je comprends vos inquiétudes. Je partage vos préoccupations, et je suis résolue à continuer de communiquer et de collaborer avec mon homologue. Si, par mes observations, j'ai laissé entendre que je reléguais cela aux fonctionnaires, sachez que je suis très consciente de cette réalité et j'espère que, dans un proche avenir, nous nous réunirons peut-être, en tant que collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux, pour poursuivre nos discussions sur les délais et la façon de les réduire considérablement, tout en reconnaissant les différences et les besoins particuliers de chaque province et territoire, afin de travailler dans un esprit de collaboration pour tenter d'y répondre.

Le vice-président : Merci, madame la ministre. Je me suis mal exprimé tout à l'heure lorsque j'ai dit que nous avions tenu une réunion à huis clos. Il s'agissait en fait d'une réunion privée avec le juge Hill ou, comme le dirait M. Piragoff, d'une audience ex parte, qui n'a pas été transcrite, mais, bien entendu, son mémoire a été versé au dossier de toute façon.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci, madame la ministre, de vous rendre disponible pour répondre à nos questions. J'ai retenu deux termes dans vos propos : le besoin de leadership — et je suis tout à fait d'accord avec vous — et le changement de culture, qui fait l'objet d'un débat à la Cour suprême.

Il semble y avoir des problèmes liés aux retards dans la procédure criminelle. Il y a un aspect procédural dans la question des retards. Il y a aussi un autre problème de fond sur le plan du droit, qui est la question des recours. Je pense qu'ici, le problème se pose des deux côtés.

J'essaie de comprendre quel rôle de leadership la ministre fédérale de la Justice pourrait jouer afin de donner de l'élan à la question du changement de culture, parce que la Cour suprême ne semble pas avoir bougé à ce chapitre depuis 30 ans, soit la question de —

[Traduction]

L'arrêt des procédures comme seul recours.

[Français]

En ce sens, le récent jugement de la Cour suprême est aussi préoccupant dans l'affaire Jordan, parce qu'il ne semble plus assurer —

[Traduction]

L'équilibre entre, d'une part, l'intérêt social et, d'autre part, les intérêts individuels et les droits constitutionnels.

[Français]

Le monde de la justice criminelle est un milieu fermé, qui fonctionne très bien par lui-même. Comment envisagez- vous de provoquer ce changement de culture, alors que bon nombre de personnes doutent que ce soit possible dans ce milieu?

[Traduction]

Mme Wilson-Raybould : Merci de vos observations et de votre question. Quel rôle vais-je jouer pour promouvoir ou peut-être inciter ou encourager un changement de culture? Voilà une question que je me suis posée — certainement depuis l'arrêt Jordan, mais aussi avant — en ce qui concerne ma contribution. Il s'agit de déterminer comment prendre les devants pour aider à réduire les délais dans le système de justice pénale, mais de façon plus générale, comment envisager un examen du système de justice afin d'assurer la confiance du public — et il y a de nombreux acteurs internes — dans le système de justice.

Je sais que j'ai un rôle important à jouer sur le plan du leadership pour assurer un examen approfondi du système de justice pénale, tâche que le premier ministre m'a confiée dans ma lettre de mandat, d'une manière qui interpelle les divers acteurs du système, comme vous l'avez fait dans votre étude. Ainsi, nous avons participé à des tables rondes, dans le cadre desquelles nous avons entendu des victimes d'actes criminels, des policiers, des procureurs et des juges, en plus de recueillir des commentaires et de collaborer, comme je l'ai dit tout à l'heure, avec les provinces et les territoires. Je ne veux pas répéter les initiatives que nous prenons, mais il y a une occasion, et je continuerai de saisir les possibilités qui se présentent.

Les gens m'écoutent dans les divers forums où je peux parler des changements nécessaires parmi tous les acteurs. Il m'incombe de passer des messages et de m'assurer que nous acceptions la réalité, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de solution unique, mais que nous avons un rôle à jouer dans la recherche des solutions qui résoudront les retards et susciteront la confiance du public dans le système de justice pénale.

C'est incroyablement important; il est urgent de se pencher sur les gains d'efficience, mais aussi sur l'efficacité, et d'y apporter des améliorations. Il va me falloir beaucoup d'intervenants — et je sais que je joue un rôle important dans cela, et je suis résolue à poursuivre le travail avec tous les intervenants du système de justice pénale — pour que nous puissions savoir quelles sont les meilleures pratiques, et pour que nous les mettions en œuvre là où nous pouvons, compte tenu des différences régionales constatées dans les données que nous recueillons. Nous voulons savoir comment faire cela de la façon la plus convenable, avec comme objectif ultime d'en arriver à un changement de culture. J'aimerais que les choses se fassent plus vite, mais je reconnais effectivement, sénateur, le rôle essentiel que je joue dans la réalisation de cela.

Le vice-président : Avant que nous passions au deuxième tour, j'ai une question, madame la ministre. J'imagine que vous avez entendu aux nouvelles qu'une province a donné aux procureurs de la Couronne l'instruction de modifier leurs procédures normales de sorte que le nombre d'accusations dans un acte d'accusation soit réduit, et qu'on laisse tomber dans certains cas les infractions mixtes ou les délits mineurs afin de laisser de la place aux affaires plus sérieuses à l'échelle provinciale. Cela s'est fait il y a quelques jours, mais est-ce que le gouvernement fédéral a décidé de transmettre des directives aux procureurs de la Couronne fédéraux partout au Canada pour modifier leur manuel? Est- ce que le manuel prévoit déjà que les procureurs de la Couronne devraient envisager ce genre de mesures dans l'intérêt du public?

Mme Wilson-Raybould : Je vais demander à mon sous-ministre de répondre. Je sais que le service des poursuites pénales a déjà émis des directives, mais je vais demander à mon sous-ministre de vous donner des précisions.

William F. Pentney, sous-ministre de la Justice et sous-procureur général du Canada, ministère de la Justice : Comme vous l'avez dit, sénateur, depuis de nombreuses années, les procureurs de la Couronne ont comme directive de penser à l'intérêt du public. Certains des auteurs des crimes les plus haineux du Canada qui ont été trouvés coupables ne l'ont pas été pour tous les crimes qu'ils ont commis, et c'est en partie pour que la poursuite s'amorce et se termine, pour qu'elle soit gérable, et ainsi, pour que la justice soit représentée. Certaines victimes n'ont jamais vraiment senti qu'elles avaient pu être entendues, mais justice a quand même été rendue. Les procureurs le font toujours.

Depuis l'arrêt Jordan, le directeur fédéral des poursuites publiques a émis des directives plus précises à l'intention des avocats du Service fédéral des poursuites pour leur rappeler les obligations dont tous les procureurs s'acquittent depuis des temps immémoriaux, concernant l'intérêt du public, la compréhension de leurs dossiers, la nature de la preuve et le nombre d'accusations, dans un effort pour veiller à ce que justice soit rendue, et pour leur rappeler aussi que cela signifie que le processus doit s'amorcer et se terminer, et que les infractions les plus graves doivent faire l'objet d'un jugement.

Ce que vous constatez dans les données, c'est en partie que nous avons à la fois trop et trop peu de justice pénale. Des personnes qui se retrouvent dans le système alors que leurs infractions ne justifient pas le déploiement complet du droit criminel prennent du temps en cour, et on ne consacre pas le temps qu'il faudrait aux infractions plus graves parce que les ressources sont déjà prises.

Le Service fédéral des poursuites a émis des directives à jour. Il ne fait pas de doute que nous nous penchons, comme d'autres, sur les directives de l'Alberta qui viennent d'être émises, mais nous savons que tous les services de poursuites ont examiné leurs volumes de travail, ainsi que les directives adressées à leurs procureurs.

Le vice-président : Est-ce public? Le comité peut-il obtenir une copie de ces directives dont vous parlez et qui ont été émises?

M. Pentney : Cela se trouve sur le Web en ce moment, sur le site du directeur des poursuites publiques. C'est un document public.

La sénatrice Batters : Madame la ministre, vous avez affirmé vouloir continuer à discuter de la question avec les provinces, et vous avez mentionné — encore aujourd'hui — la réunion fédérale-provinciale-territoriale que vous avez eue l'automne dernier. Cependant, cette réunion a lieu chaque année. Il n'y a rien de nouveau là. Ces réunions se tiennent sur deux jours et portent sur divers sujets. Ce n'est pas une réunion spéciale, comme ce que suggérait le procureur général de l'Ontario pour les retards dans le système de justice.

Chaque fois que je vous ai entendue répondre à des questions sur le sujet, vous avez prononcé des généralités sans donner de réponses précises sur ce que vous faites en particulier pour résoudre le problème des retards dans le système de justice pénale. Les causes, comme vous l'avez répété aujourd'hui, sont nombreuses et complexes, mais pourvoir les postes de juge vacants relève du gouvernement fédéral uniquement, pour les tribunaux d'instance supérieure, et vous pouvez agir dès maintenant. Vous n'avez pas besoin d'étudier cela; vous n'avez qu'à agir.

Pouvez-vous, je vous prie, nous dire précisément ce que vous ferez au cours des six prochains mois pour résoudre la crise des retards dans le système de justice pénale?

Mme Wilson-Raybould : Sénatrice, je reconnais que les réunions fédérales-provinciales-territoriales ont lieu une fois par année. Cela ne signifie pas que les fonctionnaires, moi-même et mes homologues ne faisons pas énormément de travail entre les réunions annuelles.

J'ai discuté avec le ministre Naqvi, de l'Ontario, ainsi qu'avec d'autres procureurs généraux. Il est très utile de discuter particulièrement de l'arrêt Jordan avec mes homologues. Nous parlons de cela entre nous, mais je suis très ouverte à cette idée, et j'espère que cela pourra s'organiser très prochainement de mon côté.

En ce qui concerne les choses précises que nous faisons pour résoudre les retards, je répète que je suis très fière du processus de nomination des juges que nous avons établi, et je ferai d'autres nominations de juges pour les tribunaux d'instance supérieure. Je m'attends à faire des annonces dans un proche avenir.

Nous nous penchons sur la réforme de la détermination des peines. Nous regardons les peines minimales obligatoires, sachant qu'elles contribuent aux retards. Nous étudions le système de mise en liberté sous caution et cherchons à voir comment réduire les retards de ce côté, et nous regardons les infractions contre l'administration de la justice. Nous offrons du soutien financier à l'aide juridique et du soutien aux Autochtones, au moyen de conseillers parajudiciaires autochtones, nous cherchons des façons de continuer à améliorer la technologie —conformément à une recommandation du rapport provisoire. Nous faisons de nombreuses choses particulières, et le travail que j'ai la chance d'accomplir avec mes homologues de l'ensemble du pays va continuer de porter des fruits en réduisant les retards.

La sénatrice Batters : Vous avez parlé du rapport provisoire que nous avons publié l'été dernier. Vous avez eu six mois environ pour y réagir. Vous avez regardé bon nombre des recommandations importantes que nous avons faites. Vous en avez parlé dans votre déclaration liminaire. Pour ces recommandations en particulier, outre la recommandation relative aux nominations de juges, qu'avez-vous déjà réalisé au cours des six mois qui se sont écoulés depuis le rapport, et que ferez-vous au cours des six mois à venir?

Mme Wilson-Raybould : Je vais répéter ce que je viens de dire, au sujet de ce que nous faisons. Nous travaillons très fort depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, il y a 16 mois. Il y avait de graves retards quand nous sommes arrivés, et l'une des raisons pour lesquelles le premier ministre m'a demandé de faire un examen approfondi du système de justice pénale, c'est qu'il y avait des défis importants à relever à ce moment-là.

Notre gouvernement est résolu d'envisager toutes les solutions possibles pour résoudre ce problème. À cette fin, pour le faire soigneusement et convenablement, nous devons prendre le temps nécessaire pour veiller à ce que nous parlions avec tous les intervenants du système de justice pénale. Nous devons nous assurer que nos réformes relatives à la mise en liberté sous caution et à l'administration de la justice ou notre examen du Code criminel et de la réforme de la détermination des peines se fondent sur des données probantes et sur les meilleures pratiques. C'est ce que je me suis engagée à faire, et c'est ce que le gouvernement s'est engagé à faire. Le dernier examen approfondi du système de justice pénale remonte à des dizaines d'années. Je suis très fière de faire partie d'un gouvernement qui s'est engagé à le faire.

Le vice-président : Merci, madame la ministre. Vous vous êtes également engagée à prendre connaissance de notre rapport final et à en tenir compte dès que nous vous l'aurons acheminé.

Mme Wilson-Raybould : Absolument.

Le sénateur McIntyre : Madame la ministre, comme vous le savez, les Canadiens sont inquiets concernant l'alinéa 11b) de la Charte. En cas de violation de cet alinéa, l'instance doit être suspendue. Les Canadiens comprennent qu'il s'agit, à l'alinéa 11b), d'un droit garanti par la Charte, mais d'autres droits entrent en jeu, madame la ministre, comme les droits des victimes et les droits sociétaux. Compte tenu de la portée et des intérêts à tenir en compte dans l'analyse des droits d'un accusé d'être jugé dans un délai raisonnable, il est évident qu'il faut penser à ces droits. Les Canadiens ont simplement l'impression que les cours ne tiennent pas compte d'eux, et je pense que cela a pour effet d'éroder la confiance des Canadiens dans l'efficacité et l'équité de notre système de justice pénale, ce qui est très triste. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.

Le vice-président : Très brièvement, si vous le pouvez, madame la ministre.

Mme Wilson-Raybould : Comme vous, n'en doutez pas, je souhaite continuer de veiller à ce que le public ait généralement confiance dans le système de justice pénale. Je vais continuer d'être attentive à cela pendant toute la durée de notre examen du système de justice pénale. Les intervenants sont nombreux. Nous devons nous assurer que les droits des accusés sont protégés. Nous devons aussi veiller à ce que les victimes de crimes soient traitées avec respect et dignité.

Nous devons veiller — et c'est lié au changement de culture qui doit se produire et dont la Cour suprême a parlé — à ce qu'il y ait un juste équilibre. Nous devons adopter une approche intelligente et veiller à protéger les victimes de crimes, à penser aux droits des accusés à être jugés dans un délai raisonnable, et à agir en fonction de nos valeurs et de la nécessité de veiller au respect des droits des personnes.

Le sénateur Pratte : Madame la ministre, permettez-moi d'être direct. Je vous écoute et je vois que vous comprenez le problème, mais vous semblez voir le problème des retards comme une situation pour laquelle vous avez tout le temps du monde. Comme le sénateur Boisvenu l'a expliqué — et je pense que ce qu'il dit à propos du Québec n'est pas unique au Québec —, il s'agit d'une crise. Je n'ai pas l'impression — et je suis peut-être tout à fait injuste — que vous voyez cela comme étant une crise. Vous voyez cela comme étant un important problème, mais vous semblez avoir tout le temps du monde. Admettez-vous qu'il s'agit d'une crise, que nous n'avons pas tout le temps du monde et qu'il faut prendre des décisions d'urgence pour essayer de remédier à cette crise?

Mme Wilson-Raybould : Eh bien, si j'ai de quelque façon que ce soit donné l'impression que je ne vois pas cela comme étant un problème incroyablement important — les retards dans le système de justice —, je tiens à souligner que je le sais. Nous travaillons très fort à faire ce qu'il faut pour régler les problèmes en nommant des juges, en travaillant avec les provinces et les territoires qui sont responsables de l'administration de la justice, et en veillant à soutenir leurs efforts et à contribuer. Mes fonctionnaires et moi continuons de suivre ce qui découle du cadre établi dans l'arrêt Jordan. Je suis très impatiente de prendre connaissance du rapport que votre honorable comité produira, ainsi que des décisions qui seront progressivement rendues par les cours dans l'affaire Cody, et qui continueront de nous guider.

Le sénateur Pratte : Est-ce que les gens pourront voir des résultats à court terme, dans le sillage de toutes ces études?

Mme Wilson-Raybould : Le travail que nous avons fait à ce jour m'inspire confiance — je comprends l'urgence du travail et l'importance des retards, les préoccupations autour des retards, l'urgence de la situation —, mais nous devons nous assurer de travailler avec les provinces et les territoires, ainsi qu'avec d'autres intervenants, pour prendre les bonnes décisions et ainsi résoudre le problème des retards. Personne à cette table, je pense, ne dira qu'il ne faut pas agir le plus rapidement possible. C'est ce que nous allons continuer de faire.

Le président : Il nous reste deux petites questions qui amèneront, nous l'espérons, des réponses brèves.

Le sénateur White : En guise de préparation, j'ai fait de la recherche dans trois provinces, il y a quelques années, à propos de la proportionnalité. Nous avons constaté que 25 p. 100 des causes en Ontario, en Alberta et au Manitoba aboutissent à une absolution inconditionnelle, une absolution sous conditions ou une condamnation avec sursis. Peu importe l'accusation, nous avons neuf comparutions en cour.

Depuis des mois, des témoins nous disent qu'il faut plus d'aide juridique, plus de procureurs de la Couronne, plus de cours et plus de juges. Honnêtement, je pense que nous sommes une majorité à croire qu'il faut que moins de personnes se retrouvent en cour.

Je comprends que nous ayons du retard dans les nominations, mais je pense que le gouvernement fédéral a maintenant l'occasion de convaincre les gouvernements provinciaux de faire quelque chose à propos des neuf comparutions qu'il faut dans des dossiers qui vont finir en condamnations avec sursis.

En Ontario, sur les 200 000 affaires de 2010, 50 000 ont mené à cela. Mes amis du ministère de la Justice ont travaillé à une partie de cela avec nous, quand j'étais un chef de police, et les statistiques étaient exactement les mêmes. Personne n'était contre ce que nous suggérions, mais personne n'a mis en œuvre certaines de ces suggestions.

Mais avant toute chose — et je dois présenter cela sous la forme d'une question —, ne diriez-vous pas que votre ministère a maintenant l'occasion d'amorcer certains de ces dialogues? Je ne dis pas que ce doit être vous, madame la ministre, mais votre ministère pourrait lancer le dialogue sur la possibilité de traiter ces dossiers suivant n'importe quel autre modèle que celui qui a cours en ce moment.

Le vice-président : Vous parlez du ministère?

Le sénateur White : Oui.

Mme Wilson-Raybould : J'ai bien reçu vos observations et je reconnais que nous, au ministère de la Justice, avons l'occasion d'établir le contact avec les provinces et territoires et de reconnaître qu'ils peuvent prendre des mesures importantes concernant les investissements et l'augmentation du nombre de procureurs. Nous prenons des mesures pour veiller à investir dans l'aide juridique et dans d'autres aspects, mais encore là, comme vous le savez, nous travaillons depuis un moment à divers volets afin d'en arriver à des solutions solides que nous pourrons mettre en œuvre.

Le sénateur White : Merci d'être venue, madame la ministre.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Madame Wilson-Raybould, j'ai une question qui irait dans la même veine que celle du sénateur Pratte. Je vais tenter de vous dresser un portrait, et vous me direz si vous me comprenez bien.

J'ai travaillé 30 ans au sein du gouvernement du Québec dans le domaine des urgences et de la protection civile; pensons aux barrages qui s'effondraient au Lac-Saint-Jean. La justice est un édifice qui s'effondre au Canada, et particulièrement au Québec. J'essaie de comprendre votre stratégie ainsi que votre plan, à savoir que vous tiendrez des consultations pour voir ensuite ce qui se passera.

D'un point de vue basé strictement sur la réalité politique, lorsque le gouvernement est devant une catastrophe, il pose d'abord des gestes d'urgence. Ensuite, il met en place un plan de redressement. Ai-je tort ou ai-je raison? J'ai l'impression que vous travaillez seulement sur le plan de redressement, mais que vous oubliez d'axer vos efforts sur les urgences pour éviter que tout s'effondre encore plus.

Il ne s'agit pas simplement d'annuler les procès, car nous allons perdre la confiance du public en notre système de justice. Je crois que le gouvernement a la responsabilité de prendre des moyens immédiats pour pouvoir ensuite rétablir le système. J'ai l'impression que vous ne travaillez que sur la reconstruction du système et que vous oubliez les mesures d'urgence.

[Traduction]

Mme Wilson-Raybould : Je ne suis malheureusement pas de cet avis, sénateur. Comme je le dis, nous faisons un examen complet du système de justice pénale. Il n'existe pas de solution miracle qui fera disparaître les retards dans les tribunaux à l'échelle du système. Je travaille le plus rapidement possible, en fonction des solutions qui s'offrent à moi à titre de ministre fédérale, et je suis absolument, sans équivoque, résolue à travailler avec les provinces et territoires à veiller à ce que nous fassions tout ce que nous pouvons pour remédier aux retards dans le système de justice pénale.

Je tiens à vous remercier, honorables sénateurs, et à vous assurer que cela est de toute première importance pour moi, à titre de ministre de la Justice. Je vous assure que je vais continuer de travailler avec mes fonctionnaires, qui travaillent avec beaucoup d'acharnement, et avec les représentants de toutes les instances à l'échelle du pays afin de véritablement remédier maintenant, après de très nombreuses années, aux problèmes d'un système qui, comme l'a dit un sénateur, a besoin d'un changement de culture, de même que la Cour suprême.

Le vice-président : Madame la ministre, le comité produira son rapport dans quelques mois. Nous avons parcouru le Canada et interviewé des juges dans pratiquement toutes les provinces, aussi bien à huis clos qu'en public. Nous avons interviewé des procureurs de la défense partout au pays, des procureurs de la couronne, des représentants de groupes de défense des victimes et ainsi de suite. Vous recevrez du comité un rapport définitif. Vous n'y trouverez pas que des solutions générales, mais des éléments particuliers nécessaires à la correction du système.

Nous vous remercions de votre engagement à lire notre rapport, jusqu'à nos recommandations finales, et nous espérons que vous mettrez en place les changements que nous suggérerons. Nous vous remercions d'être venue aujourd'hui.

Mme Wilson-Raybould : Merci, honorables sénateurs.

Le vice-président : La séance est levée.

(La séance est levée.)

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