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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 33 - Témoignages du 13 décembre 2017


OTTAWA, le mercredi 13 décembre 2017

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-202, Loi modifiant la Loi sur le divorce (plans parentaux), se réunit aujourd’hui, à 16 h 22, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Je suis ravi de souhaiter la bienvenue au premier groupe de témoins que nous accueillons aujourd’hui dans le cadre de notre étude du projet de loi S-202, qui a été présenté par notre collègue, la sénatrice Cools. Nous avons reçu son témoignage la semaine dernière; nous sommes donc tous sur la même longueur d’onde.

C’est un très grand honneur pour moi de souhaiter la bienvenue à l’honorable Roger Gallaway, C.P., ancien député, et un des acteurs principaux du comité qui a examiné le dossier que nous allons sonder cet après-midi.

Nous accueillons également Carey Linde, avocat, cabinet d’avocats Carey Linde, à Vancouver, et Barclay Johnson, avocat, cabinet d’avocats Barclay Johnson.

Je vais expliquer brièvement les règles. Vous aurez tous la possibilité de faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Ensuite, les sénateurs auront l’occasion de vous poser des questions et de présenter des observations.

La parole est à vous, maître Linde.

Carey Linde, avocat, cabinet d’avocats Carey Linde, à titre personnel : Je tiens à rendre hommage à la sénatrice Anne Cools, qui en a fait plus pour les enfants canadiens au cours des dernières décennies que tout autre politicien dans l’histoire du Canada. Au nom des enfants canadiens, je vous remercie, madame la sénatrice.

D’autres vanteront les mérites des modifications qu’elle a proposées en montrant qu’elles sont incontestablement dans l’intérêt des enfants. Je veux profiter de l’occasion pour recommander l’adoption des modifications proposées à la Loi sur le divorce pour des raisons strictement financières.

De nos jours, les tribunaux de la famille débordent de parents qui pensent pouvoir empêcher l’autre parent de voir leurs enfants. Les avocats prennent leur argent et plaident leur cause, même si ce n’est manifestement pas dans l’intérêt des enfants.

Les administrateurs de tribunaux, les politiciens et les juges se plaignent constamment de la surcharge des tribunaux, des retards et des coûts élevés des procès, ainsi que des coûts émotifs payés par les parents qui se battent pour prendre soin de leurs enfants, et c’est sans parler des enfants qui sont pris entre les deux.

S’il est adopté, le projet de loi diminuera le nombre de plaideurs, ce qui libérera les tribunaux et leur permettra de se concentrer sur les affaires qui méritent leur attention. Les avocats pourront dire aux parents qui refusent de partager les soins de leurs enfants avec l’autre parent à la suite de leur séparation à quoi s’attendre de la part du juge.

Si le projet de loi est adopté, les avocats devront leur dire que les tribunaux seront fortement portés à appuyer le partage équitable des responsabilités parentales, ce qui convaincra bon nombre de parents, mais pas tous, de négocier, d’avoir recours à la médiation ou d’éviter les tribunaux d’une manière ou d’une autre.

Ce phénomène a été observé à la suite de la promulgation de la présomption réfutable en faveur du partage égal des biens familiaux, qui a transformé le processus judiciaire. Avant, après 20 ans de mariage, l’épouse d’un grand éleveur devait intenter une action compliquée en droit des fiducies pour obtenir une part de l’exploitation à la suite du divorce lorsque le titre de propriété était au nom de l’éleveur. L’adoption de lois, par l’ensemble des provinces, accordant aux deux conjoints un droit égal aux biens familiaux a considérablement désengorgé les tribunaux.

Un conjoint qui souhaite empêcher l’autre d’obtenir la moitié des biens familiaux est prêt à payer cher pour qu’un avocat plaide sa cause. L’avocat répond en disant : « Oublie cela. Tu as droit seulement à la moitié. C’est la loi. » Le résultat, c’est que dans l’ensemble, le nombre de litiges liés aux biens familiaux a diminué.

Si le projet de loi est adopté, un parent qui souhaite se battre pour être le seul à s’occuper des enfants se fera dire par son avocat d’y penser à deux fois, qu’il faut partager. Le résultat sera une diminution des litiges concernant le partage des responsabilités parentales.

Je ne suis ni naïf ni aveuglément optimiste. Il y aura toujours des parents qui demanderont plus que leur part et d’autres qui seront prêts à contester devant les tribunaux. Toutefois, la population se passera le mot. Cela deviendra un fait connu que le partage est un principe fondamental qu’on ne peut plus ignorer.

Chaque parent qui évite que la garde fasse l’objet d’un litige grâce à cette nouvelle directive à l’intention des juges économisera du temps et de l’argent, pour lui-même et pour l’appareil judiciaire, et les familles canadiennes manquent toutes de temps et d’argent.

Merci.

Le président : Je vais maintenant donner la parole à M. Barclay Johnson, un avocat qui pratique le droit à Victoria, en Colombie-Britannique. Nous avons certainement le point de vue de la côte Ouest aujourd’hui.

La parole est à vous, monsieur Johnson.

Barclay Johnson, avocat, cabinet d’avocats Barclay Johnson, à titre personnel : J’avancerais que c’est le point de vue exact. Dans tous les cas, je pratique dans la région depuis quelque temps. Je suis avocat depuis 41 ans. Aujourd’hui, j’exerce surtout le droit criminel, mais je pratique encore le droit de la famille.

Je connais la sénatrice Cools depuis de nombreuses années et je l’ai soutenue dans ses efforts d’attirer l’attention sur le besoin de préserver la relation la plus stable que nous connaissions au Canada : la relation familiale. À une époque où environ la moitié des mariages échouent, il faut faire quelque chose. Je suis convaincu que prendre soin des enfants est essentiel dans une situation pareille.

Malheureusement, avec la Loi sur le divorce, le gouvernement du Canada et le Parlement sont loin derrière les assemblées législatives provinciales sur le plan du partage du rôle parental. La Loi sur le divorce comprend toujours des principes archaïques comme la garde et l’accès, des termes émotifs qui ne sont plus tolérés, je crois, par la majorité des gens aujourd’hui.

Comme M. Linde l’a dit, oui, il faut modifier la loi. Or, reproduisons-nous quelque chose qui existe déjà à l’échelle provinciale?

La Colombie-Britannique a modifié considérablement la loi au cours des dernières années. Le but des modifications était de mettre l’accent sur le rôle parental, en éliminant les termes « accès » et « garde », et en faisant en sorte que les deux parties partagent davantage la responsabilité d’élever les enfants.

À mon sens, le besoin en ce moment, surtout dans le domaine du divorce, c’est de donner des précisions aux juges, qui, à l’heure actuelle, n’ont pas suffisamment de critères objectifs pour prendre des décisions à l’égard du partage du rôle parental.

À mon avis, ajouter à cela le besoin de mettre en place un plan parental élaboré par les parties, avec l’appui du tribunal, est la bonne solution. Nombre de demandes de divorce sont déposées dès que les parties se séparent. La plupart d’entre vous savent qu’au Canada, il est impossible d’obtenir un divorce non contesté, à moins de répondre à certains critères et d’invoquer les fautes matrimoniales d’adultère et de cruauté mentale. Plus personne ne procède de cette façon.

Vous pouvez déposer la demande et si vous êtes séparés depuis un an, vous pouvez obtenir le divorce, ce qui donne à la majorité des parties amplement de temps pour se réunir, surtout avec un juge, dans le but de dresser un plan parental.

La plainte que j’ai entendue, c’est que cette obligation n’est pas raisonnable et qu’elle empêcherait les gens d’obtenir le divorce. C’est tout à fait faux. Je ne crois pas du tout que ce serait le cas.

La Colombie-Britannique a recours à la gestion judiciaire des instances. Au moment de l’audience, le juge aurait en tête les critères prévus par la loi; il présenterait aux parties le besoin d’élaborer un plan parental, et il leur rappellerait qu’elles peuvent revenir pour que le juge les aide à dresser le plan et à le faire adopter, par ordonnance du tribunal. Je ne crois pas que des plaintes seraient soulevées selon lesquelles la mesure serait oppressive pour les gens qui veulent simplement obtenir le divorce.

Le projet de loi contient des dispositions qui autorisent le juge à déclarer que le plan parental n’est pas nécessaire. Je présume que cela pourrait être fait dans certaines circonstances, par exemple si les enfants sont à l’université, s’ils ne sont pratiquement plus des enfants à charge.

Les droits dont il est question aujourd’hui sont les droits des enfants et non ceux des parents. Je pense que c’est l’angle sous lequel la sénatrice Anne Cools a abordé la mesure législative. À cet égard, je trouve qu’une disposition se détache nettement des autres. À mon sens, l’alinéa 16.1(4)d) reconnaît le droit de l’enfant de recevoir les soins de chacun de ses parents.

Cela pourrait aller jusqu’à consulter les enfants, en présence d’un juge et dans des circonstances appropriées, afin de savoir quels sont leurs désirs ou leurs attentes, pas nécessairement en vue de les combler, mais pour permettre aux enfants de participer au processus. Cela pourrait être la prochaine étape.

J’ai presque terminé. Est-ce que le projet de loi fait encore mieux que toutes les lois provinciales actuelles? Oui.

Pourquoi nous préoccupons-nous d’un plan parental? À ma connaissance, aucune assemblée législative n’a adopté de règle concernant la mise en place d’un plan parental. Il y a des exemples, en Alberta et maintenant aussi en Colombie-Britannique, je crois, où il est obligatoire de suivre un cours sur les responsabilités parentales après la séparation avant de pouvoir entreprendre des démarches judiciaires.

Nous nous tournons de plus en plus vers la médiation et la conciliation. Selon moi, le projet de loi atteint le sommet de ce processus.

Merci beaucoup.

Le président : Je rappelle à mes collègues, aux auditeurs et aux téléspectateurs que M. Gallaway était coprésident, avec la sénatrice Cools, du Comité mixte spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur la garde et le droit de visite des enfants à la suite du divorce. Son rapport, Pour l’amour des enfants, a été bien reçu et, à l’époque, il a stimulé la réflexion et la discussion à l’échelle du Canada.

La parole est à vous, monsieur Gallaway.

L’honorable Roger Gallaway, C.P., ancien député, à titre personnel : Les gens pensent à tort que la sénatrice Cools était la Présidente du Sénat. Elle était simplement membre du comité.

Le président : Un membre actif.

M. Gallaway : Oui, un membre actif du comité. La sénatrice Landon Pearson était Présidente du Sénat.

Je me rappelle aujourd’hui qu’il y a 20 ans et 2 semaines que les deux Chambres, le Sénat et la Chambre des communes, ont adopté des motions visant la création de cette entité plutôt étrange qu’on appelle un comité mixte spécial.

Je ne crois pas avoir à vous rappeler que les comités mixtes spéciaux sont créés pour étudier des dossiers considérés comme très importants et que leurs rapports doivent être pris très au sérieux. Nous savons que les comités préparent des rapports sur des sujets divers, mais les rapports des comités mixtes spéciaux méritent une attention particulière parce qu’ils présentent le consensus des deux chambres du Parlement.

En 1996, comme la sénatrice Cools vous l’a sûrement rappelé, la Loi sur le divorce a été modifiée. Jusqu’alors, selon le paragraphe 15(8) de la Loi sur le divorce, les deux parents avaient l’obligation de contribuer à la pension alimentaire de l’enfant. M. Rock, qui était ministre à l’époque, a déposé le projet de loi C-41, qui abrogeait cette obligation.

De fait, le projet de loi a institué un régime comprenant des tables et des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants qui existent encore aujourd’hui. C’est le parent n’ayant pas la garde qui devait payer. Le revenu du parent gardien n’avait pas d’importance, qu’il soit plus élevé ou moins élevé que celui de l’autre parent. C’était simplement ainsi.

Ce sont la sénatrice Cools et le regretté sénateur Duncan Jessiman qui se sont adressés au ministre et qui ont bloqué le projet de loi au Sénat, et de là est né le comité. Le ministre a convenu qu’on ne pouvait pas modifier un seul aspect, le paiement, sans examiner les autres côtés de la question. C’est pour cette raison que le comité a été formé.

Je dois souligner qu’on dit que ce comité a compté le plus grand nombre de participants de tous les comités parlementaires. À titre d’exemple, à Toronto, nous avons dû tenir la séance dans une salle de bal. La salle était bondée; il y avait 500 ou 600 personnes. Nous avons dû appeler la GRC pour maintenir l’ordre dans les couloirs. Dans toutes les régions du Canada où nous nous sommes rendus, des foules énormes représentaient les deux côtés de l’équation.

À partir de ces séances, le comité a préparé un rapport intitulé Pour l’amour des enfants. Je vais parler de deux des recommandations contenues dans le rapport. La recommandation no 5 stipulait qu’il était temps de remplacer les termes « garde » et « accès » par « partage des responsabilités parentales ».

Je peux vous dire d’où est venu ce terme. Le comité l’a inventé un soir où il était réuni pour discuter. Par « inventer », je veux dire que nous avons convenu d’éliminer les mots « garde » et « accès » et de fusionner les sens relatifs de ces deux termes pour en former un seul, celui de « partage des responsabilités parentales ».

L’autre recommandation que je veux mentionner est la recommandation no 11. Elle concerne les ententes parentales. Le comité a recommandé le partage des responsabilités parentales dans la recommandation no 5, et la recommandation no 11 concernait l’élaboration d’ententes parentales.

Les ententes parentales ne sont pas synonymes de garde conjointe ou de partage égal des responsabilités. Le but est de reconnaître que les parents ont des rôles respectifs à jouer et qu’ils doivent pouvoir les jouer. Parfois, un parent peut s’occuper des enfants 20 p. 100 du temps, et l’autre parent s’en occupe 80 p. 100 du temps. C’est la situation dans laquelle ils vivaient avant le divorce, mais les situations changent. Les familles évoluent.

Le but était de reconnaître que les deux parents participeraient à la vie des enfants. Il s’agirait d’un plan défini et écrit. Les parents s’entendraient sur la manière dont ils fonctionneraient. Ils se séparaient, mais ils devaient trouver une façon de s’occuper de leurs enfants, pas de « tes enfants » ou de « mes enfants », mais bien de leurs enfants.

C’est par rapport à ce concept que la sénatrice Cools a dit que si vous examinez l’histoire du divorce, si vous remontez suffisamment loin en arrière, vous constaterez qu’il a toujours été question du soutien des enfants, des pensions alimentaires et de l’affection des parents envers leurs enfants.

Le projet de loi C-41 portait strictement sur les pensions alimentaires. À l’époque, c’est tout ce qui comptait ici et pour le ministère de la Justice. L’affection envers les enfants, c’est-à-dire les relations parentales, n’avait aucune importance. Depuis, nous avons vu les querelles s’aggraver.

On pourrait déclarer que c’est dans le passé et que la situation a évolué, mais je vais conclure en disant que le projet de loi que nous avons devant nous reflète ce que les gens veulent. Les gens veulent une façon raisonnable de régler leurs différends, et c’est ce que nous avons ici. Ce projet de loi très simple, à certains égards, mettra fin aux querelles.

Je dis aux gens que ce rapport me hante. Nous voici 20 ans plus tard, et je suis ici aujourd’hui. J’habite à Sarnia, à la frontière méridionale du Canada. Des gens communiquent encore avec moi. La semaine dernière, j’ai reçu un appel d’une femme de Winnipeg. Comment m’a-t-elle trouvé? Mon numéro de téléphone n’est plus répertorié nulle part, et elle m’a trouvé. Il y a encore un énorme problème.

Je veux répéter ce que j’ai dit au début. Le comité a attiré le plus grand nombre de participants de tous les comités parlementaires. Les problèmes n’ont pas disparu; ils sont toujours là. Il s’agit d’une excellente façon, comme M. Carey Linde l’a dit, de régler le problème sans être aveuglément optimiste.

Le président : La sénatrice Dupuis ouvrira la discussion avec les témoins.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci de vos présentations. Monsieur Johnson, vous avez attiré notre attention à l’alinéa 16.1(1)d) de la Loi sur le divorce, qui traite du mécanisme permettant de régler les différends entre les époux quant à l’interprétation ou à la mise en œuvre du plan. Vous avez fait un lien entre cet article du projet de loi et le fait que le juge puisse entendre les enfants pour obtenir leurs idées, leurs perceptions ou leurs réactions. Cela ne me semble pas évident. J’essaie de voir le lien entre cette disposition et la notion d’entendre les enfants. Ce projet de loi est axé sur l’intérêt des enfants et non sur les droits des parents. Il est important de faire ressortir que l’on met l’accent, à l’échelon provincial, sur la médiation et la conciliation. Dans ce sens-là, je ne vois pas très bien comment le projet de loi S-202 intègre l’aspect de la médiation.

Dans l’article 2 du projet de loi, il est question de conclure des arrangements raisonnables dans un contexte de conflit. Je vois bien que la médiation et la conciliation peuvent aider. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle la médiation est obligatoire au Québec. Pouvez-vous expliquer le lien que vous faites?

[Traduction]

M. Johnson : Quand j’ai fait allusion à cet alinéa du projet de loi, j’ai voulu signaler que, par l’expression « l’enfant a le droit de connaître », il présente l’intérêt, dès le départ, de concerner les enfants, quand les autres visent tout de suite les parents. Pour la première fois, une loi reconnaît aux enfants de l’importance dans la résolution des différends entre les deux parents.

Les juges y donneront peut-être effet. Je ne peux pas parler à leur place, mais j’ai certainement assez plaidé pour leur suggérer de s’inspirer de cette idée comme ils l’entendent. Ce n’est pas tous les juges qui se sentiraient à l’aise d’interroger un enfant, parce qu’il y a l’âge, les circonstances et ainsi de suite, mais je pense que c’est de plus en plus accepté. Dans les tribunaux provinciaux où j’ai plaidé, les circonstances peuvent amener le juge à demander de questionner l’enfant ou les enfants, à huis clos, sans les parents à proximité. C’est une étape logique qui donne au juge, comme je le disais, des motifs objectifs pour s’en prévaloir.

Vous avez aussi parlé que l’accent était mis, sûrement dans les provinces, sur la médiation. Peut-être que M. Linde connaît mieux les statistiques, mais je crois que les unions assimilables au mariage sont trois fois plus nombreuses que le mariage, du moins en Colombie-Britannique. Quand elles prennent fin, la plupart des cas se retrouvent devant des juges de la cour provinciale. Par leur nombre, je ne m’étonne pas qu’elles engorgent les tribunaux.

Comme M. Linde l’a dit, nous espérons économiser du temps. Manifestement, ça n’aide pas les parents non mariés. Le projet de loi ne s’en occupe pas, mais je pense qu’il sert de balise, pour informer les juges de la façon d’aborder les questions.

D’après moi, cette loi est axée sur la conciliation, même si vous y découvrez à la fois le bâton et la carotte : divorce accordé si les parents règlent les problèmes de responsabilité parentale. Du jamais vu. Nous laissons aux parties le soin de prendre des cours de responsabilité parentale. Ce n’est pas facultatif. Certains ne s’impliquent pas et ils ne changeront pas d’idée.

Le projet de loi s’attaque aux problèmes. C’est la première fois que je vois une loi fédérale fournir des critères objectifs pour aider quelqu’un d’une manière précise, en abordant les points à régler et en aboutissant à un plan qui devrait donner des résultats.

Il existe un mécanisme en Colombie-Britannique, au moins. On peut convoquer dès maintenant une conférence de cause. Je ne crois pas que des requêtes interlocutoires puissent intervenir tant que la gestion judiciaire des instances n’a pas eu lieu. C’est l’occasion parfaite pour l’intervention du juge.

Si ces juges sont aussi saisis de situations ne concernant pas le divorce, ce sera l’amorce d’une tendance. Je crois vraiment que les assemblées législatives des provinces essaieront peut-être de faire de même, du moins en ce qui concerne le divorce.

J’ignore si vous avez tous sous les yeux une copie du mémoire que j’ai fait distribuer. J’ai essayé de circonscrire la question de préséance. Qu’arrive-t-il si la loi fédérale exige un plan parental, mais pas la loi en vigueur dans la province?

Actuellement, en Colombie-Britannique du moins, c’est véritablement la pagaille en ce qui concerne la préséance des lois. Comment les appliquer? Est-ce d’abord la loi fédérale ou la provinciale? La loi de la province est très loin derrière. J’ignore si, à l’échelon fédéral, il y a quelque chose à redresser, mais tant que la Loi sur le divorce sera en vigueur, je crois qu’il faut centrer la responsabilité exactement sur la question que vous avez soulevée. Nous devons nous assurer de commencer par la médiation, de l’assortir de critères objectifs, pour que les juges ne jugent pas d’avance les personnes, mais les aident à franchir un processus.

Le sénateur McIntyre : Ma question porte sur les droits des grands-parents sous le régime du projet de loi.

Si je me souviens bien, la section britanno-colombienne de l’association canadienne des droits des grands-parents a exprimé ses craintes dans un document de 2012, The Child’s Right to Love (le droit d’aimer chez l’enfant). De son côté, le projet de loi propose l’ajout d’un article à la Loi sur le divorce. J’attire votre attention sur le projet d’alinéa 16.1(4)e) :

e) l’enfant a le droit de passer du temps et de communiquer avec d’autres personnes avec qui il entretient une relation importante, comme ses grands-parents et d’autres membres de sa famille;

D’après vous, est-ce un ajout important à la Loi sur le divorce? Encore plus important, est-ce qu’il faudrait le considérer comme un droit, que possèdent les enfants, de passer du temps avec leurs grands-parents?

M. Johnson : Monsieur Linde, vouliez-vous répondre ou me renvoyer la question? J’ai l’impression de monopoliser les réponses.

Le sénateur McIntyre : N’importe qui peut répondre.

M. Linde : D’après mon expérience, les juges ne sont pas si informés ou si capables de comprendre les plaidoyers des grands-parents en la matière. Si les grands-parents réclament du temps, ils se déchargent ordinairement du problème en leur disant de partager avec leur fils ou leur fille devenus des ex une partie du temps qui leur est revenu. Je soupçonne que c’est une cause de friction.

Au risque de passer pour un peu radical, je m’organiserais pour que chacun ait sa part de temps. J’ai vu des cas où la gardienne était ce dont les enfants avaient vraiment besoin, la personne qu’ils voulaient et, dans certains cas, elle est le meilleur parent.

Je n’ai pas l’intention de rabaisser les grands-parents, mais tout ce qui aide l’enfant à recevoir le plus d’amour possible lui est bon.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s’adresse à tous les membres et elle porte sur la modification du paragraphe 11(1) de la Loi sur le divorce. Je vais la lire en français :

a.1) de s’assurer de la conclusion d’arrangements raisonnables pour la responsabilité parentale des enfants à charge eu égard à leur intérêt et, en l’absence de tels arrangements, de surseoir au prononcé du divorce jusqu’à leur conclusion;

La mention « de surseoir au prononcé du divorce », n’est-ce pas un peu intense — comme diraient mes enfants —, lorsque certaines mesures accessoires de garde ne sont pas encore réglées? Si tout le système de garde est suspendu même si le couple est prêt à divorcer... Déjà, le délai d’un an avant la procédure de divorce représente un enjeu pour les couples. Selon certains juristes en droit de la famille, le délai devrait être de six mois. Ne croyez-vous pas que cela mettra de l’huile sur le feu ou forcera les parents à faire des compromis qui ne sont pas nécessairement dans l’intérêt de l’enfant, afin d’obtenir les documents officiels du divorce le plus rapidement possible pour se remarier avec leur nouvelle flamme?

[Traduction]

M. Linde : Je pense que l’honorable sénateur a besoin d’être informé de la réalité des faits dans l’administration de tout cela.

Presque toujours, le divorce est en soi l’aspect le moins important des litiges en droit de la famille. Les principaux enjeux sont les biens et les enfants. Une disposition permet désormais d’abréger la procédure de divorce pour permettre à une femme enceinte de se marier.

Je ne prévois donc pas qu’on retardera un divorce. Par exemple, actuellement, je m’occupe d’un dossier dans lequel nous avons présenté les documents de divorce aux tribunaux. Ils refusent de l’accorder parce qu’ils ne peuvent pas comprendre qu’avec un revenu déclaré de tant le client paie l’école privée. Le divorce est retardé parce que le juge n’est pas convaincu qu’on répond adéquatement aux besoins financiers des enfants ou parce qu’il y a un point d’interrogation. Dans ce cas, ce n’est pas un problème, mais une entrave. Les personnes en question ont refait leur vie.

Sans vouloir vous contredire, je ne constate en fait aucun refus de divorce. En plus, il faut laisser les juges faire leur métier. Dans une cause importante de divorce, ils agiront en conséquence.

M. Johnson : On peut toujours admettre une exception. Si une femme enceinte veut se marier, je pense qu’on peut l’accommoder.

Je voulais dire tout à l’heure qu’un an c’est beaucoup pour mettre de l’ordre dans ses affaires. Le délai court à partir de la date de la séparation. Des couples qui vivent séparés dans leur maison viendront dire que l’un d’entre eux vivait dans le sous-sol ou qu’il dormait sur le divan.

N’est-ce pas un état de séparation? Peut-être, mais parfois, c’est un enjeu. En général, les gens attendent patiemment pendant cette année. Leur priorité n’est pas le divorce, mais, plutôt, l’aspect financier. Ce devrait être la résolution commune des enjeux parentaux.

C’est une bonne façon, d’après moi, de panser certaines blessures. D’après mon expérience, il est nécessaire de réunir les parties pour leur faire reconnaître une obligation qui survit au divorce. Aucun plan parental ne sera parfait. Il faudra l’adapter. C’est un chantier permanent, à réviser en fonction des circonstances. Au moins, cela propose ces sujets de réflexion aux parents.

Dans ma pratique, je n’ai jamais pu comprendre la différence entre les droits découlant d’un état et les droits contractuels. Je préfère que mes clients disent posséder tel droit en raison d’un accord en vigueur.

Chacun fait des promesses à l’autre et il satisfera ses attentes s’il honore ses obligations contractuelles. S’il se croise les bras et invoque ses droits matrimoniaux, il se place dans une situation d’ambiguïté, source de difficultés. Il se fait de fausses idées sur les responsabilités ou les devoirs du conjoint.

Dans un couple, il est bien mieux de mettre les deux personnes dans le coup et de s’entendre. Je ne fais pas mon Donald Trump, ici, mais l’art de conclure des ententes est au cœur du plan parental.

[Français]

Le sénateur Carignan : Dans le cas d’un différend, quel genre de mécanisme envisagez-vous à l’alinéa 16.1(1)d)?

[Traduction]

d) un mécanisme pour régler les différends entre les époux quant à l’interprétation ou à la mise en œuvre du plan;

[Français]

De quel genre de mécanisme s’agit-il? Est-ce qu’on retire la juridiction de la cour pour régler les disputes sur l’interprétation des mesures? Est-ce qu’on aura un médiateur, un arbitre pour les cas de changement? Comment voyez-vous cela?

[Traduction]

M. Johnson : J’ai fait allusion plus tôt à un mécanisme qui existe en Colombie-Britannique et qui se fera connaître dans le pays, par lequel les juges gèrent les instances et s’engagent dans un processus, dans les litiges en matière civile, où on exige un point final. Ils veulent savoir si les parties peuvent régler quelque chose. Tout de suite, on se préoccupe de réunir les parties.

Ça fait vraiment partie des règles de procédure, plus précisément des règles de la province en matière civile.

Il est très important d’établir des limites à l’action du juge dans ce genre de médiation ou d’audience. Le juge augmente un peu son autorité quand il annonce aux parties réunies que le Parlement a parlé, qu’il faut songer tôt à la médiation, qu’elle est inévitable, qu’on ne peut pas tout simplement s’en débarrasser, qu’elle commence dès maintenant.

Très souvent, les juges impliqués dans cette situation n’entendront pas l’affaire à la fin. Ils sont désireux de réunir les parties.

J’espère que j’ai bien répondu à votre question. Je pense qu’on reste dans le domaine judiciaire. On est toujours libre, pour la médiation, de passer par le privé, ce qui est coûteux. Dans certains cas, c’est indiqué, mais, d’après moi, il faudrait faire participer les juges à ces conférences de cause.

Le sénateur Pratte : On exige notamment pour le plan un processus de résolution des différends entre les époux, relativement à l’interprétation ou à la mise en œuvre du plan.

Je sais que la loi, actuellement, n’exige pas de plan parental, mais quels genres de mécanismes les parents utilisent-ils actuellement? Que pourrait-on envisager, si le projet de loi était adopté, comme mécanisme efficace, et si, en plus, bien sûr, on s’adressait aux tribunaux et on leur demandait de résoudre le problème?

M. Johnson : Les plans les mieux conçus s’écroulent souvent. En cas de problème, il faut revoir les plans. Ce n’est, en aucune façon, un document parfait. Il doit pouvoir s’adapter aux circonstances pour ramener les parties.

Nous le voyons dans les ententes financières pour versement d’une pension alimentaire entre époux ou pour les enfants, dans lesquelles chaque parent communique à l’autre ses états financiers ou d’autres renseignements, en avril ou mai de chaque année, pour corriger les montants dus ou les acomptes à verser.

Pour ce genre de situation, il n’existe pas de formule mathématique. Chaque situation est différente, malgré ce que nous avons ici. Tout ce que nous essayons de faire, dans ce projet de loi, c’est d’instituer une norme. Ça ne veut pas dire qu’elle sera toujours appliquée de la même façon dans tout le pays.

En cas de dispute, il y aurait toujours le recours au tribunal. À la fin d’un procès pour divorce, l’étape suivante n’est pas la cour provinciale. Les tribunaux ne pourront pas modifier ce genre d’ententes. Ça doit se faire à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, par exemple, ou dans les tribunaux supérieurs.

Est-ce que ça se traduira par une augmentation des frais pour les parties? Est-ce que ça causera des retards? Est-ce que ça coûtera plus que le divorce, selon la nature du différend?

Impossible de supprimer les frictions entre les parties. Voici un exemple que j’ai vécu professionnellement. La mère et le père vivent à Victoria. La mère rencontre quelqu’un qui fait bientôt partie de sa vie. Ils veulent se marier, mais il vit à Vancouver. Voilà maintenant une situation dans laquelle le temps passé avec les enfants devient un enjeu.

Le plan parental prévoit toutes les deux semaines ou certains jours. Maintenant la mère dit que ça ne marchera pas. C’est l’horaire du traversier qui décide. Qui paiera les frais de transport?

Ce genre de problèmes surgit tout le temps. On espère seulement que les gens seront raisonnables et qu’ils comprendront la nécessité de compromis.

J’ignore si j’ai bien répondu à votre question. Ce n’est pas de bon augure pour les batailleurs. On a toujours l’occasion de se chamailler.

M. Linde : Pour répondre directement à la question, rien. On peut entreprendre une action en divorce ou saisir le tribunal, en Colombie-Britannique, d’un litige sur la garde des enfants. On rencontrera le juge à la conférence de cause. Il ne pourra que formuler des recommandations. Il n’y a pas d’ordonnances. Si l’un des parents s’entête, c’est le procès.

J’aurais voulu, il y a 20 ou 30 ans, assister à la concertation des procureurs généraux des provinces pour modifier la loi sur les biens de chaque province. Il y aurait eu des contestations fondées.

Qu’on me comprenne bien. Quand, aujourd’hui, on se marie, on présume, et c’est une présomption réfutable, qu’il y aura partage moitié-moitié des biens. Si un millionnaire épouse une femme pauvre et que le divorce suit six mois après, la conjointe, si elle est chanceuse, obtiendra $100 000, mais après 8 ou 10 ans, c’est moitié-moitié.

Quand un client vient me voir et réclame pour lui-même la plupart des biens, pour ne pas laisser tout cet argent à sa femme qui n’a pas travaillé, qui est restée à la maison, je lui réponds simplement d’oublier ça : « Point suivant! .»

Il y a des années, ç’aurait été 20 000 $ et une semaine de procédures. Quand le public l’apprend, sa perception l’amène à dire qu’il hésiterait à continuer à s’exposer à ce risque.

C’est le retour du balancier après les 40 dernières années de préférence accordée à la mère. Je ne veux pas vanter la Colombie-Britannique, mais je crois que cette province, d’après ce que j’entends sur ce qui se passe en Ontario, est beaucoup plus avancée dans ce mouvement et que sa loi sur la famille provoque des changements.

Pour répondre précisément, les juges ne disposent vraiment pas d’autres moyens que de proposer un rapport ou un expert ou une solution. Sur l’aspect financier ou pécuniaire, ils ont beaucoup de latitude. Ils peuvent exiger les déclarations de revenus des particuliers, des entreprises, toutes sortes de choses, mais rien au sujet des enfants.

Je veux seulement laisser entendre que ce sera un pas dans la bonne direction. Attendons d’en voir les effets.

Le sénateur Pratte : Il serait probablement utile, avec le temps, si le projet de loi est adopté, de concevoir des outils pour aider les parents qui doivent trouver un mécanisme pour régler les différends quant à l’interprétation du plan. Nous allons devoir concevoir des outils. Ce n’est pas facile si vous n’êtes que deux et que vous devez résoudre un différend quant à l’interprétation du plan.

M. Johnson : Je suis d’accord.

Le président : Je regarde l’horloge. À 17 h 15, nous devrons lever la séance, car il y a un appel au vote. Nous en sommes au deuxième tour.

M. Linde : Si vous allez sur le site web, vous allez y trouver des centaines de plans parentaux. Des gens font profession de les y afficher. Il n’est pas difficile de concevoir un plan parental, si on vous dit que vous devez le faire.

Le sénateur McIntyre : Préparer des plans parentaux peut exiger des conseils juridiques. De nombreux Canadiens n’ont pas les moyens de se payer des services juridiques.

Comment les changements proposés au projet de loi peuvent-ils toucher les parties qui ne sont pas représentées?

Je comprends que le ministère de la Justice fournit des outils en ligne pour aider les parents à rédiger leur propre plan parental, mais ces outils en ligne sont-ils suffisants pour guider les parents?

M. Johnson : Je pourrais répondre.

M. Gallaway : Allez-y. Vous faites bien cela.

M. Johnson : Comme M. Linde l’a dit, les ressources sont suffisantes, en particulier sur Internet. Vous pouvez trouver à peu près tout ce qu’il vous faut.

Il y a des services bénévoles, et ils sont excellents en Colombie-Britannique. Les secteurs qui sont bons. Il y a aussi des avocats. Je m’inclus, dans une certaine mesure. Je ne peux pas le faire tout le temps, mais il se fait beaucoup de travail bénévole, en particulier pour aider les femmes qui viennent de vivre une séparation. C’est essentiellement lié aux problèmes de violence ou à des besoins financiers immédiats.

À part cela, je trouve que les parties sont capables de s’occuper du partage des responsabilités.

[Français]

La sénatrice Dupuis : J’ai une question à poser à M. Gallaway. À l’article 2 du projet de loi, il est question de s’assurer de la conclusion d’arrangements raisonnables. C’est un concept assez vague et pour lequel nous n’avons pas beaucoup d’indications. Est-ce que, dans le rapport sur lequel vous avez travaillé dans le cadre des travaux du comité, vous avez discuté de la question des arrangements raisonnables? Quels sont les critères pour considérer qu’un arrangement est raisonnable ou non?

[Traduction]

M. Gallaway : Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par « raisonnable », sénatrice. Les tribunaux interprètent ce qui est raisonnable et attribuent ce qui est raisonnable depuis, oserai-je le dire, des centaines d’années.

Les tribunaux peuvent résoudre très simplement vos préoccupations concernant le mot « raisonnable », car ils le font tous les jours.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Non, mais il y a une chose qui n’est pas claire pour moi dans l’article 2 du projet de loi. Je vais poser une question plus précise et elle s’adressera à tous les témoins qui voudront bien répondre.

Si j’ai bien compris, autrement dit, pour avoir la possibilité d’avoir un jour un divorce, on exigerait la conclusion d’arrangements raisonnables dans le cadre d’un plan parental. S’il n’y a pas d’indication claire concernant la référence au terme « raisonnable », par exemple, le critère ultime est l’intérêt de l’enfant par rapport à la « raisonnabilité ». Rien ne l’indique ici, et cela m’apparaît loin d’être clair. Auriez-vous des choses à nous dire sur cette question?

[Traduction]

M. Johnson : Bien que les législatures provinciales et fédérale traitent du même concept, c’est l’intérêt de l’enfant qui compte. C’est ce qui prime. En Colombie-Britannique, ils ont dépassé cela un peu. Ils tiennent compte des enfants eux-mêmes et des autres parties intéressées comme une tante ou un oncle.

Il peut arriver qu’un des parents ait un grave problème de toxicomanie et que le ministère prenne l’enfant en charge. Je ne sais pas si le moment convient pour soulever cela, mais nous avons une épidémie dans notre province. Je donne des statistiques dans mon document. Ce sont des données qui datent, en fait. Je crois que la situation actuelle est encore pire.

En Colombie-Britannique, on compte au total 892 265 enfants. En 2016, 7 216 enfants et jeunes ont été placés à l’extérieur du foyer familial. C’est incroyable. C’est un taux de 8,1 enfants sur 1 000. Tout ce qu’on peut faire pour aider les parents à résoudre la question de cette responsabilité conjointe de les réunir aidera.

Le mot « raisonnable » signifie que tous participent. Ce n’est pas simplement les juges qui disent que ceci est raisonnable dans les circonstances, ou que c’est dans l’intérêt du juge, ou que si le juge le dit, c’est ainsi. C’est ce qui était raisonnable autrefois. Je pense que cela change. Je le pense vraiment. Je l’espère.

M. Linde : Si vous faites une courbe en cloche et placez d’un côté les parents intelligents, rationnels, qui vont tout régler d’eux-mêmes et partager la garde des enfants, et de l’autre, les personnes qui ont peut-être des troubles de la personnalité et qui vont se chicaner, peu importe les circonstances, nous avons une moyenne, un groupe important, au milieu, de parents adéquats. Ce sont ces gens qu’on peut pousser à aller du côté des solutions.

L’enjeu en ce moment, c’est le caractère raisonnable quant aux pensions alimentaires. Les juges doivent veiller au caractère raisonnable de cela, pour qu’on puisse s’occuper des enfants. Comme Roger Gallaway l’a dit, les tribunaux se penchent sur le terme « raisonnable » en particulier depuis des siècles, et cela fonctionne.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Linde, de Vancouver, monsieurJohnson, de Victoria, et monsieur Gallaway, de Sarnia. Vous êtes toujours bienvenus de participer à nos réflexions et à nos discussions.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, il y a en ce moment un appel au vote qui aura lieu à 17 h 45, alors je vais vous demander d’être de retour d’ici 18 h 15 pour notre deuxième groupe de témoins.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, nous allons donc reprendre notre réunion.

[Traduction]

Je suis ravi de présenter John-Paul E. Boyd, directeur général de l’Institut canadien de recherche sur le droit et la famille. Bonjour, monsieur Boyd.

[Français]

Je suis heureux d’accueillir également Marie-Christine Kirouack, ex-présidente de l’Association des avocats et avocates en droit familial du Québec. Bienvenue, madame Kirouack.

[Traduction]

Nous souhaitons aussi la bienvenue à Pamela Cross, membre de l’Association nationale de la femme et du droit, qui est avec nous de Kingston par vidéoconférence.

Nous allons commencer par vous, monsieur Boyd, si vous voulez bien lancer la discussion d’aujourd’hui. Vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé, tout comme les autres témoins. Après, nous aurons une discussion avec les sénateurs sous la forme de questions et réponses ou commentaires.

Monsieur Boyd, la parole est à vous.

John-Paul E. Boyd, directeur général, Institut canadien de recherche sur le droit et la famille : Je vais pour commencer vous donner des renseignements sur moi-même et mes antécédents.

J’ai pratiqué le droit de la famille à Vancouver pendant 14 ans à titre d’avocat, de coordonnateur parents-avocats, d’arbitre, de médiateur et de professionnel du droit collaboratif, avant de déménager à Calgary pour me joindre à un institut de recherche en sciences sociales. Depuis, ma perspective du droit a changé. Je ne pense pas que je serais le même avocat si je retournais à cette pratique.

Mon point de vue a changé par rapport à ma vision insulaire de l’époque où je pratiquais le droit dans les tranchées; ma perspective est plus large, maintenant, et à plus long terme.

Je ne vois plus maintenant l’éclatement de la famille comme un éclatement, mais plutôt comme une restructuration. Ma façon de voir mon travail d’avocat, maintenant, c’est de prendre les mêmes éléments constitutifs qui soutenaient la famille quand elle était ensemble — les aspects économiques et psychosociaux —, et de redistribuer ces mêmes éléments constitutifs entre les membres de la famille vivant dans des maisons différentes, avec les mêmes ressources parentales, les mêmes ressources économiques et les mêmes ressources sociales.

Me joindre à l’Institut canadien de recherche sur le droit et la famille a représenté un grand changement dans ma vie. Cela m’a donné une perspective beaucoup plus profonde et différente du droit de la famille. Je perçois maintenant le système qu’est une famille. Je comprends maintenant beaucoup mieux la relation entre un parent et un enfant, et la théorie de l’attachement. J’ai un intérêt beaucoup plus marqué pour l’atténuation des effets des conflits parentaux sur les enfants, effets qui peuvent se répercuter sur plus d’une génération.

Je suis ravi de faire des observations au sujet de ce projet de loi. Il comporte du positif, d’après moi. Il permet au tribunal d’encourager les parents à préparer des plans parentaux. D’après moi, tout ce qui peut amener les parents à se parler à l’extérieur du tribunal peut atténuer le conflit et diminuer les probabilités de litiges.

Cela étant dit, cependant, il impose au tribunal une nouvelle obligation de surveillance qu’il n’a pas en ce moment. Cela risque de restreindre encore plus la capacité des Canadiens d’accéder au droit de la famille. Je crains qu’il ignore les réalités de nombreuses familles où règnent la violence familiale, la toxicomanie, les problèmes de santé mentale et d’autres problèmes qui peuvent faire que certaines des propositions ne conviennent pas à toutes les familles.

J’ai pris énormément de notes, mais je ne vais pas vous les lire, ayant entendu certains des autres témoignages.

Premièrement, ce régime ne touche qu’une petite catégorie de parents qui se séparent. Il ne touche que les parents qui étaient mariés et qui choisissent de divorcer. Ce n’est pas le cas de tous les parents. D’un autre côté, les lois des provinces et des territoires touchent toutes les catégories de parents : mariés ou non, mariés et séparés, mariés et ne cherchant pas à divorcer, et mariés et cherchant à divorcer.

Deuxièmement, nombre de dispositions du projet de loi concernant les principes énoncés dans le paragraphe 16.1(4) proposé sont louables, comme l’exigence selon laquelle les parents doivent toujours agir dans l’intérêt des enfants, créer des plans parentaux et les interpréter dans l’intérêt des enfants, et orienter leurs actions futures pour qu’elles servent l’intérêt de leurs enfants.

Cependant, ce paragraphe comporte d’autres principes qui, je le crains, ne correspondent pas à la vie au quotidien des familles canadiennes. Elles sont ambitieuses, d’une certaine façon. Elles reflètent aussi des choix de valeurs ou des choix entre valeurs divergentes et des idéologies divergentes. Je crains que certaines exigences, notamment que tous les enfants aient avec leurs parents une relation personnelle qui se poursuit après la séparation, ne soient pas toutes réalisables pour toutes les familles et dans toutes les circonstances. Parfois, à cause de la violence familiale, il peut être malavisé de poursuivre de telles relations.

Ces choix en matière de politiques ne reflètent qu’un ensemble de valeurs potentiel qu’on aurait pu choisir pour étoffer le paragraphe 16.1(4). Vous demanderiez aux Canadiens de partager ces valeurs sans quoi, en vertu de l’alinéa 11(1)a.1), un simple divorce en instance ne faisant l’objet d’aucune opposition pourrait être suspendu.

En conséquence, du point de vue de l’accès à la justice et de l’individu, nous parlons maintenant de dispositions qui donneraient au tribunal un pouvoir de supervision des contrats privés, alors que le tribunal n’a pas ce pouvoir en ce moment, et cela pourrait faire obstacle au prononcé d’un divorce et empêcher des familles de refaire leur vie.

L’autre aspect de cette nouvelle fonction de supervision est lié à la capacité des tribunaux de gérer une tâche franchement épique qu’ils n’ont pas en ce moment.

Quand les lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants ont été créées en 1997, la Loi sur le divorce a été modifiée par l’ajout de l’alinéa 11(1)b), qui donne au tribunal le pouvoir de surseoir au prononcé d’un divorce jusqu’à ce que des arrangements convenables aient été pris concernant la pension alimentaire. La différence entre cela et l’alinéa a.1) proposé, c’est que vous pouvez résoudre les questions de pension alimentaire simplement en connaissant le revenu du payeur et le nombre d’enfants pour lesquels une pension alimentaire est versée.

Dans la plupart des cas, mais certainement pas dans tous les cas, il s’agit tout simplement de consulter l’information sur les revenus fournie par les parents qui divorcent et de regarder l’information des tableaux joints aux Lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. C’est un calcul simple et facile à faire. Il faut rarement plus de quelques minutes pour obtenir le montant.

Cependant, on exige du tribunal qu’il se penche sur le caractère raisonnable des arrangements parentaux préparés par les parents qui se séparent. Le paragraphe 16.1(3) exige que le tribunal détermine si les principes énumérés au paragraphe (4) ont été inclus. S’ils n’ont pas été inclus, le paragraphe (5) permettrait au tribunal de demander la raison pour laquelle il en est ainsi.

Si le tribunal doit mener une enquête sérieuse — l’enquête au contexte très clair que le tribunal doit mener au moment d’évaluer les arrangements parentaux pris pour les enfants —, c’est une question à ne pas prendre à la légère. Il ne suffira pas de faire une comparaison permettant de voir si le plan parental englobe les sept principes énoncés.

C’est le genre de chose qui va exiger que le tribunal mène sa propre enquête sur chacun des couples qui divorcent, à savoir si le couple a résolu les revendications au moyen d’une ordonnance sur consentement ou d’une entente de séparation, ou s’il a réduit cela à un plan parental, comme l’article le suggère.

Ce qui me préoccupe, c’est qu’en ce moment, on voit généralement les tribunaux comme étant surchargés, en manque de personnel et incapables de répondre à la demande actuelle. Le retard qu’on accuse à Calgary concernant les procès liés aux affaires familiales, qui ont priorité sur toutes les autres affaires civiles, est maintenant de deux à trois ans. Les retards sont un peu moindres, mais quand même longs en Colombie-Britannique, là où je pratiquais avant.

J’avance respectueusement qu’il est inacceptable de demander à une famille dont la demande est contestée d’attendre deux ans pour que toutes les questions relatives à leur séparation soient enfin résolues. Ces familles sont celles qui ont tant de difficulté à s’entendre qu’elles estiment n’avoir d’autre choix que d’aller en cour.

Je suis ravi de dire qu’une minorité d’affaires relevant du droit de la famille est réglée en cour. Le taux se situe entre 4 et 8 p. 100. Les autres affaires sont réglées hors cour, grâce à l’arbitrage, à la médiation, à la résolution coopérative des différends et à d’autres solutions de cette nature.

Mais malgré le si petit nombre de dossiers dont les tribunaux sont saisis, nous avons d’énormes retards qui congestionnent les tribunaux de la Colombie-Britannique et de l’Alberta. Franchement, la marée de plaideurs qui ne font pas appel à un avocat atteint 80 p. 100 des cas dans certaines cours provinciales en matière de droit familial, et il n’y a aucun signe de ralentissement ou de diminution.

Sur le plan de la fonctionnalité, je doute qu’il soit efficace de demander aux parents canadiens mariés qui se séparent de se soumettre à une liste de principes dont certains sont de purs énoncés de valeurs plutôt que des faits empiriques. Puis je me questionne sur la façon dont ils vont se manifester concernant l’accès à la justice et aux tribunaux déjà surchargés.

Merci.

Marie-Christine Kirouack, ex-présidente de l’AAADFQ et avocate émérite, Association des avocats et avocates en droit familial du Québec : L’Association des avocats et avocates en droit familial du Québec existe depuis 1986 et compte plus de 500 membres, des avocats qui pratiquent partout dans la province de Québec, et pas seulement à Montréal et à Québec.

Nous avons pris connaissance du projet de loi S-202 avec un intérêt certain, mais il a aussi suscité chez nous certaines préoccupations. On vous a remis une analyse détaillée, article par article, fondée sur la Loi sur le divorce, le projet de loi S-202, le Code civil du Québec et les observations et la jurisprudence pertinentes.

Permettez-moi de commencer par émettre des hypothèses. Il faut comprendre que la lecture du projet de loi S-202 est un peu différente au Québec, parce que nous avons l’autorité parentale conjointe depuis la réforme du droit de la famille — une très importante réforme du Code civil réalisée en 1980. Il y aura bientôt 40 ans de cela. La jurisprudence a établi très clairement que peu importe que vous soyez soumis à la Loi sur le divorce ou au Code civil — donc, les personnes non mariées ou celles qui se séparent —, le principe de l’autorité parentale conjointe s’applique. C’est essentiellement l’un des fondements du fait que nous avons un système bijuridique.

Deuxièmement, l’association préfère que la Loi sur le divorce traite d’une autorité parentale conjointe. Cela correspond à nos règles depuis 40 ans. Le problème que nous avons, cependant, et qui suscite chez nous un peu d’inquiétude, c’est la question de savoir si cela signifie que pour une situation de fait identique dans des provinces différentes, la common law donnerait deux réponses juridiques entièrement différentes étant donné que, comme nous le savons, le principe de l’autorité parentale conjointe est différent dans les provinces de common law. C’est une source de préoccupations pour nous, qui formons une association d’avocats en droit de la famille.

De plus, avec respect, on ne sait pas vraiment, selon les dispositions qu’on lit, si les plans parentaux dans le projet de loi S-202 sont obligatoires. On pourrait peut-être mieux défendre l’intérêt de l’enfant en insérant à l’article 16, sans l’ajout de l’article 16.1 qui est proposé, le principe de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, puisque la jurisprudence au Québec indique essentiellement que tout ce qu’on peut appeler directement ou indirectement un plan parental dans l’ensemble des décisions se rapporte à l’enfant.

De plus, dans le libellé actuel, on ne sait pas vraiment si le tribunal pourrait imposer ce genre de plans de son propre chef. Selon le projet de loi S-202, l’une des deux parties peut essentiellement présenter un plan. Nous savons également que le tribunal a le pouvoir de le modifier en vertu de la loi, s’il n’est pas satisfait du contenu, mais on ne sait pas vraiment s’il peut imposer le plan ou ce qu’on appelle au Québec des « attributs de l’autorité parentale ».

Sur ce point, nous pensons que ce serait une bonne idée de simplifier ou d’éclaircir le libellé.

Par ailleurs, l’association se méfie pas mal des alinéas 16.1(1)d) et e), selon lesquels un plan parental peut contenir un processus de règlement des différends entre les conjoints en ce qui a trait à l’interprétation ou l’exécution du plan ainsi qu’un processus de révision ou de mise à jour du plan.

Est-ce que cela signifie que la partie pourrait par convention décider de se soustraire au pouvoir de la Cour suprême dans des cas d’ordre public? En tant qu’association, cette question nous préoccupe, et je ne crois pas que c’est dans l’intérêt de nos enfants.

Il y a aussi la question de l’autorité parentale. La garde, l’accès, le choix d’école, la religion, les soins de santé et ainsi de suite sont des questions d’ordre public. En tant qu’association, nous ne pouvons pas dire qu’il serait judicieux d’autoriser les gens à utiliser à titre privé le plan parental pour se soustraire aux pouvoirs des tribunaux par rapport à ces questions.

Soyons clairs. En tant qu’association, nous ne sommes pas contre d’autres façons de régler les différends, au contraire. C’est d’ailleurs pourquoi 90 à 92 p. 100 de nos dossiers sont réglés à l’amiable. À propos de l’ordre public, nous pensons qu’un des parents ou les deux devraient pouvoir, en tout temps, saisir les tribunaux de ces questions, car le rôle des tribunaux est de protéger nos enfants.

De plus, l’arbitrage est illégal pour trancher les questions familiales au Québec. On l’a clairement indiqué et on l’a souligné récemment lorsque le nouveau Code de procédure civile est entré en vigueur, le 1er janvier 2016. Bien entendu, en nous appuyant là-dessus, nous faisons la même mise en garde.

À propos de l’ordonnance de modification, il est intéressant de souligner qu’aucun passage du projet de loi S-202 ne prévoit de pouvoir pour modifier le plan parental qui serait remis au tribunal conformément à l’article 17. Comme nous le savons, l’article 17 est celui qui englobe toutes les modifications a posteriori d’un jugement de divorce.

Ce n’est pas le cas. À vrai dire, il n’y a rien, à l’exception des besoins auxquels subviennent les parties, qui permettrait à un tribunal de modifier le plan parental ou à un des parents en désaccord de s’adresser à un tribunal à cette fin. Nous estimons que cela pourrait également être quelque chose qui mériterait d’être modifié afin que ce soit expressément indiqué dans les critères habituels à l’article 17.

J’ai une dernière observation avant de conclure, car je sais que notre temps est limité avant que nous passions aux questions. Un bon nombre d’éléments dans le projet de loi S-202 réaffirment l’intérêt supérieur de l’enfant, mais, avec tout le respect, les articles 16 et 17 précisent déjà que toutes les décisions prises par le tribunal doivent être dans l’intérêt de l’enfant. C’est un critère très semblable à celui de l’article 33 du Code civil du Québec. Au Québec, l’interprétation est la même.

Nous ne savons pas vraiment s’il serait utile d’ajouter des dispositions qui réaffirment les pouvoirs des tribunaux et la façon dont ils doivent rendre des décisions en vertu de la Loi sur le divorce, car il y en a déjà.

Enfin, on estime que certaines choses devraient être intégrées au plan parental. Une fois de plus, avec tout le respect, nous sommes tous ici pour essayer d’avoir le meilleur libellé possible. Sauf erreur, selon le paragraphe (4), le plan parental doit, en principe, expressément reconnaître certains principes.

Une grande partie de ces principes devraient vraiment être inscrits dans la loi, plutôt que sur un document signé par les parents. L’intérêt de l’enfant devrait être une question de droit. En effet, la prise de toutes les décisions dans l’intérêt de l’enfant devrait être une question de droit.

Nous n’estimons pas que cela devrait être fait par convention, ce qui ne signifie pas, si les parties s’entendent, qu’elles ne réécriront pas les principes trouvés dans la loi. Nous estimons que ces principes devraient faire partie intégrante des vastes paramètres sur lesquels repose la loi.

Le président : J’ai maintenant le plaisir de présenter Pamela Cross, de l’Association nationale de la femme et du droit.

Vous avez la parole, madame Cross.

Pamela Cross, membre, Association nationale de la femme et du droit : Bonsoir, et merci beaucoup de me donner l’occasion de discuter avec vous de la question importante des modifications possibles à l’article 16 de la Loi sur le divorce.

L’Association nationale de la femme et du droit collabore avec d’autres organisations de défense du droit à l’égalité pour toutes les femmes au Canada. La promotion de la réforme du droit est un aspect important de notre travail.

Nous nous opposons au projet de loi S-202, comme nous l’avons fait au cours des 20 dernières années pour les autres tentatives de modification de la Loi sur le divorce, car il ne tient pas compte des principes de l’égalité entre les sexes.

Ces modifications feraient notamment courir aux femmes qui fuient un conjoint violent et à leurs enfants un important risque de mauvais traitements et de violence continus aux mains de leur ancien partenaire.

La violence familiale est un problème social grave et bien ancré au Canada, comme l’explique le rapport de l’automne 2016 du premier administrateur en chef de la Santé publique du Canada. Dans ce rapport, le Dr Gregory Taylor signale que la majorité des victimes de violence familiale sont des femmes. Près de neuf millions de Canadiens, c’est-à-dire un sur trois, disent avoir été victimes de violence avant l’âge de 15 ans.

La violence que des milliers de femmes fuient chaque année au pays ne s’arrête pas à la fin de la relation. En fait, le risque de maltraitance, y compris la mort, tant chez les femmes et les enfants, augmente lors de la séparation, au moment même où de nombreuses familles se tournent vers les tribunaux de la famille pour régler leurs différends. L’intimidation juridique au moyen des procédures des tribunaux de la famille est une stratégie communément employée pour tenter de continuer de dominer ou de contrôler une ancienne conjointe.

Les personnes qui cherchent à régler les questions de la garde et de l’accès dans le cadre des procédures de divorce comptent sur les dispositions de la Loi sur le divorce selon lesquelles, comme vous le savez tous, ces décisions doivent être prises en fonction du critère de l’intérêt supérieur de l’enfant qui est établi au paragraphe 16(8) de la loi actuelle.

Le projet de loi S-202 crée ce qui équivaut à une présomption en faveur du partage des responsabilités parentales. C’est inapproprié, car la bonne utilisation du critère de l’intérêt supérieur de l’enfant dépend grandement des circonstances propres à un enfant et à sa famille.

La jurisprudence a clairement établi le caractère inapproprié de la garde partagée, lorsque les parents sont incapables de communiquer efficacement ou lorsqu’un des parents a peur de l’autre. La création d’une présomption en faveur du partage des responsabilités parentales dans la Loi sur le divorce créerait pour les femmes un régime différent et moins sécuritaire que ce qu’on retrouve dans les lois provinciales et territoriales, qui reconnaissent majoritairement les réalités propres à une famille ayant des antécédents de violence et de maltraitance.

L’ANFD appuie des modifications à la Loi sur le divorce qui tiennent compte de la diversité des familles au pays et des réalités qui leur sont propres, y compris la violence faite aux femmes et aux enfants qui est très répandue.

Nous appuyons plus particulièrement ce qui suit.

Premièrement, nous appuyons l’élimination de la disposition relative au maximum de communication qui se trouve actuellement au paragraphe 16(10) de la loi, car la communication appropriée avec chaque parent devrait être établie en fonction du critère de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Deuxièmement, nous soutenons l’élaboration d’aspects à prendre en considération pour remplir le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant, notamment les antécédents de violence ou de maltraitance au sein de la famille; l’incidence sur l’enfant de la violence faite à la femme; la sécurité et le bien-être de l’enfant et de la mère après la séparation; une ordonnance applicable après les audiences du tribunal; les antécédents en tant que parent; ainsi que la stabilité et la continuité pour l’enfant.

Nous attirons votre attention sur la Family Law Act de la Colombie-Britannique, plus précisément les articles 37 et 38, qui offre selon nous une bonne approche pour remplir le critère de l’intérêt supérieur de l’enfant, en tenant compte notamment de la violence familiale et de la sécurité.

Bien que ce ne soit pas directement lié au projet de loi S-202, l’ANFD souhaite également exhorter le gouvernement fédéral à accroître son soutien financier pour les programmes d’aide juridique en droit de la famille afin de réduire la proportion jusqu’à maintenant inégalée de parties non représentées devant les tribunaux.

Je vais conclure en disant que, à l’heure actuelle, sans présomption en faveur du partage des responsabilités parentales, près de la moitié des dossiers de garde d’enfant d’un bout à l’autre du pays font l’objet soit d’une entente, soit d’une ordonnance de garde partagée.

De plus, les parents qui sont en mesure après une séparation de partager les responsabilités parentales d’une façon positive pour leur enfant ne se tournent pas vers les tribunaux. Ils établissent leurs propres régimes parentaux en fonction de leur volonté commune de faire ce qui est le mieux pour leur enfant.

Autrement dit, nous estimons que les modifications proposées dans ce projet de loi sont au mieux inutiles et au pire nuisibles pour les femmes et les enfants.

Le président : Merci beaucoup, madame Cross.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Merci à vous trois. Je suis très impressionnée par la précision et la concision de vos remarques. J’ai quelques questions très précises à vous poser. J’avais l’impression, dans vos présentations, que vous aviez lu la série de questions que j’avais préparée pour vous. Il y a une question qui m’interpelle, monsieur Boyd. Une fois le projet de loi S-202 adopté, l’accès à la justice serait-il mis en péril si les parents qui ne sont pas en conflit n’ont pas de plan? Pouvez-vous être un peu plus précis sur cette question?

[Traduction]

M. Boyd : D’après mon interprétation du projet de loi, l’alinéa 11(1)a.1) qui est proposé obligerait les tribunaux à examiner la pertinence des plans parentaux préparés par des parents mariés qui se séparent et à attendre que ces exigences soient remplies avant d’accorder le divorce.

J’ai l’impression que l’article 16.1 ferait probablement en sorte que les plans parentaux deviendraient le moyen qui s’impose aux tribunaux pour mesurer la pertinence des arrangements parentaux qui ont été pris, et les principes qui donnent aux tribunaux un raccourci pour examiner la pertinence de ces arrangements font partie intégrante de l’article 16.1.

En fait, le paragraphe 16.1(7) dit :

Sauf preuve contraire, le tribunal peut présumer qu’un plan parental qui contient les principes […] et dont les deux époux conviennent sert l’intérêt de l’enfant.

Mis à part le fait que ce n’est pas l’enquête rationnelle exigée à l’article 11, tout cela ferait en sorte que les parents qui veulent divorcer devraient prouver au tribunal la pertinence du plan parental qu’ils ont préparé.

À l’heure actuelle, toutes les provinces et tous les territoires au Canada ont établi une procédure spéciale pour permettre aux personnes qui ne sont pas dans une situation hautement conflictuelle d’obtenir un divorce. C’est une sorte de procédure de divorce par ordonnance de bureau, car les documents qui accompagnent la demande se retrouvent littéralement sur le bureau d’un juge. Le juge les examine pour s’assurer que les motifs de rupture du mariage en vertu de l’article 8 ont été prouvés de sorte qu’il a assez de preuves pour ordonner la rupture des liens matrimoniaux entre les conjoints.

Ce processus nécessite le paiement des frais de dépôt habituels, mais les parties à un litige peuvent être exemptées en présentant une demande de statut d’indigent. Les formulaires sont accessibles sans frais sur des sites web d’aide juridique et des sites web publics de renseignements juridiques. Dans la plupart des provinces et des territoires, on y trouve également des guides pour savoir comment les remplir. Cette partie du processus de séparation est plutôt simple. Nous avons les formulaires ainsi que des modes d’emploi.

Quand un couple a des enfants, il doit remplir d’autres formulaires pour informer le tribunal de ses arrangements parentaux et pour fournir des renseignements sur le revenu de chaque parent. C’est nécessaire pour remplir l’obligation du tribunal prévue à l’alinéa 11(1)b), qui vise à s’assurer que le montant de la pension alimentaire qui a été établi est adéquat.

J’ai de nombreuses préoccupations concernant l’accès à la justice. Les parents qui veulent divorcer auraient à remplir de nouveaux formulaires compliqués pour présenter au tribunal leur plan parental. Ce qui me préoccupe à ce sujet, ce sont les difficultés qui seraient nécessairement créées pour les nouveaux arrivants au Canada, les personnes peu alphabétisées ainsi que les personnes atteintes de troubles cognitifs qui seraient incapables de gérer la complexité de ces formulaires.

En Colombie-Britannique, en cas de divorce par « ordonnance de bureau », il faut débourser un total d’environ 350 $ pour obtenir les formulaires à remplir et payer les frais engagés pour les remplir et pour obtenir un jugement. Cela ne comprend pas les frais d’avocat ou de notaire nécessaires à la production de l’affidavit qui donne au tribunal l’information dont il a besoin concernant le divorce et la pension alimentaire.

Cela crée un problème supplémentaire pour les parties à un litige qui essaient d’accéder à la justice, car il est de plus en plus probable qu’elles devront engager un avocat pour négocier dans le cadre de procédures qui ont été intentionnellement conçues par la plupart des tribunaux de manière à ce qu’on ait seulement à présenter des formulaires et à attendre un certain temps.

L’autre problème ne se limite toutefois pas aux formalités administratives supplémentaires qui risquent de créer un obstacle pour les gens qui ne parlent pas couramment les langues officielles. Il est également attribuable au risque plus élevé de devoir engager un avocat compte tenu de la complexité des formulaires ainsi qu’au risque accru de conflits attribuables au bouleversement de plans qui ont bien fonctionné pour les parents, ou au risque qu’un parent enclin aux conflits voit cela comme une occasion d’obtenir un avantage à cause des principes énoncés au paragraphe 16.1(4).

Il y a un problème d’accès fondamental sur le plan de la gestion de ces formulaires et de la présentation de preuves au tribunal qui rendra une décision sensée, rationnelle et réfléchie concernant la qualité des plans parentaux fournis.

L’autre facette de l’accès à la justice consiste à être en mesure de franchir le pas de la porte du palais de justice. Lorsqu’une demande de divorce est refusée à cause d’un problème de pension alimentaire, le juge prend habituellement des notes. Les tribunaux ont un formulaire imprimé avec des cases qu’il doit cocher. Il arrive souvent qu’un nouvel affidavit contenant des renseignements supplémentaires soit nécessaire pour expliquer le problème de pension alimentaire, ou il faut parfois comparaître devant un juge en chambre.

Cette étape, la comparution orale, est très intimidante pour de nombreuses personnes qui n’ont jamais pris part à une procédure judiciaire, et la plupart des personnes qui se retrouvent devant un tribunal de la famille en sont à leur première expérience. Elles doivent soudainement parler à un juge dans une salle d’audience publique pour expliquer un problème de pension alimentaire, ce qui ajoute un tout autre degré de complexité.

J’ai parlé de franchir le pas de la porte du palais de justice parce que les délais judiciaires sont de plus en plus longs sur les listes d’attente des tribunaux d’un bout à l’autre du Canada. L’imposition de cette exigence supplémentaire privera de ressources judiciaires la ligne de front, c’est-à-dire les chambres qui doivent entendre toutes les affaires civiles et criminelles avant que les tribunaux du Canada en soient saisis, et elle réduira le temps d’instruction.

Déjà, il y a des listes d’attente monstres dans certaines provinces, notamment en Alberta, où il faut attendre au moins six mois avant d’avoir droit à une demi-journée devant un juge. Et maintenant, on envisage de priver encore plus de juges du processus essentiel qu’est l’audience, ce qui va ralentir l’administration de la justice à tous les niveaux, sans parler des gens qui devront désormais attendre des mois pour se présenter devant un juge afin d’expliquer leur plan parental.

[Français]

La sénatrice Dupuis : Si je comprends bien, maître Kirouack, vous avez parlé d’un certain nombre d’articles qui ne vous paraissaient pas clairs. Vous en faites la nomenclature dans votre présentation. Vous vous demandez si l’adoption du projet de loi S-202 pourrait amener les cours à imposer ces plans.

Mme Kirouack : La question de base que je me pose dans ce qui est proposé, c’est que le tribunal aurait le pouvoir de modifier ce qui lui est présenté, mais ce n’est pas clair si le tribunal a le pouvoir de l’imposer. Il n’y a pas de pouvoir inhérent pour l’imposer au départ, tel que libellé, ni pour le modifier en vertu de l’article 17.

Par ailleurs, quand on regarde les premiers alinéas du nouvel article 16.1, tel qu’il est proposé, les alinéas a) et b) traitent du lieu de résidence ou de l’horaire de résidence et de l’attribution de temps à l’enfant sous les soins de chaque époux. Que devient alors l’article 16? C’est l’article 16 qui décrète les ordonnances de garde, le temps de résidence avec chacun des parents, qu’il s’agisse de garde, d’accès ou de modalités de résidence.

D’ailleurs, vous savez, avant mai 1997, c’est-à-dire lors de l’introduction des lignes directrices tant fédérales que provinciales, il y avait des dossiers où on ne parlait pas de garde, mais plutôt de temps de résidence. Ce sont les pourcentages de mai 1997 qui ont causé une espèce de pléthore et de polarisation sur le concept de garde, ce qui est tout de même une nouveauté si on se place antérieurement à la réforme de mai 1997. Cela avait fait partie des commentaires qu’on avait émis, à l’époque, dans le cadre de commissions parlementaires.

C’est l’autre question que je me pose aussi, parce que je regarde les modalités de l’article 16.1, qui contient des recoupements, soit avec l’article 16 et, dans certains cas, soit avec l’article 17. L’autre aspect à cet égard — je crois que je vais abonder dans le même sens que ma consoeur —, c’est qu’il y a deux présomptions fortes en ce qui a trait au projet de loi, où on demande aux parents de réitérer des principes fondamentaux, c’est-à-dire que l’enfant doit avoir le maximum de contacts avec ses parents, y compris avec de tierces personnes. Cependant, le nouvel article 16.1, tel que libellé, ne contient pas la mise en garde qui apparaît à l’article 16 et au paragraphe 17(9) et qui précise que le contact doit être compatible avec l’intérêt de l’enfant. C’est un principe général qui n’est pas accompagné de modalités ni de facteurs, effectivement, pour faire en sorte de préciser qu’il s’agit d’abord de l’intérêt de l’enfant. Il y a une difficulté d’arrimage par rapport à cela.

La sénatrice Dupuis : Ma dernière question s’adresse à Mme Cross. Dans votre présentation, vous avez insisté sur la présomption en faveur de la garde partagée. En ce sens, j’aimerais que vous m’expliquiez votre position. Si je comprends bien, cette présomption peut mettre en péril le principe de l’intérêt de l’enfant. Est-ce que je comprends bien ce que vous nous disiez?

[Traduction]

Mme Cross : Je ne suis pas certaine de comprendre votre question. Nous sommes contre toute présomption quand il est question des droits de garde et de visite. Sur ce point précis, je m’oppose à toute présomption en faveur du partage égal du rôle parental.

Le partage égal du rôle parental, ou la garde partagée, semble être clairement contre-indiqué dans les cas de violence parentale, plus souvent des comportements violents du père envers la mère. Nous pourrions discuter longuement de la notion de présomption en général si nous avions plus de temps ce soir.

Dans ce cas-ci, je fais précisément référence à la proposition, qui privilégie d’emblée une présomption en faveur du partage égal du rôle parental. Cela signifie que tout parent qui juge que cette solution ne serait pas dans le meilleur intérêt de son enfant devrait se battre pour faire valoir son point. Actuellement, ni la Loi sur le divorce ni les lois provinciales et territoriales ne s’appuient sur une telle présomption. Le critère à considérer est tout simplement, même si ce n’est pas si simple, le meilleur intérêt de l’enfant, sans présomption aucune.

Si nous tentons de déterminer le meilleur intérêt de l’enfant en voilant le tout d’une présomption en faveur du partage égal du rôle parental, cela va poser problème.

La sénatrice Dupuis : C’est ce que je voulais savoir. Merci.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question porte sur l’état de la jurisprudence. Le projet de loi a pour but d’instaurer la présomption que la garde partagée est plus avantageuse. C’est ce que je comprends du projet de loi. Au Québec, les juges ont de plus en plus tendance à opter pour la garde partagée ou, sinon, à accorder des accès assez élargis, même si ce n’est pas un concept de garde partagée, ce qui fait que cette présomption qu’une garde partagée est dans l’intérêt de l’enfant n’est pas vraiment nécessaire.

Mme Kirouack : Si je puis me permettre, je ne vois nulle part dans le projet de loi une présomption en faveur de la garde partagée. Je vois une présomption claire d’exercice conjoint de l’autorité parentale, mais nulle part le projet de loi ne prévoit qu’on doit favoriser une forme de garde partagée. Il y a une présomption qui est dans l’intérêt de l’enfant — et ce sont les mises en garde que j’ai faites plus tôt —, lorsque, effectivement, il y a la présomption de favoriser des contacts. Cependant, selon moi, il n’y a pas de présomption en faveur d’une garde partagée.

Par ailleurs, pour ce qui est de la jurisprudence constante au Québec, les tribunaux ont réitéré à maintes reprises qu’il n’y a pas de présomption jurisprudentielle en faveur de la garde partagée. Même si, de facto, il y avait de telles ordonnances quand j’étais jeune avocate il y a 25 ans, il reste que la Cour d’appel et nos cours supérieures, à maintes reprises, réitèrent le principe. Je vous dirais qu’il s’agit de jurisprudence constante, mais qu’il n’y a pas de présomption jurisprudentielle.

[Traduction]

M. Boyd : Je suis entièrement d’accord avec Mme Kirouack. Jadis, on présumait que la garde de l’enfant devait revenir à un seul parent, dans l’objectif explicite de préserver l’enfant de tout conflit. L’idée était qu’avec deux parents essayant de mener la barque, l’enfant serait forcément exposé à des conflits, ce qui allait à l’encontre de son meilleur intérêt.

La Loi de 1985 sur le divorce, la loi actuellement en vigueur, présente la notion de garde partagée au paragraphe 16(4), qui stipule que le tribunal peut autoriser la garde par une ou plusieurs personnes. Cependant, la garde partagée renvoie au partage de l’autorité parentale, la capacité de prendre des décisions conjointement, ou le droit d’avoir son mot à dire dans la prise de décisions. C’est différent de la garde partagée proprement dite, qui sous-entend généralement un partage égal ou presque du temps passé avec l’enfant.

Selon mon interprétation, et celle de ma collègue, la loi ne se prononce pas sur le partage du temps, mais établit plutôt des principes préconisant l’engagement continu de chacun des parents dans la prise de décisions suivant la finalisation du divorce.

[Français]

Le sénateur Carignan : En ce qui a trait au projet de loi en tant que tel, si on le travaillait et l’amendait — puisqu’il y a plusieurs articles qui semblent poser problème, selon moi —, pourrions-nous en faire un bon projet de loi ou serait-il préférable de l’abattre tout simplement? J’essaie d’y trouver quelque chose de positif, mais j’ai de la difficulté à y voir un aspect emballant. J’essaie d’y voir une utilité.

En cherchant bien, je me dis que, peut-être, l’utilité viendrait du fait qu’il y a de plus en plus de gens qui se représentent seuls et que le projet de loi pourrait servir de mécanisme ou de formule pour obliger les parents à s’asseoir ensemble et à regarder un peu les paramètres. Bref, ce projet de loi peut-il être « sauvé », si vous me permettez l’expression?

Mme Kirouack : Sauf le respect que je vous dois, un enfant n’est pas une copropriété indivise ni un formulaire. J’ai 25 ans de pratique. Quand j’étais jeune avocate et que je n’avais pas de cheveux blancs, les enfants liés à nos dossiers étaient au secondaire. Je les ai vu passer du secondaire au primaire et à la garderie. Aujourd’hui, dans certains cas, ils sont encore dans le ventre de leur maman. Je ne voyais pas cela quand j’étais jeune avocate. Je vous rappelle que je ne suis pas une antiquité, j’ai 25 ans de pratique.

Ce qu’il faut comprendre de ce que je viens de dire, c’est que les enfants dont il est question dans les dossiers qui sont devant les tribunaux sont de plus en plus jeunes. Ça allait bien quand ils avaient de 14 à 16 ans. À cet âge, ils font du ski, ils connaissent la religion, les écoles, les grandes directives. De nos jours, les décisions des parents doivent inévitablement être conjointes, et le plus beau formulaire du monde ne pourra jamais couvrir cela. Qu’est-ce qu’on fait au secondaire? Vont-ils faire du sport-étude? Est-ce que la petite fille sera une championne de hockey? Est-ce qu’on fera opérer notre enfant à 8 ans parce qu’il a un problème de reflux aux reins ou est-ce qu’on attendra à 12 ans? Le plus beau formulaire ne pourra jamais tenir compte de tout cela. Pire, personnellement, je crois que c’est dangereux.

N’oublions pas, l’autorité parentale est liée aux décisions importantes à prendre pour notre enfant. Il ne s’agit pas de l’heure du dodo ou du droit de participer à la fête de son petit copain de la garderie. Non, il s’agit plutôt de questions à savoir, par exemple, à 8 ans, lui donne-t-on la permission de conduire le quatre-roues, ou, à 12 ans, la permission de se faire tatouer? Les premières relations sexuelles, les opérations, ira-t-il à l’école privée ou internationale, ce sont des questions fondamentales. Ce sont des décisions importantes. Ces choses sont appelées à changer durant toute la vie de l’enfant, et c’est une bonne chose, parce que l’intérêt de l’enfant évolue dans le temps et de toutes sortes de façons.

Si votre enfant est victime d’un grave accident et qu’il nécessite des soins spéciaux, vous devrez inévitablement vous adapter. Par ailleurs, si votre plus vieux se brise les incisives et qu’il a besoin d’orthodontie, c’est autre chose. Voilà pourquoi j’ai de sérieuses réserves avec l’idée d’avoir un formulaire.

C’est peut-être parce que je viens du Québec. Vous pouvez me pointer du doigt si vous voulez, mais j’ai vécu 40 ans d’autorité parentale conjointe. Les parents le font, cela s’appelle l’autorité parentale conjointe. Et lorsqu’ils font face à des difficultés, le Code civil prévoit pour eux la possibilité de saisir le tribunal des questions qu’ils jugent très importantes.

Par ailleurs, dans les conventions de divorce et les dossiers susceptibles d’être plus litigieux, des dispositions spécifiques sont prévues afin de se projeter dans le temps, quant à certaines décisions qui pourraient se prendre au cours des deux prochaines années, qu’il s’agisse de fêtes particulières ou de l’endroit où se prendront les vacances, si tant est que cela puisse être litigieux.

Dans tous les dossiers, les enfants sont couverts de l’âge de 2 ans jusqu’à leur majorité. Et même si des décisions se prennent jusqu’à leur majorité, le fait qu’il y ait des obligations alimentaires a posteriori sur ces questions me semble un peu dangereux, d’autant plus que ce qui est proposé vient empiéter sur l’article 15.

Pour ce qui est des critères selon lesquels on a interprété l’article 15, qui sont l’intérêt de l’enfant et les mises en garde, à savoir s’il y aura des droits d’accès ou de la garde, ils doivent être dans l’intérêt de l’enfant. J’ai la même inquiétude quant à l’article 16, qui remplace les anciens articles 15 et 17 au sujet de la garde, car, tout à coup, on arrive avec de nouveaux critères qui n’ont pas de paramètres pour sauvegarder l’intérêt de l’enfant. À titre de « familialiste », je peux vous dire que cela m’inquiète.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci à vous tous pour vos exposés. J’ai deux questions à vous poser.

La première s’adresse à M. Boyd. J’ai eu l’occasion de lire votre mémoire sur le projet de loi S-202. Félicitions, c’est bien rédigé et bien pensé.

Si je comprends bien, votre institut de recherche ne peut pas appuyer l’adoption de ce projet de loi, du moins pas dans sa forme actuelle. Autrement dit, il faudrait revoir le tout et formuler les choses différemment.

Dans votre mémoire, vous faites référence aux lois sur le droit de la famille de l’Alberta et de la Colombie-Britannique, qui établissent des critères permettant au tribunal et aux parents de mieux déterminer le meilleur intérêt des enfants. Ces critères sont axés sur les enfants, tout comme les principes proposés dans le projet de loi S-202.

Par contre, si je ne m’abuse, ces deux lois, contrairement au projet de loi S-202, tiennent compte de faits objectifs. Vous en parlez dans votre mémoire.

Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Je trouve cela très intéressant.

M. Boyd : Là où je voulais en venir, c’est que le paragraphe 16.1(4) demande aux parents d’adhérer à une liste de principes. Certains de ces principes sont énumérés dans la Loi sur le divorce, comme la nécessité d’agir en tout temps en fonction de l’intérêt de l’enfant. D’autres dévient de ces principes et sont plus idéologiques, je dirais.

J’ai des réserves à l’égard de l’avertissement disant que la dissolution du mariage des parents ne modifie pas la nature fondamentale de leur responsabilité parentale, qui demeure une responsabilité partagée. Ce n’est pas nécessairement le reflet de ce qu’était la réalité de cette famille avant la séparation. Pourquoi est-ce que cela devrait changer après la séparation?

Je signalais que les lois provinciales et territoriales ont toujours abordé les questions de la parentalité après une séparation de façon beaucoup plus exhaustive que la Loi sur le divorce, qui règle essentiellement la question à l’article 16, qui compte 10 paragraphes, rien de moins.

C’est peu. La Loi sur le divorce se contente de dire qu’il faut agir dans l’intérêt de l’enfant. Il n’y a rien de mal là-dedans, mais ce sont les tribunaux qui doivent broder autour de ces quelques lignes, de façon à brosser un portrait beaucoup plus complet de ce que cela signifie.

C’est peut-être parce que les provinces ont différentes exigences politiques, ou qu’elles disposent de plus de temps, ou c’est peut-être que l’article 92 de la Loi constitutionnelle leur confère le pouvoir de traiter de questions purement personnelles, mais les lois provinciales sont généralement beaucoup plus exhaustives.

Les lois provinciales, celles que je connais, ne se limitent pas à dire qu’il faut tenir compte du meilleur intérêt de l’enfant. Elles énumèrent une liste de facteurs à considérer pour déterminer comment mieux servir les intérêts de l’enfant.

Par exemple, l’article 37 de la nouvelle loi sur le droit de la famille de la Colombie-Britannique énonce une série de principes auxquels les parents doivent adhérer pour obtenir le divorce. Pour déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant, tous les besoins de l’enfant et toutes les circonstances doivent être prises en compte. C’est en gros ce que prévoit le paragraphe 16(8) de la Loi sur le divorce.

De plus, parce que l’article s’applique tant aux juges qu’aux parents qui doivent décider de ce qui est le mieux pour leurs enfants, il prévoit de tenir compte de facteurs tels que la santé et le bien-être de l’enfant; le point de vue de l’enfant, qui est une exigence de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant, article 12; les antécédents de soin de l’enfant; et le besoin de stabilité de l’enfant.

Comme mon ami l’a mentionné, le plan parental établi pour un enfant de trois ans ne fonctionnera plus quand l’enfant aura 5, 10 ou 15 ans. Le besoin de stabilité de l’enfant est une notion malléable qui peut être adaptée selon le cas : un enfant ayant des besoins spéciaux réclamera plus de stabilité qu’un enfant de huit ans bien équilibré, par exemple; les gardiens désirant exercer l’autorité parentale n’ont pas tous les mêmes capacités; la violence familiale a des répercussions sur la sécurité et le bien-être de l’enfant; et une entente qui exigerait la coopération des gardiens n’est pas appropriée dans tous les cas.

C’est une approche plus complexe et nuancée. On ne demande pas aux parents d’adhérer à une liste de valeurs, mais plutôt de réfléchir à leur parcours à deux, à leur vécu en tant que parents, et aux facteurs qui influent véritablement sur leur prise de décisions. Certains enfants de huit ans peuvent s’accommoder d’une garde partagée d’une semaine sur deux. Mais ce n’est pas souhaitable pour un enfant qui présente un trouble du spectre de l’autisme, par exemple, ni pour un enfant qui souffre d’anxiété. Prévoir ce genre d’analyse contextuelle, et donner aux parents et aux juges une liste de facteurs à considérer, peut clarifier tout cela. En Idaho, notamment, les plans parentaux s’appuient sur ce genre d’analyse contextuelle pour déterminer ce qui est dans le meilleur intérêt de l’enfant. Il en va de même pour les ressources offertes sur le site du ministère de la Justice pour préparer un plan parental. La loi de l’Alberta dont je vous parle prévoit en gros la même chose.

Le sénateur McIntyre : Est-ce que d’autres provinces devraient emboîter le pas à l’Alberta et à la Colombie-Britannique?

M. Boyd : C’est une question philosophique à laquelle je vais tenter de répondre. La réponse la plus brève est oui, absolument.

L’Alberta et la Colombie-Britannique ont explicitement rejeté la terminologie polarisante entourant les droits de garde et de visite, qui contamine la Loi sur le divorce depuis son adoption en 1968, et qui a carrément été calquée sur celle de la Divorce and Matrimonial Causes Act du Royaume-Uni, adoptée en 1857.

En gros, c’est tout. En rejetant les notions usuelles de garde et de visite en faveur d’une terminologie plus large et moins restrictive pour parler des présomptions relatives aux gardiens, il est possible d’éviter aux parties certaines situations conflictuelles que sous-entend la question de la garde.

Cela ne veut pas dire que cette solution conviendra à tout le monde. Si un parent n’a vraiment pas ce qu’il faut pour jouer son rôle de gardien, ou s’il y a de la violence familiale, des problèmes de maladie mentale ou de toxicomanie, ou encore si tous ces facteurs font en sorte que la coparentalité n’est pas une option, le parent peut conserver son statut de gardien; par contre, ses responsabilités de gardien et son autorité parentale peuvent être soumises à des contraintes rigoureuses.

À mon avis, pour avoir pratiqué en Colombie-Britannique en vertu de l’ancienne législation et de la nouvelle, je peux vous dire que la nouvelle législation a grandement amélioré les choses. L’ancienne terminologie concernant les droits de garde et de visite était propice aux conflits. Incidemment, les batailles concernant la garde ont entraîné un nombre record de gardes partagées, même si cela ne signifie pas de se partager le temps passé avec l’enfant, mais plutôt de partager les responsabilités liées à la prise de décisions.

Dire qu’on est un père avec droit de visite, c’est moins prestigieux que de dire qu’on a une garde partagée.

[Français]

Le sénateur McIntyre : Certains critiques soutiennent qu’étant donné la différence entre le droit civil et la common law hors Québec, le projet de loi aurait pour but de créer une distinction, sur le plan de la garde, entre les enfants nés de parents mariés et ceux nés de parents non mariés. Que pensez-vous de ce concept?

Mme Kirouack : Au Québec ou à l’extérieur du Québec?

Le sénateur McIntyre : Les deux, ou plutôt, au Québec.

Mme Kirouack : D’accord, parce que, pour l’extérieur du Québec, cela me semble clair, puisqu’il y a deux régimes.

Pour ce qui est du Québec, la question est de savoir quelle sera la version finale de ce document et comment nos tribunaux pourraient décider de concilier le tout en fonction du bijuridisme, c’est-à-dire selon les articles 30 et 33 du Code civil, les articles relatifs à l’autorité parentale, et la Loi sur le divorce. Si l’article 16.1 était adopté tel qu’il est présentement rédigé, il y aurait un concept qui tient compte de l’intérêt de l’enfant à l’article 16, à l’article 17; un au Code civil, à l’article 33, y compris la demande que l’enfant soit entendu et fasse connaître ses choix en vertu de l’article 30 et, ensuite, l’article 16.1 aurait pour effet de présumer de certains éléments. Comme c’est libellé, cela me semble problématique.

Le président : Merci pour cette réponse courte.

Le sénateur Gold : Je serai très bref, car le sénateur Carignan a posé la question qui tue.

[Traduction]

Y a-t-il quelque chose à faire? Si oui, quoi? Je pense que je sais déjà ce que vous allez me répondre tous les trois. L’autre question portait aussi sur le droit civil.

[Français]

Je viens du Québec, mais j’ai été formé en common law en Colombie-Britannique, alors mon ignorance du Code civil est un peu embarrassante.

[Traduction]

Vous avez dit que la notion ou l’interprétation de coparentalité ne sont pas les mêmes dans la common law et le droit civil.

Pouvez-vous nous donner quelques exemples pour illustrer ces différences?

Mme Kirouack : Revenons en arrière un moment. Un article très intéressant avait été publié dans les années 1980 par le juge Mayrand. Après l’adoption de la loi, c’était soudainement devenu la mode au Québec, même si l’autorité parentale conjointe existait déjà, de rendre une ordonnance de garde légale conjointe plutôt que de garde physique conjointe. Le juge a écrit un article fabuleux indiquant qu’au Québec, on parlait d’autorité parentale conjointe, qui équivalait dans certaines provinces régies par la common law à la notion de garde légale conjointe, ou le droit de participer aux décisions et de conserver son statut de gardien. Cependant, pour ce qui est de la garde, il n’était pas possible de séparer les deux concepts. Au sens de la common law, la notion de garde légale ne s’applique pas au Québec. C’est une bête juridique qui n’existe pas au Québec.

Je ne sais pas si cela clarifie les choses. Je ne suis pas une spécialiste du common law, mais notre code civil est très clair, peu importe si la garde est accordée aux deux parents, ou même à un tiers. L’arrêt R. c. Finn de la Cour suprême énonce explicitement que le parent conserve son droit de faire partie intégrante du processus décisionnel pour les décisions importantes.

Au Québec, on va plus loin encore. La Loi sur la protection de la jeunesse prévoit l’émission d’une ordonnance si la sécurité de l’enfant est compromise, mais pour les parents, cela ne signifie pas en soi une privation de l’exercice de l’autorité parentale.

Au contraire, la Loi sur la protection de la jeunesse tente de favoriser la participation des parents au processus décisionnel. Par contre, cela ne signifie pas que le tribunal ne peut pas suspendre en partie l’exercice de cette autorité.

[Français]

Le sénateur Gold : Si je comprends bien, c’est déjà assez compliqué sans le projet de loi S-202.

[Traduction]

Le président : Vous ne voulez pas retourner à l’école, sénateur.

[Français]

Le sénateur Pratte : Madame Kirouack, vous avez soulevé la question selon laquelle il n’était pas clair dans votre esprit et pour votre association que, en vertu du projet de loi, les plans parentaux seraient obligatoires. Effectivement, le projet de loi indique que le tribunal doit s’assurer de la conclusion d’arrangements raisonnables et que, dans le cas du parent qui fait la demande de divorce, la demande peut contenir un plan parental. Cela nous donne l’impression que le tribunal pourrait très bien se trouver devant un arrangement raisonnable qui n’est pas un plan parental tel que défini, mais qui pourrait être un arrangement que le tribunal jugerait dans l’intérêt de l’enfant et qui ferait donc parfaitement l’affaire.

Mme Kirouack : En vertu de l’article 16, je suis d’accord avec vous. La difficulté se pose lorsque je lis l’article 16.1 qui invente un nouvel animal juridique et qui indique ceci : « Voici le nouvel animal, il faut qu’il figure aux dossiers, et voici le pouvoir du tribunal. »

À l’association, on se demande si les parents en arrivent à un accord qui comprend la garde, les vacances et ainsi de suite. Est-ce que cela sera couvert par l’article 16.1 tel qu’il est proposé? De la façon dont c’est libellé, pour nous, la question demeure, puisque, par ailleurs, on semble vouloir inclure une série de critères dans le plan parental.

Le sénateur Pratte : Cela créerait donc une espèce de présomption en faveur du plan parental.

Mme Kirouack : Il n’en demeure pas moins que la demande est faite aux parents. Par rapport à cela, des principes fondamentaux doivent être inclus au plan parental. Cela signifie que, de façon contractuelle ou conventionnelle, des principes relevant du droit sur le divorce ou du droit commun doivent être inclus. C’est dans l’intérêt de l’enfant que les parents prennent des décisions conjointes.

Au risque de me répéter, en matière de rédaction législative et surtout d’interprétation, c’est toujours difficile lorsque différents articles d’une même loi suscitent des contradictions parmi les dispositions. En ce qui a trait à l’article 16.1, en matière de lieu de résidence et d’attribution de temps, est-ce l’article 16 qui a préséance et qui est tributaire du pouvoir du tribunal si les parents ne s’entendent pas ou est-ce l’article 16.1? Dans le projet de loi tel qu’il est libellé, ce n’est pas clair.

Le sénateur Pratte : Merci beaucoup.

Le président : C’est essentiellement une question d’harmonisation du fondement des dispositions de la Loi sur le divorce qui traitent finalement du même sujet, à savoir comment l’enfant s’en sortira dans le cadre du divorce et dans quel contexte il sera protégé par la décision prise au moment où l’autorité parentale est remise en cause par rapport à cet enfant. Fondamentalement, c’est là où l’on se retrouve dans ce projet de loi.

[Traduction]

Monsieur Boyd, comme vous le savez, nous avons amorcé un processus de réconciliation avec les peuples autochtones. Et compte tenu de votre expérience en Colombie-Britannique et en Alberta, où la réalité autochtone ne peut être ignorée, pensez-vous que ce projet de loi pourrait avoir des répercussions sur les groupes autochtones du Canada?

M. Boyd : Pour bien des familles autochtones, la réalité est synonyme de structure de parenté élargie, notamment celles qui adhèrent à un mode de vie plus traditionnel. Au-delà de cela, je ne peux que souligner l’importance de la famille élargie à titre de figures parentales dans la vie des enfants. C’est tout ce que je peux vous dire.

Une disposition fait référence à l’importance de maintenir les liens de l’enfant avec d’autres personnes, et on fait mention précisément des grands-parents. C’est un des principes dont je parlais. Dans une famille autochtone, la responsabilité principale de l’éducation d’un enfant peut être assumée par les tantes, les oncles, les tantes et les oncles au deuxième degré, les frères, les amis ou les proches qui n’ont pas des liens de parenté aussi rapprochés que les grands-parents.

Les grands-parents jouent un rôle important dans la vie des enfants, mais si on examine de plus près la situation, on remarque la présence d’un réseau de contributions parentales qui rayonne bien au-delà des deux conjoints qui divorcent.

Le président : Honorables sénateurs, s’il n’y a pas de question, je dis merci à M. Boyd, à Mme Kirouack et à Mme Cross. Vous avez été très utiles à nos délibérations ce soir. Merci beaucoup pour votre participation.

(La séance est levée.)

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