Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 40 - Témoignages du 19 avril 2018
OTTAWA, le jeudi 19 avril 2018
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 10 h 35, pour étudier la teneur des éléments des parties 1, 2, 8, 9 et 14 du projet de loi C-45, puis à huis clos, pour étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureux d’ouvrir notre séance matinale en vue de l’étude du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois.
C’est avec plaisir que nous recevons M. John Dickie, président de la Fédération canadienne des associations des propriétaires immobiliers. Vous serez appelé à présenter votre exposé. Les honorables sénateurs pourront ensuite vous faire part de leurs commentaires, et vous poser des questions.
Allez-y, monsieur Dickie.
John Dickie, président, Fédération canadienne des associations des propriétaires immobiliers : Je vous remercie de m’avoir invité.
La Fédération canadienne des associations des propriétaires immobiliers — que j’appellerai la FCAPI, parce que ce serait beaucoup trop long sinon — représente les propriétaires et les gestionnaires de près d’un million d’unités résidentielles locatives au Canada, par l’entremise de 11 associations et de l’adhésion directe des propriétaires.
Le secteur locatif privé fournit quatre millions de logements à neuf millions de Canadiens de tous les groupes d’âge et catégories de revenus et de tous les horizons. Les logements locatifs comprennent tant les appartements dans les grandes tours que les appartements des plus petits immeubles et les maisons unifamiliales, et tous les autres types de logements.
En plus d’être à la tête de la FCAPI, je suis avocat en Ontario et je me spécialise dans la loi sur la location à usage d’habitation.
Dans une maison unifamiliale, les actions du propriétaire ne touchent habituellement personne d’autre, tandis que dans les immeubles à logements multiples, les actions de l’occupant d’un logement peuvent très souvent avoir une incidence importante sur les occupants des autres logements.
Sauf certaines restrictions relatives au droit acquis, dans la plupart des provinces, les propriétaires peuvent interdire aux locataires de fumer dans les immeubles locatifs. Les groupes de défense des droits des non-fumeurs veulent que les propriétaires interdisent aux locataires de tous les immeubles de fumer, que ce soit le tabac ou la marijuana.
Santé Canada songe à promouvoir une interdiction provinciale de fumer dans les immeubles à logements multiples, qu’il s’agisse de copropriétés ou d’immeubles locatifs, même s’il s’agit du lieu où les gens habitent.
La culture du cannabis représente un problème encore plus important que l’usage du cannabis. On se préoccupe notamment des dangers pour la sécurité et pour la santé, de l’interférence avec les autres locataires et des dommages possibles aux immeubles.
Le projet de loi permettrait aux particuliers de faire pousser un maximum de quatre plants de cannabis, quelle qu’en soit la taille, dans tous les types d’habitations, y compris les logements loués et les immeubles à logements multiples. Cette proposition est problématique. La FCAPI exhorte le Parlement à interdire la culture du cannabis dans tous les logements, pour des raisons que je vais vous expliquer.
Nous appuyons la position adoptée par le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le CTSM, le 29 mars. Le scientifique principal du CTSM, Benedikt Fischer, a fait valoir au comité que le projet de loi actuel prévoyait la possibilité de cultiver le cannabis à la maison, comme s’il s’agissait d’une mesure nécessaire pour légaliser le cannabis et faciliter sa consommation. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’un point de vue erroné. En d’autres termes, le cannabis peut être légalisé et peut être consommé sans qu’on en permette la culture à domicile.
L’Association canadienne des chefs de police préconise également une interdiction de la culture du cannabis à domicile. De plus, je souligne que le Québec et le Manitoba ont annoncé qu’ils interdiraient toute forme de culture du cannabis à domicile.
Nous partageons aussi l’avis de l’Association canadienne des chefs de police, qui croit qu’on doive établir une limite relative à la possession de cannabis dans les logements privés et dans les lieux publics, sans égard à la permission ou non de cultiver le cannabis à domicile.
De plus, je tiens à souligner que les conditions idéales pour la culture du cannabis ne sont pas les conditions idéales pour la santé humaine. Pour une croissance optimale des plants de cannabis… et je tire ces renseignements d’un site web qui s’appelle ilovegrowingmarijuana.com, qui fait la promotion de la marijuana. Avant de consulter ce site il y a un an et demi aux fins du présent exercice, je ne connaissais pas grand-chose à la marijuana. Aujourd’hui, je suis mieux informé.
Pour que les plants de cannabis poussent bien, il faut un taux d’humidité et une température plus élevés que ce qui est bon pour les gens ou pour les immeubles. Il faut beaucoup de lumière. En hiver, au Canada, il faut idéalement utiliser une lampe à vapeur de sodium à haute pression de 600 watts, qui consomme beaucoup d’énergie. C’est l’équivalent de 10 ampoules de 60 watts, ou plus.
De plus, on peut récolter une quantité importante de cannabis sur un seul plant de moins d’un mètre de haut. Le site décrit la méthode du « screen of green », aussi appelée ScrOG, par laquelle le cultivateur place un treillis pour cage à poules au-dessus du plant de cannabis et en coupe la partie supérieure, ce qui permet au plant de s’étendre. Donc, avec un plant, on peut couvrir une surface d’une verge ou plus en largeur et en profondeur, et faire pousser une quantité importante de marijuana.
Le site fait valoir qu’un seul plant de cannabis peut produire jusqu’à une livre — 500 grammes — de cannabis séché. Comme il faut deux ou trois mois avant de pouvoir récolter le cannabis sur un plant, une personne pourrait faire quatre à six récoltes par année. Ainsi, une personne pourrait produire 16 à 24 livres de cannabis par année, ce qui dépasse largement les quantités consommées par une personne.
Le séchage du cannabis dans les fours peut aussi être un problème, puisqu’ils consomment beaucoup d’énergie. Leur surutilisation peut donner lieu à des problèmes électriques ou à des risques d’incendie.
Nous croyons qu’il n’est pas utile de restreindre la culture du cannabis dans les immeubles à logements multiples sans la restreindre aussi dans les maisons unifamiliales. Le risque de discrimination est trop grand à cet égard. Nous croyons qu’il faut interdire la culture de la marijuana, et ce pour le bien de tous.
Je dirai une dernière chose : au cours de mes 15 années à la présidence de la FCAPI, je n’ai jamais reçu autant d’appels de propriétaires et de locataires à propos d’autres enjeux. La grande majorité de ces personnes ne veulent pas qu’on permette la culture du cannabis à domicile. Pour être honnête, la plupart des gens ne veulent pas qu’on fume le cannabis près d’eux, mais je crois que nous nous centrons surtout sur la culture du cannabis aujourd’hui.
Voilà qui conclut ma déclaration préliminaire. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Dickie, pour votre concision et votre précision.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Dickie, merci beaucoup d’être ici ce matin. Je comprends que votre principale préoccupation est la production de la marijuana à domicile. Je n’en parlerai pas davantage. Il y a eu récemment un incident, dans les Laurentides, je crois, où des gens ont été sérieusement blessés. Des jeunes produisaient de l’huile de cannabis à domicile. Est-ce que votre association tient un inventaire ou des statistiques sur des événements qui peuvent s’être produits à travers le Canada où les gens ont produit, par exemple, de l’huile de cannabis, et où il y aurait eu des dommages à la propriété ou des blessures corporelles pour ceux qui produisaient cette substance?
[Traduction]
M. Dickie : Je n’ai malheureusement pas de statistiques à ce sujet.
Dans les médias, on rapporte aussi des problèmes associés à la production d’huile de cannabis. De plus, les laboratoires de production de méthamphétamines peuvent être dévastateurs. J’en connais plus à ce sujet. Récemment, à London, un laboratoire a explosé, tuant plusieurs personnes. Il y a eu un cas semblable à Montréal également.
La production d’huile de cannabis est aussi problématique, mais je n’ai malheureusement pas de statistiques à ce sujet.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur Dickie, d’être ici ce matin. J’ai quelques questions très courtes pour vous. Est-ce que votre association fait une différence entre le fait de fumer du tabac de cigarette ou la pipe plutôt que fumer du cannabis? Ou bien est-ce la question de « fumer » qui vous pose problème? Est-ce que vous avez moins de problèmes avec ce qui peut se manger, comme le cannabis qui serait consommé dans des aliments?
[Traduction]
M. Dickie : À notre avis, il y a une différence entre la consommation du tabac et la consommation du cannabis. Bien sûr, on consomme le tabac depuis longtemps, mais on le perçoit de plus en plus comme un problème en soi.
En ce qui a trait à l’usage de la marijuana, tant que le projet de loi ne sera pas adopté, il s’agira d’une infraction criminelle et les propriétaires de la plupart des provinces pourront tenter de faire expulser les locataires qui commettent de telles infractions. Toutefois, en Ontario et dans d’autres grandes provinces — comme en Colombie-Britannique, je crois — la commission de la location immobilière n’ordonnerait probablement pas l’expulsion d’une personne qui consomme le cannabis de façon modérée. Elle considérerait la consommation de cannabis comme la plupart des Canadiens le font : c’est un crime qui n’en sera plus un bientôt, et qui n’est pas un crime grave.
Donc l’enjeu dans le cas du tabac comme dans celui de la marijuana, c’est l’interférence avec les voisins. Les personnes qui souffrent d’asthme s’opposent tout autant à l’usage du tabac qu’à l’usage de la marijuana.
Il y avait un autre volet à votre question.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Dans la perspective de votre association, le principal problème est-il la consommation ou l’utilisation en le fumant plutôt qu’en le mangeant, par exemple? Est-ce le cas?
[Traduction]
M. Dickie : En ce qui a trait à l’usage du cannabis comestible, le seul problème serait associé à un mauvais étiquetage, et à la possibilité de consommer des doses trop élevées. C’est une question d’emballage et d’étiquetage, de même que de santé et de sécurité.
La consommation de produits comestibles à base de cannabis aurait beaucoup moins d’incidence sur les voisins. On pourrait faire valoir la possibilité qu’un enfant trouve ces produits et en consomme trop, mais les enfants peuvent se tuer avec une bouteille d’Aspirin, aussi. Il faut que les gens fassent preuve de jugement et que l’étiquetage soit approprié pour éviter cela.
Nous sommes presque en faveur de la légalisation du cannabis comestible parce qu’il donne la possibilité aux gens de consommer le cannabis sans devoir le fumer.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Est-ce que, dans l’expérience de votre association, vous avez des données sur les plaintes qui ont été déposées? C’est tout de même une activité illégale, mais on sait qu’il y a du cannabis qui est produit à domicile, dans certains immeubles à logement, des condos . Est-ce que vous avez des données sur les plaintes de la part d’autres locataires ou d’autres propriétaires, au sujet de la fumée secondaire qui serait transmise par les systèmes de ventilation dans les immeubles plus récents ou même moins récents?
[Traduction]
M. Dickie : Encore une fois, il n’y a pas de statistiques fiables, mais les propriétaires et gestionnaires d’appartements sont préoccupés. De plus, bon nombre des immeubles locatifs sont assez vieux, alors ils ne sont pas aussi bien isolés. Les petits immeubles ont peut-être été construits pour une seule famille, puis divisés en trois, par exemple. Ainsi, il n’y a presque pas de séparation entre les logements. La fumée qui pénètre dans les autres logements représente un gros problème. Nous n’habitons pas dans ces logements, mais nous nous préoccupons de leurs habitants. Les gens m’appellent et me demandent de faire arrêter tout cela. C’est une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd’hui.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je vous remercie de votre témoignage. La plupart des propriétaires d’immeubles vivent les mêmes préoccupations que celles dont vous nous faites part aujourd’hui. Les locataires et les propriétaires de condos partagent aussi vos préoccupations, car cette situation se produit également dans leur cas. J’ai quelques immeubles et condos. L’interdiction du cannabis et la consommation du cannabis fumé ont fait l’objet de plusieurs réunions des propriétaires de condos. Vous représentez bien ce point de vue.
Vous nous avez dit avoir lu un peu au sujet du cannabis. J’aimerais attirer votre attention sur la culture de cette plante. Plus le degré d’humidité est élevé, plus le risque de développer des champignons augmente, ce qui est mauvais pour l’immeuble. Par contre, si on diminue le taux d’humidité pour cultiver le cannabis, on risque de provoquer un autre phénomène, soit l’apparition d’insectes et d’araignées rouges, notamment, qui s’attaquent à la plante en grande quantité. L’expert-cultivateur doit arriver à un équilibre pour éviter les champignons et les araignées. Pour ce faire, il devra faire preuve d’un professionnalisme de haut niveau.
Avez-vous examiné la question de la contamination des bâtiments, soit par les champignons, soit par les insectes, notamment les araignées rouges, qui peuvent se répandre dans les immeubles?
[Traduction]
M. Dickie : Oui, le problème de moisissures est au premier plan de nos préoccupations. J’ai fait mention dans les notes écrites que je vous ai transmises, mais je n’en ai pas parlé dans mon discours préliminaire, faute de temps.
En ce qui a trait aux araignées et aux insectes, personne n’a porté cela à mon attention de façon précise, mais étant donné les mesures qui doivent être prises pour éviter les problèmes, cela soulève de graves préoccupations parce que le cultivateur à domicile moyen n’y accordera probablement pas vraiment d’importance. Il pourra augmenter le taux d’humidité de son logement.
Cela fait partie du problème : les plants en soi font grimper le taux d’humidité, selon les données probantes acceptées par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Allard au sujet de la marijuana à des fins médicales. Il semble que les plants de cannabis libèrent 10 fois plus d’humidité qu’une plante d’intérieur ordinaire. C’est assez important. Si vous avez trois ou quatre plants et que vous utilisez un « screen of green », alors vous pourriez créer un effet de serre.
Ce serait un cas extrême, mais nous voudrions éviter ce genre de problème, pour la sécurité des immeubles.
Le sénateur McIntyre : Certaines provinces ont annoncé leur intention de restreindre davantage le nombre de plants ou même d’interdire la culture. J’ai deux courtes questions à vous poser.
Premièrement, croyez-vous qu’une telle interdiction serait contestée devant les tribunaux? Deuxièmement, est-ce qu’une telle interdiction aiderait ou nuirait à l’objectif du gouvernement d’éloigner le cannabis des enfants et d’éloigner le crime organisé de l’industrie du cannabis?
M. Dickie : Je dirais que l’interdiction de cultiver le cannabis à domicile aiderait à tenir le crime organisé loin de l’industrie parce que, comme je l’ai fait valoir, une personne qui cultive le cannabis à domicile pourrait produire une quantité considérable de marijuana, ce qui pourrait être une source pour l’industrie illégale.
En ce qui a trait à l’objectif d’éloigner les jeunes du cannabis, encore une fois, si les gens n’en font pas pousser à la maison, alors le cannabis ne sera pas aussi facilement accessible. Il n’y aura pas de plant dans l’autre pièce ou en haut des escaliers. On présume que ce sont les adultes qui en achèteront et qui le surveilleront comme ils le font avec les produits du tabac, au lieu d’en faire pousser à la maison.
Excusez-moi; quelle était la première question?
Le sénateur McIntyre : Est-ce que cette interdiction sera contestée devant les tribunaux?
M. Dickie : Je suis avocat et j’ai étudié le droit constitutionnel. Je ne suis pas un grand expert en la matière, mais je crois que l’interdiction de la culture du cannabis à domicile par le gouvernement fédéral serait tout à fait légitime. Le Parlement a le pouvoir en matière de droit criminel. En effet, on crée souvent des infractions réglementaires relatives à la santé et à d’autres enjeux, alors le Parlement pourrait certainement interdire la culture à domicile.
Je crois que le Parlement pourrait aussi laisser les provinces décider. Nous préférerions que ce ne soit pas le cas. Nous préférerions une mesure pancanadienne, qui serait claire pour tout le monde.
À mon avis, si le Parlement laisse les provinces décider, elles pourront interdire la culture du cannabis.
Le sénateur Gold : J’aimerais poursuivre sur la lancée de mon collègue, le sénateur McIntyre.
Comme vous l’avez dit, et comme nous le savons, le Québec et le Manitoba ont tous deux annoncé qu’ils interdiraient la culture du cannabis dans leur province. Nous avons en place un régime pour la marijuana à des fins médicales, qui permet la culture à domicile à cette fin et cette permission demeurera en place, du moins jusqu’à ce que les tribunaux ou le Parlement en décident autrement. C’est donc complexe. La ministre de la Justice a aussi fait valoir que, de l’avis du gouvernement, il existe des raisons stratégiques légitimes pour préserver le droit des personnes de cultiver le cannabis.
Si l’on met tout cela ensemble, ne croyez-vous pas que la loi provinciale, les règlements municipaux, les règles relatives aux copropriétés et autres permettraient de régler ce problème, qui est réel, j’en conviens?
Je suis locateur également, alors je comprends tout à fait la portée des problèmes. Mais ne devrait-on pas permettre aux provinces, aux municipalités, aux associations de locataires et aux locateurs de régler la question en ayant recours à leurs propres pouvoirs en matière de réglementation?
M. Dickie : Premièrement, pour répondre à la question sur la marijuana à des fins médicales, lorsque je lis au sujet des cas qui ont mené le gouvernement à établir un régime réglementaire en ce sens, je comprends qu’à l’époque, la seule façon pour ces gens d’obtenir de la marijuana de manière légale, c’était d’en faire pousser à domicile. Sinon, ces gens devaient faire affaire avec le crime organisé, ce qui était considéré comme une atteinte à leur sécurité.
Puisqu’en vertu du nouveau régime, la marijuana sera offerte légalement, le besoin pour les personnes qui en consomment à des fins médicales de la faire pousser à la maison diminuera grandement, surtout si le produit est offert, si les prix sont stables et si l’on applique toutes sortes de règles en matière d’étiquetage et de vérifications de sécurité.
À mon avis, le besoin pour les personnes qui consomme la marijuana à des fins médicales de faire pousser leurs propres plants sera éliminé.
Pourquoi ne croyons-nous pas que les provinces, les villes, les copropriétés et les locateurs pourront établir les règles? L’une des principales raisons, c’est qu’on aura un grand ensemble de règles disparates. Certains locateurs ont des immeubles dans six ou huit provinces. En règle générale, les gouvernements n’ont pas tendance à laisser les locateurs gérer les problèmes sociaux. Ils préfèrent nous dire quoi faire à ce sujet, alors c’est un peu ironique de dire que les locateurs devraient s’en occuper.
Je conviens que cela présenterait certains avantages. Les copropriétaires de certains immeubles pourraient décider de permettre l’usage et même la culture du cannabis dans leurs logements, mais il y aurait toutes sortes de règles qui seraient difficiles à appliquer.
Le Québec a notamment décidé d’interdire la culture du cannabis à domicile à la suite d’un sondage réalisé par les propriétaires, qui demandait dans quelle mesure ils croyaient que la police pourrait appliquer la limite de quatre plants. Je ne me souviens plus du pourcentage exact, mais environ 80 p. 100 des locateurs ont dit : « Oubliez cela. La police ne pourra pas faire respecter l’interdiction ou la limite de quatre plants de cannabis. » C’était l’un des arguments auxquels le Québec a répondu lorsqu’il a décidé d’interdire toute forme de culture du cannabis à domicile. Il s’agit d’un critère clair, pour reprendre les propos de M. Morneau au sujet de ses réformes fiscales, qui sont une autre marotte… mais je n’irai pas là aujourd’hui.
Le président : Pas dans ce comité.
M. Dickie : Non, je le sais. Bien que j’aie reçu beaucoup d’appels au sujet des réformes fiscales, j’en ai reçu encore plus sur la marijuana.
La règle claire interdisant la culture à domicile... C’est facile. Si elle s’applique partout, alors un Albertain qui déménage ici ou un Ontarien qui déménage au Québec ne se retrouveront pas dans le pétrin parce que tout à coup, c’est illégal en Ontario ou au Québec, mais qu’ils ont passé toute leur vie en Alberta ou en Ontario.
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre réponse, mais peu importe la portée du pouvoir fédéral en matière de droit criminel, de toute évidence, la propriété et les droits civils dans la province relèvent avant tout et exclusivement des provinces. Dois-je donc comprendre que, comme solution de rechange à votre recommandation, c’est-à-dire que ce soit interdit à l’échelle nationale par des mesures législatives adoptées par le Parlement, vous appuieriez néanmoins l’idée — comme je crois vous avoir entendu le dire — qu’on donne aux provinces la marge de manœuvre nécessaire pour réglementer à cet égard, y compris interdire la culture à domicile si elles le décident?
M. Dickie : Oui, en guise de solution de rechange, certainement. J’aimerais que les provinces soient en mesure de l’interdire en vertu de n’importe quel pouvoir nécessaire leur permettant de le faire.
La sénatrice Eaton : Monsieur Dickie, j’aimerais vous parler de l’Ontario. Les dispositions touchant les propriétaires résultent des lois strictes de la province concernant les locataires qui rendent illégale la modification d’un bail avant qu’il arrive à échéance. Par conséquent, les propriétaires ne pourront pas réglementer la consommation de la marijuana dans leurs immeubles d’appartements pour les locataires actuels. Ils ne pourront le faire que pour ceux qui loueront un appartement après la légalisation. Ai-je raison de dire cela?
M. Dickie : Je soulignerais plutôt deux aspects. La question concernant un locataire actuel est préoccupante, mais la préoccupation pour un locataire dure tant qu’il occupe l’immeuble. Cela ne se termine pas à la fin du bail. C’est une chose que j’ai dite lorsque j’ai comparu devant le comité de la Chambre des communes, et un certain nombre de personnes l’ignoraient. Car, en Ontario…
La sénatrice Eaton : On ne peut pas expulser quelqu’un.
M. Dickie : On ne peut pas expulser quelqu’un. Si le locataire veut rester, la location est renouvelable mensuellement, selon les anciennes conditions.
L’autre chose, c’est que les propriétaires — pas tous, mais bon nombre des plus gros d’entre eux — sont autorisés à établir de nouvelles règles. Un certain nombre d’entre eux prennent des mesures pour interdire à la fois la culture et la consommation à domicile. Or, la question qui se pose, c’est celle de l’application. Encore une fois, au titre des lois ontariennes, il ne suffit pas de montrer le bail et d’en signaler la rupture, peu importe la clarté du son contenu, du pouvoir et des règles. Pour pouvoir appliquer la règle, en fait, le propriétaire doit prouver que le non-respect de cette dernière entrave substantiellement la jouissance raisonnable pour d’autres locataires ou porte atteinte aux droits et intérêts du propriétaire.
Du côté des locataires, le problème concerne davantage les preuves, car ils n’aiment pas témoigner contre leurs voisins aux côtés desquels ils devront continuer à vivre. Cela nous pose problème.
La sénatrice Eaton : Qu’en est-il des gens qui sont autorisés à acheter et à fumer de la marijuana thérapeutique? Ce matin, une femme, au bout du couloir, m’a montré sa boîte. Que fait-on dans ce cas pour les immeubles d’habitation? Si la personne dit qu’elle a une ordonnance, que faites-vous?
M. Dickie : Nous sommes obligés d’autoriser les gens à fumer. Nous sommes tenus de le faire au titre du Code des droits de la personne de l’Ontario, car nous devons tenir compte des besoins des personnes ayant un handicap. Le fait qu’elles doivent consommer de la marijuana à des fins médicales — et c’est légal dans ce cas — leur donne le droit d’en fumer et, en fait, d’en cultiver en respectant la limite permise.
Les locataires n’ont toujours pas le droit de le faire, bon gré mal gré. Certes, nous sommes censés pouvoir faire en sorte qu’ils contrôlent le taux d’humidité et qu’ils n’endommagent pas l’immeuble. Or, le problème, c’est que nous ne savons même pas s’ils ont l’autorisation du gouvernement fédéral. Cela pourrait constituer un autre problème pour ce comité. Le régime de marijuana médicale comporte des lacunes à cet égard. On ne nous dit pas si une personne fume ou cultivera de la marijuana dans nos immeubles.
La sénatrice Eaton : En Ontario, les résidants sont autorisés à consommer la substance dans des pièces d’habitation privées, indépendantes, ce qui inclut les immeubles à logements multiples, tandis que ce sera interdit dans tous les lieux publics. C’est donc presque comme si l’on pouvait fumer un joint au rez-de-chaussée de son immeuble. Ce ne serait pas possible, n’est-ce pas?
M. Dickie : C’est exact. Une personne doit le faire dans son appartement. Le problème, c’est que la fumée ne respecte pas les limites de l’appartement.
La sénatrice Eaton : Je suis d’accord avec vous. On est donc coincé.
M. Dickie : Exactement.
La sénatrice Batters : Je vous remercie de votre présence. Vous n’avez probablement jamais pensé, il y a à peine cinq ans, que vous vous retrouveriez un jour devant le comité sénatorial des affaires juridiques et que vous auriez à en apprendre autant sur la culture de la marijuana dans votre carrière juridique.
Je me demande si vous pouvez nous en dire un peu plus sur les dommages que cause la culture de la marijuana aux logements locatifs, ce qui, j’en suis sûre, inquiète les membres de votre association.
M. Dickie : Certainement. Nous sommes inquiets au sujet des dommages causés par l’humidité. Nous sommes inquiets en raison des questions de sécurité électrique et de la sécurité incendie, de même que de l’odeur qui s’imprègne. C’est similaire au problème que posent les gros fumeurs. Après 20 ans, il faut peindre les murs de l’appartement et en appliquer au moins six couches pour se débarrasser de l’odeur. Je ne sais pas si on s’en débarrasse ou si on la cache avec l’odeur de la peinture.
L’autre question connexe, c’est que les municipalités devront déterminer ce qu’elles feront. À ce moment-ci, bon nombre d’entre elles ont des règlements municipaux sur la remise en état des bâtiments ayant servi à la culture de la marijuana de sorte que s’il y a une installation de culture de la marijuana dans l’immeuble, le propriétaire doit prouver à la ville que l’immeuble ou le logement est un lieu d’habitation sûr.
À titre d’avocat, j’ai représenté une femme — j’étais vraiment peiné pour elle. Elle vivait à l’étage inférieur, et le locataire qui vivait en haut de chez elle cultivait environ 50 petits plants de cannabis. C’était un espace fermé. Eh bien, il a été arrêté. La police a constaté cela. Il a été accusé. La police n’a rien fait. Alors, un an plus tard, lorsqu’il a plaidé coupable, on s’est réveillé et la ville a été avisée de cette culture, parce qu’il s’agissait de 50 plants, ou du moins parce que c’était une installation de culture de marijuana.
La femme a dû fermer la maison, faire venir un ingénieur et embaucher une personne compétente pour vérifier la qualité de l’air. La société de prêt hypothécaire a dit qu’elle voulait prendre possession de la maison. C’était un cauchemar. Cela lui a coûté 10 000 $ ou 15 000 $, et ce, avant nous, tout cela parce que le locataire avait cultivé cette quantité de marijuana.
Encore une fois, la légalisation et les installations de culture légales — on présume que les villes modifieront leurs règlements de sorte qu’ils ne s’appliquent pas à cela, mais elles les maintiendront probablement en vigueur parce que la culture se poursuivra.
La sénatrice Batters : À quel point cela peut-il causer de la moisissure?
M. Dickie : Dans cette unité, il n’y avait rien; elle a dépensé tout cet argent pour prouver qu’il n’y avait aucun dommage.
La sénatrice Batters : Et dans les autres cas que vous avez vus?
M. Dickie : Il y a des cas où les gens font de la culture commerciale.
Je suis ici pour être honnête avec vous. Si une personne cultive deux plants, qu’il ne s’agit pas d’une culture substantielle, cela ne cause pas beaucoup de dommages.
La sénatrice Batters : Or, d’après ce que vous avez vu, lorsque c’est le cas…
M. Dickie : Il peut y avoir des dommages considérables. Je sais que pour certaines habitations, à Ottawa, la remise en état a coûté 100 000 $ ou 150 000 $ en raison des dommages causés par les moisissures, des produits chimiques, et cetera, en raison d’une culture de marijuana substantielle.
La sénatrice Batters : Concernant les produits comestibles, je me disais que si une personne cultive un grand nombre de plants de marijuana et s’en sert pour fabriquer des produits comestibles, le processus de fabrication peut être dangereux.
M. Dickie : Je serais très peu enthousiaste si on légalisait cela.
La sénatrice Boniface : Je suis vraiment ravie de votre présence. Je voulais poursuivre dans la foulée de la question du sénateur Gold quant à ce que vous appelez un ensemble hétérogène. Diriez-vous que pour le tabac, il y a un système disparate à l’heure actuelle?
M. Dickie : C’est vrai. Je dirais que ce n’est pas autant le cas, car le tabac n’est pas un produit illégal et les gens y sont plus habitués. Parallèlement, les associations qui défendent les droits des non-fumeurs sont très actives. C’est donc un ensemble hétérogène.
Encore une fois, les lois sont généralement modifiées au fil du temps; parfois, c’est qu’elles évoluent. Or, elles peuvent aussi être modifiées rapidement. Lorsque je suis allé en France il y a 20 ans, tout le monde fumait n’importe où, et maintenant, il est interdit de fumer dans les endroits publics. C’était partout en France; et non seulement à Paris, pour les touristes.
La sénatrice Boniface : Du point de vue de votre association, vous avez tout intérêt à vous assurer que vos résidences peuvent être louées à nouveau sans être endommagées. Je viens de l’Ontario rural, et lorsque je parle de cette question dans certaines régions rurales, il s’agit d’une question d’accessibilité qu’ils voient se dessiner à l’horizon. Il y a des gens qui possèdent leur propre propriété. Une interdiction totale, comme vous le dites, aurait des répercussions sur les gens qui sont propriétaires de leur maison, et l’interdiction de cultiver des plants à domicile inclurait la culture de quatre plants dans leur cour arrière?
M. Dickie : Oui, simplement pour que cela demeure un critère très clair, pour que ce soit très simple. À part ce qui concerne le critère clair et les questions liées à l’application de la loi, la culture à domicile dans une maison unifamiliale occupée par le propriétaire préoccupe moins mes membres.
La sénatrice Boniface : Serait-ce une question d’égalité?
M. Dickie : Or, aurons-nous alors un ensemble hétérogène fondé sur l’aspect géographique?
La sénatrice Boniface : Voilà le problème.
M. Dickie : Au moins, en Ontario, il sera possible de recevoir du cannabis par envois postaux; remarquez bien qu’on prévoit imposer des limites aux magasins à un point ridicule, je crois. Il y a des questions d’égalité, peu importe comment on procède, ou des questions liées aux droits de la personne et il y a les intérêts des gens. C’est une question très complexe. Qui savait, il y a deux ans, que c’était une question aussi complexe?
La sénatrice Boniface : C’est complexe.
Le sénateur Pratte : Monsieur Dickie, hier, Statistique Canada a publié une enquête sur les Canadiens et leur consommation de cannabis, les sources auprès desquelles ils en obtiennent, et cetera. L’enquête nous apprend que le cannabis cultivé à domicile est, de loin, le moins populaire. En fait, parmi les Canadiens qui consomment du cannabis, seulement 9 p. 100 en cultivent eux-mêmes ou ont quelqu’un qui le cultive pour eux. Ils l’obtiennent habituellement auprès d’amis — 31 p. 100 d’entre eux —; le partagent avec un groupe — 22 p. 100 —; ou l’obtiennent auprès d’une connaissance — environ 20 p. 100. Qu’est-ce qui vous fait croire que la légalisation se traduira par une augmentation soudaine et importante de la culture à domicile?
M. Dickie : Je vais d’abord parler un peu de l’enquête. Je ne l’ai pas lue; j’étais occupé par autre chose hier. Or, parmi les sources que vous avez nommées, je n’ai pas entendu « vendeurs », car je pense…
Le sénateur Pratte : On le mentionne. Veuillez m’excuser; je vais vous donner la proportion de gens qui obtiennent du cannabis auprès de vendeurs : 19 p. 100.
Le sénateur Carignan : Ils n’y sont pas.
Le sénateur Pratte : Je vous donne les résultats : dispensaire, 19 p. 100; vendeur, 19 p. 100; producteur en ligne autorisé, 14 p. 100; détaillant autorisé, environ 11 p. 100; et produit cultivé, 9 p. 100.
M. Dickie : S’agit-il de la source auprès de laquelle ils veulent s’en procurer ou de celle auprès de laquelle ils s’en procurent actuellement.
Le sénateur Pratte : La source actuelle.
M. Dickie : Pour l’essentiel, les dispensaires ne sont que des vendeurs organisés qui ont posé un document médical sur le mur en quelque sorte. C’est donc 38 p. 100. Pour ce qui est des détaillants autorisés, j’imagine qu’il s’agit ici de consommation à des fins médicales.
Or, à mon avis, si la culture à domicile devient légale, plus de gens en cultiveront. On ne sait peut-être pas dans quelle mesure. Une augmentation, selon moi… J’ai deux enfants qui sont maintenant de jeunes adultes et qui ont des amis. Je ne vous dis pas qui parmi eux consomment du cannabis, mais certains le font.
Le sénateur Pratte : Nous ne voulons pas le savoir non plus.
M. Dickie : Merci.
De toute évidence, la personne ou les deux personnes auxquelles je pense obtiennent du cannabis auprès de vendeurs. Elles n’en feraient pas la culture dans leurs appartements, car elles ne veulent pas mêler leur conjoint ou conjointe à cela et ne veulent pas causer de problème avec leur propriétaire, car c’est illégal.
Pour bien des gens, la question de la légalité par opposition à l’illégalité est, encore une fois, un critère clair. Certaines personnes esquivent cela. Or, pour bon nombre de gens, si c’est légal, c’est bien. C’est presque comme un permis. Si c’est illégal, même si c’est appliqué de façon modérée, eh bien, les gens y renonceront.
Encore une fois, il s’agit d’une expérience sociale; nous ne le savons pas. Or, à mon avis, il y aura une augmentation de la culture à domicile. Honnêtement, je pense que cette augmentation sera substantielle, mais puis-je prédire un pourcentage? Non, pas du tout.
Le sénateur Pratte : Le fait est que, comme vous l’avez expliqué plus tôt, il n’est pas facile de cultiver son propre cannabis, mais il sera facile de se procurer du cannabis légal en magasin, par exemple. Nous pouvons émettre autant d’hypothèses que nous le voulons, mais il sera facile d’y avoir accès et il sera un peu plus compliqué d’en faire la culture. Je crois donc qu’on peut se demander si la culture à domicile augmentera aussi substantiellement que vous le prévoyez.
M. Dickie : Je suis d’accord avec vous en principe. Or, quand je pense au système de distribution de l’Ontario, que je connais plus que celui des autres provinces, je n’ai pas l’impression que ce sera facile. On parle d’établir environ 40 magasins dans une province comptant 13 millions de personnes au cours de la première année. Je ne crois pas qu’il sera facile d’avoir accès à du cannabis légal.
De plus, les gens ne veulent pas en commander par la poste, semble-t-il. Ils veulent se rendre dans un dispensaire pour en acheter. Encore une fois, il ne s’agit pas d’un problème relevant du fédéral, en un sens, mais le fait que l’Ontario et certaines autres provinces restreignent autant l’accès n’est d’aucune utilité.
Honnêtement, et j’irai plus loin, cela m’irrite de voir que l’Ontario semble interdire aux gens de consommer du cannabis dans les endroits publics, comme dans les parcs et les rues, mais pas dans leur appartement, alors que cela dérange d’autres personnes. Puisqu’il interdira également les salons de cannabis, où diable les gens vont-ils en consommer? Dans leur appartement. Je n’en reviens pas. Encore une fois, en raison de la Constitution, les provinces ont ces droits et ces pouvoirs.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur la valeur des immeubles. Au Québec, il y a l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ), qui fait des recommandations aux courtiers en immeubles quant au fait de déclarer ou pas si la propriété a fait l’objet d’une plantation de cannabis. Évidemment, l’organisme suggère de le déclarer pour éviter des problèmes de vice caché, de moisissures, et cetera. Cependant, certaines personnes choisissent de ne pas le déclarer, parce que cela réduit la valeur de l’immeuble.
En tant qu’association de propriétaires d’immeubles, pensez-vous que l’atteinte à la valeur de la propriété fait partie des craintes exprimées par vos membres lorsqu’il y a une culture de cannabis à l’intérieur de l’immeuble?
[Traduction]
M. Dickie : Oui, c’est une préoccupation. La principale raison d’être des règlements municipaux sur la remise en état des bâtiments ayant servi à la culture de la marijuana était de faire en sorte que la police fasse un rapport à une autorité publique, afin que personne ne puisse cacher ou éviter de divulguer le fait que leur propriété a été utilisée comme lieu de culture. Ensuite, on est allé plus loin pour exiger la remise en état et la vérification, par les autorités municipales, que cette remise en état était adéquate. Ces mesures ont certainement réduit de plusieurs centaines de milliers de dollars la valeur d’une maison unifamiliale qui avait été utilisée pour la culture de la marijuana, par exemple, dans la ville d’Ottawa.
En ce qui concerne la question des rapports, je crois presque que c’est une conséquence de troisième niveau de ce qui est fait aujourd’hui et de ce qui est fait par les provinces. Je trouve donc difficile de prévoir comment cela se déroulera et si tout le monde sera satisfait de savoir qu’on a cultivé de la marijuana dans une maison en respectant la limite de quatre plants, et que cela ne dérangera personne, ou si les gens seront toujours préoccupés. Je ne connais pas les répercussions que cela aura sur le marché.
Certainement, en ce qui concerne les gros propriétaires — je ne sais pas si vous trouvez cela stupéfiant, mais je trouve cela assez stupéfiant —, la plupart des plantations de marijuana illégale et commerciale sont situées dans des maisons unifamiliales. Toutefois, certaines d’entre elles se situent dans des appartements. En effet, des gens sont arrivés avec des camions d’engrais et de plants qu’ils ont ensuite transportés dans les corridors de l’immeuble. Je ne sais pas comment ils ont réussi à cacher cela à leurs voisins. Le propriétaire découvre souvent la plantation lorsque sa facture d’électricité bondit soudainement, car il cherche la cause et trouve l’appartement qui a été transformé en plantation de marijuana. Ce type d’activité sera manifestement toujours illégal, mais toutes sortes de choses se produisent certainement. Toutefois, nous ne connaissons pas l’endroit et le moment. Nous tentons de déterminer comment minimiser les effets négatifs.
Le président : Y a-t-il d’autres questions, honorables sénateurs, avant que je remercie notre témoin d’aujourd’hui?
Merci beaucoup, monsieur Dickie, de votre contribution à nos travaux. Ils ajoutent un autre volet, comme vous le dites, à une décision législative importante, car il y a de nombreux éléments à considérer. Vous nous avez aidés à cerner un autre volet dont nous devrons tenir compte.
M. Dickie : Je vous en prie. Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de comparaître.
Le président : Honorables sénateurs, habituellement, lorsque nous discutons de l’ébauche d’un rapport, nous nous réunissons à huis clos. Un sénateur ou une sénatrice doit donc proposer une motion pour que nous poursuivions la réunion en public ou que nous nous réunissions à huis clos.
La sénatrice Batters : Je propose que nous poursuivions la réunion en public. Je crois que c’est important pour l’ouverture et la transparence de cet enjeu. Étant donné que nous avons tenu toutes nos audiences en public — et je crois que nous aurons une discussion importante au sujet des recommandations qui pourraient être exigées dans ce rapport —, je crois qu’il est important, à des fins de transparence, que le public soit en mesure de regarder notre discussion.
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires liés à la proposition de la sénatrice Batters?
Le sénateur Sinclair : Habituellement, lorsque nous discutons de l’ébauche d’un rapport, nous nous réunissons à huis clos. Je ne vois pas pourquoi nous dérogerions à cette pratique. Cela nous donne l’occasion d’avoir une discussion complète et franche. Je peux comprendre la pertinence d’avoir une discussion publique, mais notre discussion liée à l’étude article par article est habituellement publique. À ce moment-ci, nous n’avons pas encore discuté du processus par lequel nous discuterons des amendements potentiellement apportés au projet de loi, et je crois que cette partie de notre discussion devrait être publique. Toutefois, je crois que la discussion sur la rédaction d’une ébauche de rapport devrait se dérouler à huis clos, afin que nous puissions avoir une discussion complète et franche sur le format que nous voulons donner à notre rapport.
Je m’oppose donc à la motion et je suggère de nous réunir à huis clos pour au moins discuter de la façon dont nous rédigerons ce rapport, car il faudra donner des directives au personnel et communiquer nos attentes. Il pourrait y avoir des différences d’opinions à cet égard. Nous devons résoudre ces différences maintenant.
Le président : Je comprends donc que vous êtes contre la motion de la sénatrice Batters.
Y a-t-il d’autres commentaires à ce sujet?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J’appuie la sénatrice Batters. C’est une question d’enjeux majeurs pour les Canadiens. La séance publique montre notre intention de bien les informer.
[Traduction]
Le sénateur Gold : Je crois que nous devrions poursuivre notre tradition, c’est-à-dire avoir ces discussions à huis clos. Il y a eu et il y aura d’autres occasions de communiquer l’avis du comité au public et certainement par l’entremise des débats au Sénat et ailleurs. Toutefois, à ce moment-ci, je ne vois aucune raison, nonobstant l’intérêt du public pour le sujet, de ne pas respecter nos traditions de longue date.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Je pense que la pratique de tous les comités auxquels j’ai participé depuis que j’ai été nommée le 15 novembre 2016 est de toujours permettre une discussion à huis clos, pour assurer la sérénité des débats, mais aussi pour permettre une discussion des enjeux liés directement au mandat du comité.
Dans ce cas-ci, nous n’avons pas reçu le mandat général de discuter du projet de loi C-45 et, personnellement, je trouve très dangereux de donner l’impression aux Canadiens que nous sommes en train de régler le sort du projet de loi C-45. Nous avons un mandat très spécifique et extrêmement technique. Je pense, dans ce cas, que nous devons donc faire notre travail, comme nous le faisons habituellement. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec cette proposition.
[Traduction]
Le président : D’autres commentaires?
La sénatrice Eaton : Je ne suis pas en désaccord avec tout ce qui a été dit, mais je crois, comme nous l’avons vu ce matin, qu’il y a beaucoup d’éléments complexes et que rien n’est simple dans ce dossier. On a qu’à penser aux propos de M. Dickie sur ce que les locataires ont le droit de faire et pourquoi ils ont le droit dans certaines provinces. Je crois qu’il serait utile que les gens qui ont suivi nos débats avec les témoins à la maison entendent nos préoccupations, par exemple celles liées à la culture de quatre plants, et qu’ils suivent la façon dont nous abordons ces enjeux et la façon dont nous menons un débat à leur égard.
La sénatrice Boniface a mentionné le fait qu’une grande partie du Canada est rural. Un grand nombre de personnes aimeraient cultiver cette plante dans leur jardin, mais si ces personnes vivent dans des immeubles à condo, ce n’est peut-être pas possible. Je crois que si ces personnes pouvaient entendre nos arguments liés à chaque amendement, elles pourraient nous entendre discuter des amendements dans le rapport. Si nous nous réunissions à huis clos, la population pourrait se demander ce que nous faisons et craindre que nous passions des marchés.
Je ne crois pas qu’il y a autant d’intérêt pour les autres lois que nous adoptons. Je ne crois pas que les gens s’intéressent autant à d’autres débats qu’à celui-ci. Je ne sais pas si vous recevez des messages sur Twitter, mais j’ai certainement reçu des messages sur Twitter de gens qui nous ont regardés. J’aimerais penser qu’en ce qui concerne ce projet de loi, nous serons plus transparents que d’habitude, surtout en raison des nombreux jeunes de la génération du millénaire qui nous regardent.
Le sénateur Gold : Je comprends les commentaires et les raisons de mes collègues qui souhaitent que cette réunion soit télévisée, mais nous n’avons même pas discuté de la question de savoir si notre rapport comprendra des recommandations liées à des amendements. Nous n’avons pas discuté du processus. Nous n’avons même pas eu l’occasion d’examiner ou plutôt de discuter des directives liées à la rédaction ou au format du rapport. Je crois que nous ferons mieux notre travail si nous nous réunissons à huis clos, comme nous l’avons toujours fait.
Lorsque le rapport sera terminé et présenté, je recevrai avec plaisir l’attention du public sur les conclusions de nos travaux, mais nous sommes à la première étape, lorsque nous décidons la méthode que nous utiliserons dans un processus sans précédent. J’appuie donc fortement l’idée de faire les choses comme nous les avons toujours faites.
Le président : Y a-t-il d’autres commentaires? La sénatrice Batters peut conclure.
La sénatrice Batters : Je tiens à souligner qu’il est assez rare que notre Comité sur les affaires juridiques doive seulement mener une étude préliminaire. Habituellement, si nous menons une étude préliminaire, nous menons également l’étude principale sur le projet de loi. Notre comité des affaires juridiques mènera donc seulement une étude préliminaire sur ce projet de loi. Par conséquent, je crois qu’il est important que le public assiste à la plus grande partie de la discussion.
Malheureusement, nous sommes également dans une situation dans laquelle, jusqu’à notre déménagement — bientôt, nous l’espérons —, les Canadiens ne pourront pas regarder nos débats. D’excellents discours ont été prononcés dans la salle du Sénat, mais seul leur contenu audio a été transmis. Ici, nous avons l’occasion de montrer aux gens exactement ce que nous faisons. Je crois qu’il est important que le public puisse nous voir mener ces débats sur ces enjeux très importants. Étant donné que nous n’avons pas pu leur montrer le contenu vidéo de nos débats dans la salle du Sénat, je crois qu’il est important d’offrir la plus grande transparence possible sur cet enjeu crucial qui intéresse grandement un si grand nombre de Canadiens.
Le président : Nous allons voter.
Tous ceux qui sont pour la proposition présentée par la sénatrice Batters selon laquelle la réunion demeure publique, pourriez-vous lever la main? Tous ceux qui sont contre? Y a-t-il des abstentions?
Il y a donc cinq pour et cinq contre. La motion est rejetée, car il y a égalité.
Nous nous réunirons donc à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)