Aller au contenu
LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule no 63 - Témoignages du 29 mai 2019


OTTAWA, le mercredi 29 mai 2019 (séance de l'après-midi)

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd’hui, à 13 h 32, pour étudier la teneur des éléments de la section 17 de la partie 4, et des sous-sections B, C et D de la section 2 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, c’est avec grand plaisir que je vous souhaite la bienvenue cet après-midi ainsi qu’à l’honorable David Lametti, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada. Il est accompagné de Mme Nathalie G. Drouin, sous-ministre, et de Mme Isabelle Jacques, sous-ministre adjointe.

Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous entendre sur les dispositions budgétaires qui concernent votre ministère et les responsabilités de ce comité, à savoir les modifications apportées à la Loi sur les juges et au Code criminel sur les dispositions relatives au blanchiment d’argent. Nous avons un temps limité. Je sais que vous devez aussi retourner à l’autre endroit. Vous avez la parole.

L’honorable David Lametti, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Bonjour à vous tous, et merci de m’accueillir encore une fois avec mes collègues.

Je suis ravi d’être parmi vous aujourd’hui pour vous parler de certaines initiatives que notre gouvernement propose dans le budget de 2019. D’une part, il s’agit d’accroître l’intégrité du système d’octroi de l’asile et de nommer trois nouveaux juges de la Cour fédérale reliés à cette initiative.

[Traduction]

Je vous signale que le ministre Blair va comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales pour discuter de notre Stratégie en matière de protection frontalière. M. Blair est en effet le principal responsable de cette vaste initiative au sein de notre gouvernement.

Les dispositions prévoyant l’augmentation du nombre de juges à la Cour fédérale dans la section 17 du projet de loi C-97 dont nous discutons aujourd’hui sont liées directement à la Stratégie en matière de protection frontalière relevant du ministre Blair, mais je vais tout de même y faire brièvement allusion dans le contexte des postes à pourvoir à la Cour fédérale.

Compte tenu de mes responsabilités à l’égard de l’application du Code criminel, je vais également traiter des changements que nous proposons à la sous-section B de la section 2 du projet de loi C-97 concernant l’initiative de notre gouvernement pour lutter contre le blanchiment d’argent.

En revanche, le ministre Blair de même que le ministre Morneau, qui comparaîtra devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, sont mieux placés que moi pour vous parler en détail des mesures contenues dans les sous-sections C et D de la section 2 de ce projet de loi.

Ces efforts collectifs faisant intervenir trois ministres donnent suite à l’engagement pris par notre gouvernement de s’attaquer à ces enjeux en reconnaissant les risques importants que le blanchiment d’argent et le crime organisé font peser sur la sécurité nationale du Canada.

Dans le contexte de la section 17, notre gouvernement prend des mesures concrètes pour gérer et décourager la migration clandestine tout en cherchant à déterminer les moyens à privilégier pour assurer une gestion plus efficiente à long terme de notre système d’octroi de l’asile. Nous voulons mettre en place un système dans le cadre duquel des décisions justes et définitives pourront être rendues rapidement. Le budget de 2019 prévoyait à cette fin des investissements de 1,18 milliard de dollars sur cinq ans, à compter de 2019-2020, puis de 55 millions de dollars par année par la suite, afin de rendre notre système mieux apte à assurer sans délai la protection des réfugiés tout en appuyant la mise en œuvre de notre Stratégie en matière de protection frontalière.

[Français]

Pour soutenir la mise en œuvre de notre stratégie, la section 16 du projet de loi C-97 prévoit certaines modifications législatives ciblées à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Bien qu’elles soient hors de la portée de votre étude aujourd’hui, il convient toutefois de mentionner que ces modifications, dans leur ensemble, visent à améliorer la gestion des demandes et à décourager la migration irrégulière.

Aux termes de ces changements, notre gouvernement continuera d’assurer la protection requise aux personnes qui en ont besoin, tout en préservant l’intégrité du système d’octroi de l’asile.

[Traduction]

Je porte cet élément à votre attention du fait que les mesures prévues à la section 16 du projet de loi C-97 auront sans doute un impact direct sur la charge de travail de la Cour fédérale.

Comme nous l’avons indiqué, la Stratégie en matière de protection frontalière comprend du financement en vue d’accroître la capacité de traitement du système qui devrait ainsi passer de 26 000 à 50 000 demandes par année d’ici 2020-2021.

À la faveur de ces gains d’efficience et de cet accroissement de la capacité du système d’octroi de l’asile, le nombre de cas traités va augmenter. Le volume de dossiers relatifs au droit d’asile dont la Cour fédérale est saisie va s’accroître en conséquence. Il s’agit notamment des requêtes en autorisation, des demandes de révision judiciaire et des requêtes en sursis à l’exécution d’un renvoi.

[Français]

Ainsi, le budget de 2019 prévoit du financement pour ajouter trois juges à l’effectif de la Cour fédérale, qui passerait donc de 36 à 39 juges. Cet ajout figure à la section 17 du projet de loi C-97, qui prévoit à cet effet la modification du paragraphe 5.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour fédérale a besoin de ces trois juges de plus pour composer avec la hausse prévue des cas à traiter, qui devrait découler des changements proposés au système d’octroi de l’asile.

[Traduction]

Ce volume accru de causes pourrait avoir un impact considérable sur la facilité d’accès à la justice, aussi bien pour les demandeurs d’asile que pour quiconque doit s’adresser à la Cour fédérale.

Comme vous le savez, la Cour fédérale est notre tribunal national de première instance. On y entend et règle les différends juridiques fédéraux portant sur des sujets dont le Parlement a saisi la cour. Il s’agit notamment de réclamations contre le gouvernement du Canada de poursuites civiles entre particuliers dans des domaines assujettis à la réglementation fédérale, et de la révision de décisions rendues par la plupart des tribunaux fédéraux. Pour tous les Canadiens, l’ajout de nouveaux juges permettra un accès plus facile à la justice à l’égard de toutes les questions relevant de la compétence de la cour.

Nous prévoyons que l’intégration de nouveaux juges sera nécessaire étant donné l’augmentation prévue du nombre de causes dont la Cour fédérale sera saisie, mais nous n’allons pas manquer pour autant de prendre toutes les dispositions et précautions nécessaires avant la nomination des juges appelés à occuper les nouveaux postes créés.

[Français]

La nomination des nouveaux juges s’effectuera seulement si on peut démontrer qu’elle est nécessaire en s’appuyant sur le volume de cas à traiter ou sur l’analyse des nouveaux cas que l’on prévoit.

Bien sûr, nous ne pouvons pas simplement déplacer le problème en nous limitant à résoudre l’arriéré des demandes d’asile pour créer un goulot d’étranglement ailleurs. C’est pour cette raison que de nouveaux postes de juge seront créés pour éviter à la Cour fédérale d’accumuler des retards, ce qui ne ralentirait pas seulement le traitement des demandes d’asile, mais nuirait également à la capacité de la cour de gérer efficacement l’ensemble de ces dossiers, comme on en a préalablement discuté.

[Traduction]

Pour ce qui est des mesures proposées dans la sous-section B de la section 2, il faut dire que notre gouvernement prend très au sérieux la menace que représentent le blanchiment d’argent et le crime organisé pour notre sécurité nationale et l’intégrité de notre secteur financier.

[Français]

L’article 462.31 du Code criminel, qui porte sur l’infraction de blanchiment d’argent, interdit à quiconque de prendre part en connaissance de cause à des opérations qui visent à cacher des biens ou produits issus de la criminalité ou à les faire passer dans l’économie légale. À l’heure actuelle, cette infraction implique nécessairement que l’accusé sait ou croit savoir que le bien ou le produit a été obtenu ou généré, en tout ou en partie, par la criminalité.

La proposition énoncée à l’article 103 du projet de loi viendrait modifier cette infraction pour y ajouter l’élément psychologique d’« insouciance ». Des poursuites pourraient dorénavant être entamées contre un accusé qui aurait été insouciant en ce qui concerne le fait que le bien ou le produit a été obtenu ou généré, en tout ou en partie, par la criminalité.

[Traduction]

Cette modification permettra donc aux procureurs d’intenter plus facilement des poursuites à l’égard du blanchiment d’argent. Dans certains cas précis, les procureurs pourront ainsi avoir gain de cause en prouvant que le défendeur s’est montré insouciant quant à savoir si les biens visés provenaient ou non d’activités criminelles. Il s’agit d’établir que l’inculpé était conscient qu’il y avait un risque sérieux que les biens soient le fruit d’activités criminelles, mais qu’il a tout de même poursuivi ses activités contraires à la loi.

Il vaut la peine de mentionner que lors de l’examen de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes qu’il a mené en novembre 2018, le Comité permanent des finances de la Chambre des communes a recommandé tout un train de mesures visant à renforcer et à moderniser le régime canadien de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes. Notre amendement visant à faire intervenir la notion d’insouciance dans l’infraction de blanchiment d’argent prévue au Code criminel est l’un des éléments importants de cette série de mesures.

Bref, cette modification que l’on propose d’apporter au Code criminel constituera un outil additionnel permettant de faciliter les enquêtes et les poursuites à l’encontre des professionnels du blanchiment d’argent.

Il n’en reste toutefois pas moins que les forces de l’ordre devront toujours mener des enquêtes exhaustives et rassembler tous les éléments de preuve nécessaires pour monter un dossier de poursuite probant. C’est la raison pour laquelle nous avons également prévu dans le budget de 2019 de nouveaux fonds en quantité appréciable pour appuyer les poursuites et les enquêtes. Il s’agit d’un financement de 68,9 millions de dollars pour la GRC et de 50 millions de dollars pour les équipes d’audit immobilier de l’Agence du revenu du Canada.

Je suis accompagné de deux collègues du ministère, y compris ma sous-ministre, si vous souhaitez traiter d’éléments de nature plus technique. Nous serons ravis de répondre à toutes vos questions.

[Français]

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre.

J’inviterais maintenant la sénatrice Dupuis, vice-présidente du comité, à ouvrir les échanges avec le ministre cet après-midi.

La sénatrice Dupuis : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui. Je voudrais revenir sur la nouvelle infraction d’insouciance, soit la modification à l’article 462.31 du Code criminel.

Selon votre interprétation, quelle distinction peut-on faire entre les mots « sachant » et « croyant » qu’ils ont été obtenus directement ou indirectement de la criminalité, par rapport aux termes « sans se soucier »? Autrement dit, par rapport à ce nouveau concept juridique, qu’est-ce qui vous a fait choisir ce langage, et comment distinguer le « sachant » du « croyant »?

M. Lametti : D’abord, j’aimerais souligner que ce n’est pas un concept inconnu à la loi. En droit pénal, il y a déjà une norme d’insouciance pour d’autres infractions. C’est quelque chose qui est connu et les normes sont déjà connues légalement. Nous avons élargi l’élément moral, la mens rea, soit l’intention criminelle. Auparavant, c’était une connaissance active et il fallait savoir ou il fallait croire que les biens obtenus provenaient de la criminalité.

Maintenant, c’est une question de risque substantiel. S’il y avait un risque substantiel et qu’on l’avait ignoré, on pourrait avoir l’élément de mens rea nécessaire pour inculper quelqu’un.

La sénatrice Dupuis : Si je comprends bien, il y a une analyse comparative selon le sexe du projet de loi C-97 qui a été faite. Je n’ai pas cru comprendre que cette analyse avait porté sur la partie du projet de loi C-97 relative au blanchiment d’argent lié au trafic humain, y compris le trafic sexuel, qui affecte de jeunes femmes vulnérables. Pouvez-vous nous dire si on a pris cela en considération au sein de votre ministère?

M. Lametti : Je vais demander à Isabelle de vous répondre.

Isabelle Jacques, sous-ministre adjointe, ministère des Finances Canada : Cette analyse a été faite. En ce qui a trait au projet de loi C-97, une analyse comparative a été effectuée pour chacun des éléments à l’étude. Je ne sais pas si elle était suffisamment exhaustive pour couvrir la traite des personnes. Je peux m’engager à vous revenir avec une réponse et voir quelle évaluation nous avons faite à ce sujet.

La sénatrice Dupuis : Oui. Parce que je sais que, il n’y a pas si longtemps, la Police provinciale de l’Ontario, l’OPP, a fait un lien direct entre le blanchiment d’argent et le trafic humain, en particulier le trafic de jeunes femmes vulnérables dans ce contexte. C’est pourquoi j’aimerais bien avoir cette information.

Mme Jacques : Oui.

La sénatrice Dupuis : Merci beaucoup.

[Traduction]

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur le ministre, d’être des nôtres aujourd’hui pour répondre à nos questions.

Je sais que le gouvernement a déjà pris certaines mesures de lutte contre le blanchiment d’argent. Les experts vous diront que c’est un problème bien connu qui est loin d’être nouveau.

Selon un récent rapport publié par l’Institut C.D. Howe sur le blanchiment d’argent, le Canada accuse du retard dans la lutte contre cette forme de criminalité. Le mois dernier, le gouvernement de la Colombie-Britannique a proposé une nouvelle loi visant à prévenir l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent grâce à l’identification des propriétaires anonymes de biens au moyen d’un registre qui sera rendu public en 2020. Le gouvernement a également ordonné qu’une enquête publique soit tenue à ce sujet.

Monsieur le ministre, si le gouvernement fédéral tient vraiment à lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent, pourquoi ne crée-t-il pas lui-même un registre public fédéral de la propriété effective et n’ordonne-t-il pas lui aussi la tenue d’une enquête publique à ce sujet?

M. Lametti : Merci de cette question. J’ai rencontré le ministre Eby la semaine dernière à Vancouver, et je peux vous assurer que nous coopérons en tout point avec le gouvernement de la Colombie-Britannique dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent.

Différentes mesures ont déjà été mises en place et notre gouvernement a investi dans le budget de 2019 des ressources considérables au bénéfice de la GRC et de son unité du crime organisé et des enquêtes sur le blanchiment d’argent, de même qu’au profit de l’ARC et du CANAFE au ministère des Finances. Ces trois institutions fédérales se voient ainsi donner les moyens de lutter de façon plus efficace contre le blanchiment d’argent après les coupures draconiennes, surtout dans le cas de la GRC, que leur a fait subir le gouvernement conservateur qui nous a précédés.

Ces instances pourront de nouveau mener des enquêtes. Nous collaborons avec le gouvernement de la Colombie-Britannique. Nous appuyons ses efforts et nous suivrons de près le déroulement de sa commission d’enquête.

Nous sommes conscients que le problème se manifeste notamment dans le secteur immobilier. Celui-ci relève de la compétence des provinces, mais nous allons donner suite à notre engagement de collaborer avec la Colombie-Britannique. C’est le cas tout particulièrement du ministre Blair, qui travaille en étroite coopération avec le ministre Eby de cette province.

Le sénateur McIntyre : Êtes-vous disposé à ordonner une enquête publique sur cette question et êtes-vous prêt à mettre en place un registre public fédéral de la propriété effective? Il n’en est aucunement question dans le projet de loi.

M. Lametti : Merci de me rappeler votre question concernant la propriété effective. Nous avons facilité la tâche à nos agences d’enquête comme l’ARC et le CANAFE qui seront mieux à même de retracer la propriété effective en vertu des nouvelles dispositions. Sans miser sur un registre public à proprement parler, une possibilité que nous n’appuyons pas mais que nous n’écartons pas non plus, nous avons pour l’instant fait en sorte qu’il soit plus facile pour nos organismes d’enquête de déterminer qui sont les véritables propriétaires lorsqu’un bien particulier est en cause.

Pour ce qui est d’une possible enquête publique, je n’ai rien à vous annoncer à ce sujet. Comme je l’indiquais, nous consacrons pour l’instant énormément de ressources aux activités d’enquête de l’ARC, du CANAFE et de la GRC, et nous travaillons de concert avec le gouvernement de la Colombie-Britannique en attendant de voir comment les choses vont tourner.

Le sénateur McIntyre : Ma dernière question porte sur les modifications proposées à la Loi sur les cours fédérales. Étant donné que, en date du 3 mai dernier, il y avait cinq postes de juge vacants à la Cour fédérale, combien de temps faudra-t-il pour pourvoir les trois nouveaux postes de juge qui sont proposés?

M. Lametti : Encore là, nous allons suivre l’évolution de la situation de très près. Comme je l’indiquais dans mes observations préliminaires, nous créons la possibilité d’ajouter trois postes de juge et nous allons voir comment les choses vont tourner. Je peux toutefois vous assurer que les autres processus de nomination, y compris à la Cour fédérale, se poursuivent normalement.

[Français]

Le sénateur Carignan : Merci, monsieur le ministre, d’être parmi nous aujourd’hui.

J’ai regardé les modifications, et en particulier le changement de la définition relativement à la question de l’insouciance par opposition à la question de l’aveuglement volontaire. Cela donne l’impression qu’on sera plus sévère pour être en mesure d’inculper plus de personnes qui s’adonnent au blanchiment d’argent ou à ce genre de fraude. D’un autre côté, nous avons le projet de loi C-75, que nous sommes en train d’étudier, qui va inclure des infractions hybrides pour les crimes en col blanc. J’ai consulté un rapport de l’OCDE sur les peines maximales pour les infractions reliées aux offenses fiscales ou de ce genre, et j’y ai observé que le Canada est un des pays les moins sévères pour ce qui est des peines de prison parmi les pays de l’OCDE. Nous imposons un maximum de cinq ans d’emprisonnement, alors que la plupart des autres pays imposent plus de cinq ans. De plus, on ne touche pas à l’aspect des fiducies, un peu comme mon collègue en a parlé tout à l’heure.

Avez-vous vraiment l’impression que cet amendement au projet de loi va régler la difficulté, ou est-ce que votre gouvernement ne devrait pas aller beaucoup plus loin que cela et se montrer plus agressif et insistant, particulièrement relativement à la question des fiducies, plutôt que sur la question de l’évasion fiscale et du blanchiment d’argent? Vous connaissez le domaine des fiducies; il s’agit d’un domaine privé, et donc il est donc impossible de savoir qui se cache derrière cela.

M. Lametti : C’est une bonne question; merci beaucoup. D’abord, je me suis déjà prononcé publiquement, y compris devant ce comité, je crois, pour dire que nous allons étudier la question des peines minimales obligatoires d’une manière approfondie dans un proche avenir. Peut-être cela pourrait-il faire partie des solutions? Je ne sais pas. Je vais attendre le résultat d’une telle étude.

Cependant, la mesure que nous allons prendre est importante parce qu’elle va toucher les personnes qui ferment les yeux et qui auraient dû éprouver des doutes dans certains cas, compte tenu de risques substantiels. Donc, c’est très important, comme norme juridique, de prendre la mesure que nous venons de prendre. C’est sérieux, dans le sens où il y a énormément d’argent qui est en jeu. L’élément clé, de toute façon, ce sont les enquêtes et le pouvoir qu’ont les enquêteurs de mettre au jour les pratiques et les personnes qui s’adonnent au blanchiment d’argent.

Le sénateur Carignan : Je ne veux pas saper votre optimisme, mais, avec le système de fiducies qui est en place et qui fait en sorte qu’il est très facile de contourner la loi, de blanchir de l’argent et de se cacher dans les paradis fiscaux... Le Canada est un petit paradis fiscal, juste à cause de l’utilisation des fiducies. Pensez-vous vraiment que votre amendement va faire en sorte que le Canada deviendra un pays victorieux dans sa lutte contre l’évasion fiscale? J’ai de la difficulté à partager votre optimisme.

M. Lametti : Comme je viens de le dire, c’est une mesure importante. Pour ce qui est des fiducies et de leur transparence, nous avons donné plus de pouvoirs à nos enquêteurs pour porter un regard rétrospectif. Nous verrons ce qui va se produire; je suis optimiste.

Le sénateur Carignan : J’ai une question plus technique, qui porte sur l’alinéa 114(1)a.1), qui autorise le ministre à fournir à tout fonctionnaire de l’administration publique fédérale et à tout employé d’une autorité provinciale ou municipale des services consultatifs et autres concernant la saisie, le blocage, la garde, l’administration et la confiscation des biens. Pouvez-vous nous expliquer ce que cela va apporter de plus que le ministre offre des services consultatifs et autres? Cela veut dire quoi, « et autres »?

M. Lametti : Je vais me référer à l’expertise de Mme Jacques pour vous répondre.

Mme Jacques : En ce qui a trait aux services consultatifs, Services publics et Approvisionnement Canada ne peut offrir des services qu’à certains enquêteurs en ce moment. Ils veulent élargir la portée des services qui peuvent être offerts pour traiter des biens qui ont été saisis. En ce moment, c’est impossible de le faire, et ils ne sont pas habilités à le faire. Ils ont voulu s’assurer qu’on peut traiter les biens saisis et qui ont fait l’objet de poursuites ou qui ont été utilisés dans un contexte de blanchiment d’argent pour qu’ils puissent les utiliser et les revendre.

Le ministère des Travaux publics a une certaine expertise dans le domaine, et ils voulaient en profiter pour utiliser cette expertise et ne pas avoir de dédoublement au sein du gouvernement fédéral.

Le sénateur Carignan : Pouvez-vous donner des exemples de ce que veut dire « et autres »? J’essaye de m’imaginer de quoi il peut s’agir.

Mme Jacques : Je ne peux pas vous dire à quoi on fait exactement référence, car cette sous-section ne faisait pas partie de l’évaluation d’aujourd’hui, mais je peux m’engager à vous fournir plus tard l’information que vous cherchez.

Le sénateur Carignan : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Merci de votre présence. Avant de poser ma question, je pourrais vous recommander, étant donné que vous semblez vous être intéressés aux peines minimales obligatoires, de jeter un coup d’œil sur le projet de loi S-251. Vous pourriez l’adopter pour que l’on puisse aller de l’avant.

Pour revenir aux questions à l’étude, dans le rapport du CANAFE publié en 2016, on reconnaît que les victimes de la traite de personnes sont souvent utilisées à titre de détentrices d’un compte personnel ou d’entreprise pour faciliter le blanchiment d’argent. Je sais que je n’apprends rien aux gens de votre ministère. Est-ce que la sous-section D pourrait permettre de contrer une telle pratique? Par ailleurs, est-ce que les modifications apportées à la section 4 facilitent l’accès à l’information sur la propriété effective aux fins de la lutte contre le blanchiment d’argent et la traite de personnes — ou relativement aux liens entre ces deux activités?

M. Lametti : Ma réponse aux deux questions est la même. C’est effectivement le cas, mais en partie seulement. L’accès à l’information sur la propriété effective peut se révéler utile et nous permettre de mettre au jour certaines de ces situations. C’est une disposition d’application plus large, mais elle peut tout de même servir à cette fin. Il en va de même du changement dans la définition ou quant à la nécessité d’établir l’intention criminelle. Ces mesures ciblent-elles aussi d’une manière générale la problématique du blanchiment d’argent mais encore là, si une personne fait montre d’insouciance et ne tient pas compte du risque élevé qu’elle participe à des activités de traite de personnes alors même qu’elle aurait dû poser un peu plus de questions, nous pourrions l’inculper grâce à l’application élargie de la notion d’intention criminelle.

La sénatrice Pate : Quelles mesures peuvent être prises lorsqu’un individu qui est victime devient un exécutant ou un détenteur de compte aux fins de telles activités de blanchiment d’argent? Je pense à tous ces salons de massage et autres endroits où l’on constate souvent que les personnes inculpées étaient d’abord des victimes elles-mêmes.

M. Lametti : C’est un problème de plus grande portée qui, nous l’espérons, relève de la compétence du ministre Goodale. Nous voudrions toutefois pouvoir sensibiliser les intervenants à toutes les étapes du processus d’enquête et de poursuite pénale. Il faut espérer que les enquêteurs et les procureurs tiennent compte de cet élément. On ne veut jamais victimiser la même personne deux fois pas plus que l’on ne souhaite que le système victimise une personne qui l’a déjà été par un autre individu coupable d’une infraction criminelle.

Je partage votre préoccupation et j’ose espérer que notre société, et notre gouvernement par la même occasion, sauront mettre en place les mesures nécessaires pour empêcher que l’on punisse ainsi des personnes qui sont déjà des victimes.

[Français]

Le sénateur Dalphond : Merci, monsieur le ministre, d’être venu accompagné de deux personnes pour lesquelles j’ai beaucoup de respect.

J’avais des questions sur l’insouciance par rapport à l’aveuglement, mais c’est peut-être une question d’examen pour un étudiant à la faculté de droit à qui on demande de faire la distinction entre les deux. Je vais donc laisser cela de côté.

Combien y a-t-il de poursuites par année pour des infractions de blanchiment d’argent en vertu du Code criminel? Est-ce vraiment une disposition qui n’est pas très utilisée à cause de la définition de la mens rea ou en raison des enquêtes qui sont trop complexes?

Nathalie G. Drouin, sous-ministre, ministère de la Justice Canada : Je n’ai pas les données en main, mais peu de poursuites sont intentées en vertu des dispositions du Code criminel. L’ajout de la mens rea va sans doute donner une raison nouvelle au procureur de la Couronne d’utiliser l’article. Évidemment, ce ne sera pas la panacée en termes de nouveaux cas, mais l’ajout de cette disposition facilitera le dépôt des accusations.

M. Lametti : Pour ce qui est du blanchiment d’argent, par exemple, il faut employer des personnes qui ne posent pas de questions. Donc, il nous faut des professionnels qui sont en mesure de prendre l’argent sans poser de questions et investir ou faire autre chose de légitime avec l’argent.

La mesure que nous venons d’ajouter pourrait être utilisée pour cibler ces gens qui auraient dû poser des questions.

Le sénateur Dalphond : On peut penser aux notaires qui participent à une opération et dont les honoraires sont payés en argent comptant avec une valise pleine de billets?

M. Lametti : Tout à fait.

Le sénateur Dalphond : Mon autre question est liée au nombre de poursuites. Dans plusieurs provinces, il existe de nombreuses lois qui permettent de saisir les produits de la criminalité par procédure civile plutôt que par procédure criminelle. Ainsi, établir le fardeau de la preuve n’est pas très complexe, et on peut également contraindre les témoins — y compris la personne visée par la saisie — à témoigner. Ces poursuites civiles en vue de saisir les biens peuvent-elles nuire au processus, ce qui fait en sorte que c’est plus facile pour les procureurs de la Couronne dans les provinces de simplement confisquer les biens et de les saisir plutôt que d’entreprendre des procédures visant à faire inculper un contrevenant pour blanchiment d’argent?

Mme Drouin : En fait, cela donne un outil de plus, surtout dans les situations où la preuve n’est pas suffisante pour déposer des accusations criminelles, qui assurent quand même la protection du public. C’est plutôt un outil complémentaire.

Le sénateur Dalphond : J’ai une dernière question sur le fonctionnement des mécanismes. Je vois qu’on ajoute l’Agence du revenu du Québec à la liste des agences qui auront accès aux informations recueillies par le CANAFE. Cela permettra-t-il de faire le dépistage des infractions fiscales provinciales?

M. Lametti : Oui, et c’est aussi une preuve de coopération. Cela répond un peu à la question que le sénateur Carignan a posée plus tôt. Il faut que les agences du gouvernement fédéral et celles des provinces coopèrent. C’est un bon exemple. Il faut partager l’information pour mettre en accusation les personnes qui sont coupables.

[Traduction]

Le sénateur MacDonald : Je vous remercie de votre présence parmi nous, monsieur le ministre. Je ne suis pas un membre régulier de ce comité, mais je vais profiter de l’occasion pour vous poser quelques questions.

Je veux poursuivre dans le sens de ce que vous demandait le sénateur Carignan concernant les services consultatifs. Est-ce que ces services s’appliqueraient aux marchandises, y compris par exemple la marijuana qui est saisie par les autorités provinciales et municipales? J’aimerais aussi savoir qui a demandé que cette modification soit apportée.

M. Lametti : C’est un autre élément qui sort du cadre de mes responsabilités relativement à ce projet de loi. Si Mme Jacques a une réponse à vous donner, je l’invite à le faire. Sinon, nous nous engageons à vous transmettre une réponse ultérieurement.

Mme Jacques : Je ne saurais vous dire si cette disposition s’appliquerait au cannabis, mais je vais faire les vérifications nécessaires pour pouvoir vous indiquer tout ce qui serait touché.

Le sénateur MacDonald : Ma prochaine question porte davantage sur la façon de procéder. Au fil des ans, j’ai participé à d’innombrables séances de comité et étudié un grand nombre de projets de loi. Nous avons ici des modifications au Code criminel qui sont intégrées à une Loi d’exécution du budget. Pourquoi récidive-t-on en procédant de cette manière? Je ne comprends pas pourquoi les modifications au Code criminel devraient se retrouver dans une Loi d’exécution du budget, et je pense que bien des gens se posent la même question.

M. Lametti : Des mesures budgétaires étaient prévues aussi bien pour l’immigration que pour la lutte contre le blanchiment d’argent. Notre pays investit donc davantage dans ces deux domaines via le budget, et il y a d’autres modifications qui vont dans le même sens.

Le sénateur MacDonald : Merci.

Le sénateur Sinclair : Bon nombre de mes questions ont déjà été posées par mon ancien confrère du milieu juridique et désormais confrère sénateur, mais j’en ai encore quelques autres.

Comme je me suis moi-même penché sur la différence entre la conduite négligente en vertu des lois provinciales et la conduite dangereuse en application du Code criminel et l’élément moral associé à ces deux infractions, je m’inquiète un peu de la possibilité que l’on réduise le degré d’intention requis pour établir la preuve qu’une infraction criminelle a été commise. On semble indiquer que c’est ce qu’on envisage de faire, si bien que je me suis mis à la recherche d’un énoncé concernant la Charte dans ces modifications intégrées à la Loi d’exécution du budget. Y a-t-il un énoncé concernant la Charte relativement à ces dispositions?

M. Lametti : Nous pouvons prendre les dispositions nécessaires pour vous transmettre l’analyse de la conformité à la Charte qui a été déposée aujourd’hui par le ministre Blair alors qu’il comparaissait devant un autre comité sénatorial. Cette analyse portait sur les éléments touchant l’immigration.

Mme Drouin : Nous n’avons pas déposé d’analyse de fond.

M. Lametti : Non, je ne crois pas que nous ayons déposé une telle analyse relativement à la notion d’intention criminelle.

Le sénateur Sinclair : Disposez-vous d’une analyse semblable ou allez-vous en produire une quant aux répercussions relatives à l’application de la Charte de la réduction du seuil pour établir l’intention criminelle, notamment en ce qui a trait à un comportement insouciant? J’aimerais savoir si ces éléments ont bel et bien été pris en considération.

M. Lametti : Nous pourrions nous engager à le faire. Étant donné les autres dispositions du Code criminel où l’on invoque notamment le caractère insouciant pour établir l’intention coupable, je doute fort que nous ayons des problèmes avec l’application de la Charte dans ce contexte-ci. Quoi qu’il en soit, je m’engage à vous fournir une réponse plus formelle.

La sénatrice Lankin : Je vous remercie, monsieur le ministre, en même temps que les deux fonctionnaires qui vous accompagnent.

Le sénateur Doyle m’a confirmé que vous aviez traité de la disposition visant à intégrer la notion d’insouciance à l’application de l’infraction de blanchiment des produits de la criminalité. J’ai travaillé pendant de nombreuses années à la Commission des alcools et des jeux de l’Ontario, et nous nous intéressions bien sûr de très près à la question de la propriété des biens de même qu’à ce qui se passait en Colombie-Britannique avec notamment la commission d’enquête.

Il a également beaucoup été question des transactions immobilières comme autre secteur à risque. S’agit-il de situations qui pourraient être visées par cette disposition que vous proposez? Y aurait-il d’autres exemples? À l’instar du sénateur Sinclair, je m’interroge quant au seuil de la preuve pouvant s’appliquer en pareil cas, mais j’aimerais surtout savoir s’il y a d’autres types d’activités portés à votre connaissance qui vous ont incités à proposer cette disposition.

M. Lametti : Nous espérons effectivement pouvoir lutter plus efficacement contre le blanchiment d’argent dans des secteurs comme l’immobilier. À titre d’exemple, on peut se poser certaines questions lorsqu’un individu paie comptant pour une maison.

Comme je l’ai déjà indiqué en répondant aux questions de vos collègues tout à l’heure, nous travaillons en étroite collaboration avec la Colombie-Britannique et le ministre Eby. Le ministre Blair a établi d’excellentes relations avec le ministre Eby et nous allons appuyer sans réserve les efforts du gouvernement de la Colombie-Britannique en la matière.

Les transactions immobilières ne sont qu’un exemple parmi bien d’autres. Il faut malheureusement constater que le crime organisé est actif dans un grand nombre de secteurs, bien souvent à des fins de blanchiment d’argent. Nous espérons que cette disposition nous aidera à mieux contrer une plus vaste gamme de ces activités criminelles.

La sénatrice Lankin : Je comprends bien que c’est l’objectif visé. Nous pouvons tous voir dans les reportages médiatiques que le crime organisé utilise le secteur immobilier et les casinos. Y a-t-il d’autres exemples notables que vous pourriez porter à notre attention? On peut espérer que vous en viendrez avec le temps à cibler d’autres activités avec une disposition semblable qui donnera lieu à des enquêtes. Pouvez-vous nous donner d’autres exemples?

M. Lametti : Nous avons donné un exemple tout à l’heure en parlant de la traite de personnes et du trafic de stupéfiants ainsi que d’autres secteurs dans lesquels les membres du crime organisé sont souvent actifs.

La sénatrice Lankin : Le financement du terrorisme n’est-il pas un autre élément à considérer? Je ne sais pas si c’est effectivement le cas, mais il semble également y avoir des risques à ce chapitre.

M. Lametti : Encore une fois, ma contribution à ce projet de loi s’est en grande partie limitée aux éléments dont nous avons parlé aujourd’hui. Quant à la problématique plus vaste de la lutte contre le terrorisme...

La sénatrice Lankin : Je suis désolée, mais je parle bel et bien de blanchiment d’argent. C’est peut-être moins évident dans ce cas-là. C’est chose possible, mais ma question ne portait pas nécessairement sur cette éventualité. Y a-t-il d’autres situations portées à votre connaissance, outre les exemples bien connus des casinos et de l’immobilier, qui ont incité votre gouvernement à mettre de l’avant cette disposition? Je conviens avec vous que le trafic de drogue et la traite de personnes sont deux exemples, mais y en a-t-il d’autres?

M. Lametti : Je vous rappelle que je n’étais pas en poste lorsque cette portion du projet de loi a été élaborée. Je vous dirais toutefois que les groupes terroristes sont souvent impliqués dans le blanchiment d’argent et qu’il faut espérer qu’ils pourraient être reconnus coupables en vertu de cette disposition.

Mme Jacques : On veut que ces activités de financement soient ciblées, tout comme les marchandises vendues sur le marché noir. Il peut s’agir de quelque chose d’aussi anodin qu’un appareil ou tout autre objet qu’une personne achète en pensant qu’il y a peut-être quelque chose de louche, mais en le faisant tout de même en toute insouciance. Cette disposition pourrait s’appliquer à de nombreuses transactions qui ont cours au quotidien. Ce sont donc les principaux éléments qui seraient visés, en plus des activités d’envergure que vous avez mentionnées.

La sénatrice Lankin : Ma dernière question porte sur une préoccupation déjà soulevée par le sénateur Sinclair dans un autre contexte. C’est au sujet de cette notion d’insouciance et des exigences en matière de preuve quant à l’intention criminelle. Dans certains de ces secteurs, plus on s’éloigne des cas les plus évidents comme les casinos et les transactions immobilières payées comptant, plus une personne risque de se trouver impliquée d’une manière qui, pour des gens bien informés, peut sembler insouciante, mais ne l’est pas nécessairement.

Je ne suis pas avocate. J’essaie seulement de comprendre comment vous estimez que cette disposition pourra s’appliquer à ces gens-là. À l’inverse, quelles précautions devraient-ils prendre pour bien s’informer ou encore quelles mesures devrait-on mettre en place pour les sensibiliser aux risques qu’ils peuvent encourir en se livrant à certaines activités? Il y a bien des gens qui ne sont tout simplement pas au courant de ces choses-là.

M. Lametti : J’ai déjà évoqué la notion du risque sérieux. Lorsqu’il existe un tel risque, une personne ne peut pas simplement fermer les yeux. On parle ici d’un risque véritablement important.

Dans une cause pénale, le fardeau de la preuve fait en sorte que la Couronne et ses procureurs doivent toujours démontrer que l’individu est coupable hors de tout doute raisonnable. L’inculpé bénéficie de cette forme de protection lui évitant d’être pris au piège sans avoir aucune idée de ce qui se passe et aucune raison de croire qu’il devrait être ainsi pris à parti.

L’application du concept de risque sérieux nous permet d’établir qu’un individu aurait dû savoir ou tout au moins poser des questions du fait que le caractère louche de la situation était vraiment évident. On ne va pas pour autant pouvoir inculper tout le monde sans distinction. Le prévenu bénéficiera toujours de la solide protection que lui offre le fardeau de la preuve dont on doit s’acquitter en droit pénal.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Renée Dupuis (vice-présidente) occupe le fauteuil.

La vice-présidente : Monsieur le ministre, j’ai une question sur les informations que le CANAFE pourra partager, et plus précisément avec qui. On a parlé plus tôt de l’Agence du revenu du Canada, mais on parle aussi dans le projet de loi du Bureau de la concurrence. Qu’est-ce qui explique l’idée d’inclure le Bureau de la concurrence dans cet amendement?

Mme Jacques : Le Bureau de la concurrence a remarqué que beaucoup de fraudes sont commises. Il y a toutes sortes de stratagèmes frauduleux organisés sous forme de campagnes d’appels en masse pour escroquer diverses personnes, et les personnes âgées en particulier. On voulait donc permettre de partager l’information. Le CANAFE pourra partager de l’information avec le Bureau de la concurrence pour tenter de mettre fin à ces stratagèmes frauduleux qui visent les personnes les plus vulnérables. Il y a toutes sortes d’appels qui sont faits dans le but d’amadouer les gens et leur faire dépenser de l’argent. Étant donné leurs responsabilités, le gouvernement a donc décidé de permettre le partage de l’information de la part du CANAFE avec le Bureau de la concurrence pour essayer de limiter ce genre de fraudes.

La vice-présidente : Je vois qu’il n’y a pas d’autre question de notre part. Monsieur le ministre, je veux vous remercier de vous être rendu disponible malgré un préavis plutôt court pour nous aider à comprendre cette partie du projet de loi qui vous concerne plus particulièrement. Merci beaucoup. Merci, maître Jacques et maître Drouin.

M. Lametti : Merci, madame la présidente, à vous tous ainsi qu’à mes collègues.

La vice-présidente : La séance est levée.

(La séance est levée.)

Haut de page