Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule no 63 - Témoignages du 30 mai 2019
OTTAWA, le jeudi 30 mai 2019 (séance du matin)
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-75, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents et d’autres lois et apportant des modifications corrélatives à certaines lois, se réunit aujourd’hui, à 10 h 31, pour procéder à l’étude article par article du projet de loi.
Le sénateur Serge Joyal (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. Bienvenue. Nous reprenons notre étude article par article du projet de loi C-75.
Hier soir, au moment de lever la séance, nous en étions à l’article 400.1 du projet de loi. Je crois comprendre qu’il n’y a pas d’amendement, alors j’aimerais mettre aux voix l’article 400.1.
Est-ce que l’article 400.1 est adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Merci, mesdames et messieurs.
Nous passons maintenant à l’article 401, pour lequel l’honorable sénateur Sinclair souhaite proposer un amendement, je crois.
Le sénateur Sinclair : Il est en cours de traduction en ce moment même. Nous devrions le recevoir d’un moment à l’autre.
Le président : Il est en cours de traduction.
Avec votre permission, honorables sénateurs, je reporte le vote sur l’article 401 pour passer au vote sur les articles 402 à 405, puisqu’il n’y a pas d’amendement apporté à ces articles.
Des voix : D’accord.
Le président : Est-ce que les articles 402 à 405 sont adoptés?
Des voix : Oui.
Le sénateur Carignan : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Merci, honorables sénateurs.
Passons maintenant à l’article 406.
Je crois savoir que le sénateur Dalphond propose un amendement. Pourriez-vous le faire de la façon adéquate? Nous sommes rendus à l’article 406, à la page 197.
Je vais vous donner le numéro de l’amendement. Au coin supérieur droit de la page, vous verrez le numéro PJD-406.197. J’invite le sénateur Dalphond à proposer son amendement comme il se doit.
[Français]
Le sénateur Dalphond : Alors, il est proposé :
Que le projet de loi C-75 soit modifié, à l’article 406, à la page 197, par substitution, à la ligne 28, de ce qui suit :
« 370(1), les articles 376 à 379, 382 et 385, le paragraphe 388(1) et les articles 399 et 400.1 ».
Le sénateur Carignan : Est-ce qu’il y a une raison pour laquelle ce ne sont pas les mêmes chiffres en anglais qu’en français?
Le président : Il faut voir dans la version française. Il est possible que dans la version française les chiffres ne correspondent pas. Effectivement. Si vous regardez dans la version française, sénateur Carignan, la ligne 28 débute par l’article 370(1) et les articles 376 à 379, alors que dans la version anglaise, nous avons 382, 385, 399.
Dans l’écriture de l’article, il y a une distinction quant aux lignes, mais le contenu demeure le même. Comme vous le savez, sénateur Carignan, vous qui êtes francophone, l’expression française est parfois plus longue que l’expression anglaise. L’inverse existe aussi, ce n’est pas absolu. Voilà, c’est ce qui explique cette différence.
Le sénateur Carignan : C’est la même chose pour les articles?
Le président : Sénateur Dalphond, vous pouvez donner les explications.
Le sénateur Dalphond : L’amendement vise l’article 406, qui fait partie de cette section de la loi intitulée « Entrée en vigueur » qui donne effet aux sages commentaires qui nous ont été transmis hier par les représentants du ministère de la Justice, qui nous rappelaient que, en raison d’un amendement précédant concernant les empreintes digitales, il fallait rédiger un amendement pour la date d’entrée en vigueur des dispositions. L’article en question ajoute un passage qui concerne l’entrée en vigueur. Il sera suivi d’un amendement de même nature pour l’entrée en vigueur d’une autre partie des amendements.
Le président : Si je comprends bien, c’est le point qui a été soulevé hier, et pour lequel vous vous étiez engagé à consulter les représentants du ministère de la Justice pour vous assurer que la conformité des articles, suivant ceux que nous avons adoptés hier en relation avec les empreintes digitales et l’empreinte génétique, sera reflétée dans les dispositions de mise en vigueur du projet de loi.
Le sénateur Dalphond : C’est exact, monsieur le président. La consultation a été faite et j’ai la confirmation que cela a été approuvé par les représentants du ministère de la Justice.
Le président : Je vois Mme Carole Morency opiner du bonnet, comme on dit en français, c’est-à-dire exprimer son accord aux propos du sénateur Dalphond. Est-ce que cela répond à vos questions, sénateur Carignan?
Le sénateur Carignan : Oui, merci.
[Traduction]
Le président : Je semble maintenant être en mesure de mettre aux voix l’amendement tel que proposé par le sénateur Dalphond.
Est-ce que l’amendement est adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Est-ce que l’article 406 modifié est adopté?
Une voix : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence. Merci.
Passons maintenant à l’article 407.
[Français]
Le sénateur Dalphond va présenter un amendement dans le même esprit que le précédent. Sénateur Dalphond, vous pouvez présenter l’amendement.
Le sénateur Dalphond : Cet amendement sera aussi intéressant que le précédent. Il est proposé :
Que le projet de loi C-75 soit modifié, à l’article 407, à la page 197, par substitution, à la ligne 43, de ce qui suit :
« 371 à 375, 380, 381 et 387, le paragraphe 388(2) et les articles 389 à 393, 396 à 398 et 400 entrent ».
Le président : Quelles sont les explications pour les fins du procès-verbal?
Le sénateur Dalphond : Je ne vais pas faire insulte à l’intelligence de mes collègues. Les explications données précédemment valent pour cet amendement.
[Traduction]
Le président : Alors je mets aux voix cet amendement.
Est-ce que l’amendement à l’article 407 proposé par le sénateur Dalphond est adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Est-ce que l’article 407 modifié est adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Merci, honorables sénateurs.
Avant de proposer l’adoption du titre, j’aimerais vous rappeler, mesdames et messieurs, et plus particulièrement à vous, sénateur McIntyre, que lorsque nous avons discuté de l’amendement à l’article 196.1, nous avons fait des corrélations avec l’article 196 qui le précède dans le Code criminel, pour veiller à —
[Français]
— une synchronisation pour ce qui est de l’identification des différentes infractions mentionnées. Je vais inviter le sénateur McIntyre à déposer l’ajustement qui avait été demandé pour veiller à la conformité de l’amendement avec les dispositions précédentes du Code criminel.
[Traduction]
Le sénateur McIntyre : Comme vous le savez tous, il y avait un problème avec le libellé quand j’ai déposé cet amendement, comme l’a précisé le président, qui a proposé d’ajouter des annotations à l’amendement afin qu’il soit conforme au Code criminel.
Nous avons ensuite entendu Mme Davis-Ermuth, avocate-conseil principale au ministère de la Justice. Le 16 mai, nous avons reçu un amendement mis à jour du ministère de la Justice. Il est désormais conforme au Code criminel. Vous avez une copie de cet amendement, que je vais maintenant proposer.
Monsieur le président, dois-je lire l’amendement?
Le président : Non, pas du tout. La réponse est claire, mais je veux distribuer l’amendement aux honorables sénateurs pour qu’ils en aient tous une copie en main et puissent confirmer que ce que vous avez demandé, sénateur, a bien été fait.
Je vous invite maintenant à consulter l’amendement PM-196.62. Est-ce que les honorables sénateurs ont une copie de l’amendement tel que corrigé par l’honorable sénateur McIntyre?
Vous verrez sur votre copie que toutes les infractions citées aux articles précédents du Code criminel sont répétées entre parenthèses. Il s’agit essentiellement d’un exercice d’écriture. Comme ces amendements touchent le Code criminel, il faut être le plus précis possible.
Y a-t-il des questions pour l’honorable sénateur McIntyre sur ce point?
[Français]
La sénatrice Dupuis : Sénateur McIntyre, la liste que nous avons devant nous, qui comprend maintenant le titre de chacun des articles, correspond-elle à la liste que vous aviez lue devant nous lors d’une séance antérieure?
Le sénateur McIntyre : Merci de votre question, sénatrice Dupuis, c’en est une bonne. D’ailleurs, mon personnel est entré en contact avec le bureau du sénateur Dalphond et nos deux adjoints ont parlé avec le légiste. Il semble que tout soit correct. En outre, ce matin, mon personnel a parlé avec les légistes concernant le commentaire de Mme Davis-Ermuth à propos de l’amendement du sénateur Dalphond. Selon le légiste, cela n’a pas d’impact sur mon amendement.
Le sénateur Dalphond : Le sénateur McIntyre et moi avons révisé de nouveau. Sur la copie devant vous, la différence est le nom, entre parenthèses, de la disposition, et à un des articles, il manquait « l’infraction d’infanticide » à l’alinéa 2. À l’alinéa 4, « l’infraction de bigamie » a été enlevée. Au paragraphe 5, l’infraction prévue dans les articles 322 à 332 a été enlevée parce que cela a déjà été couvert ailleurs. Au paragraphe 6, le deuxième élément, l’article 354, a aussi été enlevé. Tout le reste est identique.
La sénatrice Dupuis : Je vois sur la liste devant moi que le terme « bigamie » y figure toujours, à l’article 291. Y a-t-il un autre article qui touche la bigamie?
Le sénateur Dalphond : Non. Est-ce qu’on l’a déplacé? Il y avait deux fois « bigamie », aux articles 290 et 291. L’un des termes a été enlevé, mais la bigamie demeure toujours.
[Traduction]
Le président : Cet exercice me semble très complexe, vous en conviendrez.
Comme nous avons le privilège d’avoir des représentants du ministère de la Justice avec nous, j’invite Mme Davis-Ermuth à venir à la table. Je souhaite qu’elle nous confirme que tout est synchronisé avec le libellé du Code criminel.
Bonjour, madame Davis-Ermuth. Je peux répéter ma question, si vous le voulez.
Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil principale, ministère de la Justice du Canada : Bonjour. Je l’ai bien entendue. Merci.
Comme l’a expliqué le sénateur Dalphond, l’amendement est conforme au Code criminel. Toute infraction qui a été retirée, comme les deux références à la bigamie aux articles 290 et 291 dans la version précédente, l’a été parce que les articles qui fournissaient la définition des infractions figuraient dans la liste.
Pour éviter tout risque de confusion, l’amendement ne cite désormais que l’infraction plutôt que sa définition.
Le président : S’il n’y a pas d’autres questions pour le témoin, je mets aux voix l’amendement à l’article 301 du projet de loi C-75, aux pages 126 et 127.
Plaît-il au comité d’adopter le texte modifié et déposé par l’honorable sénateur McIntyre?
Des voix : Oui.
Le président : Adopté.
Est-ce que l’article 196.1 modifié est adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Merci, honorables sénateurs. Cette question est maintenant réglée.
Nous avons aussi sauté un autre article du projet de loi, soit l’article 240. Vous vous souviendrez que nous avons discuté de cet article. Nous sommes en train de remédier au problème. Je crois qu’on a distribué une copie de l’amendement.
Je vais nommer l’amendement par son numéro, afin que tout le monde puisse l’avoir en main. Il s’agit de l’amendement PJD-240.92-93, présenté par le sénateur Dalphond.
Pourriez-vous présenter l’amendement, sénateur Dalphond? Si vous ne l’avez pas, levez la main et nous le ferons circuler.
Le sénateur Sinclair : Je suis certain de l’avoir quelque part ici.
Le président : Il n’y a pas de mal à en obtenir une copie supplémentaire.
Le sénateur McIntyre : Monsieur le président, je crois qu’il était joint à mon amendement.
Le président : Il est joint à l’ensemble d’amendements que vous avez reçu du sénateur McIntyre.
Tout le monde l’a en main. Sénateur Sinclair,vous l’avez?
Le sénateur Sinclair : Oui, je l’ai.
Le président : Sénateur Carignan, l’avez-vous, vous aussi?
[Français]
Vous pouvez poursuivre, sénateur Dalphond.
Le sénateur Dalphond : Pour celui-ci, je demande votre patience, car il est un peu plus long. Il va ressembler à ce que j’ai déjà lu pour un article similaire lors d’une réunion précédente.
Il est proposé :
Que le projet de loi C-75, soit modifié, à l’article 240 :
a) à la page 92, par substitution aux lignes 35 et 36, de ce qui suit :
« bunal, composé d’un juge et d’un jury ou si vous êtes réputés avoir choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury, une enquête préliminaire ne sera tenue que si vous ou le poursuivant, ou les deux, en faites la demande et que la demande est accueillie par le juge de paix. Comment choisissez-vous d’être jugé? »;
b) à la page 93, par adjonction, après la ligne 4, de ce qui suit :
« (3.1) Lorsqu’un prévenu visé au paragraphe (2.1) choisi d’être jugé par un juge sans jury ou par un tribunal composé d’un juge et d’un jury, ou est réputé, au titre de l’alinéa 565(1)a), avoir choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury ou est accusé d’une infraction mentionnée à l’article 469 non passible de l’emprisonnement à perpétuité ou encore ne fait pas de choix, le juge de paix tient une enquête préliminaire sur l’inculpation, sur demande commune présentée par le prévenu et le poursuivant à ce moment ou dans le délai prévu par les règles établies en vertu des articles 482 ou 482.1, ou, en l’absence de règles, dans le délai fixé par lui, si le juge de paix est convaincu que des mesures appropriées ont été prises pour atténuer les répercussions sur les témoins, y compris le plaignant, qui sont susceptibles de témoigner à l’enquête.
(3.2) Lorsqu’un prévenu visé au paragraphe (2.1) choisi d’être jugé par un juge sans jury ou par un tribunal composé d’un juge et d’un jury ou est réputé, au titre de l’alinéa 565(1)a), avoir choisi d’être jugé par un tribunal composé d’un juge et d’un jury ou est accusé d’une infraction mentionnée à l’article 469 non passible de l’emprisonnement à perpétuité ou encore ne fait pas de choix, le juge de paix peut tenir, sous réserve de l’article 577, une enquête préliminaire sur l’inculpation, sur demande présentée par le prévenu ou le poursuivant à ce moment ou dans le délai prévu par les règles établies en vertu des articles 482 ou 482.1, ou, en l’absence de règles, dans le délai fixé par lui, si le juge de paix est convaincu que la tenue de l’enquête servirait au mieux l’administration de la justice et que des mesures appropriées ont été prises pour atténuer les répercussions sur les témoins, y compris le plaignant, qui sont susceptibles de témoigner à l’enquête. ».
Le président : Merci, sénateur. Y a-t-il des explications?
Le sénateur Dalphond : Il s’agit d’une disposition miroir à celle que nous avons adoptée à l’égard de tous les amendements au Code criminel pour permettre, sur autorisation judiciaire, dans certains cas, la tenue d’une enquête préliminaire sur demande, soit avec le consentement de la Couronne et de l’accusé, soit sur demande de l’une des parties, à condition que des mesures soient prises dans tous les cas pour que les effets de la comparution sur les témoins, notamment le plaignant, soient minimisés au maximum. La disposition miroir ne s’applique qu’au territoire du Nunavut. Toutefois, pour une raison que j’ignore, le Code criminel est rédigé de sorte que tout le Canada, sauf le Nunavut, ait une disposition, alors que le Nunavut a une disposition spéciale. Il faut donc adopter la même terminologie pour le Nunavut que celle qui est adoptée pour le reste du Canada.
[Traduction]
Le président : Est-ce qu’il y a des questions ou des commentaires sur l’amendement proposé? Tout semble clair.
L’amendement proposé par l’honorable sénateur Dalphond est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : L’article 240 modifié est-il adopté?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence. Merci, honorables sénateurs.
Revenons à l’article 401. Sénateur Sinclair, avez-vous reçu l’amendement?
Le sénateur Sinclair : Nous avons reçu les versions française et anglaise. Je crois qu’elles ont été remises aux sénateurs. Il s’agit de l’amendement sous le code MS-401. Est-ce que tout le monde l’a?
Le président : Je veux m’assurer que tout le monde l’a reçu.
[Français]
C’est sous le code MS-401.
[Traduction]
Le sénateur Sinclair : Vous pouvez vous rendre à la page 187 du projet de loi. Je vais lire l’amendement.
Je vous préviens que cet amendement vise à abroger le paragraphe (4) et la modification corrélative qui en découle. Je propose :
Que le projet de loi C-75 soit modifié, à l’article 401,
(a) à la page 187, (i) par substitution, à la ligne 14, de ce qui suit :
« 401(1) Les paragraphes (2) et (3) s’appliquent en »
(ii) par suppression des lignes 26 à 35; (b) à la page 188, par suppression des lignes 1 et 2.
Le président : Y a-t-il une explication pour le compte rendu?
Le sénateur Sinclair : C’est une modification corrélative qui découle de l’adoption de la disposition sur l’inclusion de la Loi sur le cannabis. J’oublie à quel article cet ajout se rapporte, mais nous l’avons modifié un peu plus tôt. J’ai d’ailleurs souligné à ce moment-là que nous aurions à étudier une modification corrélative, c’est-à-dire cet amendement, mais nous n’avions pas le document en main.
J’ai proposé hier de simplement approuver l’article 401. La sagesse s’est toutefois imposée, entre autres par votre intermédiaire, monsieur le président, pour m’aviser qu’il me fallait, en fait, rédiger un amendement au projet de loi. C’est ce que nous avons fait, et cet amendement vise à aligner cette disposition sur celle d’un amendement apporté au projet de loi un peu plus tôt.
Le président : Merci beaucoup, sénateur.
Est-ce qu’il y a des questions ou des commentaires sur l’amendement proposé par le sénateur Sinclair?
Est-ce que l’amendement à l’article 401 présenté par le sénateur Sinclair est adopté?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Est-ce que l’article 401 modifié est adopté?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Merci, honorables sénateurs.
Voyons tout ce qui doit être traité avant de mettre aux voix le titre du projet de loi. Je constate que la sénatrice Dyck propose, après consultation, que l’on change la numérotation pour nous assurer de maintenir la synchronisation avec les articles précédents dans le Code criminel.
Si j’ai bien compris, il faut essentiellement remplacer le numéro 217.22 par le numéro 217.201. C’est là l’essentiel de l’amendement, sénatrice. Je vous avise que je ne peux pas demander au légiste et conseiller parlementaire d’apporter toutes les modifications techniques, numériques et typographiques dans le cadre de son mandat. Je vais demander un peu plus tard au comité de l’autoriser à le faire.
J’invite donc la sénatrice Dyck à proposer son amendement afin que la numérotation soit essentiellement synchronisée avec ce que les conseillers juridiques ont proposé.
La sénatrice Dyck : Je propose :
Que le projet de loi C-75 soit modifié, à la page 123, par adjonction, après la ligne 9, de ce qui suit :
« 293.1 La même loi est modifiée par adjonction, après l’article 718.2, de ce qui suit :
718.201 Le tribunal qui impose une peine pour une infraction qui constitue un mauvais traitement à l’égard d’un partenaire intime prend en considération la vulnérabilité accrue des victimes de sexe féminin, en accordant une attention particulière à la situation des victimes autochtones de sexe féminin. ».
Le président : En gros, honorables sénateurs, le numéro 217.22 devient le numéro 217.201. C’est principalement pour l’insérer au-dessus du titre « Organisations » dans le Code criminel.
Vous vous souviendrez que j’ai moi-même soulevé ce point, car il n’a pas trait aux organisations. Je ne pouvais pas procéder au changement de numéro de mon propre chef, d’où le vote que je demande maintenant au comité.
Après tout, il est question du Code criminel et la clarté est, bien sûr, essentielle.
Est-ce que les changements proposés sous forme d’amendement par la sénatrice Dyck sont adoptés?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Est-ce que l’article 293.1 modifié est adopté?
Des voix : Oui.
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Merci, honorables sénateurs. Voilà qui conclut notre étude de tous les articles du projet de loi C-75.
Permettez-moi maintenant de mettre le titre aux voix. Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président : Est-ce que le projet de loi est adopté?
La sénatrice Batters : Avec dissidence.
Le président : Avec dissidence.
Est-il convenu que le légiste et conseiller parlementaire soit autorisé à apporter les modifications ou corrections techniques, numériques et typographiques nécessaires aux amendements adoptés par le comité?
Des voix : Oui.
Le président : Merci, honorables sénateurs.
Le comité souhaite-t-il discuter de la possibilité d’annexer des observations au rapport?
C’est la question habituelle, mais je crois savoir que diverses observations ont été formulées par les honorables sénateurs Dupuis, Lankin et Dalphond.
D’abord, je tiens à m’assurer que tous les honorables sénateurs ont une copie des observations en main. Les observations ont été distribuées. Elles se trouvent essentiellement dans le document que je montrerai ici. Il a été distribué. Il a été rédigé par nos adjoints à la Bibliothèque du Parlement afin d’être étudié par le comité. Leur travail est grandement apprécié.
Vous trouverez les observations à la fin de la liste des différents points étudiés et débattus par le comité.
La première est celle de la sénatrice Dupuis. Sénatrice, voulez-vous présenter votre observation?
[Français]
La sénatrice Dupuis : À la suite des témoignages qu’on a entendus de la part de différents groupes, autant des groupes qui essaient de venir en aide aux femmes qui sont victimes de violence...
[Traduction]
Le président : Pourriez-vous la lire, je vous prie? Vous pourrez ensuite fournir une explication.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Le texte que je propose est le suivant.
Le comité est préoccupé par le fait que l’utilisation d’un langage juridique neutre dans le projet de loi C-75 passe sous silence la discrimination systémique à l’endroit des femmes qui est inscrite dans l’ensemble du processus de justice criminelle. Les femmes sont très majoritairement les victimes d’agression criminelle d’ordre sexuel ou non. Elles ne reçoivent pas les services appropriés pour leur permettre de dénoncer leur agresseur. Elles sont laissées à elles-mêmes alors qu’elles sont en situation de vulnérabilité parfois extrême, entre autres, dans le cadre des étapes suivantes : 1) la dénonciation à la police; 2) la tenue de l’enquête; 3) la préparation du procès, dans les cas très peu nombreux où il y a décision de poursuivre; 4) la suite de leur vie dans les cas où la décision est prise de ne pas poursuivre; 5) la tenue du procès; 6) le jugement, l’acquittement ou l’arrêt des procédures dans la majorité des cas; et enfin, 7) la suite de leur vie dans ce dernier cas.
De nombreux témoins l’ont soulevé. Dans sa lettre du 10 mai 2019 adressée au président du comité, le ministre de la Justice le confirme et présente des données qui le confirment. Dans sa lettre, le ministre précise aussi que ces données ont été utilisées pour réaliser l’analyse comparative selon les sexes plus menée par son ministère dans l’élaboration du projet de loi C-75. Devant cet état de fait, le comité est d’avis que le ministère de la Justice doit sans délai entreprendre les modifications nécessaires au Code criminel pour y intégrer les conclusions que ces données révèlent et qui concordent avec l’expérience des groupes de femmes que le comité a entendus, à savoir la violence sexuée intersectionnelle contre les femmes.
L’explication est assez courte. Il me semble ressortir clairement qu’il y a des préoccupations, à la suite des témoignages qu’on a entendus, non seulement des groupes qui viennent en aide aux femmes qui sont victimes d’agression, sexuelle ou non, mais aussi des policiers qu’on a entendus et des intervenants auprès des victimes d’agression criminelle. On a reçu aussi, à la suite des demandes faites auprès du ministère de la Justice, des données qui le confirment, et je pense que c’est suffisamment préoccupant pour justifier une observation dans le cadre du rapport du comité sur l’étude du projet de loi C-75.
[Traduction]
Le président : Y a-t-il des commentaires ou des questions à l’intention de l’honorable sénatrice Dupuis?
[Français]
Le sénateur Pratte : Je suggérerais simplement une petite nuance. Dans la dernière phrase du premier paragraphe, on dit : « Elles sont laissées à elles-mêmes alors qu’elles sont dans une situation de vulnérabilité ». Est-ce qu’on devrait plutôt dire : « Elles sont souvent laissées à elles-mêmes [...] », parce qu’il y a tout de même des cas où des efforts ont été faits et où les femmes n’ont peut-être pas été laissées à elles-mêmes, mais je laisse cela à la discrétion du comité. C’est une nuance que j’ajouterais.
La sénatrice Dupuis : Je serais prête à l’intégrer.
Le président : On intègre donc dans le texte français « elles sont souvent laissées à elles-mêmes » et, dans le texte en anglais, « women are often left to their own device ». D’autres commentaires ou suggestions?
[Traduction]
Le comité convient-il d’annexer ces observations au rapport?
Des voix : Oui.
Le président : Passons maintenant aux observations de l’honorable sénatrice Lankin.
Sénatrice, veuillez lire vos observations afin que nous puissions ensuite en discuter.
La sénatrice Lankin : Monsieur le président, j’ai trois observations. Je vais les aborder l’une après l’autre, si vous le voulez bien. Je vais donc en lire une, l’expliquer, puis passer à la suivante.
La première s’inscrit dans la foulée de l’observation de la sénatrice Dupuis, mais sa portée est plus large :
Le Parlement a le devoir de s’assurer que le système de justice protège les femmes. Le comité a entendu des témoins expliquer comment le système de justice pénale manque à ses obligations envers toutes les femmes, avec des conséquences différentes selon qu’il s’agit de femmes de couleur, de nouvelles arrivantes ou de femmes autochtones, et il appelle le ministre de la Justice à envisager de vastes réformes systémiques susceptibles d’améliorer l’administration de la justice envers les femmes. Pour ce qui est de la violence contre les femmes, et en particulier les femmes autochtones, des témoins ont proposé un examen ouvert et continu de plusieurs grandes questions, comme la double mise en accusation dans les cas de violence conjugale; la mise en place d’une surveillance civile des enquêtes policières en matière d’agressions sexuelles; une réforme du droit pénal pour clarifier davantage les dispositions concernant les agressions sexuelles; l’instauration d’une pratique consistant à réaliser et à rendre publique une analyse des répercussions sur les femmes autochtones de tous les projets de loi de réforme de la justice pénale; et la recherche de solutions devant la fréquence lourde de conséquences avec laquelle les procureurs de la Couronne choisissent de ne pas porter d’accusations ou de suspendre les accusations dans des cas de violences perpétrées par des hommes contre des femmes, qu’il s’agisse de cas d’agressions sexuelles, de violence conjugale ou d’exploitation sexuelle. Le comité fait également remarquer que le rapport de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées sera publié en juin 2019, et il recommande que les conclusions de ce rapport soient étudiées en même temps que les questions soulevées ici.
Fin de la première observation.
J’ai une brève explication. Je sais que tous les membres du comité ont entendu le même témoignage que moi et qu’ils estiment que ces questions sont très préoccupantes pour nous et pour l’administration de la justice.
Je remercie le ministre de la Justice et le ministère pour les statistiques qu’ils ont fournies en réponse aux questions que j’ai posées. Je les ai trouvées extrêmement utiles. Elles soulignent l’importance des enjeux généraux.
Je tiens à souligner que les femmes qui sont jeunes, autochtones, célibataires, homosexuelles ou bisexuelles, et celles qui ont des problèmes de santé mentale, courent plus de risques de subir une agression sexuelle. Soixante-dix-neuf pour cent des victimes de partenaires intimes sont des femmes. Les femmes autochtones sont surreprésentées dans le système de justice pénale et représentent 43 p. 100 des femmes admises dans des établissements provinciaux et territoriaux ou condamnées à une peine de détention. La double mise en accusation est une réalité pour de nombreuses femmes victimes de violence conjugale, et les politiques sur les principaux agresseurs doivent être approfondies.
J’aimerais également souligner le témoignage de Marion Buller, commissaire en chef de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui a clairement exprimé son point de vue sur un certain nombre de questions, à savoir que les décisions de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Ipeelee et la rédaction des rapports Gladue doivent être intégrées de façon appropriée au sein même du code. Ce qu’elle nous a dit et ce que les victimes ont dit à cette commission est que nous devons modifier les lois. Nous devons en faire plus.
D’après mon examen de l’ensemble des questions, elles ne se prêtent pas toutes à l’apport d’amendements au projet de loi en question, étant donné que la portée est plus vaste. C’est pourquoi j’ai choisi de faire une observation. Je crois personnellement, et d’autres personnes me l’ont dit, qu’il est important que le Sénat demande officiellement au ministre de la Justice d’effectuer des analyses plus approfondies, pendant que d’autres réformes sont à l’étude, parce que nos connaissances sont insuffisantes, et de prendre des mesures concernant des questions comme le rapport d’enquête qui sera publié et les décisions de la Cour suprême dont je viens de parler.
Le président : Je vais interrompre votre exposé pour que nous puissions discuter de cette observation. Nous passerons ensuite à la deuxième.
La sénatrice Dyck : J’apprécie le travail que vous avez réalisé. La seule chose que je pourrais ajouter est que nous venons de recevoir la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. Barton, qui souligne tout ce que vous venez de dire, en particulier au sujet des femmes autochtones.
Le président : Êtes-vous d’accord, sénatrice Lankin, pour ajouter cet élément d’information supplémentaire? Il est très récent étant donné que nous ne l’avons reçu que la semaine dernière, en fait.
La sénatrice Lankin : Oui. Je n’y vois aucune objection. Nous ne mentionnons pas les rapports Gladue, l’affaireIpeelee ou autres. Cela figurait dans l’explication. Je ne sais pas s’il est nécessaire que cela fasse partie de l’observation. Il s’agit d’une justification supplémentaire et complémentaire qui explique pourquoi l’observation est nécessaire, si cela est satisfaisant. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’apporter un amendement.
Le président : Cet amendement n’est pas nécessaire, mais, comme vous le dites, il renforce les éléments d’information que vous présentez dans votre exposé.
Y a-t-il d’autres commentaires, chers collègues?
Le sénateur Sinclair : Je crains un peu que nous ne disions pas nécessairement la même chose, mais des choses semblables de façons différentes.
Je m’inquiète au sujet du produit final et de ce à quoi il pourrait ressembler ou de la façon dont il pourrait être rédigé. Je me demande s’il serait possible de fusionner ces documents.
Le président : Vous pouvez autoriser l’apport de modifications, avec l’accord de l’auteur de la proposition, pour que nous puissions fusionner, si je peux utiliser ce mot, les éléments d’information essentiels de sorte que nous ayons un texte qui ne semble pas être répétitif de différentes façons, mais qui couvre essentiellement ce que les sénatrices Dupuis et Lankin ont dit.
Cela nous permettrait peut-être d’inviter ces sénatrices à se réunir après cette séance pour déterminer comment cela pourrait se faire, si elles acceptent toutes les deux de le faire.
La sénatrice Dyck : Je demanderais ensuite qu’il soit fait référence à l’affaire R. c. Barton parce que vous parlez du rapport de l’enquête nationale, qui sera publié la semaine prochaine. Je pense que cela renforcerait considérablement la proposition.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai l’impression qu’il y a moyen d’intégrer les deux textes en respectant le langage du texte de la sénatrice Lankin et du mien. Autrement dit, on ne veut pas réécrire un texte, mais on pourrait voir comment ces deux textes pourraient se fondre dans un seul texte. Je pense que c’est possible. Est-ce que la sénatrice Lankin est d’accord pour qu’on le fasse?
[Traduction]
Le président : Êtes-vous d’accord, sénatrice Lankin, avec la suggestion de la sénatrice Dupuis que vous vous rencontriez après cette séance?
Nous acceptons le texte à condition qu’une initiative soit prise pour assurer la fusion des deux textes, de sorte que nous n’ayons qu’une seule version de l’objectif de la perspective du traitement des femmes dans le système judiciaire pénal. Il s’agit essentiellement de l’objet de ces deux propositions.
La sénatrice Lankin : Oui, je suis d’accord. Sénatrice Dyck, si le comité le veut bien, nous pouvons faire explicitement référence au rapport d’enquête et demander au ministre de la Justice de les étudier, ainsi que les conclusions des affaires Gladue, Ipeelee et Barton.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Est-ce que nos analystes de la Bibliothèque du Parlement ne seraient pas les mieux placés pour faire ce travail?
[Traduction]
Le président : Je suggère que la procédure adéquate serait de demander aux analystes de prendre les deux textes et de vous les soumettre pour s’assurer que vous en êtes satisfaites. Je n’ai pas de droit de veto à ce sujet, mais le texte pourrait m’être soumis pour que je puisse assurer un arbitrage et l’impartialité en tant que président, afin que les deux objectifs soient atteints, que vous en soyez satisfaites et que le comité puisse les accepter, bien entendu.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Ma préoccupation est qu’on essaie de faire des observations un peu générales au sujet d’un jugement précis. Est-ce qu’on peut demander aux analystes de trouver une formulation qui va plutôt évoquer certains jugements qui ont été rendus, sans nommer de jugement en particulier? En ce moment, on écarte d’autres jugements et on crée la possibilité d’en choisir un plutôt qu’un autre.
[Traduction]
Le président : Je veillerai à ce que l’on fasse référence aux affaires judiciaires en général, aux affaires judiciaires récentes, afin que tout le monde puisse en prendre connaissance.
Si ce comité me le permet, une fois que ce texte n’aura pas été validé, mais approuvé par vous deux, je l’examinerai pour m’assurer qu’il reflète ce qui a été initialement accepté par ce comité.
Êtes-vous d’accord, chers collègues?
Des voix : Oui.
Le président : Quelle est la deuxième proposition de la sénatrice Lankin?
La sénatrice Lankin : Je vous remercie de votre travail sur cette question, monsieur le président. Ce serait très utile.
La deuxième observation concerne le risque non voulu d’expulsion de non-citoyens qui découle de l’érection en infractions mixtes des infractions et de la modification de la détermination de la peine pour les infractions sommaires.
Le président : Voulez-vous lire le texte?
La sénatrice Lankin : Je vais le faire :
Le comité note que l’augmentation des peines maximales imposées pour des infractions punissables par procédure sommaire peut exposer des résidents permanents et des ressortissants étrangers à des procédures d’expulsion en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, étant donné que ces personnes peuvent être extradées sans avoir le droit d’interjeter appel devant la Section d’appel de l’immigration si elles sont déclarées coupables d’une infraction et condamnées à une peine d’emprisonnement d’au moins six mois. Cette augmentation des peines maximales imposées pour des infractions punissables par procédure sommaire ne devrait pas avoir pour effet de traiter ces infractions plus sévèrement ni de « punir doublement » les délinquants en les expulsant du pays à la fin de leur peine. Cette augmentation des peines maximales imposées pour des infractions punissables par procédure sommaire ne doit pas donner l’impression que le but est de traiter ces infractions plus sévèrement ni de « punir doublement » les délinquants en les expulsant du pays à la fin de leur peine. La conséquence non voulue de l’augmentation du nombre de personnes menacées d’expulsion contreviendrait à l’esprit du projet de loi C-75 et entraînerait probablement un allongement des délais judiciaires. Le comité demande donc au gouvernement du Canada de rétablir la Commission de réforme du droit du Canada afin qu’elle entreprenne un examen de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et du lien entre l’augmentation des peines et cette loi.
Fin de l’observation.
Pour ce qui est de l’explication que nous avons entendue de la part des témoins au sujet du projet de loi en question, monsieur le président, j’aimerais faire référence aux commentaires que vous avez formulés. Je vais donner des exemples d’autres mesures législatives concernant le Code criminel, la détermination de la peine, le lien avec la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, les répercussions sur les résidents permanents et les étrangers, et la possibilité d’expulsion.
Nous comprenons de mieux en mieux cette question. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’ajouter une observation plus générale.
Permettez-moi de vous présenter le cas hypothétique d’un résident permanent de 18 ans au Canada dont les parents ont immigré il y a quatre ans. Le jeune homme de 18 ans attend toujours d’obtenir sa citoyenneté et est déclaré coupable d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire en vertu de l’article 334 du Code criminel pour un vol d’une valeur inférieure à 5 000 $. La peine pour cette infraction sommaire est actuellement de six mois. Il n’y aurait aucune répercussion sur la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et sur la détermination du statut de citoyen dans ce cas.
En vertu du projet de loi C-75, la peine pour ce crime sera portée à un maximum de deux ans. Dans ce scénario, l’accusé est reconnu coupable du crime et le juge lui inflige une peine de sept mois d’emprisonnement. Étant donné que la peine est supérieure à six mois, l’accusé sera également expulsé vers un pays où il n’a pas de famille et très peu de soutien. Par conséquent, cette personne recevra une punition plus sévère qu’un citoyen canadien condamné à la même peine.
Je tiens à préciser qu’il s’agit là, à mon avis, de conséquences potentielles non voulues. Par conséquent, encore une fois, je ne souhaite pas apporter cet amendement au projet de loi. Il s’agit d’une observation. Je pense que le ministre de la Justice s’est montré très clair. Nous devrions tous reconnaître que des principes de détermination de la peine sont en place. Les juges examineront les circonstances de la personne, le crime, la gravité et la question de la double peine.
Ce n’est pas que je ne pense pas que ces éléments ne seraient pas pris en considération dans le cours normal des choses, comme ils le sont aujourd’hui, mais je crois deux choses.
Premièrement, lorsque l’on modifie des lois, l’appareil judiciaire tient compte des raisons qui ont motivé cette modification, et de ce que cela signifie en matière de considérations. Une observation à cet effet renforce l’affirmation du ministre selon laquelle l’intention n’est pas d’avoir ce genre de conséquences sur les personnes qui attendent de recevoir leur citoyenneté, et que le Sénat du Canada le reconnaît et l’affirme.
Deuxièmement, un certain nombre de scénarios se sont présentés. Si vous me le permettez, le président a fait allusion aux préoccupations de la sénatrice Jaffer qui ont été soulevées par le passé au sujet du projet de loi C-46, que j’ai observé, concernant les moyens de transport et les modifications corrélatives à d’autres lois. Cela a trait à la conduite avec capacités affaiblies, à la modification des peines, à tout un éventail de questions et de leur lien avec la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
Un autre exemple est le projet de loi C-45 et la Loi sur le cannabis. Encore une fois, il s’agit de modifications des peines maximales de 10 ou 14 ans. Ils sont légèrement différents de ceux que nous traitons ici, mais ils couvrent le même domaine.
Avons-nous examiné la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en tant que Parlement de manière à nous assurer que nous comprenons le lien avec ces modifications au Code criminel? C’est le but de cette observation. Il ne s’agit pas seulement de demander au ministre d’examiner le Code criminel. Je pense qu’il s’agit du lien avec la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. D’autres aspects que ceux que je soulève pourraient être couverts par l’examen, et c’est pourquoi on suggère d’invoquer à nouveau la Commission de réforme du droit pour adopter un point de vue global.
Le sénateur Dalphond : J’appuie cette observation.
J’ajouterai également que j’aimerais faire une observation de nature plus générale à l’intention des avocats et leur demander de ne pas voir l’augmentation de la peine comme un moyen d’exiger une peine plus importante qu’auparavant. Je pense que cela ira très bien. Il s’agit assurément d’un exemple précis de conséquences non voulues que nous ne souhaitons pas voir se produire.
Le sénateur Gold : J’appuie totalement la nécessité de se pencher sur la loi. Ma seule réserve concerne la recommandation de la Commission de réforme du droit.
J’appuie la Commission de réforme du droit du Canada. Je déplore sa disparition. J’ai effectué des études pour elle quand j’étais professeur de droit. Je les ai utilisées dans mes cours. Il s’agit d’une question distincte de celle de savoir si la loi devrait être étudiée. Elle devrait l’être, que ce soit par le gouvernement, un comité parlementaire ou un comité sénatorial, ou au moyen d’une étude.
J’aimerais suggérer que nous n’embrouillions pas les choses avec une question distincte et que j’aimerais réellement voir se concrétiser. Je ne suis pas certain qu’il soit nécessaire de faire valoir l’argument qui est vraiment important dans l’observation.
Le sénateur McIntyre : Sénatrice Lankin, comme nous le savons, le projet de loi C-75 fait passer de six mois à un an moins un jour les peines maximales pour les condamnations par procédure sommaire. Dans votre observation, vous parlez de la façon dont les infractions punissables par procédure sommaire peuvent présenter des risques pour les résidents permanents et les étrangers. Plus loin, vous ajoutez qu’ils peuvent être expulsés sans droit d’appel devant la Section d’appel de l’immigration s’ils sont reconnus coupables d’une infraction et condamnés à une peine d’emprisonnement de six mois ou plus.
Parlez-vous d’infractions de moins de deux ans ou d’actes criminels plus graves, comme les homicides et les meurtres au premier et au deuxième degré?
La sénatrice Lankin : Je parle de crimes moins graves. Les infractions punissables par procédure sommaire sont érigées en infractions mixtes lorsque les peines sont inférieures à deux ans. Je signale que les observations antérieures du comité sur les projets de loi C-46 et C-45 portaient sur des infractions criminelles plus graves passibles d’une peine maximale de 10 ans et de 14 ans.
Je le souligne dans l’explication. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises, mais mon observation au sujet de ce projet de loi porte sur les peines de moins de deux ans.
Le sénateur McIntyre : Merci de cette précision.
[Français]
Le sénateur Pratte : J’appuie le commentaire du sénateur Gold sur la Commission de réforme du droit. Je suis tout à fait favorable à ce qu’on rétablisse cette commission. Je trouve qu’il y a plusieurs arguments qui y sont favorables, mais si le comité veut se prononcer à ce sujet, il devrait le faire de façon séparée, si ce n’est pas déjà fait.
[Traduction]
Le président : C’est pourquoi je voulais intervenir dans ce dossier.
Je tiens à rappeler à mes collègues notre rapport intitulé Justice différée, justice refusée, dans lequel nous soulignons que deux projets initiaux de la Commission de réforme du droit du Canada, lorsqu’elle a été créée en 1971, consistaient à réviser le Code criminel et la Loi sur la preuve au Canada. Ces révisions n’ont jamais été achevées. Le comité recommande que la Commission de réforme du droit soit établie et soit chargée en priorité de moderniser le Code criminel.
C’est la recommandation que nous avons adoptée.
Le sénateur Pratte : Serait-il possible, monsieur le président, de remanier cette partie du projet de loi pour faire référence à notre recommandation précédente?
[Français]
Il ne faut pas donner l’impression qu’on veut remettre en place la commission uniquement pour cette raison-là.
[Traduction]
Le président : Nous pourrions certainement nous référer à notre précédent rapport. Le comité a déjà recommandé la révision du Code criminel et de la Loi sur la preuve au Canada.
Le sénateur Pratte : Ce serait une raison supplémentaire de le faire.
Le président : À ce mandat pourrait s’ajouter l’examen de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Cela relierait donc cette recommandation à notre recommandation précédente, qui, comme vous le savez, a été adoptée à l’unanimité par le comité.
Le sénateur Gold : C’est une bonne chose, et c’est pertinent tant que l’examen de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés n’est pas rattaché à la décision du gouvernement de mettre sur pied une commission de réforme du droit. S’il décide de ne pas le faire pour une raison ou une autre, quelqu’un d’autre devrait s’en occuper.
Le président : Cela ne veut pas dire que l’examen de la loi n’est pas essentiel.
Le sénateur Gold : En effet.
Le président : Il faut faire la distinction entre l’examen et le responsable de l’examen. Ce sont là deux objectifs différents.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je suis d’accord avec mes collègues en ce qui a trait à la question de la Commission de réforme du droit. D’ailleurs, l’un de nos rapports recommandait de recréer la Commission de réforme du droit, donc ce n’est pas une mauvaise idée de l’introduire. Cependant, je ne trouve pas approprié d’utiliser une approche où l’on semble vouloir remettre la commission sur pied uniquement pour traiter cette question. Je suis d’accord avec le compromis des deux, qu’on fasse le lien avec le rapport pour ajouter un mandat. Je trouve que ça crée une continuité dans les rapports. Il y a une logique là.
La sénatrice Dupuis : Je voulais faire la même référence que vous avez faite, monsieur le président, au rapport produit par le comité en 2017. J’aimerais mieux qu’on reprenne les termes exacts de ce rapport.
[Traduction]
Le président : Nous allons vérifier le rapport. Ce que j’ai ici, ce sont les citations entre guillemets, et cela devrait normalement être le texte.
Je n’ai pas le texte sous la main, mais je vais l’examiner pour m’assurer qu’il y a un lien, comme le sénateur Carignan l’a mentionné, avec le libellé exact.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Nous voulons y faire référence, et nous l’indiquons parfois dans les rapports du comité. Nous revenons ou nous insistons sur une recommandation que nous avons déjà faite dans un document quelconque.
J’ai une question plus précise à poser à la sénatrice Lankin. À ce moment-là, est-ce que vous acceptez d’enlever la dernière phrase de votre deuxième observation? Nous allons la reprendre de façon différente en mentionnant un rapport que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a déjà rédigé.
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Oui, je demandais si je pouvais proposer un amendement à ce que j’ai écrit. C’est en droite ligne avec ce que chacun a proposé. Parfois, on n’arrive pas à comprendre ce qu’une personne a en tête. J’étais au courant du rapport parce que le président m’en avait parlé.
Le titre exact est-il Justice différée, justice refusée?
Le président : Oui, justice différée, justice refusée, cela dit tout.
La sénatrice Lankin : Je recommanderais de modifier la dernière phrase du texte que j’ai lu, où je mentionne la Commission de réforme du droit. Je supprimerais la référence à la commission. On indiquerait que le comité demande au gouvernement du Canada d’entreprendre un examen de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et du lien entre l’augmentation des peines et cette loi.
On ajouterait une deuxième phrase que je laisserais aux bons soins du président et de l’analyste. Le comité soulignerait que le rétablissement de la Commission de réforme du droit du Canada serait une option pour le faire. Il s’agit d’une recommandation, et cetera.
Le président : On ferait un lien avec notre précédent rapport.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Sénatrice Lankin, j’essaie de comprendre le lien que vous faites à la cinquième ligne de votre observation n° 2 entre l’augmentation des sentences maximales pour les convictions sommaires et la phrase suivante :
[Traduction]
La conséquence non voulue de l’augmentation du nombre de personnes menacées d’expulsion contreviendrait à l’esprit du projet de loi.
[Français]
Autrement dit, la première phrase, je la comprends très bien, elle est très claire. Ma question concerne la deuxième phrase. Pourquoi faites-vous un lien avec le mot « increasing »? Cela m’apparaissait comme étant une question théorique. Je ne croyais pas qu’il fallait faire ce lien-là. Je pensais que la première phrase se tenait d’elle-même :
[Traduction]
Cela ne doit pas donner l’impression que le but est de traiter ces infractions plus sévèrement.
[Français]
Je trouve cela très clair en soit. Ma question est la suivante : quel lien faites-vous entre cette affirmation et l’expression « unintended consequence of increasing »?
[Traduction]
La sénatrice Lankin : Je vais tenter de vous répondre au lieu de vous laisser proposer des réponses, et si ce n’est pas assez clair, nous pourrons avoir une discussion utile.
J’en déduis de votre question que le libellé n’est probablement pas assez clair. L’objet du projet de loi C-75 est notamment d’en arriver à une utilisation plus efficace et efficiente des ressources. Dans les faits, certains éléments pourraient avoir l’effet contraire, en créant plus d’arriérés, de retards, et cetera, et en rendant les choses plus complexes.
Si vous pensez que cette phrase n’est pas nécessaire, je suis d’accord pour la laisser tomber. C’est un ajout. Elle est peut-être superflue. Je ne pense pas que cela nuise au reste. Je suis d’accord pour la supprimer si cela satisfait tous les membres.
Le président : Pourriez-vous préciser la phrase que vous proposez de supprimer?
La sénatrice Lankin : L’avant-dernière phrase serait que la conséquence non voulue de l’augmentation du nombre de personnes menacées d’expulsion contreviendrait à l’esprit du projet de loi C-75 et entraînerait probablement un allongement des délais judiciaires.
À mon avis, on peut supprimer cette phrase. Cela n’a pas d’incidence sur la portée de l’observation. Sénatrice Dupuis, est-ce que cela vous convient?
Le sénateur Dalphond : Gardons cela.
[Français]
La sénatrice Dupuis : On peut la laisser. Vous avez expliqué votre raisonnement et je suis d’accord pour l’accepter. Je ne demande pas nécessairement de l’enlever. Je voulais seulement comprendre le lien que vous faisiez entre les deux phrases.
[Traduction]
Le président : Il n’est pas nécessaire de la supprimer, car elle renforce l’argument d’une certaine façon. Comme vous l’avez mentionné, la conséquence inattendue irait à l’encontre de l’objectif général du projet de loi C-75, qui est essentiellement de remédier au problème des délais judiciaires.
J’ai donné mon avis. Je ne pense pas, sénatrice Lankin, que cela alourdit le sens.
La sénatrice Lankin : Très bien.
Le sénateur Sinclair : J’ai l’impression d’avoir levé la main il y a fort longtemps, car nous avons discuté de tant de choses depuis. Je pense que mon point a été soulevé et réglé, alors merci. Je vais passer mon tour.
Le président : Comme vous voyez, c’est parfois mieux ainsi.
Le sénateur Pratte : Aviez-vous un amendement au projet de loi?
Le sénateur Sinclair : Je ne veux pas changer quoi que ce soit.
Le président : Vous savez, on remporte parfois la partie en ne jouant pas.
Le sénateur Sinclair : J’allais proposer de ne rien changer. Si les membres du comité sont d’accord pour laisser la phrase, c’est parfait.
Le président : Merci, sénateur.
On a discuté à la table des modifications à apporter concernant la Commission de réforme du droit et le précédent rapport du comité.
Êtes-vous d’accord, chers collègues, pour joindre ces observations au rapport du comité?
Des voix : D’accord.
Le président : Vous avez une troisième observation.
La sénatrice Lankin : Merci, monsieur le président. Je vais la lire pour le compte rendu.
Le comité a entendu des témoins qui se sont dits très déçus de voir que ce projet de loi ne correspondait pas à la promesse électorale faite par le gouvernement de supprimer du Code criminel les dispositions sur les peines minimales. Le ministre de la Justice et son gouvernement ont fait savoir que cette mesure leur tenait toujours à cœur et qu’un examen exhaustif de la question achevait. Le comité fait observer que le gouvernement a eu quatre ans pour apporter des modifications au Code criminel afin d’honorer le mandat que lui ont confié les Canadiens, et déplore le fait que, jusqu’à maintenant, aucune action législative en ce sens n’a été prise.
En guise d’explications, monsieur le président, je rappelle que divers témoins ont soulevé la question. Ils ont en fait demandé au comité d’amender le projet de loi en ce sens. De l’avis général du comité, et certainement du mien, ce n’était pas une bonne façon de procéder, soit de vouloir concrétiser une promesse du gouvernement par un amendement à un projet de loi qui ont une portée plutôt restreinte et précise. Il s’agit d’une question très vaste.
Bien entendu, c’est une question qui demeure controversée. Les sénateurs présents autour de la table ont différents points de vue. L’observation renvoie à l’engagement qu’avait pris le gouvernement auprès de l’électorat.
Le ministre avait été très sincère quant à sa volonté de mener à bien ce dossier. Il est nouveau dans ce poste. Le travail n’est pas terminé et le dossier en est là où il en est aujourd’hui. S’il est possible de poursuivre le travail après les élections, ou si un autre parti décide ou non de poursuivre sur cette voie, c’est ce que l’avenir nous dira.
J’ajouterai que si je propose cette observation, c’est notamment parce que dans le précédent rapport du comité adopté à l’unanimité, Justice différée, justice refusée, il y avait un commentaire au sujet des peines minimales. Le gouvernement tient son mandat des Canadiens au sujet de la réforme.
Il est malheureux que le gouvernement ait eu tout ce temps pour agir dans un dossier aussi important de son mandat et ne l’ait pas fait. Je répète encore une fois que ce n’est pas seulement dans les discussions sur ce projet de loi, mais aussi dans nombre d’autres cas, que nous avons entendu beaucoup de gens au sein de la communauté, pas tous, s’inquiéter de l’inaction du gouvernement. Il s’agit d’un commentaire critique pour faire part au gouvernement de notre déception dans ce dossier et lui rappeler que le Sénat croit, comme en témoignent sa position officielle et le rapport du comité, qu’il devrait donner suite à cette promesse.
Le président : Merci, sénatrice.
Le sénateur McIntyre : Sénatrice Lankin, j’en déduis que vous faites allusion à toutes les peines minimales obligatoires, comme le meurtre au premier degré, le meurtre au deuxième degré et les infractions de terrorisme.
La sénatrice Lankin : Je fais allusion à la promesse qui a été faite d’examiner et de modifier l’approche concernant les peines minimales obligatoires et le régime actuellement en place dans le Code criminel.
Cet examen pourrait aboutir à une mise en œuvre différenciée des peines minimales. Je ne précise pas dans l’observation le résultat de l’examen, mais je dis que nous sommes déçus de voir que le gouvernement n’a pas respecté sa promesse.
Le sénateur McIntyre : Vous mettez l’accent sur l’examen.
La sénatrice Lankin : Oui.
Le sénateur McIntyre : Un examen de la question, non pas son résultat final.
La sénatrice Lankin : La sénatrice Batters parle volontiers d’une promesse brisée. Je l’ai déjà entendue le dire. Oui, je suis d’accord avec vous pour dire qu’il s’agit d’une promesse brisée.
Je peux dire que la promesse était de supprimer les dispositions relatives aux peines minimales dans le Code criminel. C’est une promesse brisée. Le ministre a indiqué qu’un examen est en cours. J’admets que l’examen peut prendre une tangente un peu différente par rapport au mandat original.
C’est pourquoi je n’entre pas dans les détails au sujet du résultat final. Suis-je personnellement en faveur de l’élimination des peines minimales? Oui. Je comprends que ce n’est pas votre cas ou que nous pourrions être d’accord pour certaines ou pas toutes. C’est l’examen démocratique de la question qui nous mènerait à la réponse.
Le sénateur McIntyre : En d’autres mots, vous ne demandez pas au gouvernement de supprimer les peines minimales obligatoires. Vous lui demandez de revoir le cadre dans son ensemble.
La sénatrice Lankin : Il ne s’agit pas même d’une demande directe. C’est une observation. Le gouvernement a eu quatre ans pour proposer les modifications qu’il jugeait à propos pour honorer le mandat que l’électorat lui avait confié. Nous constatons que cela n’a pas été fait. Nous déplorons qu’aucune action législative n’ait été prise à ce jour.
Le président : Je veux souligner que nous faisons allusion à la lettre de mandat du ministre de la Justice et procureur général. Au lieu de parler de promesse électorale, qui fait un bon discours en troisième lecture, ne devrions-nous pas parler plutôt de la lettre de mandat du ministre de la Justice, car c’est plus clair, à mon avis, qu’il s’agit d’une promesse brisée ou non respectée. Je vous pose la question.
La sénatrice Lankin : Je pense qu’il s’agit en fait d’une amélioration, mais c’est au comité d’en décider.
Le président : L’autre élément concerne notre recommandation no 8 dans Justice différée, justice refusée:
Le comité recommande au ministre de la Justice de procéder à un examen intégral des peines minimales obligatoires afin :
de dégager des principes raisonnables basés sur des données probantes pour déterminer dans quelles circonstances elles sont appropriées;
d’évaluer la possibilité de permettre au tribunal d’y substituer d’autres peines ou des traitements lorsque le contrevenant aux prises avec des problèmes de santé mentale est passible d’une peine minimale obligatoire.
Ce pourrait être une façon pour faire référence à la lettre du ministre et à la recommandation du comité.
La sénatrice Lankin : Je pense que c’est une amélioration.
Le président : Ce n’est qu’une suggestion et non une proposition.
La sénatrice Batters : La sénatrice Lankin pourrait certainement parler à la fois de la promesse électorale et de la lettre de mandat, car les deux sont étroitement liées. La lettre de mandat découle naturellement de la plateforme.
Le président : La lettre de mandat est un élément important. Nous sommes le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Lorsqu’il est question du mandat, je pense que nous devrions y faire référence.
[Français]
Le sénateur Carignan : Est-ce qu’on regrette ou on constate?
Le président : On constate et ensuite on peut le regretter.
Le sénateur Carignan : On a des points de vue différents. Je ne suis pas un adepte des sentences minimales. Dans certains cas, ça fonctionne. On l’a vu dans le cas de la conduite avec les facultés affaiblies, notamment. Dans d’autres cas, je ne suis pas sûr que ça fonctionnera. Je propose un consensus : constater que cela n’a pas été fait plutôt que de le regretter.
La sénatrice Dupuis : La phrase où il est indiqué ceci :
Le comité fait observer que le gouvernement a eu quatre ans pour apporter des modifications et qu’aucune action législative en ce sens n’a été prise jusqu’ici.
On garde la phrase telle quelle et on dit plutôt qu’on ne fait qu’observer le fait que le gouvernement a eu quatre ans pour apporter des modifications au Code criminel et qu’aucune loi n’a été prise jusqu’ici.
[Traduction]
Le président : À mon avis, il est important de faire référence à la recommandation no 8 du comité. Outre la promesse du gouvernement et les instructions données au ministre de la Justice, il y a la position du comité sur les peines minimales obligatoires, ce qui rejoint ce qu’a dit le sénateur Carignan à ce sujet.
Je suggère de revenir à la recommandation no 8. Je ne suis pas ici pour ordonner quoi que ce soit, mais cela est conforme à ce que j’appelle la mémoire institutionnelle du comité quand il est question du Code criminel et qu’il maintienne une continuité dans sa façon d’évaluer les mesures à prendre. Ce n’est qu’une suggestion. Je ne suis pas là pour proposer quoi que ce soit, naturellement.
Avec le concours de la Bibliothèque du Parlement, nous pourrions indiquer à la deuxième ligne la promesse électorale, comme la sénatrice Batters l’a mentionné, la lettre de mandat du ministre de la Justice et la recommandation no 8 du comité dans son rapport. À mon avis, on aurait là un certain fondement, sans diminuer en quoi que ce soit l’importance de procéder à ce type d’examen.
Êtes-vous d’accord, chers collègues?
La sénatrice Lankin : J’aimerais répondre à cela, mais le sénateur attend, alors je vais répondre après qu’il aura eu la chance de parler.
Le sénateur Sinclair : Je suis conscient également qu’il ne nous reste plus beaucoup de temps.
Je ne veux pas m’éterniser sur ce point, mais je ne me souviens pas que le gouvernement se soit engagé concrètement pendant les élections à supprimer toutes les dispositions sur les peines minimales du Code criminel.
En fait, cela me semble une promesse insensée, car certaines dispositions prévoient des peines minimales depuis des décennies. La disposition sur la conduite en état d’ébriété en est un exemple, et le sénateur Carignan en a parlé. Il y en a dans d’autres également et elles y sont depuis longtemps.
Je ne sais pas si c’est exact, et je ne veux pas donner l’impression qu’on suggère d’abolir toutes les peines minimales, car je ne suis pas d’accord avec cette idée, bien honnêtement.
Je serais d’accord, comme l’a suggéré le président, qu’à la deuxième ligne on règle la question en ajoutant une référence à la lettre de mandat. Si on nous fournissait plus d’information sur la promesse électorale qui a été faite, on pourrait alors se concentrer sur cet élément ou simplement faire référence à la promesse électorale du gouvernement de procéder à un examen des dispositions sur les peines minimales, car il en est question dans la lettre de mandat.
Comme je l’ai mentionné, je ne me souviens pas qu’on ait promis de supprimer toutes les peines minimales. Je ne serais pas prêt sans doute à signer un document dans lequel on appuierait l’abolition de toutes les peines minimales.
Le président : Voilà pourquoi j’ai suggéré le libellé de notre recommandation no 8.
La sénatrice Lankin : Je suis d’accord avec vous, sénateur Sinclair.
Le sénateur Dalphond : J’étais le suivant.
Le président : Vous êtes le suivant, mais c’était plutôt un échange direct entre nous deux.
Le sénateur Dalphond : Oui, oui, mais nous suivons cela également. Je suis désolé de vous interrompre, mais il ne nous reste vraiment pas beaucoup de temps. J’avais écrit sur mon document que ce devrait être le mot « examiner » plutôt que « supprimer ».
Mes collègues ont très bien fait valoir les autres arguments, alors je n’ai rien d’autre à ajouter.
Le président : C’est une concordance de vues.
Le sénateur Dalphond : Tout à fait.
La sénatrice Lankin : Vous pensiez que l’on devrait faire quoi?
Le sénateur Dalphond : Examiner.
La sénatrice Batters : Au sujet du mot « déplore », je suis d’accord avec mon collègue, le sénateur Carignan, sur ce point. On ne parle pas seulement d’une observation. On mentionne que le comité fait observer que le gouvernement a eu quatre ans. C’est bien, mais ensuite on dit déplorer qu’il n’y ait pas eu d’action législative de prise jusqu’à maintenant.
Cela veut dire que le comité déplore cela. Il se pourrait que certains membres du comité le déplorent, mais ce n’est pas mon cas, car je pense que beaucoup de peines minimales actuellement en vigueur devraient continuer de l’être.
Je crois qu’on pourrait utiliser un mot un peu moins fort, au lieu de déplorer, afin que l’on puisse s’entendre sur cette disposition. Sénatrice Lankin, auriez-vous quelque chose à suggérer?
Le président : Exprime des inquiétudes.
La sénatrice Lankin : Puis-je simplement proposer un cadre général qui coïncide avec les commentaires du président, afin d’orienter les analystes dans la préparation d’un autre libellé? Je pense que nous devrions faire référence à la promesse électorale, comme l’a mentionné le sénateur Sinclair, en parlant des dispositions sur les peines minimales, et non pas de supprimer les peines minimales, comme cela se reflète dans la lettre de mandat du ministre. Je pense que c’est le meilleur endroit pour en parler, comme vous l’avez recommandé judicieusement, monsieur le président.
Je suggère que la référence au rapport du comité, à son adoption par le Sénat et à la recommandation no 8 viennent en fait après que l’on fait observer que le ministre de la Justice a toujours à cœur cette mesure et qu’un examen exhaustif de la question achevait.
Avant de mentionner que le comité fait observer que le gouvernement a eu quatre ans, j’ajouterais à cet endroit la référence au rapport du comité et au rapport du Sénat et à la recommandation no 8, et j’ajouterais le libellé ici.
La dernière phrase serait alors que le gouvernement a eu quatre ans pour présenter des modifications au Code criminel afin d’honorer le mandat que lui ont confié les Canadiens et que, jusqu’à maintenant, aucune action législative n’a été prise. On supprime ainsi le mot « déplore ».
En ajoutant une référence à la lettre de mandat et au rapport du comité, cela devient superflu. Je conviens que cela polarise en quelque sorte les points de vue, alors que nous ne savons même pas si nous sommes d’accord ou non sur l’ensemble de ces questions.
Le président : Cela vous convient-il, sénatrice Batters?
La sénatrice Batters : Oui.
Le président : Merci.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je relisais la lettre de mandat. Je n’ai pas encore eu le programme électoral. C’est un programme auquel j’ai moins accordé d’attention qu’en 2015. Le premier ministre ne voulait pas que les sénateurs s’impliquent dans la campagne électorale.
La lettre de mandat n’indique pas clairement le fait d’abolir les peines minimales. Elle indique ce qui suit :
Réviser les changements apportés depuis dix ans à notre système de justice pénale ainsi que les réformes de la détermination des peines apportées au cours de la dernière décennie, avec le mandat d’évaluer ces changements et de veiller à ce que nous accroissions la sécurité de nos collectivités [...]
C’est une formulation sur l’abolition des peines minimales moins engageante.
[Traduction]
Le président : Je crois qu’à ce stade-ci, je peux intervenir. Les analystes et moi avons pris des notes. Je constate que les sénateurs ici présents s’entendent sur un libellé qui tient compte de ces nuances. Nous ne nous prononçons pas sur les peines minimales proprement dites. Nous examinons essentiellement ces peines dans le contexte de la lettre de mandat et des recommandations du comité, recommandations qui étaient, à mon avis, judicieuses à ce moment-là.
Comme vous vous en souviendrez, nous avons eu une discussion qui était, selon moi, équilibrée et nuancée dans le cadre de laquelle nous avons tenu compte de tous les aspects d’un problème qui est assez complexe. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Sur ce, est-il convenu que l’analyste examine le texte et s’assure qu’il coïncide avec les opinions exprimées autour de la table? Je vais distribuer le texte aux deux vice-présidents et à la sénatrice Lankin pour être sûr qu’il est satisfaisant.
Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci. Nous passons maintenant aux observations du sénateur Dalphond.
Sénateur Dalphond, auriez-vous l’obligeance de les lire pour que nous puissions les mettre aux voix?
Le sénateur Dalphond : J’ai trois brèves observations à proposer. La première concerne l’augmentation des peines pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire :
Avec le passage de la peine maximale de six mois à deux ans moins un jour, sans égard à la gravité de l’infraction, certains témoins ont soulevé le risque que même les infractions moins graves se voient punies plus sévèrement.
Toutefois, le comité comprend que l’augmentation de la peine d’emprisonnement maximale ne vise pas à modifier le cadre actuel de la détermination de la peine, ni nuire à la capacité du tribunal d’imposer une peine proportionnelle au degré de responsabilité du délinquant et la gravité de l’infraction.
Le comité prend donc acte que l’augmentation de la peine d’emprisonnement maximale n’est pas une invitation aux procureurs et aux juges de favoriser une inflation des peines actuellement imposées. En conséquence, le comité invite le gouvernement à instruire les avocats du gouvernement de cette importante précision et à en informer les gouvernements provinciaux et territoriaux.
Le président : Veuillez fournir une explication.
Le sénateur Dalphond : Vous vous souviendrez que le ministre, lors de sa comparution, a dit — à l’instar de certains témoins — que l’intention n’était pas de favoriser l’inflation des peines, comme nous le disons parfois dans le système judiciaire.
Cette observation cadrera très bien avec celle proposée par la sénatrice Lankin. Son observation illustre la réalité qui est décrite dans la mienne. Ici, ce que je veux dire, c’est que le comité recommande au gouvernement de demander aux procureurs d’agir en conséquence et de s’assurer que personne n’a la possibilité de dire : « Révisons l’échelle des peines. »
Le président : Y a-t-il des questions ou des observations?
La sénatrice Batters : J’ai des réserves au sujet de cette observation. Sénateur Dalphond, vers la fin, vous parlez d’inviter le gouvernement à instruire les avocats du gouvernement. Voulez-vous dire les procureurs?
Le sénateur Dalphond : Oui, je parle d’instruire les avocats du gouvernement. Vous pourriez dire « les procureurs » parce que c’est le mot utilisé à la deuxième ligne. Alors, oui, si vous y tenez.
La sénatrice Batters : Oui, je crois que ce devrait être les procureurs plutôt que les avocats du gouvernement. Le gouvernement emploie beaucoup d’avocats, mais je crois que vous faites allusion à ceux qui s’occupent des affaires criminelles.
Nous avons effectué une sorte d’étude condensée sur ce genre de projet de loi, mais je ne pourrais pas dire avec certitude que le gouvernement ne veut décidément pas une augmentation de la peine d’emprisonnement maximale. Il le veut peut-être dans certains cas. Je doute que nous ayons suffisamment de preuves pour être en mesure de faire une observation à ce sujet. Je suppose que j’aurais besoin d’entendre l’avis des fonctionnaires du ministère de la Justice.
Le président : Madame Morency, pourriez-vous vous joindre à nous? Je ne vous ai pas vue vous porter volontaire, mais je vous invite tout de même à prendre place à la table.
Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale, ministère de la Justice Canada : Pour essayer de me rendre utile au comité, le premier point que j’aborderai concerne la question des avocats du gouvernement. D’après ce que j’ai cru comprendre, il s’agit peut-être d’instructions ou de directives en matière de pratique à l’intention des procureurs qui engagent des poursuites criminelles. Dans les provinces, cela relèverait de la responsabilité des services provinciaux. Dans les territoires, ce serait le Service des poursuites pénales du Canada.
Deuxièmement, je suis d’accord avec le sénateur Dalphond : il est vrai que, d’après la position du gouvernement, les remarques du ministre et, bien entendu, nos témoignages devant le comité, l’objectif a été de souligner que les propositions visent à assurer le reclassement en infractions mixtes des infractions qui sont actuellement punissables par mise en accusation. Autrement dit, c’est une tentative pour réaliser des gains d’efficacité en matière de procédure, sans avoir l’intention de changer l’incidence sur la détermination d’une peine appropriée dans ces cas.
Jusqu’à maintenant, c’est-à-dire avant le projet de loi C-75, une infraction punissable par mise en accusation et passible d’un emprisonnement de 10 ans entraînait une peine de 6 mois. Elle serait toujours passible d’une telle peine après le reclassement, mais la procédure serait plus simple.
Ainsi, il serait possible de mener des interrogatoires dans le cas des infractions punissables par procédure sommaire, lesquelles sont actuellement passibles d’une peine maximale de moins de deux ans moins un jour. Cela passerait à deux ans moins un jour, et il y aurait une différence. C’est un élément dont les tribunaux tiendraient habituellement compte. On parle parfois d’un changement de l’échelle des peines.
Dans la mesure où le Parlement adopte le reclassement en infractions mixtes, si telle est sa volonté dans le cadre du projet de loi C-75, alors, oui, d’après les témoignages entendus au comité, cela ne devrait pas changer. Les principes de détermination de la peine restent les mêmes. La même infraction devrait être assujettie au même type de peine en pareilles circonstances.
Dans les cas où, de façon générale, la peine maximale passe de 6, 12 ou 18 mois à 2 ans moins 1 jour, les tribunaux chercheraient alors à appliquer les mêmes principes dans toutes les circonstances, en fonction de ce qui constituerait l’infraction la plus grave dans la nouvelle échelle et selon ce qui représenterait une peine appropriée. Je crois que cela devrait aider le comité à évaluer les répercussions possibles d’une telle réforme.
La sénatrice Batters : Merci beaucoup, parce que vous avez soulevé un très bon point auquel je n’avais pas pensé jusqu’ici. Lorsqu’on dit que le comité invite le gouvernement à instruire, bien entendu, il s’agit du gouvernement fédéral. Si nous employons plutôt le mot « procureurs », cela signifie que seul le gouvernement fédéral a la capacité, comme vous l’avez fait remarquer, d’instruire les procureurs fédéraux.
Plus loin dans le texte de l’observation, il est question d’informer les gouvernements provinciaux et territoriaux parce que ces derniers instruiront, à leur tour, leurs propres procureurs. Je crois qu’il serait utile d’ajouter cette précision.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Sénateur Dalphond, vous avez fait référence à la lettre du ministre. Je me demandais si on ne devait pas reprendre cette référence à la lettre du ministre. Autrement dit, ce n’est pas juste une observation tirée de notre propre réflexion, car on a eu l’occasion de discuter avec le ministre de cette question. J’ai l’impression qu’il serait utile de faire référence directement à cette lettre. On prend acte du fait que l’augmentation de la peine n’est pas une invitation au procureur de favoriser une inflation des peines. On veut toutefois rattacher cela à quelque chose. C’est une information importante qui nous a été donnée par le ministre. On veut la rattacher à cet engagement pris par le gouvernement actuel de ne pas aller dans le sens d’une inflation des peines.
Le sénateur Dalphond : Je ne crois pas que ce soit directement dans la lettre. Je pense que c’est plutôt dans le témoignage du ministre devant le comité.
Le président : Je suis en train de revoir la lettre que j’ai entre les mains.
Le sénateur Dalphond : Je fais de même, mais il me semble que ça apparaissait plutôt dans les réponses du ministre aux questions posées.
Le sénateur Carignan : A-t-on besoin, à ce moment-là, de faire des observations?
[Traduction]
Le sénateur Sinclair : Même si j’adore mon collègue, je ne suis pas sûr d’appuyer son observation. Je crois que cela contredit plutôt ce que le projet de loi tente d’accomplir.
Le projet de loi vise à assurer une souplesse dans l’approche adoptée par les procureurs et les tribunaux pour qu’ils soient en mesure d’imposer aux délinquants des peines plus longues en cas d’infractions punissables par procédure sommaire. Ainsi, il ne sera plus nécessaire de procéder par mise en accusation si un procureur souhaite imposer une peine de 12 mois ou de 18 mois.
Le procureur peut toujours opter pour une procédure sommaire. Avant, il ne le pouvait pas. Il devait procéder par mise en accusation, ce qui avait pour effet d’engorger le système et de créer des difficultés.
Cette observation semble laisser entendre qu’il ne faut pas demander des peines plus sévères du seul fait que la peine maximale pour les infractions punissables par procédure sommaire est maintenant fixée à deux ans moins un jour, alors qu’en réalité, l’objectif du projet de loi est de donner aux procureurs les moyens nécessaires pour imposer des peines plus longues, qu’il s’agisse de 15 mois ou de 18 mois. Bref, l’observation semble aller à l’encontre du projet de loi. Voilà mon premier point.
En deuxième lieu, je me demande dans quelle mesure il serait utile d’imposer au gouvernement une telle directive ou de proposer que le gouvernement du Canada demande à ses procureurs d’agir de cette façon, sachant que la plupart des infractions au Code criminel sont poursuivies par les procureurs provinciaux, et non fédéraux. Ce sont les services de poursuites provinciaux qui auront à exercer ce pouvoir discrétionnaire. Nous ne pouvons absolument pas, dans une observation comme celle-ci, donner une telle directive ou déclarer que cela aura une incidence sur les provinces.
Je suppose que les provinces qui veulent procéder par mise en accusation ne manqueront pas de le faire. Si elles veulent procéder par procédure sommaire, je suis sûr qu’elles procéderont ainsi et qu’elles demanderont toute peine que leurs services de poursuites souhaitent infliger. Je ne crois pas que les provinces tiendront compte de ce qui est mentionné dans l’observation.
Voilà pourquoi je doute que ce soit une observation particulièrement utile à cet égard. Je crois également qu’elle contredit le projet de loi. Je propose donc que nous y repensions.
Le sénateur Dalphond : Je n’ai pas d’objection à retirer cette observation parce que l’engagement du gouvernement montre clairement, selon moi, que cette mesure ne vise pas à modifier l’échelle des peines ni à favoriser l’inflation des peines. C’est ce qui a été dit, comme en témoigne le compte rendu du comité. Je n’y vois donc pas d’objection.
Si le libellé crée des difficultés, au lieu de préciser les principes que j’essaie de mettre de l’avant, alors je suis disposé à retirer l’observation.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je suis d’accord avec le sénateur Sinclair.
[Traduction]
Le président : Je crois qu’il y a un consensus au sujet de cette proposition.
Pouvez-vous passer à la deuxième observation?
Le sénateur Dalphond : La deuxième observation porte sur les procureurs fédéraux :
Le comité note que bien que le projet de loi puisse contribuer à réduire les délais au sein du système de justice pénale, il n’apporte pas une solution complète à la problématique.
Pour assurer une plus grande efficacité du système de justice pénale, le projet de loi doit s’accompagner d’un accroissement des ressources destinées au système judiciaire. À cet égard, le comité est particulièrement préoccupé par le manque de financement adéquat au sein du Service des poursuites pénales du Canada, ou SPPC, dont fait état l’Association des juristes de justice dans son mémoire sur le projet de loi C-75 datant du 2 mai 2019. Comme le souligne l’Association, le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2018 révèle que seulement 54 p. 100 des répondants employés par le SPPC se disent en mesure de s’acquitter de leur charge de travail pendant les heures de travail. Le comité considère que le manque de financement adéquat au sein du SPPC minera l’atteinte de l’objectif du projet de loi de réduire les délais judiciaires.
Cette observation se passe d’explications. Elle est tirée du mémoire, et elle ne fait que demander au gouvernement de consacrer suffisamment de ressources.
Le président : Je suis désolé, chers collègues, mais votre conversation privée ne sera pas consignée au compte rendu du comité.
Le sénateur Dalphond : J’ai peut-être dit 44 p. 100. Si c’est le cas, je n’en suis pas sûr.
Le président : C’est écrit 54 p. 100 dans le texte que j’ai sous les yeux.
[Français]
Le sénateur Carignan : Je suis d’accord avec le principe d’augmenter les ressources. Par contre, je ne suis pas certain qu’on doive faire référence à un sondage mené auprès des fonctionnaires sur le nombre d’heures qu’ils consacrent à leur travail, d’autant plus que le Sénat a mené une étude à cet égard qui, à mon avis, est beaucoup plus complète qu’un sondage. Je préférerais qu’on tienne compte de notre rapport antérieur sur les délais. Nous sommes plusieurs à avoir pratiqué le droit dans le secteur privé. Je n’ai jamais vu un avocat préparer sa semaine de procès de 9 heures à 17 heures. Il doit toujours travailler en soirée. Il est donc normal que les résultats du sondage ne donnent pas l’heure juste.
[Traduction]
Le président : Quand je demande le statut d’intervenant, je dois travailler la fin de semaine pour préparer mes notes s’il faut plaider le lundi matin, croyez-moi.
[Français]
Le sénateur Carignan : Le sondage vaut ce qu’il vaut. Je préférerais qu’on fasse référence aux travaux antérieurs.
[Traduction]
Le président : Je demanderai à nos analystes de faire référence au rapport du comité, qui porte sur les retards dans le système judiciaire et qui révèle que certains d’entre eux sont attribuables, en partie, au manque de ressources financières.
Seriez-vous d’accord, sénateur Dalphond, pour que nous supprimions les mots « [c]omme le souligne l’Association », et cetera?
Le sénateur Dalphond : Oui, et faisons référence au rapport précédent du comité.
Le président : Acceptez-vous que nous fassions référence au rapport précédent du comité?
Le sénateur Dalphond : Oui.
[Français]
Le sénateur Pratte : Personnellement, je comprends que c’est dans la logique du rapport, mais j’ai tout de même des réserves. Selon mon expérience ici à ce jour, chaque comité veut obtenir plus de ressources dans son domaine. Je tenais simplement à exprimer mes réserves au comité. Voilà.
[Traduction]
Le président : Je ne veux pas vous contredire, mais je tiens simplement à ajouter un point. Dans un discours prononcé par l’ancienne juge en chef Beverley McLachlin à l’occasion de la réunion annuelle du barreau sur l’accès à la justice au Canada, elle a évoqué le manque de ressources, en comparant de façon générale l’ampleur de l’augmentation dans divers ministères par rapport à celle au ministère de la Justice.
Je ne dis pas que nous devons faire référence à ce discours, mais je me rappelle très bien avoir Iu à ce sujet. La meilleure approche serait de mentionner notre rapport, ce qui se passe de commentaires. Comme je le dis, cela montre que nous ne perdons pas de vue cette question.
De façon générale, sénateur Pratte, votre observation est certainement valable.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Mon problème avec ce texte-là, c’est qu’on se reporte au témoignage d’une seule organisation. Je n’aime pas cette idée. On donne l’impression de privilégier un témoin plutôt qu’un autre. Je préférerais qu’on mentionne seulement les travaux du comité sur ces questions pour assurer l’accès à la justice à tous les citoyens et citoyennes. En effet, on a bel et bien constaté qu’il n’y a pas suffisamment de ressources.
[Traduction]
Le sénateur Dalphond : Je suis d’accord.
Le président : Vous acceptez que nous fassions référence au rapport du comité, plutôt qu’au Service des poursuites pénales du Canada.
Le sénateur Dalphond : Oui.
Le président : Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le président : Passons à la dernière proposition. Sénateur Dalphond, vous avez la parole.
Le sénateur Dalphond : Cela concerne les suramendes compensatoires antérieures qui sont toujours impayées.
Le comité invite le gouvernement fédéral et les responsables provinciaux de la perception des amendes à tenir compte de la décision R. c. Boudreault, 2018 CSC 58 de la Cour suprême du Canada concernant les suramendes compensatoires automatiques et des nouveaux principes établis par le projet de loi afin de ne pas insister à l’égard des suramendes compensatoires imposées entre 2013 et 2018.
Le concept de préjudice injustifié n’a rien de nouveau. Il a été instauré par le projet de loi C-75 pour désigner les amendes ou, devrais-je dire, les suramendes impayées. Cette observation repose sur les propos des représentants du ministère. Si je me souviens bien, quelqu’un nous a dit — et Mme Morency pourra peut-être me corriger —, qu’une directive avait été donnée aux responsables de la perception des amendes pour la dispense des frais impayés découlant des suramendes compensatoires automatiques. Je me trompe peut-être.
Mme Morency : À titre de confirmation, oui, nous avons effectivement dit avoir discuté d’une telle mesure administrative avec nos collègues provinciaux et territoriaux, ainsi qu’avec le Service des poursuites pénales du Canada. Je peux confirmer que le SPPC a pris la décision de ne pas exiger le paiement des suramendes compensatoires impayées qui ont été imposées entre 2013 et 2018, année à laquelle la décision Boudreault a été rendue.
Nous savons que les provinces envisagent également de prendre des dispositions similaires. Il s’agit d’une mesure qui est examinée de près ou déjà appliquée de façon active.
La sénatrice Batters : Sur ce point précis, il est acceptable que le comité demande au gouvernement fédéral de procéder ainsi. Je le répète, nous avons déjà adopté un ou deux amendements qui portaient précisément sur cette question et qui ont été préparés et autorisés par le gouvernement. C’est donc déjà réglé, à mon avis.
Pour ce qui est de proposer que le comité invite les responsables provinciaux de la perception des amendes à tenir compte de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, je suis sûre qu’ils le font déjà tous, puisqu’ils relèvent des ministères provinciaux de la Justice. Selon moi, dire aux gouvernements provinciaux de s’assurer de respecter la loi n’envoie pas un bon message.
Le sénateur Dalphond : J’aimerais faire une mise au point, sénatrice Batters : ce que nous avons adopté concerne les suramendes futures, et non les suramendes antérieures. Cette observation porte sur les suramendes déjà imposées. Évitons donc de confondre le passé, le présent et le futur. C’est ainsi.
En l’occurrence, cela tient compte de ce que les témoins nous ont dit. Certaines personnes qui se font imposer de telles suramendes ont beaucoup de difficulté à retourner devant les tribunaux pour demander une dispense. Nous devrions trouver un moyen de nous y prendre sans exiger d’autres procédures judiciaires.
Cette observation a vraiment pour objet d’inviter le gouvernement à trouver une solution administrative pour se débarrasser des suramendes antérieures qui sont toujours impayées.
[Français]
La sénatrice Dupuis : J’ai une question à poser au comité. Ne devrait-on pas tenir compte des commentaires de la représentante du ministère de la Justice en ce qui a trait à la décision prise à l’échelon fédéral? Est-ce qu’on ne devrait pas mentionner que le comité tient compte des renseignements transmis par le gouvernement fédéral quant au fait que la directrice des poursuites pénales a décidé de ne pas exiger le paiement des amendes qui ont été imposées entre 2013 et 2018 et qui sont toujours impayées? Cela irait un peu plus loin, mais on prendrait acte du fait qu’on a reçu l’information selon laquelle le gouvernement fédéral et le DPP ont décidé de ne pas exiger le paiement des amendes imposées de 2013 à 2018.
Le sénateur Dalphond : Pour ma part, je serais d’accord pour faire cette modification. Donc, au lieu « d’inviter le gouvernement », on indique que le comité prend acte de la décision du gouvernement fédéral et de l’invitation qu’il a transmise aux gouvernements provinciaux de renoncer au paiement de ces charges non perçues.
[Traduction]
Le président : Oui, cela rejoint ce que Mme Morency a mentionné, à moins que vous ne vouliez ajouter quelque chose, madame Morency.
Mme Morency : Cette observation prend acte des décisions rendues, ou disons qu’elle encourage ceux qui examinent encore des mesures à prendre. Je ne peux pas me prononcer au nom des provinces et des territoires quant à la façon dont ils iront de l’avant.
Le président : Ce n’est pas non plus ce que le comité veut faire. J’en suis convaincu, comme la sénatrice Batters l’a insinué.
[Français]
La sénatrice Dupuis : C’est pour cela que la seule chose que nous avons faite, c’est de prendre acte du fait que le gouvernement a invité les provinces à faire de même.
Le président : Oui, exactement.
[Traduction]
Le président : Très bien. Là-dessus, je vous remercie beaucoup, madame Morency. Votre proposition était très utile.
Chers collègues, est-il convenu que le Sous-comité du programme et de la procédure soit autorisé à donner son approbation à la version définitive des observations à annexer au rapport, en tenant compte des discussions d’aujourd’hui et en y apportant tout changement jugé nécessaire, que ce soit sur des questions de forme, de grammaire ou de traduction?
Des voix : D’accord.
Le président : Est-il convenu que le président fasse rapport du projet de loi modifié, avec observations, au Sénat?
Des voix : D’accord.
Le président : Merci, chers collègues. Voilà qui met fin à notre étude du projet de loi C-75.
La sénatrice Lankin : J’ai une question sur l’échéancier. Je sais qu’une réécriture des observations sera de mise et que certains d’entre nous devront être disponibles pour examiner le tout et y donner suite.
Avez-vous une idée du temps que cela prendra? D’où mon autre question : savez-vous plus ou moins quand vous seriez en mesure de déposer le rapport, ou est-ce que les observations révisées seront renvoyées à notre comité?
Le président : Je vais répéter les propos du sénateur Carignan. Nous travaillons, vous le savez, en dehors des heures régulières et même durant les fins de semaine, comme je l’ai aussi mentionné. Nous comptons toujours sur l’appui diligent des analystes. Dès que nous aurons les propositions, nous les ferons circuler aux sénateurs concernés qui ont été mentionnés pendant la discussion d’aujourd’hui.
La sénatrice Lankin : Je veux être en mesure de planifier mon horaire en conséquence, car je serai en déplacement demain. Est-ce que ce sera prêt probablement lundi?
Le président : Oui.
La sénatrice Lankin : Parfait.
Le président : Je ne serais pas en mesure de déposer le rapport aujourd’hui, pour des raisons évidentes, ni demain, puisque le Sénat ne siège pas. Nous siégeons le lundi soir. Comme vous le savez, lundi soir, à 18 h 15, nous serons saisis du projet de loi C-337. Nous nous assurerons d’avoir une copie de ces textes d’ici lundi matin. Nous distribuerons le tout pour que je puisse déposer le rapport, espérons-le, mardi prochain. C’est notre objectif.
Ce n’est toutefois pas garanti. Nous ferons de notre mieux pour que tout soit prêt. Comme vous le savez sans doute, il faut vérifier la numérotation et tout le reste, avec le consentement du ministère de la Justice. Nous devons nous assurer que notre produit final est à la hauteur de nos exigences de qualité en matière de production de rapports et que les observations révisées tiennent compte des commentaires qui ont été formulés autour de la table.
Voilà donc ce que nous visons comme date cible, et je crois que nous aurons l’autorisation du comité directeur pour procéder ainsi.
Chers collègues, permettez-moi de remercier les représentants du ministère de la Justice. Nous vous sommes très reconnaissants de votre contribution à nos travaux. J’en ferai mention dans le rapport. Je tiens à le faire, parce qu’il s’agit d’un exercice qui repose sur votre expertise et votre professionnalisme.
Bien entendu, je ne saurai passer sous silence la contribution de nos témoins d’aujourd’hui : Carole Morency, directrice générale et avocate générale principale; Shannon Davis-Ermuth, avocate-conseil principale; Paulette Corriveau, avocate; et, enfin, Matthias Villetorte, avocat-conseil et chef d’équipe.
Je tiens également à remercier les deux vice-présidents, la sénatrice Dupuis et le sénateur Boisvenu, ainsi que le parrain et les porte-parole du projet de loi, à savoir les sénateurs Sinclair, Boisvenu et Carignan, de leur contribution et de leur collaboration avec la présidence. Ainsi, lorsque le rapport sera déposé au Sénat, nous pourrons tous l’appuyer et être fiers de notre travail. Merci infiniment, chers collègues.
(La séance est levée.)