Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 6 - Témoignages du 18 octobre 2016
OTTAWA, le mardi 18 octobre 2016
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 17 h 10 pour poursuivre son étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je m'appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai le plaisir de présider la réunion de ce soir. Avant de laisser la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter, en commençant par ceux qui sont immédiatement à ma droite.
La sénatrice Marshall : Elizabeth Marshall, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Munson : Jim Munson, de l'Ontario.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Sinclair : Je m'appelle Murray Sinclair. Je suis du sud de la baie d'Hudson.
Le président : Merci, sénatrices et sénateurs.
Le comité poursuit son étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent. Ce soir, nous discuterons des événements, accidents et incidents qui surviennent au Canada, en essayant de comprendre les facteurs qui conduisent à ces événements et ce que nous pouvons faire pour les prévenir et, par là même, pour réduire les pressions exercées sur les services SAR maritimes.
Nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Je crois que vous avez préparé des déclarations préliminaires. Je vous demande de bien vouloir vous présenter et de commencer vos déclarations préliminaires, après quoi nous passerons aux questions des membres de notre comité.
Jean L. Laporte, administrateur en chef des opérations, Bureau de la sécurité des transports du Canada : Je m'appelle Jean Laporte. Je suis administrateur en chef des opérations au Bureau de la sécurité des transports.
[Français]
Monsieur le président, honorables membres du comité, j'aimerais vous remercier d'avoir invité le Bureau de la sécurité des transports du Canada à comparaître aujourd'hui. J'ai à mes côtés le capitaine Marc-André Poisson, notre directeur des enquêtes maritimes. M. Poisson est bien placé pour fournir un contexte élargi et de l'information sur nos enquêtes et statistiques maritimes.
J'aimerais tout d'abord prendre un moment pour vous rappeler qui nous sommes et ce que nous faisons au BST afin de bien cadrer nos discussions.
[Traduction]
Le BST est un organisme indépendant, créé en 1990 en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Notre mandat est de promouvoir la sécurité des transports dans les modes de transport aérien, maritime, ferroviaire et par pipeline qui relèvent de la compétence fédérale. Nous remplissons ce mandat en menant des enquêtes indépendantes, en cernant les lacunes de sécurité, les causes et les facteurs contributifs, en faisant des recommandations et en publiant des rapports.
En bref, quand quelque chose va mal, nous enquêtons afin de déterminer non seulement ce qui est arrivé, mais aussi pourquoi. Puis, nous publions ce que nous avons appris, de sorte que ceux qui sont les mieux placés pour prendre des mesures correctives puissent le faire.
Il est également important de préciser que le BST n'est pas un organisme de réglementation ni un tribunal. Nous n'attribuons pas de faute, et nous ne déterminons pas les responsabilités civiles ou pénales. Nous n'effectuons pas d'inspections ni de vérifications. Ces responsabilités appartiennent à d'autres organismes. Nous sommes donc en mesure de vous fournir des renseignements uniquement à partir des événements qui nous sont signalés et sur lesquels nous avons effectué des enquêtes.
En 2015, 245 accidents et 707 incidents maritimes ont été signalés au BST, soit une légère baisse par rapport à l'année précédente. Chacun de ces événements est soigneusement documenté et évalué selon notre politique sur la classification des événements afin de déterminer s'il y a matière à faire enquête. Nous faisons enquête uniquement sur les cas les plus aptes à nous permettre de faire progresser la sécurité. Au cours de l'exercice 2015-2016, nous avons lancé 12 nouvelles enquêtes maritimes et nous en avons terminé 15.
Dans toutes nos enquêtes, nous prenons en considération les mesures d'urgence qui sont prises en réponse à l'événement, incluant les activités de recherche et de sauvetage. Lorsque cela est nécessaire, nous examinons ces activités en profondeur comme partie intégrale de notre enquête.
[Français]
Dans le cadre de nos enquêtes effectuées entre 2004 et 2015, nous avons relevé huit enjeux en lien avec la recherche et le sauvetage maritimes au Canada.
Plusieurs enquêtes révèlent que l'absence de radiobalises de localisation des sinistres à bord des navires a fait perdre trop de temps et surtout trop de vies. Ces radiobalises avertissent automatiquement le système de recherche et sauvetage lors d'un sinistre d'un navire et contribuent grandement à une intervention rapide de recherche et sauvetage. Cette problématique concerne principalement l'industrie de la pêche.
D'autre part, nous observons d'autres délais d'intervention après que les opérations de recherche et sauvetage ont reçu un signal de détresse. Par exemple, l'information transmise aux services de recherche et sauvetage est parfois inexacte ou invalide, ce qui fait perdre du temps précieux.
Pour certains cas, nous avons observé que si tous les organismes responsables de la gestion d'une urgence ne sont pas rapidement contactés et qu'ils ne travaillent pas de façon concertée, les mesures d'intervention risquent d'être limitées et la situation peut s'aggraver.
[Traduction]
Lors d'un événement causant des pertes de vie, il a été établi que le délai d'intervention des services de recherche et de sauvetage du ministère de la Défense nationale est de 30 minutes durant les heures normales de travail et jusqu'à un maximum de 2 heures à l'extérieur des heures de travail normales. Toutefois, un total de 60 p. 100 des activités de recherche et de sauvetage se déroulent durant les heures de travail où le délai de 30 minutes est en vigueur.
Dans un autre cas, notre enquête a révélé des lacunes en formation pratique, ainsi que l'absence de normes médicales et d'aptitudes physiques pour les membres des équipes de sauvetage de la Royal Canadian Marine Search and Rescue.
Une enquête a révélé des problèmes de communications incomplètes entre les autorités de recherche et de sauvetage, les Services de communications et de trafic maritimes et les navires en place, ce qui a causé des pertes de temps précieux et a nui au succès de la mission de recherche et de sauvetage.
Une enquête récente a révélé des problèmes d'équipement, soit le manque d'efficacité d'une pompe d'urgence fournie par une unité de recherche et sauvetage à un navire de pêche avarié.
Finalement, le BST est aussi préoccupé par la disponibilité des ressources de recherche et de sauvetage afin d'intervenir rapidement dans l'Arctique canadien.
Ces enjeux que je viens de mentionner ont été communiqués aux organismes pertinents, soit dans nos rapports d'enquêtes ou au moyen d'avis de sécurité. Toutefois, nous n'avons présentement aucune recommandation active reliée aux services de recherche et de sauvetage.
[Français]
En terminant, je souligne que nous apprécions l'attention que vous portez à la sécurité maritime et nous vous remercions de nous avoir invités aujourd'hui afin d'en discuter avec vous. Nous espérons que notre présence contribuera à l'avancement de vos travaux. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur Laporte. Voilà une belle amorce à nos questions.
La sénatrice Hubley : Bienvenue, et merci de votre présentation. Comme vous le savez tous les deux, la vaste majorité de la flottille de pêche au Canada est composée de petits bateaux de pêche. Et c'est ce dont nous disposons exclusivement dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard.
J'aimerais vous entendre au sujet du nouveau règlement sur les bâtiments de pêche publié dans la partie II de la Gazette du Canada en juillet de cette année. J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce nouveau règlement et de la manière dont, selon vous, il influera sur le nombre et la gravité des incidents maritimes.
Marc-André Poisson, directeur d'enquêtes — Marine, Bureau de la sécurité des transports du Canada : Merci, madame la sénatrice, de votre question. La réponse la plus adéquate serait de vous relater ce que le bureau a fourni à Transports Canada en référence aux diverses recommandations soumises au cours des 20 dernières années et de vous parler du retard que Transports Canada a mis pour réagir aux recommandations, une situation que le bureau considère comme très préoccupante.
Quelques enjeux qui ont été soulevés et mentionnés dans le nouveau règlement sont positifs, mais, malheureusement, d'autres problèmes n'ont pas été résolus et ne le seront pas dans le nouveau règlement. Le mieux pour nous serait de vous soumettre la liste des recommandations, qui sont affichées sur notre site web. Parce qu'il serait plutôt fastidieux de toutes les parcourir, je peux vous présenter un aperçu de certaines d'entre elles.
Certaines recommandations satisfont pleinement le bureau, certaines le satisfont en partie et d'autres ne le satisfont pas du tout. Une partie de la proposition soumise à Transports Canada est composée de deux phases. La première phase a été achevée, alors que la seconde phase répondra à d'autres recommandations.
La sénatrice Hubley : Je constate qu'une partie du nouveau règlement est une réponse aux recommandations du BST découlant du chavirement d'un petit bateau de pêche baptisé Cap Rouge II. Cinq personnes se sont noyées, dont deux enfants, et deux autres se sont échappées du bateau. L'accident est survenu en 2002, et le rapport du BST est paru en 2003. Depuis lors, il y a un mouvement de va-et-vient entre Transports Canada et le BST quant à la réponse et la réévaluation.
Le critère d'évaluation du BST est actuellement insatisfaisant, et le BST continue de surveiller la mesure proposée. Il a fallu 13 ans pour en arriver là. Un tel retard est-il courant?
M. Laporte : Depuis la création du BST, nous avons formulé plus de 40 recommandations reliées directement à la sécurité des bateaux de pêche sous une forme ou sous une autre. À l'heure actuelle, sept d'entre elles restent en suspens. Comme vous l'avez mentionné, madame la sénatrice, certaines recommandations sont en suspens depuis un certain temps.
Dans d'autres modes de transport, nous avons un problème semblable, alors qu'il faut une période de temps excessive, à notre avis, pour prendre les mesures adéquates afin de résoudre les problèmes que nous avons cernés. C'est pourquoi nous cherchons à obtenir des mises à jour annuelles et à réévaluer les réponses. Nous les rendons publiques.
En 2010, nous avons aussi publié ce que nous appelons « la Liste de surveillance » du BST, dans laquelle nous avons indiqué les problèmes les plus importants qui étaient en suspens depuis longtemps. Nous utilisons cette liste, qui est mise à jour toutes les deux années, afin d'attirer l'attention et de relancer le dialogue publiquement sur les questions les plus importantes encore en suspens. C'est un outil qui nous sert à établir la liste des recommandations en suspens par ordre de priorité et à essayer de produire plus de mesures de sécurité de la part du gouvernement et de l'industrie. Nous publierons notre prochaine liste de surveillance en novembre.
La sénatrice Stewart Olsen : J'ai beaucoup de questions à vous poser, mais je vais essayer d'être aussi brève que possible.
Jusqu'à ce moment-ci de l'étude, on nous a fourni des perspectives très réjouissantes en guise de réponses. Je ne reproche rien à qui que ce soit, mais je me suis demandé tout au long de l'étude si les perspectives en question reflétaient vraiment la réalité. Je suis donc ravie de constater qu'il existe un organisme de surveillance et que vous présentez des recommandations.
Ma première question est la suivante : lorsque vous commencez une enquête, qui vous l'a transmise?
M. Poisson : La réglementation mentionne que le capitaine du navire ou son propriétaire doit informer le Bureau de la sécurité des transports de tout événement. Actuellement, dans la majorité des cas, l'information est transmise aux Services de communication et de trafic maritimes de la Garde côtière canadienne qui nous l'achemine par la suite. C'est ainsi que nous sommes informés et, si une recherche ou un sauvetage est entrepris, l'information leur est communiquée de la même façon.
S'il s'agit d'un incident qui ne requiert pas la capacité des services SAR maritimes, nous recevons l'information, puis nous voyons ce que nous pouvons en faire. Mais, dans la plupart des cas, c'est par l'entremise de la Garde côtière canadienne. Nous recevons l'information par d'autres moyens, mais c'est généralement la manière dont nous fonctionnons.
La sénatrice Stewart Olsen : Cette information est-elle fournie de manière opportune? Pouvez-vous visiter le site de l'événement en temps opportun pour mener votre enquête et parler aux personnes concernées?
M. Laporte : Comme Marc-André l'a mentionné, il existe une obligation de signaler immédiatement les événements. Jusqu'à il y a environ un an, nous étions avisés par les centres de communications maritimes de manière opportune. Cependant, au cours des 18 derniers mois, approximativement, en raison des changements que la Garde côtière a apportés dans ces centres, nous ne sommes plus toujours appelés en temps opportun. C'est un problème que nous avons abordé avec la Garde côtière et que nous continuerons d'aborder parce qu'il demeure en suspens.
Nous sommes souvent informés des jours après un événement au lieu de l'être sur-le-champ, et cela diminue ou influence d'une certaine manière notre capacité de nous déployer rapidement sur le site.
La sénatrice Stewart Olsen : Je vais laisser cette question de côté pour l'instant. Pour en revenir à vos énoncés sur vos rapports, lorsque vous faites un rapport, vous le transmettez à Transports Canada. Se rend-il jusqu'au ministre? Quel chemin emprunte-t-il?
M. Laporte : Nos rapports finaux sont publics et affichés sur notre site web. Un communiqué de presse accompagne chacun de nos rapports finaux. Les rapports sont remis au ministre des Transports, de même qu'aux autres intervenants clés directement concernés par les événements.
Toutefois, avant de publier un rapport final, conformément aux mesures législatives qui nous régissent, nous avons l'obligation de fournir une version confidentielle du rapport à des examinateurs désignés, comme nous les appelons. Ce sont des organisations ou des individus que le bureau considère comme ayant un intérêt direct dans les enquêtes et qui peuvent nous aider à confirmer l'exactitude ou l'exhaustivité de nos rapports. Il s'agit d'un processus équitable en ce sens qu'il s'inscrit dans les mesures législatives et que les examinateurs ont l'occasion d'émettre des commentaires avant que les rapports soient rendus publics parce que les rapports peuvent avoir une incidence sur leur réputation ou leurs activités, et cetera. Nous disposons de ce processus.
Le ministre est toujours un examinateur désigné, comme c'est habituellement le cas du propriétaire d'un navire ou des membres d'équipage concernés par l'accident en question.
La sénatrice Stewart Olsen : Avez-vous déjà ressenti des pressions pour modifier certaines parties de vos rapports?
M. Laporte : Nous recevons toujours des commentaires du ministre ou du ministère. D'autres parties intéressées nous fournissent souvent des commentaires. Parfois, nous ne recevons pas de commentaires, mais, la plupart du temps, nous en avons. Nous avons un processus très rigoureux. Tout est fait et documenté sur papier. Ainsi, aucune pression ou influence ne peut être exercée sur le bureau ou ses enquêteurs afin de modifier indûment le contenu des rapports.
Les gens font des commentaires par écrit. Nous les analysons et répondons à toutes les observations également par écrit.
La sénatrice Stewart Olsen : Merci beaucoup.
Je vais vous faire part de ma préoccupation au sujet de la rapidité avec laquelle vos rapports sont vraiment mis en application et des lacunes importantes que certains semblent contenir. J'estime que c'est une question sur laquelle nous devons nous pencher. Merci, messieurs.
La sénatrice Poirier : Merci, messieurs, de votre présence parmi nous.
À la page 9 de votre résumé statistique que nous avons ici, qui porte que les événements maritimes en 2015, on peut lire que, l'année dernière, les incidents survenus dans la région de l'Atlantique ont représenté 45 p. 100 de tous les incidents maritimes. Le rapport mentionne que la majorité des incidents signalés ont consisté en une défaillance d'une machinerie ou d'un système technique survenue dans la région de l'Atlantique. Ce sont 50 p. 100 de tous les incidents signalés au Canada. Comment peut-on expliquer de telles statistiques au Canada atlantique?
M. Poisson : Une des principales raisons tient à la grande flottille et aux petits bateaux de pêche qu'on retrouve sur la côte Est. Si une panne survient au large, il est obligatoire de la signaler. En pareil cas, l'information nous est transmise et, généralement, nous ne poussons pas l'enquête au-delà de la reconnaissance du fait qu'il y a eu, une fois de plus, une panne dans un autre bateau de pêche qui n'a eu aucune incidence sur la sécurité des membres de l'équipage.
Au plan statistique, nous continuons de suivre ces chiffres à la trace. Ils sont plus élevés sur la côte Est et la côte Ouest qu'au Canada central, où il y a moins de bateaux de pêche.
La sénatrice Poirier : Peut-on faire quelque chose pour réduire le nombre d'incidents associés à la machinerie et aux systèmes techniques au Canada atlantique?
M. Poisson : C'est une question qui doit être posée à Transports Canada parce que, si nous avons trouvé un problème, nous devons le lui signaler. Ce que nous avons fait, cependant, est une vaste étude appelée « Rapport d'enquête sur des problèmes de sécurité », et nous nous sommes penchés sur tous les problèmes de sécurité dans l'ensemble du Canada.
Nous nous sommes attardés également à l'entretien, et nous avons fait rapport sur cette vaste enquête, mais nous n'avons rien trouvé de nature systémique que nous aurions pu signaler par rapport à la diminution des pannes. Bien entendu, c'est une question d'entretien, mais elle relève de la responsabilité principale du propriétaire du navire et de l'équipage.
La sénatrice Poirier : À votre avis, la Garde côtière canadienne est-elle bien équipée et systématiquement organisée pour réagir de manière adéquate aux incidents qui se produisent dans la région de l'Atlantique?
M. Poisson : Comme l'administrateur en chef vous l'a dit, nos rapports ont révélé huit enjeux que nous voulions portés à l'attention du comité aujourd'hui. Nous ne pouvons rien trouver dans votre question qui pourrait nous faire douter que la capacité ou la qualité de la recherche et du sauvetage au Canada est différente des présentations positives que vous avez reçues des témoins précédents.
La sénatrice Poirier : Ce sera ma dernière question : à votre avis, en date d'aujourd'hui, quelle est la plus grande lacune de sécurité à laquelle nous devons remédier en matière de transport maritime?
M. Poisson : La plus grande lacune que je vous soulignerais est celle que nous avons trouvée, qui concerne l'acheminement et la qualité de l'information dans les radiobalises de localisation des sinistres, ou RLS. Vous en avez entendu parler précédemment. L'une de nos recommandations encore en suspens concerne la transmission obligatoire des RLS dans la flottille de petits bateaux de pêche.
Aujourd'hui, si vous allez en mer dans un petit bateau de pêche et qu'un accident survient, comme l'ont indiqué certaines de nos enquêtes, et si vous n'avez aucun moyen d'informer automatiquement les responsables des activités de recherche et de sauvetage que vous vous trouvez dans une situation d'urgence et n'avez aucune possibilité de communiquer, et si le navire chavire rapidement et que vous tombez à l'eau, avec ou sans radeau de sauvetage, vous êtes laissé à vous-même. Nous avons constaté que l'absence de radiobalises de localisation des sinistres dans la flottille de petits bateaux de pêche a fait perdre des vies et mis de nombreux pêcheurs en danger.
Il s'agit d'une recommandation que le bureau a soumise à Transports Canada et qui reste en suspens. Vous avez posé une question, sénatrice Hubley, au sujet des recommandations et de la réglementation. C'est là un point particulier sur lequel la réponse de Transports Canada ne satisfait pas le bureau et qui concerne le nouveau règlement que le ministère propose.
Encore une fois, par rapport aux RLS, un autre problème qui surgit — et M. Laporte vous en a parlé — concerne l'incohérence de l'information et les retards de transmission. On peut avoir une radiobalise de localisation des sinistres à bord, comme il y en avait sur des voiliers-écoles au large des côtes brésiliennes ou lors d'accidents impliquant des remorqueurs et des bateaux de pêche, et l'information contenue dans la radiobalise n'est pas adéquate. Si l'on ne modifie pas l'information contenue dans la radiobalise, l'information reçue au moyen des satellites et transmise aux services SAR maritimes est inadéquate.
Vous pourriez penser que ce que ferait le coordonnateur de la recherche et du sauvetage, parce qu'il y a beaucoup de fausses alertes, serait d'utiliser l'information contenue dans la radiobalise pour faire un suivi et déterminer si l'information est adéquate ou s'il s'agit d'une fausse alerte. Lorsque le coordonnateur essaie de revenir en arrière pour trouver le propriétaire du navire et vérifier s'il y a véritablement une urgence, si l'information n'est pas adéquate, il y a des retards. C'est une situation que le bureau a constatée et qui, selon nous, doit être corrigée.
De plus, nous avons constaté que, dans certaines situations, lorsque l'information du système de télécommunication par satellite Cospas-Sarsat se rend jusqu'aux centres de coordination des opérations de sauvetage, les CCOS, elle est reçue en retard. Ce n'est pas un problème systématique, mais nous l'avons constaté dans certaines enquêtes.
Pour répondre à votre question, ce sont les radiobalises de localisation des sinistres qui, selon le bureau, constituent le principal problème.
Le sénateur Munson : Seulement à des fins de clarification, pour les gens qui peuvent nous entendre et s'intéresser à la question, lorsque vous dites « RLS » — je sais ce que c'est —, mais à quoi faites-vous référence exactement?
M. Poisson : Une RLS est un transmetteur de localisation qui aide à détecter et à localiser des navires, des avions ou des personnes en détresse. Dans le cas des personnes en détresse, la RLS est appelée « balise de localisation personnelle ». Vous avez probablement entendu parler aussi des radiobalises de repérage d'urgence, qu'on désigne communément par l'acronyme anglais « ELT », qui signifie emergency location transmitter, qui sont également des radiobalises de localisation, mais utilisées principalement pour les aéronefs.
Le sénateur Munson : Ainsi, l'acronyme « RLS » désigne exactement...?
M. Poisson : Radiobalise de localisation des sinistres.
Le sénateur Munson : C'est là où je veux en venir. De toute évidence, il n'existe pas de règles obligatoires, mais les navires immatriculés au pays sont-ils pourvus d'une boîte noire? Les oblige-t-on à en avoir une? La raison pour laquelle je pose la question est que, dans le cas des écrasements d'avion, il y a normalement une boîte, mais, parfois, il n'y en a pas. Il n'est donc pas obligatoire que les navires et les bateaux de pêche aient une boîte noire pouvant indiquer ce qui s'est produit, n'est-ce pas?
M. Poisson : L'équipement exigé à bord respecte les exigences relatives aux enregistreurs des données du voyage (VDR) de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, ou la Convention SOLAS. Une boîte noire est en fait un enregistreur des données du voyage, ce qu'on appelle couramment un VDR dans le domaine maritime. Il existe des exigences obligatoires dans le cas des navires commerciaux d'un tonnage, je crois, de 500 tonnes et plus. Si un navire est assujetti à la Convention SOLAS, cela signifie qu'il fait du commerce internationalement et qu'il doit être pourvu d'un enregistreur des données du voyage.
Il n'existe pas d'obligations en ce qui concerne les enregistreurs des données du voyage dans le cas des bateaux de pêche. Le ministère des Pêches et des Océans a recours à certains systèmes pour suivre la trace des bateaux de pêche, mais non de tous les bateaux de pêche, et il existe également des systèmes de repérage automatique que certains navires utilisent.
Mais, en réalité, on ne retrouve pas une boîte noire ou un enregistreur des données du voyage à bord des embarcations de plaisance et à bord de la majorité des bateaux de pêche.
Le sénateur Munson : Pensez-vous qu'il devrait y en avoir? Je ne parle pas des embarcations à avirons, mais je fais plutôt référence à une industrie vigoureuse au Nouveau-Brunswick, entre autres choses. À partir de votre point de vue en matière de sécurité, pensez-vous qu'il devrait y avoir une obligation?
M. Poisson : Afin d'améliorer la sécurité, nous avons maintes fois constaté que, s'il y a un enregistreur des données du voyage, l'enquête est beaucoup plus simple. Nous trouvons les problèmes beaucoup plus facilement. S'il y a un enregistreur des données du voyage, lorsqu'un accident survient, l'équipe d'enquêteurs est en mesure de comprendre beaucoup mieux ce qui s'est produit.
Le bureau ne s'est pas penché sur la question des petits bateaux, mais nous avons étudié les enregistreurs de données du voyage et d'autres types d'enregistreurs. Il apparaît systématiquement que ce sont des dispositifs que Transports Canada souhaiterait voir dans tous les modes de transport. Mais, nous n'avons aucune recommandation particulière en ce qui concerne les VDR à bord des plus petits bateaux.
Le sénateur Munson : Dans cet esprit, j'insiste sur la question parce que, malheureusement, l'un de nos collègues, Jim Prentice, est décédé dans un écrasement d'avion, et nous tous qui sommes réunis ici l'avons connu. Je prends note de ce que le Bureau de la sécurité des transports a mentionné sur les diverses raisons pour lesquelles il faudra une année — c'est du moins ce qu'on a pu lire dans les nouvelles — pour établir avec exactitude ce qui s'est passé. Un an, c'est une très longue période dans le monde où nous vivons et compte tenu de la technologie dont nous disposons.
De toute évidence, vous avez la technologie requise. Disposez-vous d'un nombre suffisant de personnes et d'enquêteurs pour étudier la question en profondeur de manière à ce qu'un rapport, ne serait-ce que provisoire, puisse être publié avant qu'il s'écoule toute une année et pour que vous puissiez savoir ce qui s'est produit dans ce cas-ci comme ce qui a pu se produire en mer?
M. Laporte : Je pense que chaque enquête est différente des autres. Habituellement, nous nous donnons une année comme référence approximative. Cela influe non seulement sur les enquêtes, mais aussi sur le processus d'établissement des rapports, les versions provisoires confidentielles, comme je l'ai mentionné plus tôt, la publication, et cetera.
Mais, lorsque nous menons une enquête, nous diffusons des renseignements factuels en cours de route, une fois qu'ils ont été corroborés et validés. Si nous cernons des lacunes de sécurité qui requièrent une attention immédiate, nous les dévoilons durant l'enquête. Dans certains cas, nous avons formulé des recommandations pendant que nous enquêtions, au lieu d'attendre la publication du rapport final. Par exemple, dans le cas de la tragédie ferroviaire de Lac- Mégantic, nous avons formulé des recommandations au milieu de l'enquête.
Nous utilisons divers outils et produits de communication pour diffuser de l'information en cours de route. Mais, ce qui est important pour nous, c'est que nous devons nous assurer que l'information est entièrement validée et corroborée avant de la diffuser.
Nous voulons aussi nous assurer de ne pas diffuser prématurément une information susceptible de créer une spéculation inutile. Nous devons toujours tenir compte du côté humain de l'équation avec les victimes, leurs familles ou leurs proches. Lorsqu'une information est diffusée, nous devons toujours aviser les gens avant que les médias et le public s'en emparent.
Nous échangeons de l'information de diverses façons. Nous tentons toujours de mener nos enquêtes le plus rapidement possible, mais nous devons prendre le temps nécessaire pour effectuer des analyses approfondies.
Le sénateur Munson : Monsieur le président, puis-je poser une question brève?
Le président : Oui, allez-y.
Le sénateur Munson : J'ai votre site web sous les yeux. Vous comptez 220 personnes à votre service et vous recherchez d'autres employés. Il est écrit que, selon le Sondage auprès des fonctionnaires fédéraux de 2014, le BST est un des meilleurs endroits où travailler, que le taux de satisfaction est élevé, et cetera. Avez-vous suffisamment de personnes pour faire le travail?
M. Laporte : Je crois que nous avons assez de personnes pour faire le travail et de ressources. Au cours des dernières années, nous n'avons pas dépensé tout l'argent dont nous disposions. À certains moments, nous avons un peu de difficulté à recruter, comme la Garde côtière, d'ailleurs.
Le sénateur Munson : Pourquoi cela a-t-il été difficile?
M. Laporte : Nous sommes en compétition pour recruter des personnes hautement spécialisées dans un très petit bassin de talents. D'abord, il n'y a pas beaucoup de gens qui possèdent de telles compétences. Parfois, il nous est difficile de rivaliser avec le secteur privé en ce qui concerne les traitements et les salaires afin de recruter ces talents rares. Nous avons eu de temps en temps certaines difficultés — et cela variait selon le cycle économique — avec le recrutement. Cela a eu des répercussions sur notre capacité de faire notre travail.
Mais, généralement, je pense, en particulier dans le transport maritime, que nous travaillons bien. Nous sommes plutôt satisfaits de la rapidité de nos enquêtes, et nous pouvons remplir le mandat qui nous est accordé par le Parlement.
La sénatrice Marshall : J'essaie de me faire une idée des types d'incidents ou d'accidents qui vous sont signalés. Nous avons connu un incident, je devrais plutôt dire une tragédie, à Terre-Neuve-et-Labrador, alors que quatre personnes sont décédées. Elles pêchaient dans une petite embarcation non pontée.
Est-ce le genre d'accident ou d'incident qui fait l'objet d'une enquête du bureau?
Les statistiques que nous possédons sont établies par région. Sont-elles disponibles par province? Pourrions-nous trouver des statistiques qui concernent seulement Terre-Neuve-et-Labrador? Sinon, où se situe la difficulté?
M. Laporte : Dans le monde maritime, il est un peu difficile de classer les accidents et les incidents par province parce qu'ils ont lieu en mer. Quelles sont les frontières? C'est donc un peu difficile.
C'est pourquoi nous tentons de saisir des données par région plutôt que par province. Nous disposons de certaines données, mais nous ne les publions pas. Nous devrions déployer des efforts pour les extraire parce que nous pourrions utiliser des coordonnées GPS, par exemple, pour faire l'élagage. Quelle est exactement la frontière entre Terre-Neuve-et Labrador et le Québec ou la Nouvelle-Écosse?
La sénatrice Marshall : La province de Terre-Neuve-et-Labrador possède plusieurs services de traversiers interprovinciaux. Des traversiers et des navires de la marine marchande fournissent des services entre des collectivités éloignées. Les incidents qui surviennent à bord de ces navires sont-ils également signalés au Bureau de la sécurité des transports?
M. Laporte : Oui, ils le sont. En fait, Marc-André et moi étions à Terre-Neuve-et-Labrador en juin pour rencontrer des représentants du gouvernement et aborder certaines préoccupations que nous avions concernant les services de traversiers à passagers dans la province.
La sénatrice Marshall : D'accord. Je pense être sur la bonne piste ici.
Les documents qui nous ont été fournis font état de 245 accidents maritimes qui ont été signalés, soit 210 accidents de navigation et 35 accidents à bord de navires. Je pense à tous ces navires de la marine marchande, dont les traversiers à Terre-Neuve-et-Labrador. Il ne semble pas y avoir beaucoup d'incidents quand on pense à tous les navires dont il est question.
Plus tôt, je crois que vous y avez fait allusion — ou peut-être que j'ai mal compris —, certaines préoccupations sont soulevées au sujet du fait que les statistiques sont incomplètes. Je comprends qu'on peut faire référence aux incidents à partir de différentes sources. Je me demande si vous avez d'autres commentaires à formuler en la matière. Ma compréhension est-elle juste, et que pouvez-vous faire pour vous assurer que les statistiques sont complètes?
M. Laporte : Je pense que les statistiques sont adéquates. Si je vous ai donné l'impression contraire, je m'en excuse parce que je n'en avais aucunement l'intention.
Notre préoccupation concerne les retards dans la transmission de l'information qui nous est fournie et que nous devons saisir et analyser. C'est là où notre préoccupation se situe. Nous finissons par être informés à un moment donné. Nous constatons qu'il y a eu un incident, et nous posons des questions. Nous faisons le suivi nécessaire, et l'information est ajoutée à notre base de données, à nos statistiques. Lorsqu'un suivi de nos activités d'enquête est requis, nous nous livrons à de telles activités.
Il peut y avoir un retard de quelques heures ou de quelques jours avant que nous obtenions l'information. C'est vraiment là notre préoccupation. En fin de compte, nous sommes informés des incidents.
La sénatrice Marshall : Pour en revenir à Terre-Neuve-et-Labrador et aux services de traversiers interprovinciaux, certains de ces navires sont assez vieux. Cela vous pose-t-il des préoccupations particulières? Attendez-vous qu'il y ait un incident, ou est-ce que ce sont des préoccupations que vous avez déjà? Par exemple, êtes-vous préoccupés par l'âge des navires?
M. Poisson : C'est une question intéressante, puisque nous avons mené une enquête il y a quelques années concernant un traversier à Terre-Neuve-et-Labrador, et nous avons constaté que nous n'avions pas été informés de certaines défaillances et que le navire était vieux. Lorsque nous avons mené l'enquête, cette information nous a été transmise. Nous avons donc pu la fournir au public et lui faire connaître l'état du navire.
Nous n'avons rien découvert qui indiquerait qu'un bâtiment ne devrait pas prendre la mer, mais nous avons constaté quelques problèmes, par exemple le système de gestion de la sécurité des traversiers de Terre-Neuve-et- Labrador. Nous avons communiqué les problèmes relevés, notamment au ministre responsable du service de traversiers de Terre-Neuve-et-Labrador.
Donc, d'un point de vue systémique, nous n'avons rien découvert de préoccupant relativement à l'état des bâtiments, mais nous avons constaté certains problèmes de délais dans les services. Ces problèmes auraient aussi des conséquences sur la façon dont l'équipage manœuvre le bâtiment. Globalement, nous n'avons pas fait de constatations qui nous inquiètent.
La sénatrice Marshall : Les problèmes que vous mentionnez, dont vous retournez discuter avec eux, est-ce qu'ils seraient tous décelés en conséquence d'un incident, ou s'il y a d'autres façons dont vous pourriez en prendre connaissance, lors de discussions générales ou autrement? Est-ce que c'est toujours un incident qui déclenche votre implication?
M. Laporte : Notre implication est déclenchée par des incidents. Notre mandat est de donner suite à des accidents et des incidents. Nous n'effectuons pas d'inspections. Nous n'allons pas sur place pour faire des inspections ou autres activités du genre. C'est le rôle de Transports Canada. Mais parfois, nos conversations avec des intervenants de l'industrie, ou des fonctionnaires de Transports Canada ou de la Garde côtière, nous mettent la puce à l'oreille. Alors nous posons quelques questions, et nous découvrons cette panne qui n'a pas été déclarée la semaine dernière. Nous obtenons l'information et nous l'ajoutons à nos statistiques. L'information est effectivement entrée quand nous découvrons ce genre de choses, mais dans notre cas, il s'agit toujours de donner suite à des incidents et des accidents.
La sénatrice Marshall : Au bureau de la sécurité, est-ce qu'il y a différents services? Je ne sais pas si l'on peut parler de cloisonnement, mais avez-vous des spécialistes du transport maritime et d'autres pour le transport aérien? Êtes-vous structurés de cette façon?
M. Laporte : Oui. Nous avons des spécialistes dans chacun des quatre modes relevant de note compétence — maritime, ferroviaire, aérien et pipelines. Mais nous avons aussi plusieurs spécialistes que nous qualifions de multimodaux, par exemple les ingénieurs de nos laboratoires, les spécialistes des facteurs humains, les analystes statistiques et les spécialistes des communications. Ils sont affectés à des dossiers de l'un ou l'autre des modes de transport selon les besoins.
La sénatrice Marshall : Pouvez-vous me dire combien ils sont dans le groupe maritime, et combien dans le groupe multimodal?
M. Poisson : Il y a 20 enquêteurs maritimes, en majorité des capitaines. Nous avons deux pêcheurs qui sont d'anciens capitaines. Nous avons des chefs mécaniciens, et nous avons un architecte naval.
La sénatrice Marshall : Et le multimodal?
M. Laporte : Dans les groupes multimodaux, nous avons sept spécialistes des facteurs humains. Nous avons cinq spécialistes de macroanalyse, qui examinent des données, des tendances statistiques et ainsi de suite. Nous avons environ 25 spécialistes dans nos laboratoires qui examinent tous les éléments d'ingénierie, les systèmes électroniques, les enregistreurs, les boîtes noires et ainsi de suite.
Le sénateur Enverga : Merci de votre présentation, messieurs. Vous avez mentionné plus tôt qu'il y a huit enjeux à régler, c'est bien le cas?
M. Laporte : Il y a huit enjeux en lien direct avec les activités de recherche et sauvetage. Ces enjeux ont été présentés aux autorités compétentes et certaines mesures ont été prises. Quant à savoir si les questions sont entièrement réglées, je ne peux pas réellement vous donner une réponse complète parce que nous réagissons à des incidents et des accidents. Ce n'est que lorsqu'un accident survient que nous découvrons si le problème est complètement réglé ou non. Je ne peux pas vous donner une réponse définitive, car nous ne faisons pas d'inspections ou de vérifications entre des incidents.
Quand nous avons formulé des recommandations officielles, nous effectuons un suivi pour évaluer la suite donnée. Lorsque nous avons des avis de sécurité, nous effectuons un certain suivi, mais il n'y a pas de suivi individuel de chacune des constatations.
Le sénateur Enverga : Pouvez-vous s'il vous plaît nous donner quelques exemples de l'un de ces huit enjeux, avec un peu de détails?
M. Laporte : Je crois que les RLS sont un exemple. Nous avons mentionné plus tôt une recommandation qui n'a pas eu de suite.
Un autre exemple est celui des délais d'intervention à cause d'une information insuffisante ou inadéquate. C'est une situation que nous rencontrons à l'occasion, en particulier lors d'incidents affectant des bateaux de pêche qui ont parfois une RLS mais dont les renseignements d'immatriculation n'ont pas été tenus à jour. Les gens de recherche et sauvetage tentent de les rejoindre, et ils n'arrivent pas à les contacter parce qu'ils n'ont pas le bon numéro de téléphone pour les propriétaires. Un problème aussi simple peut créer des délais dans une situation d'urgence.
Nous pouvons vous donner d'autres exemples du genre, si vous le désirez, mais c'est de ce type de situations qu'il est question.
Le sénateur Enverga : Vous avez mentionné que l'une des recommandations en suspens est de munir de radiobalises presque tous les navires ou toutes les personnes, en mer ou en eau douce. Étant votre interlocuteur au gouvernement, est-ce que vous recommanderiez que ce soit obligatoire pour tour? Qu'est-ce qui vous empêche de dire que tout le monde devrait prendre cette mesure?
M. Laporte : Nous avons présenté cette recommandation au gouvernement, et elle demeure malheureusement en suspens après de nombreuses années. Nous croyons que tout navire sur l'eau devrait avoir une radiobalise d'urgence. Cette mesure a un coût, mais il n'est pas si important en regard du coût des vies perdues.
Le sénateur Enverga : Qu'est-ce qui les empêche d'agir selon vous?
M. Laporte : C'est une question qu'il faudrait poser à Transports Canada, ce sont eux qui ont reçu la recommandation et qui n'y ont pas donné suite. Je ne peux pas répondre à leur place. Nous remettrons au greffier du comité la dernière réponse que nous avons reçue de Transports Canada et l'évaluation de cette réponse par le bureau.
Le sénateur Enverga : Est-ce que vous recommanderiez au Comité sénatorial permanent des Pêches et Océans d'insister auprès de Transports Canada, de leur dire que nous avons rapporté la question? Voulez-vous que notre comité recommande que cette mesure soit obligatoire? Si un financement supplémentaire est nécessaire pour aider les petits bâtiments, nous recommandez-vous d'agir dans ce sens?
M. Laporte : Oui, nous serions bien entendu très heureux que le comité présente une telle recommandation au gouvernement en soutien du message que nous transmettons au gouvernement depuis l'an 2000 à propos des radiobalises de localisation des sinistres. Il y a 16 ans que notre recommandation est en suspens.
De manière plus générale, notre principale préoccupation est la sécurité des bateaux de pêche. Il s'agit de l'une des recommandations les plus importantes, mais il existe aussi d'autres enjeux d'utilisation obligatoire d'autres équipements de sécurité à bord de ces bateaux qui sont aussi en suspens et progressent très peu. Comme nous l'avons mentionné précédemment, les nouveaux règlements sur les bateaux de pêche ne vont pas assez loin et n'abordent pas tous les enjeux signalés.
Le sénateur Enverga : Pouvez-vous empêcher ces navires ou bateaux d'aller en mer s'ils n'ont pas de radiobalise?
M. Laporte : Nous ne le pouvons pas. Transports Canada le pourrait, mais il y aurait d'importantes répercussions financières sur le gagne-pain de ces pêcheurs. Une partie de la difficulté tient au fait que le gagne-pain des pêcheurs est en cause. Il y a tout un lot d'enjeux qui s'entremêlent entre assurer la sécurité et gagner convenablement sa vie. Les quotas de pêche et les règlements créent aussi parfois des situations en conflit avec la sécurité.
Il existe des liens complexes entre plusieurs enjeux lorsqu'il est question de sécurité des bateaux de pêche, et nous avons produit une étude dans laquelle nous sommes revenus sur 20 ans d'incidents de pêche. Notre analyse a produit 10 facteurs principaux qui reviennent régulièrement dans ces incidents et y contribuent. Ces 10 facteurs doivent tous trouver une solution complète.
Le sénateur Enverga : Vous dites que la mesure pourrait causer des problèmes financiers pour les pêcheurs sur ces bateaux. Est-ce que nous avons bien calculé? De combien est-il question ici? Avez-vous une quelconque idée du coût?
M. Poisson : Nous ne parlons pas de dizaines de milliers de dollars pour une unité, plutôt de seulement quelques milliers.
Le sénateur Enverga : Combien pour la radiobalise individuelle de repérage?
M. Poisson : Dans le cas d'une BLP, vous pouvez facilement en acheter une, ce n'est pas si dispendieux, vous pouvez aller en forêt avec une radiobalise individuelle de repérage. Le problème est que ces appareils ne sont pas automatisés, ce qu'il faut, c'est un déclencheur hydrostatique automatique, c'est ce que nous déclarons. Il ne s'agit pas simplement de transporter une RLS, il faut aussi qu'elle se déclenche automatiquement.
Ce qui arrive quand vous avez une RLS à bord, quand le bâtiment coule à une profondeur entre deux et quatre mètres, le déclencheur hydrostatique lance la RLS qui va flotter à la surface et active automatiquement le système. C'est un enjeu important que nous soulignons dans nos rapports. Il ne suffit pas d'avoir une RLS, il faut aussi qu'elle se déclenche automatiquement. Quand on commence à additionner ces éléments, on additionne aussi des montants d'argent.
Le sénateur Enverga : Je m'en fais plus avec la radiobalise individuelle. Est-ce possible, avec les budgets que nous avons ici, d'en fournir aux bâtiments ou aux pêcheurs, pour qu'ils soient toujours protégés?
M. Poisson : Monsieur le sénateur, nous parlons d'environ, je crois, 18 000 bateaux de pêche au Canada, une grosse flotte de pêche.
Le sénateur Sinclair : Messieurs, l'étendue de vos connaissances m'impressionne. J'aimerais vous poser une question générale sur la nature de vos enquêtes.
Dans les reportages, chaque fois qu'il y a un écrasement d'avion, on nous dit que le Bureau de la sécurité des transports prend le contrôle de l'enquête sur place. Est-ce que c'est aussi le cas pour les incidents et accidents maritimes? Est-ce que vous assumez automatiquement le contrôle du lieu de l'incident ou de l'accident?
M. Laporte : Lorsque nous sommes avertis, la première chose que nous faisons consiste à évaluer l'incident pour établir si nous allons faire enquête ou non. Lorsque nous avons décidé de faire enquête ou de déployer une équipe, nous demandons aux médias d'informer les Canadiens que nous envoyons une équipe et nous nous mettons au travail. C'est ainsi pour tous les modes de transport.
Dans le monde maritime, lorsque nous parlons d'un site, la plupart du temps il n'y a pas de site, ou le site est sous l'eau. C'est un peu différent de l'aviation, par exemple, où nous avons un bout de terrain que nous pouvons entourer de ruban jaune et dire, voici le site, nous assumons le contrôle du site, aussi comme dans un déraillement de train.
Dans le monde maritime, nous n'avons habituellement pas de site que nous pouvons contrôler de cette façon, mais la loi nous donne le pouvoir de saisir un bâtiment, ou un équipement ou une composante, et d'obliger les membres d'équipage à se prêter à une entrevue ou à fournir de l'information. C'est la façon dont nous menons habituellement l'enquête dans le monde maritime.
Dans certains cas, nous obtiendrons de l'équipement, des plongeurs et de l'équipement sous-marin téléguidé pour filmer ou récupérer des morceaux d'équipement sous la surface, mais il s'agit de cas plus complexes.
Le sénateur Sinclair : Y a-t-il des domaines dans lesquels votre compétence, votre mandat ou la nature de votre travail pourrait être enrichi par une amélioration des mesures législatives, ou par des orientations que pourrait offrir notre comité?
M. Laporte : Actuellement, nos mesures législatives ou nos pouvoirs ne comportent pas de lacunes importantes. Nous exerçons des pouvoirs relativement vastes comparativement à d'autres organes d'enquête. En fait, les coroners et les policiers sont souvent surpris de l'étendue des pouvoirs que nous détenons, comparativement aux processus qu'ils doivent appliquer. À titre d'exemple, un policier doit se présenter devant un juge de paix pour solliciter un mandat, mais nous pouvons délivrer nos propres sommations, mandats et ordonnances de protection.
Nous détenons des pouvoirs adéquats pour accomplir notre travail. Les mesures législatives qui nous régissent ont 25 ans, donc pendant l'année qui vient ou jusqu'à la suivante, nous examinerons s'il y a lieu de moderniser ces mesures, mais il n'y a pas actuellement de lacune évidente qui entrave notre travail.
La sénatrice Raine : C'est vraiment intéressant de savoir comment tout cela fonctionne. Pourriez-vous revenir pour moi sur votre interface avec la Garde côtière canadienne dans un incident SAR? La Garde côtière canadienne s'occupe de l'aspect recherche et sauvetage, et vous arrivez ensuite pour l'enquête. Comment s'effectue la transition?
M. Poisson : Lorsqu'un accident survient, des ressources SAR sont affectées en mission. Nous nous assurons de ne pas gêner leur travail, parce que le sauvetage est la priorité, mais nous tentons de nous impliquer immédiatement. Si par exemple il est possible que nos enquêteurs montent à bord du navire qui part apporter de l'aide, la Garde côtière nous propose effectivement le soutien d'un hélicoptère ou d'un navire.
Les choses se déroulent ainsi. Les ressources SAR reçoivent leur mission, nous en sommes informés ensuite et nos enquêteurs en apprendront plus s'ils réussissent à parler au capitaine. Ensuite nous évaluons la situation, et s'il semble que notre présence nuirait à l'opération de recherche et sauvetage, nous attendons. Nous voulons cependant nous rendre sur place dès que possible, pour obtenir l'information aussi rapidement que nous le pouvons.
Étant nous-mêmes des navigateurs et connaissant la Garde côtière canadienne, nous pouvons nous parler, dialoguer et trouver le bon moment pour déployer notre équipe et aller à bord du navire.
M. Laporte : Nous avons aussi conclu avec la Garde côtière un protocole d'entente prévoyant la fourniture d'une aide spécialisée et la coordination des activités. Nous entretenons une très bonne relation de travail avec eux en matière d'intervention.
La sénatrice Raine : Je viens de la côte Ouest, et en ce moment même, il y a un incident mettant en cause une fuite de diesel d'un remorqueur près de Bella Bella. C'est un incident, et il a été signalé au Bureau de la sécurité des transports. À quel point commencez-vous à examiner la situation? Je sais qu'il y a de grandes préoccupations sur la côte Ouest, et pas seulement à propos du futur trafic de navires-citernes. C'est une autoroute maritime tout le long de la côte, avec beaucoup de trafic et beaucoup de dangers. Comment le Bureau de la sécurité des transports aborde-t-il un incident du genre?
M. Laporte : Nous sommes impliqués dans cet incident, et nous pouvons confirmer que nous engageons une enquête complète sur l'événement. Je ne suis pas en mesure de discuter des détails pour l'instant.
Habituellement, nous sommes avisés, et comme je l'ai mentionné plus tôt, nous effectuons une évaluation à partir des faits et de l'information qui nous est transmise. Y a-t-il une possibilité d'apprendre quelque chose de nouveau pour améliorer la sécurité? C'est la nature même de notre mandat.
S'il semble possible d'apprendre quelque chose et d'améliorer la sécurité, nous lancerons une enquête. Si nous ne sommes pas certains, nous pouvons aller sur place, effectuer des entrevues et quelques travaux préliminaires en vue d'une décision, mais nous ne pouvons tout simplement pas faire enquête sur chaque incident qui nous est signalé. Parfois, c'est très mineur et il n'y a rien à apprendre. Quelqu'un admet avoir commis une erreur, ou quelque chose s'est brisé, et ils nous disent avoir appris leur leçon. Il est inutile de gaspiller des ressources à enquêter sur quelque chose qui ne produira aucun avantage pour la sécurité.
Nous consignons l'incident dans la base de données. Nous effectuons des analyses des tendances. Si nous décelons des constantes, nous pourrions faire une étude spéciale de ce type d'incident afin d'expliquer pourquoi il y a une tendance et pourquoi nous relevons beaucoup d'incidents similaires. Il nous arrive d'entreprendre de telles études particulières à l'occasion.
La sénatrice Raine : Quand vous parlez du potentiel d'améliorer la sécurité, est-il seulement question de sécurité pour la vie humaine, ou aussi de sécurité pour la protection de l'environnement?
M. Laporte : Nous parlons de la sécurité de l'humain, des biens et de l'environnement. Les trois aspects sont pris en compte.
La sénatrice Raine : Est-ce qu'il s'agit d'une optique relativement nouvelle de la couverture de vos enquêtes?
M. Laporte : Non. Notre mandat a toujours pris en compte les blessures aux personnes et les dommages aux biens et à l'environnement. Je dois admettre que ces dernières années, l'aspect environnemental a gagné en importance par rapport à il y a 20 ans, mais nous tenons toujours compte de tous les aspects.
À titre d'exemple, auparavant, dans les cas de déversement, nous ne portions pas à notre base de données tous les petits déversements. Ces quelques dernières années, nous avons consigné tous ces incidents, nous effectuons le suivi, nous recherchons des tendances et ainsi de suite. Nous avons toujours enquêté sur les déversements d'envergure. Il y a 20 ans, on n'accordait pas autant d'importance que maintenant aux petits déversements.
La sénatrice Raine : Il y a quelques années, nous avons étudié le retrait du personnel des phares le long de notre côte, là où il y avait encore des phares. Nous avons certainement entendu des navigateurs de la côte de la Colombie- Britannique nous dire que ces phares étaient des genres de postes éloignés de la civilisation, une présence ponctuant de longues bandes de territoire où personne ne vit, et les gens étaient vraiment très réconfortés quand le retrait du personnel a cessé. Est-ce que le Bureau de la sécurité des transports a eu des rapports avec ces phares?
M. Poisson : Nous examinons les aides à la navigation et leur impact sur la sécurité lorsqu'il y a un accident. Nous n'avons rien trouvé de préoccupant pour le Bureau de la sécurité des transports en lien avec le retrait du personnel des phares, sur la côte Est comme sur la côte Ouest.
Le sénateur McInnis : Je ne vais pas vous retenir. J'ai appris beaucoup de choses, c'était très intéressant et instructif.
Je sais que vous n'attribuez pas de blâme, donc vous n'êtes pas un bureau quasi judiciaire. L'êtes-vous? Non.
Après le malheureux incident ferroviaire de Lac-Mégantic, avez-vous enquêté sur place?
M. Laporte : Très certainement. C'était l'une de nos enquêtes les plus poussées.
Le sénateur McInnis : Il y a eu des audiences, mais qui les aurait tenues?
M. Laporte : Nous n'avons pas tenu d'audience à ce sujet. Habituellement, lors d'un accident ou d'un événement d'envergure, plusieurs organismes participent selon leurs différents mandats. Ainsi, il peut y avoir un coroner qui enquête sur les causes de décès. Ils peuvent réaliser une enquête et tenir quelques audiences dans le cadre de leur travail.
Nous avons aussi l'organisme de réglementation, Transports Canada, qui peut aussi mener une enquête, habituellement sur la conformité. Est-ce que l'exploitant ou les compagnies ont respecté les règles? Si ce n'est pas le cas, ils peuvent porter des accusations contre ces compagnies, ou leur imposer des sanctions. Donc ils mènent des enquêtes.
Il y a aussi les policiers qui peuvent mener une enquête criminelle. Dans le cas de Lac-Mégantic, la police a mené une enquête de négligence criminelle, et des accusations ont effectivement été portées contre quelques membres de l'équipe de train et des responsables de la compagnie.
Il y a les gens de l'environnement qui peuvent enquêter sur les dommages à l'environnement et la conformité aux lois environnementales.
Il peut y avoir une multitude d'organisations qui enquêtent ou tiennent des audiences à leurs propres fins en parallèle avec notre travail.
Le sénateur McInnis : À propos de vos liens avec Transports Canada, vous avez été très direct ce soir, vous ne les avez pas attaqués, mais vous avez été très franc.
C'est indiqué que votre relation avec Transports Canada en est une de communication suivie. Vous êtes l'observateur du ministre, et bien entendu vous donnez de l'information à Transports Canada après avoir formulé vos constatations, 48 heures à l'avance.
De quelle nature est cette relation? Vous dites qu'elle est sans lien de dépendance.
M. Laporte : La partie sans lien de dépendance est l'enquête en soi. Dans la conduite de l'enquête, nous sommes totalement indépendants. Lorsque nous menons une enquête, le ministre peut désigner un observateur de son ministère, Transports Canada ou Pêches et Océans selon le cas, ou les deux. L'observateur a un certain accès à certains types d'information, mais pas à tout. Ainsi, dans nos entrevues avec les gens, des membres d'équipage et des témoins, les observateurs n'ont pas droit de participer à ces entrevues, ou d'obtenir des transcriptions de ces entrevues. Il s'agit d'une information privilégiée.
Par ailleurs, si nous effectuons des essais, par exemple sur un moteur, nous apportons le moteur à notre laboratoire d'Ottawa et nous effectuons les essais, et le ministre peut envoyer un observateur assister aux essais.
Il y a certaines parties d'une enquête auxquelles l'observateur du ministre peut être présent et avoir accès à de l'information factuelle, afin de s'acquitter de son obligation d'agir en temps opportun, sans attendre la publication du rapport final. L'observateur note l'information factuelle et la communique au ministère pour lui permettre de prendre des mesures de sécurité proactives, de publier des directives d'urgence ou des avis et des alertes de sécurité à l'industrie pendant que l'enquête se poursuit. C'est la fonction de l'observateur.
Ensuite ils participent à la révision des ébauches de rapport, avec des observations écrites sur l'ébauche avant sa publication, puis ils obtiennent le rapport final 48 heures à l'avance afin de permettre au ministre de préparer une réponse ou une déclaration sur les constatations et recommandations de rapport. Cette communication anticipée s'effectue à titre de courtoisie, mais tout est terminé et final. Ils n'ont pas d'influence sur le rapport et ne peuvent rien changer.
Voilà pour les enquêtes.
Pour les opérations courantes, nous avons des échanges constants. Nous parlons avec les gens de Transports Canada chaque jour. Notre organisation a des formations partagées avec Transports Canada, la Garde côtière, Pêches et Océans, la Défense nationale, la GRC. Nous avons des protocoles d'entente avec eux et nous nous aidons mutuellement pour ce qui est de la formation, des outils et des techniques d'enquête. Nous avons des modalités de collaboration à l'extérieur des enquêtes.
Le sénateur McInnis : Vous trouvez les faits sur ce qui s'est produit lors de l'incident et vous présentez des recommandations à Transports Canada, et c'est à eux d'adopter des règlements ou des mesures de sécurité ou quoi que ce soit d'autre.
M. Laporte : Exactement.
Le sénateur McInnis : C'était très intéressant. L'une des difficultés pour de nombreux pêcheurs, c'est qu'ils ne savent pas nager. J'en connais beaucoup, et je me suis souvent demandé comment ils font, mais ils le font quand même. Quoi qu'il en soit, merci beaucoup.
Le président : Juste avant de passer à la deuxième ronde, j'aurais moi-même une question.
En 2004, lors du naufrage du Ryan's Commander à Terre-Neuve-et-Labrador, votre bureau avait publié un rapport, dans lequel on apprenait notamment que la stabilité du navire était affectée par une conception fautive, créant des problèmes qui n'avaient pas été entièrement compris par les propriétaires, les constructeurs ou Transports Canada. Je me demandais où vous en êtes maintenant en matière de stabilité et de conception des navires.
M. Poisson : Monsieur le président, je suis content que vous posiez cette question, car cet enjeu fait partie de nos principales préoccupations dans le monde des bateaux de pêche. Non seulement les bateaux de pêche — et nous parlons d'une grande proportion de la flotte de bateaux de pêche — ne sont pas soumis à une évaluation adéquate de la stabilité, il n'y a pas non plus de lignes directrices appropriées sur la façon d'évaluer leur stabilité. Dans de nombreux cas, ils ne possèdent pas la formation nécessaire pour lire les documents, si jamais ils les ont.
Tant d'années plus tard, après toutes les recommandations relatives à la stabilité, nous découvrons encore et encore des problèmes systémiques de stabilité dans la flotte de pêche du Canada. Ce n'est pas seulement la stabilité du bateau, dans de nombreux cas c'est un bateau de pêche, vieux de 25 ans, disons, dans lequel on a installé de l'équipement au fil des années. La structure a peut-être été modifiée, et ils ne vont pas consulter un architecte naval pour examiner les changements et l'impact sur le bateau. Alors ils partent en mer sans comprendre les conditions de leur bateau et sans l'avoir fait évaluer adéquatement. Transports Canada n'exige pas d'eux une évaluation parce qu'il n'y a pas de règlement imposant une évaluation obligatoire de la stabilité à bord, et il y a très peu de ressources pour aider les navigateurs à assimiler eux-mêmes l'information. C'est très complexe. Donc rendre ces concepts très simples et les adapter à votre type de navire est une démarche nécessaire, plus la formation évidemment.
Le président : Merci beaucoup.
La sénatrice Raine : J'ai une question supplémentaire. Lorsque vous parlez d'une évaluation obligatoire de la stabilité, de quoi est-il question exactement?
M. Poisson : Eh bien, un architecte naval examinerait l'état du navire, les différentes conditions de charge et comment le tout affecterait la capacité du navire d'affronter différentes conditions en mer. Un architecte naval étudierait les divers liquides embarqués, les diverses prises de pêche, afin de définir pour le navire particulier les différentes conditions établissant des limites, et aussi des conditions de charge. Certains de ces navires partent en mer et dépassent leurs limites, donc leur stabilité est au point limite. Quand ils éprouvent des conditions marines trop intenses pour le navire, il peut chavirer, et c'est arrivé bien des fois.
La sénatrice Poirier : Cela me rappelle un peu l'inspection annuelle de son automobile, pour s'assurer que son automobile est encore fonctionnelle et peut circuler.
Seulement pour les bateaux de pêche, je sais que c'est arrivé dans ma région, encore l'été dernier une ou deux fois. Souvent, quand un accident survient, c'est en lien avec la météo, mais c'est parfois un problème de surcharge. Ce qui aide souvent en situation de détresse, c'est qu'un autre pêcheur les voit en difficulté et vient à leur aide. Entendez-vous parler de ces situations où un bateau de pêche en aide un autre? Est-ce que ces événements vous sont rapportés? Ou signalés à la Garde côtière?
M. Poisson : Oui, ces renseignements nous parviennent effectivement.
La sénatrice Poirier : Donc vous consignez tout cela.
M. Poisson : Oui, nous aurions consigné tous ces renseignements.
La sénatrice Poirier : Et vous retournez pour voir pourquoi ils étaient en détresse?
M. Poisson : Oui, c'est ce que nous faisons, et nous analysons. Comme le disait M. Laporte, et je crois que le comité peut nous aider sur ce plan, il y a environ un an, la Garde côtière canadienne a cessé dans certains cas de nous rapporter tous les accidents qui lui sont signalés, et ils les déclarent seulement par l'envoi d'un courriel ou d'un rapport, ce qui crée des délais pour nous. Le comité pourrait peut-être demander au ministère des Pêches et des Océans, plus spécifiquement à la Garde côtière canadienne, de maintenir les services. Je vais préciser, parce qu'il y a un an, une collision est survenue et nous étions préoccupés du fait qu'ils ne nous en ont pas informés.
En vertu de notre réglementation, si un accident maritime survient, ce qui comprend des navires qui font naufrage, chavirent, s'échouent, entrent en collision ou connaissent un incendie ou une explosion à bord, si un navire subit des dommages qui affectent sa navigabilité ou le rendent impropre à son usage, ou si un navire est manquant ou abandonné, dans de telles situations, nous voulons que la Garde côtière maintienne son service et nous appelle, au lieu de nous envoyer une note ou un courriel. Pour cette question particulière, l'intervention du comité pourrait être utile.
Le président : Pour donner suite à ma question, je vis dans la petite communauté de Saint Bride, dans la baie Placentia, et l'an dernier, votre bureau a enquêté sur le décès de trois pêcheurs de crabe de l'endroit. Dans une partie du rapport, on apprenait que l'industrie de la pêche, de 2000 à 2015, a enregistré au Canada 189 pertes de vie, dont 31 personnes de Terre-Neuve-et-Labrador.
On pouvait lire dans le rapport que « le nombre d'accidents entraînant des pertes de vie à bord de bateaux de pêche demeure trop élevé » et vous avez abordé le problème de la stabilité des navires.
Dans votre mot d'ouverture aujourd'hui, vous avez mentionné que le délai d'intervention des services de recherche et de sauvetage du ministère de la Défense nationale allait d'un maximum de 30 minutes durant les heures normales de travail jusqu'à un maximum de deux heures en dehors des heures de travail. Toutefois, un total de 60 p. 100 des activités de recherche et de sauvetage se déroulent durant les heures normales de travail.
Nous savons tous que pour les gens qui gagnent leur vie grâce à l'océan, il n'y a pas d'heures normales de travail. Les délais d'intervention font partie des préoccupations qui nous ont été signalées. Est-ce que le Bureau de la sécurité des transports a formulé des recommandations sur les délais d'intervention et la façon de les traiter, en particulier en dehors des heures de travail, passé 16 heures et en fin de semaine?
M. Laporte : Nous n'avons pas présenté de recommandation officielle sur la question, mais dans certains de nos rapports d'enquête, nous avons formulé des constatations soulignant que les délais d'intervention avaient effectivement contribué dans une certaine mesure au décès ou à la gravité des blessures des travailleurs en cause. Donc pas de recommandations, mais quelques constatations.
Les recommandations ont tendance à viser des enjeux systémiques qui se sont manifestés à plusieurs reprises dans de multiples incidents. Jusqu'à maintenant, le bureau n'est pas allé jusqu'à formuler des recommandations visant spécifiquement la recherche et sauvetage. La plupart du temps, les intervenants agissent en temps opportun, mais dans certains cas où des retards étaient survenus, ces retards avaient des causes différentes. La disponibilité des équipages et de l'équipement est un facteur, mais aussi, comme nous l'avons mentionné, la présence de radiobalises d'urgence sur les navires, l'immatriculation adéquate, et autres facteurs.
Jusqu'à maintenant, pas de recommandations.
La sénatrice Stewart Olsen : Notre comité arrive difficilement à établir comment offrir un meilleur service dans le Nord, le Grand Nord, à nos populations autochtones. Je vous demande simplement conseil, mais si des pêcheurs se déplaçant sur la glace avaient une radiobalise individuelle de repérage, peut-être d'un type plus avancé, croyez-vous que ce serait d'une quelconque utilité? Parfois on ne les retrouve pas. Je demande simplement conseil, vous n'avez pas à vous engager à quoi que ce soit.
M. Poisson : Une telle mesure ne s'appliquerait pas seulement aux modes de transport, mais aussi aux individus. C'est un dispositif de plus en plus utilisé.
La sénatrice Stewart Olsen : Je n'avais pas l'intention de vous mettre dans l'embarras, mais je voulais simplement votre avis sur la question. Merci beaucoup.
Le président : Juste avant de terminer, je demanderais aux membres du comité de rester quelques minutes, pour discuter à huis clos de notre voyage de la semaine prochaine.
Je tiens à remercier nos invités de ce soir. Nous avons certainement appris beaucoup de choses. J'aimerais, au nom du comité, me réserver le droit de vous faire comparaître à nouveau, dans l'éventualité où nous aurions besoin d'éclaircissements pour poursuivre notre étude. Nous avons certainement tous appris beaucoup de choses ce soir, et je vous remercie de votre participation.
(La séance se poursuit à huis clos.)