Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 8 - Témoignages du 6 décembre 2016
OTTAWA, le mardi 6 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui en séance publique, à 17 h 52 pour poursuivre son étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent, puis à huis clos pour étudier un projet d'ordre du jour (travaux futurs).
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et j'ai le plaisir de présider la séance de ce soir. Avant de donner la parole aux témoins, j'invite les membres du comité à se présenter.
Le sénateur Tkachuk : David Tkachuk, de la Saskatchewan.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le président : Le comité poursuit son étude sur les questions relatives au cadre stratégique actuel et en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada. Ce soir, nous entendrons le témoignage de hauts fonctionnaires de Transports Canada sur le rôle de ce ministère en ce qui concerne la sécurité et la navigabilité des navires. Je vais inviter les témoins à se présenter; je crois savoir qu'ils ont des déclarations d'ouverture à faire. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. Il est possible que d'autres sénateurs se joignent à nous, car le Sénat vient de lever la séance.
Donald Roussel, sous-ministre adjoint associé, Groupe Sécurité et sßreté, Transports Canada : Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les honorables sénateurs. Je m'appelle Donald Roussel. Je suis sous-ministre adjoint associé, Groupe Sécurité et sßreté, à Transports Canada.
Luc Tremblay, gestionnaire, Programme national de la sécurité maritime, Transports Canada : Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle Luc Tremblay et je suis directeur exécutif par intérim, Surveillance réglementaire des bâtiments canadiens et Sécurité nautique, à Transports Canada.
Robert Turner, gestionnaire, Sécurité de la navigation et de la radiocommunication, Transports Canada : Je m'appelle Robert Turner et je suis gestionnaire de la Sécurité de la navigation et de la radiocommunication, à Transports Canada.
Le président : Merci à vous tous. Je suis désolé que nous siégions tard ce soir. Nous ne pouvons nous réunir pendant que le Sénat siège. Je crois comprendre que vous avez une déclaration d'ouverture à faire. Vous avez la parole.
M. Roussel : Merci de cette occasion d'adresser la parole au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.
Transports Canada a un rôle clé à jouer pour garantir la sécurité et la sßreté dans tous les modes de transport. Le ministère est responsable des lois et règlements qui régissent les transports et il exerce aussi une fonction de surveillance en délivrant les licences, certificats et permis et en menant des inspections et vérifications dans le secteur maritime.
Le cadre législatif du secteur maritime comprend la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, la Loi sur le pilotage et la Loi sur la sßreté du transport maritime. Ces lois sont assorties de règlements d'application.
Le régime se compose de plusieurs éléments. Il y a notamment des mesures de prévention des incidents, des mesures qui aident à protéger la vie en cas d'incident et enfin d'autres qui permettent de trouver à quel endroit un incident s'est produit.
Les mesures de prévention portent sur des questions de construction de navire, dont il faut assurer la navigabilité. Les éléments de protection comprennent les exigences en matière de matériel de sauvetage, comme les gilets ou les vêtements de flottaison, les bateaux de sauvetage et le matériel de lutte contre les incendies. Sur beaucoup de bâtiments, les radiobalises de positionnement d'urgence qui permettent de repérer les navires en détresse sont obligatoires.
Ces dernières années, nous avons nettement amélioré notre régime. Ainsi, la Loi de 2001 sur la marine marchande est entrée en vigueur en 2007. Elle modernise une loi qui avait une centaine d'années. La même année, nous avons pris le Règlement sur le personnel maritime, qui régit la condition physique et les qualifications des équipages de bord. Nous envisageons de modifier ce règlement pour respecter de nouvelles exigences internationales et d'autres critères.
De plus, le Canada a aidé à négocier le Recueil sur la navigation polaire à l'Organisation maritime internationale. Quand il entrera en vigueur, il améliorera la sécurité et aidera à prévenir des incidents mettant en cause des bâtiments qui transitent par les eaux de l'Arctique.
Depuis le début des années 2000, Transports Canada a mis en place des initiatives afin de renforcer la sécurité des petits bâtiments commerciaux. Il a notamment instauré des exigences en matière de stabilité et proposé un tout nouveau Règlement sur les petits bâtiments qui est entré en vigueur en 2010.
Un sujet de préoccupation demeure, celui des morts dans les zones à haut risque, notamment dans le secteur de la pêche, qui est l'un des plus dangereux au Canada.
Toutes choses égales par ailleurs, nous avons vu une nette amélioration du ratio de pertes de vie grâce à une diminution du nombre de victimes à bord des bâtiments de pêche, qui est passé de 0,24 pour 1 000 en 1999 à 0,18 en 2009. Nous faisons mieux que d'autres pays, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, la Norvège, l'Australie, l'Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande, mais nous n'allons pas nous reposer sur nos lauriers. Nous devons persévérer dans nos efforts pour sauver des vies, car c'est là un drame pour quiconque doit subir les conséquences des pertes de vie. Nous pouvons aussi comparer le taux des pertes de vie chez les pêcheurs et dans d'autres professions. Au Canada, le taux est 3,5 fois plus élevé que dans les autres types d'activité.
Nous voudrions faire encore baisser les statistiques au Canada. En juin prochain un nouveau Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche entrera en vigueur, après des modifications du règlement existant. Il mettra à jour les exigences actuelles en matière de matériel de sécurité et de stabilité des bâtiments et apportera de nouvelles exigences en matière d'exploitation sécuritaire. Nous avons mené au sujet de ces modifications de longues consultations auprès de l'industrie de la pêche commerciale.
En ce moment, le travail sur la deuxième étape du Règlement sur la sécurité des petits bâtiments de pêche se poursuit. Il porte sur la construction des bâtiments et d'autres éléments.
La sensibilisation à la sécurité est essentielle au changement, et Transports Canada cherche activement à sensibiliser les plaisanciers aux pratiques sécuritaires.
Grâce au Programme de contributions pour la sécurité nautique, Transports Canada appuie également des organisations qui informent le grand public au Canada et le font dans les deux langues officielles. Le programme vise les plaisanciers et les conducteurs de petites embarcations, ainsi que de nombreux bâtiments de pêche. Depuis le début, le ministère a apporté une contribution de 7 millions de dollars à ce programme, et un financement accru est prévu pour l'exercice 2020-2021. Un total de 11 millions de dollars aura alors été investi.
Depuis 2015, Transports Canada finance également des initiatives de sensibilisation dans le cadre du nouveau volet du programme portant sur la sécurité de la pêche commerciale. L'objectif visé est de faire connaître les pratiques exemplaires et les outils en matière de sécurité qui sont mis à la disposition des pêcheurs.
Le Programme de contributions pour la sécurité nautique débloquera 900 000 $ sur trois ans pour ce nouveau volet. Il remboursera un maximum de 75 p. 100 des dépenses admissibles.
Transports Canada appuie aussi la recherche-sauvetage dans le cadre de sa responsabilité en matière de réglementation et, comme je l'ai dit, par le matériel de sécurité régi par le ministère, dont les balises de détresse d'urgence et le matériel de sauvetage. Ces dispositifs sont importants pour assurer la survie en mer et faciliter la recherche-sauvetage.
De plus, nous sommes responsables du Programme national de surveillance aérienne, dont les appareils sont souvent chargés par les centres conjoints des opérations de sauvetage de soutenir les efforts de recherche et sauvetage sur les trois océans du Canada.
Transports Canada met l'accent sur la prévention des accidents, autant que possible, la protection des personnes à bord des bâtiments en cas d'incident et la détection des bâtiments en détresse. Nous prenons notre mandat très au sérieux et nous continuerons d'actualiser notre régime de réglementation dans l'intérêt supérieur des Canadiens.
Le président : Merci, monsieur Roussel. Comme d'habitude, les premières questions seront posées par la vice- présidente, la sénatrice Hubley.
La sénatrice Hubley : Merci de votre exposé de ce soir. Le mois dernier, nous avons entendu le témoignage des représentants du Bureau de la sécurité des transports du Canada. Nous leur avons posé des questions sur le nouveau Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche, qui a été rendu public en juillet dernier et leur avons demandé si, à leur avis, le nouveau règlement serait efficace. Je leur ai demandé combien de temps il fallait compter pour que les recommandations soient mises en ouvre, pour peu qu'elles le soient. Ils ont formulé plus d'une quarantaine de recommandations depuis 1992, et sept d'entre elles attendent toujours, certaines depuis fort longtemps. Quels facteurs utilisez-vous pour décider de mettre en ouvre ou non les recommandations du Bureau de la sécurité des transports? Quel cadre ou quels critères utilisez-vous pour évaluer les risques?
M. Roussel : Merci de ces questions.
Chacune des recommandations du Bureau de la sécurité des transports est prise extrêmement au sérieux. Dans notre analyse des recommandations, nous essayons de voir au-delà des recommandations proprement dites. Nous devons voir également s'il est possible de les mettre en ouvre. Il arrive que certaines finissent par être dépassées avec le temps. Elles le deviennent à cause de nouvelles technologies ou d'autres éléments. Lorsque vient le moment de les mettre en ouvre, nous devons, conformément à la directive du Cabinet sur les règlements, mener des consultations auprès des intéressés et c'est là que se situe le défi pour la majeure partie de ce que nous essayons de proposer. Dans ces situations, nous devons faire de vastes consultations, et nous devons aussi considérer les recommandations par rapport au type de pêche. Il se peut que les exigences soient différentes pour la pêche côtière, entre 0 et 20 milles, et pour la pêche dans la zone des 20 à 200 milles et jusqu'aux prolongements de la zone économique exclusive, jusqu'à notre limite de 200 milles nautiques.
En plus de cela, nous avons aussi la pêche en haute mer, comme la pêche au thon dans l'Atlantique-Nord ou à d'autres espèces qui ont une longue migration, du côté du Pacifique. Il faut tenir compte de tous ces éléments lorsqu'il s'agit de mettre des recommandations en ouvre. Nous pensons que, grâce à l'entrée en vigueur du nouveau règlement sur les bâtiments de pêche — mais nous laissons bien sßr au bureau le soin de prendre les décisions —, nous serons dans une position telle que, pour un nombre important de recommandations, la situation deviendra satisfaisante ou entièrement satisfaisante, une fois que le bureau aura fait son analyse. Tout n'est pas terminé. M. Tremblay peut expliquer de façon plus détaillée ce que comprendra la partie 2 du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche.
La sénatrice Hubley : Cela fera partie de ma prochaine question, monsieur Tremblay. Vous savez certainement que, même si le nombre de pêcheurs commerciaux a diminué ces 10 dernières années, le nombre moyen de morts est resté inchangé, même si j'ai remarqué certains des chiffres que vous avez cités pour la période allant jusqu'en 2009. La sécurité des pêches est sur la liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports depuis 2010 et reste sur la liste publiée à la fin d'octobre.
Le règlement dont j'ai parlé plus tôt est à la phase 1, mais il a fallu plus de 10 ans pour en arriver là. Vous avez parlé de la phase 2, dont nous entendrons peut-être parler davantage, et aussi de la phase 3. Quand le travail débutera-t-il? D'après vous, comment tiendra-t-on compte des recommandations encore en souffrance du Bureau de la sécurité des transports? Avez-vous un calendrier à respecter pour mener ce travail à bien?
M. Tremblay : Merci de votre question. Je vais vous expliquer les trois phases. La première partie, qui a été publiée l'été dernier et entrera pleinement en vigueur l'été prochain, vise les bâtiments de pêche de moins de 24 mètres. Il y a certaines variations, mais je m'en tiens à cette dimension générale.
Nous avons décidé de procéder par étapes pour faire avancer les éléments les plus importants du règlement, comme la stabilité des bâtiments de pêche. En effet, nous savons qu'un certain nombre d'accidents sont attribuables au chavirement ou parfois à la surcharge. C'est donc l'un des éléments. L'autre que nous avons abordé à cette première étape est l'exigence d'une procédure d'exploitation d'urgence, ce qui est un problème permanent. Vous parlez de la liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports. Il recommande par exemple des systèmes de gestion de sécurité. Nous n'adoptons pas complètement ce système pour les bâtiments de pêche parce que, comme M. Roussel l'a dit, nous devons tenir compte de la capacité de l'industrie de mettre le système en place, mais nous imposons tout de même de nouvelles exigences pour qu'il y ait des procédures à bord. Voilà l'un des éléments. Le troisième grand élément, ce sont les mesures de prévention ou de sécurité, comme le matériel de sauvetage supplémentaire qui sera présent. Nous exigeons maintenant, en cas d'accident, des combinaisons d'immersion qui protégeront les pêcheurs s'ils doivent quitter le bâtiment et des bateaux de sauvetage, comme des radeaux. Ce sont là les éléments dont il nous a paru important de nous occuper d'abord.
La phase 2 portera sur la construction des bâtiments. Il sera question par exemple de l'étanchéité, de la sécurité en cas d'incendie et ainsi de suite.
La phase 3 concernera les bâtiments dont la dimension dépasse les 24 mètres dont j'ai parlé tout à l'heure. Il s'agit des flottes de pêche en haute mer dont M. Roussel a parlé. Il y en a moins de 200 au Canada. En ce moment, leur régime de réglementation est probablement plus moderne que l'autre, et c'est pourquoi nous ne l'abordons qu'en troisième lieu.
Nous espérons que, grâce à ces trois phases, il aura été donné suite à toutes les recommandations en totalité ou en partie, comme Donald l'a dit.
Quant au calendrier, nous avons la capacité de produire les règlements, mais il nous faut aussi tenir compte de la capacité de l'industrie de les mettre en application. En ce moment, nous mettons l'accent sur l'application de la phase 1. Nous collaborons avec l'industrie. Un certain nombre de séances sur la mise en ouvre sont prévues au cours de la prochaine année pour que l'industrie soit renseignée et puisse prendre les mesures nécessaires pour se conformer au règlement.
Parallèlement, nous travaillons à la deuxième phase, qui devrait s'achever d'ici deux ans. La troisième phase viendra ensuite.
Le sénateur McInnis : Merci beaucoup d'avoir accepté de comparaître. Je voudrais revenir rapidement en arrière pour donner suite aux questions de la sénatrice Hubley. Non pour susciter la controverse, mais pour arriver à s'entendre. Ce règlement porte sur tous les bâtiments de moins de 24 mètres.
Lorsque les représentants du Bureau de la sécurité des transports ont comparu ici, il y a environ deux mois, certaines de leurs observations ont été quelque peu alarmantes. Ils ont parlé de recommandations formulées en 1992, il y a 24 ans. Ces recommandations portaient notamment sur la stabilité des bâtiments, la formation des équipages, les pratiques opérationnelles, les bonnes procédures d'urgence, le matériel et divers dispositifs. À la phase 1, qui viendra l'an prochain, sauf erreur, vous allez vous occuper de la stabilité des bâtiments, des procédures des opérations de sécurité et du matériel de sécurité. Vous ai-je bien compris? Voilà pour la phase 1. La deuxième, qui viendra plus tard, portera sur la construction des petits bâtiments. Et la troisième concernera les exigences visant la construction des grands bâtiments, conformément à l'Accord de Cape Town.
Les pêches commerciales sont un secteur d'activité très important. J'oublie le nombre de bâtiments, mais c'est une activité importante. Si je commandais la construction d'un bateau aujourd'hui, la demande est telle que je devrais probablement attendre jusqu'en 2020 pour en recevoir livraison. Nous parlons ici de la stabilité d'un bâtiment à l'étape de la construction. Il me semble qu'il aurait fallu agir il y a un certain temps. Voilà le premier point.
Quant à la formation des équipages, aux bonnes procédures d'urgence... S'est-on occupé de ces choses-là avant? Je dois croire que oui, mais dans ce cas, qui a exercé la surveillance? Avec des centaines et des centaines de bâtiments, des équipages, et ainsi de suite... Je peux aller m'acheter un bateau sans problème. Je ne crois pas que je doive me soumettre à des tests. Il suffit que je sorte pêcher.
Qui a exercé une surveillance? C'est ma première question. Pourquoi a-t-il fallu 24 ans pour donner suite à des recommandations du Bureau de la sécurité des transports qui me semblent extrêmement importantes?
Je sais que vous aurez une excellente réponse et j'ai hâte de l'entendre.
M. Roussel : Nous avons une réponse.
Il y a un régime en place. Il ne faut pas faire comme s'il n'y en avait aucun. Prenons un exemple, celui du personnel maritime. Il s'agit des qualifications du pêcheur. En prenant le Règlement sur le personnel maritime, nous avons baissé le seuil pour l'application des exigences. Nous avons abaissé de 100 à 60 tonnes la jauge des bâtiments qui doivent avoir un capitaine qualifié à bord. Nous avons fait cela par le Règlement de 2007 sur le personnel maritime.
Il a fallu beaucoup de temps pour parvenir à un accord avec l'industrie pour ramener la jauge de 100 à 60 tonnes. Un bâtiment de 60 tonnes fait environ 50 pieds de long ou à peu près 15 mètres, alors qu'un bâtiment de 100 tonnes pourrait très bien faire plus de 20 mètres.
Les négociations ont été longues avec les pêcheurs, et ils ont tous donné leur accord.
Pour ce qui est des qualifications des pêcheurs, il faut travailler de concert avec la province. L'éducation est de ressort provincial. Puis, il faut traiter avec l'école de pêche pour s'assurer que les programmes d'étude sont en place.
Nous ne pouvons pas simplement prendre un règlement. Il y a un dialogue avec les autres ordres de gouvernement. Il y a d'abord l'éducation. Mais ensuite, il y a la prévention et les mécanismes de prévention. Il faut alors traiter avec les commissions provinciales des accidents du travail.
Donc, pour ce qui est des qualifications de ce que nous appelons les pêcheurs, nous avons fait un grand progrès en augmentant les exigences par une réduction de la jauge à partir de laquelle il faut un capitaine de bâtiment de pêche, ce qui comprend le premier lieutenant. C'est donc un grand progrès sur le plan des qualifications des pêcheurs.
Avec ce type de certificat vient aussi ce que nous appelons la « formation aux fonctions d'urgence en mer ». Nous avons beaucoup travaillé là-dessus.
Les autres éléments qui se rattachent à la prévention et à la culture dans les divers secteurs doivent faire l'objet d'un travail commun avec les commissions des accidents du travail, comme je l'ai dit. Quant à la stabilité, si vous commandez un bâtiment de pêche demain matin, cela dépend de la taille. Si vous commandez un bâtiment de 15 tonnes et plus, c'est-à-dire d'une quarantaine de pieds, l'architecte naval respecte un certain minimum de stabilité. C'est là qu'il faut agir par réglementation et nous avons resserré les exigences.
Le sénateur McInnis : Le règlement était-il en place pour garantir que le constructeur fasse le nécessaire?
M. Roussel : Pour certains bâtiments, oui, mais nous avons abaissé le seuil. M. Tremblay peut vous donner des détails.
Nous avons continué d'apporter des améliorations en abaissant le seuil à partir duquel les exigences que vous avez énumérées s'appliquent à bord des bâtiments. La majorité des bâtiments dans les petites localités côtières ont une jauge de moins de 15 tonnes, ce qui correspond à moins de 40 ou 42 pieds, des bâtiments de 12 ou 13 mètres, des bateaux de pêche au homard et des très petits bâtiments qui restent près de la côte. Dès que le seuil augmente, les exigences augmentent aussi.
Voilà ce que nous avons fait. Nous avons alourdi les exigences en abaissant le seuil au fil du temps. Il faut des dizaines d'années de discussions avec l'industrie de la pêche. Il est plutôt difficile d'imposer de nouvelles exigences.
Monsieur Tremblay, voulez-vous donner des détails au sujet des normes de stabilité qui ont été demandées pour ces bâtiments?
M. Tremblay : Oui. Merci de cette question. Comme M. Roussel l'a dit, il y avait déjà auparavant des exigences à satisfaire. Pour entrer un peu plus dans les détails, je dirai que les exigences imposées par le règlement existant sont scindées en deux volets. Encore une fois, pour les plus grands bâtiments de pêche, une évaluation de la stabilité était exigée pour chacun d'eux. Il y a des normes à ce sujet. Elles sont fondées pour l'essentiel sur des normes internationales.
En bas de ce seuil, 24 mètres, ou plus ou moins 150 tonnes de jauge brute, si on veut utiliser une autre mesure, les exigences du règlement, en soi, visaient simplement les bâtiments utilisés pour certaines pêches, surtout les pêches au hareng et au capelan ou à des espèces semblables. Je ne veux pas trop entrer dans les détails techniques, mais il s'agit d'une question de « surface libre » : dans le bâtiment, le poisson se comporte comme de l'eau. C'est là un risque naturel pour la stabilité. Telles étaient les exigences de la réglementation.
Toutefois, nous avons travaillé à l'élaboration des règlements et négocié également avec l'industrie une solution qui serait applicable pour elle. Comme nous l'avons dit, contrairement au Bureau de la sécurité des transports, qui nous renseigne beaucoup sur les questions de sécurité, mais n'a pas à tenir compte de la faisabilité de la solution. Pour notre part, nous devons tenir compte de cet élément et discuter avec l'industrie.
Entretemps, nous avons publié un certain nombre de recommandations et de lignes directrices, et nous avons eu ce que nous avons appelé un « bulletin de la sécurité des navires » qui était distribué à tous les propriétaires de bâtiment. Tous les pêcheurs ont reçu cette documentation.
Au début des années 2000, nous avons recommandé des critères de stabilité ainsi que des calculs de stabilité pour tous les bâtiments à construire, s'ils respectaient un certain nombre de facteurs de risque définis dans cette communication.
Nous travaillons également avec l'industrie navale. Nous travaillons beaucoup avec la Nova Scotia Boatbuilders Association, active dans une certaine partie de la côte Atlantique, avec des constructeurs de Terre-Neuve et aussi avec des architectes navals, et nous les encourageons à faire évaluer les bâtiments. La majorité des bateaux construits en ce moment sont construits avec cette évaluation, sans qu'elle soit obligatoire. Mais le règlement rendra cette évaluation officielle et obligatoire pour l'avenir.
Juridiquement, il est vrai qu'il est possible de construire un bateau qui n'a pas la stabilité voulue. Avant que les règlements ne soient pris, c'est certainement vrai.
Le sénateur Tkachuk : Nous parlions de resserrer la réglementation en abaissant la jauge à partir de laquelle elle s'applique. Vous avez dit que vous aviez eu avec l'industrie des échanges qui ont pris des dizaines d'années. Cela m'a un peu estomaqué. Y a-t-il un processus de discussion bien établi? Traitez-vous avec des groupes reconnus ou avec des individus? S'agit-il d'un processus qui emprunte la voie législative?
Comment menez-vous ces consultations qui prennent des dizaines d'années? Faut-il consulter une seule personne à la fois? Je n'arrive pas à comprendre.
M. Roussel : Il n'y a pas d'exigence législative, mais les lignes directrices du Cabinet sur les règlements nous obligent à consulter. Nous avons l'obligation de le faire.
Nous utilisons deux tribunes principales, dont l'une s'appelle le Conseil consultatif maritime canadien, et nous avons des sous-comités. L'un d'eux s'intéresse spécialement aux bâtiments de pêche.
Les consultations ont lieu à Ottawa. L'industrie fait connaître son point de vue. Ce sont des associations ou des pêcheurs seuls qui viennent à Ottawa. Nous avons aussi le Conseil consultatif maritime canadien. Nous rencontrons des pêcheurs de tout le pays, région par région.
Je peux vous dire que même après trois, quatre ou cinq ans de consultation, dès que nous publions le règlement, il se trouve un groupe, quelque part, pour nous dire qu'il n'en a jamais entendu parler. Et on peut répondre à ces gens en indiquant leur nom et en précisant quand nous les avons rencontrés. Je peux vous l'affirmer.
Nous devons donc recommencer, nous assurer que notre proposition est bien comprise puisque ces gens auront toutes sortes de bonnes raisons de s'opposer au règlement. Il faut des efforts, une énergie et des ressources énormes pour convaincre les divers secteurs qu'il faut aller de l'avant sur certains points.
Le sénateur Tkachuk : Êtes-vous payés à la journée? Que versez-vous à ces gens?
M. Roussel : Nous les aimons beaucoup. Ils sont d'excellents associés.
Le sénateur Tkachuk : S'il y a une rémunération à la journée, il faudra des dizaines d'années.
M. Roussel : Mais lorsque nous dégageons un consensus, ou le consensus le plus complet possible, nous allons de l'avant. À la dernière vague de consultations, la séquence est exactement celle que je vous ai décrite. Des gens se présentent et disent qu'ils n'en ont jamais entendu parler.
Le sénateur McInnis : Vous tombez juste. J'allais revenir sur cette question, mais j'aurai peut-être l'occasion de le faire plus tard.
Je voudrais vous poser une question au sujet de l'article que j'ai lu dans le journal, en Nouvelle-Écosse, la semaine dernière : « Coast guard running short of vessels ». La Garde côtière est à la recherche de quelques brise-glaces et de remorqueurs. Je ne sais pas trop si cela relève de votre mandat, mais une demande d'information a été publiée.
Ce qui m'a inquiété dans l'article, c'est qu'on y dit que la flotte sera insuffisante à Dartmouth, à Argentia, à St. John's, à Québec et à Victoria.
Quelle est la gravité de ces lacunes? Existent-elles à chacun de ces endroits? Nous avons entendu parler des brise- glaces. Allons-nous être à court de brise-glaces? De remorqueurs? Ce pourrait être dangereux pour l'environnement s'il y avait un incident.
Quels dangers cette situation nous fait-elle courir? Dans votre recherche de manifestations d'intérêt, vous vous adressez au secteur privé, n'est-ce pas?
M. Roussel : Je ne peux pas répondre à ces questions. Elles relèvent du ministère des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne.
Le sénateur McInnis : Peut-être pourriez-vous répondre à ma dernière question, qui porte sur les RLS, les radiobalises de localisation des sinistres. Je crois vous avoir entendu dire qu'il y en a sur la plupart des bâtiments.
M. Turner : Merci, sénateur. Je ne dirais pas qu'il y en a sur la plupart des bâtiments. Depuis des années, nous essayons d'exiger des RLS sur les plus petits bâtiments. En ce moment, tout bâtiment de plus de 20 mètres qui navigue en dehors des eaux abritées doit être doté d'une RLS à dégagement libre, et tout bâtiment qui fait plus de huit mètres et s'éloigne de plus de 20 milles de la côte doit aussi avoir une RLS, tout comme tout bâtiment qui transporte des passagers et s'éloigne de plus de 20 milles de la côte doit en avoir une.
Tel est l'état de la situation actuelle pour les RLS. Mais dans le nouveau règlement sur les bâtiments de pêche qui entrera en vigueur l'été prochain, nous exigerons en plus que les bâtiments de pêche de plus de 12 mètres qui sortent des eaux protégées soient dotés d'une RLS. Ce sera obligatoire.
Le sénateur McInnis : Les combinaisons d'immersion ne sont pas obligatoires, sauf erreur?
M. Tremblay : Actuellement, elles ne le sont pas sur les petits bâtiments, mais, aux termes du nouveau règlement, elles le seront pour les bâtiments de pêche ou les bateaux d'une certaine jauge qui s'éloignent d'une certaine distance de la côte. En bas du seuil de 12 mètres, les pêcheurs auront le choix entre un radeau de sauvetage ou une RLS ou encore une combinaison d'immersion. Nous avons essayé de préserver une certaine latitude après les discussions avec l'industrie. Cela dépendra des besoins. Pour certains bâtiments, ce sera obligatoire et ce sera optionnel pour d'autres.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Je ne comprends pas à fond le régime de réglementation, mais quelle est la règle des assureurs à cet égard? Peut-être qu'en cas d'accident, si le bateau sombre, ils le déclarent perte totale, et alors peu importe, mais ces bateaux coßtent cher et il faut les assurer.
La prime varie-t-elle si le propriétaire a tout fait pour exploiter le bateau de façon sécuritaire, si les tests de stabilité ont été faits, s'il y a des radeaux de sauvetage et d'autres matériels en place? Le propriétaire peut-il obtenir une prime plus avantageuse?
M. Roussel : Merci de vos questions. D'habitude, pour l'assureur, le premier critère, c'est que le bâtiment doit être conforme au règlement. Selon le bâtiment en cause ou sa valeur, l'assureur peut aussi faire une inspection indépendante et imposer des exigences supplémentaires qui vont dans le sens de tout ce que nous avons publié, comme l'a dit M. Tremblay. Ce ne sont pas nécessairement des exigences réglementaires, mais plutôt des recommandations fermes, qui peuvent concerner par exemple les éléments relatifs à la stabilité. Le règlement peut ne pas imposer des exigences relatives à la stabilité, mais les recommander instamment.
L'assureur peut tenir compte de ces éléments additionnels et dire aux propriétaires qu'ils doivent se conformer au règlement, à tout ce que Transports Canada a publié et à toutes les autres pratiques exemplaires qu'on doit normalement suivre dans le domaine.
Nous travaillons avec les assureurs dans ce sens que nous communiquons avec eux en permanence au sujet des exigences pour nous assurer que le coßt global des activités n'est pas exorbitant, du point de vue des éléments qui ont une influence sur la prime pour le coßt d'un bâtiment de pêche ou tout autre type d'exploitation.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une ou deux questions à poser. Cette RLS m'intrigue. Il s'agit d'une radiobalise de localisation des sinistres, et vous dites que tous les bateaux n'en sont pas équipés. Combien ces dispositifs coßtent-ils? Coßtent-ils cher? Pourquoi s'en passerait-on?
M. Turner : Nous encourageons les plaisanciers à se doter d'un tel dispositif parce qu'il améliore la sécurité. Une RLS à dégagement libre coßte environ 900 $. Tous les deux ans, il faut remplacer le mécanisme de largage hydrostatique. Et il faut remplacer la batterie aux 4 à 10 ans. Elle coßte environ 200 $. Il y a donc des dépenses récurrentes.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce la raison pour laquelle certains n'en installent pas? Cela semble logique. Ce serait comme avoir un système de navigation. On veut que les gens sachent oø on se trouve si on éprouve des difficultés.
M. Turner : Évidemment. Beaucoup installent le dispositif volontairement. Je n'ai aucune idée des chiffres, mais je voudrais en avoir un si j'étais sur un bateau, quelle qu'en soit la taille.
Le coßt est certainement toujours un facteur qui compte. L'un des problèmes qui surgissent, lorsque nous discutons avec l'industrie des bâtiments de pêche, c'est que, sur le plan pratique, il y a des considérations qui interviennent lorsque le bâtiment ne fait pas une certaine taille. Par exemple, si le bâtiment se renverse rapidement, ces dispositifs, qui sont conçus pour être largués entre deux à quatre mètres, risquent de ne pas être largués et de rester coincés sous la coque. Sur un bâtiment plus important, on peut les installer plus haut, dégagés de tout. Il aussi possible d'aller plus profondément.
Il y a cet aspect, mais il arrive aussi parfois qu'une RLS reste à bord du bâtiment. Si le bâtiment ne sombre pas, et supposons que le pêcheur soit seul à la pêche au crabe et qu'il soit projeté par-dessus bord, la RLS ne sera d'aucun secours. Parfois, une autre possibilité est de porter une radiobalise individuelle de repérage, qui coßte moins cher. Sur beaucoup de bâtiments de pêche, on préfère se servir de la radio à très haute fréquence pour pouvoir communiquer avec d'autres gens et plaisanciers à proximité. Ces pêcheurs ont l'impression que leur meilleure chance de se faire secourir est de faire appel à d'autres bateaux dans le même secteur, s'ils pêchent avec d'autres bâtiments.
Ce que nous exigeons, c'est une radio à très haute fréquence qui est fixe et a une capacité d'appel sélectif numérique, ce qui veut dire qu'on peut presser un bouton d'alerte. Ces appareils sont relativement nouveaux. C'est ce que nous avons exigé en 2001. Si on tient le bouton enfoncé, l'alerte est lancée automatiquement aux autres radios VHF-ASN et au poste de la Garde côtière à terre, si on se trouve à une distance de 20 à 40 milles.
Il s'agit d'un appareil polyvalent moins coßteux qu'on peut utiliser au quotidien pour communiquer avec d'autres bâtiments, mais qui fournit aussi une capacité d'alerte d'urgence.
Le sénateur Tkachuk : Je voudrais en revenir à ma question de tout à l'heure sur les consultations. Cela me dérange un peu. Vous avez parlé des difficultés et dit qu'il y a toujours quelqu'un qui dit ne pas avoir été consulté. Vous devez consulter tout le monde?
Désolé d'être un peu dans l'ignorance, mais peut-être est-il bon que je le sois. J'essaie de m'y retrouver. Ces gens-là ont-ils des associations dans chacune des provinces? Des représentants? Font-ils confiance à leurs représentants, leur parlent-ils ou bien cela importe-t-il peu et devez-vous de toute façon vous adressez à chaque groupe de pêcheurs? Quelle est la démarche à suivre? Il doit bien y en avoir une, et elle doit commencer quelque part.
M. Roussel : Toutes ces réponses.
Le sénateur Tkachuk : Oh, mon Dieu.
M. Roussel : Il y a en général des groupes qui relèvent de différentes associations. Certains sont strictement locaux. Certains sont provinciaux. D'autres sont constitués en fonction du type de pêche. Ensuite, il faut faire confiance et croire que ceux à qui nous avons affaire sont pleinement représentatifs des membres.
C'est difficile. Puis, lorsque le moment est venu de publier le règlement ou d'annoncer que nous allons de l'avant, il y a toujours quelqu'un qui surgit de nulle part.
Devons-nous écouter tout le monde? Nous devons avoir une certaine assurance que ce que nous allons proposer sera appliqué. Notre défi, c'est lorsque nous retournons sur le terrain pour vérifier le niveau d'application. Combien d'énergie voulons-nous dépenser pour vérifier le degré de conformité au règlement publié? Le niveau de non- conformité dans les divers secteurs est toujours un défi. C'est un vaste secteur. Nous devons nous assurer qu'il existe un haut niveau de conformité lorsque nous délivrons un certificat pour un bâtiment donné.
Le sénateur Tkachuk : Pendant que vous accomplissez ce travail, la technologie progresse, il y a de nouvelles manières de construire les navires. Il y a toutes sortes de choses qui se passent. Si vous devez mettre tant de temps, arrive-t-il que vous entamiez un travail et que, au moment de l'achever, il soit devenu inutile et que vous deviez proposer un nouveau règlement ou opter pour une orientation différente parce que le problème a été réglé d'une autre manière?
M. Roussel : En général, il arrive que nous soyons dépassés par la technologie. Par exemple, les recommandations d'il y a 20 ou 30 ans ont peut-être perdu toute leur pertinence aujourd'hui. Il est possible que l'évolution les ait rendues désuètes. Chose certaine, c'est vrai dans le domaine des communications.
Le défi que nous avons à relever, surtout lorsqu'il s'agit de consulter, c'est le moment de la mise en ouvre. Il faut donner du temps aux divers secteurs pour appliquer ce que nous avons proposé. Il faut beaucoup de négociations. Un exemple concret est celui du règlement sur les bâtiments que nous avons publié l'été dernier. Certains éléments entreront en vigueur l'été prochain et d'autres plus tard, de façon à donner à l'industrie le temps de réagir : « Comme je dois amortir ce matériel, je dois me donner le temps de modifier le bâtiment. » En effet, certaines exigences peuvent entraîner une modification des bâtiments. Les propriétaires doivent donc prendre rendez-vous dans un chantier naval ou prendre d'autres dispositions.
Ce sont les facteurs dont il faut tenir compte pour nous assurer que, lorsque nous prenons un règlement, il sera possible de l'appliquer. Nous pouvons vous dire que, même si nous accordons cinq ans pour faire telle ou telle chose, il y aura toujours quelqu'un, au bout de ces cinq ans, pour demander un délai supplémentaire. Nous en avons eu un exemple pour la formation aux fonctions d'urgence en mer. Une date avait été fixée, mais devinez quoi? Quand la date est arrivée, il y avait encore une foule de gens qui étaient à la recherche d'une formation. Nous avons donc accordé des délais, et l'industrie essaie de s'adapter, traite avec la province pour que les cours soient disponibles. Il faut aussi faire jouer des programmes pour financer certains de ces cours.
Il est extrêmement difficile de traiter avec ce secteur.
Le sénateur McInnis : Pour m'en tenir à la Nouvelle-Écosse, je dirai qu'il y a des organisations dans toute la province et qu'elles sont très avancées. Nous ne voulons pas des lois partout, mais parfois — j'ignore si vous avez le pouvoir voulu, mais je me doute que oui —, il faut appliquer la loi, il faut la faire respecter.
La semaine dernière encore — comme j'ignore les circonstances, je ne vais pas en parler —, nous avons vu un film sur la façon de jeter une pompe et oø un câble traverse le bâtiment. Cela est arrivé un ou deux jours près le délestage. Cela m'a fait comprendre qu'il doit y voir une façon claire et complète de communiquer la stratégie de sécurité. Je n'ai pas l'impression qu'elle soit au rendez-vous. Êtes-vous d'accord?
Cela ne relève peut-être pas des compétences de Transports Canada. C'est peut-être Pêches et Océans qui doit agir, je l'ignore, mais je me dis que ce ne doit pas être si difficile. Ces gens-là sont très avertis. Lorsque je vais à l'une de leurs réunions — et j'ai été de l'autre côté, au niveau provincial, pour les écouter —, je constate qu'ils sont bien organisés. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre qu'il faille autant de temps.
Y a-t-il une stratégie complète pour inculquer le souci de la sécurité? Voilà ma question.
M. Roussel : Oui, il y a une stratégie. Je suis sßr que le ministère en parle, mais lorsqu'il s'agit des secteurs de la pêche, Transports Canada n'a pas la responsabilité exclusive.
Le sénateur McInnis : Je sais.
M. Roussel : Nous avons des exemples extrêmement concrets qui montrent à quel point nous fouillons la question et entrons dans les détails dans les réunions régionales avec les différents groupes de pêcheurs. Au niveau régional, le ministère des Transports et celui des Pêches et des Océans sont présents à la table, tout comme la commission des accidents du travail et les assureurs. Tous travaillent avec les groupes de pêcheurs à l'amélioration de la sécurité.
C'est ainsi que les choses se passent dans les différentes régions du pays. Les choses sont mieux structurées à certains endroits qu'ailleurs pour toutes sortes de raisons. Mais nous avons des collaborations très importantes avec WorkSafeBC, avec la CSST au Québec et à bien d'autres endroits. Le dialogue avec les divers secteurs de la pêche est constant.
Les difficultés surgissent lorsque nous essayons d'imposer les changements. Selon ce que nous demandons et le prix que cela coßte, c'est là que le mouvement s'enraye. C'est là que nous nous heurtons à une importante résistance.
Quant à la stabilité... Voilà un exemple concret. S'il faut faire appel aux services d'un architecte naval, les prix sont assez élevés. Nous trouvons diverses techniques pour arriver à nos fins. Nous avons élaboré des lignes directrices sur des évaluations simplifiées de la stabilité. Nous remportons beaucoup de succès.
À partir de l'idée simple des services d'un architecte naval et de l'obligation d'une vérification de la stabilité, nous pouvons en arriver à dire, après un certain dialogue : « Très bien, peut-être n'avons-nous besoin que d'une évaluation, et si le pêcheur obtient cette information, le bâtiment sera considéré comme assez sßr. » Ce sera une première étape, en quelque sorte.
Ce dialogue prend un certain temps parce que nous proposons toujours, dans un premier temps, la mesure la plus radicale. Puis, après un bon dialogue, nous proposons une solution beaucoup plus facile à appliquer. Ce dialogue se fait, mais il prend beaucoup de temps.
Avons-nous des raisons pour justifier des délais de 10 ans ou même de 14 ans, comme dans le cas du dernier règlement? Nous ne sommes pas les seuls en cause. Nous voudrions agir plus rapidement, mais je peux vous dire que nous avons dß faire d'importants compromis, ne fßt-ce que pour accomplir ce que nous avons fait jusqu'à maintenant. Nous avons dß scinder le règlement parce que la controverse était trop intense, et nous avons reporté les éléments ainsi écartés à une deuxième étape pour pouvoir donner suite aux autres, ceux que vous avez vus en 2016, quitte à poursuivre le dialogue avec le secteur.
Le sénateur McInnis : Merci.
La sénatrice Raine : C'est assez amusant. Cela rappelle le vieil adage : on peut mener le cheval à l'abreuvoir, mais on ne peut pas le faire boire.
Nous avons affaire à bien des personnes indépendantes et aux idées arrêtées qui pensent qu'ils n'auront jamais d'accident. Quelqu'un a dit qu'il faudrait beaucoup de temps pour instaurer la sensibilisation à la prévention dans le régime de sécurité. C'est une tâche difficile.
Je voudrais vous demander si les attitudes à l'égard de la sécurité et les expériences sont les mêmes sur la côte Ouest et dans les Maritimes, sur la côte Est et à Terre-Neuve. Je crois que dans l'Ouest, il y a parfois de plus grandes distances entre les localités, de plus grandes distances à parcourir, si on éprouve des problèmes, pour atteindre un port pour se mettre en sécurité.
M. Roussel : Je m'expose à bien des ennuis. Je ne dirais pas que c'est une question d'attitude. La participation est très importante dans l'ensemble de notre pays. J'ai parlé de WorkSafeBC, j'ai parlé du Québec et de la CSST. À Terre- Neuve, il y a des secteurs de pêche très actifs, une grande participation de la part de différentes écoles maritimes. Je crois qu'il y a une importante collaboration dans tout le pays.
Il y a des différences selon les types de pêche, je dirais. Plus la pêche se pratique près des côtes, plus elle est saisonnière et donc plus la pêche est de courte durée et précaire, plus grandes sont les difficultés. S'il s'agit d'un secteur de pêche ou d'activités prospères, il est beaucoup plus facile d'apporter une série de changements. Il y a 30 ans, comme vous le savez, l'activité était extrêmement intense. L'activité a diminué avec le temps, de sorte que les pêches, surtout côtières, ont des saisons très courtes, très saisonnières. Le défi est donc énorme. Plus l'activité de pêche est réduite et précaire, plus les difficultés sont grandes.
La sénatrice Raine : Vous dites que s'il y a seulement une ouverture réduite pendant la saison et si une foule de pêcheurs se précipitent, c'est presque comme dire qu'il faut y aller à tout prix, quitte à s'exposer à des risques pour prendre du poisson. Est-ce bien cela qui se passe? Y a-t-il moyen de régler le problème en modifiant la façon d'établir les quotas, par exemple?
M. Roussel : Le noud du problème, en ce qui concerne les quotas et les modalités de leur établissement, est qu'il s'agit certainement de facteurs qui contribuent à la gestion de l'ensemble de la pêche. Il existe un lien direct avec le risque que les pêcheurs sont prêts à accepter s'ils doivent aller prendre un certain volume de poisson.
La sénatrice Raine : En fait, je n'ai jamais pu comprendre pourquoi, si nous voulons limiter les prises, nous ne comptons pas simplement ces prises au lieu de limiter la période de la pêche, celui qui y arrive le premier prenant le plus de poisson. Cela ne me semble pas tenir debout.
M. Roussel : C'est une question qu'il faut poser à Pêches et Océans.
La sénatrice Raine : Il y a une incidence sur la sécurité.
M. Roussel : Il y a deux éléments : l'ouverture et la fermeture des zones de pêche et la rapidité avec laquelle les pêcheurs peuvent prendre leur quota, des quotas individuels par opposition à des quotas collectifs. C'est certainement un facteur qui compte.
Deuxièmement, il y a un élément qui concerne la taille des bâtiments. Quand un bâtiment part en mer, sa jauge est un élément de sécurité. Quand on établit un lien avec la capacité de la ressource, il y a des difficultés bien documentées en ce qui concerne la conception d'un bâtiment qui a la navigabilité voulue. Nous avons donc un dialogue suivi avec Pêches et Océans pour nous assurer que ces éléments concernant la taille des bâtiments soient rattachés à la conception et à la sécurité plutôt qu'à la capacité de la ressource ou liés à la capacité de pêcher. Pour nous, c'est extrêmement difficile.
Un architecte naval pourrait venir expliquer au comité de quoi il retourne.
Le sénateur Sinclair : Merci, monsieur le président. En lisant la documentation qui a été distribuée en prévision de la séance, j'ai été frappé par une impression, celle que les exigences relatives à la réglementation et aux permis imposées aux pêcheurs et aux navigateurs sont moins rigoureuses que celles que j'ai dß respecter comme adolescent pour obtenir mon permis de conduire une voiture. Cette impression est-elle juste? Ceux qui pilotent des bateaux doivent-ils suivre des cours obligatoires de pilotage, des cours obligatoires de sécurité, doivent-ils réussir des examens et obtenir et conserver une assurance avant de commencer et de continuer à utiliser un bateau?
M. Roussel : Cela dépend de la taille du bâtiment. Pour ceux qui font moins de 15 tonnes, les exigences sont beaucoup moins lourdes qu'elles ne le sont pour les bâtiments de plus de 15 tonnes. Cela dépend aussi de l'endroit oø on navigue. Si on se limite à la zone côtière, certaines exigences ont toujours été extrêmement limitées. Par le passé, il n'y en avait aucune. On était pêcheur de père en fils et on conduisait un bateau.
Et puis, bien sßr, comme je l'ai dit, nous avons abaissé la jauge pour nous assurer que ceux qui utilisent des bâtiments dans différentes zones ont le certificat de capitaine et de premier lieutenant nécessaire pour un bâtiment de pêche. Cela dépend donc de la taille du bâtiment et de la zone oø il est utilisé.
Le sénateur Sinclair : Je ne peux pas conduire un scooter sur la route sans avoir un permis de conduire et une assurance, mais je peux piloter un bateau de 15 tonnes, ou de moins de 15 tonnes, sans permis ni assurance?
M. Roussel : À moins de 15 tonnes, les exigences sont encore assez peu rigoureuses.
Le sénateur Sinclair : Très bien. Pensez-vous qu'une des solutions serait d'imposer des exigences plus lourdes en matière de permis et de vérification de sécurité obligatoires pour obtenir et garder un permis?
M. Roussel : Il est certain que la formation et un régime de permis acceptable pour le personnel sont des éléments importants en ce qui concerne les mesures de sécurité.
Mais le risque que des pêcheurs n'aient aucune connaissance ou n'aient suivi aucun cours est plutôt minime. Il existe une participation non négligeable au niveau provincial, de sorte que les pêcheurs sont d'habitude extrêmement consciencieux. Ils suivent des cours. Mais y a-t-il une exigence officielle à l'égard des petits bâtiments et doivent-ils avoir un permis? Il est possible que certains pêcheurs utilisent de très petits bateaux de pêche sans permis.
Le sénateur Sinclair : Merci.
Le président : Merci. Et je tiens à remercier les témoins de ce soir de leur participation.
Avant de lever la séance, nous devons siéger à huis clos. Pouvons-nous siéger à huis clos?
Des voix : D'accord.
Le président : Tous sont d'accord. Adopté.
(La séance se poursuit à huis clos.)
(La séance publique reprend.)
Le président : La séance reprend.
Le budget proposé de 7 349 $ pour l'étude spéciale du cadre stratégique actuel et en évolution, du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada pendant l'exercice se terminant le 31 mars 2017 est-il approuvé pour présentation au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration?
La sénatrice Hubley : Je propose la motion. D'accord.
Le président : Quelqu'un appuie-t-il la motion? Tous ceux qui sont d'accord? D'accord. Ceux qui sont contre? Adoptée. Merci.
(La séance est levée.)