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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 11 - Témoignages du 8 mars 2017 (séance de l'après-midi)


ST. JOHN'S, Terre-Neuve, le mercredi 8 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 13 h 25, dans le cadre de son étude sur les activités de recherche et sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à notre réunion de l'après-midi à St. John's. Je m'appelle Fabien Manning. Je suis sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je suis président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je suis accompagné de plusieurs collègues, et je leur demanderais donc de se présenter, en commençant à ma droite.

Le sénateur Doyle : Norm Doyle, sénateur de Terre-Neuve.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, sénatrice de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur McInnis : Don McInnis, sénateur de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Nous menons une étude sur les activités de recherche et sauvetage au Canada et les défis qui se posent dans ce domaine. Nous avons entendu des témoins de partout au pays et nous avons passé les deux derniers jours à Goose Bay et à Gander. Nous avons entendu d'excellents témoignages ce matin, et nous avons hâte d'entendre nos invités de l'après-midi.

Avant d'entendre les exposés, je vous demanderais de vous présenter.

Ernest Simms, Ville de St. Anthony (Terre-Neuve-et-Labrador) : Je m'appelle Ernest Simms. Je suis le maire de la Ville de St. Anthony. Nous sommes situés sur la côte nord de la partie insulaire de la province, et je suis ici pour vous parler au nom de ma ville.

Johanna Ryan Guy, à titre personnel : Je m'appelle Johanna Ryan Guy. Je suis née à Terre-Neuve, sur une petite île appelée St. Brendan's dans la baie de Bonavista. Je suis la plus jeune de sept enfants. Je suis la sœur de Dave et de Joe Ryan qui se sont noyés lors du naufrage du Ryan's Commander en 2004, et je prends la parole dans des audiences depuis ce temps-là.

Danny Breen, à titre personnel : Je m'appelle Danny Breen et je suis conseiller municipal de la Ville de St. John's, même si aujourd'hui, je suis ici à titre de citoyen ordinaire pour parler aux membres du comité. Toutefois, à titre de conseiller municipal, j'aimerais tout d'abord vous souhaiter la bienvenue à St. John's. J'espère que vous aimez votre séjour et que vous ne comptez pas trop sur la météo. Il fait beau maintenant, mais le temps changera avant que vous sortiez d'ici. J'ai hâte de passer l'après-midi avec vous.

Le président : J'aimerais remercier nos invités. D'après ce que je comprends, ils livreront tous un exposé. Nous entendrons d'abord M. Simms.

M. Simms : J'aimerais d'abord vous remercier de m'avoir invité et de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. J'étais un peu surpris. En effet, je n'ai jamais participé à ce type de consultation auparavant, mais il faut dire que je n'avais jamais participé aux déplacements des activités de la Garde côtière à l'extérieur de St. Anthony lorsqu'un ministre m'a invité, à l'époque, à participer aux consultations relatives au budget fédéral. Je me demandais pourquoi on parlait de St. Anthony dans ces discussions. Cela ne me semblait pas logique, mais au bout du compte, j'ai découvert que St. Anthony perdait les SCTM.

Je vous remercie donc de m'avoir invité et je tiens également à préciser mon rôle. Je suis le maire de la ville. Je n'ai jamais travaillé pour le gouvernement fédéral ou pour l'un de ses organismes. Je suis né à St. Anthony. J'ai également été enseignant de français langue seconde. En ce moment, je ne suis pas bilingue, car je n'ai pas parlé le français depuis 16 ans, mais je peux me débrouiller lorsque c'est nécessaire.

J'ai passé la plus grande partie de ma vie dans le nord de Terre-Neuve-et-Labrador. J'ai également enseigné dans plusieurs collectivités de la côte du Labrador.

Je ne prétends pas être un professionnel en ce qui concerne les différents aspects de la Garde côtière canadienne, mais je connais certaines choses. En effet, je connais bien le fonctionnement de ses activités dans ma ville et dans la région, car je connaissais tous les gens qui les exécutaient. Ils n'étaient pas tous des habitants de la ville, mais je les connaissais.

Notre dépendance envers la Garde côtière a toujours été l'une de mes préoccupations principales, et tous ceux qui vivent dans un milieu rural entouré de l'Océan atlantique dépendent des activités de la Garde côtière. Notre emplacement et nos responsabilités ont toujours été sans égal dans le cadre des activités de la Garde côtière.

La ville de St. Anthony est située à proximité de ce que nous appelons le couloir d'icebergs. Si vous vous représentez la côte du Labrador qui descend dans la péninsule Northern, nous sommes situés à l'intersection où se trouve le détroit de Belle-Isle et nous bordons la zone de pêche 6 — qui, selon de récentes rumeurs, éprouveraient certains problèmes en ce moment —, et où presque tous les propriétaires de navires de pêche, grands ou petits, gagnent leur vie depuis de nombreuses années.

St. Anthony a été le centre des activités de la Garde côtière pendant des décennies, et ce, pour une bonne raison. En effet, aucun endroit dans le monde n'offre la possibilité de couvrir le nord, l'ouest et l'est comme St. Anthony. La ville est située à l'intersection de tous les éléments internationaux, provinciaux et nationaux.

Je suis également le président de la St. Anthony Harbour Authority. Ce poste m'a permis de bien comprendre les besoins de toutes les activités maritimes menées dans notre région, car St. Anthony est l'un des deux ports de conteneurs internationaux situés dans la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons augmenté nos activités, et maintenant, nous sommes le centre de l'ensemble du trafic maritime vers l'Europe.

Eimskip, une organisation de la côte Est basée en Islande, a signé un accord de 20 ans avec St. Anthony Basin Resources Inc., une entreprise locale dont les activités sont essentiellement liées aux crevettes et au déchargement. L'entreprise a un quota de crevettes de 3 000 tonnes métriques, et elles passent toutes par St. Anthony. Des navires porte-conteneurs arrivent à St. Anthony à partir de Portsmouth, dans le Maine, en passant par Halifax et Argentia et ils se rendent ensuite en Europe. Ils passent par notre ville toutes les deux ou trois semaines.

Comme j'aime le dire, nous avons augmenté ces activités, et toutes les activités liées à la pêche se déroulent le long de notre côte, c'est-à-dire des deux côtés de la péninsule Northern, à savoir l'est et l'ouest, avec les activités qui se déroulent au Labrador. Tous les produits de toutes les usines du Labrador, une fois transformés, sont stockés dans l'entrepôt frigorifique de St. Anthony. Tous les produits y sont acheminés.

On prévoit accroître ces activités — certaines questions ont été soulevées au cours des dernières semaines en ce qui concerne les crevettes et le crabe, et nous travaillons toujours à ce dossier, mais nous envisageons d'autres espèces. Nous envisageons également d'améliorer la capacité de St. Anthony d'accueillir de grands navires. En effet, Eimskip vient d'acheter deux grands navires qui viendront à St. Anthony, et nous devons effectuer quelques travaux dans notre port pour les accueillir. Nous faisons donc des progrès à cet égard. Dans notre collectivité, nous ne nous contentons pas d'attendre que les choses se produisent : nous nous organisons et nous agissons.

Pendant la saison du crabe des neiges et celle de la pêche à la crevette nordique et de la pêche à la morue, environ 250 navires de pêche de 34 pieds et 11 pouces et plus utilisent le port de St. Anthony. Ils utilisent ce port régulièrement. Des navires sismologiques et des navires qui transportent du sel pour le réseau de transport de l'île, ainsi que des barges en route vers le Labrador et la baie Voisey's — ou qui en reviennent — et tous les autres navires utilisent le port de St. Anthony. Autrefois, tous ces navires utilisaient aussi le centre des SCTM.

Tous les navires qui entrent dans le détroit de Belle-Isle utilisaient le centre des SCTM. La population locale dépend de ce centre pour la météo et d'autres types de renseignements, notamment les cartes de glace, les avis aux navigateurs, et cetera Toutes ces activités étaient menées à partir de ce centre. En fait, à certains moments, le centre de St. Anthony était tellement occupé que les employés devaient envoyer des renseignements à traiter à St. John's. Les stations de St. John's et de St. Anthony sont les deux plus importantes de la province. Elles étaient non seulement indispensables autrefois, mais elles le sont encore aujourd'hui. Toutefois, le centre est maintenant fermé.

Nous ne sommes pas situés dans la mer des Caraïbes. Nous ne profitons pas des chauds courants océaniques et de tout le reste, et les derniers jours l'ont confirmé. La Garde côtière a dû escorter des navires dans notre port, et d'autres gens de mer ont dû être évacués de leur bateau à l'aide d'hélicoptères Cormorant. De plus, des évacuations sanitaires ont dû être effectuées dans notre ville à l'aide d'hélicoptères Cormorant dans le cadre d'activités de recherche et sauvetage et ces choses doivent se produire. Toutefois, cette fois-ci, il n'y avait aucun contact à St. Anthony, et nous nous sommes donc demandé ce que nous devions faire. Nous ne pouvons parler de cette situation à personne.

Dans notre ville, nous nous occupons des routes et du déneigement et de tout le reste. Nous avons dû dégager nous- mêmes le passage vers l'endroit où l'hélicoptère pouvait atterrir, car toutes nos équipes étaient réservées pour les interventions d'urgence. Les conditions météorologiques étaient mauvaises à ce point.

Toutefois, la Garde côtière n'a pas pu atterrir. Nous aurions pu lui dire, mais nous n'avions aucun moyen de le faire. Tout ce que nous avions, c'était un appel téléphonique reçu par notre directeur de port pour l'avertir que la Garde côtière était en route. Nous devions trouver les responsables du déneigement des routes et nous devions dégager les routes vers une région appelée Fishing Point où se trouvait autrefois un phare — c'était à un demi-kilomètre — et enlever des bancs de neige de 8 à 10 pieds pour permettre à un hélicoptère d'atterrir. Notre directeur de port a donc dû recevoir ce message, et nous l'avons ensuite reçu et il a ensuite fallu le transmettre à nos opérateurs, les faire venir dans les stations, leur dire où aller et les envoyer déneiger le terrain. Nous avons fait tout cela en pleine tempête. Toutefois, le Cormorant n'a pas pu se rendre à l'endroit prévu, et nous aurions pu les avertir s'il y avait un centre radio à St. Anthony. Mais nous n'avons pas pu les avertir.

Nous sommes situés dans l'Atlantique Nord. C'est une région soumise à des conditions météorologiques difficiles, peu importe la saison. Nous subissons des tempêtes très violentes, surtout ces dernières années. La région fait l'objet de six différents bulletins de prévisions météorologiques pour la météo maritime d'un côté de la péninsule Northern à l'autre, car les conditions météorologiques varient énormément du golfe Saint-Laurent au détroit de Belle-Isle. En effet, dans une région, le vent peut être tellement fort qu'il empêche de conduire sur la route, alors que dans l'est de la péninsule, c'est une belle journée d'été. Ces systèmes météorologiques changent à un rythme incroyablement rapide. Les navires qui circulent dans cette région ont besoin de toute l'aide et de tous les renseignements qu'ils peuvent obtenir, ainsi que d'un contact local.

Je pourrais continuer pendant longtemps. J'ai préparé des notes. Les notes que vous avez reçues énumèrent les événements qui se sont produits à partir du moment où nous avons reçu l'avis selon lequel le centre serait fermé jusqu'aux derniers mois. J'ai également quelques renseignements au sujet d'événements qui ne sont pas mentionnés dans ces notes, mais qui se sont produits récemment.

Vous pouvez voir toutes les choses qui se sont produites à partir du moment où, à titre de maire, j'ai reçu mon premier appel du commissaire adjoint de la Garde côtière canadienne, John Butler, qui me disait qu'à sa connaissance, notre centre radio serait fermé. Le centre de St. Anthony serait fermé. Et le NGCC Harp, un petit navire de recherche et sauvetage et un navire de service, serait retiré du service et déplacé. Un autre navire serait envoyé, mais il serait basé ailleurs, et il n'y aurait rien à St. Anthony. Pour nous tous, c'était une nouvelle épouvantable. Jusqu'ici, nous avions toujours profité de ces services.

St. Anthony faisait partie — et c'était toujours le cas à l'époque — du Réseau Pinetree pour les opérations radars de la Force aérienne des États-Unis pendant la guerre froide, après la Deuxième Guerre mondiale. Ce réseau a été construit là, et il y a maintenant un site — mais ce n'est pas un site historique — et un sentier à cet endroit, et on décrit ces évènements et les raisons pour lesquelles ils se sont produits.

Il y a quelques années, nous avons également perdu un autre service dont nous profitions depuis de nombreuses années, à savoir un service d'évacuation médical pour la province. Ce service a été déplacé à Goose Bay — où les SCTM ont également été déplacés.

Je n'ai rien contre Goose Bay, mais lorsque je vais quelque part, j'aime savoir que j'aurai accès aux meilleurs services possible, et je ne peux pas imaginer que c'est le cas à Goose Bay. Notre ville est située sur la côte. Elle est située exactement aux points d'intersection nord, est et ouest, comme je l'ai dit, mais Goose Bay est située 300 kilomètres à l'intérieur des terres. Je ne crois pas que la Garde côtière puisse fournir les mêmes services à partir de cette région.

Toutes ces lettres sont des lettres que nous avons envoyées. Nous avons reçu une réponse à l'une de ces lettres, mais je n'ai pas pu la trouver. Elle venait du ministre Keith Ashfield. Nous avons obtenu une réponse, mais elle disait que le gouvernement tentait d'améliorer les opérations et qu'il devait donc fermer un certain nombre de sites. En fait, dans le budget fédéral, le gouvernement avait effectué des compressions budgétaires de l'ordre de 8,3 p. 100 dans les activités du MPO, et certaines stations seraient fermées pour permettre d'épargner de l'argent. Eh bien, on n'a réalisé aucune économie. Je le sais.

Si vous suivez l'histoire de toutes les opérations qui ont été basées à St. Anthony, vous constaterez que nous avons d'abord hébergé celles de la Force aérienne des États-Unis. Mais même avant cela, certaines opérations radio étaient basées à St. Anthony. Tous ceux qui ont visité la région savent qu'il y a bien des années, le Dr Grenfell a fondé un service de mission médicale dans notre ville. Les opérations qui se déroulent dans notre région portent son nom, ainsi que nos collèges. Il a également créé des services. En fait, il a obtenu des radios de pilotes de la Deuxième Guerre mondiale et des radios de la province de Québec et il les a installées dans les postes de soins infirmiers le long de la côte du Labrador et dans le Nord de Terre-Neuve. Il a également acheté un petit avion afin qu'on puisse se rendre dans ces régions pour soigner les patients et aller chercher des patients sur la côte du Labrador dans les années 1920 et 1930, une époque difficile pour les Terre-Neuviens.

Ensuite, les Américains sont venus, suivis de Marconi Ltée. En effet, Canadian Marconi avait aussi un centre d'opérations à St. Anthony, et l'entreprise a fourni une expertise et des services en matière de télécommunications dans cette région.

La Garde côtière est ensuite arrivée. Toutes les activités de la Garde côtière étaient menées à partir de St. Anthony, ainsi qu'à Comfort Cove, Twillingate, Conche, New Ferolle et d'autres endroits des deux côtés de la côte.

Récemment — et je dis « récemment », car cela ne fait pas si longtemps — on a construit un nouvel édifice de la Garde côtière à St. Anthony. Tous les éléments de cet édifice étaient à jour, c'est-à-dire qu'il y avait de l'équipement neuf, un nouvel édifice et tout le nécessaire pour mener toutes les opérations radio de la Garde côtière à St. Anthony. Tout cela a été mis en place. Ces installations existent toujours; on ne les utilise plus, et on les laisse derrière.

Apparemment, on construit maintenant un nouvel édifice à Goose Bay. En ce moment, je pense que les opérations sont menées dans une roulotte Atco. Vous pouvez donc vous imaginer les changements qui se sont produits.

La plupart des travailleurs qui étaient à St. Anthony ont pris leur retraite. Certains d'entre eux ont fait autre chose. Aucun d'entre eux n'est allé à Goose Bay, et cette nouvelle station ne profite donc pas des connaissances et des contacts locaux qu'avaient acquis nos travailleurs. Je ne crois pas que les personnes qui travaillent à Goose Bay connaissent la localité et notre région de la province, et je ne crois pas qu'on les a informées à cet égard.

Mais ce n'est pas tout. En effet, dans notre région de la province, la plupart des noms, croyez-le ou non, sont en français. Nous faisions partie de la côte française, c'est-à-dire la première et la deuxième. De nombreux francophones vivent toujours le long de la côte dans cette région, et on y trouve tous les endroits connus des pêcheurs, par exemple Tarquet et Crémaillère. Tous ces points existent et ils sont utilisés chaque jour. Leur dialecte et la prononciation de certains noms en français ne facilitent pas les communications radio, je peux vous le garantir. C'est l'une de ces choses qui entrent en jeu. Il faut donc acquérir ces connaissances et les comprendre.

Je pourrais continuer pendant longtemps, mais je ne veux pas vous submerger de détails. Dans mes notes, vous trouverez les lettres que nous avons envoyées et les informations que nous avons reçues, ainsi que la deuxième série de lettres que nous avons envoyées après avoir appris ce qu'a dit le ministre Penashue à l'époque, après sa visite.

Je le dirai publiquement : il nous a floués. Il est seulement venu pour examiner les opérations de St. Anthony et voir ce qu'il allait déplacer, je vous le garantis, car il n'avait aucune autre raison d'être à St. Anthony; il voulait déplacer les opérations, et c'est ce qu'il a fait. Et lorsqu'il a déclaré qu'il avait déplacé les opérations à l'extérieur de St. Anthony pour sauver cinq emplois à Happy Valley-Goose Bay, c'est exactement ce qu'il a fait. Il ne pensait pas du tout aux gens. Il se disait plutôt que s'il sauvait publiquement cinq emplois à Goose Bay, cela représenterait de nombreux votes. C'est donc ce qui s'est produit.

Nous avons tenté d'obtenir des renseignements. Nous avons tenté d'obtenir des réponses. Nous avons tout essayé, et tout ce que nous avons obtenu, c'est la visite du ministre Penashue. Nous l'avons accueilli et nous lui avons donné à boire et à manger. La seule chose qu'il voulait, c'était que nous lui fournissions la liste de nos préoccupations liées au budget fédéral. Nous lui avons fourni cette liste. Nous avons eu cinq minutes pour parler de nos préoccupations. Il voulait visiter les opérations de la Garde côtière à St. Anthony. Cela nous a surpris. Nous ne savions pas pourquoi il voulait effectuer cette visite, mais nous l'avons emmené là-bas. Nous lui avons donné un café, nous avons fait la visite, et cetera. Et ensuite, nous avons découvert ce qui était arrivé. J'ai téléphoné à son assistante de l'époque, c'est-à-dire sa conseillère spéciale, et elle ne voulait pas me parler. Elle ne le pouvait pas. Elle était tellement préoccupée par ce qui s'était produit qu'elle ne pouvait pas me parler.

J'ai parlé à des intervenants de la Garde côtière. J'ai parlé à John Butler. Il ne m'a pas dit la vérité. Il ne me l'a pas dite. En fait, il ne m'a pas rappelé lorsqu'il était censé le faire.

J'ai parlé à Anne Miller. Je lui ai posé des questions au sujet du rapport qui avait été modifié. On m'a dit qu'un rapport était en préparation et qu'on ne recommandait pas St. Anthony. Le rapport recommandait plutôt de sauver le site de Happy Valley-Goose Bay. C'est l'information que j'ai obtenue de M. Butler, le commissaire adjoint.

Lorsque j'ai parlé à Anne Miller à la fin de 2015, elle m'a demandé : « Quel rapport? » J'ai répondu : « Le rapport qui a été produit. J'aimerais avoir un exemplaire de ce rapport. Je veux lire la justification de cette décision. » Elle ne connaissait rien au sujet du rapport dont je parlais, et je crois qu'elle est responsable des opérations sur la côte Est. Elle est venue pour voir le transfert des opérations. Il n'y avait aucun rapport.

J'ai continué à poser des questions. Je n'ai reçu aucune information et ensuite, j'ai découvert que nous avions perdu les opérations de la Garde côtière en raison d'une décision politique. Vous pouvez imaginer ce que j'ai ressenti.

C'était une époque très difficile pour moi et les habitants de la ville. Nous avions perdu le centre d'opérations. Nous avions perdu des gens qui habitaient dans notre ville, c'est-à-dire des Terre-Neuviens qui éprouvent des difficultés liées au vieillissement et à l'effritement des collectivités rurales, et cetera. Et un grand nombre de gens qui doivent quitter notre ville à cause de ces évènements ont des familles, et cetera, et ils sont partis. Chaque centre d'opération que nous avons perdu au cours des dernières années nous a fait perdre 10, 12 ou 20 professionnels qui habitaient dans notre collectivité et qui ont été envoyés ailleurs. C'était très difficile.

Je vais m'arrêter ici. Si vous voulez savoir autre chose, je répondrai certainement à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Simms. Nous vous poserons quelques questions plus tard. Nous vous remercions de votre exposé. Je comprends que vous utilisiez un vocabulaire passionné. Nous avons hâte de discuter de cela avec vous.

Monsieur Breen?

M. Breen : Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, j'aimerais vous remercier d'avoir pris le temps d'écouter les points de vue d'un grand nombre de personnes, groupes et organismes au cours des derniers jours. Je considère qu'il s'agit de l'un des enjeux les plus importants auxquels fait face la province en ce moment. Même si nous éprouvons certaines difficultés financières et que les gens pensent que cela pourrait être notre problème principal, je crois que la question des activités de recherche et sauvetage et de la protection de nos travailleurs extracôtiers et de toutes ces industries représente un enjeu très important depuis de nombreuses années, mais aussi un enjeu qu'on n'a pas suffisamment abordé.

Mon opinion sur les activités de recherche et sauvetage est influencée par ma propre expérience personnelle, ainsi que par les conversations que j'ai eues avec de nombreux travailleurs dans diverses industries extracôtières. D'un point de vue personnel, dimanche prochain, le 12 mars, marquera le 8e anniversaire de l'écrasement du vol 491 de Cougar. Les membres de ma famille et l'ensemble de la province ont été profondément touchés par cette tragédie. En effet, mon frère Peter était l'une des 17 victimes de l'écrasement; il y a eu un seul survivant. Après avoir vécu, au fil des années, la catastrophe de l'Ocean Ranger et plusieurs autres dans le domaine des pêches, ainsi que des incidents liés au transport maritime, je crois que les habitants de notre province connaissaient tous les dangers liés au travail extracôtier, peu importe l'industrie. Toutefois, nous n'aurions jamais pu nous préparer pour la terrible tragédie et les pertes que nous avons tous vécues ce jour-là.

J'ai également le privilège d'être conseiller municipal pour le quartier 1, c'est-à-dire l'Est de St. John's. Un grand nombre de mes électeurs travaillent dans le secteur pétrolier. Au cours des nombreuses discussions que j'ai eues avec ces travailleurs et leurs familles, j'ai constaté qu'ils étaient visiblement très préoccupés par la sécurité dans le domaine extracôtier. En effet, les familles sont toujours inquiètes aujourd'hui pour leurs proches qui travaillent dans ces conditions, et même si des mesures ont été prises, ces préoccupations existent toujours.

Lorsqu'on examine la situation, on se rend compte que les gens qui se trouvaient à bord de l'hélicoptère ce jour-là menaient tout simplement des activités de routine que mènent chaque jour d'autres personnes un peu partout dans notre province et à l'échelle du pays. Ces gens travaillaient pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs familles, mais dans des conditions différentes et plus dangereuses. Traditionnellement, dans notre province, de nombreuses personnes travaillent dans les industries extracôtières, que ce soit dans le secteur pétrolier, le secteur des pêches ou le secteur du transport maritime. Grâce aux efforts fournis par ces travailleurs, ces industries produisent de nombreuses retombées économiques dans notre province et dans notre pays. Il semble donc raisonnable de s'attendre à ce que dans une situation d'urgence où leur vie est menacée, ces gens puissent obtenir de l'aide aussi rapidement que possible.

Je ne prétends pas être un expert en matière de recherche et sauvetage et je ne serai pas en mesure d'offrir des conseils techniques. Je crois aussi que je n'ai pas besoin de répéter les enjeux qui ont fait l'objet de discussions approfondies pendant les 30 dernières années et qui remontent, dans ma mémoire, à l'enquête sur la catastrophe de l'Ocean Ranger. Mais je peux vous dire qu'aujourd'hui, notre province fait face à de graves lacunes dans la protection offerte par les activités de recherche et sauvetage. À mon avis, il y a un manque de ressources à cet égard, étant donné la croissance exceptionnelle et continue de notre industrie pétrolière extracôtière et le développement continu de notre industrie de la pêche. De plus, pour assurer la croissance de l'industrie pétrolière extracôtière, nous irons encore plus loin au large et dans des eaux plus profondes, et les défis et les dangers auxquels nous faisons face augmenteront en conséquence. Ainsi, il est impératif que les gens qui travaillent dans ces industries obtiennent les mesures de protection qu'ils méritent.

Le dossier visant l'amélioration des capacités de recherche et de sauvetage est bien documenté par les nombreuses enquêtes, études et commissions menées au fil des années. Nous devons simplement nous assurer que les recommandations principales qui ont été formulées au cours de ces années seront mises en œuvre.

Selon moi, il y a deux recommandations principales. Tout d'abord, on doit établir un temps de réponse uniforme 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Il est impératif que les temps de réponse soient uniformes, peu importe l'heure de la journée. En effet, nos industries ne fonctionnent pas de 9 heures à 17 heures. Des gens travaillent pendant la nuit au cours de voyages de pêche qui durent trois ou quatre jours. Dans l'industrie pétrolière, des gens travaillent pendant des périodes de trois semaines consécutives. Des incidents peuvent se produire aussi souvent à 15 heures qu'à 3 heures du matin, et il faut être en mesure de fournir l'aide nécessaire lorsque ces gens en ont besoin.

Deuxièmement, on a besoin d'une autre unité de recherche et sauvetage entièrement équipée et basée à St. John's. Nous ne disons pas qu'il faut déplacer celle de Gander pour l'installer à St. John's. Cette manœuvre politique a toujours été employée pour éviter d'ouvrir une autre unité. Ce que cela signifie, c'est qu'il faut accroître les services et les offrir à partir de St. John's, où ils peuvent être facilement accessibles au besoin.

À mon avis, ces initiatives fourniraient un niveau de protection nécessaire à nos travailleurs, et ils méritent un tel niveau de protection depuis longtemps. Il y a eu de nombreuses améliorations, par exemple on a récemment annoncé la réouverture du centre de sauvetage maritime, et nous sommes reconnaissants, car cela améliorera la couverture. Toutefois, nous ne pouvons pas oublier le vrai problème, c'est-à-dire que lorsqu'un incident se produit dans ces conditions dans l'Atlantique Nord, et que vous flottez en pleine mer dans un habit de survie, vous voulez vous assurer qu'on viendra vous chercher aussi rapidement que possible. Et la seule façon d'y arriver, c'est d'établir un temps de réponse uniforme et de mettre sur pied une unité accessible qui rend cela possible.

Je ne prendrai pas trop de temps aujourd'hui, car je crois que je n'ai pas besoin de répéter tout ce qui a déjà été dit au fil des années au sujet des activités de recherche et sauvetage. Ces enjeux existent depuis longtemps et ils sont toujours d'actualité. J'ai été intentionnellement bref aujourd'hui, car je crois que ces enjeux sont évidents et qu'ils doivent être traités immédiatement, avant qu'il soit nécessaire de lancer une autre enquête pour formuler les mêmes recommandations.

Merci.

Le président : Merci, monsieur Breen.

Madame Ryan Guy.

Mme Ryan Guy : Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de mener cette étude et d'examiner les préoccupations des familles liées aux protocoles actuels de recherche et sauvetage. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion d'attirer votre attention sur ce sujet. J'aimerais répéter que vous devez me pardonner si je parle avec l'accent des gens qui viennent des villages côtiers plutôt que votre langue seconde. En effet, les gens de la baie ont tendance à parler le « terre-neuvien ».

Cela dit, je suis ici parce que le 19 septembre 2004, à 18 h 45 exactement, le Ryan's Commander a envoyé un appel de détresse. Malheureusement, cet appel de détresse a été envoyé à l'extérieur de la période pendant laquelle le temps de réponse est de 30 minutes. Cela aurait-il fait une différence cette nuit-là? À notre avis, oui, certainement. Cela aurait pu facilement prévenir la perte de mes deux frères — Dave, 46 ans et Joe Jr., 42 ans. Leurs femmes, qui étaient aussi des sœurs, n'auraient pas perdu leurs maris et quatre enfants n'auraient pas à vivre sans leur père. Mes parents sont morts en croyant qu'au moins un de leurs fils aurait pu être sauvé. Ma vie a également changé profondément, car je tente maintenant de raconter leur histoire le plus souvent possible dans l'espoir que quelqu'un l'écoutera et que cela permettra de sauver des vies.

Dans toute opération de sauvetage, le temps est évidemment de la plus haute importance, surtout à Terre-Neuve-et- Labrador où les côtes sont traîtresses. J'ai cru comprendre que vous en aviez survolé quelques-unes au cours des derniers jours.

Tant de choses ont mal tourné cette nuit-là que j'ai écrit un livre. Vous pouvez le qualifier de journal d'une femme en furie, je ne sais pas trop, mais j'avais besoin de livrer mon témoignage. Ryan's Commander est un récit qui parle de tragédie et de persévérance. C'est devenu un best-seller. Il est maintenant épuisé, mais il existe toujours en format électronique. On dit qu'une image vaut mille mots, alors je vous demande d'être patients, car je veux vous illustrer quelque chose.

Le Ryan's Commander était un navire de 64 pieds 11 pouces, d'une valeur de 1,8 million de dollars, qui n'a pas survécu à sa première saison de pêche. Le 19 septembre 2004, le bateau des gars — comme je les appelle — déchargeait une cargaison de crevettes à Bay de Verde. On prévoyait des coups de vent du nord-est de 35 à 45 nœuds au cours de la nuit; rien qui nuise au retour à leur port d'attache à St. Brendan's. Ils sont partis vers 11 heures et ont dépassé Baccalieu Tickle sans problème dans les six heures. Cependant, vers 18 heures, alors qu'ils approchaient du cap Bonavista, les vents avaient considérablement augmenté.

Le navire roulait environ de 10 degrés sur tribord et de 24 degrés sur bâbord. Dans les 30 minutes qui ont suivi, il s'est incliné deux fois de 35 degrés environ sur bâbord, à une quinzaine de minutes d'intervalle, et il s'est redressé. C'était préoccupant, oui, mais la plupart des bateaux pouvaient s'incliner jusqu'à une cinquantaine de degrés. Vous savez, les exigences de la STAB 4, la question de la stabilité, étaient fixées à 48 degrés avant le point de non-retour — il s'agit d'une différence importante.

Malheureusement pour nous, la loi de Murphy était sur le point de se manifester. Alors, à 18 h 30, le navire s'est incliné lourdement pour la troisième et dernière fois sur bâbord, mais sans se redresser cette fois. Plus tard, on a déterminé que son point de non-retour se situait environ à 39 degrés.

Pour mes frères, l'impensable était arrivé : à neuf milles à l'est du cap Bonavista, à un endroit brutal.

L'équipage du Ryan's Commander avait réussi à s'en tirer parfaitement. À 18 h 35, l'appel de détresse a été lancé. Mon frère Joe était mal en point. Il se trouvait, en fait, dans la salle des machines, mais il a réussi à remonter sur le pont, Dieu merci. À 18 h 45, tout l'équipage avait réussi à monter à bord du radeau de sauvetage, ce qui n'était pas une mince affaire dans des conditions aussi difficiles que cette nuit-là.

À ce stade, il ne leur restait plus qu'à attendre patiemment — après tout, ils avaient lancé leur appel de détresse et indiqué leur emplacement. Ils ne pensaient pas vraiment avoir le moindre souci. En fait, ils ont chanté des chansons dans le radeau de sauvetage. On peut s'imaginer comment ils se sont sentis, tous les six, au fil des heures, à attendre les secours.

À 19 h 42, l'hélicoptère a décollé de Gander. Oui, c'est 37 minutes de plus qu'il aurait fallu à un hélicoptère qui avait un délai de 30 minutes pour se préparer au décollage.

À 20 h 50, un avion Hercules a quitté Greenwood, en Nouvelle-Écosse, et à 20 h 55, l'hélicoptère Cormorant est finalement arrivé de Gander.

Il a fallu attendre deux heures et vingt minutes après l'appel de détresse. Les vents et la marée avaient fait en sorte qu'un radeau de sauvetage parte dans une direction et que le bateau et le second radeau partent dans l'autre.

Cela a retardé les choses, même si une dame a vu un signal lumineux entre 19 heures et 19 h 15. Elle pouvait voir le radeau de sauvetage de la fenêtre de sa salle à manger. Elle l'a signalé immédiatement à la GRC. De plus, elle a fini par appeler la Garde côtière à 20 h 30 pour dire qu'elle avait vu des feux à main et qu'elle pouvait discerner la lumière sur le dessus du radeau de sauvetage depuis la fenêtre de sa salle à manger. Cependant, l'hélicoptère s'est rendu vers les coordonnées données pendant l'appel de détresse où se trouvaient le navire et les débris. Je suppose que les secours avaient à suivre les coordonnées de l'endroit depuis lequel l'appel de détresse avait été lancé; je ne suis pas certaine, mais encore une fois, chaque minute compte.

Enfin, l'hélicoptère a aperçu le radeau alors qu'il tournait le coin des falaises pour aller dans la crique suivante. Lorsque l'hélicoptère s'est retrouvé au-dessus d'eux, les marins ont lancé un autre signal lumineux. Jamie et mon frère Dave se trouvaient près de la porte et étaient les deux seuls à avoir réussi à enfiler leurs combinaisons d'immersion avant de quitter le navire. Joe se trouvait de l'autre côté. Il avait mal à cause de sa chute dans la salle des machines. Don était à ses côtés et avait la grippe, alors il devait être secouru en premier, suivi de mon frère Joe.

L'hélicoptère Cormorant était muni de deux treuils, un intérieur et l'autre, extérieur. À 21 h 05, le premier technicien en recherche et sauvetage est descendu en se servant du treuil intérieur. Cependant, peu de temps après, le témoin d'alerte a indiqué que le treuil était passé automatiquement à la vitesse réduite. En raison de la mer démontée et du tremblement de l'hélicoptère, le câble du treuil s'est raidi subitement, et le technicien a été arraché violemment au radeau, ce qui a endommagé son équipement et lui a occasionné des blessures légères. Le crochet de charge a été endommagé et le treuil intérieur a été brisé. Dans des cas comme celui-là, chaque minute compte.

On a descendu un deuxième technicien en recherche et sauvetage au moyen du treuil extérieur de l'hélicoptère. Une fois arrivé à la hauteur du radeau de sauvetage, il a dit à ses occupants de maîtriser les cordages des ancres flottantes pour qu'il puisse avoir accès aux portes sans que ceux-ci s'emmêlent. Il a ensuite aidé mon beau-frère Don à sortir du radeau. Don était devenu momentanément paralysé alors qu'il s'était retrouvé tête en bas dans ce treuil qu'ils avaient faits; il s'est même retrouvé la tête sous l'eau pendant une minute avant d'être hissé vers l'hélicoptère. Pendant ce temps, sans ancres flottantes, le radeau de sauvetage a rapidement dérivé vers la terre.

Après la descente du deuxième technicien pour un deuxième sauvetage, l'observateur arrière à bord de l'hélicoptère, craignant un contact imminent du rotor de queue avec la falaise, a donné instruction au pilote de faire avancer l'hélicoptère. Dans les secondes qui ont suivi, le technicien a été à deux reprises arraché de l'eau et littéralement projeté en l'air. Son équipage a été forcé de couper le câble pour lui éviter des blessures permanentes.

À 21 h 59, le technicien s'est retrouvé à l'eau et les deux treuils sont devenus inutilisables. Le temps et les conditions météorologiques ont vraiment joué!

Ce qui a commencé par le sauvetage de l'équipage du Ryan's Commander était devenu le sauvetage d'un des hommes de l'équipe de sauvetage. L'équipage de l'hélicoptère a descendu manuellement une nacelle en treillis métallique, puis l'hélicoptère s'est approché très près de la surface de l'eau pour que le technicien puisse nager jusqu'à la nacelle, y monter et être hissé à bord de l'hélicoptère. Cependant, comme il ne leur restait aucun équipement, les sauveteurs ne pouvaient plus rien faire. L'hélicoptère s'est donc ensuite posé au cap Bonavista avec seulement un survivant à bord, mon beau-frère. Tous les autres se trouvaient dans le radeau depuis 18 h 45, et il était maintenant 22 heures passé; ils y étaient donc depuis trois heures et quinze minutes.

Mes frères, mon neveu Ronald, Richard et Jamie ont commencé à trop bien comprendre la gravité de la situation; ils ont dit une prière et se sont préparés au pire. Quelques minutes après le départ de l'hélicoptère, ils ont été éjectés du radeau de sauvetage. Leur survie n'était pas assurée. Dave et Jamie ont été les premiers à l'eau parce qu'ils étaient près de la porte. Ensuite, ce fut au tour de Richard. Mon neveu Ronald se souvient d'avoir regardé mon frère Joe avant d'être, lui aussi, jeté à la mer. Il aurait voulu le prendre dans ses bras et l'emmener avec lui.

Je crains que l'histoire ne se termine pas bien.

Fort heureusement, de nombreuses personnes de l'endroit, ainsi que les équipes de recherche et de sauvetage terrestre, rassemblaient leurs forces dans les vents violents au-dessus des falaises de Bonavista près de Spiller's Cove. Il faisait nuit noire. La mer était démontée. Chaque vague projetait les marins en l'air. Mon frère Dave s'était cogné la tête contre un rocher. On l'a retrouvé plus tard flottant dans sa combinaison d'immersion. L'équipe de sauvetage a fini par l'attacher à une falaise pour empêcher son corps de dériver, car les conditions étaient trop risquées pour le sortir de l'eau.

Richard avait empoigné une bouée de sauvetage en quittant le radeau ou une fois dans l'eau et Jamie portait une combinaison d'immersion. Ils ont réussi à se rendre jusqu'à une crevasse dans les rochers sur les falaises de la rive. Jamie pouvait voir Richard et il l'a attrapé et attiré vers lui avant qu'une autre vague ne l'emporte. Richard avait froid. Il avait perdu ses pantalons et ses bottes. Jamie a enlevé sa combinaison d'immersion pour la lui donner. Dans cette petite crevasse dans les rochers, il a pris le risque de le faire pour lui. Ils se sont retenus l'un l'autre pour éviter d'être entraînés à nouveau dans l'eau.

Lorsqu'ils ont entendu des voix au-dessus d'eux, ils ont commencé à crier. Égal à lui-même, Richard a fait un bond et escaladé lui-même les falaises. Les gens de l'endroit l'ont empoigné. À ce stade, les techniciens de l'équipe de recherche et de sauvetage avaient fini par arriver, si bien qu'ils sont descendus sortir Jamie de la crevasse.

Mon neveu Ronald, un petit géant, luttait littéralement contre les vagues. À chaque houle, il rassemblait ses forces, sachant fort bien qu'il serait rejeté plus près de la rive et espérait qu'il n'irait pas se fracasser contre les rochers. Après une de ces vagues, il s'est accroché de toutes ses forces à une falaise. Le vent mugissait et les rochers étaient noirs et mouillés, mais il a continué à s'y accrocher par le bout de ses doigts et ses pieds nus alors que chaque vague venait se briser sur ses jambes. Il n'avait d'autre choix que d'attendre aussi longtemps qu'il lui était humainement possible de le faire, de rester fort et de s'agripper quand une vague venait le fouetter. Il pouvait voir à sa gauche qu'un des gars portant une combinaison d'immersion avait le visage dans l'eau. Il ne pouvait rien faire. Il savait qui étaient les deux membres de l'équipage qui portaient leurs combinaisons d'immersion, alors c'était soit son oncle, soit son cousin Richard. C'est ce qui lui traversait l'esprit en plus de tout le reste pendant qu'il s'agrippait aux falaises en attendant d'être sauvé; il ne savait pas comment il le serait.

Enfin, l'avion Hercules de Greenwood est arrivé. Dieu merci. Ronald m'a confié qu'il avait de plus en plus de mal à s'agripper, car l'eau lui coulait entre les doigts. Peu importe le nombre de fois où il a crié, peu importe la force de ses cris, les hommes au-dessus de lui ne pouvaient pas l'entendre à cause du grondement de l'océan et du sifflement du vent. L'arrivée de l'avion a donné l'impression que le ciel entier s'était entrouvert pour laisser passer la lumière. Quand l'avion s'est mis à diriger des faisceaux lumineux en direction des falaises, Ronald a instinctivement retourné sa montre dans l'espoir qu'on la verrait, et cela a marché. Ce qui est arrivé est miraculeux, tout simplement miraculeux.

Une fois qu'il a été repéré, il les a entendu crier : « On le voit; on le voit ». Un technicien en recherche et sauvetage est descendu le chercher. Cependant, mon frère Joe restait introuvable. Il manquait toujours à l'appel et était présumé mort. Fort heureusement, son corps a été retrouvé cinq jours plus tard.

Alors oui, un service 24 heures sur 24, sept jours sur sept aurait fait une différence. Du moins, c'est ce que je crois.

En terminant, dans le cas du Ryan's Commander, non seulement nous avons besoin de nous renseigner sur les conséquences de ne pas avoir de services d'urgence en tout temps, mais nous avons aussi besoin de nous renseigner sur les règles et les règlements qui concernent les restrictions obsolètes sur la longueur des bateaux. Je suis déconcertée. Je ne comprends toujours pas ce qui justifie l'existence de ces lois. Je n'ai pas parlé d'un navire de 65 pieds, mais bien d'un navire de 64 pieds 11 pouces. Il n'est pas permis d'avoir ce pouce de plus. Cela va à l'encontre de la sécurité, un point c'est tout.

Je n'arrive pas à oublier le facteur humain dans tout cela et vous ne devriez pas l'oublier non plus. Il est difficile pour moi d'accepter qu'après plus de 12 années à militer en faveur d'opérations de recherche et de sauvetage 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, et de trop nombreux décès, la situation semble loin de changer. J'ai demandé à Scott Simms de présenter une pétition au Parlement. J'ai parlé dans le cadre d'audiences semblables à celle-ci avec le ministère de la Défense nationale à Gander. J'ai participé à l'émission « Fifth Estate ». J'ai même emmené l'équipe sur les lieux du sauvetage. Je leur ai montré l'endroit où Ronald s'était agrippé aux falaises. Je leur ai montré la place où on a attaché mon frère jusqu'au lendemain matin pour le retrouver. Et je leur ai montré l'endroit où on a fini par trouver mon autre frère.

On dit que le temps guérit les blessures, mais comme vous en avez été témoin, ma douleur reste la même. Elle est toujours aussi intense; je suis toujours aussi furieuse. Et je crois qu'une des raisons pour laquelle c'est ainsi pour ma famille, c'est que nous savons que le délai de 30 minutes prévu pour la préparation au décollage aurait pu faire toute la différence cette nuit-là.

Les opérations de recherche et de sauvetage doivent être menées en tout temps. Fini les excuses. Fini les audiences qui se soldent par des documents qui se retrouvent sur des tablettes, comme ce fut le cas au Parlement. Je suis consciente du fait qu'il faut parfois continuer à insister pour qu'on finisse par nous entendre. Alors, y a-t-il quelqu'un qui va m'entendre cette fois-ci?

Personnellement, j'en ai assez qu'on fasse la sourde oreille. J'espère seulement que vous allez entendre mon message, le leur, le message collectif de bien d'autres personnes qui ont perdu la vie en mer. Je peux vous assurer que lorsque je parle, il arrive que ce ne soit pas mes mots que j'utilise, mais bien les leurs. Je suis leur porte-parole.

Merci.

Le président : Merci, madame Ryan Guy, monsieur Breen et monsieur Simms. Vos témoignages étaient vraiment captivants.

Nous envisageons de mener cette étude depuis pas mal de temps. Nous ne sommes pas naïfs en ce qui concerne les défis auxquels nous sommes confrontés au sein du comité pour faire connaître les préoccupations des témoins que nous avons entendus. Nous espérons pouvoir rédiger un rapport qui prône des mesures concrètes en temps opportun, et ce sont les témoignages de personnes comme vous qui, espérons-le, nous aideront à le faire. Alors, je vous sais gré de vos interventions d'aujourd'hui.

Les sénateurs ont des questions ou des commentaires concernant vos témoignages et, comme d'habitude, nous allons commencer par la vice-présidente, la sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Merci à tous de vos présentations. Nous n'avons entendu qu'une partie des témoignages touchants pendant notre voyage à Terre-Neuve. Nous savons qu'il y en a d'autres, mais c'est là où nous en sommes. Nous reconnaissons le fait que les opérations de recherche et de sauvetage sauvent des vies, et que si elles ne le font pas, nous devons nous pencher sur les raisons qui l'expliquent. Je pense que je peux vous en assurer.

Que notre rapport soit ou non accepté, et j'espère qu'il le sera, un comité — et notre président a certainement tenté de mener cette étude à maintes reprises — ne choisit pas un sujet un soir en se disant : « Oh, je pense que nous allons étudier les opérations de recherche et de sauvetage. » Ce n'est pas la façon de procéder. C'est parce que chacun d'entre nous, dans nos propres collectivités, nos propres administrations, voit quels sont les problèmes. Nous entendons parler des accidents évités. Nous sommes au courant du travail que font les gens qui participent aux opérations de recherche et de sauvetage, et si le fonctionnement du système, l'équipement, les temps d'intervention et les limites nuisent à leur travail de quelque façon que ce soit, ce serait les points que nous soulèverions.

Je peux simplement vous complimenter sur le travail remarquable que vous avez accompli au fil des ans, sur l'importance de livrer ce récit. Et je sais que vous n'avez d'autre choix que de raconter cette histoire, et c'est très touchant de l'entendre de votre bouche. Je pense que vous nous avez tous emmenés sur cette falaise le soir de l'accident.

Mme Ryan Guy : C'était mon intention.

La sénatrice Hubley : Je sais.

Je vais passer mon tour pour l'instant et vous revenir avec une question plus tard. Merci.

Le président : Merci, sénatrice Hubley.

Sénateur Doyle.

Le sénateur Doyle : Merci. En fait, il est difficile de poser une question après avoir entendu cela.

Danny, la commission d'enquête relative à l'écrasement d'hélicoptère dans lequel votre frère a perdu la vie contient 33 recommandations. Savez-vous si le temps de réaction de 15 ou 20 minutes qui s'applique aux personnes qui travaillent en haute mer s'applique aussi à tout le trafic maritime?

M. Breen : Pour ce qui concerne le temps de réaction, si je ne m'abuse, Cougar Helicopters a opté pour un véhicule réservé entièrement aux opérations de recherche et de sauvetage pour intervenir en cas d'accident d'hélicoptère, mais qui ne servirait pas, selon moi, à intervenir en cas d'autres accidents de trafic maritime à l'heure actuelle, à moins qu'il y ait un besoin et qu'il n'y en ait pas d'autre de disponible.

Le sénateur Doyle : Avez-vous suivi les 33 recommandations et les avez-vous toutes mises en œuvre?

M. Breen : Je pense que la majorité d'entre elles l'ont été. Probablement que la plus importante était celle qui préconisait l'établissement de la culture de la sécurité en haute mer, et je pense qu'on a accompli beaucoup de bon travail à cet égard.

Je pense qu'une des lacunes de cette enquête a été de ne pas examiner les opérations de recherche et de sauvetage. Je ne crois pas que le juge Wells ait formulé de recommandations sur ces opérations. Ses recommandations portaient surtout sur les sociétés pétrolières et le régime en place pour assurer la sécurité en haute mer.

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Breen : Je crois que c'était une lacune du mandat de l'enquête à l'époque. Parmi les autres recommandations, je crois que la question du vol de nuit n'a toujours pas été entièrement réglée et qu'elle reste à traiter.

Le sénateur Doyle : Monsieur Simms, vous avez dit que vous n'offriez pas beaucoup de service sur le terrain dans la péninsule Northern en ce moment. Alors qu'offrez-vous actuellement comme service sur le terrain qui hausserait le temps d'intervention?

M. Simms : En gros, rien. À St. Anthony, nous n'avons que deux techniciens, je pense, qui restent à la station. L'un d'eux est au bord de la retraite, je crois, et lorsqu'ils ne seront plus là, ce sera fini. J'ai cru comprendre que la station serait fermée. C'est ce qu'on m'a dit.

En ce qui concerne les recherches « sur le terrain », à ma connaissance, nous n'avons rien. Je crois qu'on est en train de construire un nouveau navire de 58 pieds. Je me suis entretenu avec Wade Spurrell, commissaire adjoint de Terre- Neuve, qui me disait que le navire serait placé à St. Anthony. Cela s'est décidé seulement l'automne dernier; ce projet créera quatre ou huit emplois. Cependant, j'ignore à partir d'où il sera supervisé.

Le sénateur Doyle : Oui.

M. Simms : Je sais que la Garde côtière avait un quai. Elle a utilisé celui de St. Anthony, qui était un quai fédéral qui ne faisait pas partie des ports pour petits bateaux. Elle mènerait ses opérations de là, après avoir rénové les logements de l'équipage et ce type de choses, lorsque le navire est à quai. C'est supposé s'en venir, mais on n'a pas pu me dire si ce serait ce printemps ou cet automne. Il semblerait que cinq ou huit de ces navires seront mis en service.

À part cela, non, il n'y a ni opération maritime ni opération terrestre. Nous avons un poste local de la GRC. Nous avons des opérations de recherche et sauvetage terrestre et nous avons les rangers canadiens, mais à part cela, non. Tout doit être enlevé.

Le président : Monsieur Breen, vous avez notamment recommandé que l'on instaure une autre unité de recherche et de sauvetage entièrement équipée à St. John's, et cette question a été soulevée auprès de nous hier au Labrador, en ce qui concerne Goose Bay.

Lundi, dans le cadre de nos visites, nous avons eu l'occasion de nous rendre chez Cougar Helicopters. Pour être honnête avec vous, j'ai été très impressionné par leurs opérations, leurs temps de réponse et leur personnel, pour ne rien enlever que ce soit au personnel militaire qui offre des services de recherche et de sauvetage, car nous croyons que le personnel même est sans égal.

Cougar nous a fait une présentation et a lancé l'idée — je ne sais pas si je devrais dire — de la privatisation totale, mais du moins de créer une structure qui offrirait le service. Nous nous tournons vers d'autres administrations dans le monde qui ont suivi cette voie ou qui penchent de ce côté-là soit à temps plein, soit à temps partiel. Pourriez-vous vous prononcer là-dessus?

Je vous invite, madame Ryan Guy, à en faire en ce qui touche ce qu'ils peuvent offrir. Si on en vient à devoir choisir entre deux options, l'essentiel, selon nous, est que nous bénéficiions du service.

M. Breen : Je pense que nous avons la possibilité d'utiliser ces biens. Je ne sais pas si je parlerais de « privatisation » pour le faire, mais il faut ajouter au service actuel lorsque le besoin est évident. Il me semble que si un incident peut être mieux géré à partir de St. John's et qu'on dispose de l'équipement nécessaire, peu importe si les services de recherche et de sauvetage sont offerts par une entreprise privée ou par le gouvernement fédéral, du moment que quelqu'un se présente sur les lieux aussi rapidement que possible. Je pense que les services privés pourraient appuyer les opérations de recherche et de sauvetage, mais je ne sais pas si j'irais jusqu'à promouvoir la privatisation de ces opérations.

Je pourrais dire que Cougar a un rôle à jouer pour rehausser les opérations de recherche et de sauvetage dans la province, et je pense qu'un type d'accord ou de partenariat entre les deux pourrait être avantageux pour tout le monde et améliorer la sécurité en haute mer.

Mme Ryan Guy : Je me souviens d'avoir abordé ce sujet sur Open Line. Je crois que j'ai dit que si le budget le permet et que c'est la seule chose qu'on puisse offrir, alors oui, il faut l'offrir. Si on en vient à cela et que vous dites que c'est la seule façon d'offrir des services de recherche et de sauvetage en tout temps, ou qu'il faut avoir ce deuxième service à St. John's en plus de celui à Gander, alors je dirais que la réponse est oui, car la personne dans le radeau de sauvetage ou dans cette situation se foutra bien d'être secourue par Cougar Helicopter ou par Jean Untel au bout de la rue du moment qu'on lui porte secours. Je dirais que les protocoles qu'ils devraient suivre et la formation qu'ils devraient recevoir et tout cela... comme je vous l'ai dit, je n'ai jamais reproché quoi que ce soit aux techniciens en recherche et en sauvetage comme tels, jamais. Ils ont tout fait ce qui était humainement possible de faire cette nuit-là et déployés des efforts surhumains, selon moi, au point de mettre aussi leur propre vie en péril à cause d'équipements défaillants.

Les défaillances sont des choses qui arrivent. L'équipement est une tout autre histoire.

Je pense toujours que la façon idéale de procéder est de s'en remettre à la Garde côtière du gouvernement du Canada pour les opérations de recherche et de sauvetage. Lorsqu'on regarde aussi du côté de la coordination, maintenant que nous avons tout à la station de St. John's, elle pourrait même fonctionner un peu mieux, Fabian. Je ne sais pas, mais cela ne me pose pas problème. Je ne m'objecterais pas à ce qu'on envisage cette option si c'est tout ce que nous pouvions faire.

Le président : Nous n'en faisons pas la promotion. Nous examinons seulement différentes options et façons de faire les choses.

Mme Ryan Guy : Je sais. La question s'est posée.

Le président : Je n'étais pas surpris, mais l'autre jour, quand nous étions là-bas, les sept membres du personnel de Cougar étaient tous d'anciens militaires.

Mme Ryan Guy : Oui.

Le président : Ils ont été formés dans l'armée et ils travaillent maintenant pour le compte de Cougar, si bien qu'ils font preuve d'un professionnalisme exemplaire.

Mme Ryan Guy : Oui, leurs normes sont élevées.

Le président : Alors, ce n'est pas comme si nous comparions des pommes et des oranges. Nous avons affaire aux mêmes personnes dans tous les cas.

Sénateur McInnis.

Le sénateur McInnis : Merci d'être venus. Votre témoignage a été émouvant, et je suis de tout cœur avec vous et votre famille. La seule certitude que nous avons, malheureusement, est qu'il y aura d'autres décès à l'avenir.

Mme Ryan Guy : Oui.

Le sénateur McInnis : Je pense que nous avons entendu dire ce matin et cette semaine qu'il y avait, en moyenne, plus de 600 accidents et 18 décès. Alors combien coûte un décès?

En plus de Cougar, un des plus importants services de recherche et de sauvetage au monde nous a dit qu'il pouvait se charger des opérations. En fait, ses représentants sont venus nous voir. C'est intéressant de voir que l'Australie a privatisé le service. Alors, quelles que soient les bonnes intentions de nos forces armées, comme je l'ai mentionné ce matin à un des témoins, les opérations de recherche et de sauvetage ont évolué graduellement. Nous avons entendu dire hier à quels endroits on avait besoin d'équipements supplémentaires pour offrir les services en temps opportun comme vous le demandez. Comme je suis réaliste, à moins que vous arriviez de quelque façon que ce soit à convaincre le gouvernement fédéral que la question est d'une importance telle qu'il haussera réellement le budget qu'il y accorde, cela ne se fera pas.

Il y a l'efficacité du secteur privé, on nous a dit que ses intervenants pouvaient placer l'équipement à certains endroits où il n'y en a pas en ce moment. Ce sont les choses que le comité devra évaluer mais, au bout du compte, c'est toujours une question de coûts. Les forces armées et la Garde côtière nous disent la même chose, tout comme les membres auxiliaires, qui ont un budget, grosso modo, au niveau de référence. C'est plutôt un commentaire qu'une question.

Votre présentation a été percutante, et j'aimerais que certaines personnes à Ottawa puissent l'entendre.

Mme Ryan Guy : Oh, je vais y aller.

Le sénateur McInnis : Vous avez publié votre livre. Peut-être que nous devrions le livrer.

Mme Ryan Guy : Je l'ai fait.

Le sénateur McInnis : C'est un message percutant.

Je suis originaire de Sheet Harbour, une petite ville en Nouvelle-Écosse. Je suis allé y vivre à ma retraite et ensuite, je me suis retrouvé ici. La ville compte une caserne de pompiers volontaires. La municipalité a donné aux pompiers professionnels à temps plein les heures de travail entre 8 h 30 et 16 h 30, et le service d'incendie tombe en morceaux — les pompiers sont trop vieux, il manque de volontaires, et cetera. On a coutume de dire à Sheet Harbour qu'il est préférable d'avoir un incendie entre 8 h 30 et 16 h 30.

C'est analogue ou semblable à ce dont vous parlez précisément. Le service d'incendie est ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept et, à bien des égards, 365 jours par année. C'est un point sur lequel vous voudrez peut-être vous prononcer. Je ne voulais pas vous y mêler, mais si vous voulez formuler un commentaire, allez-y, et ensuite, j'aurai une question pour M. Simms.

Mme Ryan Guy : Les dollars et les cents entreront toujours en ligne de compte dans le processus décisionnel, cela ne fait aucun doute. Si vous pouvez offrir le service de décollage en 30 minutes ou plus près de 30 minutes qu'à l'heure actuelle, sans que ce soit nécessairement en tout temps, mais en ajoutant Cougar Helicopters ou des bénévoles, les auxiliaires de la Garde côtière, et en prenant des mesures de toutes sortes, au bout du compte, je ne me préoccupe pas beaucoup de savoir comment vous arriverez à offrir les services en question, du moment qu'ils s'apparentent le plus possible aux opérations de recherche et de sauvetage actuelles.

Il y a tellement de personnes qui cherchent à obtenir du financement gouvernemental, tant provincial que fédéral. Je ne suis pas naïve en pensant cela, mais quel prix accordez-vous à une vie quand vous rencontrez quelqu'un comme moi dans cette situation? J'irai jusqu'au sommet, jusqu'aux plus hautes autorités. Le passage que je vous ai lu est directement tiré de mon livre, un livre électronique. Je peux vous dire exactement de quelles pages il s'agit si vous voulez. J'ai essayé de résumer au lieu de lire exactement ce qui était écrit dans mon livre, mais tout y est.

Lorsque vous prenez l'argent qu'il faut dépenser pour arriver à offrir ce service, je comprends. Je ne suis pas ici pour vous dire de nous le donner coûte que coûte. Je vous demande d'améliorer le financement du mieux que vous pouvez en fonction de ce que vous pouvez nous donner. Est-ce juste?

Le sénateur McInnis : Oui.

Monsieur Simms, je voulais que vous clarifiiez un point concernant les Services de communication et de trafic maritimes. Parlez-moi des services qui manquent à l'heure actuelle. Vous avez dit qu'il s'agissait d'un port très achalandé, et je n'en doute pas le moindrement. Vous avez aussi parlé du Centre SCTM responsable des prévisions météorologiques et d'autres renseignements. J'aimerais que vous me disiez de quoi il s'agit.

M. Simms : Les opérations de stations radio des SCTM sont en contact avec tout le trafic maritime de la côte Est de Terre-Neuve qui fait le tour...

Le sénateur McInnis : Oh, je sais cela.

M. Simms : ... du cap Freels. Apparemment, pendant la dernière année d'exploitation et pendant de nombreuses années avant cela, cette station particulière a transmis 5 000 messages et renseignements aux marins. Ce n'était que pour la section responsable des messages. Elle est aussi en communication avec tous les bateaux dans la région, pas seulement ceux qui traversent le détroit de Belle Isle ou la côte du Labrador, mais également des bateaux de pêcheurs dans la région qui longe toutes les parties de la côte. Les pétroliers et tous les navires en provenance d'Europe qui empruntent le détroit de Belle Isle prennent contact avec la radio de la Garde côtière de St. Anthony.

En plus de cela, les SCTM sont responsables de surveiller tous les navires qui viennent d'Halifax et de cette région, et qui longent la côte Est et arrêtent prendre des provisions pour la côte du Labrador. Ils les surveillent non seulement pour des raisons de sécurité, mais aussi pour les marchandises qu'ils transportent, car il fallait transmettre le manifeste de chaque navire à la radio de la Garde côtière à l'époque pour s'assurer que tout était dans l'ordre et que les navires ne transportaient pas de marchandises dangereuses et de choses du genre.

Nous avons eu un incident dans lequel un navire qui est entré dans le port de St. Anthony avait été prié de fournir son manifeste à la radio de la Garde côtière, mais ne l'avait pas fait, car il disait ne pas l'avoir à ce moment-là. Bien sûr, lorsque les responsables de la radio de la Garde côtière ont reçu le manifeste, ils ont découvert que le navire contenait une grosse cargaison d'explosifs en route pour la côte du Labrador. Ces marchandises ne sont pas autorisées dans les ports à moins que les transporteurs aient reçu la permission et que leur manifeste soit diffusé. Le navire était déjà dans le port quand il l'a diffusé.

On a communiqué avec la GRC. Des agents sont montés à bord du navire, ont tout vérifié et récupéré le manifeste des propriétaires et tout le reste. Fort heureusement, tout a été réglé, mais le temps était très orageux, si bien que le navire est venu trouver refuge au port de St. Anthony. Nous avons un port très fermé, à peu près à l'abri de tous les vents, dans toutes les directions.

Pour ce qui concerne les autres opérations, elles collaborent avec la GRC là-bas pour l'aider dans les recherches. Quatre personnes ont été portées disparues sans jamais être retrouvées dans le secteur de St. Anthony au cours des 15 dernières années. Elles s'occupaient de logistique et de questions du genre dans des régions comme celle-là. Trois d'entre elles ont été retracées — elles se trouvaient en mer —, mais, à ce moment-là, on n'a pas fait appel aux responsables des opérations de recherche et de sauvetage parce qu'il semblait s'agir d'une recherche terrestre plutôt que maritime.

Il y a, en ce moment, des activités maritimes qui se déroulent là-bas avec les navires porte-conteneurs — il s'agit de très grands navires qui sont très hauts lorsque les conteneurs sont empilés. Leurs exploitants ont besoin de connaître les prévisions météorologiques directement dans le port quand ils y entrent. Ils ont besoin de connaître la vitesse et la direction des vents, car la plupart de ports ont des entrées très étroites, et les navires doivent être en mesure de passer. Ils sont équipés de propulseurs et de tout le reste. Ils savent quand même qu'avec des vents forts, ils n'arriveront pas à tourner pour rejoindre le poste d'amarrage. Il n'y a actuellement personne là-bas à qui ils puissent parler, et il n'est plus possible d'obtenir les prévisions de la météo directement dans le port de St. Anthony depuis que la station météorologique ne s'y trouve plus. Tous les marins cherchent à obtenir des renseignements comme les températures et les cartes des glaces, mais ce n'est maintenant plus possible dans le port de St. Anthony.

Le sénateur McInnis : Vous faites donc une distinction à cet égard en adoptant une optique plus pratique. Il faudrait être présent sur place; j'avais compris autre chose.

M. Simms : Oui, il faudrait être sur place. L'opérateur radio disposait de tous les renseignements nécessaires et les communiquait aux marins qui arrivaient.

Les porte-conteneurs restaient à l'extérieur du port jusqu'à ce que les vents soient suffisamment calmes pour leur permettre d'accoster et de charger des marchandises.

Le sénateur McInnis : Je pensais que c'était le rôle du capitaine de port. Je pensais que tous les navires croisant dans les eaux du Canada atlantique pouvaient être vus du Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage, à la pointe nord de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Je croyais donc que depuis que les services ont été fusionnés dans le cadre de la modernisation, on pouvait communiquer aussi efficacement. Or, vous m'indiquez autre chose.

M. Simms : Non, ce n'est pas aussi efficace.

Le sénateur McInnis : On ne peut pas communiquer avec les navires?

M. Simms : Non. J'ai parlé aux pêcheurs qui arrivent au port.

Maintenant que je suis à la retraite, je travaille au déchargement de navires sur une jetée, et j'ai parlé à des pêcheurs qui ne sont pas actuellement couverts par le service d'ondes à très haute fréquence pour pouvoir communiquer avec St. Anthony. St. Anthony Cold Storage dispose d'un service de radio qui lui permet de joindre les navires avec lesquels l'entreprise travaille. Or, une zone n'est pas couverte par ce service.

Je sais que l'an dernier, un navire a quitté le port de St. Anthony en laissant derrière lui une partie du matériel dont il avait besoin pour le voyage. Nous avons tenté de l'avertir, mais nous n'avons pu le joindre jusqu'à ce qu'il soit à une certaine distance de St. Anthony Cold Storage. Nous n'avons pas pu le faire par l'entremise de la Garde côtière, car elle n'est pas sur place. Nous avons fini par joindre le navire pour lui demander de revenir chercher le matériel oublié. Cette situation nous était inconnue; nous n'en avions jamais eu vent auparavant. Goose Bay n'est pas couverte non plus actuellement.

Le sénateur McInnis : Merci.

Le président : Sénateur Christmas, vous avez la parole.

Le sénateur Christmas : Merci beaucoup de témoigner aujourd'hui.

Madame Ryan Guy, je dois poser une question difficile.

Mme Ryan Guy : Elles le sont toutes.

Le sénateur Christmas : D'après votre témoignage, je crois comprendre que l'appel de détresse a été lancé è 18 h 35 et que le Cormorant est arrivé à 20 h 55, soit deux heures et 20 minutes plus tard. Le Cormorant a quitté Gander à 19 h 42; je présume donc que le vol entre Gander et le lieu de l'incident a pris une heure et 13 minutes. Je suppose que ce temps de vol est constant, peu importe l'heure à laquelle le Cormorant a décollé de Gander, et qu'il lui aurait fallu environ une heure et 13 minutes pour se rendre sur place.

Mme Ryan Guy : Il existe un écart de 37 minutes par rapport au temps de décollage de 30 minutes à Gander. Ce sont ces 37 minutes qui sont vraiment déterminantes.

Le sénateur Christmas : Voilà où je veux en venir. Quand nous nous sommes rendus à Gander, nous avons posé des questions sur les temps d'intervention, et on nous a indiqué que ce temps était de 30 minutes et que les appareils pouvaient décoller dans un délai de 18 à 20 minutes.

Mme Ryan Guy : Vingt minutes.

Le sénateur Christmas : Le temps d'intervention est établi à deux heures, et la moyenne est de 50 à 59 minutes.

Mme Ryan Guy : Oui.

Le sénateur Christmas : Dans le cas présent, l'appareil a décollé en 37 minutes.

Mme Ryan Guy : Non, il lui a fallu 37 minutes de plus que le délai normal de 30 minutes. Il a donc pris 67 minutes pour décoller, pour être précis.

Le sénateur Christmas : Soixante-sept minutes.

Mme Ryan Guy : Désolée, je peux être très analytique.

Le sénateur Christmas : C'est exactement ce à quoi je veux en venir. J'essaie de déterminer...

Mme Ryan Guy : Soixante-sept minutes.

Comme je l'ai indiqué; il y avait des circonstances aggravantes lors de cet incident, car il a fallu secourir non seulement l'équipage du Ryan's Commander, mais aussi le propre équipage de l'appareil parce que des problèmes sont survenus. Il fallait que je le fasse savoir, car bien des choses ont mal tourné lors de ce sauvetage.

Personne ne prévoit mourir. Personne ne sait que des accidents vont survenir, quel temps il fera et de quel équipement on disposera. Mais s'il est une situation où chaque seconde comptait, c'est bien celle-là. Je pense que c'est la raison pour laquelle le délai supplémentaire de 37 minutes me fâche tant, parce que ce délai signifie pour moi, neuf fois sur dix, que j'aurais au moins un frère, car mon frère Joe Jr. devait être le prochain à s'accrocher au filin de sauvetage. Je l'appelle Jim, Joe Jr. Cette histoire me hantera jusqu'à la fin de mes jours. Je ne peux tout simplement pas l'accepter. J'en suis incapable; cela m'est impossible.

Le sénateur Christmas : Ces 37 minutes de plus auraient-elles pu permettre de sauver la vie de votre frère?

Mme Ryan Guy : Je suis certaine à 99,9 p. 100 qu'il aurait pu atteindre l'hélicoptère, oui.

Le président : Merci, sénateurs, de ces questions.

En terminant, je tiens à vous remercier encore d'avoir comparu ici aujourd'hui. Nous avons entendu de nombreux témoins de toutes les régions du pays, mais je dois dire que nous avons tous été frappés en vous entendant nous raconter vos expériences personnelles, et il n'arrive pas souvent que la sénatrice Hubley soit à court de mots. Nous n'avons pas de réponse à tous les problèmes relatifs aux activités de recherche et de sauvetage, mais c'est une question que j'ai à cœur à titre de président. Je sais que je parle au nom de tous les membres du comité quand j'affirme que notre visite à Terre-Neuve-et-Labrador nous a vraiment ouvert les yeux, et c'est notamment en raison du témoignage que vous avez livré ici aujourd'hui. Nous voulons vous en remercier.

Comme je l'indique à tous ceux qui comparaissent devant nous, j'ai souvent eu l'occasion de faire moi-même des exposés, et le soir, une fois à la maison, je me disais : « J'aurais dû dire cela. » C'est toujours le cas. Nous ne déposerons notre rapport que dans plusieurs mois; si vous pensez à quelque chose que vous voudriez ajouter d'ici là, n'hésitez pas à communiquer avec nous pour nous transmettre l'information.

Une fois encore, merci beaucoup.

Mme Ryan Guy : Je dois vous quitter avec une autre question. Si vous devez tenir compte des questions d'ordre financier, sachez que sur la côte, nous sommes au bout de rien ici, et il en va de même pour St. Anthony. Terre-Neuve a-t-elle plus de potentiel de sauver un plus grand nombre de vies grâce à un protocole de décollage en 30 minutes, alors que ce n'est pas nécessairement le cas dans le reste du Canada? Pourrait-on instaurer ce protocole, ne serait-ce que six mois par année, quand les chiffres sont plus élevés?

Je suis née dans une famille de pêcheurs, mais je possède aussi une formation en affaires; je comprends donc les considérations financières. Mais si je devais choisir, je choisirais la haute saison et opterais probablement pour un projet pilote du gouvernement. Le concept de projet pilote me plaît.

Le président : Excellente remarque. Merci.

Les médias m'ont demandé ce matin combien de recommandations nous envisagions de formuler, mais en fait, ce n'est pas leur nombre qui me préoccupe. Je préférerais en présenter 6 qui seront appliquées que 30 qui resteront lettre morte. Le comité décidera quelles recommandations sont prioritaires et ce que nous pouvons faire.

Merci encore d'avoir témoigné.

Mme Ryan Guy : Si vous avez d'autres questions, vous avez mes coordonnées.

Le président : Nous vous sommes reconnaissants d'avoir comparu. Merci.

M. Simms : Je voulais vous remercier encore une fois de nous avoir donné l'occasion de témoigner.

De plus, j'ignore si vous savez que saint Antoine est le saint patron des pêcheurs, des marins et des gens portés disparus. Or, nous n'avons pas ici d'installations pour aider ces personnes.

Le président : Quand j'étais enfant, on s'adressait à saint Antoine quand on perdait quelque chose. Ma mère lui envoyait de l'argent. Quoi qu'il en soit, nous vous remercions d'avoir témoigné.

J'inviterais notre prochain groupe de témoins à se présenter, puis nous entendrons leurs exposés.

Capitaine Chris Hearn, directeur, Centre for Marine Simulation, The Fisheries and Marine Institute, Memorial University : Je m'appelle Chris Hearn, de l'institut maritime de St. John's.

Mark Dolomount, directeur général, Newfoundland and Labrador Professional Fish Harvesters Certification Board : Mark Dolomount, directeur général du Newfoundland and Labrador Professional Fish Harvesters Certification Board.

Glenn Winslow, capitaine-propriétaire, F/V Roberts Sisters II, Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Association : Glenn Winslow, pêcheur de St. John's, à Terre-Neuve.

Sharon Walsh, directrice générale, Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Association : Sharon Walsh, de la Fish Harvesting Safety Association de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Je veux prendre le temps de vous remercier de comparaître cet après-midi. On pourrait difficilement décrire ce que nous avons déjà entendu aujourd'hui, mais l'expérience en valait absolument la peine.

Nous sommes à Terre-Neuve-et-Labrador depuis lundi, où nous visitons divers endroits pour parler à différentes personnes. Dans le cadre de notre étude sur les activités de recherche et de sauvetage, nous considérons que nous recueillons d'excellentes observations ici, et nous sommes impatients de vous entendre.

Je crois comprendre que vous avez des exposés à présenter. Nous commencerons par les entendre, après quoi les sénateurs vous poseront des questions.

M. Dolomount : Merci, distingués sénateurs. Merci, monsieur le président. Je m'appelle Mark Dolomount. L'OAPP est un conseil législatif provincial qui inscrit et certifie les quelque 10 000 pêcheurs commerciaux de la province, qu'il s'agisse de propriétaires-exploitants ou de membres d'équipage. Au nom de notre conseil et des pêcheurs professionnels que nous certifions, je voudrais remercier le comité de nous permettre de témoigner aujourd'hui.

Depuis 1997, les pêcheurs commerciaux de la province sont assujettis à un nouveau système de professionnalisation appuyé par la loi provinciale et Pêches et Océans Canada, et appliqué par l'OAPP, notre conseil. Directement en raison de la certification professionnelle et de ses liens avec les politiques de délivrance de permis du MPO, les pêcheurs à qui sont transférées des entreprises de pêche importantes dans la province doivent maintenant satisfaire à des normes minimales en matière de formation et d'expérience.

En grande partie en raison de ces exigences de certification et des nouveaux règlements fédéraux, un nombre record de pêcheurs de Terre-Neuve reçoivent de la formation et leurs navires sont maintenant bien mieux équipés. Au cours des deux dernières décennies, les pêcheurs et leurs organisations ont déployé un formidable effort coordonné pour améliorer la sécurité au sein de l'industrie de la pêche de notre province.

Comme le sénateur Manning peut en attester, Terre-Neuve-et-Labrador peut se targuer d'avoir la meilleure main- d'œuvre du pays dans le domaine de la pêche. Depuis 2000, plus de 1 500 pêcheurs ont suivi la formation de capitaine de pêche que Transport Canada offre à l'institut maritime. Ces pêcheurs s'ajoutent à ceux qui la possédaient déjà. Au cours de cette période, plus de 13 000 pêcheurs ont suivi une formation sur les fonctions d'urgence en mer, une formation qui, conjointement avec un engagement à respecter les règlements de Transports Canada, a fait de Terre- Neuve-et-Labrador la championne de l'observation du Règlement sur le personnel maritime au pays.

Notre industrie, où il y avait très peu de formation officielle et de certification il y a moins de 20 ans, est maintenant un secteur où chaque navire, peu importe la longueur ou le tonnage, aura à son bord un capitaine certifié et un équipage compétent et formé aux fonctions d'urgence en mer. Non seulement les pêcheurs sont-ils mieux formés, mais les navires sont bien mieux équipés. Cette situation est parfois attribuable aux exigences de la réglementation, mais le plus souvent, c'est parce que les pêcheurs admettent qu'il importe d'assurer la sécurité et d'être bien préparé.

L'équipement de sécurité, comme les radiobalises de localisation d'urgence et les radios VHF, devient de plus en plus courant et, de pair avec une solide formation, contribue directement à l'envoi efficace de signaux de détresse et à l'activation efficiente du système de SAR. Les canots pneumatiques et les combinaisons flottantes constituent la norme, pas seulement sur les gros navires qui doivent obligatoirement en être dotés en vertu de la réglementation, mais aussi sur les petits navires de moins de 40 pieds de long, où leur nécessité est acceptée.

De façon générale, les pêcheurs de Terre-Neuve-et-Labrador, qui étaient autrefois prêts à accepter que les blessures et les décès faisaient partie du travail, se montrent bien moins fatalistes au sujet de la sécurité et de la survie. Par conséquent, les statistiques relatives aux taux de blessure et de mortalité suivent une tendance baissière de très bon augure et un plus grand nombre d'équipages survivent aux incidents qui se produisent en mer, comme on a pu le constater il y a trois jours, quand un navire de pêche a pu être secouru en mer.

La formation a assurément grandement favorisé cette amélioration. Une vaste campagne d'éducation et de sensibilisation menée par l'industrie est toutefois aussi en cours. Des organisations de l'industrie ont joué un rôle de premier plan en communiquant des renseignements aux pêcheurs afin de faire de la sécurité une priorité, de résoudre des problèmes de sécurité précis et d'appuyer la conformité à la réglementation. Les pêcheurs de Terre-Neuve-et- Labrador ont manifestement la sécurité à cœur, mais ils sont aussi irrités et préoccupés par ce qu'ils considèrent comme une réduction et une dégradation des services du gouvernement, en ce qui concerne notamment de nombreux services qui ont un lien direct et indirect avec l'efficacité des activités de SAR.

Notre mémoire comprend une liste plus exhaustive, mais parmi ces réductions figurerait la fermeture du Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's en 2012. Cette fermeture a suscité énormément d'inquiétude et de mécontentement en raison de ses répercussions présumées sur les interventions de SAR et leur coordination.

La fermeture des centres de SCTM de St. John's et de St. Anthony a eu des répercussions néfastes sur les communications maritimes, comme le maire Simms vous l'a indiqué il y a quelques instants, et a eu une incidence directe sur l'efficacité des interventions de SAR.

La perte des connaissances locales personnelles des opérateurs radio quand ils communiquent avec les marins n'a pas échappé aux pêcheurs. La fermeture du centre de St. Anthony a également entraîné une perte de connaissances locales, notamment sur la navigation dans les glaces, particulièrement dans les régions du Nord de la province.

Les pêcheurs indiquent qu'ils ne reçoivent plus de cartes des conditions météorologiques à jour.

Les membres de la Garde côtière auxiliaire font également état de réductions dans leurs programmes, en ce qui concerne notamment la disponibilité de l'équipement de SAR et de précieux programmes de formation.

Ces réductions de service surviennent alors que d'autres ministères, comme le MPO et Transports Canada, réduisent eux aussi leurs services et, dans bien des cas, délèguent leurs responsabilités aux pêcheurs. Les pêcheurs considèrent non seulement affligeant, mais aussi inacceptable d'assister aux réductions actuelles de services gouvernementaux alors même qu'ils s'occupent de plus en plus de la sécurité.

L'annonce de la réouverture du centre de SCTM de St. John's et de l'ouverture et de la rénovation de trois postes d'embarcations de sauvetage dans la province est certainement bien accueillie. Les biens physiques constituent une part importante du système de SAR, mais l'accès à des ressources humaines en temps opportun est aussi, voire plus essentiel.

Nous ne pouvons exprimer la profondeur de l'admiration, du respect et de la gratitude que les pêcheurs éprouvent à l'endroit des hommes et des femmes qui travaillent pour la Garde côtière canadienne et le ministère de la Défense nationale, lesquels risquent souvent leur vie pour sauver celle d'autrui. Leurs compétences et leur dévouement sont indéniables. Les pêcheurs font toutefois continuellement savoir que le temps d'intervention de deux heures constitue leur priorité et leur préoccupation principales relativement au système de SAR.

Vous n'ignorez pas que la pêche n'est pas un travail de 8 à 16 heures. La pêche commerciale est une activité qui se déroule 24 heures par jour, 365 jours par année, et aucune autre province au Canada ne se compare à Terre-Neuve au chapitre des jours passés en mer, de la distance à parcourir depuis le rivage et de la répartition géographique de la flotte de pêche. Nous ne saurions trop insister sur l'importance d'un délai d'intervention de 30 minutes dans le cadre des activités de SAR.

Sachez enfin que les pêcheurs de la province se sont révélés extraordinairement déterminés à améliorer la sécurité à bord de leurs navires et à être mieux préparés en cas d'incident nécessitant une intervention de SAR. Ils attendent et méritent le même degré de détermination de la part des ressources et des services du gouvernement, en ce qui concerne particulièrement les activités de SAR et les répercussions que la réduction et la dégradation des services ont sur leur capacité de survivre.

Le président : Merci, monsieur Dolomount. Je vous remercie également de votre exposé complet, que nous aurons le temps d'examiner, et des recommandations que vous avez formulées. Je suis certain que nous nous appesantirons sur celles-ci au cours de notre conversation.

Capitaine Hearn.

Capt Hearn : Bonjour, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant votre comité et à formuler des observations et des opinions à propos des enjeux liés à la recherche et au sauvetage maritime dans l'océan Atlantique Nord.

Je m'appelle Chris Hearn. Je suis capitaine au long cours et, dans le passé, j'ai travaillé comme capitaine sur des navires qui naviguaient en eaux canadiennes ou se rendaient à l'étranger. À l'heure actuelle, j'occupe le poste de directeur du Centre for Marine Simulation du Marine Institute. À ce titre, le vice-président du Marine Institute, M. Glenn Blackwood, m'a demandé d'offrir au comité mes salutations et mes commentaires dans le cadre de la séance d'aujourd'hui.

Lorsqu'il m'a demandé de comparaître, il a laissé entendre que nous devrions probablement envisager la question du point vue de la préparation et du savoir, en tant que premières mesures de sécurité en mer. C'est le point de vue que j'exposerai dans le détail au cours de ma déclaration liminaire.

Pour poursuivre ce que Mark vient de dire à propos du Marine Institute, je précise que c'est un centre de technologie, d'éducation et de formation maritimes avancées de calibre mondial. Lorsqu'il a été créé en 1964, on l'a appelé le College of Fisheries, Navigation, Marine Engineering and Electronics. L'institut s'est développé et est devenu le principal institut canadien dans le domaine des pêches et de la navigation maritime. De nos jours, cette progression peut être observée dans les superbes installations du Marine Institute, ses programmes d'éducation et de formation, et son personnel dévoué et hautement qualifié. Grâce à son vaste éventail de cours d'éducation et de formation technique, dont des programmes abrégés d'intervention industrielle, ses programmes d'études de premier et deuxième cycles, ainsi que sa participation à la recherche, au développement et à des initiatives de promotion des politiques publiques, l'institut contribue activement au développement économique de Terre-Neuve-et-Labrador et de la région de l'Atlantique en général.

J'ai donné au comité une vue d'ensemble de l'institut. Pour poursuivre la présente discussion et ma déclaration liminaire, j'aimerais maintenant mettre l'accent sur les écoles et les centres qui sont axés surtout sur la recherche, le sauvetage et la survie en mer, sur le plan de l'éducation, de la formation et de la recherche.

La School of Maritime Studies est le premier groupe dont j'aimerais parler. L'ensemble de cette école offre depuis longtemps des programmes couronnés de succès qui préparent des personnes à assumer des fonctions de premier échelon à bord de navires, à titre d'officiers de pont ou d'officiers ingénieurs. L'école offre également une éducation ou une formation dans le domaine de la conception de navires et de système maritimes connexes.

Le prochain établissement dont j'aimerais discuter, dans le contexte de la prévention, est le mien, c'est-à-dire le Centre for Marine Simulation. Initialement, le centre a été conçu à partir des enseignements tirés de la perte de l'Ocean Ranger. Cette tragédie a éperonné l'industrie extracôtière et l'a poussé à mettre l'accent sur une formation en sécurité plus systématique. Cela a entraîné la création de l'établissement que nous gérons aujourd'hui, qui est probablement l'une des installations les plus avancées de ce genre sur la planète. Nous offrons plus de 31 cours fondés sur la simulation, nous formons plus de 300 personnes par année, et nous menons à bien de huit à dix projets industriels axés sur l'industrie de la navigation maritime, sur l'industrie du pétrole et du gaz extracôtiers et sur d'autres industries maritimes connexes, qui mettent tous l'accent sur le renforcement de la sécurité ainsi que sur la détection et la réduction des risques.

La dernière installation que je vais mentionner s'occupe davantage des interventions. Il s'agit de l'Offshore Safety and Survival Centre de Foxtrap. C'est à cet endroit qu'un grand nombre de personnes suivent leur formation aux fonctions d'urgence en mer. Ce sont là les mesures que vous devez prendre et l'endroit où vous devez aller lorsque vous avez besoin de savoir comment survivre quand la situation tourne vraiment mal. L'école et les programmes présentent donc les principes fondamentaux. Dans mon établissement, on enseigne la prévention, notamment la détection des risques et la façon d'éviter de se mettre dans des situations dangereuses. Enfin, lorsque les choses se gâtent vraiment, l'OSSC vous prépare à affronter la situation. Le centre offre donc un éventail exhaustif de cours de formation sur la sécurité, la survie et l'intervention en cas d'urgence, à l'intention de l'industrie des hydrocarbures extracôtiers, de l'industrie du transport maritime, de l'industrie de la pêche et d'industries terrestres.

L'OSSC travaille étroitement avec l'industrie, les chercheurs et les associations industrielles afin d'améliorer les technologies et les pratiques en matière de sécurité. Le centre peut concevoir des cours et les personnaliser pour répondre aux besoins précis de ses clients en matière de formation. Il offre plus de 57 cours abrégés à plus de 5 000 personnes par année, dont 4 000 suivent des cours de formation directement liés à la sécurité et à la survie. Le centre mène également des recherches sur la protection thermique, sur les bateaux ou les radeaux de sauvetage, sur leur lancement en présence de glace et sur l'évacuation et la récupération du personnel dans des conditions difficiles.

En ce qui concerne les sujets de préoccupation, si vous me permettiez d'exprimer plus tard des observations finales, à titre personnel plutôt qu'à titre de représentant du Marine Institute, je vous en serais reconnaissant.

Le président : Merci beaucoup, capitaine. N'hésitez pas à nous communiquer en tout temps votre opinion personnelle ou non. Mes collègues ont constaté au cours de notre visite à Terre-Neuve-et-Labrador que nous pouvions avoir ici des échanges très francs, passablement exempts d'ambiguïté. Cela nous plaît.

Madame Walsh, je crois que vous êtes la prochaine intervenante.

Mme Walsh : Merci. Comme je l'ai indiqué précédemment, je m'appelle Sharon Walsh, et je suis directrice générale de la Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Safety Association. J'aimerais remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée de m'adresser à vous aujourd'hui. Je suis accompagnée de Glenn Winslow, un pêcheur professionnel de Shea Heights. Glenn fera également une déclaration liminaire.

Notre association de sécurité est un organisme sans but lucratif financé par l'industrie et axé sur elle, qui en est encore à ses débuts. Même si la pêche est pratiquée dans notre province depuis des centaines d'années, l'association de sécurité est active et dotée d'un conseil de l'industrie seulement depuis les deux dernières années et demie. Toutefois, nous avons certainement été très occupés pendant cette période.

L'association a été constituée en entreprise conjointe par Workplace NL du gouvernement de Terre-Neuve-et- Labrador, qui est notre commission provinciale d'indemnisation des accidentés du travail, par l'Office d'accréditation des pêcheurs professionnels et par le FFAW.

Je pense que notre structure de gouvernance et notre méthode de fonctionnement font en fait partie des aspects les plus positifs de l'association de sécurité. Notre conseil est composé d'un membre d'équipage et d'un propriétaire ou exploitant pour chacune des trois flottes de pêche commerciale. Ces personnes représentent la majorité des membres votants du conseil.

En outre, des organismes gouvernementaux ainsi que la plupart des principales organisations de pêche de la province siègent au sein de notre comité consultatif, notamment le ministère provincial des Pêches, le ministère fédéral des Pêches, la Garde côtière canadienne, le Marine Institute, le OAPP, le FFAW, l'Université Memorial ainsi que l'organisme provincial de réglementation de la sécurité. Donc, tous les organismes qui ont la capacité de faire progresser la sécurité dans la province sont membres de notre conseil. Il ne fait aucun doute que nous sommes financés par l'industrie et axés sur elle.

Nous avons créé l'association de sécurité parce que tous les gens pensaient qu'il serait judicieux d'établir une association dont le seul mandat consisterait à promouvoir la sécurité pour prévenir les dommages corporels. Bien que de nombreuses organisations à Terre-Neuve, comme celles qui ont témoigné avant moi, aient réussi à faire progresser la sécurité, leur premier mandat prime sur la sécurité.

L'amélioration des pratiques de l'industrie de la pêche commerciale en matière de sécurité est notre raison d'être, et ce, dans le but évident de réduire les accidents, les blessures et les maladies professionnelles à l'aide d'initiatives liées à l'éducation, la formation et la recherche. En outre, nous soutenons l'élaboration et le respect d'un régime de réglementation approprié.

Compte tenu de toutes les histoires que vous avez entendues, je suis certaine que les membres du comité ont conscience que cette profession est très dangereuse. Nous travaillons au sein d'une industrie que l'OIT décrit comme l'une des plus dangereuses de la planète, en particulier ici, comme bon nombre de personnes vous l'ont indiqué. Les longues heures de travail, les conditions météorologiques et maritimes difficiles ainsi que le travail épuisant donnent du fil à retordre aux pêcheurs. Il ne fait aucun doute que la sécurité de nos pêcheurs est primordiale.

Il est également important de préciser que la pêche commerciale est une industrie qui rapporte 1 milliard de dollars à notre province. Elle englobe quelque 3 700 entreprises de pêche et plus de 9 000 pêcheurs qui exercent des activités de pêche au cours d'une année donnée. En outre, cette industrie a une incidence sur 400 collectivités côtières de la province. Il ne fait aucun doute que les enjeux sont considérables.

Même si le nombre d'accidents, de blessures et de décès régresse, son importance nous rappelle constamment les risques et les dangers qui existent. Selon les statistiques provinciales disponibles pour les cinq dernières années de déclaration, qui nous amènent à 2015, il y a eu — et je pense que j'ai entendu le chiffre mentionné au cours des exposés précédents — plus de 500 blessures signalées dans notre province pendant cette période, c'est-à-dire près de 600. Dix décès ont été enregistrés pendant cette même période, et ce chiffre ne tient pas compte de l'année dernière, soit 2016. Ce qui est absolument stupéfiant à propos des décès, et ce qui représente peut-être une possibilité d'action, selon la façon dont on les envisage, ce sont les coûts d'indemnisation des dommages corporels de l'ordre de 63,5 millions de dollars qui ont été encourus pendant cette même période de cinq ans.

Nous savons tous que rien ne compte davantage que le retour en toute sécurité d'un pêcheur à la fin de la journée. À cet égard, nous pouvons et devons faire mieux.

L'un des principaux enjeux qui importaient à tous, pendant les mois précédant la création de l'association de sécurité, était de faire comprendre que les gens chargés du travail le comprenaient mieux que quiconque. De sorte que, si vous planifiez de mettre en place un régime de réglementation ou une organisation, vous devez vous assurer que, dans le cadre du processus, ces gens sont entendus et écoutés, et que leurs besoins sont cernés et satisfaits de façon appropriée.

C'est pourquoi nous avons passé beaucoup de temps au cours des deux dernières années à parler aux pêcheurs qui vivent dans l'île, dans des collectivités ou le long de la côte du Labrador. Plus de 1 000 pêcheurs ont rempli des questionnaires d'enquête. Environ 100 réunions communautaires ont eu lieu. C'est un nombre de réunions passablement élevé si vous connaissez bien la province. De plus, nous avons organisé plusieurs tables rondes et deux conférences sur la sécurité. L'une d'elles s'est déroulée la semaine dernière, et 140 personnes y ont participé. Il ne fait aucun doute que l'amélioration de la sécurité suscite un grand intérêt.

En dépit de toutes ces réunions, de ce que les deux intervenants précédents ont dit au sujet des sommes investies par les pêcheurs, ainsi que des changements qui sont survenus dans l'industrie au cours des 15 dernières années, les choses continuent de tourner mal. Nous avons besoin de solides services de recherche et de sauvetage pour permettre aux gens de rentrer à la maison à la fin de la journée.

Voici quelques-uns des commentaires que nous avons entendus et qui circulent sous les diverses formes que j'ai mentionnées précédemment. Nous présenterons un mémoire plus détaillé après notre départ.

Premièrement, le rétablissement des services de la Garde côtière canadienne, qui a été annoncé récemment, est une bonne nouvelle que nous devons célébrer, mais cette mesure ne va pas assez loin pour garantir l'existence des ressources en matière de recherche et de sauvetage qui sont nécessaires pour ramener les gens à la maison à la fin de la journée.

Malheureusement, je n'ai pas entendu le début de l'exposé de Johanne. Toutefois, rien n'est plus important que l'établissement d'un service d'envol dans un délai de 30 minutes, offert 24 heures par jour et 365 jours par année. Les pêcheurs ne travaillent pas de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi, et nous devons trouver un moyen de tenir compte de cela.

Je pense que j'ai entendu le maire de St. Anthony, M. Simms, parler également de cette question. Un grand nombre de nos pêcheurs exercent fréquemment leurs activités hors de la portée du radiophare omnidirectionnel VHF. Par conséquent, ils doivent compter sur les systèmes automatisés pour obtenir des renseignements exacts. Depuis la fermeture des centres, nous constatons que, souvent, ils n'ont pas accès au service automatisé ou que, dans le cas contraire, ils ne sont pas en mesure de comprendre ce qui est dit. Ces renseignements sont absolument cruciaux pour planifier un voyage et arriver à la maison sain et sauf.

Notre association intervient dans trois champs de recherche, et l'un d'eux concerne la sécurité en matière de météo et de pêche. Nous avons eu beaucoup de tables rondes à ce sujet. L'une des choses qui reviennent constamment, c'est le fait que les régions visées actuellement par les prévisions météorologiques sont trop étendues. À moins d'être un pêcheur très expérimenté, d'avoir accès à d'autres renseignements et d'avoir une connaissance approfondie de la région, il est pratiquement impossible d'interpréter les bulletins météorologiques. Si l'on considère aussi que nous avons la main-d'œuvre active la plus âgée du pays et dans le domaine de la pêche, il est difficile d'imaginer ce qui se passera en matière de transition au cours des 10 prochaines années. Que va-t-il se passer lorsque toute cette connaissance « locale » aura disparu? Nous devons nous y préparer. C'est un problème qui doit être résolu.

Des ports sécuritaires, des ports de refuge, l'absence de quais ou l'état des quais existants : les pêcheurs estiment que nous devrions travailler sur ces aspects. La péninsule de Port-au-Port est un exemple de cela.

Comme vous l'avez entendu aujourd'hui, beaucoup de pêcheurs sont des membres auxiliaires — comme c'est le cas de Glenn — et ils ont exprimé certaines préoccupations quant à la disponibilité de l'équipement et aux programmes de formation qui sont si importants. Je suis certain que vous êtes au courant du nombre d'incidents où ils doivent intervenir et, dans cette optique, il est absolument essentiel qu'ils soient équipés de façon appropriée.

C'est probablement quelque chose qui sera perçu comme étant non tangible, mais selon ma propre expérience au sujet de la sécurité dans cette industrie, c'est une chose qui est absolument essentielle. Il est important d'avoir des occasions de discuter sérieusement avec le gouvernement et, dans le cas qui nous intéresse, avec les ministères fédéraux qui prennent les décisions à ce sujet.

Avec Transports Canada, nous avions deux assemblées du Conseil consultatif maritime canadien par an, plus l'assemblée régionale. C'était autant d'occasions pour les gens de l'industrie de se rencontrer et de s'écouter les uns les autres, ce qui est tout aussi important que d'être en mesure de parler et d'écouter ce que le gouvernement fédéral a à dire. Ces rencontres se font plus rares. Nous en sommes maintenant à une assemblée par an, et j'ai peu d'espoir que nous allons la garder.

Bien entendu, je veux relayer toute la gratitude exprimée par les pêcheurs au sujet des services exceptionnels que prodiguent les hommes et les femmes de la Garde côtière canadienne et du ministère de la Défense. Quand ils le peuvent, les effectifs de ces organismes utilisent leur savoir-faire pour ramener nos gens au bercail. Sauf que leur savoir- faire et leur engagement ne suffisent pas. Les pêcheurs passent de nombreux jours en mer, ils parcourent des distances considérables et croisent dans une foule de milieux différents. Ils prennent des risques énormes, et ils méritent pour cela un régime de recherche et de sauvetage digne de ce nom.

C'était intéressant d'écouter ce que le sénateur Manning avait à dire à la dernière séance. Vous allez vous retrouver avec un grand nombre de recommandations. Je ne sais pas comment vous allez vous débrouiller avec cela.

Nous avons une recommandation centrale. Comme je l'ai dit, nous allons vous fournir un mémoire. Nous espérons que vous allez vous attaquer à tous les problèmes portés à votre attention. Quoi qu'il en soit, notre recommandation centrale est que nous mettions sur pied un comité sectoriel permanent sur la recherche et le sauvetage afin de mobiliser l'industrie. L'objectif poursuivi serait de permettre l'évaluation en continu de tous les aspects de la recherche et du sauvetage. Un tel comité est souhaitable, puisque vous ne serez pas en mesure de répondre à tous les problèmes qui ont été soulevés, tant dans notre province qu'à l'échelle du pays. Nous devons avoir une marche à suivre; nous avons besoin d'un processus pour la suite des choses. C'est ce que nous recommandons.

Je vais terminer en disant que nous espérons que le gouvernement continuera à soutenir les organisations de pêcheurs et à travailler avec elles afin d'améliorer la sécurité. Je vais vous laisser entre les mains de ceux qui font le travail et qui le comprennent le mieux. Ils comprennent les risques qui sont en jeu, et ce sont eux qui sont le mieux en mesure de proposer ce que devrait être la marche à suivre pour la suite des choses.

Cela dit, nous avons demandé à Glenn de vous faire part — au nom de l'association — de choses qui se sont produites récemment et de son point de vue sur le sujet.

Merci.

Le président : Merci, madame Walsh.

Avec cette entrée en matière selon laquelle « ceux qui font le travail sont ceux qui le connaissent le mieux », nous allons maintenant écouter Glenn.

M. Winslow : Merci, monsieur le président.

Comme vous le savez, je m'appelle Glenn Winslow et je suis pêcheur, ici, dans le quartier de Shea Heights, à St. John's. Je suis un capitaine de pêche de 1re classe, ce qui me permet de piloter des navires de n'importe quelle taille partout dans le monde. Je pêche depuis 36 ans. J'ai pêché dans tous les moindres recoins de cette côte, de zéro mile à 325 miles au large. Ma zone de prédilection se situe n'importe où entre 150 et 250 miles, et c'est là où j'ai passé le plus clair de mon temps. J'ai pêché tous les mois de l'année, même en janvier, en février et en mars, une période plutôt difficile pour la pêche. Je veux remercier le comité sénatorial de cette occasion qu'il me donne aujourd'hui de me faire entendre.

Ce n'est pas un événement particulièrement réjouissant à évoquer, mais je crois qu'il est nécessaire de le faire afin d'éduquer les gens et d'empêcher que d'autres tragédies de la sorte se produisent à nouveau. Le 6 septembre 2016, un membre de l'équipage et moi sommes allés au bassin pour les petites embarcations du chemin Southside, à St. John's, afin de jeter un coup d'œil à mon navire, le Roberts Sisters II. Je dois préciser que le gars qui m'accompagnait était mon meilleur ami et que nous travaillons ensemble depuis plus de 30 ans.

En arrivant, l'un de mes collègues de pêche est venu me voir pour me dire que la famille Walsh était sur la jetée et qu'elle s'inquiétait du sort de l'équipage du Pop's Pride, un autre navire de pêche qui n'était toujours pas rentré de sa journée de pêche. Il m'a aussi dit que les pêcheurs locaux ne savaient pas que les Walsh avaient pris la mer ce jour-là parce que le véhicule que Keith Walsh père avait l'habitude de conduire n'était pas stationné sur la jetée. Je me souviens de ce détail, parce que j'ai alors fait quelques pas sur la jetée afin d'apercevoir le camion flambant neuf que Keith avait acheté deux jours auparavant et dont il avait été si fier de me parler. Comme je l'ai compris depuis, j'étais le seul à savoir qu'il l'avait. En fait, il n'était pas stationné à l'endroit où il avait l'habitude de laisser son ancien véhicule, et c'est pour cette raison que personne ne savait ce qui se passait. Je pense que s'il s'était stationné à sa place habituelle, les choses auraient pu se dérouler autrement. Je me souviens que je me suis retourné et que j'ai dit : « C'est le camion de Keith, et ils sont toujours en mer. »

Nous avons immédiatement quitté le bassin sur mon navire, le Roberts Sisters II, et nous avons rapidement été rejoints par d'autres navires. J'avais une bonne idée de l'endroit où ils étaient allés pêcher, puisque j'étais passé près d'eux le jour précédent. Nous avons donc mis le cap sur cette position, en ne manquant pas de garder l'œil ouvert puisqu'ils auraient pu être n'importe où en chemin. Lorsque nous sommes arrivés à l'endroit où ils avaient pêché, j'ai stoppé mon navire afin de bien scruter l'horizon et de comprendre le sens des courants dérivants de cette journée-là. Nous avons très vite compris ce qu'il en était, et nous avons mis le cap dans cette direction.

Pas très loin de là, nous avons repéré un gilet de sauvetage qui flottait sur l'eau, mais en nous rapprochant, nous avons vu qu'il y avait quelqu'un dedans, et c'est à ce moment-là que la tragédie a eu lieu.

Je n'ai pas besoin d'évoquer le reste du déroulement de cette soirée. Je tiens plutôt à parler des leçons que nous avons retenues de cette expérience et qui pourront nous aider à empêcher de telles tragédies de se produire à nouveau.

Les membres de l'équipage que nous avons retrouvés cette journée-là portaient des gilets de sauvetage. La première chose qui nous a frappés après-coup, c'était qu'il y avait eu un écart par rapport à la routine. Lorsque vous décidez de changer de routine, vous devriez en informer les autres. Je crois que si Keith avait utilisé son ancien camion et qu'il l'avait stationné au même endroit que d'habitude, les pêcheurs locaux se seraient assurément inquiétés beaucoup plus tôt du fait qu'ils n'étaient pas rentrés. Avant de partir, il faut s'assurer de préparer un bon plan de navigation et d'en confier une copie à une personne de confiance.

Deuxièmement, la plupart des gens se promènent maintenant avec un téléphone cellulaire. Dans cette optique, il serait de bon conseil de placer ledit téléphone dans un contenant étanche lorsqu'on prend la mer. Si quelqu'un réussit à sortir le téléphone du contenant, cela veut dire qu'il peut s'en servir.

Troisièmement, lorsque vous arrivez à l'endroit où vous comptez pêcher — et c'est ce que nous avons fait la fois d'ensuite où nous avons pris la mer avec une petite embarcation —, jetez un coup d'œil aux alentours afin d'identifier les autres qui sont là. Appelez-les — je l'ai fait — afin de les informer de votre présence. « Pouvez-vous me voir? Si c'est le cas, assurez-vous de me contacter avant de rentrer afin de vous assurer que tout va bien pour moi et de savoir dans combien de temps je compte rentrer à mon tour. »

La plupart des gros navires ont une radiobalise de localisation des sinistres, ou RLS. C'est le cas de mon navire le plus gros, et c'est obligatoire. Ce n'est pas obligatoire pour les embarcations plus modestes, mais après cet incident, je m'en suis procuré une pour mon petit navire. Ces radiobalises se mettent automatiquement à envoyer un signal de détresse dès qu'elles sont plongées dans l'eau salée. Elles ne coûtent pas tellement cher, quelques centaines de dollars, mais il faut bien comprendre qu'en cas d'urgence, le temps est le grand facteur déterminant.

Les pêcheurs auraient aussi intérêt à porter des balises de localisation personnelles, ou BLP, qu'ils peuvent activer manuellement ou automatiquement afin d'alerter les services de sauvetage et de transmettre leur position. Nous devons nous assurer que ces balises sont facilement accessibles, mais ce n'est pas tout de les porter. Elles doivent être en état de fonctionner lorsque des hommes passent par-dessus bord et se retrouvent dans nos eaux. Elles devront aussi être testées plus avant dans différents contextes maritimes. Enfin, une formation devra être prodiguée afin de vérifier si elles sont des outils efficaces pour sauver des vies.

Mon opinion se fonde sur mon expérience des 36 dernières années et sur les situations semblables que j'ai pu vivre au cours de cette période. En 36 ans, mon navire ne s'est jamais retrouvé en situation d'urgence, non, mais il y a eu des années où nous avons passé jusqu'à 10 ou 11 mois sur l'eau. Et lorsque l'on passe autant de temps sur l'eau, il y a toujours des gens qui se retrouvent en situation d'urgence et, bien souvent, c'est votre navire qui est le plus proche. C'est de ces situations d'urgence que j'aimerais maintenant parler.

La plupart du temps, lorsqu'il y a des urgences en mer ou des situations où des vies sont en danger, ce n'est pas une journée particulièrement belle, et il est par conséquent très difficile d'intervenir de façon efficace. En repensant à l'incident de l'an dernier et au mauvais temps qu'il faisait ce jour-là — et ce n'est pas parce que cela me fait plaisir d'y penser —, je réalise à quel point cet équipement aurait été utile. Après la découverte de la première victime, on nous a demandé de nous rendre dans la baie de Cape Spear afin de remettre le corps à la Garde côtière, et c'est ce que nous avons fait. Il a fallu beaucoup de temps à notre navire et à celui de la Garde côtière pour gagner la baie, effectuer le transfert et retourner sur les lieux de l'incident.

Je vais maintenant vous donner une idée du rôle important que le bon équipement aurait pu jouer dans cette situation. Lorsque nous nous sommes absentés cette journée-là, il y avait encore sept à dix navires qui continuaient de chercher. Pour vous donner une idée, la superficie couverte par ces recherches s'étendait de St. John's à Cape Spear, ce qui n'est que 3 miles. Il n'y a que 3 miles de Cape Spear à Petty Harbour. Le théâtre de tout cet incident de l'an dernier avait donc une superficie de 9 miles carrés.

Lorsque nous avons quitté les lieux pour aller faire le transfert, il y avait encore 7 à 10 navires qui continuaient de chercher, qui passaient ces 9 miles carrés au peigne fin. Nous avons donc eu assez de temps pour transférer le corps, revenir sur place et nous remettre en mode recherche avant de trouver un deuxième corps. Voilà toute l'importance de cet équipement : il vous permet de savoir exactement où quelqu'un se trouve.

À partir du moment où l'incident se produit et le moment où la Garde côtière est déployée, les minutes s'égrènent. Or, le simple fait d'avoir des RLS et des BLP qui envoient des signaux à des récepteurs situés sur la terre ferme n'est pas suffisant, car il faut énormément de temps pour arriver sur les lieux.

Les RLS ou les BLP envoient leurs signaux à un satellite, et le satellite les relaie à une station située sur la terre ferme. Cette station doit entrer en communication avec une station de la Garde côtière. Ensuite, la station de la Garde côtière doit entrer en communication avec un navire qui croise aux alentours de l'endroit d'où le signal a été émis ou elle doit déployer un navire de recherche et de sauvetage, et tout cela prend du temps. Or, cette RLS ou cette BLP est attachée à quelqu'un qui va à la dérive. La position qui vous est transmise après toutes ces étapes ne correspond pas nécessairement à la position en temps réel du sujet. Tout dépendra de la force des vents, de l'ampleur de la marée ou de l'intensité des courants.

Comme l'a dit Sharon, je fais partie de la Garde côtière auxiliaire. Nous passons un nombre incalculable d'heures en formation — incalculable —, mais nos navires n'ont pas encore l'équipement nécessaire pour interagir avec ces outils. Ce que je veux dire, c'est que même si nous avions des RLS et des BLPs, nous n'avons pas l'équipement que nous devrions avoir dans une situation d'urgence en mer pour nous diriger vers les positions que ces appareils nous signaleraient.

La plupart de ces dispositifs émettent un signal électronique à une certaine fréquence. Une bonne partie des navires de la Garde côtière ont des radiogoniomètres, c'est-à-dire des appareils qui sont en mesure de capter ces signaux et d'orienter le navire en conséquence, mais nous n'avons pas cette capacité. En tant que membre de la Garde côtière auxiliaire, l'une de mes suggestions serait de veiller à ce qu'un grand nombre de navires autour de l'île — pas tous — soient équipés pour détecter et pister ces signaux directement en mer sans avoir à passer par un satellite, ce qui permettrait de gagner beaucoup de temps.

Les premiers intervenants, qui sont habituellement les navires qui se trouvent à proximité, ont besoin d'être munis de l'équipement et de la technologie qui leur permettront de localiser ces balises avec précision. Je le répète, lorsque des vies sont en danger, le temps est d'une importance capitale.

Je vais terminer mon exposé avec ces quelques points forts importants. Lorsque vous êtes en mer et que les choses tournent mal, vous devez avoir l'assurance que les secours sont en chemin. Comme l'a dit Sharon, nous ne travaillons pas de neuf à cinq, cinq jours par semaine. Dans cette optique, on ne saurait dire à quel point il est important que le gouvernement du Canada rétablisse l'application en permanence du délai de 30 minutes « train rentré » pour les interventions de recherche et de sauvetage.

Je crois également qu'il est important que le gouvernement continue de soutenir les organisations de pêcheurs comme la Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Safety Association. Comme le disait Sharon, l'association a tenu un séminaire sur la sécurité la semaine dernière, et je n'en reviens toujours pas de tout ce que nous avons appris durant cette journée de 8 heures. Il n'y avait que 130 ou 140 personnes autour de cette table — et pas seulement des pêcheurs —, mais c'était les personnes importantes — les directeurs de comités — qui sont en mesure de communiquer l'information à ceux qui doivent savoir ce qui se passe.

Depuis deux ans et demi, l'association a entrepris d'importantes recherches sur le bruit, la stabilité, la météo et la sécurité dans l'industrie de la pêche. Elle s'est également efforcée de porter à l'avant-plan le dialogue sur la sécurité en organisant des réunions, des tables rondes et des conférences axées uniquement sur ce sujet et à l'occasion desquelles les pêcheurs ont pu donner et recevoir des renseignements importants en la matière. Ces rencontres leur ont aussi permis de prendre connaissance de nos positions sur ces importants enjeux.

Pour finir, je veux attirer votre attention sur le rôle important que la Garde côtière auxiliaire canadienne joue dans le processus de recherche et de sauvetage, ainsi que sur toutes les connaissances que nos innombrables exercices de formation nous ont permis d'acquérir au sein de cet organisme. J'y ai participé personnellement. Chaque année, mon équipage suit l'équivalent d'une semaine de formation — sur mon navire — auprès de techniciens spécialisés dans les activités de recherche et de sauvetage. L'an dernier, en novembre, nous avons eu une semaine complète de formation, et les responsables ont fait faire à mon navire des choses que je n'avais jamais vues. J'étais soufflé. Bien souvent, quand il y a une situation d'urgence, il est impossible de faire les choses habituelles que l'on fait avec un navire qui n'a aucune avarie, comme de naviguer vent debout ou de filer à une certaine vitesse lorsqu'il faut se délester de l'équipage. Dans bien des cas, le navire est handicapé; il donne de la bande et il vous est impossible de maintenir le cap. Or, lors de la formation de l'an dernier, nous avons répété tous ces scénarios, ce qui, à mon sens, était phénoménal.

En dernier lieu, outre mes remerciements à la Garde côtière auxiliaire canadienne, je ne saurais passer sous silence le service des hommes et des femmes de la Garde côtière canadienne et du ministère de la Défense nationale. Comme nous, ces personnes sont déterminées à sauver des vies, et elles sont disposées à suivre des formations à nos côtés afin que nous puissions travailler en tandem pour sauver des vies.

Merci encore à vous, monsieur le président, et aux membres du comité de me donner cette occasion de témoigner ici aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup à chacun de vous. Voilà assurément une grande quantité d'information à assimiler.

Habituellement, nous laissons le vice-président du comité poser la première question, mais le sénateur McInnis doit s'absenter dans quelques minutes, alors je vais lui demander de poser ses questions tout de suite.

Le sénateur McInnis : Merci beaucoup de vos témoignages. Pour ceux d'entre nous qui n'ont pas encore découvert les paysages et la beauté de Terre-Neuve, il est important de dire que c'est un endroit extrêmement dangereux pour exercer le métier que vous faites. Ces eaux ont la réputation d'être les plus dangereuses au monde, ce qui complique vraiment les choses. J'ai toujours dit que le gouvernement devrait faire ce que les citoyens ne peuvent pas faire eux- mêmes. Il y a un office d'accréditation, une association en matière de sécurité, un institut maritime et des pêches, et la liste continue. Bien entendu, il y a la Garde côtière canadienne auxiliaire et la Garde côtière canadienne, et, pour autant que leur équipement le permette, nous pouvons compter sur les militaires.

Selon votre exposé et les exposés des autres témoins entendus aujourd'hui, ceux qui œuvrent dans la pêche commerciale ont fait énormément pour appuyer votre cause et votre cas. Vos démarches ont-elles incité les militaires à se jeter dans la mêlée? C'est là la question. Je commence à croire que c'est le cas et qu'une réponse appropriée est de mise.

Vous présentez donc des arguments convaincants que le comité pourra utiliser pour s'assurer qu'il y a une certaine réponse. Cette réponse ne se matérialisera pas d'ici demain matin, mais elle ne devrait pas tarder, car, comme vous le savez, il y a des morts chaque année.

Alors, je vous félicite. Vos arguments sont très impressionnants et extrêmement bien présentés.

Permettez-moi de vous poser une question rapide. L'office d'accréditation a été créé récemment aux termes d'une loi provinciale. L'office concerne-t-il tous les pêcheurs? Doivent-ils tous avoir un permis? Y a-t-il un test? Dans l'affirmative, ce test est-il rétroactif ou s'applique-t-il seulement aux nouveaux venus? Combien cela coûte-t-il aux pêcheurs?

L'autre question est pour Mme Walsh. Je ne sais pas comment vous avez calculé que l'on avait signalé plus de 500 blessures, et que les coûts engendrés par ces blessures s'élevaient à 63,5 millions de dollars.

M. Dolomount : En ce qui concerne l'office d'accréditation, la loi provinciale a été adoptée en 1996, et l'office a pris son envol en 1997. Nous sommes donc dans sa 20e année.

En 1997, le ministère des Pêches et des Océans a laissé tomber son système d'enregistrement personnel de pêcheur — un système toujours en vigueur dans d'autres administrations du pays — et a confié l'enregistrement de tous les pêcheurs commerciaux, de toutes les entreprises détentrices de permis et de tous les membres d'équipage à notre office d'accréditation.

En ce qui concerne les critères d'accréditation, la différence avec l'ancien système et avec les systèmes utilisés dans d'autres parties du pays, c'est que vous n'avez pas à satisfaire aux exigences en matière d'éducation et de formation pour être titulaire d'un permis d'espèce du MPO. Pour devenir ce que l'on appelle un « temps plein » et être ainsi admissible à un permis, tout ce qu'il vous faut, c'est deux ans d'expérience sur un navire.

À Terre-Neuve, c'est passablement différent. Les nouveaux venus dans l'industrie doivent avoir au moins cinq ans d'expérience à plein temps dans les pêcheries et 120 crédits de formation, ce qui correspond à 100 à 120 jours d'école, habituellement, au Marine Institute. Nous avons la chance d'avoir ici même l'un des instituts nautiques les mieux reconnus au monde, et nos pêcheurs sont chanceux de pouvoir profiter de cette formation.

En fait, il y a des liens entre le régime d'accréditation provincial et la politique fédérale sur la délivrance des permis. Ainsi, dans notre province, les seules personnes admissibles à des permis d'espèces fédéraux sont les pêcheurs qui ont l'accréditation de niveau II. En 1997, environ 12 000 pêcheurs se sont vus accorder les plus hauts niveaux d'accréditation en vertu de droits acquis. Deux décennies plus tard, nous pouvons constater que les nouveaux pêcheurs qui accèdent au nouveau système sont allés au Marine Institute. En outre, ils ont obtenu leurs qualifications de capitaine de pêche, ils ont leur certificat de fonctions d'urgence en mer et ils ont suivi leur formation d'opérateur radio. À cause de cela, depuis quelques années, les équipages sont plus compétents et mieux formés qu'avant. Nous avons sans conteste l'une des mains-d'œuvre les mieux formées au monde et, assurément, la main-d'œuvre la plus conforme de toutes en ce qui a trait au Règlement sur le personnel maritime du gouvernement fédéral.

Mme Walsh : Permettez-moi d'ajouter quelque chose à cela. D'après ce que j'ai vu de l'Office d'accréditation des pêcheurs professionnels, de la Fish, Food and Allied Workers, du Marine Institute et d'autres organismes au cours des trois dernières années — c'est l'étendue de mon expérience à ce titre — et ce que j'ai entendu lors des réunions avec le Conseil consultatif maritime canadien de Transports Canada — et compte tenu de ce qui se passe ailleurs au pays —, il ne fait aucun doute pour moi que le professionnalisme et la détermination des organismes de pêcheurs de la province sont les raisons qui font que nous sommes les plus conformes, comme le disait Mark, voire que nous dépassons souvent les exigences minimales. Ainsi, à Terre-Neuve-et-Labrador, il y a sur nos bateaux de pêche une foule de personnes titulaires de permis de capitaine de pêche alors qu'il ne serait pas obligatoire d'y en avoir. Parce que ce sont des professionnels, une foule de pêcheurs ont des bateaux de pêche équipés de toute une panoplie d'équipements de sécurité qui ne sont pas essentiels. Ils ont reçu une formation professionnelle; ils constatent et comprennent la nécessité d'agir de façon responsable.

Cela dit, les statistiques nous apprennent qu'il reste beaucoup de travail à faire. Les 63,5 millions de dollars correspondent aux coûts établis par notre commission des accidents du travail, Workplace NL, pour les quelque 600 blessures rapportées au cours de cette même période de cinq ans. Durant la période 2011-2015, c'est presque 600 blessures qui ont été signalées à Workplace NL.

Lors des réunions communautaires auxquelles je participe et dont je vous parlais plus tôt, il nous arrive de parler des accidents de travail. Or, voici le genre de conversation que je peux avoir avec un pêcheur. Je vais le voir et je lui dis : « J'ai remarqué que tu as perdu tes doigts. Cela ne s'est pas produit alors que tu pêchais. » Et lui de répondre : « Bien sûr, je les ai perdus en pêchant. » Je lui demande donc : « S'agissait-il d'un accident de travail? » Et voilà ce qu'il me répond : « Non. Je suis allé à l'hôpital et j'ai parlé au médecin. Pour suivre une thérapie, il faudrait que je m'absente du travail. Alors, ils me les ont recousus et je les ai pansés. Ils m'ont donné quelques antidouleurs. Alors, ce n'est pas rapporté comme un accident de travail. » Autrement dit, l'hôpital a considéré que la perte permanente de ses doigts ne constituait pas un accident de travail.

Alors, quand j'évoque le nombre de 600, il ne s'agit que de ceux qui sont rapportés. La commission établit ce que seraient les coûts pour ces 600 blessures et les 10 décès survenus au cours de la même période. Voilà comment elle arrive à cette somme de 63,5 millions de dollars; c'est notre coût pour cette période de 5 ans. Cependant, l'investissement dont Mark a parlé a permis de faire diminuer le nombre de blessures et de décès.

Le sénateur McInnis : Merci.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie tous de vos exposés. Je vais partager mon temps de parole avec le sénateur Doyle, mais je vais y aller en premier.

Mark, j'ai été heureux de vous entendre dire que des équipements de sécurité comme les radiobalises de localisation des sinistres et les appareils radio VHF-ASN sont en train de devenir des outils d'utilisation courante et qu'ils ont contribué directement, en conjonction avec une formation appropriée, à améliorer le signalement des sinistres et l'activation du système de recherche et de sauvetage. J'ai ensuite entendu Glenn nous dire que tout cela fonctionne grâce à un système de satellite, et que ce n'est peut-être pas la façon la plus efficace de transmettre des messages, s'empressant d'ajouter qu'il y a maintenant de nouvelles façons de faire. Quelle prochaine génération d'instruments devrions-nous exiger sur les navires comme condition à l'octroi d'un permis et comme moyen d'assurer leur sécurité?

M. Winslow : Je peux répondre à cela. Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'une RSL ou une BLP est déclenchée, elle envoie un signal sur les ondes radio. Ces ondes radio sont captées par des satellites et transférées à des stations situées sur la terre ferme. Tout cela prend du temps. Or, si les navires qui sont en mer au moment de l'incident disposaient d'un appareil semblable à celui qu'ont les satellites, cela leur permettait de localiser eux-mêmes la provenance du signal. Cet appareil est un radiogoniomètre; il peut nous indiquer d'où provient le signal capté en mer et nous faire gagner un temps considérable.

La sénatrice Hubley : Alors combien de navires ont ce type d'équipement?

M. Winslow : Dans l'industrie des pêches, aucun pour l'instant.

Je pense que, dans un premier temps, il faudrait réaliser une étude afin de déterminer si ces BLP seront vraiment efficaces dans notre environnement et nos conditions de navigation. C'est la recherche que je réclame. Si les résultats montrent effectivement que les BLP fonctionnent, il y a des centaines de navires de la garde auxiliaire qui devraient en avoir une. Je ne dis pas que tous les navires devraient en avoir, mais au moins 20 p. 100 d'entre eux, répartis tout autour de l'île. Il faut savoir que, neuf fois sur dix, lorsqu'il y a une situation d'urgence, il y a un navire de pêche à proximité.

Mme Walsh : En complément de ce que Glenn a dit, permettez-moi d'ajouter ceci. Nous avons récemment reçu la visite de M. Rob Brown, du Marine Institute. M. Brown a réalisé une étude sur les effets des produits pétroliers et gaziers sur les BLP, et l'association de sécurité est présentement en discussion avec l'Université Memorial pour inciter cette dernière à jeter un coup d'œil à cette étude. Alors, ce sera formidable d'avoir un BLP qui peut envoyer un signal. Si un navire qui croise dans les parages a l'équipement pour le repérer, c'est formidable, mais encore faut-il que l'appareil reste visible hors de l'eau. Imaginez que vous êtes un pêcheur et que vous devez sauter par-dessus bord très rapidement. Si l'appareil est sur votre veste ou sur votre uniforme, est-ce qu'il va fonctionner? Je ne pense pas que nous soyons encore en mesure de répondre à cela.

M. Dolomount : Les pêcheurs ont à bord de leurs navires de nombreux dispositifs de défense et beaucoup d'appareils pour activer le système de recherche et de sauvetage, en commençant par les téléphones cellulaires. Cela s'applique aussi bien aux petits navires ouverts qu'aux palangriers équipés de longs ponts et qui peuvent pêcher à 200 ou 300 miles des côtes. En plus de téléphones cellulaires, les navires de grande taille de ce type sont la plupart du temps munis d'appareils radio VHF. Bien que ce ne soit pas une obligation réglementaire, de plus en plus de ces navires sont équipés de RSL. Les navires les plus importants ont tous ces dispositifs. Ils ont des appareils radio VHF et des appareils radio VHF/ASN, et le règlement exige désormais qu'ils aient des RSL.

À Terre-Neuve-et-Labrador, je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'opposition à l'idée d'équiper les petits navires de RSL, ni même de BLP. Les RSL fixées en permanence comme nous les connaissons maintenant ne seraient pas nécessairement utiles sur des petits navires ouverts. Je crois que nous sommes ouverts aux technologies pour peu qu'elles soient adaptées aux différents types de navires.

Pour ce qui est de la formation, je crois qu'il y a un lien direct entre le degré de formation des gens qui sortent d'un établissement comme le Marine Institute et le fait qu'ils saisissent l'importance de cet équipement et qu'ils sont ouverts à son intégration.

Lorsque vous allez au Marine Institute et que vous suivez un cours de base de trois ou cinq jours sur la sécurité, vous apprenez le fonctionnement du système de recherche et de sauvetage. Vous apprenez comment activer le système, comment fonctionne une RSL, comment fonctionne une BLP ou un transpondeur de recherche et de sauvetage. Je crois que la formation permet aux gens de mieux comprendre comment fonctionnent ces pièces d'équipement et d'en saisir toute l'importance. Je crois que c'est ce qui explique pourquoi un si grand nombre de pêcheurs, considérant l'environnement dans lequel ils pêchent, ressentent le besoin de s'équiper de ces appareils même si ce n'est pas une exigence réglementaire.

Le sénateur Doyle : Pour donner suite à la conversation que j'ai eue avec la sénatrice Hubley, faut-il dépenser énormément d'argent pour installer ce genre d'équipement à bord d'un navire, si on en fait un matériel standard? Est- ce facile à installer? Y a-t-il eu des études sur les coûts?

Capt Hearn : Je dois examiner le tout du point de vue de la navigation commerciale. Nous n'avons pas le choix. C'est absolument obligatoire.

L'industrie d'où je viens est probablement la plus réglementée au monde. Tout y passe : la conception du navire, son exploitation, les personnes à bord, le matériel qui doit se trouver à bord, les endroits où le navire peut se rendre et ce qu'il peut faire. Nous n'avons pas le choix.

À mon avis, il devrait en être ainsi dans l'industrie de la pêche, parfois à des fins de sécurité, surtout en ce qui concerne l'équipement, pour pouvoir identifier une personne à l'eau ou aider les gens qui sont à sa recherche.

Je sais qu'on se heurte parfois à des réticences en raison du coût. Le coût est un facteur que l'on doit malheureusement accepter comme faisant partie de l'opération. Telle est la réalité dans mon domaine.

Cependant, dans l'industrie de la pêche, je pense que les gens devraient également se rendre à l'évidence que cet équipement est utile pour eux et, surtout, pour leurs proches qui les attendent sur la terre ferme, car cela permet d'assurer leur retour en cas de problème.

Je sais que certaines personnes pourraient se plaindre du coût, mais encore une fois, il y a toute une gamme de coûts. Il peut s'agir de modestes systèmes plutôt efficaces ou, encore, d'instruments extrêmement perfectionnés. Je le répète, cela dépend de ce qu'on veut, mais je persiste à croire que ces outils devraient se trouver à bord. C'est mon opinion.

M. Winslow : J'aimerais ajouter un point à ce que Chris vient de dire. En fait, j'ai parlé à une entreprise d'électronique ce matin avant de venir ici, et le coût est relativement faible. Nous savons pertinemment que les RLS fonctionnent. Quant aux BLP, nous n'en sommes pas encore sûrs, mais les RLS fonctionnent. Comme je l'ai dit, le coût n'est pas insurmontable si, au bout du compte, cet équipement permet de sauver une vie.

Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur la raison pour laquelle il est si important d'avoir ces instruments à bord des navires, et j'en ai parlé à Mark hier.

Je me suis trouvé dans une situation il y a près de 17 ans. Nous étions au large des Grands Bancs, à 220 milles de St. John's. À l'époque, nous pratiquions la pêche du pétoncle. Il y avait probablement une quinzaine de navires dans la zone, et nous avons reçu un appel nous informant qu'un homme était tombé par-dessus bord. C'était une journée très brumeuse, et ces 12 ou 15 navires ont réagi immédiatement pour essayer de repérer cet homme, mais nous ne l'avons jamais trouvé.

Il m'est déjà arrivé de chercher des bouées ou des balises flottantes; nous savions où elles se trouvaient dans l'eau, mais il fallait passer des heures à les repérer. Alors, imaginez un peu la situation : quelqu'un obtient une position, au moyen d'une connexion par satellite, puis communique avec une station, lance un appel et nous indique la position, et voilà que nous devons essayer de le trouver par un jour brumeux ou venteux. Si nous n'avons pas cette autre pièce d'équipement à bord lorsque la brume et le vent sont au rendez-vous, tout le reste pourrait s'avérer inutile.

Le sénateur Doyle : Avez-vous, vous ou quelqu'un d'autre, entrepris des démarches officielles auprès du gouvernement fédéral en vue de créer un programme de financement à cet égard?

Mme Walsh : Lors de la récente réunion du Conseil consultatif maritime canadien, une des séances portait sur les aides à la navigation. Transports Canada envisage de présenter un projet de loi sur les petits bateaux de pêche pour rendre obligatoire l'installation des RLS et des BLP. Nous avons invité Transports Canada à notre association de sécurité. Des fonctionnaires sont venus nous parler du projet de loi envisagé, parce qu'ils avaient besoin d'entendre que les Terre-Neuviens étaient tous partants. Toutefois, nous devons d'abord nous assurer que cela fonctionne. Le travail de l'association de sécurité consiste, en partie, à effectuer des recherches et à déterminer comment procéder. Donc, la réponse est oui, mais je pense que cela soulève une question plus importante, qui ne se limite pas aux BLP.

Le Bureau de la sécurité des transports a produit un rapport sur la sécurité, qui se veut un examen de 10 ans et qui contient une foule de recommandations. Justement, une des recommandations, ou un des fils conducteurs, c'est que nous devons collaborer plus étroitement avec les organisations de pêcheurs qui ont les capacités nécessaires, qui ont fait leurs preuves et dont les mandats englobent, entre autres, la recherche et la sécurité. J'ai remarqué que nous travaillons de moins en moins en étroite collaboration.

S'agissant du financement, ce qui me vient à l'esprit, c'est l'absence d'un programme précis pour les initiatives de sécurité que nous avions envisagées dernièrement. Nous avons soulevé cette question au Conseil consultatif maritime canadien et nous avons demandé à Transports Canada de fournir une certaine aide financière. Donc, après environ une année de discussions, le ministère a débloqué des fonds dans le cadre du programme de sécurité nautique, qui s'adressait à la navigation de plaisance, mais pas à la pêche commerciale. La somme octroyée ne représentait presque rien. Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, mais le processus lié à cet exercice s'est avéré absolument lamentable, et cela n'a pas facilité le partenariat et l'adoption de ces mesures de soutien.

En somme, sénateur Doyle, je pense qu'il y a lieu d'apporter toutes sortes d'améliorations; d'ailleurs, je crois que le vérificateur général du Canada a formulé une recommandation à cet égard il y a quelque temps.

Le sénateur Doyle : Bien.

Mark, vous avez dit que les pêcheurs ne peuvent plus recevoir régulièrement les cartes des glaces ni les cartes météorologiques nécessaires pour assurer une navigation efficace dans les glaces. Pourquoi est-il si difficile d'obtenir quelque chose d'aussi fondamental et, semble-t-il, d'aussi peu cher pour l'exploitation d'une entreprise de pêche? Pourquoi tout cela serait-il difficile? Pourquoi a-t-on mis fin à cette pratique? Comment expliquer cela?

M. Dolomount : Je vais laisser Chris répliquer, mais à ma connaissance, une fois qu'on se trouve à l'extérieur de la plage VHF, à moins d'avoir un système SARSAT, il est très difficile de recevoir des cartes météorologiques, des cartes des glaces, et cetera. Certains navires, qui sont conçus pour recevoir des courriels grâce à une connexion Internet, peuvent y avoir accès de cette façon, mais cela s'avère coûteux lorsqu'on se trouve en mer.

Une des préoccupations, ce n'est pas vraiment l'équipement dont disposent les pêcheurs à bord de leurs navires. Nous avons des bateaux de pêche comme celui de Glenn et d'autres qui se trouvent surtout sur la côte Nord-Est, et la fermeture de l'installation de St. Anthony, par exemple, a rendu leur travail très difficile maintenant que les prévisions météorologiques sont fournies par des systèmes automatisés plutôt que par des humains. Il est très difficile de comprendre et d'interpréter les prévisions météorologiques produites par le nouveau système automatisé. J'espère ne pas vous avoir donné l'impression que le problème était attribuable à un manque d'investissement ou d'équipement de la part des pêcheurs.

Le sénateur Doyle : Non.

M. Dolomount : C'est plutôt dû à une réduction ou à une dégradation du service radio, ce qui empêche la disponibilité et la réception du service.

Sharon a évoqué tout à l'heure l'importance du dialogue entre le gouvernement et l'industrie. Nous avons participé récemment à une réunion organisée par l'association de sécurité. Il y avait là un spécialiste en recherche et sauvetage de la Garde côtière et un pêcheur, comme Glenn, qui pratique la pêche hauturière à bord d'un navire très bien équipé de 65 pieds. Le spécialiste de la Garde côtière croyait sincèrement que les prévisions météorologiques issues des cartes météorologiques provenaient toujours de la station de transmission de St. Anthony, plutôt que de Cartwright, et qu'elles pouvaient être reçues facilement par les pêcheurs partout sur la côte Nord-Est de Terre-Neuve. Or, ce n'est pas ce que rapportaient les gens qui travaillaient sur la flotte de ce pêcheur très respecté. Voilà, selon moi, un exemple de décalage qui existe parfois entre les services qui sont en place et la façon dont ils sont mis à la disposition des utilisateurs.

Le sénateur Doyle : C'est juste.

Mme Walsh : Je connais des pêcheurs sur la côte Nord-Est qui communiquent avec les installations côtières pour obtenir les renseignements météorologiques des Forces navales des États-Unis. Ils se fient donc aux prévisions américaines, plutôt qu'aux nôtres. Nous avons des problèmes, et il faut trouver des solutions.

Le président : Sénateur Christmas.

Le sénateur Christmas : Je viens de la Nouvelle-Écosse. Je me dois de vous féliciter d'avoir instauré une aussi solide culture de sécurité au sein de l'industrie de la pêche. Je suis très impressionné par le travail qui a été accompli au cours des dernières années et la façon dont la culture de sécurité gagne de plus en plus de terrain dans l'industrie.

J'ai deux questions à poser. La première est très facile, du moins je l'espère, madame Walsh. Comment l'association de sécurité est-elle financée?

Mme Walsh : Nous avons reçu des fonds de démarrage du ministère des Pêches et de l'Aquaculture, qui est maintenant le ministère des Pêches et des Ressources terrestres. Nous avons également obtenu des fonds de Workplace NL, notre commission des accidents du travail. Workplace NL, avec l'appui du gouvernement provincial, a examiné la situation dans l'ensemble des industries et a déterminé que si on réunit les principaux dirigeants patronaux et syndicaux, ainsi que les représentants des associations industrielles, et qu'on leur donne accès aux statistiques de leurs industries respectives et aux principaux indicateurs, tout en facilitant la tenue d'un dialogue, ils seront en mesure d'adopter une approche systémique pour régler les problèmes qui causent ces blessures, réaliser des progrès réels et sauver des vies. Pensez-y : dans le contexte de l'industrie de la pêche, les blessures coûtent 63,5 millions de dollars sur une période de cinq ans, comparativement à ce qu'il faut pour exploiter une association de sécurité. En tout cas, voilà d'où provenaient nos fonds de démarrage, mais nous recevons aussi un financement important de la part de l'industrie.

Par ailleurs, nous bénéficions de l'aide de l'OAPP, dont le mandat législatif vise, en partie, la sécurité, d'autant plus que nos bureaux sont situés au même endroit. Donc, si nous organisons une réception et que le FFAW envoie ses membres élus et d'autres gens qui veulent en apprendre davantage, ce sont eux qui couvriront les coûts. Bref, nous nous y prenons de bien des façons, mais nous n'avons pas de régime de financement à long terme, et c'est une question sur laquelle nous devrons nous pencher d'ici peu.

Le sénateur Christmas : Avec du recul, quand on voit le travail que vous réalisez, cela semble être un excellent investissement de fonds publics et privés.

Il y a une autre question qui me trotte dans la tête, et pardonnez-moi mon ignorance, mais quel est le rôle de l'industrie de l'assurance là-dedans? Je pensais que si les exploitants d'entreprises de pêche utilisaient le meilleur équipement de sécurité, c'est-à-dire des RLS et des BLP, l'industrie de la pêche accepterait et appuierait une telle mesure. L'industrie de l'assurance a-t-elle un rôle à jouer ici pour promouvoir la sécurité?

M. Dolomount : Je vais en parler brièvement. Je ne prétends pas en connaître long sur le secteur de l'assurance ou les polices d'assurance applicables aux pêcheurs, mais je sais que la plupart des polices d'assurance maritime exigent que le titulaire soit conforme aux règlements du gouvernement fédéral. Dans le cas des navires de plus de 15 tonnes, qui composent essentiellement notre flottille de bateaux de plus de 40 pieds, la province en compte un millier, et ils sont munis de ce qu'on appelle un certificat SIC 29, soit l'ancien certificat d'inspection des navires à vapeur. Ces navires sont inspectés tous les quatre ans par Transports Canada et, à défaut d'une certification SIC valide — un certificat d'inspection du navire — leur police d'assurance serait déclarée nulle.

C'est une bonne question, et je pense que Sharon en a déjà parlé avec les compagnies d'assurance pour essayer de trouver des moyens de réduire les frais d'assurance pour les pêcheurs qui réussissent à démontrer qu'ils déploient tous les efforts possibles pour se protéger eux-mêmes et pour protéger leurs navires, l'environnement et tout le reste. C'est certainement une piste à explorer.

Parlant d'assurance, quand le gouvernement procède à la réduction de ses services, on observe souvent, comme je l'ai mentionné dans mon exposé, un transfert non seulement des coûts, mais aussi de la responsabilité aux pêcheurs. Je sais que c'est un point vraiment important parce que le gouvernement fédéral actuel — par l'entremise de Transports Canada — travaille à instaurer des règlements sur la sécurité des bateaux de pêche. Je l'en félicite. Nous avons collaboré étroitement, en tant que représentants de l'industrie, avec Transports Canada pour élaborer des règlements qui, selon nous, pourront donner de bons résultats.

La réglementation qui entrera en vigueur en juillet 2017 exigera notamment que chaque bateau de pêche au pays ait des procédures de sécurité par écrit. Premièrement, les pêcheurs ne sont pas au courant de cette exigence et, deuxièmement, à compter de juillet 2017, ils seront tenus responsables s'ils ne sont pas conformes. Voilà donc certaines des préoccupations.

Nous savons que le Bureau de la sécurité des transports a une liste de surveillance. Il exerce beaucoup de pressions sur Transports Canada en vue de la mise en place de la réglementation, mais en même temps, je pense qu'il est essentiel que le ministère crée et modifie des règlements en partenariat avec l'industrie non seulement pour obtenir une bonne réglementation, mais aussi pour susciter l'adhésion des pêcheurs et de leurs organisations et pour instaurer des règlements efficaces qui permettent d'atteindre l'objectif fixé. Dans la plupart des cas, c'est ainsi que les choses se sont déroulées, mais il y a des situations où cela n'a pas été le cas, et c'est ce qui pose problème. La question de la responsabilité préoccupera grandement l'industrie à compter de juillet 2017.

Mme Walsh : Je vais vous donner un exemple de ce que Mark vient de dire en ce qui concerne les opérations de recherche et de sauvetage.

L'exigence de procédures de sécurité par écrit est une nouveauté pour Transports Canada et l'industrie de la pêche commerciale. La difficulté tient, en général, aux compressions et au manque de ressources, sans oublier la disponibilité des compétences.

Nous avons invité Transports Canada à notre symposium sur la sécurité pour parler de ces règlements. Comme Mark l'a dit, les propriétaires-exploitants, c'est-à-dire les 3 700 entreprises actuelles, auront à assumer une énorme responsabilité dès le premier jour de l'entrée en vigueur de ces règlements. Ainsi, les pêcheurs et les propriétaires- exploitants sont tenus d'avoir des procédures écrites sur de nombreuses activités, de s'assurer que ces procédures sont disponibles en français et en anglais, de veiller à ce qu'elles soient communiquées aux membres de l'équipage en fonction de leurs besoins et de l'équipement à bord du bateau de pêche, de vérifier si l'équipage parvient à suivre ces procédures et de tenir des dossiers.

Songez maintenant à l'incidence sur notre flotte et les nombreux navires qui se trouvent en mer. Tout le monde se promènera donc sur son bateau, avec un cartable en plastique entre les mains. J'ignore où en sont les choses à ce sujet, mais c'est important et, comme Mark l'a expliqué, il faut appliquer ces règlements, car nous devons commencer à changer certaines façons de faire si nous tenons à prévenir ces blessures.

Or, il y a un problème, et c'est pourquoi les gens sur le terrain doivent se faire entendre. Un de ces règlements porte sur la prévention des incendies à bord des bateaux de pêche. Si un incendie se déclare et que nous ne sommes pas en mesure de le maîtriser dans le cadre de l'activité subséquente de SAR, imaginez le coût que cela représentera. Transports Canada se contente de dire : « Allez sur notre site web et consultez notre modèle, qui vous aidera à respecter ce règlement. » Il se trouve que son modèle porte sur la lutte contre les incendies, et non la prévention des incendies. Donc, les gens ne comprennent même pas ce qui est attendu d'eux; tout le fardeau de la responsabilité sera imposé aux pêcheurs à compter de juillet, sans aucun plan ni aucune approche pour aider les gens de l'industrie à se conformer à la réglementation. Songez un peu aux économies de coûts en matière de SAR.

Le sénateur Christmas : J'aimerais obtenir une précision, monsieur Winslow. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris. Vous avez mentionné que la Garde côtière a la capacité de recevoir les signaux envoyés par la RLS et la BLP. Vouliez- vous dire les navires de la Garde côtière?

M. Winslow : Oui, on trouve aujourd'hui à bord de la plupart des grands navires, et même des navires commerciaux dont Chris a parlé, l'équipement nécessaire pour détecter la direction d'où provient une radiofréquence. Par contre, nos navires n'en sont pas dotés.

Le sénateur Christmas : Faut-il comprendre par là que les navires auxiliaires — ou, du moins, certains d'entre eux — devraient également avoir la capacité de recevoir ces signaux?

M. Winslow : Exactement.

Le sénateur Christmas : D'accord. Merci.

M. Dolomount : Pour utiliser un exemple concret, une BLP est dotée d'une technologie RLS de 406 mégahertz qui active le système de SAR, ce qui envoie un signal de détresse aux centres de recherche et de sauvetage pour informer les gens qu'une RLS vient d'être activée; comme Glenn l'a expliqué, l'emplacement de la BLP est détecté par le système de satellites, qui renvoie ensuite cette information. À cela s'ajoute un mécanisme d'autoguidage de 121,5 mégahertz. Quand on se trouve sur les lieux, dans la zone générale, il arrive parfois, comme Glenn l'a dit, qu'on dévie de son parcours; donc, entre le moment où l'on obtient l'emplacement par la transmission de la RLS 406 et celui où l'on arrive sur le site, il se peut que le transpondeur se soit éloigné. Pour compenser cela, la BLP est munie d'un mécanisme d'autoguidage de 121,5 mégahertz. Donc, à défaut d'une technologie pour guider ce signal, on risque de tourner en rond dans une zone de 20 ou 30 pieds, sans trop connaître l'emplacement précis du transpondeur ou de la personne qui le porte.

La sénatrice Hubley : Dans bon nombre des exposés que nous avons entendus aujourd'hui, on nous a demandé de faire respecter le délai d'envol de 30 minutes dans le domaine de la recherche et du sauvetage.

Manifestement, nous avons vu et appris bien des choses dans le cadre de notre visite à Terre-Neuve-et-Labrador. Nous avons eu l'occasion de nous pencher sur le cas de Cougar au début de notre visite, puis nous nous sommes également rendus à Goose Bay. Il ne faut pas être sorcier pour comprendre pourquoi Cougar a un délai d'intervention plus rapide. Quand on compare ces deux exploitations, force est de constater qu'elles sont dotées d'un personnel talentueux, dévoué et bien formé. Leur mission est de sauver des vies, mais la différence tient à la rapidité d'intervention de Cougar. En vertu de son contrat, Cougar est tenue d'être sur place et de respecter ces 20 minutes. Il est hors de question d'être en retard, car sinon, l'entreprise perd son contrat.

Quand on compare cette situation — pour en revenir à Goose Bay —, on constate que les services de recherche et de sauvetage ne font pas partie de la fonction principale de cette installation; il s'agit plutôt d'une fonction secondaire. Son équipement comporte, à mon avis, de sérieuses limites. Par exemple, je n'ai vu aucun appareil permettant de sortir l'hélicoptère hors du bâtiment où il était entreposé. Donc, déjà en partant, le processus est retardé en raison de l'absence d'infrastructure.

À mon sens, si nous voulons prendre au sérieux la recherche et le sauvetage, nous devons faire ce qui s'impose. Pour y arriver, il faut être bien équipé et prévoir des lieux propices à un décollage dans un délai de non pas 30, mais bien 15 minutes. Chaque fois que j'entends parler de 30 minutes, je me dis : « Bon sang, une demi-heure. » Et nous venons d'entendre le récit d'une tragédie survenue il n'y a pas si longtemps; un tel délai est beaucoup trop long.

Il y a, selon moi, des raisons qui expliquent pourquoi nous sommes habitués à un délai d'envol de 30 minutes, mais je pense que nous pouvons faire mieux. Je ne sais pas si vous voulez réagir à cette observation.

Capt Hearn : Vous soulevez un bon point, sénatrice.

Cette situation s'explique évidemment, en partie, par le rôle de Cougar à titre de principal fournisseur non seulement de services de transport, mais aussi de services de SAR pour l'industrie pétrolière et gazière extracôtière et, vu le nombre de personnes qui comptent sur ces hélicoptères pour faire la navette entre les actifs en mer, c'est d'une importance capitale. Après l'écrasement de son hélicoptère, Cougar a très vite appris sa leçon.

La différence à Goose Bay, comme vous l'avez très bien expliqué, c'est qu'il s'agit d'une installation militaire servant à une fin précise. La capacité de mobiliser rapidement les hélicoptères est discutable.

J'ai travaillé dans la mer du Nord et dans des secteurs où le délai était de 15 minutes, mais on utilisait également des hélicoptères désignés qui pouvaient atterrir sur des plateformes et qui faisaient partie du réseau de recherche et de sauvetage pour une opération en haute mer à une étape très ultérieure.

Notre défi, c'est la distance. Il n'y a aucune autre industrie extracôtière qui mène ses activités aussi loin et qui fait face à autant de facteurs dangereux, mais cela ne nous empêche pas de poursuivre des activités en haute mer. Nous avons connu de très graves tragédies, mais nous parvenons quand même à surmonter des défis de taille.

Comme vous l'avez expliqué, la capacité de Cougar d'intervenir rapidement tient au fait qu'elle est liée par contrat. Je peux vous assurer que la sécurité est toujours un sujet chaud de discussion à chaque réunion au sein de n'importe quelle association de l'industrie extracôtière, parce que les opérateurs en chantier sont très peu enclins à prendre des risques, ce qui est tout à fait naturel compte tenu de la situation.

Selon moi, une des lacunes des activités aériennes de recherche et de sauvetage à Terre-Neuve, dans notre région, c'est le manque d'aéronefs à voilure fixe. Ces appareils permettent une grande portée, ce qui est très important. Le district desservi par le CCCOS d'Halifax et le Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's, maintenant qu'il est à nouveau ouvert, représente une zone dont 80 p. 100 de la superficie est composée d'eau. C'est une vaste région, et nous devons aussi fournir des services aux navires qui passent par là ou qui se trouvent en périphérie. Par conséquent, les hélicoptères ne peuvent pas se rendre aussi loin.

Je sais que Statoil examine maintenant comment placer un nombre minimal de personnes sur sa plateforme en bordure de la passe Flamande dans le champ de Mizzen, parce qu'elle est hors de portée pour les hélicoptères. Le but est donc de ne pas envoyer de gens sur la plateforme. Et si, que Dieu nous en préserve, quelque chose arrivait à l'hélicoptère? Comment rejoindre cet hélicoptère quand l'autre a déjà atteint sa distance franchissable maximale?

Pour en revenir au point soulevé, je pense que le délai de 15 ou 20 minutes fixé par Cougar est conforme à une norme que d'autres industries ont déjà établie dans d'autres régions. Voilà ce qui s'impose ici. Ce n'est pas une critique contre les forces armées, le ministère de la Défense nationale ou la Garde côtière; ils font de leur mieux avec les ressources dont ils disposent.

À cet égard, une solution consiste peut-être à ramener la Garde côtière sous le giron de Transports Canada et à l'enlever du mandat du ministère des Pêches, car chaque fois qu'il y a un problème de budget, c'est toujours la Garde côtière qui semble écoper sur le plan de la flotte, de l'équipement, de la formation ou du personnel.

La sénatrice Hubley : Merci.

Le président : Sharon, vous avez le dernier mot. Allez-y à fond.

Mme Walsh : Je suis certes rassurée d'entendre les questions et les observations de tout le monde. Évidemment, je suis ici pour parler de la pêche commerciale, mais on ne peut pas vraiment répondre à cette question sans tenir compte du contexte de notre milieu marin local, et je suis tout à fait d'accord avec l'intervenant précédent.

Lors de votre dernier passage à l'hôtel Delta, j'étais présente dans la salle, mais je ne m'étais pas présentée. À l'époque, je travaillais ailleurs et je faisais partie de la commission d'enquête sur l'exploitation extracôtière du pétrole et du gaz et l'écrasement de l'hélicoptère Cougar. Certaines choses m'avaient alors particulièrement interpellée, notamment les conditions absolument désastreuses qui régnaient à l'époque dans une industrie privée. N'oublions pas que c'était le cas jusqu'à l'écrasement, mais l'industrie continue de s'améliorer et elle s'en tire très bien. Il y a encore des améliorations à apporter, comme les opérations de nuit et tout le reste.

L'association de sécurité a recommandé la création d'un comité permanent de l'industrie. Nous l'avons fait en tenant compte de ce genre de questions, car l'industrie pétrolière exploitera ses activités de plus en plus loin des côtes et, comme c'est le cas dans la mer du Nord, nous n'avons pas de plateformes d'atterrissage. Nous aurons besoin de plus de ressources que maintenant. Les activités dans la région s'intensifieront. Nous passerons d'une industrie des mollusques et des crustacées, dont la saison est courte, à une industrie du poisson de fond qui, nous l'espérons, sera active presque à longueur d'année et, enfin, à une industrie pétrolière en pleine croissance plus loin des côtes. Quand on ajoute le transport, les navires de croisière, les bateaux de plaisance et tout le reste, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en ligne de compte.

J'ignore quelles seront les réponses et qui fera quoi. Transférer une entité d'un ministère à l'autre n'est pas, en tout respect, la solution. Dans l'état actuel des choses, si je me fie à mon expérience avec Transports Canada, le ministère réussit bien dans beaucoup de domaines, mais il a l'occasion de s'améliorer dans le dossier de la sécurité; il n'y a aucun doute là-dessus.

Je crois qu'il faut assurer une surveillance et faire preuve d'une vigilance constante, c'est-à-dire vérifier si le plan fonctionne réellement, car les choses changent et, selon moi, c'est ce qui fait défaut. Voilà l'élément manquant dans mon contexte aussi. Comment nous y prendre, peu importe les mesures que nous prenons, pour assurer une surveillance et une vigilance constante dans ce domaine?

Merci.

Le président : Merci, Sharon.

Je tiens à remercier nos témoins. Nous avons dépassé un peu le temps prévu, mais je peux affirmer en toute confiance que l'expérience et l'expertise de nos invités à l'autre bout de la table ne sont pas passées inaperçues aux yeux des membres du comité. Je vous remercie des précieux conseils et suggestions dont vous nous avez fait part aujourd'hui.

Comme je le dis à tous les témoins qui comparaissent devant nous, si vous songez plus tard à toute autre information digne de mention, n'hésitez pas à nous en faire part.

Et nous serons heureux de prendre connaissance de votre mémoire complet, Sharon, si vous voulez nous le faire parvenir.

Merci encore une fois.

Je présente mes excuses au groupe de témoins suivant. Nous sommes un peu en retard, mais les témoignages que nous avons entendus ici aujourd'hui étaient si importants que je ne voulais pas interrompre les gens durant leurs échanges. Nous apprenons sur le tas.

Sur ce, je souhaite la bienvenue à Keith Sullivan et Bill Broderick du Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés, et je suis sûr qu'ils voudront bien se présenter. Je crois comprendre que M. Sullivan a quelques observations préliminaires à faire. Nous commencerons donc par lui, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.

Vous avez la parole, monsieur Sullivan.

Keith Sullivan, président, Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés : Merci beaucoup de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui. Je sais que les témoignages que vous avez entendus sont chargés d'émotion et que la journée a été longue, mais c'est évidemment un sujet très important.

Je m'appelle Keith Sullivan, et je suis président du Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés d'Unifor. J'étais moi-même pêcheur il y a quelques années. Je vais laisser M. Broderick se présenter.

Bill Broderick, directeur des activités côtières, Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et des travailleurs assimilés : Je m'appelle Bill Broderick, et je suis directeur des activités côtières au sein du syndicat depuis 11 ou 12 ans. J'ai été pêcheur presque toute ma vie; j'ai commencé à pêcher le long de la côte du Labrador à un très jeune âge, soit à 13 ou 14 ans, lorsque j'y suis allé pour la première fois. Je participe donc, d'une façon ou d'une autre, à l'industrie de la pêche depuis ce temps-là.

M. Sullivan : Notre syndicat représente environ 15 000 membres à Terre-Neuve-et-Labrador. La plupart d'entre eux travaillent dans l'industrie de la pêche, mais nous comptons également des membres dans beaucoup d'autres secteurs et industries, dont le transport maritime, la fabrication des métaux et l'hébergement.

Je suis sûr que vous aurez déjà compris que la pêche est l'un des métiers les plus dangereux du monde, et j'ai entendu les témoins précédents vous donner la même statistique. Entre 2011 et 2015, 10 pêcheurs ont perdu la vie dans cette province. Bien entendu, 10 décès, c'est beaucoup trop, sans compter les nombreuses blessures — environ 600 cas de blessures ont été signalés. Donc, peu importe les statistiques ou les critères utilisés, c'est un travail extrêmement dangereux.

Les statistiques ne peuvent pas, à elles seules, rendre compte du rôle important que jouent les activités de recherche et de sauvetage maritimes dans l'industrie de la pêche. Même si des progrès considérables ont été réalisés ces dernières années pour investir dans l'amélioration des services de recherche et de sauvetage, il reste beaucoup à faire afin de renverser la dégradation des services que nos membres ont connue au cours de la dernière décennie.

Dans notre province, il n'y a jamais, mais jamais trop de temps qui s'écoulerait entre les rappels indiquant pourquoi nous avons besoin de services de recherche et sauvetage de première classe. Cette semaine, ce sera l'anniversaire de la tragédie de l'écrasement de l'hélicoptère de Cougar, et il y a quelques jours, nous en avons été rappelés encore une fois lorsque des secouristes ont sauvé le capitaine et l'équipage du Northern Provider au large de la côte nord-est de Terre- Neuve. J'aimerais tout d'abord féliciter tous les gens concernés, les pêcheurs, qui ont fait preuve de professionnalisme, et bien évidemment les secouristes, qui ont fait un excellent travail.

Je sais que d'autres personnes ont déjà témoigné et les observations que nous présenterons aujourd'hui ne critiquent aucunement le travail des gens qui participent à la recherche et sauvetage ou les militaires de la Défense. Ils font de toute évidence un excellent travail, comme nous l'avons vu cette semaine. Je tenais à le dire.

Notre syndicat a comme objectif permanent d'améliorer nos lieux de travail. Ce sont les pêcheurs de la province qui ont pris l'initiative, des gens très professionnels et compétents qui améliorent les pratiques en matière de sécurité en mettant l'accent sur la formation dans le domaine de la navigation et des fonctions d'urgence en mer. Déjà 13 000 pêcheurs ont suivi la formation sur les fonctions d'urgence en mer. D'autres cours portent sur l'utilisation des radios et le secourisme en mer, et il faut reconnaître les efforts des pêcheurs professionnels canadiens ainsi que du Fisheries and Marine Institute de l'Université Memorial, dont les représentants viennent de témoigner.

Notre syndicat revendique également la constitution d'une association sectorielle dont l'objectif serait d'améliorer la santé et la sécurité des pêcheurs. Mme Walsh et M. Winslow viennent de témoigner au nom de la Newfoundland et Labrador Fish Harvesting Safety Association. Leur projet a vu le jour à la suite de nombreuses années consacrées à revendiquer une attention spéciale à temps plein qui serait accordée à la sécurité. C'est une association relativement jeune, mais je crois qu'elle fait déjà son effet dans la vie des gens. Ce sont les pêcheurs qui se sont organisés. Ils ont rehaussé les normes en matière de sécurité dans notre province, et c'est au tour maintenant du gouvernement de faire de même dans le domaine de la recherche et sauvetage, le sujet dont nous parlons aujourd'hui.

Nous en sommes à un moment de transition important dans le secteur de la pêche. Il semble que les diverses pêches vont beaucoup évoluer. Nous passons des mollusques et crustacés aux poissons de fond, et bon nombre de facteurs ont profondément changé dans les 25 ans qui ont suivi le moratoire sur la pêche à la morue, et les choses semblent évoluer encore une fois.

Les compressions budgétaires fédérales visant la recherche et sauvetage ont donné lieu à une détérioration de nombreux services. Le gouvernement fédéral actuel a pris des mesures en vue d'améliorer les services de recherche et sauvetage maritime, en y consacrant des fonds, en rouvrant le Centre auxiliaire de sauvetage maritime et en créant des postes de bateau de sauvetage à St. Anthony, à Twillingate et dans la région de Bay de Verde, mais il existe toujours de nombreuses lacunes. Ce sont des mesures positives, mais d'autres s'imposent, notamment la réouverture des centres des Services des communications et du trafic maritimes à St. John's et à St. Anthony.

Les pêcheurs de la province espèrent que le gouvernement fédéral donnera suite à ses engagements en vue d'améliorer la recherche et sauvetage maritime et de s'assurer que des services adéquats sont en place au fur et à mesure que nous faisons la transition vers les nouvelles pêches.

Comme je l'ai dit auparavant, les pêcheurs ont déjà beaucoup investi afin de respecter les nouvelles exigences et la nouvelle réglementation dans le domaine de la sécurité. Depuis le moratoire, Terre-Neuve-et-Labrador a subi une réduction des services des phares et la fermeture des centres des Services des communications et du trafic maritimes. Ces installations offraient des services d'une énorme valeur aux yeux des pêcheurs. La réduction des points de communication dans la province, à laquelle s'ajoute le déplacement des services vers d'autres endroits dans le Canada atlantique, font qu'il y a un manque de communication suffisante et efficace avec les pêcheurs en mer.

Le retour de la pêche aux poissons de fond dans notre province modifiera la façon dont nous concevrons la pêche dans l'avenir. Nous observerons une hausse du nombre des bateaux et les pêcheurs seront en mer pendant plus longtemps. Les saisons seront prolongées. De plus en plus de pêcheurs seront actifs pendant l'automne. Je ne sais pas si ce message a été reçu ailleurs. Soyons clairs : le nombre d'heures que les pêcheurs passeront en mer grimpera en flèche. Nous ferons tout notre possible, mais il est fort probable qu'il y ait plus de cas de gens en détresse dans l'avenir.

Nos services de recherche et sauvetage doivent suivre ces changements, auxquels s'ajoute une intensification des activités de navigation de plaisance et d'exploitation du pétrole et du gaz au large de Terre-Neuve-et-Labrador.

Nos membres ont souligné certains aspects des services de sauvetage et recherche maritime qui doivent être améliorés. La fermeture des centres des Services de communications et de trafic maritimes de St. John's et de St. Anthony s'est fait ressentir par de nombreux pêcheurs. Comme je l'ai indiqué auparavant, les postes de bateaux de sauvetage sont certainement les bienvenus, mais ces postes ne peuvent remplacer d'autres capacités de sauvetage. On ne peut pas dire que puisque nous avons deux bateaux de sauvetage, nous n'aurons plus besoin de brise-glaces ou de bateaux de grande autonomie. Je sais que ce genre de services n'était pas prévu dans les annonces, mais nous devons nous assurer qu'il y a en fait une amélioration des capacités, et non seulement un ajout qui vient compenser une perte.

D'autres témoins ont parlé de l'importance de la Garde côtière auxiliaire canadienne. La plupart de ses membres sont des pêcheurs de la province. Nous savons que la province présente d'énormes défis en raison de son immense littoral et de sa géographie. Dans bien des cas, et je ne sais pas si les statistiques diraient dans la plupart des cas, c'est un bateau de pêche ou un membre de la Garde côtière auxiliaire qui se rend sur les lieux en premier dans les cas de détresse. Si les budgets stagnent et si l'on ne fournit pas aux membres de la Garde côtière auxiliaire de la formation tout d'abord, et ensuite l'équipement dont ils ont besoin pour faire leur travail, il y a un problème. C'est un domaine dans lequel nous pouvons améliorer nos capacités de sauvetage, car les marins qui sont membres de la Garde côtière auxiliaire ont énormément de compétences.

Il importe de consulter les intervenants de l'industrie. Les processus officiels, comme les réunions du Conseil consultatif maritime canadien, sont passés de deux réunions à une seule par année. On vous l'a signalé au moins une fois aujourd'hui. Ces réunions sont l'occasion pour les pêcheurs, c'est-à-dire les gens que je représente, de rencontrer les employés de Transports Canada et des autres organes de réglementation afin de parler des problèmes auxquels ils sont confrontés et de s'y attaquer ensemble. Je vous recommande de rétablir les deux réunions par année, plutôt que d'en avoir une seule.

Mme Walsh, qui représente son association de sécurité, a également indiqué qu'il faudrait constituer un autre forum pour les intervenants du secteur qui met l'accent sur le sauvetage. À mon avis, c'est une bonne idée. C'est une suggestion raisonnable, compte tenu de l'importance du sauvetage pour les résidents de notre province.

Il faut également améliorer les services de météorologie. Nous savons que ce domaine relève d'Environnement Canada, mais vu les régions où travaillent les pêcheurs, il importe qu'ils aient les prévisions les plus exactes possible, car le temps peut bien évidemment gêner les efforts de sauvetage. Compte tenu des changements apportés récemment, il arrive bien souvent que les pêcheurs à l'extérieur de la portée VHF ne puissent pas entendre les communications. Je parle du service automatisé. Les pêcheurs ne peuvent pas entendre les prévisions météorologiques dans ces zones.

Les pêcheurs ont également fait remarquer que les prévisions marines concernent bien souvent des zones immenses. À titre d'exemple, le littoral nord-est va du cap Freels au cap Bald, soit une distance de 200 à 300 kilomètres. Nous savons que les conditions peuvent varier énormément dans ces grandes zones, et il serait peut-être logique de les diviser en plus petites régions.

Voici un autre changement récent qui a causé des problèmes pour les pêcheurs : ne plus avoir accès aux cartes des glaces. Le service est censé être offert à partir de Sydney, en Nouvelle-Écosse. Je n'ai pas encore cerné la cause exacte du problème, mais il faudra le régler immédiatement. Il y a une saison de pêche qui ouvrira bientôt, et nous aurons certainement de grands problèmes liés aux glaces ce printemps.

Comme on l'a déjà mentionné à maintes reprises aujourd'hui, le travail de pêcheur est loin d'être un emploi de 9 à 5. Nous savons que Terre-Neuve-et-Labrador compte un grand nombre d'entreprises de pêche; près de 4 000, si je ne me trompe pas. Dans cette province, la pêche s'effectue beaucoup plus au large que n'importe où ailleurs au pays. Nous savons pertinemment que cet environnement est hostile et souvent imprévisible, et nous savons maintenant qu'il y aura une augmentation considérable du nombre d'heures de pêche dans les années à venir.

Selon ce que nous ont dit nos membres et d'autres intervenants, le plus important, ce serait de garantir un délai d'intervention de 30 minutes en tout temps pour porter secours aux navires en situation de détresse, peu importe l'heure du jour ou de la nuit. Je pense que les gens savent que bon nombre des problèmes surviennent la nuit; on ne choisit pas le moment ni l'endroit de l'urgence. C'est donc quelque chose que nous devons absolument améliorer, et pas seulement dans certaines régions de la province. Il faut être en mesure de déployer des secours rapidement, peu importe le lieu. Que vous soyez au Labrador ou au large des côtes de St. John's, c'est tout aussi important.

Je crois que la sénatrice Hubley en a parlé lors d'une discussion précédente. Nous proposons d'envisager la possibilité de réduire le délai d'intervention de 30 minutes. Dans ces cas, nous savons à quel point le temps est un facteur clé. En fait, quelques secondes peuvent littéralement faire toute la différence entre la vie et la mort; imaginez les minutes, elles sont une éternité.

Comme nous l'avons dit auparavant, nous possédons le plus long littoral au monde et nous faisons face aux conditions les plus difficiles. Nous méritons certainement d'avoir les meilleurs services de recherche et de sauvetage qui soient.

Évidemment, il faudra faire des choix. Nous devrons nous pencher sur le coût des opérations de recherche et de sauvetage afin de déterminer combien il nous en coûtera pour réaliser tout cela. En tant que Canadiens, nous devons évaluer certains éléments et nous demander si nous devons investir dans d'autres secteurs de l'armée, dans un avion de chasse, par exemple, ou imposer les dividendes. Évidemment, tout est une question d'équilibre. Nous en sommes conscients, mais je crois que cette mesure devrait figurer au premier rang des priorités, et je sais que les Terre-Neuviens et les Labradoriens à qui je parle y accordent une très grande importance.

La FFAW est déterminée à collaborer avec tous les intervenants de l'industrie, y compris la Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Safety Association, en vue de renforcer notre sécurité, mais le gouvernement fédéral doit également intensifier ses efforts et investir davantage dans le secteur.

Aux yeux des familles de pêcheurs, il est évidemment crucial d'avoir en place des opérations de recherche et de sauvetage efficaces. Lorsqu'il s'agit d'établir leurs priorités, la santé et la sécurité et, par le fait même, les opérations de recherche et de sauvetage, figurent en tête de liste.

Merci.

Le président : Merci, monsieur Sullivan. À la lumière des discussions que nous avons eues ici aujourd'hui, il n'y a pas de doute que pour les gens que vous représentez à Terre-Neuve-et-Labrador — peut-être la majorité des gens qui pêchent en mer ici dans notre province —, il s'agit d'un enjeu très important. Je vous remercie de votre exposé.

Pour amorcer la période de questions, je vais céder la parole à notre vice-présidente, la sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie de votre exposé. Nous avons recueilli beaucoup d'information, et nous vous sommes tous très reconnaissants pour vos efforts en ce sens.

Vous nous avez présenté un excellent exposé. Dans votre travail au sein du syndicat, à quel endroit pouvez-vous présenter cette information ou défendre les intérêts des pêcheurs?

M. Sullivan : J'ai parlé tout à l'heure d'une tribune qui était offerte à l'échelle fédérale, et c'est le CCMC. J'ai dit que les réunions se tenaient deux fois par année, mais on a récemment réduit la fréquence à une fois par année. C'est une tribune bénéfique. M. Broderick pourrait peut-être en parler, parce qu'il a lui-même assisté à de nombreuses réunions du CCMC. Il s'agissait d'une occasion pour les pêcheurs des différentes régions du pays de pouvoir, d'une part, s'adresser aux responsables de la réglementation, et d'autre part, de discuter entre eux de certaines tendances, que ce soit la possibilité d'acquérir de l'équipement de sauvetage à moindre coût ou de faire appel à un nouveau fournisseur, et ainsi de suite, ce qui est très important. Il est difficile d'évaluer le coût de certaines choses, mais évidemment, plus cela coûte cher, plus c'est difficile de l'obtenir.

La FHSA-TNL, que nous avons appuyée vigoureusement, a parcouru la province et a consulté les pêcheurs et les organismes de réglementation. Cela dit, les pêcheurs eux-mêmes se consacrent à trouver des moyens d'améliorer la sécurité. Si je peux nommer une chose que l'industrie a accomplie ces dernières années et qui a eu une très grande incidence, c'est bien la création de cette association.

Bill, auriez-vous autre chose à ajouter?

M. Broderick : En ce qui concerne le CCMC, la seule chose que nous avons réussi à faire ces 20 dernières années — et je ne sais pas exactement à quel moment on l'a mis en place, mais nous l'avons réclamé pendant longtemps. M. Winslow était là, et son beau-père était l'un des premiers à participer aux réunions du CCMC en notre nom. À l'issue de longues démarches, nous avons pu mettre sur pied un comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche.

Le plus drôle, c'est que maintenant que nous avons passé à travers toutes les modifications à la nouvelle réglementation, on nous laisse entendre que le comité devrait peut-être être éliminé progressivement, car notre travail est fait. Toutefois, rien n'est plus faux. Ce comité doit demeurer en place, parce qu'il y a constamment des questions qui se posent et des éléments dont nous devons discuter.

En fait, M. Dolomount, à qui vous avez parlé récemment, a coprésidé ce comité pendant un certain nombre d'années. Il n'est pas présent aujourd'hui, puisqu'il a démissionné de son poste l'an dernier. Ce poste est d'ailleurs maintenant occupé par une femme de Grand Manan. Je considère que ce comité permanent a réalisé de belles choses, et nous aimerions qu'il poursuive ses travaux.

La sénatrice Hubley : Merci.

Le président : Monsieur Sullivan, vous pourriez peut-être nous donner un aperçu, étant donné que cela revient souvent dans nos discussions, de l'importance de l'industrie de la pêche pour la province. Tout le monde comprend la situation générale, mais j'aimerais que vous nous donniez plus de précisions, à savoir à combien se chiffre ce secteur, le nombre d'emplois qu'il génère, ce qu'il représente du point de vue des ressources naturelles et pourquoi il est si important de veiller à ce que les gens qui gagnent leur vie en mer aient la protection dont ils ont besoin. J'aimerais donc que vous nous donniez plus de précisions à cet égard.

M. Sullivan : Je pense que si vous parcouriez la province, vous auriez probablement une bonne idée de l'importance de l'industrie de la pêche pour la province. C'est d'ailleurs la principale raison pour laquelle la majorité d'entre nous ont abouti ici.

Les gens ont tendance à penser que l'industrie de la pêche est en déclin dans la province. Il est vrai que nous avons connu quelques difficultés récemment, mais ces dernières années, sa valeur, de l'ordre de 1,3 ou 1,4 milliard de dollars par année, n'a jamais été aussi élevée. L'industrie de la pêche a des retombées économiques très importantes.

Les propriétaires ou exploitants utilisent en général des petits bateaux, alors lorsqu'on voit toutes ces collectivités qui longent la côte, on comprend que l'argent qui est gagné ici est aussi dépensé ici. Même si la contribution au PIB de l'industrie de la pêche est nettement inférieure à celle de l'industrie gazière et pétrolière, il n'y a pas de comparaison possible du point de vue de la valeur des emplois.

De façon générale, la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador fournit de l'emploi direct à plus de 20 000 personnes, mais c'est encore beaucoup plus si on tient compte des secteurs connexes, c'est-à-dire les infrastructures nécessaires à la pêche. Par conséquent, c'est le principal moteur économique des régions rurales et côtières de Terre-Neuve-et- Labrador, et nous estimons qu'il a le potentiel de l'être pour encore quelques années.

Le président : Il a été question plus tôt de la construction des navires, plus précisément de la longueur des navires permise. La pêche est en grande partie régie par un système de quotas. On a soulevé à de maintes reprises aujourd'hui des préoccupations relatives à la sécurité, qu'il s'agisse d'un bateau de 25 ou de 50 pieds. Les gens se sentent plus en sécurité lorsqu'ils sont à bord d'un plus grand navire. Parfois, on se retrouve dans une situation où la largeur et la longueur du navire donnent lieu à des questionnements.

Je suis sûr que cette question a déjà été abordée au sein de la FFAW et que vous vous êtes déjà prononcés là-dessus. Vous pourriez peut-être indiquer au comité les préoccupations qui ont été exprimées et où on en est à l'heure actuelle. C'est l'une des choses sur lesquelles nous nous penchons. Avez-vous espoir de régler cette question particulière et, le cas échéant, comment comptez-vous vous y prendre?

M. Sullivan : Tout d'abord, sachez que lorsqu'il s'agit de questions touchant la santé et la sécurité, la Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Safety Association dirait que peu importe la taille du navire, il faut s'assurer d'être en sécurité et d'avoir un environnement de travail sécuritaire. La majorité des gens que nous représentons ont des navires qui mesurent entre 18 et 90 pieds. Nous avons également des membres qui travaillent sur des chalutiers hauturiers et d'autres sur des navires-citernes, dans l'industrie du transport maritime. Je dirais qu'il y a certainement des discussions entourant la longueur des navires. Nous avons observé un accroissement de la longueur des navires il y a quelques années, mais la plupart des pêcheurs n'en sont pas encore à la longueur maximale. Il y a toujours une combinaison de quotas et de pêches concurrentielles qui entre en ligne de compte.

Selon nous, l'essentiel pour l'instant, c'est de s'assurer que peu importe leur longueur, les navires sont sécuritaires. Personne ici n'est en train de dire qu'on n'est pas en sécurité sur un bateau de 25, 30, 45 ou 60 pieds. En fait, tous ces navires pourraient ne pas être sécuritaires pour diverses raisons, par exemple s'ils n'étaient pas dotés d'un équipage suffisant. Il y a donc toutes sortes de facteurs à prendre en considération. Notre objectif est de veiller à ce que tous les navires, quels qu'ils soient, soient le plus sécuritaires possible.

En revanche, lorsque les gens se retrouvent dans une situation comme celle dont il est question aujourd'hui, nous voulons aussi nous assurer d'avoir la capacité de recherche et de sauvetage pour leur venir en aide.

Le sénateur Doyle : Pourriez-vous nous parler de la relation qu'entretient votre organisation avec la Garde côtière dans le contexte des opérations de recherche et de sauvetage? Avez-vous des comités ou des groupes de travail qui communiquent régulièrement avec la Garde côtière concernant la sécurité de l'équipage et leurs besoins? Est-ce que vous entretenez des liens étroits avec la Garde côtière à cet égard, ou si c'est quelque chose que vous envisagez?

M. Sullivan : Je dirais qu'à bien des égards, nous avons pris conscience de la nécessité de communiquer avec l'organisme de réglementation, que ce soit Pêches et Océans Canada, la division de la Garde côtière du MPO ou encore Transports Canada, d'essayer de mettre en place les infrastructures nécessaires et d'affecter les bonnes personnes à ces fonctions. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous avons créé une association de la sécurité, par exemple, qui peut réellement se pencher sur ces enjeux.

Comme vous pouvez vous l'imaginer, bon nombre des autres responsabilités qui incombent à notre organisation — nous connaissons des périodes d'achalandage et des périodes creuses —, y compris la gestion de la pêche, sont très exigeantes en ce moment pour notre organisation. Nous sommes conscients que la sécurité n'est pas un aspect qui peut être pris à la légère, d'où l'importance d'avoir en place l'association de la sécurité, de même que les conseils et les comités.

Nous faisons la même chose par l'entremise de l'Office d'accréditation des pêcheurs professionnels de Terre-Neuve- et-Labrador. Nous collaborons sur des questions relatives à la sécurité avec le secteur gazier et pétrolier, le MPO, la Garde côtière, le ministère provincial des Pêches et des groupes comme One Ocean. Il y a certains endroits plus fréquentés, comme la baie Placentia. On a d'ailleurs créé un comité, dont j'ai oublié le nom, qui regroupe tous les secteurs de la baie Placentia et auquel nous participons. Cela dit, nous sommes actifs dans de nombreuses régions.

M. Broderick : Nous avons pris part à diverses initiatives au fil des années, avant la mise sur pied du comité permanent au CCMC, qui regroupe maintenant la plupart des gens. Les gens de Terre-Neuve se sont rendus là-bas et ont travaillé ensemble. Mais auparavant, nous avions un groupe de travail dont faisaient partie des gens du MPO, de la Garde côtière, de Transports Canada, de l'Institut maritime, de l'Office d'accréditation des pêcheurs professionnels, du syndicat; bref, tous ceux qui avaient un intérêt étaient réunis. Notre collaboration s'est poursuivie au fil des années jusqu'à maintenant. L'association de la sécurité comble en quelque sorte ce vide.

Le groupe en question a pris tellement d'ampleur qu'il a en fait croulé sous son propre poids. Tout le monde voulait en faire partie. Il a cessé ses activités pendant quelque temps, puis on a créé une série de comités qui relèvent maintenant de l'association de la sécurité. Par conséquent, toutes les personnes et tous les groupes intéressés peuvent maintenant y prendre part d'une manière ou d'une autre.

Le sénateur Doyle : Aujourd'hui, nous avons entendu parler des prévisions qui ne sont pas accessibles aux bateaux au-delà de la zone VHF, des cartes qui sont censées provenir de Sydney, en Nouvelle-Écosse, et de l'absence de prévisions fiables. Pourtant, ces éléments sont indispensables à la sécurité. Je n'ai même pas de question à vous poser. Comment cela est-il possible? Il me semble que c'est un petit détail. Les fédérations ou qui que ce soit d'autre devraient intervenir. C'est essentiel pour la sécurité des gens qui naviguent en mer. Comment est-ce possible que ces petits détails, comme je les appelle, ne soient pas encore réglés?

Quelle serait la solution de rechange si on n'a pas accès à des prévisions exactes ou fiables? Si on n'a pas accès aux cartes et ainsi de suite, même si on est à proximité de Sydney, c'est essentiel à la sécurité. Quand on y regarde de plus près, c'est tout à fait inconcevable.

Je n'ai pas de questions à vous poser. Je voulais simplement le souligner.

M. Sullivan : Je suis d'accord avec vous. Le problème est d'abord apparu sur la côte nord-est. J'ai discuté avec des pêcheurs dans la péninsule Northern, et selon eux, cela coïncidait avec la fermeture de la station de communications de St. Anthony. On s'est maintenant engagé à ne pas interrompre le service, mais jusqu'à maintenant, je suppose que cela n'a pas été le cas pour les gens là-bas. Il est difficile de comprendre pourquoi il en est ainsi, mais en ce qui concerne les cartes, il semble que ce soit assez commun.

Le sénateur Doyle : Les cartes des glaces.

M. Sullivan : Oui, les cartes des glaces en particulier, et les prévisions météorologiques qui peuvent en fait être prises en charge par les pêcheurs.

Le sénateur Doyle : Depuis combien de temps cette situation dure-t-elle?

M. Sullivan : Il me semble que cela fait quelques années.

Compte tenu de tous les problèmes avec lesquels les pêcheurs sont aux prises, ce n'est probablement pas la première chose dont ils se plaignent. Lorsqu'on leur demande de nous en parler, ils nous répondent qu'ils se débrouillent, mais évidemment, la situation est loin d'être idéale.

Le sénateur Doyle : Merci.

Le sénateur Christmas : J'allais justement soulever la même question que le sénateur Doyle, que j'essaie en fait moi- même de comprendre : les prévisions météorologiques et les cartes des glaces précises à notre époque. Cela permettrait de réduire le nombre d'opérations de recherche et de sauvetage, alors je suis un peu surpris par ce que j'entends.

J'ai une deuxième question. Je ne suis pas un pêcheur. Comme vous l'avez dit, monsieur Sullivan, il devrait y avoir un retour de la pêche au poisson de fond, et dans votre déclaration, vous avez parlé des saisons prolongées et du plus grand nombre d'heures passées en mer. Pourriez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Quelle serait l'incidence d'une saison de pêche au poisson de fond prolongée sur la disponibilité opérationnelle des services de recherche et de sauvetage dans la province? Autrement dit, étant donné que la saison sera plus longue, est-ce que vous anticipez une augmentation du nombre d'incidents et, par conséquent, un besoin accru de ressources? Pourriez-vous nous expliquer plus longuement dans quelle mesure la pêche au poisson de fond pourrait influer sur les opérations de recherche et de sauvetage dans la province?

M. Sullivan : La réponse courte serait oui. Plus de temps passé en mer, particulièrement à l'automne, pourrait donner lieu à plus d'incidents. Je considère que nous prenons beaucoup de mesures pour les éviter et faire en sorte que les gens soient plus prudents.

Je m'explique. On pêchera plus longtemps en mer parce que la pêche des poissons de fond, de la morue, du sébaste, et cetera devrait exiger plus de main-d'œuvre. Le marché exigera de les pêcher l'année durant. C'est à ce moment-là que le marché demandera un produit de plus grande valeur. C'est l'automne qu'on capture certains poissons de fond de qualité maximale. C'est là aussi que les rendements et les textures du produit sont les meilleurs. La pêche sera donc plus intense l'automne.

Tous ceux qui connaissent la météo de Terre-Neuve savent que, l'automne, elle se dégrade et que les tempêtes se font plus fréquentes, ce qui rend beaucoup plus difficile la pêche en mer. C'est à peu près comme ça dans la plupart des endroits au Canada. Voilà pourquoi, essentiellement, je dis que nous devons mieux nous préparer et améliorer nos capacités de recherche et de sauvetage.

Le sénateur Christmas : On peut aussi penser à l'éventualité d'une ouverture du marché européen aux produits de la pêche. Comme les produits terre-neuviens sont de qualité, je suis convaincu que la demande européenne augmentera, ce qui me fait entrevoir une intensification de la pêche, non seulement à cause du poisson, mais aussi à cause d'une demande renouvelée.

Donc, si vous prévoyez une croissance de la pêche des poissons de fond à Terre-Neuve, il faut aussi prévoir d'augmenter la capacité d'intervention pour assurer la sécurité nécessaire à cette activité.

Merci.

Le président : Allez-y, Bill.

M. Broderick : J'ai une observation à faire sur ce que j'appelle un environnement changeant. Le réchauffement planétaire se manifeste certainement ici et, je le suppose, ailleurs dans notre pays. Par exemple, je constate que le temps est devenu beaucoup plus venteux, cet hiver. C'est vrai le printemps et l'automne, parfois même l'été, mais l'automne certainement. Il est toujours question, entre autres choses, de vents de 100 kilomètres à l'heure. Je suppose que c'est un nouveau phénomène. Comme on dit en certains endroits de la province, ce n'était pas comme ça dans le bon temps. Je pense que Norm a déjà entendu cette belle expression, n'est-ce pas?

Le sénateur Doyle : C'est ce qu'on dit à Conception Bay.

M. Broderick : Conception Bay.

L'environnement change. Comme vous l'avez fait observer, vous et Keith, relativement à la plus longue saison de pêche des poissons de fond, alors que le crabe et la crevette se pêchaient en seulement un mois ou deux, le plus vite qu'on pouvait, ce sera plus long pour les poissons de fond. On entrevoit une saison de pêche de huit mois. Des pêcheurs iront donc en mer pendant des périodes de l'année où la météo n'est pas aussi belle qu'en juillet ou en août. Ce sera à cause de la demande du marché, mais pas seulement, et il faudra aussi tenir compte de la capacité des usines d'absorber la production de la pêche. Tous ces facteurs joueront.

Je voudrais aussi revenir au problème de la prévision, parce que j'entrevois aussi un facteur, la longueur des côtes. Vous disiez, comme Keith, que les côtes est et nord-est de Terre-Neuve ont des centaines de kilomètres de longueur. Sur la côte est, du cap Race au cap Freels, il pourrait faire très beau dans la baie de Bonavista, d'où je viens, mais, sur la côte sud, le vent soufflant en tempête pourrait empêcher la sortie du port. Les pêcheurs des baies situées plus vers le large pourraient sortir en mer, mais si, pour la côte est, on prévoit une tempête, on rate l'occasion. Il n'est pas impossible de faire porter les prévisions sur de petites régions, grâce à la technologie, comme le disait Norm.

On croirait que, à ce chapitre, on ne pourrait pas retourner en arrière. Mais, à l'étonnement général, nous ne semblons pas évoluer dans certains domaines à la même vitesse que le reste du monde.

Le souhait que j'ai le plus entendu est qu'on puisse s'adresser à quelqu'un au bureau météorologique de Gander. Pas besoin qu'il soit accessible à tout le monde, mais si, dans un port, quelqu'un lui parlait, ses tuyaux pourraient se propager assez vite.

Nous n'avons plus de service. Combien de fois, dès quatre heures du matin, j'ai parlé à ce type pour essayer de comprendre si le temps était propice à une sortie en mer. C'était une source précieuse de renseignements.

Il y a aussi l'époque des gardiens de phare. Combien de fois nous ont-ils informés sur la direction des glaces et leur destination, Twillingate, la pointe Long ou le cap Freels, l'île Gull? Ces observateurs étaient informés bien avant le gars dans son bateau.

Au fil du temps, le service s'est dégradé, mais il faut plutôt s'attendre vraiment à une aggravation des états de la mer. Nous pourrions avoir de meilleurs instruments sur nos navires, mais cela ne change rien à l'état de la mer, et nous avons besoin des services fédéraux auxquels nous avons été accoutumés. Ils se sont beaucoup dégradés et, parfois, pour des économies de bouts de chandelle. Avec un peu plus d'argent, on pourrait changer beaucoup de choses.

Le sénateur Doyle : Excellent conseil.

Le président : Merci beaucoup, messieurs Sullivan et Broderick. Le groupe que vous représentez a beaucoup contribué à nos discussions. Votre secteur est très important pour notre économie, et nous accueillons certainement vos observations avec satisfaction. Je répéterai ce que je dis à tous : toute idée qui pourrait vous venir, n'hésitez pas à nous la communiquer. Je tiens à vous remercier pour vos exposés.

M. Sullivan : Je vous remercie de votre écoute. Comme je l'ai dit, la journée a été bien remplie, et il s'est communiqué beaucoup de renseignements.

Le président : Je tiens à accueillir maintenant M. Merv Wiseman. Il expliquera certainement qui il est, mais nous avons sa notice biographique. C'est une vieille connaissance, qui aura certainement de bons mots pour les services de recherche et de sauvetage à Terre-Neuve-et-Labrador, un savant et un expert très volubile, comme la plupart des habitants de la province.

Vu vos antécédents, nous sommes ravis de vous accueillir et d'entendre votre exposé. Vous avez la parole.

Merv Wiseman, coordonnateur de sauvetage à la retraite, Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's, à titre personnel : Merci beaucoup de votre gentillesse. Je suis ravi de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans pour discuter de la recherche et du sauvetage au Canada. J'espère ne pas trop me répéter, étant convaincu que vous voulez éviter le radotage après tant d'heures d'audience.

Mon rôle de coordinateur de la recherche et du sauvetage en mer au Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's, le CSSM, pendant 20 ans, m'a permis de réfléchir à certains aspects du métier. De même, 15 années passées à titre d'agent du Service de trafic maritime, le STM, qu'aujourd'hui on appellerait les Services de communication et de trafic maritimes, plus de l'expérience de la navigation en mer sur des navires de commerce et des bateaux de pêche, tout cela me donne du bagage supplémentaire sur la question générale de la recherche et du sauvetage dans les eaux canadiennes et, plus précisément, celles qui baignent Terre-Neuve et le Labrador.

La totalité des activités de recherche et de sauvetage au Canada embrasse une vaste superficie, qui déborde même à l'extérieur du Canada. Au moins 85 p. 100 de tous les incidents de recherche et de sauvetage au Canada surviennent en mer. Les traités internationaux confient au Canada des obligations internationales importantes, ce qui a des conséquences importantes dans les eaux contiguës à toutes les côtes du pays, dans l'Arctique et dans les cours d'eau intérieurs, notamment les Grands Lacs.

Au Canada, Terre-Neuve-et-Labrador est la province dont le littoral est le plus long, 29 000 kilomètres, et c'est l'un des littoraux les plus longs du monde, baigné par les eaux les plus imprévisibles et les plus hostiles. On trouve aussi dans cette province la plus grande flotte de pêche du Canada, à laquelle est attribuable plus de 90 p. 100 de l'activité nationale de pêche par de petits bateaux, et cet aspect a de l'importance. C'est l'une des plus grandes flottes de bateaux transatlantiques à parcourir les eaux proches de son littoral.

La province possède l'une des plus importantes industries d'exploration du pétrole en mer au Canada, dont on prévoit la forte expansion. On y transporte aussi beaucoup de passagers par bateau, ce qui comprend des supertraversiers et une industrie naissante du tourisme en paquebots de croisière. La navigation de plaisance, qui n'est pas en reste, est en plein développement.

Depuis longtemps, les enquêtes et les études sur les tragédies maritimes dans les eaux de cette province ont préconisé l'intensification des opérations de recherche et de sauvetage, y compris leur coordination étroite avec toutes les activités dont je viens de parler.

En moyenne, 500 incidents par année exigent la coordination de la recherche et du sauvetage dans les eaux de Terre- Neuve et du Labrador, le taux le plus élevé de détresse au Canada. La probabilité d'une catastrophe maritime majeure est plus grande dans ces eaux que partout ailleurs au Canada. La capacité de notre pays de gérer ou de coordonner dans ces eaux les opérations pendant une catastrophe maritime majeure présente un risque dangereux, par suite de la fermeture du Centre secondaire de sauvetage maritime. La fermeture des centres des SCTM comme ceux de St. Anthony et de la radio de Garde côtière de St. John's est une érosion importante qui s'ajoute à celles qui ont frappé les infrastructures de la recherche et du sauvetage. L'annonce récente de remise en fonction du centre secondaire, d'ici 2018, est visiblement une mesure d'atténuation dans un système de recherche et de sauvetage gravement dégradé.

Malgré ces annonces récentes, il faut examiner le processus de décision qui a conduit à ces fermetures, afin de mettre au point des mesures de sauvegarde pour en empêcher la répétition. À l'époque, on avait prétexté des progrès technologiques qui permettaient de se passer de services dédoublés de coordination au centre secondaire.

Le Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's a été établi après des années d'études approfondies, par plusieurs ministères, et après beaucoup de tragédies maritimes et d'enquêtes ultérieures. Il a été établi, entre autres choses, pour fournir les compétences et l'expertise locales sur fond de caractéristiques dialectales, géographiques, culturelles, météorologiques et environnementales et d'autres variables régionales, mais pas pour combler un vide technologique. Rien n'est arrivé depuis pour changer la donne.

L'augmentation de l'efficacité des régions de recherche et de sauvetage grâce à la coordination des opérations a toujours été le principal prétexte de la rationalisation du centre secondaire de St. John's et de Québec. La coordination de la recherche au centre secondaire de St. John's a toujours visé la prise de décisions efficaces sur des questions de vie et de mort en milieu marin, sans se donner la technologie comme principal objectif. On a néanmoins fermé ce centre, soudainement, en 2012, sans étude, analyse, ni même consultation minimale préalables des usagers ou du grand public.

Le système canadien de recherche et de sauvetage a déjà été considéré comme l'un des plus grands dans le monde, mais, depuis, le Canada glisse derrière les pays les plus industrialisés dans ses capacités de réaction. Le délai d'intervention pour la recherche et le sauvetage au Canada s'est retrouvé loin derrière celui de beaucoup de nations novatrices. La disponibilité pendant les heures creuses de la journée, les congés et les fins de semaine est très inférieure aux normes internationales. La perte d'infrastructures opérationnelles, comme les centres des SCTM, le relâchement d'organismes de prévention comme le Bureau de la sécurité nautique et la non-modernisation des flottes de la Garde côtière canadienne, tous ces facteurs se sont combinés pour aboutir à une situation déjà troublante pour la recherche et le sauvetage au Canada.

L'annonce récente de la réouverture du Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's a été accompagnée de l'annonce de projets très nécessaires d'infrastructures pour les établissements de première ligne, notamment des postes de bateaux de sauvetage nouveaux et modernisés ainsi que des ensembles personnalisés de remorquage pour les navires de la flotte de la Garde côtière. L'annonce d'améliorations supplémentaires à un centre secondaire de sauvetage maritime rouvert à St. John's laisse entrevoir une meilleure collaboration avec les parties prenantes sur les mesures de prévention. L'absence de protocoles cohérents et de programmes opérationnels pour le suivi des opérations de recherche et de sauvetage par l'organisme chargé de la sécurité maritime au Canada, c'est-à-dire Transports Canada, peut s'insérer dans le mandat d'un tel centre amélioré. Une meilleure reddition des comptes pour les opérations de recherche et de sauvetage, grâce à leur surveillance, est aussi une extension nécessaire de la notion de prévention, actuellement inexistante ou, au mieux, gravement malmenée.

Enfin, je ferais preuve de négligence grave si je taisais l'influence de la direction du ministère des Pêches et des Océans sur la recherche et le sauvetage dans les eaux de Terre-Neuve et du Labrador, particulièrement par les restrictions qu'elle impose au tonnage des bateaux de pêche. La pêche est de beaucoup l'activité commerciale la plus dangereuse au Canada et dans le monde. Les statistiques sur la recherche et le sauvetage établies par le centre secondaire de recherche et de sauvetage pendant son existence montrent que plus de 70 p. 100 de tous les incidents de recherche et de sauvetage dans les eaux de Terre-Neuve et du Labrador concernaient la pêche. De plus, la plupart de ces incidents et des pertes de vie connexes ont frappé la flotte des petits bateaux de pêche, et Terre-Neuve est le port d'attache d'environ 90 p. 100 de tous les petits bateaux de pêche exploités au Canada.

Une analyse plus poussée a montré que les plans et les modifications mis en vigueur par le ministère des Pêches et des Océans et touchant la sécurité des bateaux de pêche, pour l'application des règles limitant le tonnage des bateaux, ont conduit à en diminuer dangereusement la stabilité, au point de causer en mer des accidents évitables. Si, de plus, trop de bateaux sont obligés de pêcher dans des conditions qui ne sont simplement pas adaptées à leur taille, cela devient intenable pour la sécurité et exige de la direction du ministère une solution pour changer les règles dysfonctionnelles.

Manifestement, beaucoup de problèmes que j'ai soulevés dans mon exposé se prêtent à une discussion et à une analyse beaucoup plus élargies. Pour ne pas prendre trop de votre temps, je conclus en vous invitant à me questionner ou à me demander des précisions sur les points que j'ai soulevés sur la recherche et le sauvetage à Terre-Neuve et au Labrador ainsi que dans l'ensemble du Canada.

Le président : Merci, monsieur Wiseman, et merci aussi pour les renseignements de base supplémentaires que vous avez communiqués au comité. En les parcourant rapidement, j'y ai trouvé amplement matière à réflexion.

La parole est à la vice-présidente du comité, la sénatrice Hubley.

La sénatrice Hubley : Merci, monsieur Wiseman, d'être ici et merci pour votre exposé.

L'une de nos inquiétudes que nous causaient la recherche et le sauvetage, l'industrie même, provenait de l'étendue de son mandat. Il est arrivé des cas de confusion sur les responsabilités : étaient-elles fédérales ou provinciales? On a parfois eu l'impression que le système fonctionnait en raison du dévouement des acteurs, pas nécessairement parce que tous les moyens qui auraient dû être accessibles l'étaient effectivement. Ainsi, pour clarifier la notion de sauvetage maritime, quand cesse-t-il d'être maritime? Quand le reste-t-il? Quand faut-il faire appel à un autre organisme? Je voudrais vous entendre.

Ensuite, d'autres pays ont des programmes de recherche et de sauvetage. Je me demande si vous avez des remarques à formuler sur ce que vous avez vu ou ce que vous savez de programmes que vous estimez exemplaires par leurs réalisations.

M. Wiseman : Merci pour la question.

Quand j'étais coordonnateur de la recherche et du sauvetage, je n'ai franchement pas constaté beaucoup de confusion entre les rôles et les responsabilités de, disons, un centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage et le Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's. Parce qu'il était qualifié de secondaire, je pense qu'il est souvent arrivé qu'on le croie subalterne par rapport au centre conjoint, mais là n'était pas le problème. Nos rôles étaient clairement définis, de même que les zones géographiques de notre ressort. Je pense que, en général, ces définitions et nos obligations en matière de coordination internationale étaient assez efficaces.

Je crois que la confusion vient de ce que les protocoles établis pour les activités en mer étaient différents de ceux qui visaient les activités terrestres. Je pense que c'est de là que vient une bonne partie de la confusion. Franchement, je n'ai jamais réussi à comprendre pourquoi il n'y a pas d'approche plus harmonisée pour les activités en mer et les activités terrestres.

Je me souviens très bien de la situation de Burton Winters. J'étais en service au Centre secondaire de sauvetage maritime, à ce moment-là, car il n'était pas encore fermé. Nous ne pouvions rien faire, car c'était une intervention terrestre. Nous ne savions pas que l'incident s'était produit en mer, sur les glaces qui se déplaçaient, et je me disais : « Mon Dieu que j'aimerais pouvoir participer aux décisions. » D'après moi, nous n'avons pas pu mettre à profit notre compréhension et notre évaluation de ce qui se passait, et cela a pu produire un effet négatif sur le résultat final.

Je me souviens que six mois avant, quand nous avions compétence, trois personnes de Makkovik, d'où Burton Winters était originaire, s'étaient retrouvées coincées parce que leur bateau avait été submergé au large du cap Harrison, sur la côte du Labrador. Je venais d'entrer en service, à 21 heures, et j'ai pris l'appel. Ces types étaient mouillés, ils étaient en danger, et nous avions compétence pour leur sauvetage, dans ce cas, à St. John's.

Je connais d'ailleurs très bien le cap Harrison. J'ai déjà pêché là, une fois, quand j'étais jeune. En cinq minutes, nous avions un hélicoptère qui décollait de Gander. J'ai immédiatement demandé un aéronef à voilure fixe, et 15 minutes après, il décollait. Tout a commencé à 19 heures, et à minuit le même soir, nous cueillions trois personnes sur le rivage rocheux pour ensuite les déposer à Makkovik.

Si nous avions mis en œuvre les mêmes protocoles et normes que ceux qui ont été appliqués au cas de Burton Winters, nous aurions eu trois autres décès dans la collectivité de Makkovik. C'est triste, mais cela témoigne de ce que nous pouvons faire pour améliorer cela. C'est ce que j'ai à dire à ce sujet.

À l'échelle internationale, c'est généralement accepté. En Grande-Bretagne, par exemple, l'état de disponibilité est de 40 minutes, 24 heures par jour, 7 jours par semaine, qu'il s'agisse de jours fériés ou pas, dans le ciel et en mer. En Norvège, c'est 15 minutes; en Australie, une demi-heure. Donc, dans certaines des nations les plus progressistes qui ont des côtes, ils sont là, et ce, 24 heures par jour, 7 jours par semaine.

Nous faisons une grande distinction par rapport aux ressources aériennes. Les bâtiments maritimes sont prêts à prendre la mer en 30 minutes, de toute façon, 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Cependant, pour les interventions aériennes, à 16 heures, nous fermons tout pour quelques heures, puis le temps de réponse est de deux heures, comme les fins de semaine et les jours fériés, chose que je n'ai jamais vraiment comprise, outre que c'est coûteux. C'est sûr qu'un régime d'attente est coûteux dans ce cas.

Si vous me le permettez, je vais en dire encore un peu plus en réponse à votre question. Nous avons parlé de la situation relative au Cougar. Je pense qu'on a mentionné cela aujourd'hui. J'arrivais vers la fin de l'exposé. C'est un excellent service — cela ne fait aucun doute —, mais on ne peut contester la fonctionnalité que confèrent au régime d'attente les aéronefs à voilure fixe. Avoir un Cougar en état de disponibilité de 20 minutes à St. John's est un peu dysfonctionnel, car il existe une norme qui exige la couverture d'aéronefs à voilure fixe pour toute unité de recherche et sauvetage qui est prête à s'élancer. Il m'est souvent arrivé de voir l'hélicoptère de Gander se poser à St. John's pour faire le plein, et devoir attendre qu'un aéronef à voilure fixe arrive de Greenwood avant de prendre la direction d'une grave situation se déroulant en mer. C'est fou.

Il est arrivé souvent que cette couverture par un aéronef à voilure fixe nous vienne d'une ressource secondaire, Provincial Airlines, par exemple. J'ai souvent dit : « Nous avons Provincial Airlines, qui est engagée en vertu d'un marché de services fédéral, pour la surveillance environnementale, au large de notre côte. Pourrions-nous avoir un arrangement normalisé qui nous permettrait de compléter ce que nous avons à St. John's au lieu d'avoir la présence du MDN, de la force aérienne, à St. John's? Pouvons-nous faire quelque chose de ce genre? » C'est une énorme lacune qu'il faut combler, si nous voulons que cela fonctionne comme il se doit.

Je suis désolé de la longueur de ma réponse.

La sénatrice Hubley : Merci.

Le président : Les longues réponses ne nous dérangent pas. Nous voulons simplement des réponses, et ce type d'information nous est absolument essentiel.

Le sénateur Doyle : Merv, on nous a beaucoup parlé du délai d'intervention, du délai de préparation au décollage, et on ne peut que présumer que la Garde côtière souhaite aussi vraiment réduire le délai de préparation au décollage. Est- ce que des études ont été menées à ce jour pour déterminer si nos délais sont acceptables ou conformes aux attentes suggérées par la commission, quand elle se penchait sur l'écrasement de l'hélicoptère? Sinon, le temps est-il venu de mener une étude exhaustive?

M. Wiseman : Nul doute que oui. C'est une excellente question. Je suis dans le domaine depuis très longtemps, et j'ai entendu parler de trucs interministériels qui se produisent, mais il n'y a jamais eu d'engagement public complet, de divulgation publique complète de ce qui se passe. Je sais qu'il y a eu des explications de la part des hautes sphères du gouvernement au sujet du coût élevé de ce processus, et je comprends cela, mais il n'y a jamais eu de détails, dans la perspective du public, d'engagement public et de divulgation complète. Sincèrement, nous avons besoin de cela.

J'ai été un peu déçu de l'enquête du juge Wells. Elle a donné lieu à d'excellentes recommandations, mais je trouve que cela aurait dû former une grande partie du cadre de référence de cette étude, ce qui n'a pas été le cas.

En fait, avec la coordination des opérations de sauvetage venant directement à la suite de la fermeture du Centre secondaire de sauvetage maritime, dans le contexte de tout ce qui se passait avec les SCTM, quand on a demandé au juge Wells de réagir à la fermeture du centre, il a répondu : « Ma foi, je ne peux pas parler de cela; ce n'était pas dans le cadre de référence de l'étude. » Voyons, les gars; il est temps d'inclure cela dans le cadre de référence.

Le sénateur Doyle : Quelqu'un a mentionné aujourd'hui que la Garde côtière n'était pas bien placée, sur le plan de la gouvernance; qu'elle ne devrait probablement pas être liée aux Pêches, mais plutôt aux Transports. Est-ce que cela aurait des effets sur l'efficacité des opérations d'une manière ou d'une autre?

M. Wiseman : Je ne sais pas où il faut la placer, mais je peux vous dire qu'il y a un large fossé entre la prévention, la sécurité et les incidents de recherche et de sauvetage, et le suivi qui est requis pour empêcher que les incidents se produisent de nouveau. La situation est très grave.

Honnêtement, j'ai constaté qu'il y a de la détérioration. Je suis entré à la Garde côtière en 1976, et j'ai constaté une énorme détérioration. La responsabilité des questions de sécurité incombait en fait à la Garde côtière canadienne. C'est ce qu'on appelait la « sécurité des navires ». Cette responsabilité lui incombait.

Nous disons maintenant que la Garde côtière pourrait relever de Transports Canada. Ce ministère s'occupait essentiellement de la fonction de sécurité des navires. Cela fonctionnait très bien. Nous avions un Bureau de la sécurité nautique dont personne ne parle. Il était en fait géré par le MPO, et non par Transports Canada, mais c'était dans le cadre d'un protocole d'entente selon lequel Transports Canada leur permettait d'établir des liens, de discuter et de collaborer avec tous les gens du domaine de la prévention, que ce soit les organisations maritimes ou autres. Tout était là. Pendant la réorganisation et la restructuration, tout est retourné à Transports Canada. Au bout de deux mois, Transports Canada a dit : « C'est tout. Nous coupons cela. Ce n'est plus nécessaire. »

Je sais aussi que, pour les incidents très graves de recherche et sauvetage, le mécanisme que nous devrions avoir et qui se trouve dans le manuel des opérations de recherche et sauvetage est un rapport des opérations de recherche et sauvetage. On appelle cela un rapport des opérations SAR. La production d'un tel rapport dépend entièrement de la volonté du commandant des opérations de recherche et de sauvetage. Nous en produisions souvent, mais le système était exposé au public et les médias se saisissaient de ces rapports pour en faire du sensationnalisme, je crois. Je ne sais trop. Quoi qu'il en soit, on a décidé, au ministère, de cesser la production des rapports SAR, et il ne se fait plus de reddition de comptes. Nous n'avons pas de groupe de surveillance. Dans bien des cas, nous ne savons pas ce qui se passe en recherche et sauvetage. L'utilisateur, le public ne sait tout simplement pas ce qui se passe dans bien des cas.

Le Bureau de la sécurité des transports, qui se penche sur bien des décès et des accidents dans tous les secteurs, a comme critère de ne pas normalement faire de rapport si les accidents impliquant des bateaux ne causent aucune victime. Pour les accidents impliquant des bateaux de plaisance, ils font rarement des rapports.

De l'autre côté, on tient tout cela pour acquis. Nous avons des rapports sur les opérations de recherche et sauvetage, et le Bureau de la sécurité des transports produit des rapports sur les incidents évités de justesse. Cela n'a tout simplement pas d'importance, mais comment allons-nous corriger la...

Le sénateur Doyle : Est-ce qu'on tient des statistiques?

M. Wiseman : Oui, mais cela se perd dans tout le reste. Nous obtenons rarement une divulgation complète et publique.

Quand j'étais aux opérations de recherche et sauvetage, j'avais de bons renseignements de l'intérieur qui faisaient que j'étais au courant de tout. Avec le temps, en quelques mois, tout cela a fini en queue de poisson et je ne pouvais rien savoir de ce qui se passait en recherche et sauvetage. J'ai vu de graves situations et constaté des lacunes dans la coordination des opérations de sauvetage prise en charge par le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Terre-Neuve-et-Labrador. Je les ai constatées, je les ai documentées, mais j'ai perdu mes contacts et je n'avais personne à qui m'en remettre sur le plan de la supervision, alors qu'il aurait dû y avoir de la supervision; je ne savais pas ce qui se passait. Le public ne sait tout simplement pas, en général, ce qui se passe là-bas, et je pense qu'il faut corriger cela.

Le sénateur Doyle : D'accord.

Vous avez mentionné dans votre fiche d'information que le Canada s'écarte nettement de son engagement relatif aux ressources d'intervention SAR maritime primaire consacrées entièrement à la disponibilité et qu'il mise de plus en plus sur les navires de passage et sur la polyvalence. Que voulez-vous dire?

M. Wiseman : Quand j'ai commencé en recherche et sauvetage, nous avions un état de disponibilité très discipliné et strict, et il y avait toujours un navire bien équipé pour accomplir ce qui était nécessaire. Graduellement, nous avons constaté que la plupart des choses auxquelles les principaux navires servaient se sont mises à être confiées par défaut à la Garde côtière auxiliaire canadienne. N'allez pas croire que je n'aime pas la Garde côtière auxiliaire. C'est excellent pour eux, mais il y a de la place pour les deux. J'ai trouvé qu'on avait déséquilibré les choses entre les deux, et c'est généralement devenu un moyen de réduire les coûts.

Si vous regardez les statistiques disponibles, vous verrez que maintes et maintes fois, les navires principaux de recherche et sauvetage ne sont pas opérationnels, étant au port parce qu'on essaie d'économiser le carburant ou autre chose. C'est ce qui se produisait.

Le Sir Wilfred Grenfell a été conçu et construit exclusivement pour servir de native principal de recherche et sauvetage. C'était sa seule utilité, et il a été conçu à cette fin, en particulier pour les interventions au large des côtes, entre autres pour éteindre les incendies sur les plateformes pétrolières, au moyen de ses énormes canons. On l'a mis en rade pendant plus d'une année, sans tenir compte des risques de désastres maritimes au large, pour lesquels le navire aurait pu servir. C'est un navire principal de recherche et sauvetage.

Nous avons toutes ces obligations internationales concernant les navires transatlantiques, et il y a divers exemples de gros vraquiers endommagés faisant leur entrée dans la baie St. Mary's ou ailleurs, près de dériver jusqu'au rivage, sans aucune capacité commerciale de les remorquer. Le Sir Wilfred Grenfell pouvait faire tout cela, mais on l'a mis en rade pour un an. C'est ce qui vous explique mes propos.

Le sénateur Doyle : Oui. Naturellement. Merci.

Le sénateur McInnis : Bienvenue.

En ce qui concerne le Labrador, quel est le type d'enjeu, d'après vous? En tant que spécialiste venu témoigner, vous êtes censé tout savoir, alors j'ai beaucoup de latitude concernant les questions que je peux vous poser, et je veux saisir cette occasion. Quel est le plus important enjeu concernant les opérations de recherche et sauvetage au Labrador?

Je veux aussi signaler un accord de coopération dans l'Arctique qui a été conclu en 2011 et que le Canada a signé. C'est un accord sur la coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans l'Arctique, mais j'inclurais aussi le Labrador. En 2015, il y a deux ans, ils ont créé le Forum des gardes côtières de l'Arctique, qui leur permet de s'échanger de l'information sur les opérations de recherche et sauvetage. Dans quelle mesure la 5e Escadre Goose Bay a-t-elle participé à cette étude, à votre connaissance, qu'avons-nous appris, et dans quelle mesure participons-nous? Nous apprenons souvent d'autres pays, grâce à ce qu'ils font. Certains sont plus avancés que nous, alors que d'autres le sont moins. Pouvez-vous nous parler de l'accord de coopération, pour le Labrador en particulier, étant donné qu'il se trouve un peu à l'extérieur du secteur visé?

M. Wiseman : Permettez-moi de vous dire, concernant votre première observation, qu'Oscar Wilde a un jour été mis au défi par un jeune étudiant à une conférence universitaire à propos d'une chose que l'étudiant pensait qu'il aurait dû savoir. Je pense qu'Oscar Wilde, vers la fin de la soixantaine, à ce moment-là, avait dit : « Écoutez, je ne suis pas assez jeune pour tout savoir. » Je pense que c'est aussi mon cas.

Le sénateur McInnis : Touché.

M. Wiseman : Je sais que c'est un problème en suspens, et je sais que l'étude a été réalisée, mais l'essentiel n'en a pas été rendu public, et il n'y a pas eu de bonne participation du public à ce sujet.

Je sais que divers groupes se sont penchés sur l'ouverture de l'Arctique à une plus grande activité commerciale en raison des changements climatiques et ainsi de suite, et ont dit : « Nous devons nous préparer et comprendre la dynamique de ce qui se produit là-bas. » Il faut dépoussiérer ce genre d'étude et travailler à la mettre à jour.

À ma connaissance, le travail a été réalisé il y a bien plus de 10 ans. On en a mentionné de petits éléments au fil du temps, mais il faut le moderniser. Encore là, il faut une plus grande participation du public et des intervenants à cette fin.

La portée de ce travail doit englober un examen de la question que vous venez de poser. On a clairement établi que la 5e Escadre Goose Bay est très bien placée pour combler en partie les lacunes, compte tenu en particulier des caractéristiques géographiques. Le cas de Burton Winters est un exemple concret. C'est la distance et la proximité par rapport à un incident qui a influé sur le résultat. Je crois fermement que la 5e Escadre devrait être intégrée dans un plan opérationnel qui prévoirait un état de disponibilité supérieur, un état de préparation qu'il n'y a pas à cet endroit en ce moment.

Nous étions en très mauvais état, et l'incident qui a causé la mort de Burton Winters illustre très bien cela. Cela se produit tout le temps. Si nous savions à quel point la préparation est déficiente, je crois que nous aurions peur à l'idée de ce qui se passe sur les côtes, où il y a de plus en plus d'exploitation minière, entre autres, et de prélèvement d'autres ressources en mer, et ainsi de suite. Il faut ce travail, qui n'est pas là pour le moment. Nous ne pouvons pas prendre de décisions intelligentes avec ce que nous avons maintenant, mais nous pouvons au moins nous fonder sur ce qu'ils ont amorcé, et nous devons empêcher de tels événements.

Le sénateur McInnis : D'après ce que nous entendons, les groupes d'intérêt — l'association des pêcheurs, le syndicat, la Garde côtière auxiliaire — semblent tous essayer par des moyens novateurs d'exercer des pressions et de signaler au gouvernement ce dont ils ont besoin. Ont-ils épuisé tous leurs moyens? N'est-ce pas maintenant entre les mains du gouvernement et ne s'agit-il pas de demander des sommes dans un document?

Comme je l'ai peut-être déjà mentionné ici aujourd'hui — je l'ai certainement fait depuis mon arrivée à Terre-Neuve —, la pêche est la plus importante source de revenus provenant des ressources naturelles de la province, et Ottawa en reçoit une grande partie. Ce n'est pas le cas en Nouvelle-Écosse, d'où je viens; là-bas, c'est plutôt l'industrie forestière. Donc, si c'est le cas ici, pourquoi ne donne-t-on pas aux gens de Goose Bay et d'ici, en général, à Terre-Neuve ce dont ils ont besoin? Pourquoi?

M. Wiseman : Je pense que ce sont des raisons politiques, dans une large mesure.

Le sénateur McInnis : Pardon?

M. Wiseman : Je pense que ce sont en grande partie des raisons politiques. On l'a dit, on le répète, et les témoins précédents l'ont dit aussi. Nous avons parlé du Conseil consultatif maritime canadien, par exemple. C'est un organisme de Transports Canada qui a été établi dans le cadre de lois pour que les intervenants collaborent à tous ces égards. Or, malgré l'existence d'un comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche, par exemple, au CCMC dont je parlais plus tôt, tout ce qui devait être dit a été dit, mais cela n'a rien changé. Il semble que cela n'ait pas fait écho chez les bureaucrates ou au gouvernement.

J'ai vraiment travaillé avec ardeur au CCMC pendant la fermeture du Centre secondaire de sauvetage maritime. Je me souviens d'avoir pris la parole devant 500 membres du CCMC — capitaines, propriétaires de navire, le dirigeant de Transports Canada, le dirigeant de la Garde côtière — et d'avoir demandé non seulement qu'on garde le Centre secondaire de sauvetage maritime ouvert — et j'utilise l'exemple du CSSM pour illustrer mon point de vue —, mais également qu'on fasse l'analyse ou l'étude qu'il faut pour que des décisions intelligentes soient prises. Aucune décision intelligente n'a été prise lorsque nous avons fermé le Centre secondaire de sauvetage maritime, ce qui nous amène aux questions que vous posez.

Pourquoi les choses se passent-elles de cette façon? Je l'ignore. C'est frustrant. Cela m'exaspère, et je crois que cela exaspère la population. Je pense qu'en commençant à travailler dans le système, on se rend compte que la situation ne fait que s'aggraver.

Le sénateur McInnis : Le sénateur Doyle en a parlé à deux ou trois reprises aujourd'hui, et je commence à lui donner raison. Je ne crois pas qu'on accorde à un organisme du ministère des Pêches et des Océans, ce qu'est la Garde côtière, l'importance qu'il mérite. La preuve, entre autres, c'est que le Bureau de la sécurité des transports a proposé des changements à la nouvelle réglementation. Il a fallu 24 ans à Pêches et Océans pour qu'ils soient publiés dans la Gazette et mis à la disposition du public afin d'obtenir les commentaires des gens. Cela en dit long. S'il s'agit d'un organisme et non d'une entité distincte — je ne crois tout simplement pas que ce soit au bon endroit.

Si nous avions un organisme distinct et un conseil d'administration qui pouvait tenir des rencontres régulièrement et qui incluait des représentants du secteur, cela conviendrait et donnerait une voix à la recherche et sauvetage au pays. C'est très important. Elle n'en a pas présentement.

Lorsque des fonctionnaires de Pêches et Océans Canada ont comparu devant nous, je leur ai posé la question suivante : pourquoi vous a-t-il fallu 24 ans pour le faire? Eh bien, ils m'ont dit « nous ne pouvions pas communiquer avec les pêcheurs, ce n'est pas facile; comment les rassembler? » Eh bien, je n'ai jamais vécu cela.

Quand je pratiquais le droit en Nouvelle-Écosse, j'ai eu affaire à beaucoup d'associations de pêcheurs, et je n'ai jamais vécu une telle chose. Il n'est pas difficile, surtout de nos jours, d'utiliser la technologie. On n'a qu'à appuyer sur un bouton. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Wiseman : Des millions de fois; c'est indéniable. Il faut qu'il y ait une séparation. Je pense que les choses, comme vous les décrivez, ne fonctionnent tout simplement pas.

Je me souviens qu'au début de la collaboration entre le Comité permanent sur la sécurité des bateaux de pêche, le Syndicat des pêcheurs, de l'alimentation et travailleurs assimilés et tous les groupes d'intervenants, je travaillais beaucoup avec la Garde côtière canadienne pour réunir ce groupe de gens. Je faisais beaucoup de recherches et de publicités sur la sécurité et tous les éléments qui constituent le fondement des activités du conseil de la sécurité aujourd'hui. J'y ai largement contribué, et nous réussissions tellement bien. En fait, dans les travaux que nous avons menés, pour la première fois depuis que ces données sont compilées, nous avons passé deux ans, soit de 2002 à 2004, sans qu'il n'y ait de décès accidentel dans l'industrie de la pêche à Terre-Neuve-et-Labrador — les deux seules années où, grâce à ces travaux, nous n'avons pas enregistré de décès dans l'industrie des bateaux de pêche. Les choses fonctionnaient tellement bien que Transports Canada m'a détaché à Ottawa en me demandant si je voulais faire la même chose à l'échelle nationale. J'ai accepté.

Une fois là-bas, il m'a dit « Merv, vient ici; je dois te montrer quelque chose. » Je l'ai rejoint à sa fenêtre et il m'a indiqué que le directeur général du MPO, un des haut placés, se trouvait là. Puis, il m'a dit que cela faisait huit mois qu'il essayait de le rencontrer et qu'il n'avait pas encore réussi. Il regardait sa fenêtre et disait que l'un de ses premiers objectifs était de le rencontrer. Nous étions tellement débranchés sur cette question, et nous nous demandons pourquoi la situation de la sécurité s'aggrave?

En ce qui concerne le dossier des bateaux de pêche en tant que tel, il y a le fait que le MPO ne prend pas en considération certaines des choses qui se disent au sujet des restrictions sur la taille des bateaux. Écoutez, je vais parler des choses telles qu'elles le sont, car je sais que des personnes ont perdu la vie parce qu'elles pêchaient à bord d'un bateau trop petit. Trois personnes sont décédées à la baie Placentia pour cette raison, et je ne donnerai qu'un exemple.

Au cours de l'été de 2015, trois personnes sont mortes dans un canot à moteur de 23 pieds alors que leur palangrier de 45 pieds était attaché à un quai à environ 3 milles plus loin parce qu'on ne leur permettait pas de l'utiliser pour tirer leurs engins de pêche. Ces gens sont morts à cause de cela, carrément, et il y a d'autres cas comme celui-là.

Pour une raison inconnue, le MPO ne nous écoute pas. Il croit qu'il doit administrer la gestion des petits bateaux et les restrictions quant à la taille.

Ce qui se produit, c'est que des bateaux sont utilisés dans des zones dans lesquelles ils ne devraient pas se trouver. J'ai participé à la rédaction d'un rapport sur la sécurité des petits bateaux de pêche pour la recherche et sauvetage. Des cadres supérieurs m'avaient chargé de le faire, et nous avons constaté que des modifications s'annonçaient concernant les petits bateaux. Ils voulaient aller encore plus loin au large ou mener d'autres types de pêche parce qu'il y avait un mouvement où nous passions de la pêche de la morue à la pêche de la crevette et du pétoncle. Le MPO leur disait qu'afin de respecter les règles, il leur fallait enlever six pouces à la proue et deux pouces à la poupe, ce qui représente des coûts d'environ 50 000, 60 000 ou 70 000 $. Il leur disait qu'il était interdit de pêcher là-bas dans un bateau mesurant plus de 35 pieds, et il s'avérait que leur bateau mesurait 35 pieds et 6 pouces. Cela coûte une fortune.

Ce faisant, cela a tellement perturbé la flottabilité et la stabilité de ces bateaux que nous avons enregistré de nombreux accidents, que Transports Canada a aussi enregistrés. Pourtant, lorsque le Bureau de la sécurité des transports présente des rapports sur ces accidents, le ministère ne fait rien à cet égard. Cela me dépasse.

Lorsque l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur la baie Placentia a été menée, la principale conclusion, c'était qu'il y avait des lacunes et des écarts graves dans la culture de sécurité des bateaux de pêche, que les pêcheurs faisaient preuve d'imprudence, et cetera. On ne mentionnait rien au sujet de la restriction sur la taille des bateaux.

Peu importe où se situe le syndicat aujourd'hui, et j'emploie le mot « aujourd'hui » au sens large, je ne comprends pas pourquoi il ne se montre pas plus insistant sur ce point précis. Il a ses raisons. Je ne les connais pas, mais il y a des exemples concrets qui montrent que les restrictions visant la taille des bateaux causent des accidents et des décès.

Une étude irlandaise a été menée en 1996, et voici le facteur important. Voilà qu'aujourd'hui, c'est à Terre-Neuve-et- Labrador que sont menées 90 p. 100 des activités de pêche à bord de petits bateaux au Canada. L'étude indique que plus le bateau impliqué dans un incident est petit, plus le risque qu'il y ait des décès est grand. Oui, la sécurité est nécessaire sur tous les bateaux, quels qu'en soient le type ou la taille, mais je peux vous assurer que lorsqu'un incident se produit, plus le bateau est petit, plus il risque d'y avoir des décès. C'est une donnée importante. Nous devrions faire le point et faire quelque chose au sujet de cette terrible restriction.

Le sénateur McInnis : Merci.

Le sénateur Christmas : Monsieur Wiseman, au cours des derniers jours, on a dit que l'une des raisons invoquées par le gouvernement pour justifier les réductions, c'est la technologie. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'une de vos observations. Je vais la lire dans l'intérêt du comité. Voici ce que vous dites au sujet du Centre secondaire de sauvetage maritime de St. John's : « il a été établi, entre autres choses, pour fournir les compétences et l'expertise locales sur fond de caractéristiques dialectales, géographiques, culturelles, météorologiques et environnementales [...], mais PAS pour combler un vide technologique ». Vous dites ensuite que « la coordination de la recherche au centre secondaire de St. John's a toujours visé la prise de décisions efficaces sur des questions de vie et de mort en milieu marin, sans se donner la technologie comme principal objectif ». C'est la première fois que j'entends une réplique solide aux arguments invoqués par le gouvernement concernant l'utilisation de la technologie pour les réductions. Pouvez-vous en dire plus sur l'importance du facteur humain à l'échelle locale, qui change la donne en recherche et sauvetage?

M. Wiseman : Je vous remercie de le soulever. J'étais simplement stupéfait que l'on parle de la technologie comme substitut.

Vous savez ce qui s'est passé? Durant mon avant-dernière année au Centre secondaire de sauvetage maritime, le nombre de coordonnateurs de sauvetage est passé de un coordonnateur présent en tout temps à deux. Pourquoi? C'était en raison de la complexité de la technologie intégrée au centre.

La technologie, plutôt que d'être intégrée dans les centres des SCTM, par exemple, dans bien des cas, nous était envoyée directement. Nous recevions des appels sur des téléphones cellulaires que nous ne recevions jamais auparavant. Tout était filtré en quelque sorte, et à ce moment-là, cela se rendait directement à nous.

De plus, il y avait tant de différentes possibilités en technologie, comme les RLS et différentes autres technologies que je n'ai pas le temps d'énumérer ici. Ces aspects complexes étaient tellement importants qu'il nous fallait penser aux responsabilités si nous n'intervenions pas dans ce type de situations.

Une chose qui me frappait vraiment, c'est que très souvent, nous pouvions recevoir des appels d'une personne se trouvant au large de l'île Green. Le dialecte de la personne m'indiquait qu'elle était au large de l'île Green dans la baie Fortune. Il y a environ 40 îles Green différentes à Terre-Neuve, au nord, au sud, et ainsi de suite. Donc, de laquelle s'agissait-il? Le dialecte nous a permis de déterminer la position de la personne en détresse. C'est majeur; c'est important. Nous avions plusieurs de ces exemples, et nous avons perdu cela.

Lorsque la fermeture du Centre secondaire de sauvetage maritime a été annoncée, je me rappelle avoir reçu un appel d'une de mes bonnes amies, Christine Gallard, une coordonnatrice de sauvetage du CCCOS Halifax qui était sur le point de prendre sa retraite. Elle m'a dit que ce qui l'inquiétait, ce n'était pas le français. Cela n'avait jamais constitué un problème pour elle, car elle comprenait le français et était complètement bilingue. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas comprendre les Terre-Neuviens. Elle l'a dit avec son cœur; elle était vraiment sincère. Elle m'a dit « je vais prendre ma retraite plus tôt; je veux partir ».

Bien souvent, comme la flottille de pêche de la côte Sud de Terre-Neuve, de François, dans la baie Fortune, et d'autres zones, se déplaçait jusque dans la zone du banc Hamilton, et durant l'été, elle menait ses activités de pêche ailleurs, elle traversait la frontière séparant notre zone de celle du CCCOS. Bien souvent, je recevais un appel. On me disait « Merv, nous avons reçu un appel d'un navire terre-neuvien et nous ne comprenons pas ce que la personne nous dit ». Alors, tout de suite nous intervenions et c'était quelque chose de courant. Un gouvernail s'était brisé et la personne avait besoin d'un peu d'aide, et je me suis dit « quel est le problème? » Or, nous devions faire ce type de traduction, je le jure. Nous avons perdu cela.

Pour ce qui est des conditions environnementales et météorologiques et de l'état des glaces, je me souviens d'une situation qui s'est produite à Bonavista Bay au cours des six premiers mois qui ont suivi notre fermeture. Des chasseurs de guillemots s'y sont rendus et ont essayé de revenir. De la glace s'était formée et elle était trop épaisse. Ils ne pouvaient pas revenir. Le bateau était coincé. Évidemment, ils ne pouvaient pas sortir, car 20 pieds plus loin, il pouvait y avoir une faille, et ils ont dû rester là toute la soirée. Finalement, les hélicoptères Cormorant de Gander sont allés les secourir. L'observation qu'a faite le CCCOS, c'est que si un bateau est coincé, il est certain qu'on peut sortir et marcher. J'ai donc regardé — c'était six heures.

Dans l'un de mes dossiers, j'ai dit « heureusement, personne ne s'est noyé ». C'était une situation dans laquelle on aurait pu charger un traversier de se rendre en deux heures, et on ne l'a pas fait parce qu'on croyait que la situation n'était pas... Donc voilà certaines des caractéristiques locales dont je parle, et il y en a tant d'autres.

Lorsque nous avons perdu le centre de sauvetage de St. John's, nous avons fait le calcul : 150 années d'expérience collective avaient été construites et s'étaient envolées; cela n'a pas été remplacé au CCCOS et ce n'était tout simplement pas possible.

Le sénateur Christmas : Merci, monsieur Wiseman.

Le président : Encore une fois, Merv, merci beaucoup. Comme je l'ai dit, nous prenons très au sérieux vos années d'expérience et votre expertise. Vos conseils et vos suggestions seront certainement inclus dans notre rapport.

Comme je l'ai dit à d'autres témoins ici aujourd'hui, si vous vous apercevez qu'il y a des choses que vous auriez voulu nous dire, n'hésitez pas à communiquer avec nous. Au nom du comité, je veux vous remercier d'être venu comparaître ce soir. Vous nous avez communiqué de vastes connaissances et nous vous en sommes reconnaissants.

M. Wiseman : Merci beaucoup. J'apprécie vraiment tout cela.

(La séance est levée.)

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