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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 12 - Témoignages du 28 mars 2017


OTTAWA, le mardi 28 mars 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 18 h 1, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue, tout le monde, et nous nous excusons de commencer aussi tard, mais nous avons dû attendre que le Sénat s'ajourne avant de pouvoir ouvrir la séance.

Bonsoir, tout le monde. Je suis Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis ravi de présider la séance de ce soir. Avant de céder la parole à nos témoins, j'aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant par la sénatrice juste à ma droite.

La sénatrice Unger : Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Plett : Je suis Don Plett, du Manitoba.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l'Ontario.

Le président : Merci, sénateurs. Le comité poursuit l'étude du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

Nous sommes ravis d'accueillir des représentants de l'organisation Aquariums et zoos accrédités du Canada ce soir, M. Bernard Gallant, membre du conseil d'administration, et Susan Shafer, directrice générale. Merci de votre temps, et encore une fois, nous nous excusons de commencer tard et nous vous remercions de votre patience.

Au nom des membres du comité, je veux certainement vous souhaiter la bienvenue et vous remercier d'être ici aujourd'hui. Je crois savoir que vous avez préparé des déclarations liminaires, madame Shafer, et les membres du comité vous poseront des questions par la suite. La parole est à vous.

Susan Shafer, directrice exécutive, Aquariums et zoos accrédités du Canada : Merci beaucoup. Bonsoir, membres distingués du Comité. Je veux commencer par vous remercier de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui sur cette importante question et de pouvoir contribuer à la discussion.

Je m'appelle Susan Shafer et je suis la directrice générale de l'organisation Aquariums et zoos accrédités du Canada. L'organisation AZAC a été fondée en 1976 et représente aujourd'hui les principaux parcs zoologiques et aquariums du Canada. Nous comptons 33 membres, dont cinq aquariums et un certain nombre d'institutions ayant des collections terrestres et aquatiques. Plus de 12 millions de personnes visitent nos institutions chaque année. En plus de nos 33 membres, nous comptons environ 250 membres professionnels.

Les aquariums et les zoos jouent un rôle essentiel dans notre société par la façon particulière dont ils contribuent à l'éducation, à la recherche et à la conservation. Aucune autre organisation ou institution ne peut établir des relations affectives entre les humains et la nature comme le font les zoos et les aquariums.

Les zoos et les aquariums accrédités du Canada font partie de la collectivité mondiale à l'origine de certains des plus remarquables cas de réussite en matière de conservation, et je mentionne ici les efforts déployés pour sauver le putois d'Amérique et la marmotte de l'île Vancouver qui ne sont désormais plus en voie de disparition.

Quiconque s'interroge sur les fondements éthiques et moraux des aquariums et des zoos les trouvera dans le potentiel de transformation des rapports personnels établis entre les humains et les animaux.

Grâce à la recherche scientifique et en stimulant l'établissement de liens émotionnels, les installations d'AZAC inspirent une nouvelle génération de protecteurs de la nature qui mèneront d'autres recherches, réhabiliteront d'autres habitats, réintroduiront plus d'espèces et mobiliseront plus de gens.

Toutefois, si le projet de loi S-203 est adopté, en ce qui concerne les baleines et les dauphins du moins, ce travail prendra fin et ces liens seront coupés. En criminalisant les activités de recherche, d'éducation et de conservation visant les cétacés, ce projet de loi mettrait fin non seulement à d'importantes recherches, mais aussi aux liens et aux cheminements personnels qui pourraient un jour aider à préserver les bélugas ou les baleines noires, tout comme ils l'ont fait dans le cas du putois d'Amérique.

La mission d'AZAC consiste à promouvoir l'évolution continue des zoos et des aquariums canadiens, eux qui, il y a 50 ans, se limitaient à mettre des animaux en montre et qui, aujourd'hui, sont des intendants de la biodiversité respectueux de l'éthique.

Nos normes d'accréditation ont évolué elles aussi au cours des années : elles mettaient autrefois l'accent sur les opérations, la gestion et la sécurité, mais elles traduisent maintenant le principe selon lequel les aquariums et les zoos accrédités ont un rôle vital à jouer lorsqu'il s'agit d'appuyer la conservation des espèces.

L'accréditation donnée par AZAC annonce que les institutions la recevant sont résolues à respecter des normes de classe mondiale relatives au bien-être des animaux, aux soins vétérinaires, aux installations physiques et à la santé et à la sécurité, aussi bien que des stratégies claires d'éducation et de conservation, non pas parce qu'elles s'y sentent obligées, mais parce qu'elles croient que c'est ce qu'il faut faire.

Les Canadiens peuvent aussi être sûrs qu'en vertu de l'accréditation conférée par AZAC, une institution membre peut faire l'objet d'une enquête et devoir rendre des comptes conformément à nos procédures établies en matière d'éthique et de conformité, quand des préoccupations et des questions sont soulevées.

Au moyen d'un modèle d'amélioration continue, nous examinons et enrichissons régulièrement nos normes pour faire en sorte que notre organisation et ses membres soient des chefs de file dans les milieux zoologiques et qu'ils méritent l'autorisation sociale de fonctionner.

Dans l'esprit de ce principe, AZAC a intégré dans ses normes les lignes directrices du Conseil canadien de protection des animaux pour veiller sur les mammifères marins. Ces lignes directrices ont été établies après une étude de 10 ans et elles constituent le cadre le plus exhaustif du monde qui soit fondé sur les connaissances scientifiques, pour la garde des mammifères marins.

Le projet de loi S-203 écarterait les 10 ans de recherches indépendantes que le gouvernement du Canada lui-même a commandées pour créer ce recueil monumental de lignes directrices, lesquelles dépassent de loin ce qui existe par ailleurs à l'échelle mondiale, même chez nos voisins américains.

Alors, vous vous demandez sans doute pourquoi l'accréditation est importante, étant donné l'existence d'une supervision fédérale et provinciale. Vous serez sans doute surpris d'apprendre que, hormis les lignes directrices du CCPA sur la garde des mammifères marins, notre pays n'a aucune approche nationale cohérente sur la protection des animaux exotiques sous la garde d'êtres humains. Sans mécanismes structurés de coordination et d'échange de l'information, nous n'avons plus qu'un salmigondis de politiques, de lois et de règlements qui varient d'une province ou d'un territoire à l'autre au Canada, non seulement quant à leur portée, mais aussi quant à la façon dont ils sont mis en application.

Nous sommes en désaccord avec les parrains de ce projet de loi quant au chemin qu'ils ont choisi de suivre, mais nous sommes d'accord avec eux sur ce qui suit : les cétacés sont des créatures qui, dans nos installations comme dans la nature, méritent notre respect et nos soins continus et en ont besoin. C'est pourquoi nous avons des membres qui ont emprunté une voie les amenant à étudier, à protéger et à guérir ces animaux, à toujours chercher à en comprendre et à en déchiffrer les comportements, et à éduquer la génération montante de manière qu'une nouvelle cohorte de scientifiques et de protecteurs de la nature leur succède pour poursuivre leur cheminement. Nous vous exhortons à dégager cette voie et à la tenir ouverte devant eux.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, madame Shafer. Monsieur Gallant?

Bernard Gallant, membre du conseil d'administration, Aquariums et zoos accrédités du Canada : Bon après-midi, distingués membres du comité. Je m'excuse, mais je vais devoir partir à 18 h 45 pour pouvoir attraper mon vol, sinon je ne pourrai pas retourner chez moi.

Je m'appelle Bernard Gallant. Je siège au conseil d'administration d'AZAC depuis quatre ans et demi et à la Commission d'accréditation depuis trois ans et demi. Je possède une expérience de plus de 30 ans dans le secteur zoologique et je suis actuellement coordonnateur du Zoo de Magnetic Hill à Moncton, au Nouveau-Brunswick, lequel est accrédité par AZAC depuis 1993.

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier de m'avoir invité à contribuer à cette discussion importante. Je vous remercie, Susan, de m'avoir donné cette occasion.

J'aimerais profiter de cette occasion pour expliquer en détail le processus d'accréditation d'AZAC. Sachez tout d'abord qu'AZAC offre le seul processus indépendant et expert d'accréditation et d'inspection des institutions gardant des animaux exotiques au Canada. Le processus à suivre pour obtenir l'accréditation d'AZAC est ardu : il exige en moyenne sept mois à partir du moment où la demande est faite jusqu'à ce que la Commission d'accréditation rende sa décision. Bien qu'il y ait des centaines de zoos et d'aquariums au Canada, seulement 33 ont montré, au cours du processus d'inspection, qu'ils peuvent respecter les normes d'AZAC.

Chaque année, AZAC coordonne des inspections périodiques indépendantes pour ses membres institutionnels existants demandant le renouvellement de leur accréditation et pour les nouvelles installations demandant à démontrer leur engagement à respecter les normes de classe mondiale relatives au bien-être des animaux.

Avant de faire l'objet d'une inspection sur place, les requérants doivent présenter divers documents à AZAC, y compris des renseignements sur leurs finances, leurs politiques, leurs collections d'animaux, leurs programmes, leurs protocoles de fonctionnement et leurs expositions.

Une fois ces documents examinés, trois experts indépendants des domaines de la gestion des animaux, des opérations et de la médecine vétérinaire exécutent une inspection sur place. Le processus d'inspection appliqué par AZAC repose fondamentalement sur l'expérience et l'expertise de ces inspecteurs : ils apportent au processus une compétence que les représentants locaux de la SPCA n'ont malheureusement pas.

Ces inspecteurs évaluent non seulement le bien-être des animaux dont le requérant a la garde, en se souciant de savoir si celui-ci répond aux besoins des animaux pour assurer leur bien-être physique et psychologique, mais aussi les soins de santé leur étant prodigués, leur sécurité et l'enrichissement de leur vie. Les inspecteurs évaluent aussi les politiques et les protocoles, notamment en ce qui concerne la sécurité, la sûreté, l'acquisition et l'aliénation des animaux, en même temps que les documents financiers et la tenue des dossiers sur les opérations quotidiennes.

Enfin, les inspecteurs évaluent l'incidence des programmes de conservations et d'éducation pour établir si leurs contributions sont significatives et si elles correspondent à l'esprit de la mission d'AZAC.

À la fin de chaque inspection, une entrevue de clôture donne à l'équipe d'inspecteurs indépendants une occasion de remettre au requérant une liste des éléments qui ne sont pas conformes aux normes d'AZAC et de fournir des opinions sur les moyens à prendre pour améliorer les choses à ces égards. La Commission de l'accréditation accorde l'accréditation seulement si elle estime que le requérant a bien remédié à tous les problèmes qui persistent et si l'installation est conforme aux normes d'AZAC. Si le requérant ne montre pas qu'il respecte les normes, l'accréditation d'AZAC ne lui est pas accordée.

L'accréditation d'AZAC est valide pour cinq ans, mais nous ne souscrivons pas à l'idée qu'une institution ne doit être évaluée qu'une seule fois pendant cette période. Nous comprenons la nécessité fondamentale d'avoir des freins et des contrepoids en place pour faire en sorte que tous nos membres respectent l'esprit et la lettre de l'accréditation conférée par l'organisation.

La politique d'AZAC sur l'entrée en vigueur exige de toutes les installations membres qu'elles examinent toutes les nouvelles normes et politiques de l'organisation dans les 30 jours suivant leur adoption et qu'elles y satisfassent. En vertu de cette politique, le chef de la direction d'une installation doit signer chaque année une lettre d'attestation déclarant que celle-ci est en conformité avec toutes les politiques et normes existantes d'AZAC. Ce processus fait en sorte que les installations accréditées soient conformes aux exigences d'AZAC et que celles qui ne le sont pas puissent être repérées et assujetties à notre régime établi de mesures disciplinaires progressives.

Le bien-être des animaux confiés aux soins de nos institutions membres est primordial pour nous. Chaque allégation formulée contre une de nos installations accréditées est prise au sérieux et est examinée au moyen des mécanismes d'AZAC en matière d'éthique et de conformité. L'organisation a adopté des mesures qui lui permettent d'assujettir une institution accréditée à un examen ou à une inspection n'importe quand au cours de la période de cinq ans si des problèmes se posent, y compris la violation éventuelle des règles d'éthique.

Nous examinons régulièrement nos mécanismes disciplinaires pour garantir que les installations accréditées par AZAC représentent un groupe distinctif d'institutions zoologiques soucieuses de respecter une norme d'éthique supérieure, et nous demandons à quiconque qui a observé quelque chose de préoccupant d'en informer notre bureau national.

Je vous remercie de votre temps et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur Gallant et madame Shafer. Comme d'habitude, nous allons commencer la période de questions avec la vice-présidente.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à vous deux d'être parmi nous ce soir et de témoigner sur cette question importante.

Dans votre déclaration, vous avez mentionné qu'AZAC est d'avis que ce projet de loi criminaliserait les activités de recherche. Le sénateur Moore a clairement dit, au comité et au Sénat, que ce n'est pas le cas. Pour plus de certitude, il a proposé que le projet de loi soit amendé pour clarifier que les restrictions relatives aux importations et aux exportations ne s'appliquent qu'aux cétacés vivants et au matériel de reproduction pouvant être utilisé dans les activités d'élevage en captivité. Que pensez-vous de cet amendement selon lequel les restrictions relatives aux importations et aux exportations ne s'appliquent qu'aux baleines et aux dauphins vivants ou au matériel utilisé dans les activités d'élevage en captivité?

Mme Shafer : Dans les meilleures circonstances, nous aimerions qu'aucun amendement ne soit apporté au projet de loi car nous ne voulons pas qu'il soit adopté.

En ce qui concerne la criminalisation des activités de recherche sur les cétacés, nous devons avoir la capacité de travailler avec des populations qui ont été élevées en captivité. C'est parce que si nous examinons les mammifères marins à l'état sauvage qui ont été sauvés, leur santé est la priorité, et vous pourriez ne pas avoir de populations. Donc, restreindre l'importation et l'exportation d'animaux captifs réduit vraiment le bassin d'animaux qui sont disponibles pour assurer la biodiversité et la santé des populations.

La sénatrice Hubley : Pour faire suite à vos remarques, y a-t-il un nombre précis de baleines et de dauphins dont vous avez besoin pour mener vos analyses ou vos recherches?

Mme Shafer : Cela dépend vraiment des chercheurs et de ce qu'ils étudient.

M. Gallant : Certaines recherches peuvent être effectuées avec très peu d'animaux, un ou deux, selon la nature des recherches, mais d'autres requièrent un échantillon plus important. Il est un peu difficile de faire des travaux de recherche sur un animal, si vous étudiez la population, alors c'est pourquoi il faut parfois un échantillon plus important.

La sénatrice Hubley : J'aimerais poser, si vous le permettez, une autre question sur le processus d'accréditation. Vous avez mentionné les inspections, que l'organisme AZAC fait une inspection d'accréditation, et cette accréditation est valide pendant cinq ans, mais vous n'avez pas précisé si d'autres inspections sont effectuées durant cette période de cinq ans. Quelle est votre politique sur les inspections subséquentes? Comment déterminez-vous le moment de faire des inspections complémentaires? Est-ce des inspections aléatoires ou des inspections en réponse à des plaintes?

M. Gallant : C'est un peu des deux. Par exemple, si c'est une nouvelle institution et qu'elle obtient l'accréditation, la période sera de deux ans et demi parce que c'est une nouvelle institution pour l'organisation AZAC.

Si nous recevons des plaintes, quelles qu'elles soient, nous effectuerons des inspections et des suivis. Nous prenons très au sérieux toutes les plaintes que nous recevons à propos de nos installations. Si une plainte est déposée à propos d'une installation en particulier, nous l'examinerons, puis nous procéderons à une inspection s'il y a lieu. Tout dépend du problème.

La sénatrice Hubley : Vous avez fait remarquer que les inspecteurs seraient trois zoologistes indépendants. Est-ce exact?

M. Gallant : C'est exact.

La sénatrice Hubley : Serait-il possible, par exemple, qu'un aquarium fasse partie de l'équipe chargée de l'inspection d'un autre aquarium? Comment sélectionnez-vous les personnes qui feront l'inspection, et dans quelle mesure leur décision doit-elle être indépendante?

M. Gallant : Habituellement, nous formons une équipe de trois personnes. La première est un vétérinaire. Nous voulons quelqu'un qui œuvre dans le champ médical. Les deux autres sont des experts qui se spécialisent dans l'élevage des animaux. Par exemple, pour ma part, j'ai une expertise concernant les serpents, les reptiles et les grands félins. C'est ce que j'étudierais. Mais dans le cas d'un aquarium, nous essaierons de trouver une personne spécialisée dans ce domaine. Et la troisième personne travaille généralement en gestion. De façon générale, la situation financière de l'institution est-elle solide? Nous ne pouvons pas fermer les portes d'une installation parce qu'elle n'a plus d'argent. Cette troisième personne examinera si l'institution a de bonnes assises financières.

On ne se limite pas qu'à ces trois personnes. S'il y a des problèmes, les membres de l'équipe peuvent communiquer avec des professionnels qui œuvrent dans notre univers. Donc, s'ils ont des questions, ils peuvent contacter d'autres personnes et leur dire, « C'est la question que nous voulons examiner ». Nous commençons avec ces trois personnes. Ils élaborent le système d'accréditation et ils font rapport à la commission, mais ils peuvent faire appel à n'importe quel expert.

La sénatrice Hubley : Y a-t-il une façon pour le public de savoir comment s'est déroulée une inspection, qui est l'inspecteur responsable et quels ont été les résultats obtenus, ou est-ce plutôt à l'AZAC qu'il revient de décider de divulguer ou non cette information? Y a-t-il moyen de savoir ce qui se passe après la tenue d'une inspection? A-t-on mis en place un système de rapports?

M. Gallant : Nous avons un système de rapports au sein de la commission, et nous indiquons aux membres ce que nous avons constaté et quelles sont nos préoccupations. Nous leur laissons ensuite le choix de décider ce qu'il convient de faire. Par exemple, lorsque notre établissement a été accrédité, nous en avons parlé. Nous avons dit que nous avions bien réussi et qu'il y avait quelques petits problèmes à régler. Il revient à chaque établissement de décider de communiquer ou non cette information.

Le sénateur Plett : Merci à vous deux d'être ici aujourd'hui. D'abord et avant tout, on nous a dit à quelques reprises que le projet de loi S-203 toucherait principalement deux établissements, c'est-à-dire l'Aquarium de Vancouver et Marineland. Sont-ils tous deux membres de l'AZAC?

Mme Shafer : Oui.

Le sénateur Plett : Merci. Si vous me le permettez, j'aimerais aller encore plus loin que la sénatrice Hubley et approfondir la question du processus d'accréditation. J'estime qu'il est encore tôt pour nous prononcer sur votre processus d'accréditation, à moins de bien comprendre son fonctionnement, et la sénatrice Hubley en a déjà parlé brièvement.

Compte tenu de la diversité des membres de l'AZAC, j'imagine qu'il n'y a pas deux inspections pareilles. Pourriez- vous nous expliquer comment l'AZAC s'y prend pour s'assurer de bien évaluer chacun des principes et des normes, étant donné que chaque établissement a une taille et une portée différentes? Pourriez-vous passer en revue le processus d'inspection du début à la fin? Vous nous avez dit qui y prenait part, mais pourriez-vous nous expliquer le déroulement?

M. Gallant : D'accord. Par exemple, dans le cas d'un zoo, si un propriétaire souhaite devenir membre de l'AZAC, en raison de nos normes très rigoureuses, on parle d'un processus d'environ sept mois. Dans un premier temps, nous allons recueillir de l'information au sujet de l'établissement, de toutes les espèces qui s'y trouvent, des politiques qui sont en place et de tout ce que nous avons besoin de savoir. Même les états financiers sont examinés.

À partir de là, nous commençons à nous pencher sur la taille de l'établissement. Elle varie énormément d'un membre à l'autre. Par exemple, notre plus petit membre est un refuge qui n'héberge qu'un seul grizzli, mais nous avons aussi le Zoo de Toronto, qui garde des milliers d'animaux.

Ce qui compte pour nous, c'est le bien-être des animaux. C'est le critère le plus important que nous évaluons. Est-ce que ces animaux reçoivent les meilleurs soins qui soient? Peu importe qu'il s'agisse d'un petit ou d'un grand établissement, ce sont les normes et les priorités auxquelles nous accordons la plus grande importance.

Nous aurons ensuite des discussions. Lorsque l'établissement nous aura présenté ses rapports, nous fixerons une journée. Pour un petit établissement, il nous faudra quelques jours. Selon le nombre d'animaux et le type d'établissement, cela peut se faire assez rapidement, mais pour les plus gros établissements, cela peut prendre jusqu'à une semaine et même plus.

Le moment venu, nous nous rendons à l'établissement en question et nous procédons à l'inspection. Nos inspecteurs vérifient absolument tout. Nous passons au peigne fin tous les recoins de l'établissement. Nous allons examiner tous les documents et recueillir les réactions de la collectivité. Si les réactions sont négatives, nous allons en prendre note. Grosso modo, lors de leurs visites, nos inspecteurs ont en quelque sorte carte blanche.

À la fin de l'inspection, nous indiquons ce qui ne correspond pas à nos normes et ce qui devrait être réglé, puis nous en discutons avec les PDG ou leur équipe. Ensuite, à l'automne, au moment où la commission se réunit, les responsables auront l'occasion d'expliquer pourquoi ils agissent d'une certaine façon ou quels sont leurs protocoles, et la commission écoutera ce qu'ils ont à dire.

Cela ne signifie pas qu'ils vont nous faire changer d'avis, car s'il y a violation de certaines de nos normes, nous allons leur dire, désolés, soit nous allons travailler avec vous pour que vous puissiez recommencer le processus, soit, si vous êtes acceptés, vous devrez subir un nouvel examen durant la première année, puis un autre après deux ans et demi. Mais en même temps, nous surveillons la façon dont les choses se déroulent.

Lorsque des gens visitent un établissement, il y en a toujours certains qui n'aiment pas ce qu'ils voient, alors nous tenons compte de leurs plaintes ou de leurs préoccupations, et à partir de là, nous communiquons avec les responsables de l'établissement pour leur dire que certaines de leurs normes ne sont pas tout à fait adéquates et devraient être rehaussées. Nous assurons un suivi d'une année à l'autre.

Le sénateur Plett : Les plaintes faisant état de cruauté animale vous sont-elles transmises?

M. Gallant : Oui.

Le sénateur Plett : Les avocats disent qu'on ne devrait jamais poser une question dont on ne connaît pas la réponse, mais je vais quand même poser ma question. Marineland a fait l'objet de nombreuses plaintes de la part d'un certain dénonciateur. Je suppose qu'on vous a fait parvenir ces plaintes. Avez-vous trouvé que Marineland faisait preuve de négligence?

Mme Shafer : Je pense que la meilleure réponse serait que nous avons en place un comité d'éthique et de conformité qui passe en revue toutes les plaintes qui sont déposées et un processus officiel qui prévoit une série de mesures disciplinaires progressives.

En ce qui concerne Marineland, puisque ce dossier est actuellement devant les tribunaux, que notre processus est confidentiel jusqu'à un certain point et qu'on en est encore à l'étape de l'enquête, je ne peux pas vraiment me prononcer là-dessus, mais j'espère que les représentants s'adresseront à vous également.

Le sénateur Plett : En effet, mais je ne vous demande pas de me parler de cas précis. J'aimerais seulement savoir si l'AZAC avait jugé que Marineland n'était pas à la hauteur.

Mme Shafer : Je ne peux vous dire rien de plus que ce que nous savons déjà, à savoir que l'AZAC a pris des mesures à l'encontre de Marineland par le passé.

Le sénateur Plett : Merci.

D'après les critiques, il n'y a aucune preuve concrète de l'efficacité des programmes d'éducation dans les aquariums. Cependant, moi-même et d'autres membres du comité avons été témoins du pouvoir transformateur des relations entre les humains et les animaux à l'Aquarium de Vancouver. Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus, madame Shafer?

Mme Shafer : Il y a assurément beaucoup de documentation qui traite des bienfaits des parcs zoologiques et de leur rôle éducatif, mais il y a aussi les critiques. Comme pour toute autre étude ayant été évaluée par les pairs, il y aura un chercheur pour mettre en lumière les faiblesses de l'étude. Donc avec le temps, la recherche s'est améliorée.

En fait, il y a une étude qui vient d'être publiée récemment, qui date de 2017. C'est une étude canadienne réalisée par le Département de sciences politiques et de géographie de l'Université de Toronto et de l'Alberta Institute for Wildlife Conservation qui fait état de la contribution des zoos et des aquariums à la préservation de la biodiversité.

Ce n'est pas une étude qui a été commandée par qui que ce soit, et il s'agit d'une étude fort intéressante sur les bienfaits au chapitre de la biodiversité et de l'éducation. Je serais donc très heureuse de transmettre cette étude au greffier du comité à titre de références pour les deux documents dont je vais parler.

Une autre étude a été réalisée par Chantal Barriault, titulaire d'un doctorat et chercheure à l'Université Laurentienne. Sa thèse entière porte sur l'expérience d'apprentissage des visiteurs lors d'expositions d'animaux vivants. Elle s'est appuyée sur de nombreuses recherches au fil des années.

Elle y parle des différents niveaux d'engagement des gens au zoo ou à l'aquarium. Elle y décrit les trois principales étapes, tout d'abord, l'initiation, ensuite la transition, étape au cours de laquelle les gens s'intéressent davantage à l'animal et à son environnement, et enfin, la découverte, où les gens acquièrent des connaissances grâce auxquelles ils n'auront plus le même comportement ou la même attitude à l'égard des différentes espèces. Selon moi, ce dernier aspect fait défaut dans les recherches antérieures. Elle parle des différents niveaux, des transitions et des découvertes, puis elle explore l'expérience des gens au-delà du zoo : que vont-ils retirer de cette visite?

Ce sont deux études récentes que nous pouvons citer qui appuient l'expérience d'apprentissage des visiteurs. Il y a d'autres études qui ont été menées auparavant, mais il y a également des critiques, comme dans la plupart des études. Je pense que certaines critiques sont valables et que les chercheurs devraient en tenir compte lorsqu'ils se penchent sur les questions et la façon de quantifier l'apprentissage dans un tel environnement.

Le sénateur Plett : Merci, monsieur le président. Je poserai quelques questions lors du deuxième tour.

Le sénateur Munson : Il y a un débat philosophique et beaucoup de passion de part et d'autre de la question. Il y a ceux qui soutiennent qu'aucun animal ni aucun cétacé ne devraient vivre en captivité, et il y a ceux qui ont décrit le rôle éducatif et l'engagement des jeunes qui nous permettent de mieux comprendre la manière dont ces animaux vivent dans un habitat naturel qui n'est pas le leur.

Je suis curieux, étant donné qu'on parle d'études scientifiques. Qu'est-ce que nous avons tant besoin d'apprendre au sujet de ces animaux? Il y a tellement d'études qui ont été menées sur ces animaux en dehors de leur habitat naturel. Qu'est-ce qu'on peut apprendre de plus sur la façon dont ces animaux coexistent avec nous?

Mme Shafer : Je pense que je vais vous répondre par une question rhétorique : pourquoi mettrions-nous fin à la recherche médicale? Est-ce qu'on ne sait pas déjà tout ce qu'il y a à savoir?

Un bon exemple serait peut-être une étude sur les mammifères marins. Un chercheur s'est penché sur les sons qu'émettent les bélugas. Il a tout d'abord examiné les bélugas en captivité pour avoir un point de référence, puis il s'est ensuite rendu sur le fleuve Saint-Laurent, où la population de bélugas est en déclin. Il n'en reste que 800, et la population diminue à un taux d'environ 1 à 1,5 p. 100 par année. L'un des problèmes, dans la nature, c'est que les jeunes sont séparés de leur mère et se retrouvent échoués sur les plages; ils ne survivent pas.

On a découvert qu'il y avait de la pollution sonore dans le fleuve Saint-Laurent. Cela rompt la communication entre la mère et le bébé, et les données de référence ont été établies avec les bélugas en captivité, mais on essaie maintenant de voir ce qu'on peut faire dans la nature pour régler le problème.

Cela dit, il y a 10 ans, est-ce qu'on aurait dit que cette question mériterait de faire l'objet de recherches? Non. Par conséquent, je ne sais pas ce que nous ignorons et les questions auxquelles nous voudrons des réponses dans l'avenir.

Le sénateur Munson : Merci. L'ancien sénateur qui a présenté ce projet de loi estime évidemment que nous sommes sur la bonne voie.

Mme Shafer : Oui.

Le sénateur Munson : Comment est-ce que vous vous sentez? D'après ce que m'ont dit les gens de l'industrie, ceux qui prennent soin de ces animaux, il s'agit non seulement d'une industrie, parce que beaucoup de gens y travaillent, mais certains m'ont dit en privé qu'ils se sentent comme des criminels.

Mme Shafer : Je ne me sens aucunement comme une criminelle, et je crois que c'est la même chose pour mes collègues. Nous sommes plutôt tristes. C'est une question chargée d'émotion. Évidemment, les gens préféreraient voir les animaux dans la nature; c'est le meilleur endroit pour eux. Mais malheureusement, nous devons tenir compte de l'empiétement des humains. Par exemple, on sait que le transport maritime dans le fleuve Saint-Laurent nuit aux bélugas. Il y a aussi un problème de pollution; non seulement la pollution sonore, mais aussi d'autres formes de pollution.

L'intervention humaine dans le monde des mammifères marins, que ce soit les activités pour lutter contre les changements climatiques ou autre chose, rend l'environnement naturel beaucoup plus difficile pour ses habitants. Il est donc très important de mettre les points sur les i. Même si je suis triste — et je suis sûre que d'autres partagent aussi cette tristesse — de retirer un animal de son milieu naturel, je suis encore plus triste de voir que les humains créent des situations qui causent beaucoup de tort aux animaux.

Le sénateur Munson : Merci. Je vais y revenir au deuxième tour.

[Français]

Le sénateur Forest : Je viens de Rimouski, qui est située au cœur du golfe et de l'estuaire du Saint-Laurent, et nous sommes très préoccupés par la situation du béluga. Vous avez raison, l'activité humaine a un impact majeur sur l'environnement, et elle crée des situations défavorables au maintien de la flore et de la faune.

Ce qui me préoccupe, c'est l'accréditation. Je ne doute pas du sérieux de votre organisation. Vous accréditez vos membres et vous auto-évaluez leur niveau de maintien des normes. Je suis préoccupé quant à vos experts indépendants. Avez-vous une banque d'experts indépendants? Il y en a trois types, des vétérinaires spécialisés dans la nature même de l'activité, qu'il s'agisse de mammifères marins ou terrestres, et d'autres qui sont spécialisés au niveau administratif. Avez-vous une banque de spécialistes, ou est-ce que ce sont toujours à peu près les mêmes spécialistes qui font l'évaluation? Ma préoccupation, c'est d'éviter la proximité. Si j'évalue les activités d'un ami tous les deux ans, après plusieurs années, je serai peut-être plus conciliant que je ne le serais s'il n'y avait pas cette proximité. C'est là ma première question.

[Traduction]

M. Gallant : Effectivement, nous avons des responsables de l'accréditation et des inspecteurs de Vancouver jusqu'à Moncton. C'est la grande majorité des gens à qui nous demandons de réaliser des inspections. De toute évidence, la plupart d'entre eux travaillent sur le terrain et comprennent ce que nous essayons d'accomplir.

Notre commission fait également appel à un vétérinaire de l'Association canadienne des médecins vétérinaires. C'est donc une autre personne qui ne fait pas partie de l'organisation, mais que nous consultons dans une optique de transparence. Ce vétérinaire va donc intervenir et prendre part aux décisions de la commission lorsqu'il s'agit d'accréditer un établissement.

Vous avez tout à fait raison de dire que nous pourrions inspecter nos établissements entre nous et tolérer des négligences. Toutefois, ce n'est pas aussi simple qu'on pourrait le penser en raison de toutes les questions que doivent se poser les membres de l'équipe d'accréditation. Notre plus récent système d'accréditation s'appuie essentiellement sur huit piliers. Parmi ces piliers, mentionnons l'éducation, le bien-être des animaux et la sécurité. Ces huit piliers doivent être respectés à un niveau d'au moins 85 p. 100. Par conséquent, lorsqu'on évalue ces piliers, on doit véritablement s'assurer que les établissements satisfont aux normes.

C'est beaucoup plus ardu pour l'inspecteur qui doit se demander : « Est-ce que l'animal a un endroit pour s'isoler des gens? ». S'il dit « non » et que l'établissement ne respecte pas les normes, à ce moment-là, il fait bien son travail. Toutefois, si l'inspecteur dit « oui » pour que l'établissement obtienne l'accréditation, aussitôt qu'il y aura une plainte, sa réputation sera compromise. Nous nous considérons comme des spécialistes du bien-être des animaux, et nous voulons conserver cette réputation. Si nous nuisons à ce principe et que le public n'a plus confiance, nous devrons en subir les conséquences.

Mme Shafer : J'aimerais faire quelques autres observations. Sachez que nous avons un bassin d'experts auquel nous faisons appel lorsqu'il y a des domaines précis dans lesquels nous jugeons avoir moins d'expertise. Par conséquent, nous allons consulter n'importe qui dans le monde qui a l'expertise dont nous avons besoin. Nous avons déjà eu recours à des experts des États-Unis, surtout pour les aquariums, car nous avons moins de gens ici spécialisés dans le domaine. On n'a donc pas besoin d'aller bien loin pour aller chercher de l'expertise.

Outre les questions de la transparence et de la séparation, l'une des choses que nous envisageons dans le cadre de notre processus d'amélioration continue est la mise sur pied de comités techniques qui sont distincts des inspecteurs sur le terrain pour nous assurer de ne pas être en situation de conflit d'intérêts. C'est quelque chose que nous envisageons pour l'avenir.

[Français]

Le sénateur Forest : J'ai deux autres courtes questions à poser. Vous dites qu'il y a trois experts : un vétérinaire préoccupé par la santé animale, un opérateur dans le domaine de l'activité comme telle, et une autre personne à l'administration.

Lorsque vous me parlez de votre banque internationale, au-delà de cela, il y a des experts en matière de biologie animale. Je pense entre autres à Robert Michaud, spécialiste du béluga du Saint-Laurent, aux experts des cervidés et des grandes familles animales. Vous n'avez pas envisagé de compléter votre équipe avec ce type d'experts. Vous pourriez faire appel à un spécialiste en matière de santé de l'animal, à des opérateurs selon le secteur d'activité, qu'il s'agisse d'un zoo terrestre ou aquatique, à un spécialiste qui travaillerait sur le plan administratif et à un autre qui serait axé sur la biodiversité. Vous n'avez pas pensé à compléter votre équipe avec ce type d'expertise?

Qui paie ces inspecteurs? Est-ce le propriétaire de l'établissement? Est-ce votre association?

M. Gallant : C'est l'association.

[Traduction]

Quand nous avons sélectionné les membres du groupe, la plupart des membres... J'ai moi-même 30 ans d'expérience de travail dans l'industrie. J'ai un diplôme en science animale. Il y a donc beaucoup de DD. Les gens qui occupent des fonctions administratives ont aussi des compétences en biologie ou en santé animale. Nous utilisons ces termes, mais bon nombre de nos spécialistes ont des compétences multidisciplinaires. Personnellement, j'assume des fonctions administratives depuis quelques années, mais j'ai auparavant été gardien de zoo, donc je travaillais sur le terrain avec les animaux et je sais exactement ce qu'il faut faire pour bien s'occuper de ces animaux. Notre équipe compte donc beaucoup d'inspecteurs qui ont eux aussi des expériences diversifiées.

Mme Shafer : Par ailleurs, pour revenir aux comités techniques que j'ai mentionnés, nous sommes en train d'élargir leurs mandats pour aller chercher des compétences supplémentaires dans ces disciplines.

[Français]

Le sénateur Forest : Vous comprenez aussi que, dans ce débat, il y a une question de perception. Nous sommes dans un domaine où la perception est plus importante que la réalité. Je pense que l'un des éléments de votre organisation en ce qui concerne la perception, c'est que vous vous auto-évaluez, et que vous vous auto-réglementez. C'est pourquoi l'ajout d'experts externes est fort important pour donner de la crédibilité à la démarche.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Je vous remercie de cet exposé.

C'est M. Gallant qui a mentionné que les démarches à faire pour obtenir l'accréditation d'AZAC sont très lourdes. C'est ce que j'ai entendu dire. Comment compareriez-vous votre processus d'accréditation à ceux d'autres pays, comme les États-Unis ou l'Australie, où il y a beaucoup d'établissements du genre?

Mme Shafer : Il faut dire que les normes canadiennes régissant les mammifères marins sont les plus rigoureuses au monde, grâce aux 10 années que le CCPA a passées à les mettre au point. Dès que les normes réclamées par Pêches et Océans sont entrées en vigueur, nous les avons intégrées à nos pratiques, parce que nous savions que ces normes s'en venaient, que le processus était très rigoureux et qu'il était fondé sur des données probantes. Nos normes en la matière sont donc les plus rigoureuses au monde.

Nous déployons actuellement des efforts pour recevoir notre accréditation d'organisation de normalisation, afin que nos normes respectent les critères internationaux, d'assurer une plus grande transparence, la tenue de consultations publiques et la séparation des inspections techniques et non techniques.

Le sénateur Enverga : Je sais que vous travaillez avec l'Aquarium de Vancouver et Marineland. Vous est-il déjà arrivé d'observer quoi que ce soit qui contreviendrait à vos normes? Avez-vous déjà constaté quoi que ce soit du genre dans l'histoire d'AZAC?

Mme Shafer : Le processus d'accréditation vise toujours en partie à élever les normes des institutions, parce que notre priorité est le bien-être des animaux. Chaque processus d'accréditation se conclura par des recommandations aux institutions pour améliorer leurs façons de faire.

Il est déjà arrivé que des organisations ne réussissent pas à obtenir leur accréditation ou qu'elles la perdent. Pour revenir à ce que disait le sénateur Plett au sujet de Marineland, je crois que c'est en 2010 qu'il y a eu des inspections supplémentaires en raison de problèmes constatés à l'époque.

Ce n'est donc pas gratuit, les gens ne s'attendent pas à l'obtenir sans effort. C'est très sérieux.

Le sénateur Enverga : Il y a donc eu des consultations?

Mme Shafer : Je n'étais pas là en 2010. Je peux seulement vous dire ce que j'ai pu découvrir à l'aide de Google. À l'heure actuelle, il y a des situations qui font l'objet d'enquêtes, mais je ne peux pas vous en parler.

Le sénateur Gold : Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai quelques questions à vous poser, qui ne sont pas nécessairement toutes directement liées. La première porte clairement sur le bien-être des animaux, qui est votre priorité, à juste titre, et l'autre porte sur la recherche.

Mais juste avant, je vous prie de ne pas mal interpréter ma question, mais je pense que l'établissement de normes nationales est très important. Comment votre organisation est-elle financée?

Mme Shafer : Nous sommes un organisme de bienfaisance, donc nous recevons des fonds de quiconque fait un don à des organismes de bienfaisance, mais la principale source de revenus de notre organisation, ce sont les droits d'accréditation que paient nos membres, de sorte que nous sommes principalement financés par nos membres.

Le sénateur Gold : Très bien.

Au sujet de la recherche, nous avons entendu des arguments contradictoires sur l'importance de la recherche sur les cétacés en captivité plutôt qu'en milieu naturel. Vous en avez parlé vous aussi. Pouvez-vous nous donner une indication du nombre d'articles scientifiques, révisés par des pairs, qui ont été publiés sur des cétacés gardés en captivité à Marineland ou à l'Aquarium de Vancouver?

Mme Shafer : Malheureusement, je n'ai pas cette information. Je pourrais probablement vous la trouver et l'envoyer au greffier, mais je ne le sais pas par cœur.

Le sénateur Gold : Merci. Ce serait utile.

Mon autre question porte sur le bien-être des animaux. Les cétacés sont des animaux sociaux, comme nous. Est-il vrai que certaines provinces ou certains États, dont l'Ontario, ont des normes de soins pour les cétacés et les animaux marins, telles qu'ils doivent être placés dans des groupes sociaux appropriés pour leur bien-être? Le cas échéant, comment AZAC voit-elle le fait que Marineland ne garde qu'un épaulard seul en captivité? Quelle est la position d'AZAC à ce sujet? Mes hypothèses sont-elles justes? Si oui, comment me répondriez-vous?

Mme Shafer : Elles sont à peu près justes. Le projet de loi de l'Ontario s'applique effectivement aux orques. Marineland garde une orque seule en captivité, mais c'est le seul aquarium du Canada à le faire, donc ce n'est pas lié au type de projet de loi dont nous parlons aujourd'hui.

L'orque de Marineland fait l'objet de droits acquis, parce qu'elle est là depuis très longtemps, mais il n'y aura pas de nouvelle orque là-bas. C'est la raison pour laquelle cette orque est seule. La situation est un peu particulière pour cette race précise.

Le sénateur Gold : Outre le fait qu'il y ait ou non des droits acquis dans ce cas-ci, en tant qu'organisation de normalisation, vous vous souciez du bien-être de cet épaulard et plus généralement, du bien-être des autres cétacés gardés en captivité, même si les établissements se conforment à vos normes d'accréditation, n'est-ce pas?

Mme Shafer : Je ne peux pas répondre à votre question sur cette baleine en particulier, parce que je n'ai pas lu son histoire et que je ne la connais pas comme créature indépendante.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que je connais bien Lucy l'éléphante, à Edmonton. Lucy est une éléphante seule, alors que les éléphants sont considérés comme des animaux sociaux. Lucy n'est toutefois pas une éléphante sociale. Elle a eu des problèmes de santé, et toutes sortes de tentatives ont été effectuées pour lui assurer la compagnie d'autres éléphants, mais aucune n'a fonctionné. Le zoo d'Edmonton n'acquerra pas d'autres éléphants, mais le personnel fait tout en son pouvoir pour veiller à ce que cet éléphant seul soit bien socialisé et qu'il reçoive les meilleurs soins possible. J'ai lu beaucoup d'articles en profondeur sur le cas de Lucy, et nous avons fait venir un spécialiste de l'Europe pour mener une évaluation indépendante de son dossier médical, des soins qu'elle reçoit et de tous les aspects de l'élevage.

Je ne connais pas personnellement l'histoire de l'orque de Marineland, mais je pourrai certainement l'examiner de plus près et vous répondre ultérieurement.

Le sénateur Christmas : Madame Shafer, j'ai remarqué que votre organisation existe depuis 1976.

Mme Shafer : C'est juste.

Le sénateur Christmas : À tire d'organisation d'accréditation, je présume que vous avez su, au cours des 40 dernières années, vous doter d'outils de mesure pour évaluer l'efficacité de votre organisation. Avez-vous des outils de mesure pour déterminer à quel point votre organisation d'accréditation est efficace dans son travail avec ses clients, avec les 33 zoos et aquariums accrédités?

Mme Shafer : Malheureusement non, je n'en ai pas. Jusqu'à l'année dernière, l'organisation n'avait qu'un employé et demi, donc nous nous concentrions surtout sur la coordination, et nous n'effectuions pas d'évaluation. Nous avons maintenant entrepris, compte tenu de notre croissance de la dernière année et de l'engagement des... C'est en raison de l'engagement des institutions que nous avons connu une telle croissance. Elles veulent les meilleures normes. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes lancés dans ce processus d'amélioration continue, nous avons commencé à fixer des critères d'évaluation et à nous demander comment nous pourrions changer nos façons de faire.

Vous avez tout à fait raison : l'épreuve de l'opinion publique peut changer les perceptions très rapidement. Comme on l'a déjà mentionné, c'est réclamé de part et d'autre pour le bien-être des animaux.

Malheureusement, je n'ai pas de statistiques à vous donner, mais je peux vous assurer que nous comptons le faire à partir de maintenant.

Le sénateur Christmas : Puis-je présumer, alors, qu'à titre d'organisation d'accréditation, vous avez dû apporter des correctifs ou vous doter de plans de redressement à un moment ou à un autre?

Mme Shafer : Oui.

Le sénateur Christmas : Pouvez-vous me donner une idée de la fréquence à laquelle des correctifs sont nécessaires ou des plans de redressement ont dû être mis en place?

Mme Shafer : Je ne le peux malheureusement pas, mais il y a une personne qui fait partie de l'organisation depuis plus longtemps que moi à qui je pourrais poser la question. Nous avons également des boîtes d'archives papier que nous pourrions fouiller pour voir si nous pouvons trouver quelque chose à cet égard.

Le président : Commençons le second tour.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie de répondre à toutes nos questions ce soir.

Vous avez parlé du rôle que jouent les aquariums et les zoos dans la recherche et les programmes d'éducation en matière de conservation, et vous avez mentionné le béluga. L'Aquarium de Vancouver a déjà annoncé l'élimination progressive de son programme de recherche et de conservation sur le béluga d'ici 2029, de même que son intention de cesser d'exposer des bélugas. Si l'Aquarium de Vancouver cesse ses recherches sur le béluga, la perception d'AZAC sur l'aquarium changera-t-elle? Recommanderiez-vous que l'élimination progressive du programme commence plus tôt?

Mme Shafer : Non, je ne crois pas qu'il revienne à l'AZAC de se prononcer sur la question. Depuis cette annonce de l'Aquarium de Vancouver, le conseil d'administration d'AZAC ne s'est pas réuni. Le conseil pourrait sûrement se pencher sur les politiques régissant les bélugas s'il en sentait le besoin, mais de manière générale, je ne crois pas que ce soit du ressort d'AZAC.

La sénatrice Hubley : Remarquez que je crois que la Californie s'est elle aussi dotée d'une loi interdisant l'élevage d'orques et leur maintien en captivité.

Mme Shafer : Effectivement.

La sénatrice Hubley : Cette loi a reçu l'appui de SeaWorld. Vous affirmez qu'il n'y a qu'une orque en captivité au Canada?

Mme Shafer : Oui.

La sénatrice Hubley : AZAC ne serait donc pas favorable au maintien en captivité d'autres orques?

Mme Shafer : Non. Nous avons exprimé notre appui à la loi adoptée en Ontario sur cette question précise. L'organisation s'oppose officiellement à l'acquisition d'autres orques.

La sénatrice Raine : Nous nous penchons particulièrement sur la question des cétacés. Votre norme prévoit-elle un espace donné par animal?

Mme Shafer : Non. Ce n'est pas ainsi que sont conçues nos normes. Elles varient vraiment en fonction des espèces. Il est dommage que mon collègue soit parti, parce qu'il pourrait vous l'expliquer plus en détail. Nous tenons principalement compte des comportements des animaux. Il a mentionné l'une des questions que nous nous posons : l'animal peut-il se cacher s'il sent le besoin de se cacher des gens ou d'autres animaux agressifs avec lesquels il partage son bassin? Les animaux peuvent-ils accéder adéquatement à la nourriture et celle-ci est-elle appropriée? C'est le genre de questions qu'on se pose. Peuvent-ils bouger comme ils sont supposés bouger? On s'interroge sur le nombre d'animaux et le type d'animaux placés dans un aquarium, ce genre de choses. Je pense que vous feriez mieux de poser cette question aux responsables de Marineland ou de l'Aquarium de Vancouver, mais nos normes elles-mêmes portent vraiment sur la santé animale, qui ne se définit pas en fonction de la quantité d'espace.

Le sénateur Plett : J'ai une question à vous poser sur l'orque de Marineland. Comme vous l'avez dit, les dirigeants de Marineland viendront témoigner devant nous, et je suis certain qu'ils auront toute l'information dont nous avons besoin sur le sujet. Vous savez qu'ils ne peuvent pas acquérir d'autre orque en raison de la loi ontarienne, mais ils ne sont pas autorisés non plus à se départir de leur orque, parce que de toute évidence, elle ne survivrait pas en liberté.

Mme Shafer : Exactement.

Le sénateur Plett : C'est donc une impasse. Ils doivent donc garder cette orque jusqu'à ce qu'elle meure de sa belle mort.

Mme Shafer : Oui.

Le sénateur Plett : Merci. Vous avez parlé des recherches que vous faites et de l'effet que ce projet de loi aura pour prévenir ce genre de situation. Pouvez-vous fournir au comité des exemples précis de recherches que mènent vos établissements membres sur les cétacés, qui font une différence concrète pour les animaux sauvages?

Mme Shafer : La première, que j'ai déjà mentionnée, est l'étude de Valeria Vergara sur les sons et les bélugas dans le Saint-Laurent.

Il y a une autre étude qui a été menée sur le béluga et qui a été effectuée sur des bélugas en captivité. Il avait été déterminé qu'un peu comme on peut établir l'âge des arbres selon le nombre d'anneaux qu'on voit dans leur tronc, on peut calculer l'âge d'un béluga selon le nombre d'anneaux visibles dans ses dents. On croyait jusque-là qu'un anneau apparaissait par année, un peu comme ils apparaissent dans le tronc des arbres, mais cette hypothèse a été réfutée, de sorte que l'âge des bélugas en milieu naturel est probablement surévalué, puisqu'il peut apparaître deux ou trois anneaux par année chez un béluga. C'est un autre exemple de recherche réalisée sur le béluga en captivité qui alimente les connaissances sur les populations sauvages de bélugas.

Le sénateur Plett : Je viens du Manitoba, où les bélugas abondent dans la section supérieure de la rivière Churchill. J'ai eu l'occasion de nager avec les bélugas là-bas. J'ai eu l'occasion de voler au-dessus d'eux et d'en voir des milliers.

Mme Shafer : C'est fantastique.

Le sénateur Plett : J'ai vu des milliers de bélugas dans leur milieu naturel, et c'était fascinant. Madame Shafer, vous avez parlé des problèmes auxquels nous sommes confrontés et des raisons pour lesquelles bon nombre de ces animaux marins meurent, et vous avez mentionné la Voie maritime du Saint-Laurent.

Mme Shafer : Oui.

Le sénateur Plett : Avez-vous des statistiques sur le nombre de baleines, de cétacés, qui meurent à cause du Saint- Laurent ou d'autres interventions humaines, à part la chasse? Nous en avons déjà parlé. À certains endroits, ils sont chassés, mais à part cela, y a-t-il des bélugas qui meurent à cause d'interventions attribuables à l'homme?

Mme Shafer : Malheureusement, je n'ai pas ces statistiques avec moi.

Le sénateur Plett : Ces statistiques existent-elles?

Mme Shafer : Je devrai vérifier. Je n'en suis pas certaine.

Le sénateur Plett : Pouvez-vous le faire?

Mme Shafer : Oui.

Le sénateur Plett : Merci.

Le sénateur Munson : Vous n'aimez pas le projet de loi S-203, et vous l'avez dit très clairement. Y aurait-il d'autres mécanismes possibles ou êtes-vous satisfaite de l'examen par les pairs ou du mécanisme en place pour vérifier ce qui se passe dans les aquariums et les zoos? Êtes-vous satisfaite de la façon dont ces questions sont examinées, et si vous dites non à ce projet de loi, y a-t-il un autre mécanisme qui pourrait faire office de contrepoids?

Mme Shafer : Je pense que nous devons vraiment fonder nos décisions sur la science et non sur des émotions. À mes yeux, les normes du CCPA, qui ont été définies par un groupe d'experts, représentent la norme suprême. Cela dit, est-ce que je crois qu'une norme doit nécessairement rester telle quelle sans être révisée? Non. Je pense qu'elle doit être révisée. Au fur et à mesure que les choses évoluent et que nous avons accès à de nouvelles informations, je pense que les normes doivent être révisées. En ce moment, nous sommes en période de grâce, parce qu'elles sont encore toutes nouvelles.

Je ne crois pas que cela bénéficie aux cétacés que de compromettre, d'une certaine façon, notre aptitude à mener des recherches pour découvrir pourquoi des veaux se retrouvent séparés de leur mère, par exemple, et nous perdons de 1 à 1,5 p. 100 des baleines chaque année dans le Saint-Laurent.

Le sénateur Enverga : On a dit que l'épaulard était un animal social. Je sais qu'il y a une orque là-bas. Je l'ai vue à quelques reprises avec mes enfants. Mes enfants aiment beaucoup voir l'orque nager à l'aquarium et sont tellement heureux de voir d'autres animaux aussi en même temps. Or, vous avez dit que c'est un animal social, mais qu'il n'y en a qu'un là-bas, sauf qu'il serait peut-être difficile de le remettre en mer.

Mme Shafer : En effet, il ne peut pas être remis en mer.

Le sénateur Enverga : Il ne le peut pas, n'est-ce pas? Croyez-vous que l'une des solutions serait de lui trouver un compagnon? Le recommanderiez-vous pour améliorer l'aquarium?

Mme Shafer : Je ne le recommanderais pas, parce que je n'ai absolument aucune connaissance à ce sujet. Je laisserais les experts compétents en débattre. Je crois que ce serait une très bonne question à poser aux dirigeants de Marineland.

Le sénateur Enverga : Même s'il s'agissait d'un béluga provenant d'un autre aquarium et non d'un béluga sauvage, qui pourrait être transporté là-bas?

Mme Shafer : Cela irait à l'encontre de la loi ontarienne. Il faudrait trouver une façon de contourner la loi pour ce faire. Ce serait une question à poser aux dirigeants de Marineland. Je n'ai pas suffisamment d'expertise pour vous répondre, je suis désolée.

Le sénateur Enverga : Très bien, je vous remercie.

Le président : C'est tout pour les questions. Je tiens vraiment à remercier Mme Shafer, ainsi que M. Gallant, qui a dû partir plus tôt, de leurs témoignages de ce soir. Ils ont beaucoup alimenté nos discussions. Nous vous remercions sincèrement d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer. Nous nous excusons encore une fois d'avoir commencé la séance en retard.

Mme Shafer : Merci beaucoup.

Le président : La séance est levée.

(La séance est levée.)

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