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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 14 - Témoignages du 11 avril 2017


OTTAWA, le mardi 11 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 17 h 14, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Bienvenue à tous. Je demanderais d'abord aux membres du comité de se présenter, après quoi nous entendrons nos témoins. Nous commençons à ma droite.

Le sénateur Munson : Sénateur Munson, de l'Ontario.

Le sénateur Plett : Sénateur Don Plett, du Manitoba.

La sénatrice Unger : Sénatrice Betty Unger, de l'Alberta.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : D'autres sénateurs pourraient se joindre à nous plus tard. Notre comité siège habituellement lorsque le Sénat ne siège pas, mais nous avons demandé et obtenu la permission de siéger ce soir, étant donné que vous vous êtes déplacés jusqu'ici.

Je tiens à aviser tout le monde que si la sonnerie du Sénat se fait entendre, nous devrons suspendre la séance pour la tenue d'un vote. Nous reprendrons après le vote. Je voulais simplement que tout le monde le sache d'avance.

Le comité poursuit son étude du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).

Nous sommes heureux d'accueillir ce soir Mme Barbara Cartwright, chef de la direction de la Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux; M. Philip Demers, un ancien entraîneur de mammifères marins; Mme Carly Ferguson, présidente de la société Ontario Captive Animal Watch Inc.

Au nom des membres du comité, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je crois savoir que vous avez préparé des exposés. Lorsque nous les aurons entendus, nous passerons aux questions des sénateurs.

La parole est à vous.

Carly Ferguson, présidente, Ontario Captive Animal Watch Inc. : Mesdames et messieurs, bonsoir. J'aimerais remercier l'ancien sénateur Wilfred Moore d'avoir présenté ce projet de loi et le sénateur Sinclair d'avoir accepté de le parrainer. Ce projet de loi a le soutien plein et entier de l'Ontario Captive Animal Watch. Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître ici, aujourd'hui.

Ma présentation sera un peu différente de celles de mes collègues. Je crois qu'il est important pour vous que vous voyiez certains des animaux qui ont fait l'objet de discussions en profondeur à ce comité. Après tout, c'est la raison pour laquelle nous sommes ici, finalement.

Comme c'est au nom de l'Ontario Captive Animal Watch que je parle — c'est, avant tout, sur la province de l'Ontario que nous concentrons nos efforts —, je mettrai essentiellement l'accent sur Marineland Canada.

Comme la science l'a prouvé, les cétacés sont des animaux extrêmement intelligents, très émotifs et complexes sur le plan social. C'est pour cette raison que d'autres pays ont pris des mesures pour interdire désormais leur capture et leur mise en captivité, notamment, pour n'en nommer que quelques-uns, la Hongrie, la Suisse, la Croatie, le Chili, le Costa Rica et la Grèce.

Vous avez reçu un document comportant plusieurs onglets. Je vous invite à passer à l'onglet A.

Le 20 mai 2013, le ministre indien de l'Environnement et des Forêts a interdit l'enfermement des dauphins dans le but de divertir le public. L'autorité de tutelle des zoos, la Central Zoo Authority, a déclaré qu'en général,

La vie en captivité peut compromettre gravement le bien-être et la survie de toutes les variétés de cétacés en contribuant à modifier leur comportement et en entraînant chez eux une détresse extrême.

Il a en outre indiqué ce qui suit : « [...] on devrait considérer les cétacés comme étant des personnes non humaines et on devrait donc leur reconnaître des droits propres. »

Quelques rares pays ont des normes si strictes qu'il y est quasiment impossible de garder des cétacés en captivité, notamment le Brésil, le Luxembourg, la Norvège et le Royaume-Uni.

En Amérique du Nord, la Caroline du Sud est le premier État américain à avoir interdit, en 1982, la mise en captivité des mammifères marins. La Californie a interdit les spectacles aquatiques avec des orques et l'élevage d'orques. Le représentant Adam Schiff a présenté un projet de loi qui amenderait la Marine Mammal Protection Act de 1972 pour interdire la capture, l'importation et l'exportation d'orques en vue de les faire se produire en public. L'État de New York a interdit la possession et la mise en captivité d'orques.

L'Ontario interdit dorénavant l'élevage et l'acquisition d'orques dans la province et le Vancouver Park Board a récemment appuyé l'interdiction de la mise en captivité de cétacés à l'Aquarium de Vancouver.

Je vous invite maintenant à passer à l'onglet B du document.

Les représentants de l'AZAC ne pouvaient vous parler de Kiska quand ils vous ont rencontrés. Kiska est aujourd'hui la seule orque vivante en captivité au Canada. Elle a environ 40 ans; elle est donc d'âge moyen. Des études menées sur des populations à l'état sauvage nous ont appris que les orques femelles peuvent vivre jusqu'à 100 ans dans la nature. Malheureusement, en captivité, leur durée de vie est terriblement réduite.

Kiska a été capturée au large de l'Islande et enlevée à sa famille en 1979 et transférée dans un bassin en béton rempli d'eau chlorée à Marineland Canada. Au fil des ans, tous les compagnons de Kiska dans le bassin sont morts ou ont été envoyés à d'autres parcs marins, faisant de Kiska le seul épaulard en captivité dans le monde entier qui n'a absolument aucun contact social avec d'autres mammifères marins. Elle se trouve dans cette situation depuis plus de six ans maintenant. Le chant est une composante essentielle de la vie d'un cétacé et quand Kiska chante, seule sa voix, qui rebondit contre le mur en béton, lui revient. Elle ne reçoit jamais de réponse.

Quelque 20 orques sont mortes prématurément à Marineland depuis 1973, ce qui est l'un des pires bilans dans le monde en matière de morts en captivité d'orques. Kiska a donné naissance à cinq bébés orques à Marineland et aujourd'hui, tous sont morts. Aucun d'eux n'a vécu plus de six ans.

J'ai passé des heures, pendant plusieurs années, à documenter son cas. Elle passe ses jours à tourner en rond, jamais dans le sens des aiguilles d'une montre, d'une manière très clairement obsessive, encore et encore et encore.

Comme les études menées sur des populations à l'état sauvage l'ont montré, les orques parcourent jusqu'à 100 milles par jour à la nage, avec leur famille. Mais, il faut environ 15 à 20 secondes à Kiska pour nager en ligne droite d'un bord de son bassin à l'autre.

Je vous invite à passer à l'onglet C.

Selon des experts, l'état de ses dents s'explique par le fait qu'elle s'attaque aux appliques qui se trouvent dans son bassin, comportement qu'elle a adopté en raison du stress et de l'ennui. La vie de Kiska est très peu riche en événements, comme la Dre Ingrid Visser l'indique dans son rapport, dont vous avez tous reçu copie, je crois.

Je vous invite maintenant à passer à l'onglet D, s'il vous plaît.

Les orques plongent naturellement à grande profondeur, soit de 100 à 400 mètres. Cela leur permet de se protéger des effets néfastes des rayons du soleil. Dans un bassin en béton d'environ neuf mètres de profondeur rempli d'eau chlorée, ce n'est pas possible.

L'AZAC a affirmé appliquer les normes en matière de soins les meilleures au monde, normes auxquelles ses membres accrédités sont tenus de se conformer. Pourtant, Kiska et les quelque 50 bélugas de Marineland n'ont même pas droit à une protection essentielle contre les rayons du soleil.

Dans le monde, la plupart des aquariums qui ont des cétacés comptent, en gros, de deux à huit bélugas. À Marineland, on en dénombre actuellement jusqu'à 50, et rien n'empêche le parc d'attractions de s'en emparer d'autres à l'état sauvage et de poursuivre leur élevage. Si ce projet de loi devenait loi aujourd'hui, Marineland disposerait encore longtemps dans ses installations d'une population importante de bélugas pour ses spectacles.

Veuillez passer à l'onglet E, s'il vous plaît.

L'AZAC indique également ce qui suit :

L'AZAC soutient l'utilisation des animaux dans le cadre de programmes éducatifs uniquement si les animaux sont traités en tout temps avec humanité et avec dignité. Les pratiques qui devraient être évitées quand des animaux sont utilisés dans des programmes offerts au public comprennent notamment :

1. Toutes les pratiques qui donnent une impression fausse du comportement naturel des animaux sauvages ou revendiquent, directement ou indirectement, certaines vérités à propos du comportement des animaux sauvages sans preuves scientifiques à l'appui.

Je peux vous dire, d'après ce que j'ai vu à Marineland en tant que membre du public, qu'aucun matériel éducatif sur aucune espèce qui s'y trouve n'est donné aux spectateurs. Il y a bien deux affiches dans la zone d'observation souterraine de Friendship Cove, mais elles passent inaperçues en raison de la piètre qualité de l'éclairage. Il n'y a pas d'employés autour des bassins qui fournissent spontanément des informations sur les animaux. Par ailleurs, je ne vois pas quelle valeur éducative peut avoir le spectacle d'un employé chevauchant un béluga dans un bassin en béton rempli d'eau chlorée, et cela ne déclenche certainement aucune passion soudaine à l'égard des espèces à l'état sauvage et de leur sauvegarde.

Sur l'une des photographies que je vous ai fournies, on voit le bassin des bélugas au stade King Waldorf de Marineland, qui accueille deux de ces cétacés. Je mettrais encore une fois sérieusement en doute les normes « les meilleures du monde » de l'AZAC si elle accrédite une organisation hébergeant deux baleines dans un bassin de cette taille.

Je vous invite à passer à l'onglet F.

Beaucoup de bélugas et de dauphins sont victimes de coups de dents de la part de congénères agressifs. Cela se produit aussi au sein de populations à l'état sauvage, mais, malheureusement, dans un bassin d'eau chlorée, un animal ne peut s'éloigner d'autres baleines possiblement dominantes.

Je passe maintenant à l'onglet G.

Voici Echo. Il s'agit d'un des cinq dauphins à gros nez de Marineland. Je suis allée à Marineland de nombreuses fois, et chaque fois, j'ai vu qu'elle était couverte de marques faites par ses congénères agressifs.

Passons maintenant à l'onglet H.

Il y a cinq dauphins dans ce bassin. Les dauphins étant des animaux intelligents, qui se déplacent beaucoup et plongent dans les grandes profondeurs, ce n'est tout simplement pas acceptable.

En conclusion, je dirais que les cétacés ont une vie plus courte et plus stressante en captivité qu'à l'état sauvage et les données scientifiques à ce sujet parlent d'elles-mêmes. Les cétacés en captivité ne servent à rien d'un point de vue éducatif puisque les installations qui en accueillent ne fournissent que peu de renseignements, voire aucun, au sujet de ces animaux. Je ne pense pas que les recherches limitées que ces installations mènent justifient de garder des cétacés en captivité, étant donné que, comme cela a été scientifiquement prouvé, les cétacés sont des mammifères très sensibles, très sociaux, très intelligents et très émotifs et ils ne s'en sortent pas bien en captivité.

Philip Demers, ancien entraîneur de mammifères marins, à titre personnel : Bonsoir. Je remercie le comité de m'avoir invité à présenter mon point de vue sur le projet de loi S-203 et à faire un survol de mes 12 années d'expérience à titre d'entraîneur de mammifères marins à Marineland Canada et de consultant professionnel auprès de SeaWorld, du Dolfinarium Harderwijk et de l'aquarium océanique de Valence, en Espagne. Dans le cadre de ma vaste expérience, j'ai travaillé avec diverses espèces en captivité, notamment des épaulards, des bélugas, des grands dauphins, des phoques, des otaries et des morses.

En 2000, après l'obtention de mon diplôme en ingénierie audio et en multimédia numérique, Marineland m'a recruté à titre d'entraîneur adjoint. Comme il n'existe aucune école « d'entraîneur de baleines », ma formation intéressait Marineland, puisque j'apportais à l'entreprise des compétences susceptibles d'étoffer son spectacle sur le plan technique et, en contrepartie, je recevais une formation en dressage de tous les animaux. Au cours des 12 années suivantes, Marineland m'a récompensé par de multiples augmentations salariales et promotions.

En 2012, j'ai donné ma démission à Marineland au beau milieu d'un grave problème mécanique de l'unité de traitement de l'eau, qui perdurait depuis des mois, malgré les nombreuses plaintes déposées par des vétérinaires, des superviseurs et des employés affectés au traitement de l'eau. Les désastreuses conséquences provoquées par l'eau hyperchlorée n'ont épargné aucun animal. Les phoques, les otaries, les morses et les dauphins sont devenus dangereusement léthargiques et présentaient des lésions sur la peau et des marques de desquamation. Pour atténuer leur souffrance, on leur administrait des médicaments de force, dont du valium, un antipsychotique couramment utilisé dans les aquariums. De nombreux mammifères avaient des problèmes oculaires, et nos baleineaux souffraient d'ulcères.

La complaisance de la direction face à ces problèmes a incité le superviseur du traitement de l'eau à démissionner parce qu'il ne pouvait plus supporter de voir les animaux souffrir. Désespéré, j'ai moi aussi décidé de renoncer à la profession que j'exerçais depuis 12 ans, ne pouvant plus tolérer les souffrances inutiles et persistantes infligées aux animaux.

En tant qu'entraîneur de baleines, je devais connaître chaque animal, établir avec lui une relation de confiance et informer les vétérinaires de tout problème de santé et de comportement. Je m'acquittais de ce travail de manière très efficace. Voici comment a réagi la vétérinaire de Marineland, Erica Gehring, après avoir reçu mon préavis de deux semaines :

« Il faut absolument que Phil reste avec nous [...] s'il s'en va, il sera vite embauché ailleurs [...] Marineland a besoin de lui, les animaux ont besoin de lui. Nous avons tous besoin de lui. À mon avis, il est l'un des meilleurs entraîneurs (il est vraiment le meilleur) en raison de ses compétences et de sa compréhension. Il connaît les animaux et sait comment les amener à adopter un comportement qui facilite notre travail à tous. »

À en juger par mon expérience, je crois que le projet de loi S-203 est nécessaire, et qu'il est plus que temps de l'adopter. Il est honteux de voir que le Canada tire de l'aile par rapport à d'autres pays (en ce qui a trait aux lois sur l'importation d'animaux), comme l'ont fait remarquer des témoins précédents. Ce vide juridique a permis à Marineland de profiter du programme international de commerce d'animaux, en vertu duquel des baleineaux issus de bélugas capturés à l'état sauvage sont importés et vendus à des aquariums des États-Unis, où la loi interdit strictement l'importation d'animaux à l'état sauvage.

Dans un cas particulier, l'aquarium SeaWorld a intenté une poursuite judiciaire, alléguant que Marineland ne prodiguait pas les soins appropriés à un épaulard nommé Ikaika, que SeaWorld lui avait prêté aux fins de reproduction. N'ayant pas réussi à se défendre contre ces allégations, Marineland a perdu la garde d'Ikaika.

Si SeaWorld n'était pas intervenu pour sauver Ikaika, je crois que le jeune épaulard mâle aurait subi le même sort que ses quelque 30 autres congénères exhibés à Marineland depuis l'ouverture du parc, il y a 55 ans. Lui aussi serait mort bien avant d'atteindre l'âge moyen de vie des épaulards sauvages. Il serait mort lui aussi, comme les milliers d'animaux enterrés dans les fosses communes de Marineland, un endroit que je ne connais que trop bien, puisque j'y ai personnellement inhumé et exhumé d'innombrables animaux, et dont l'image ne cesse de me hanter. Lorsque des entraîneurs de baleines sont témoins de la souffrance et de la mort d'animaux, ils souffrent eux aussi.

Entre 1999 et 2012, après s'être vu interdire la capture de baleines ici même au Canada, à Churchill, au Manitoba, Marineland s'est tournée vers l'importation de bélugas sauvages capturés dans les eaux russes. Dès qu'ils mouraient, les animaux étaient remplacés. Le nombre de bélugas de Marineland est passé de trois à près de 60, de nombreux baleineaux naissant et mourant chaque saison. En l'absence d'un véritable programme de surveillance, les décès ne sont ni documentés ni signalés.

Un grand nombre de dauphins ont également été importés de Russie, mais il ne reste aujourd'hui que cinq femelles. En particulier, un dauphin femelle appelé Lida a été capturé à l'état sauvage alors qu'elle était gestante. Son delphineau n'a survécu que quelques jours, confiné dans un réservoir en béton. En fait, aucun dauphin ou épaulard né à Marineland n'est encore vivant aujourd'hui. Pas un seul. Cela fait 55 ans que Marineland échoue dans son entreprise d'élevage. Quand lui dira-t-on que c'est assez?

L'échec de l'élevage de bélugas et l'incapacité de l'entreprise de maintenir des groupes sociaux naturels sont également la cause de décès et de souffrances chez les nouveau-nés. Les mères sont forcées d'assister au transfert de leurs baleineaux et aux fréquentes attaques mortelles perpétrées par des bélugas mâles parce que les murs de béton empêchent les petits de s'échapper. Cette situation se produit également avec les dauphins, qui n'ont aucun répit face à leurs agresseurs. Le dauphin Echo est la cible d'attaques quotidiennes. Dans l'espoir d'atténuer ces agressions, Marineland administre quotidiennement des sédatifs aux animaux. À cause de cette pratique, il arrive souvent que des animaux trop petits mangent des poissons dopés qui sont lancés dans le bassin.

Kiska, le dernier épaulard de Marineland, a déjà mangé un poisson dopé destiné à Ikaika, un épaulard beaucoup plus gros. Comme les doses de médicament sont calculées en fonction de la taille estimative de l'animal, les vétérinaires ont eu très peur qu'elle meure ce jour-là. Je peux attester qu'elle a survécu de justesse.

En 2012, après avoir inspecté Marineland, la Société de protection des animaux de l'Ontario — l'OSPCA — et l'Association des zoos et aquariums accrédités du Canada, dont Marineland est un membre cotisant, ont réitéré mes inquiétudes et ordonné à l'entreprise de prendre plusieurs mesures correctives, notamment de moderniser ses unités de traitement de l'eau et de faire appel à un ophtalmologiste pour traiter les yeux des animaux. Le gouvernement de l'Ontario a commencé à élaborer des normes sur le traitement des mammifères marins que l'OSPCA pourra enfin mettre en œuvre. La province a également interdit l'importation d'épaulards capturés à l'état sauvage sur l'ensemble de son territoire, mais cela ne règle pas le problème des dauphins et des autres cétacés qui ont droit à autant de respect.

Depuis que j'ai commencé à parler de mes expériences à Marineland, je suis moi-même devenu la cible d'attaques incessantes. Dans un effort pour étouffer l'affaire, Marineland a lancé près d'une douzaine de poursuites stratégiques contre la mobilisation publique, dont l'une est dirigée directement contre moi, pour le motif que j'aurais comploté dans le but de voler le morse Smooshi, une accusation tout à fait loufoque.

Malgré son caractère manifestement frivole, cette poursuite m'a causé — comme à d'autres — de graves problèmes financiers. J'ai également été la cible de violence, ma maison a été mise sous surveillance et j'ai fait l'objet d'une campagne de dénigrement qui a déjà eu des échos jusqu'ici au Sénat, puisque le sénateur Plett s'est volontiers porté à la défense du parc marin, citant de manière exhaustive sa poursuite sans fondement. Je soupçonne également Marineland d'avoir bien préparé le sénateur en vue de la période de questions et je suis maintenant prêt pour cet exercice. Je vous remercie.

Le président : Il nous faudra attendre un peu pour cela.

Barbara Cartwright, chef de la direction, Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux : Bonjour. Je tiens d'abord à remercier le comité de se pencher sur cette importante question et de travailler sans relâche au nom des Canadiens. Je suis ici pour vous faire part de l'appui des sociétés d'assistance aux animaux et sociétés de protection des animaux du Canada à l'égard du projet de loi S-203.

La Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux est l'organisme national qui représente les sociétés d'assistance aux animaux et les sociétés de protection des animaux de l'ensemble du Canada, sur lesquelles les Canadiens se fient non seulement pour prendre soin des animaux maltraités et abandonnés de nos collectivités, mais aussi pour exécuter la loi, fournir des ressources, faire la recherche et assurer la formation.

La Fédération représente 55 membres dans les 10 provinces et dans deux territoires. Nous représentons les plus grands centres urbains comme les plus petites collectivités côtières : nous sommes fiers de représenter la plus grande société de protection des animaux du continent, la SPCA de la Colombie-Britannique, tout comme nous sommes fiers de représenter les plus petites comme la SPCA de Happy Valley-Goose Bay et la SPCA du comté de Charlotte, au Nouveau-Brunswick.

Les sociétés d'assistance aux animaux et sociétés de protection des animaux du Canada comptent près de 2 000 employés et bénéficient de l'aide de quelque 26 000 bénévoles; elles entraînent des retombées économiques de plus de 180 millions de dollars par année pour les collectivités de l'ensemble du pays. Plus de 40 p. 100 des sociétés d'assistance aux animaux et sociétés de protection des animaux sont habilitées à exécuter les lois provinciales et fédérales en matière de protection des animaux et de lutte contre la cruauté.

Depuis sa création en 1957, la Fédération a travaillé à l'atteinte de changements positifs et progressifs en vue de mettre un terme à la cruauté envers les animaux, d'améliorer la protection des animaux et de promouvoir le traitement sans cruauté de tous les animaux. Pour ce faire, nous utilisons le cadre des cinq libertés du bien-être animalier à titre de principe directeur. Ce cadre bien établi énonce que tous les animaux sous la garde des humains doivent être épargnés de la faim, de la soif, de la douleur, des blessures, des maladies et de la détresse, et puissent exprimer des modes normaux de comportement.

La Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux appuie toutes les étapes, y compris l'adoption de lois qui assurent une plus grande protection des mammifères marins et qui veillent au respect des cinq libertés. Nous faisons valoir depuis longtemps que les cétacés ne doivent pas être gardés en captivité, puisqu'elle ne vise pas le bien- être ou la protection des animaux ni la formation.

La Fédération reconnaît les preuves scientifiques abondantes voulant que le confinement des cétacés entraîne des douleurs et souffrances physiques et mentales et ne réponde donc pas à leurs besoins en matière de santé, de comportement et d'environnement. Les cétacés en captivité présentent des problèmes importants, dont le comité a beaucoup entendu parler. En captivité, les comportements naturels comme la recherche de nourriture, le saut et l'agitation des nageoires et de la queue sont restreints, voire impossibles. Les cétacés sont souvent isolés et ne sont pas assez stimulés, ce qui entraîne des souffrances physiques et psychologiques. Les cétacés sont des êtres très intelligents et sociables, qui ont besoin de plonger en profondeur; les bassins ne répondent pas à leurs besoins et ne nous permettent pas d'en apprendre plus sur eux. L'étude des comportements des baleines en captivité à titre d'effort pour mieux comprendre leurs comportements naturels n'est pas pertinente. Les baleines en captivité n'ont pas les comportements naturels qui nous permettraient de mieux les comprendre et de les protéger.

Je crois que cette citation de Jacques Cousteau résume bien la situation :

Il y a autant de bénéfices pédagogiques à acquérir en étudiant des dauphins en captivité qu'il y en aurait à étudier le genre humain en n'observant que des prisonniers isolés.

Le projet de loi S-203 est une mesure législative sensée qui ne fait que codifier ce qui se passe au Canada depuis un bon moment déjà. L'exposition des cétacés a diminué partout sur le continent, notamment ici, en Ontario, où la Fédération a siégé au groupe consultatif technique du gouvernement provincial de l'Ontario qui a mené à l'interdiction de la garde des épaulards en captivité.

J'aimerais maintenant aborder la question des normes et lignes directrices. Nous nous opposons à l'établissement de normes ou de lignes directrices et nous soutenons que la recherche scientifique sur le comportement et la biologie des cétacés sauvages montre qu'aucun environnement de captivité ne peut répondre aux besoins physiques, comportementaux et sociaux complexes des cétacés. Il est donc impossible d'élaborer des normes qui permettraient une mesure significative du bien-être des cétacés dans un milieu de captivité.

Un autre témoin, M. Rosen, a fait référence aux lignes directrices élaborées par le Conseil canadien de protection des animaux pour les mammifères marins en captivité et a fait valoir que la seule mission du Conseil était de veiller au bien-être des animaux. Il a tort. La Fédération des sociétés canadiennes d'assistance aux animaux est un membre fondateur du Conseil canadien de protection des animaux et est le seul organisme de protection des animaux à y siéger. Sur son site web, le Conseil se décrit comme suit :

Le Conseil canadien de protection des animaux — CCPA — est l'organisme national responsable de l'élaboration, de la mise en œuvre et de l'encadrement de normes élevées pour l'éthique animale et les soins aux animaux dans le domaine scientifique au Canada. Il fonctionne sur le principe de l'examen par les pairs.

Le Conseil énonce aussi clairement qu'il est « un organisme sans but lucratif indépendant qui agit dans l'intérêt de la population canadienne ».

Vous remarquerez l'absence d'une quelconque référence au bien-être animalier. Il importe aussi de souligner qu'il y a eu dissension parmi les membres du Conseil, dont la Fédération, au sujet de la référence aux lignes directrices, puisque le Conseil a accepté un contrat externe pour la création des lignes directrices et n'avait aucune installation de recherche sur les cétacés; ainsi, ces activités dépassaient son champ de compétence et son expertise.

Même si je sais que tous les sénateurs le savent, je tiens à souligner une fois de plus que le projet de loi ne touchera qu'un seul centre de divertissement commercial au Canada : Marineland. Bien que l'aquarium de Vancouver ait fait part au comité de son objection au projet de loi en misant sur son programme de recherche, son argument est discutable à la lumière de la récente décision du conseil d'administration des parcs.

De plus, les Canadiens n'appuient pas la pratique archaïque visant la capture, le confinement et la reproduction des baleines et des dauphins à des fins de spectacle. Ils comprennent qu'en prétendant que la garde en captivité vise des fins éducatives, on confond une expérience récréative et une expérience éducative. Les Canadiens comprennent que la valeur d'une telle pratique en matière de protection ou d'éducation est minime et qu'il existe de meilleurs moyens d'apprendre sur ces animaux.

La Fédération appuie la recherche continue sur les mammifères marins sauvages, qui revêt une grande importance et qui nous donne un aperçu réaliste des animaux dans leur habitat naturel, sans les faire souffrir.

Ce projet de loi représente une étape importante en vue de protéger le bien-être des baleines, des dauphins et des marsouins, non seulement en confinement, mais aussi à l'était sauvage, et place le Canada en position de chef de file en faisant avancer la science sur les mammifères marins sans faire souffrir les animaux.

Nous envisageons un avenir positif et progressif pour le bien-être des mammifères marins du Canada. Merci.

Le président : Quelques sénateurs viennent de se joindre à nous; je leur demanderais de se présenter à nos invités avant de commencer.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du golfe, au Québec.

[Traduction]

Le président : Je remercie les témoins de leur déclaration préliminaire. Je vous rappelle que si les cloches se mettent à sonner, nous déterminerons s'il faut suspendre la séance.

La semaine dernière, certaines des questions et réponses étaient longues et nous avons dépassé le temps prévu pour la réunion. Je n'aime pas interrompre une conversation, mais je veux m'assurer que tous les intervenants de la liste puissent poser une question. Au besoin, je vais céder la parole au prochain intervenant, puis nous reviendrons pour une deuxième série de questions. Nous verrons cela en temps et lieu.

Le sénateur McInnis : Je souhaite la bienvenue aux témoins. Vous savez que nous examinons ce projet de loi depuis un mois et que nous passons d'un spectre à l'autre.

Nous venons d'entendre vos témoignages. Jeudi dernier, nous avons reçu Mme Vergara, M. Trites et M. Rosen. Ils ont été aussi convaincants que vous. C'est là le défi auquel nous serons confrontés lorsque nous devrons voter.

Nous respectons toutes les opinions qui sont exprimées, croyez-moi, mais j'aimerais revenir à ce qui a été dit jeudi dernier. Je ne sais plus trop de qui il s'agissait, mais l'un d'entre vous a dit :

L'étude des comportements des baleines en captivité à titre d'effort pour mieux comprendre leurs comportements naturels n'est pas pertinente. Les baleines en captivité n'ont pas les comportements naturels qui nous permettraient de mieux les comprendre et de les protéger.

C'est votre point de vue, mais jeudi dernier, j'ai demandé à Mme Vergara — qui avait parlé du travail avec les bélugas dans le fleuve Saint-Laurent — quelles autres formes de recherche sur ces cétacés en captivité étaient utiles pour les animaux sauvages.

Elle m'a donné plusieurs exemples, notamment celui d'un faux-orque qui pouvait se boucher les oreilles et étouffer les sons — ce qui est utile —, du masquage des sons d'écholocalisation, qui est encore plus productif aujourd'hui en raison d'une nouvelle technologie qui couvre une large bande passante, les hydrophones améliorés, qui montrent les bruits des navires à une distance d'environ trois kilomètres — ce qui est un autre point positif —, et de l'incidence possible du transfert des bruits externes vers l'habitat. Elle aurait pu me donner d'autres exemples, et m'a parlé de plusieurs autres avantages.

La question que je voudrais vous poser est celle-ci : comment pouvez-vous prétendre que ce n'est pas bénéfique pour les animaux sauvages alors qu'une professionnelle affirme le contraire, avec l'appui des professeurs Rosen et Trites? Voyez-vous la dichotomie dans laquelle nous nous trouvons?

Mme Cartwright : Tout à fait. Je peux vous répondre, puisque je reconnais que vous me citez. Je peux aussi sûrement inviter les autres témoins du groupe à répondre avec moi.

Je conviens qu'il y a toujours de l'information contradictoire. Or, il y a tout autant d'information de scientifiques de partout dans le monde, des biologistes de la vie marine qui diront que non, on ne peut pas recréer dans un bassin ce qui se produit dans la nature, que le meilleur endroit pour mener des recherches, c'est le milieu naturel et que les comportements des animaux ne sont pas naturels s'ils ne se trouvent pas dans leur environnement naturel.

C'est contradictoire, effectivement, mais je pense que nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons mener des recherches en milieu naturel de manière à ce qu'elles profitent aux espèces sans compromettre le bien-être individuel des animaux. Je vois une lumière qui s'allume. Est-ce que je continue?

Le président : C'est la sonnerie d'appel. Nous sommes en train de vérifier combien de temps nous avons.

Le sénateur Plett : Je pense que nous avons une heure, monsieur le président.

Le président : Continuez.

Mme Cartwright : Quoi qu'il en soit, nous devons trouver des façons de mener des recherches en milieu naturel sans compromettre le bien-être individuel des animaux en captivité, parce que nous savons que leur bien-être est compromis en captivité. Voyons ce que nous pouvons faire en milieu naturel. Trouvons des outils pour faire des recherches en milieu naturel et ne pas avoir à faire ce compromis.

Le président : Je veux simplement aviser les sénateurs que nous avons encore 45 minutes environ, après quoi nous devrons partir. Est-ce que quelqu'un d'autre souhaite répondre à la question, ou est-ce que cela va?

Mme Ferguson : J'aimerais aussi souligner ce que ces animaux montrent. Je ne suis pas une scientifique. Je ne suis pas une biologiste, c'est vrai, mais je peux vous dire que ces animaux affichent des comportements qui n'ont rien de naturel.

Kiska nage toujours en rond de la même façon, depuis des années. Elle ne nage jamais dans le sens des aiguilles d'une montre. Encore une fois, je ne suis pas une scientifique, mais je me demande bien en quoi le fait de déterminer le son que ces animaux produisent dans un enclos de béton peut aider les espèces dans la nature.

J'ai appelé à l'Aquarium de Vancouver il y a quelques mois, je pense, pour obtenir de l'information sur le troupeau d'épaulards qui vit dans la partie sud de la côte Ouest. Je voulais savoir quel genre de recherches l'aquarium faisait sur ces animaux. La dame a été fantastique et m'a fait parvenir de nombreux documents sur toutes ses activités concernant ces animaux sauvages. Elle ne m'a pas envoyé un seul document sur des activités réalisées en captivité.

Je n'ai pas l'impression que ce qui se fait en captivité est vraiment nécessaire pour justifier que ces animaux restent dans des bassins. À en juger par les photos que je vous ai montrées, je ne crois pas que leurs souffrances, parce que ces animaux souffrent, vaillent la peine de faire ce qu'on prétend pouvoir faire avec des animaux en captivité.

Le sénateur McInnis : Je ne provoquerai pas de grands débats sur cette question, parce que de toute évidence, vous avez votre opinion. Je dois faire la part des choses entre tout ce qui se dit ici.

Les travaux réalisés sur les bélugas dans le Saint-Laurent sont précieux. Les chercheurs utilisent l'information recueillie grâce à l'étude de cétacés en captivité pour améliorer leur situation.

La situation des bélugas dans le Saint-Laurent est très préoccupante. C'est la raison pour laquelle je vous dis que cela vaut la peine. Bon nombre des exemples que je vois ici valent les recherches effectuées, puisqu'elles sont utiles. C'est ce que je veux dire. Par contre, ils ne disent pas que ces animaux souffrent. C'est l'autre élément à prendre en considération.

Mme Ferguson : Je crois aussi qu'ils sont très associés à leur organisation. Comme ma collègue Barbara le disait, il y a différents points de vue scientifiques. Je crois que vous entendrez également la Dre Ingrid Visser.

M. Demers : Si je peux ajouter une chose, si ces études ont été réalisées à l'Aquarium de Vancouver, celui-ci ne possède plus de bélugas parce qu'ils sont tous morts. Je peux vous assurer qu'aucune étude effectuée à Marineland, parce qu'il n'y en a aucune qui s'y fait, n'aura d'effet sur des populations sauvages.

En fait, en matière de conservation, la seule chose qu'a jamais faite Marineland, c'est de capturer des animaux sauvages, et c'est la pire chose à faire pour la conservation.

Le sénateur McInnis : Merci.

Le sénateur Munson : Je vous remercie d'être parmi nous ce soir. Je serai bref pour ma première question. De toute évidence, d'après votre témoignage, vous ne croyez pas que le projet de loi S-203 va assez loin. Si vous aviez le pouvoir d'amender ce projet de loi, que recommanderiez-vous? Vous avez dit ou quelqu'un d'autre vient de dire que c'est un bon départ.

Ce peut être un bon départ du point de vue de certaines personnes, mais il pourrait falloir beaucoup de temps pour changer des pratiques de nombreuses années en captivité.

Mme Cartwright : Votre question s'adresse-t-elle à moi, sénateur Munson? Je viens de remarquer que ma lumière est allumée. Je suis pour le projet de loi.

Le président : Je dois vous aviser qu'un sénateur peut poser une question à n'importe quel témoin, individuellement, mais que vous ne devez pas hésiter à vous manifester si vous voulez ajouter quelque chose quand la personne a terminé.

Mme Cartwright : Je crois avoir bien affirmé que le projet de loi S-203 est un projet de loi sensé. Je n'y recommanderais aucun amendement. Il faut interdire la captivité des cétacés.

M. Demers : Je pense la même chose. Je pense que ce projet de loi répond au besoin.

Mme Ferguson : Tout à fait. Je pense que ce projet de loi permettra d'effectuer des recherches sur les animaux secourus. Mais il faut le dire : aucun animal secouru ne se retrouvera à Marineland. En Ontario, nous sommes un peu trop loin dans les terres. Je crois qu'on n'y a jamais secouru ou réhabilité un animal.

Nous parlons de l'Aquarium de Vancouver, et je crois que le projet de loi prévoit la réhabilitation des cétacés secourus. S'ils ne peuvent pas être relâchés dans la nature, ils pourront y rester. Cependant, la direction de l'Aquarium de Vancouver affirme vouloir cesser de garder des cétacés en 2029.

Le sénateur Munson : Qu'en pensez-vous alors? Si des cétacés sont secourus et qu'ils peuvent être réhabilités, devraient-ils être exposés de sorte qu'on puisse payer 25 $ pour amener ses quatre enfants voir des animaux secourus tourner en rond encore et encore pendant les 20 prochaines années?

Mme Ferguson : Personnellement, je crois que s'ils ne peuvent vraiment pas être réhabilités et relâchés, s'ils sont là de toute façon, pourquoi pas?

M. Demers : Je suis d'avis qu'il faut tout de même répondre aux besoins des animaux en captivité. Je pense que nous avons encore beaucoup à faire pour s'approcher d'un semblant de vie digne pour ces animaux.

Soit, s'ils sont gardés là parce qu'ils ont besoin de soins supplémentaires, alors il est parfaitement acceptable de leur offrir les meilleurs soins possible à cet endroit.

Le sénateur Munson : On sent beaucoup d'émotivité à ce comité. Il y a des points de vue différents, je peux vous le dire.

J'ai une précision à demander. « En captivité, les comportements naturels comme la recherche de nourriture... et l'agitation des nageoires et de la queue sont restreints. » Qu'est-ce que cela signifie?

Mme Cartwright : C'est tout ce qui concerne la recherche de nourriture.

Le sénateur Munson : Je comprends, mais l'agitation des nageoires et de la queue pique ma curiosité, c'est tout.

Mme Cartwright : Les cétacés font toutes sortes de choses avec leurs nageoires. Ils les agitent dans les airs. Ils ont toutes sortes de comportements comme de sauter et de sortir la queue de l'eau. Évidemment, ils sont limités dans un bassin, compte tenu de leur taille et de la dimension du bassin.

M. Demers : Ils ont des comportements acquis pour les spectacles. Une baleine se tiendra la tête en bas, puis sortira la queue de l'eau en signe d'au revoir à la foule. Ce n'est pas un comportement naturel. C'est un comportement acquis pour stimuler la foule et l'inciter à applaudir plus fort.

Le sénateur Munson : Très brièvement, alors, comme d'autres sénateurs ont beaucoup de questions à poser, vous nous avez donné des exemples de pays où les Marineland et les Aquariums de Vancouver de ce monde n'existent plus.

En fin de compte, souhaiteriez-vous que ce genre d'endroit ferme ses portes et qu'on trouve plutôt un endroit où garder les animaux secourus dans un milieu confortable plutôt que d'en faire des bêtes de cirque, comme certaines personnes le disent?

Mme Ferguson : Absolument. Je suis d'avis que les cétacés, plus que toute autre espèce à part peut-être les éléphants, ne peuvent pas s'épanouir en captivité. C'est la raison pour laquelle mon organisation met tellement l'accent sur eux. Vous avez déjà entendu toutes nos raisons à cela, donc je ne les répéterai pas.

Le reste du monde se réveille. Les gens ne veulent plus voir ce genre de spectacle. C'est la raison pour laquelle tous ces autres pays ont pris ces décisions. Nous aurions une occasion en or de devenir un modèle en Amérique du Nord.

Mme Cartwright : J'aimerais moi aussi répondre à cette question. L'un des éléments fondamentaux, c'est que si l'on rescape des cétacés, qu'on les réhabilite puis qu'on les relâche dans la nature, c'est fantastique. C'est l'idéal pour eux. Mais si on ne peut pas les relâcher et qu'ils doivent être gardés en captivité, alors nous serions plutôt en faveur de la création d'un sanctuaire, puisque l'un des principes de base d'un sanctuaire serait que les animaux n'y soient pas utilisés à des fins de divertissement ou pour réaliser des profits.

M. Demers : Je partage la même opinion. J'aimerais rappeler aux membres du comité qu'en fait, c'est assez récent qu'on garde des baleines en captivité. Nous n'avons commencé à le faire que dans les années 1970 au Canada. Or, plus nous en apprendrons sur ces animaux, plus nous serons susceptibles de créer des environnements qui seraient davantage comme des sanctuaires, où nous pourrions en prendre soin convenablement.

Le sénateur Plett : Monsieur Demers, à la lumière de votre témoignage, je sais que vous attendez impatiemment que je vous interroge.

M. Demers : Je me sens tout chaud à l'intérieur.

Le sénateur Plett : Très bien. Je vais donc commencer, monsieur, par un bref commentaire. Je vous poserai ensuite quelques questions, à vous et aux autres excellents témoins que nous accueillons aujourd'hui.

Monsieur Demers, après que vous ayez porté des accusations très graves, non pas aux autorités compétentes, mais dans le Toronto Star, des enquêtes complètes ont été menées par l'OSPCA, l'AZAC, la Niagara Falls Humane Society et le ministère du Travail, après quoi le gouvernement de l'Ontario a commandé une enquête et un rapport indépendants. Aucune de ces enquêtes, aucune, n'a mené à des accusations.

C'est devenu une habitude, monsieur. Vous avez admis sous serment avoir consommé personnellement des drogues à usage contrôlé destinées aux mammifères marins de Marineland et en avoir conservé à votre résidence. Apparemment, c'est aujourd'hui votre avocate qui les a en sa possession. Je peux lire ici, dans un document officiel, que la Cour supérieure de justice de l'Ontario a déclaré que vous aviez délibérément trompé la cour, et je n'ai aucun doute que vous ferez la même chose ici.

Vous avez souhaité bonne chance à Marineland dans votre lettre de démission, monsieur, après lui avoir imposé le spectacle de téléréalité de « l'homme qui murmurait aux morses », dont Marineland ne souhaitait pas faire partie.

J'ai quelques questions à poser. Vous pouvez tous y répondre. Vous avez déposé plusieurs plaintes répétées au sujet de Kiska à l'OSPCA. Je suppose que cette question s'adresse surtout à vous, madame Ferguson. L'OSPCA a chaque fois mené enquête. Est-il exact qu'aucune accusation n'a jamais été portée à l'issue de ces enquêtes?

Je crois aussi comprendre, et vous l'avez déjà dit ici, que vous n'êtes pas vétérinaire et que vous n'avez jamais traité de mammifère marin ou de cétacé. Votre groupe est-il interdit d'entrée à Marineland selon un avis d'entrée non autorisée?

Mme Ferguson : J'ai apporté mon avis d'entrée non autorisée avec moi, si quelqu'un veut le voir, par souci de transparence. Effectivement, mon organisation, y compris notre vétérinaire, a reçu un avis d'entrée non autorisée à Marineland.

Au sujet de Kiska, je doute que l'OSPCA ait les ressources ou les compétences nécessaires pour se pencher sur les cas de cétacés. Kiska, comme vous l'avez vu sur les photos que je vous ai remises, n'a même pas d'abri. C'est pourtant une norme de soins de base en vertu du Règlement de l'Ontario 60/90. Quand des bélugas ou Kiska n'ont pas d'abri pour se réfugier, je pense que l'OSPCA n'a pas les ressources nécessaires pour faire quoi que ce soit.

J'aimerais souligner qu'à ce que je sache, et je me trompe peut-être, le principal vétérinaire sur le terrain à Marineland possède un doctorat en médecine vétérinaire, mais aucune autre qualification sur les mammifères marins à part son expérience et peut-être une formation d'une fin de semaine sur les mammifères marins.

Le sénateur Plett : Permettez-moi de citer le Dr Lanny Cornell, un vétérinaire expert des mammifères marins, qui a déclaré ceci au sujet de Kiska le 16 février dernier :

Kiska est en bonne santé, elle se nourrit bien, interagit bien avec le personnel, répond bien au renforcement et à la formation, et elle semble active et alerte. Elle semble en bonne santé générale pour son âge, ainsi qu'en bonne forme. Elle reste sous supervision constante, fait l'objet d'évaluations et reçoit des soins vétérinaires appropriés.

Mme Ferguson : À quand remonte cette déclaration du Dr Cornell?

Le sénateur Plett : Au 16 février 2017, il y a à peine deux mois.

Mme Ferguson : Évidemment, je n'ai pas mis les pieds à Marineland depuis que j'ai reçu un avis d'entrée non autorisée. Vous pouvez voir ici une photo de Marineland. Il y a un épaulard seul, qui est...

Le sénateur Plett : C'est bon. Je voulais seulement le mentionner.

Mme Ferguson : Je vous parle des mesures de renforcement qu'elle reçoit. Elle se fait frotter sur le ventre une fois de temps en temps et a le droit de jouer avec un pneu en caoutchouc attaché à une corde.

Le sénateur Plett : Le Dr Cornell affirme qu'elle reçoit un peu plus que quelques caresses sur le ventre.

Le problème n'est pas vraiment Kiska. Nous ne pouvons pas garder d'autre épaulard en captivité. Malheureusement, on ne peut pas acquérir un deuxième épaulard pour tenir compagnie à Kiska. Nous ne pouvons tout simplement rien y faire.

Nous devrions peut-être nous concentrer sur autre chose que Kiska. Le fait est que les tribunaux et la province ont déterminé qu'on ne peut pas lui fournir de compagnon, mais qu'on ne peut pas non plus la relâcher dans la nature, parce que Kiska en mourrait. Nous avons pour ainsi dire les mains liées dans le cas de Kiska.

On a parlé du fait que ces animaux nagent des centaines de kilomètres pour trouver de la nourriture, on a parlé de leur espérance de vie et de toutes sortes d'autres choses. M. Trites, dont le sénateur McInnis a déjà fait mention, a affirmé que l'une des raisons pour lesquelles un animal plongera en profondeur, c'est pour chercher de la nourriture. S'il parcourt de si grandes distances, c'est pour chercher de la nourriture ou éviter de se faire manger par un prédateur comme l'épaulard. Quand un animal est protégé des prédateurs et qu'il est nourri, il n'a pas besoin de faire tout ce qu'il ferait à l'état sauvage. Il faut comprendre les stress associés aux données qu'on compile sur le terrain.

Avant que vous ne me répondiez, quiconque voudra le faire, j'aimerais mentionner une autre chose, monsieur le président. S'il y a un second tour, j'aimerais y inscrire mon nom.

Vous avez dit à maintes reprises qu'aucune baleine n'est jamais née à Marineland, qu'elles meurent toutes. En 2016, sept bélugas sont pourtant nés à Marineland, ils sont tous vivants et en bonne santé aujourd'hui. Cela va un peu à l'encontre des témoignages que nous avons entendus.

Probablement que si le comité se rendait à Marineland, son personnel lui montrerait, comme il me l'a montrée, la jeune baleine supposément morte selon le documentaire. Quand j'y suis allé, les employés m'ont montré cette jeune baleine qui nageait et qui semblait très en santé, en fait.

M. Demers : Encore une fois, c'est trompeur. Ils n'ont jamais laissé entendre que cette baleine était morte. Sénateur Plett, vous êtes très bon pour citer de manière exhaustive la poursuite sans fondement de Marineland.

Le sénateur Plett : Répondez aux questions, s'il vous plaît, monsieur. Ce n'est pas à vous de...

M. Demers : C'est vous qui êtes en train de brouiller les cartes.

Le président : Des questions ont été posées. Nous vous demandons de répondre aux questions.

M. Demers : Vous avez fait un commentaire à mon endroit qui vient de la poursuite sans fondement de Marineland...

Le sénateur Plett : J'ai fait un commentaire.

M. Demers : Si vous vous fiez aux vétérinaires de Marineland pour juger du caractère et du professionnalisme des gens, je vais vous citer Erika Gehring, la vétérinaire de Marineland qui a dit textuellement que je suis le meilleur, que s'il y avait une école d'entraîneurs de baleines, j'en serais le professeur. Encore une fois, ils vous utilisent pour m'attaquer personnellement, pour brouiller les cartes tout comme...

Le sénateur Plett : Monsieur le président, un peu d'ordre, s'il vous plaît. Il n'y a personne qui m'utilise. Nous sommes des sénateurs indépendants.

Le président : Un peu d'ordre, s'il vous plaît.

Le sénateur Munson : Pourquoi n'écouterions-nous pas la réponse à la question?

Le sénateur Plett : Sénateur, nous sommes des sénateurs indépendants.

Le sénateur Munson : Vous avez interrompu tous les témoins ce soir. Laissez-le répondre à la question.

Le président : Sénateur Munson. Des questions ont été posées, et nous demandons des réponses à ces questions. Nous vous demandons d'essayer de répondre aux questions. Je comprends que c'est une question qui suscite bien des émotions de toutes parts, mais nous devons nous en tenir aux questions et aux réponses et si possible, d'éviter de nous en écarter.

M. Demers : La question est-elle de savoir si le comité, s'il se rendait à Marineland, pourrait voir des animaux vigoureux et en bonne santé?

Le sénateur Plett : La question est : y a-t-il sept bélugas vivants, en forme et en santé à Marineland qui sont nés en 2016?

M. Demers : Je ne peux pas vous le dire puisque je ne les ai pas vus, mais si tel est le cas, je craindrais beaucoup qu'il n'y ait là des activités de reproduction excessives et que ces pratiques se poursuivent, puisque cela signifierait que ces animaux sont toujours susceptibles de se faire tuer par les mâles. Vous voudrez peut-être voir la photo que j'ai ici.

Le sénateur Plett : J'ai une dernière question.

Le président : Allez-y, monsieur Demers.

M. Demers : J'ai ici une photo d'un petit veau de béluga mort et de sa mère endeuillée, qui a été prise à Marineland. Je suppose que le personnel de Marineland ne vous a pas parlé de ce béluga. Vous voudrez peut-être lui poser des questions à ce sujet. Il y a d'innombrables autres histoires comme celle-ci dont vous n'entendrez pas parler, parce que ces décès ne seront pas déclarés. En revanche, le personnel de Marineland vous dira des choses qui...

Le sénateur Plett : Ma dernière question est la suivante : est-il vrai que vous avez pris des drogues destinées à des mammifères à Marineland?

M. Demers : Encore une fois, Marineland aime brouiller les cartes.

Le sénateur Plett : Oui ou non?

M. Demers : Je vous invite à suivre de près notre poursuite civile parce que...

Le sénateur Plett : Répondez simplement à la question.

M. Demers : ... je vous annonce que nous venons d'obtenir une ordonnance pour obliger John Holer à se soumettre à un interrogatoire dans la cause civile. À propos, je dois vous remercier, parce que c'est grâce à un tweet que vous avez envoyé puis effacé que nous avons pu l'obtenir.

Le sénateur Plett : Je vous en prie.

M. Demers : Je vous dois une bière.

Voici ce qui pourrait vous intéresser : Marineland a reçu l'ordre de fournir des détails sur les allégations sans fondement qu'il a faites il y a plus de quatre ans. L'entreprise a jusqu'au mois d'août pour obtempérer. Je vous invite à assister attentivement à ces procédures, parce que Marineland fait tout ce qu'il peut pour éviter de comparaître, et je le traîne devant les tribunaux.

Le sénateur Plett : Très bien. Monsieur le président, je me reprendrai.

Le sénateur Christmas : Madame Cartwright, vous dites, à la dernière page de votre exposé, que les Canadiens comprennent que les allégations d'une qualité éducative ne distinguent pas une expérience divertissante d'une expérience éducative.

Pourriez-vous l'expliquer? Peut-être en décrivant la différence entre les deux?

Mme Cartwright : Oui. Absolument. Merci pour la question. C'est l'un de mes domaines de compétence, grâce à ma maîtrise en éducation en matière d'environnement et en protection de l'environnement.

Ayant été formée par l'Association of American Zoos and Aquariums, à un moment donné, je peux dire que le sujet soulève beaucoup de discussions. Un spectacle peut vous divertir, vous amuser et vous procurer une grande satisfaction personnelle. Là où nous voulons que ça devienne une expérience éducative, particulièrement dans le domaine de la protection, c'est dans ce qui se fait par la suite pour le bien des espèces.

La constante immuable est que les spectacles divertissants ne débouchent sur rien pour le bien des espèces. On apprécie le spectacle. On croit parfois nouer une relation, mais elle est fausse : j'aime les épaulards; je les ai vus; ils sont si mignons. Rien qui ne débouche sur leur protection.

En questionnant les visiteurs des zoos, des aquariums ou des lieux de divertissement, à leur entrée et à leur sortie, sur leurs connaissances avant d'y entrer et après leur sortie, puis, idéalement, deux, six ou douze mois plus tard, on cherche idéalement à savoir ce qu'ils ont fait entretemps. On veut ainsi mesurer une valeur éducative ayant conduit à une valeur sur le plan de la protection.

Je peux vous fournir des détails sur plusieurs études réalisées au fil des ans. Pour un zoo ou un aquarium, l'objectif suprême est de prouver que sa fréquentation procure une valeur sur le plan de la protection des espèces sauvages, mais les faits démentent cette prétention.

La sénatrice Unger : Madame Cartwright, vous vous dites opposée à l'établissement de normes ou de lignes directrices et vous soutenez que la recherche scientifique sur le comportement et la biologie des cétacés sauvages prouve qu'aucun milieu de vie en captivité ne peut satisfaire à leurs exigences physiques, éthologiques et sociales complexes. En conséquence, il est impossible d'élaborer des normes qui permettraient une mesure véritable de leur bien-être.

Comment, alors, mesurerait-on ce bien-être en captivité? Maintenant qu'ils ne sont plus en captivité, ce serait sur des animaux en liberté. Comment y parviendriez-vous?

Mme Cartwright : À fixer des normes pour la captivité?

La sénatrice Unger : Actuellement, on obtient des données grâce à ces animaux gardés en captivité. Si on les remet en liberté, comment pourrez-vous élaborer des normes sur leur comportement?

J'ai une question accessoire sur une déclaration que vous avez faite selon laquelle ils peuvent vivre 100 ans dans la nature. Quelle est leur durée moyenne de vie en captivité?

Mme Cartwright : Je vais répondre à la première question. Pour la deuxième, sur la durée de leur vie en captivité, ce n'est pas ma spécialité. Je crois que vous parlez d'une déclaration faite par un tiers.

Les normes et les lignes directrices en question sont celles qui s'appliquent aux mammifères marins en captivité. Aucune n'est fixée pour leurs congénères sauvages, parce qu'ils vivent dans la nature. Il y a certainement de la rigueur scientifique. Les scientifiques établissent des méthodes d'interaction avec les animaux sauvages. Qu'il s'agisse ou non de cétacés, s'ils se conforment au code déontologie de leur discipline et qu'ils appliquent de bonnes méthodes établies par leurs propres disciplines, nous continuerons d'appuyer leurs travaux. Nous appuyons toujours des travaux qui, idéalement, ne dérangent pas les animaux, c'est-à-dire des travaux d'observation.

Quant à des normes de soins et de bien-être pour les mammifères marins en captivité, nous croyons tout simplement que c'est impossible. L'établissement de normes ne permet pas d'assurer un meilleur bien-être.

Le sénateur Enverga : Je vous remercie d'être ici. Vous avez dit que le maintien de cétacés en captivité n'aidait en rien à leur protection. J'ai entendu dire qu'une jeune fille qui observait ces magnifiques animaux quand elle fréquentait le parc a décidé, beaucoup d'années plus tard, de les étudier. Elle a obtenu un doctorat sur les cétacés.

Comment pouvez-vous nier toute valeur pour la protection alors que beaucoup d'enfants et d'adultes qui observent des cétacés rescapés dans la nature ressentent soudain le besoin de les étudier. Comment pouvez-vous nier la valeur éducative de ces cétacés en captivité?

Mme Cartwright : J'ai répondu à la question sur la différence entre le divertissement et l'éducation.

La bonne nouvelle est qu'il existe de nombreuses autres façons d'inspirer d'autres actions. Je ne suis pas sûre si la jeune fille, les visiteurs se sont ensuite dirigés vers l'étude des cétacés, s'ils en ont effectivement étudié en captivité ou en liberté, s'ils se sont consacrés à la protection. Impossible pour moi de répondre, faute de connaître leur parcours.

L'inspiration est une bonne chose. Dès 2003, bien avant que nous ayons pu accéder à la beauté d'Internet, il y avait des documentaires. Nous pouvons nous rappeler Jane Goodall et National Geographic. Grâce aux documentaires, nous pouvons revoir en pensée toutes les images qui ne montrent pas d'animaux en captivité, qui souffrent donc pour nous inspirer. Grâce à des caméras à haute définition qui captent de magnifiques images et aux nombreuses méthodes qui permettent d'obtenir maintenant ces images, nous avons le bonheur de ne pas avoir besoin de les garder en captivité pour être ainsi inspirés.

Le sénateur Enverga : Actuellement, pour étudier les animaux, on veut aller dans leur milieu naturel. Sachant qu'il n'est pas possible à tous d'aller en mer pour les observer, ne croyez-vous pas qu'il est bon, aussi, qu'on puisse les étudier et les observer dans un milieu qui est plus naturel?

Mme Cartwright : Je suis d'accord, ce n'est pas naturel. Ce qui est extraordinaire, c'est que nous trouvons ici même tout ce dont nous avons besoin. Pas besoin d'animaux en captivité pour les étudier. Il suffit de se replonger dans National Geographic et de profiter de l'inspiration qu'il suscite et qui nous transporte dans leur habitat naturel. C'est le meilleur endroit pour apprendre et c'est le meilleur endroit pour ces animaux.

Mme Ferguson : Si vous permettez, les enfants se pressent dans les musées et depuis si longtemps pour étudier les dinosaures. Les dinosaures les fascinent. Mon garçon les adore, mais il n'en a jamais vu. L'un des mouvements les plus vastes qu'ait connus le monde visait à sauver les grandes baleines, c'est-à-dire la baleine à bosse, le rorqual commun et la baleine bleue. Or, aucun de ces animaux n'a jamais vécu en captivité.

Le film qui m'a incitée à consacrer ma vie à aider les animaux a été Gorilles dans la brume, qui raconte le sauvetage du gorille de montagne par Dian Fossey. Cette chercheuse m'a beaucoup inspirée. Je n'ai jamais vu de gorille de montagne, parce qu'il n'y en a jamais eu en captivité, mais, sans ses travaux dans la nature, l'espèce aurait complètement disparu.

Comme Mme Cartwright l'a dit, il y a beaucoup d'autres façons de devenir inspiré, et inutile, pour ça, de faire souffrir des animaux.

Le sénateur Enverga : Oui, mais dans l'Internet et dans les jeux vidéo, beaucoup de choses ne sont pas réelles. Ne serait-il pas agréable, pour appréhender pour la première fois une réalité, de pouvoir la voir, y toucher? Ne croyez-vous pas que c'est totalement différent d'une image ou d'une vidéo? Même à haute définition, ce n'est pas réel. C'est ma perception.

Mme Ferguson : Je ne crois pas que nous en ayons le droit.

Le sénateur Enverga : Nous devons faire connaître à nos enfants, dans la réalité, des choses qu'ils peuvent toucher, ressentir, voir et entendre.

M. Demers : J'avais exactement les mêmes aspirations. Quand je suis entré au service de Marineland, je n'étais pas contre la captivité des cétacés. Tout le temps que j'ai passé avec ces animaux m'a permis de comprendre que nous ne pouvions pas répondre convenablement à leurs besoins. Ç'a été ma véritable éducation. De toute façon, l'image que projettent ces animaux est fausse.

Parlant de réalité, les animaux en captivité, les cétacés particulièrement, ne sont pas une représentation réelle de ces animaux dans la nature.

Mme Cartwright : Je suis d'accord avec vous : il est merveilleux de connaître la nature dans sa réalité. Réjouissons- nous, nous avons des écureuils, des ratons laveurs, des orignaux et des ours. Il suffit d'aller dans le parc de la Gatineau pour immerger nos enfants dans le monde naturel, si nous ne voulons pas qu'ils le regardent à la télévision. Il nous entoure. Nous n'avons pas besoin de faire souffrir des animaux en captivité pour vivre cette expérience, parce que, c'est prouvé, ils peuvent donner ce que nous cherchons, et cette inspiration à nous dépasser est noble.

Cette inspiration, on l'obtient grâce à la télévision, à des images, à des excursions dans la nature grouillante de vie qui nous entoure, sans qu'on ait besoin d'animaux en captivité.

Le sénateur Enverga : Voilà le principal enjeu. C'est soit la télévision, soit la réalité. Et, en réalité, on est plus inspiré et on s'instruit mieux par l'observation en temps réel.

Mme Cartwright : C'est vrai et c'est dans la nature. Je suis d'accord; sortez voir les baleines dans la nature et instruisez-vous.

Le sénateur Enverga : Mais ce n'est pas à la portée de toutes les bourses.

M. Demers : Le projet de loi vise les établissements qui possèdent actuellement de ces animaux. Ils pourront les conserver et être exploités pendant encore de nombreuses années. Ce sera un programme de retrait graduel. À ce que je sache, pas tant de gens seront privés de cette expérience, parce qu'ils pourront la vivre pendant encore quelque temps.

[Français]

Le sénateur Forest : Je m'excuse d'être en retard. Nous sommes partagés entre différents comités et le Sénat.

À la base, il est clair que jamais un animal, même un individu en captivité, ne peut vivre dans des conditions favorables à son épanouissement même si on lui donne à manger. Il y a un dicton qui dit que, quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner du poisson. Donner du poisson, c'est développer chez lui de la dépendance, et lui montrer à pêcher, c'est lui offrir l'indépendance et la réalisation de soi.

Toutefois, dans le contexte où certains individus peuvent être blessés ou ne sont plus en mesure d'assurer par eux- mêmes leur survie dans un milieu naturel, n'y a-t-il pas certaines conditions qui pourraient permettre leur détention en captivité? Il faut quand même se rappeler que ce projet de loi ne vise que les cétacés et à permettre la détention en captivité des individus qui ne sont plus en mesure d'assurer pleinement leur survie en milieu naturel.

M. Demers : Je crois que, dans le cas des cétacés, si un animal est malade, il est de notre responsabilité de subvenir à ses besoins dans la nature. Or, cela ne peut être fait dans des piscines. Je crois que, à l'avenir, des environnements seront aménagés dans la mer, dans l'océan, afin que l'on puisse offrir aux cétacés une vie assez semblable à celle qu'ils ont en milieu naturel. Dans les piscines, je ne crois pas.

D'après mon expérience, les animaux ne vivent pas pleinement en captivité. Ils perdent leur raison d'être. On leur enlève leur raison d'être et on la remplace en leur donnant du poisson, mais ce n'est pas ce qu'ils préfèrent. Ils sont naturellement des animaux qui mangent du poisson dans la nature. On ne peut pas reproduire cela dans les piscines.

Le sénateur Forest : Il est clair que le projet de loi vise la détention des cétacés.

Maintenant, monsieur Demers, vous avez une assez longue expérience en ce qui concerne les installations touristiques fort importantes comme Marineland. On y trouve une faune aquatique très diversifiée. Si on enlève le droit de détenir des cétacés, pensez-vous qu'il y a un avenir pour ce type d'établissements?

M. Demers : Je n'ai pas complètement compris votre question. J'ai besoin de plus de pratique pour m'exprimer en français.

Le sénateur Forest : C'est la même chose pour moi en anglais.

Si on enlève à une entreprise comme Marineland, qui est un attrait touristique important, le droit d'avoir des cétacés en captivité, pensez-vous qu'il y a un avenir pour ce type d'établissements?

M. Demers : Pas encore. Je crois qu'on se dirige vers une approche qui consistera à établir des environnements qui seront adaptés à la vie des animaux, mais pour l'instant, je ne crois pas que ce soit le cas dans les piscines. Il va falloir évoluer encore.

Le sénateur Forest : Je crois que vous n'avez pas compris ma question, mais ce n'est pas grave.

[Traduction]

Le sénateur Plett : Je ne me souviens plus très bien si c'est Mme Ferguson ou Mme Cartwright qui a parlé de Kiska, qui a 40 ans. J'ai dit tout à l'heure que je ne voulais plus en parler, parce que ça ne concerne pas le projet de loi. Mais le projet de loi vise les cétacés en général. Je crois que vous avez dit que l'animal avait 40 ans et que c'est un âge moyen?

Mme Ferguson : Oui.

Le sénateur Plett : Pourtant, j'ai sous les yeux les statistiques d'une étude ayant porté sur 500 cétacés dans la nature : 97 p. 100 ont vécu moins de 50 ans, et seulement 4 individus ont vécu plus de 60 ans, tandis que 5 p. 100 des cétacés étudiés dans la nature avaient de 40 à 50 ans. Selon cette étude, les mâles ont généralement 38 ans, les femelles 60.

Mme Ferguson : C'est exact. Parlez-vous d'épaulards?

Le sénateur Plett : Oui, d'épaulards.

Mme Ferguson : Marineland affirme que les femelles peuvent vivre une centaine d'années.

Le sénateur Plett : Je ne parle pas des affirmations de Marineland.

Mme Ferguson : C'est l'âge affiché. Un épaulard de 103 ans de la côte ouest vient de mourir.

Le sénateur Plett : La mère de l'une de nos collègues sénatrices a fêté son 102e anniversaire, il y a quelques semaines. C'est normal pour l'être humain de vivre plus de 100 ans.

Vous avez dit, et non Marineland, que Kiska avait 40 ans et qu'elle était d'âge moyen. Je ne veux pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit.

Mme Ferguson : Oui.

Le sénateur Plett : D'après cette étude, c'est vieux pour la plupart d'entre eux. Elle n'affirme pas qu'il n'y a pas d'épaulards qui atteignent un âge plus vénérable, mais comment conciliez-vous ça?

Mme Ferguson : Je n'ai pas vu l'étude. Je ne peux donc pas vraiment la commenter, mais je voudrais répondre à votre question, celle où vous disiez ne pas vouloir parler de Kiska, si vous m'accordez une minute.

Le sénateur Plett : D'accord.

Mme Ferguson : Kiska est très handicapée. On lui a tout ôté. Elle possède toutes les caractéristiques des dauphins et des bélugas aussi. Je crois qu'on ne peut plus lui en demander plus. On lui a retiré ses bébés, sa liberté, sa capacité de communiquer avec ses congénères, on lui a tout ôté. Si elle peut encore être utile, c'est par les leçons qu'elle peut nous enseigner. Si vous voulez parler d'éducation, cet animal peut nous enseigner.

Le sénateur Plett : Je ne crois pas qu'il y ait des partisans de la mise en captivité de plus d'épaulards. Je pense que tout le monde s'accorderait à dire que nous avons beaucoup de sympathie pour Kiska, mais la loi empêche de lui trouver un partenaire et de la remettre en liberté.

Mme Ferguson : Si vous permettez, Marineland a disposé de quatre années pour lui trouver un compagnon avant le dépôt du projet de loi 80, maintenant adopté.

Le sénateur Plett : Nous aurions alors deux épaulards en captivité.

Mme Ferguson : C'est exact, mais l'entreprise pouvait adoucir sa captivité et ne l'a pas fait. Rien ne l'empêche maintenant de l'envoyer dans un autre parc où l'animal pourrait trouver un compagnon, si elle se souciait sincèrement de son sort.

Le sénateur Plett : En fait, c'est impossible, parce qu'on ne peut pas l'envoyer à l'extérieur du pays.

Mme Ferguson : Oui, on le peut.

Le sénateur Plett : Non. C'est illégal. C'est une autre question. C'est interdit.

Vous avez aussi dit que personne ne veut plus voir ça. L'année dernière, Marineland a accueilli un peu plus d'un million de visiteurs. Il me semble qu'au moins quelques personnes veulent se déplacer.

Mme Ferguson : Phil pourrait peut-être vous en dire davantage.

M. Demers : Je pense que votre source est erronée.

Le sénateur Plett : Non. C'est à vous que je le demande.

Mme Ferguson : Je l'ignore. Il est visible que Marineland vous informe. Je ne crois pas qu'il existe, en ligne, des statistiques de Marineland. Visiblement, c'est l'entreprise qui vous informe. Au fil des années, j'ai constaté que la fréquentation du terrain de stationnement diminuait. C'est tout ce que je peux dire.

Le président : Merci beaucoup, chers collègues et chers témoins. Je vois bien que cette question soulève de profonds désaccords, mais nous devons nous occuper du projet de loi S-203. Nous essayons d'entendre autant d'opinions d'autant de témoins que nous pouvons. Voilà pourquoi nous vous avons invités. Nous sommes enchantés que vous ayez pris le temps de venir.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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