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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 14 - Témoignages du 13 avril 2017


OTTAWA, le jeudi 13 avril 2017

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 8 h 40, pour étudier le projet de loi; et, à huis clos, pour étudier un projet d'ordre du jour (travaux futurs).

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Mon nom est Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Avant de laisser la parole à notre témoin, j'inviterais les membres du comité à se présenter.

Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Boisvenu, du Québec.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario, en remplacement du sénateur Murray, du Manitoba.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

[Français]

Le sénateur Forest : Éric Forest, du Québec, particulièrement de la région du Golfe.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Marc Gold, du Québec.

Le président : Merci, sénateurs. D'autres pourraient se joindre à nous plus tard.

Le Comité poursuit son étude du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois, fin de la captivité des baleines et des dauphins. J'inviterais notre témoin à se présenter. Si j'ai bien compris, vous avez un exposé pour nous. Lorsque vous aurez terminé, nous passerons aux questions des membres. Monsieur, vous avez la parole.

Basil van Havre, directeur général, Politique de biodiversité domestique et internationale, Service canadien de la faune : Bonjour. Je m'appelle Basil van Havre. Je suis directeur général, Politique de biodiversité domestique et internationale au Service canadien de la faune d'Environnement et Changement climatique Canada. Je travaille au Service canadien de la faune depuis 10 ans et j'occupe diverses fonctions à Environnement Canada depuis 25 ans.

Je suis heureux d'être ici aujourd'hui au nom d'Environnement et Changement climatique Canada dans le cadre de votre étude du projet de loi S-203. J'aimerais d'abord parler de la Convention sur le commerce international des espèces menacées d'extinction et de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, la LPEAVSRCII.

Comme vous le savez, le mandat du ministère est diversifié : protéger l'environnement, préserver le patrimoine naturel du pays et fournir des renseignements météorologiques pour tenir la population canadienne informée et assurer sa sécurité.

En ce qui concerne la préservation de notre patrimoine naturel, le ministère exécute une vaste gamme de programmes. En plus de jouer un rôle de chef de file au gouvernement fédéral et à l'échelle nationale dans la conservation de la biodiversité, nous agissons pour conserver les oiseaux migrateurs, protéger les espèces en péril et gérer notre réseau de réserves nationales de faune et de refuges d'oiseaux migrateurs, et nous travaillons de manière collaborative par l'intermédiaire de divers programmes d'intendance et incitatifs pour favoriser et appuyer les mesures prises par les Canadiens pour protéger notre nature.

En ce qui concerne l'importation et l'exportation d'espèces sauvages, y compris les cétacés, nous axons nos activités sur la mise en œuvre nationale de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, aussi appelée CITES. La CITES est entrée en vigueur en 1975 et a été adoptée par plus de 180 acteurs, dont le Canada. Elle établit des contrôles sur la circulation et le commerce internationaux d'espèces animales et végétales menacées de surexploitation ou qui sont susceptibles de le devenir en raison du commerce. Les signataires à la convention désignent les espèces qui seront inscrites à l'une des trois annexes de la convention en fonction du degré de protection dont elles ont besoin.

L'annexe I contient la liste des espèces menacées d'extinction. Le commerce de ces espèces est strictement réglementé afin d'assurer leur survie, et les échanges de ces espèces à des fins commerciales sont interdits.

L'annexe II contient la liste des espèces qui, même si elles ne sont pas actuellement menacées d'extinction, pourraient le devenir si leur commerce n'est pas strictement réglementé pour éviter leur surexploitation. Cette annexe comprend également la liste d'espèces « analogues » réglementées afin d'assurer une plus grande protection des espèces figurant à l'annexe II. Les populations saines de bon nombre d'espèces au Canada, comme celles de l'ours noir américain et du loup gris, figurent à l'annexe II à cette fin.

Chaque adhérent à la convention peut faire inscrire à l'annexe III des espèces se trouvant sur son territoire qui sont assujetties à une réglementation, lorsque la coopération d'autres parties est nécessaire afin de pouvoir en gérer le commerce international. Par exemple, le Canada y a inscrit le morse.

Sur la scène nationale, la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, ou LPEAVSRCII, est l'outil législatif au moyen duquel le Canada respecte ses obligations internationales aux termes de la CITES. L'objectif général de la LPEAVSRCII est de réglementer le commerce afin qu'il ne menace pas la conservation de certains animaux et végétaux et de protéger les écosystèmes canadiens contre l'introduction d'espèces nuisibles.

L'administration de la LPEAVSRCII revient à Environnement et Changement climatique Canada et le ministère a été désigné à titre d'organe de gestion de la CITES au Canada. À ce titre, le ministère est chargé de vérifier et de valider les demandes de commerce international d'animaux et de végétaux réglementés par la CITES en provenance ou à destination du Canada. Cette responsabilité comprend des activités telles que la délivrance de permis et de certificats de la CITES, ainsi que l'établissement de rapports. Le ministère partage cette responsabilité avec Pêches et Océans Canada lorsqu'il s'agit des espèces aquatiques, y compris les espèces canadiennes de cétacés.

Les deux ministères ont également désigné des autorités scientifiques chargées de déterminer si le commerce international d'une espèce est préjudiciable à sa survie. Cette responsabilité comprend la surveillance du commerce international des espèces sauvages au Canada pour veiller à ce que les niveaux actuels de commerce soient viables.

Enfin, l'application de la LPEAVSRCII est supervisée par Environnement et Changement climatique Canada et est exercée en collaboration avec d'autres organismes fédéraux, comme l'Agence des services frontaliers du Canada, et les organismes provinciaux et territoriaux responsables des espèces sauvages.

Je vais maintenant parler de la protection des cétacés aux termes de la CITES et de la LPEAVSRCII. La CITES, et par conséquent la LPEAVSRCII, imposent certaines restrictions au commerce des cétacés à des fins de conservation. En effet, tous les cétacés dans le monde, c'est-à-dire environ 80 espèces, figurent sur les listes de la CITES, ainsi qu'à l'annexe I des règlements d'application de la LPEAVSRCII.

Les espèces de cétacés qui ne sont pas nécessairement menacées d'extinction, mais risqueraient de l'être si le commerce n'est pas étroitement encadré, sont énumérées à l'annexe II de la CITES. Pour exporter un cétacé, le pays exportateur doit prouver que l'exportation ne nuira pas à la survie de l'espèce à l'état sauvage et que le spécimen n'a pas été obtenu en violation des lois du pays protégeant la faune et la flore. S'il s'agit d'un spécimen vivant, le pays doit prouver que le spécimen sera transporté de façon à réduire au minimum le risque de blessure, d'atteinte à la santé ou de traitement cruel.

Le rôle d'Environnement et Changement climatique Canada est de veiller à ce que la documentation appropriée soit fournie. Le ministère inspecte également les envois pour s'assurer que les exigences en matière de transport d'animaux vivants sont respectées.

Les espèces de cétacés qui sont menacées d'extinction figurent à l'annexe I. Le commerce des spécimens de ces espèces n'est permis que dans des circonstances exceptionnelles et fait l'objet de mesures de contrôle particulièrement strictes. Pour importer au Canada une espèce qui figure à l'annexe I, il faut posséder à la fois un permis d'exportation et un permis d'importation. Le permis d'importation ne sera délivré que si l'on a confirmé que l'établissement destinataire possède des installations convenables pour héberger et traiter avec soin les animaux, que les animaux ne seront pas utilisés à des fins principalement commerciales et que l'importation de l'animal ne nuit pas à la survie de l'espèce à l'état sauvage.

Enfin, je tiens à mentionner que la Loi sur les espèces en péril interdit le commerce des espèces canadiennes de cétacés qui figurent sur la liste en tant qu'espèces menacées ou en voie de disparition, comme certaines populations de bélugas et d'épaulards.

Je parlerai maintenant de la modification que propose le projet de loi S-203 à la LPEAVSRCII. L'article 4 du projet de loi S-203 modifierait la LPEAVSRCII. Selon ma compréhension de la modification proposée, celle-ci créerait une nouvelle disposition qui interdirait l'importation au Canada ou l'exportation à partir du Canada de tous les cétacés, y compris les baleines, les dauphins et les marsouins, vivants ou morts, ainsi que le sperme, les cultures de tissus et les embryons d'un cétacé. Il s'agirait d'une interdiction générale. Elle imposerait une interdiction complète du commerce des cétacés au Canada sans fournir de mécanisme pour soustraire certaines catégories ou autoriser le commerce à des fins précises, comme la recherche scientifique ou l'exportation de produits de cétacés par les collectivités autochtones.

En outre, l'objectif du projet de loi S-203 n'est pas compatible avec l'objectif actuel de la LPEAVSRCII ou le rôle du ministère dans la conservation.

L'honorable Wilfred Moore a dit clairement dans son discours pendant le deuxième débat que le maintien de cétacés en captivité n'est pas une question d'environnement ou de conservation, « c'est une question morale, de conscience ». Assurer le traitement sans cruauté des cétacés en mettant fin à leur captivité ne relève pas du mandat du ministère et n'est pas traité dans le libellé actuel de la LPEAVSRCII. L'objectif de la loi est de protéger les espèces canadiennes et étrangères d'animaux qui risquent d'être surexploitées à cause du commerce non viable ou illégal.

Encore une fois, merci de m'avoir invité aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.

Le président : Merci. Vous avez formulé des commentaires certainement intéressants.

Le sénateur Gold : Bonjour et merci pour ce témoignage. Vous faites référence aux mesures de contrôle sur l'importation au Canada des cétacés ou espèces qui figurent à l'annexe I. Vous dites que vous devez confirmer que l'établissement destinataire possède des installations convenables. Sur quelles normes vous appuyez-vous pour juger si un établissement possède effectivement des installations convenables pour accueillir un cétacé?

M. van Havre : C'est au MPO que revient cette responsabilité pour les espèces aquatiques, mais je peux formuler quelques commentaires généraux sur le sujet concernant certaines espèces.

Le sénateur Gold : Je vous en prie.

M. van Havre : Nous collaborons étroitement avec l'Association des zoos et aquariums du Canada pour examiner les normes qu'elle utilise. Nous sommes convaincus que les espèces satisfont aux normes en question. Il m'est arrivé de visiter divers établissements.

Le sénateur Gold : Des représentants de l'association sont venus nous décrire les normes qu'ils appliquent. Selon vous, s'agit-il des meilleures normes applicables dans les circonstances?

M. van Havre : Nous collaborons étroitement avec l'association et suivons de près les discussions de l'Association internationale des zoos et aquariums sur le sujet. Ces normes ont été acceptées par la CITES à l'échelle internationale.

Le sénateur Gold : Je tiens à m'assurer d'avoir bien compris votre conclusion. Lorsque vous dites que l'objectif du projet de loi S-203 n'est pas compatible avec l'objectif actuel de la LPEAVSRCII, voulez-vous dire que le projet de loi S-203 va à l'encontre de votre mandat ou qu'il ne relève pas du mandat de l'organisation?

M. van Havre : Oui, vous avez raison. Il ne relève pas du mandat de l'organisation.

[Français]

Le sénateur Forest : Merci de votre présence ici ce matin. Nous avons entendu plusieurs experts, et l'un des éléments qui soulèvent un certain malaise dans ce problème, c'est que l'AZAC détermine elle-même ses normes et qu'elle s'auto- inspecte. Donc, il y a une proximité qui m'inquiète.

Rappelons, d'une part, que le projet de loi S-203 vise spécifiquement les cétacés. Vous dites que votre organisation se rend parfois sur place, mais pourquoi n'y a-t-il pas d'organisme indépendant qui s'assure que les normes soient respectées et que les conditions de captivité des cétacés soient adéquates, compte tenu de leurs caractéristiques?

M. van Havre : À ce jour, nous avons déterminé que les standards internationaux et leurs pendants canadiens sont adéquats et respectent les exigences que nous avons acquises avec la CITES.

Jusqu'à ce jour, le ministère n'a pas trouvé nécessaire ou utile d'établir une politique différente en ce qui a trait à l'inspection et à l'approbation des lieux qui reçoivent ces animaux. Si je peux me permettre, dans plus d'un cas, nous avons travaillé de près et refusé d'émettre ou retardé la délivrance de permis en raison de difficultés liées aux sites qui recevaient des animaux. Je ne voudrais pas donner l'impression que c'est une attitude de laisser-faire et qu'il n'y a pas d'activités dans ce domaine.

Le sénateur Forest : Ce n'est pas l'impression que j'ai, mais tout de même, la réalité, c'est que les membres de l'AZAC font eux-mêmes leurs inspections et leur accréditation.

M. van Havre : C'est ce que nous comprenons, nous aussi.

Le sénateur Forest : Vous trouvez que c'est normal?

M. van Havre : Dans la mesure où le système en place nous permet de nous assurer que nous respectons les exigences de la CITES, nous trouvons que c'est un moyen efficace de délivrer ces permis.

Le sénateur Forest : Le système vous permet d'évaluer cela, parce que vous allez faire des visites non annoncées des installations? Est-ce que vous passez derrière les inspecteurs de l'AZAC?

M. van Havre : On fait des inspections dans les circonstances où on a des doutes sur ce qu'on nous dit, ce qui est assez rare.

Le sénateur Forest : Me permettez-vous une dernière question?

[Traduction]

Le président : Oui.

[Français]

Le sénateur Forest : Dans votre document, vous dites que le sénateur Wilfred Moore affirme que ce n'est pas une question d'environnement ou de conservation, mais une question de morale et de conscience. Le projet de loi vise les cétacés qui ont des caractéristiques biologiques particulières, compte tenu notamment de leur sensibilité acoustique, et je dirais qu'il s'agit de la nature même des individus des différentes espèces de cette catégorie animale. Donc, il est clair que si on croit que c'est une question de morale et de conscience, c'est le débat que l'on tient ici.

Votre organisation ne trouve-t-elle pas que, compte tenu de la nature même des bassins où sont gardés les cétacés, la réverbération des bruits, les bruits ambiants liés aux pompes et le système de maintenance de la qualité de l'eau offrent des conditions de captivité qui, contrairement à d'autres espèces animales, pourraient être excessivement inconfortables?

Dans ce cas, beaucoup d'experts nous ont dit le contraire, mais beaucoup nous ont dit qu'il y avait des impacts négatifs quant à l'évolution des cétacés qui, normalement, peuvent plonger à des profondeurs très importantes et nager sur de longues distances pour aller chercher de la nourriture. Il est sûr qu'on leur donne à manger, mais, comme le veut le dicton : « En donnant du poisson à un individu, on lui apprend la dépendance, mais en lui montrant à pêcher, on lui apprend la réalisation et l'indépendance. » Est-ce que votre organisation a une opinion à ce sujet?

M. van Havre : Dans le domaine de la conservation et de la biologie en général, on s'attache à la survie des populations. Si je prends l'exemple d'une autre espèce, nous avons la responsabilité des oiseaux migrateurs. Nous nous assurons que les populations d'oiseaux migrateurs restent à des niveaux qui favoriseront leur survie à long terme. La question du bien-être ou de la survie d'un individu devient préoccupante quand la population descend à un niveau très, très bas.

Dans le cas d'espèces, comme les cétacés, qui sont abondantes à l'état sauvage, la question de la survie et du bien- être d'un individu en captivité est une question de société, de nature morale, qui est différente de la question de la conservation qui nous occupe, au niveau professionnel, bien sûr.

Le sénateur Forest : Je prends l'exemple des phoques gris et des phoques communs qui sont actuellement en surpopulation. Est-ce que votre organisation pose des gestes à cet effet en augmentant les périodes de chasse et les quotas? Est-ce que cela a des impacts importants sur les stocks de morue ou de saumon? Est-ce que vous avez mis en place des conditions permettant de régulariser ce type de population? On est loin des cétacés.

M. van Havre : Pour ce qui est des populations de phoques, il faudra vous adresser à mes collègues de Pêches et Océans, car c'est eux qui en ont le contrôle, mais je vais revenir aux oiseaux migrateurs qui relèvent de notre mandat. Dans le cas des oies arctiques, qui sont en surabondance, on a prolongé les saisons de chasse et on essaie de faire en sorte que cette espèce n'écarte pas d'autres espèces.

[Traduction]

Le sénateur Enverga : Merci d'avoir accepté notre invitation.

J'aimerais d'abord vous remercier pour le bon travail que vous faites. Il s'agit d'un travail honorable que de prendre soin des animaux sauvages et de les protéger pour ne pas qu'ils disparaissent.

Ma question concerne vos politiques et règlements. Après quelques accouplements en aquarium, vient-il un moment où vous considérez l'espèce sauvage concernée comme étant plus domestiquée?

M. van Havre : Merci. Cette question fait l'objet d'un débat intense autant à l'échelle nationale qu'à l'échelle internationale.

Un spécimen d'une espèce sauvage élevé en captivité, ce à quoi vous faites référence, n'est jamais considéré comme étant domestiqué. Il demeure sous le contrôle de la CITES.

Pour les oiseaux traités comme des animaux domestiques, certaines dispositions autorisent le commerce des spécimens élevés en captivité. Toutefois, il doit être possible de retracer l'origine de l'animal à un stock sauvage pour s'assurer que le stock en question a été capturé en toute légalité. Il existe beaucoup de documents juridiques contre le commerce d'oiseaux provenant d'un stock capturé de manière illégale. Cette question fait l'objet d'un suivi étroit partout dans le monde.

Le sénateur Enverga : Mais, seulement en ce qui concerne les oiseaux et non les cétacés, n'est-ce pas? C'est ce que vous dites?

M. van Havre : Je devrai vérifier dans nos dossiers, mais à ma connaissance, l'origine de cétacés élevés en captivité n'a jamais été remise en question.

Le sénateur Enverga : Si l'animal est plus domestiqué, même si son origine n'a pas été établie, pourrait-il y avoir une exception à la règle? Cette question fait-elle partie de votre étude?

M. van Havre : La CITES ne mentionne rien sur la domestication d'un spécimen. Si une espèce sauvage est élevée en captivité, il faut obtenir un permis pour faire le commerce de la première génération, de la deuxième ou de la cinquième, peu importe. L'origine de l'espèce doit être clairement établie.

Le sénateur Enverga : Dans la modification que vous proposez, il est question de protéger les collectivités autochtones afin qu'elles puissent vendre des produits faits à partir de différentes espèces sauvages ou peut-être de cétacés. Votre ministère sait-il s'il s'agit d'une pratique très répandue?

M. van Havre : J'ai quelques statistiques à cet égard dans mes notes. Je pourrai les fournir au comité.

De mémoire, au cours des dernières années, nous avons accordé 30 permis d'exportation de défenses de narvals. C'est le principal permis accordé. Les autres sont mineurs.

Le sénateur Enverga : J'aimerais savoir quelles seront les conséquences pour nos amis du Nord?

M. van Havre : La valeur de l'exportation est une donnée qu'il faut analyser attentivement. J'ai travaillé de nombreuses années à la conservation des ours polaires. L'exportation de produits d'espèces sauvages est souvent la seule source de revenus pour les collectivités pour lesquelles les autres options sont limitées. Ce qui peut nous paraître comme un petit revenu est souvent le seul revenu que peuvent utiliser ces collectivités pour se procurer des choses venant du Sud. Nous pouvons vous fournir une liste des permis octroyés.

Le sénateur Enverga : Avez-vous déjà reçu une demande de quelqu'un dans le Nord qui souhaitait vendre un certain produit d'espèce sauvage? Est-ce que cela s'est déjà produit?

M. van Havre : Non. Généralement, selon mon expérience, les gens du Nord ont peu de respect pour les zoos et aquariums. Ils respectent les espèces dans leur milieu sauvage. J'ai souvent vu dans les collectivités des affiches dénonçant la mise en captivité des animaux.

Le sénateur Enverga : Qu'en est-il lorsque c'est à des fins commerciales?

M. van Havre : Je ne me souviens d'aucune transaction semblable. Je pourrai vous fournir des statistiques, mais je ne me souviens d'aucune transaction semblable.

Le sénateur Enverga : Cependant, il n'y a aucune façon de les en empêcher, puisqu'ils ont le droit de tirer une certaine valeur de leur terre, n'est-ce pas? Y a-t-il quelque chose dans la loi qui empêcherait nos amis du Nord de faire ce genre de commerce, même si celui-ci les aidait à subvenir à leurs besoins?

M. van Havre : Vous devriez peut-être poser la question à des légistes pour déterminer les limites des droits des Autochtones en matière d'exportations internationales et de commerce intérieur. C'est un domaine complexe. Je travaille depuis 10 ans dans le domaine du commerce international d'espèces en voie de disparition, et nous avons collaboré très étroitement avec les peuples autochtones; nous partageons très souvent la même opinion.

Le sénateur Watt : Mon collègue a soulevé la question d'un certain produit d'une espèce en particulier qui est normalement vendu sur le marché. Nous le savons.

Avez-vous envisagé de peut-être quantifier les recettes que génèrent ces sous-produits et de déterminer dans la mesure du possible, lorsque vous devez trancher au bout du compte, les espèces qui devraient être inscrites sur ce que nous appelons la liste des espèces en voie de disparition? Avez-vous évalué les revenus que génèrent au Canada ces sous-produits dans l'Arctique?

M. van Havre : Pour m'assurer de bien comprendre votre question, j'aimerais la reformuler. Voulez-vous savoir si nous avons évalué les revenus provenant du commerce international et les retombées pour les collectivités?

Le sénateur Watt : C'est exact.

M. van Havre : C'est ce que nous appelons communément dans notre jargon la chaîne de valeur ou l'évaluation économique. Nous l'avons fait pour plusieurs espèces dans l'Arctique, mais je ne sais pas si nous l'avons fait dans le cas des espèces de cétacés dans l'Arctique qui font l'objet d'échanges commerciaux. Vous devriez communiquer avec le ministère des Pêches et des Océans; il aura peut-être de l'information à ce sujet.

Étant donné que je connais le fonctionnement général du système dans le Nord, je peux tout de même faire un commentaire. Les gouvernements territoriaux agissent à titre d'agents de vente pour le compte des chasseurs et des pêcheurs inuits.

Le sénateur Watt : C'est seulement vrai dans certaines régions des Territoires du Nord-Ouest; ce n'est pas le cas à l'est du territoire.

M. van Havre : La situation est la même aux Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, et un système similaire est mis en place au Québec et au Nunavik grâce à l'intervention de la collectivité de Makkovik.

Le sénateur Watt : Qui est chargé de recueillir ces renseignements?

M. van Havre : C'est Pêches et Océans Canada.

Le sénateur Watt : Pêches et Océans Canada? Avez-vous une idée du service qui s'en charge au sein du ministère? Pouvez-vous m'aider à m'y retrouver? Pouvez-vous me transmettre cette information et la transmettre aussi au comité?

M. van Havre : Nous le ferons.

Le sénateur Watt : Je crois qu'il est important que nous ayons cette information.

Le président : Nous pouvons également faire des demandes en votre nom.

Le sénateur Watt : Merci.

Le sénateur Christmas : Si je comprends bien vos commentaires, vous dites que le projet de loi S-203 dans sa forme actuelle imposerait une interdiction complète du commerce des cétacés, et vous avez entre autres mentionné les exportations de produits de cétacés par les collectivités autochtones. Je suis heureux que vous soyez disposé à nous transmettre des renseignements sur le nombre et la valeur des exportations.

Lorsque le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les espèces en péril, je me rappelle que la Couronne a respecté son obligation de consulter, et je me souviens des vastes consultations.

Si le projet de loi S-203 n'est pas modifié et qu'il interdit complètement le commerce des cétacés, y compris la vente de produits de cétacés par des collectivités autochtones, je présume que cela entraînera de nouvelles consultations et que la Couronne devra respecter son obligation de consulter, étant donné que cela porte atteinte au droit autochtone de vendre des produits.

Selon vous, le projet de loi S-203 dans sa forme actuelle donnera-t-il lieu à des consultations entre la Couronne et les collectivités autochtones?

M. van Havre : De manière générale, nous réalisons des consultations non seulement en fonction d'exigences strictes, mais aussi dans le cas de tout changement qui touche les collectivités autochtones, que cela concerne un droit ou non.

Je suis assez certain que de vastes consultations seront nécessaires dans le cas du projet de loi, parce que cela modifiera considérablement la pratique actuelle.

Le sénateur Christmas : Si ma mémoire m'est fidèle, corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois que les consultations doivent être réalisées avant l'entrée en vigueur du projet de loi.

M. van Havre : C'est aussi ce que j'en comprends.

Le sénateur Christmas : Merci.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Merci. Bienvenue, monsieur van Havre. J'ai deux questions relativement simples à vous poser. D'abord, les permis liés à la CITES s'appliquent à l'ensemble de la faune, aux animaux à fourrure, comme l'ours et le loup, pour leur exportation et leur importation. Les permis de la CITES s'appliquent à l'ensemble de la faune, n'est-ce pas?

M. van Havre : Les permis s'appliquent seulement aux espèces listées aux annexes de la CITES. Par exemple, si vous vous déplacez avec un chien de compagnie vers les États-Unis, vous n'avez pas besoin d'un permis de la CITES, vous devez détenir d'autres permis.

Le sénateur Boisvenu : Si je suis trappeur et que je veux exporter de la fourrure vers la France, je dois obtenir un permis de la CITES?

M. van Havre : Surtout dans le cas des espèces qui sont listées par la CITES et dans le cas de nombreux animaux à fourrure. Je précise également qu'il existe certaines exemptions. Il y a une pratique entre les États-Unis et le Canada selon laquelle un chasseur américain ou un chasseur québécois n'a pas besoin d'un permis pour rentrer chez lui quand il est accompagné de la dépouille.

Le sénateur Boisvenu : Votre organisation est une agence de réglementation, n'est-ce pas?

M. van Havre : Absolument. Une grande partie des activités de la CITES reposent sur la réglementation du commerce de certaines espèces.

Le sénateur Boisvenu : Le sénateur Moore affirme que le projet de loi est plutôt axé sur l'aspect moral que sur le contrôle des espèces. Selon vous, le projet de loi S-203 est-il excessif, selon votre connaissance des questions liées aux cétacés?

M. van Havre : Le projet de loi est fondé sur un argument qui est différent de celui qui est à la base de la législation actuelle. Nous avons les connaissances adéquates pour juger de l'état de la conservation des espèces.

Le sénateur Boisvenu : Selon vous, est-il excessif d'interdire toute forme d'exploitation ou de mise en captivité de ces animaux pour des raisons scientifiques, entre autres?

M. van Havre : Du point de vue de la conservation, oui, c'est excessif.

[Traduction]

Le sénateur Watt : Je vous remercie encore une fois. J'ai deux questions à poser. La première relève un peu plus de votre champ de compétence, soit l'environnement et le changement climatique.

Pouvez-vous nous dire si le ministère a décidé de mettre en place un système de surveillance concernant certaines espèces qui migrent entre le sud et le nord? Comprenez-vous ma question?

M. van Havre : Me demandez-vous si nous mettons en place un système pour surveiller les espèces migratrices?

Le sénateur Watt : Oui.

M. van Havre : Oui. Nous le faisons. Les oiseaux migrateurs relèvent d'Environnement et Changement climatique Canada, et nous avons un imposant système en place, en collaboration avec des collègues aux États-Unis et au Mexique, pour surveiller la population de ces espèces.

Le sénateur Watt : Il y a donc une collaboration entre le Canada, les États-Unis et le Mexique au sujet des oiseaux migrateurs. Vous ai-je bien compris?

M. van Havre : Tout à fait. Nous ne pourrions pas y arriver sans eux.

Le sénateur Watt : Pouvez-vous nous faire part à un moment donné, si ce n'est pas déjà un programme, de votre intention, si vous en avez l'intention, de renforcer votre capacité de suivre non seulement la situation de la bernache du Canada, mais aussi de l'oie des neiges?

Y a-t-il une manière de surveiller plus attentivement exactement ce qui se passe dans le cas de ces espèces? Il y a beaucoup de pollution qui aboutit dans l'océan Arctique, et cela commence aussi à nuire aux habitats naturels dans une région dont dépendent énormément les oiseaux migrateurs. Le gouvernement fait-il quelque chose en vue de nous donner la capacité de surveiller ou de suivre la situation de chaque espèce qui migre vers le nord?

Bref, voilà ma question, et j'aimerais avoir de l'information à cet égard. Donc, si vous avez quelque chose par écrit, j'aimerais l'avoir.

M. van Havre : Certainement. Un rapport est produit chaque année en prévision des changements à apporter au règlement de chasse qui fait le point sur l'état des populations d'oiseaux migrateurs. C'est un document public, et nous pouvons facilement vous le transmettre.

Nous avons aussi certains documents internes et techniques qui portent précisément sur la question des conséquences de la surabondance d'oies sur le paysage dans le Nord canadien. Nous aurons besoin d'un peu plus de temps pour regrouper ces documents, mais nous pouvons aussi vous les communiquer.

Le sénateur Watt : Merci. Je ne suis pas certain de vous avoir bien compris lorsqu'un collègue vous a demandé si le projet de loi S-203 entre en conflit avec la loi actuellement en vigueur. Si je vous ai bien compris, vous avez dit que les deux mesures sont différentes, même s'il y a un chevauchement. Que cela signifie-t-il?

M. van Havre : L'objectif de la CITES et de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, que nous appliquons, est la conservation des espèces. Le but est de nous assurer que ces espèces survivent pour les générations futures.

Selon ce que j'en comprends, l'objectif du projet de loi S-203 est de régler certaines questions liées au bien-être des animaux. À nos yeux, c'est différent de la conservation.

Le sénateur Watt : Y a-t-il une disposition du projet de loi qui ne vous plaît pas? Que nous recommandez-vous précisément d'éviter s'il y a des conflits? Je crois que nous avons besoin de ces renseignements. S'il n'y en a pas, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas aller de l'avant avec le projet de loi, et j'aimerais donc essayer de passer à l'étape suivante.

D'après ce que j'ai entendu des témoins et d'après ma faible contribution à cette étude, personne ne semble vraiment s'opposer au projet de loi. Nous y consacrons trop de temps, pour le dire ainsi. C'est ainsi que je le vois. Nous devons passer à une autre chose.

M. van Havre : Selon ce que nous en comprenons, le type d'interdiction proposée imposera de nouvelles restrictions commerciales. C'est un élément qui dépasse la portée de la loi actuelle. Il ne m'incombe pas de dire si un objectif est plus important que l'autre. Ce n'est pas mon travail. Mon travail est d'appliquer la loi.

Le sénateur Watt : Cependant, avez-vous une opinion?

M. van Havre : Non. Je suis ici pour vous présenter les faits en ce qui a trait au fonctionnement du système.

Le sénateur Watt : Je vous comprends parfaitement, mais vous devez tout de même avoir une opinion. Vous travaillez pour le ministère et vous avez dit que cela ne correspond pas exactement à la loi que vous avez l'habitude d'appliquer. Vous devez avoir une opinion.

M. van Havre : Ce que je peux vous dire, c'est que le projet de loi ne cadre pas avec le libellé actuel de la Loi sur la protection d'espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

Le sénateur Watt : D'accord. Je ne pense pas réussir à vous tirer les vers du nez. Je vais donc en rester là.

Le président : Bien essayé, sénateur Watt. Nous avons des divergences d'opinions sur certains éléments parmi les sénateurs.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup de votre témoignage. Étant donné que je suis néophyte dans le domaine, si je vous pose des questions que je devrais plutôt adresser à d'autres, veuillez me le dire.

En ce qui a trait à votre fonction de surveillance, ce qui m'intéresse, c'est votre relation, la manière dont vous établissez les restrictions, les exigences et les normes qu'impose AZAC et la façon dont vous surveillez les conditions à l'étranger. Dans votre exposé, vous avez dit que votre objectif n'est pas d'éliminer le risque de blessure, d'atteinte à la santé ou de traitement cruel, mais bien de le réduire au minimum. Ce qui se passe lorsque les cétacés sortent du pays soulève évidemment des questions. Quels mécanismes avons-nous en place?

J'ai ensuite une question complémentaire, si vous me le permettez.

M. van Havre : Je vais me fonder encore une fois sur notre expérience en ce qui concerne d'autres espèces que les cétacés, parce que cela relève de Pêches et Océans Canada. Je vais vous parler d'autres espèces pour lesquelles nous avons déjà connu des situations similaires.

Nous avons récemment eu des cas où il a fallu exporter des éléphants vivants de zoos canadiens vers des installations où ils pourraient passer du temps loin du public. De tels endroits existent aux États-Unis, et une maladie est fréquente chez certaines espèces dans ces endroits. Nous en étions conscients, et nous connaissions la destination des spécimens en question. Nous avons donc communiqué avec nos homologues américains du Fish and Wildlife Service avec lesquels nous entretenons de bonnes relations. Nous leur avons demandé de confirmer que la maladie n'était pas présente là où les éléphants se rendaient. C'était la condition pour la délivrance du permis d'exportation.

Je dirais qu'il y a normalement un solide réseau de relations entre les autorités chargées de l'application de la CITES dans le monde. Le Secrétariat CITES joue également un rôle en vue de faciliter les échanges entre les pays. Nous avons tous intérêt à nous assurer du respect des conditions que prévoit la CITES, parce que cela permet le commerce et empêche le commerce illicite. Cela contribue à la collaboration internationale.

Nous n'avons pas réalisé d'inspections à l'étranger, mais aucune loi ou aucune réglementation ne l'interdit. Lorsque nous avons l'occasion de visiter d'autres pays, il nous arrive de prendre le temps de rendre visite à nos homologues pour voir comment ils travaillent.

La sénatrice Pate : Avez-vous visité Marineland à la mi-juillet quand des milliers d'enfants font du bruit autour des cétacés?

M. van Havre : Non.

La sénatrice Pate : Ce serait peut-être une idée de l'inclure dans la fonction de surveillance.

[Français]

Le sénateur Gold : On a eu des opinions partagées quant à l'importance de la recherche sur les cétacés en captivité. De votre point de vue, en termes de conservation des cétacés, que pouvez-vous nous dire sur la fréquence et l'importance de la recherche sur les espèces en captivité? Je ne parle pas de la recherche sur les espèces à l'état sauvage.

M. van Havre : Mes commentaires seront de nature générale, n'étant pas un spécialiste des cétacés. Les institutions scientifiques, aquariums et zoos, jouent un rôle essentiel dans les recherches axées sur la faune en général; ils sont en mesure de faire des recherches qu'on ne peut pas faire à l'état sauvage. Par exemple, pour les mammifères, des recherches sur les analyses de sang et l'évolution du sang tout au long de la période de vie des animaux sont des choses qu'on ne peut pas faire à l'état sauvage et qui sont réalisées par les grandes institutions, comme le zoo de San Diego et le zoo de Vancouver. Ils ont un rôle bien précis à jouer. Il y a beaucoup de choses qu'on ne peut pas faire dans les eaux, à l'état sauvage, mais en captivité, c'est un rôle qui est très important. Ils ont un rôle essentiel à jouer, non seulement au chapitre de la recherche, mais aussi de la réhabilitation.

Le sénateur Gold : Selon votre expérience, est-ce que la recherche qui se fait dans les aquariums est publiée normalement dans les journaux scientifiques? Si je comprends bien, est-ce important pour les efforts de conservation?

M. van Havre : Absolument. Il serait intéressant de faire une étude bibliographique, de voir le nombre de publications faites par les institutions associées aux aquariums et aux zoos et de les comparer aux publications liées à la recherche dans le milieu sauvage, mais ce sont des résultats qui sont essentiels à la conservation.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

Le sénateur Forest : Écoutez, tantôt vous disiez que vous n'aviez pas d'opinion, mais vous avez dit au sénateur Boisvenu que le projet de loi est excessif. Selon vous, le projet de loi S-203 est excessif sous quel angle?

M. van Havre : En ce qui concerne les résultats de conservation. Une prohibition plus grande du commerce serait excessive quant aux résultats ou à un objectif de conservation de l'espèce.

Le sénateur Forest : Dans votre cas, vous ne vous attardez pas aux conditions de captivité, mais plutôt au volet commercial de ce type d'individus.

M. van Havre : Effectivement, le rôle de la CITES n'est pas un rôle de bien-être de l'individu, mais un rôle de contrôle de la population en général pour assurer sa survie à long terme. Les questions mercantiles ou de profit ne font pas partie des motivations.

Le sénateur Forest : N'y a-t-il pas un problème fondamental entre la responsabilité qu'a votre organisation — et je pense que vous l'assumez très bien — de déterminer les espèces menacées et de prendre des mesures en conséquence, particulièrement dans le milieu naturel, et le fait qu'elle ne s'occupe pas de la question spécifique de la captivité? Vous me dites que les conditions dans lesquelles ces animaux sont tenus en captivité, vivent et évoluent ne vous regardent pas et qu'il s'agit d'une autre perspective. Comme le sénateur l'a mentionné, sur le plan social, n'y a-t-il pas un maillon de la chaîne qui est absent quant à la responsabilité de notre société à l'égard de ce type d'individus?

M. van Havre : On s'occupe des individus à l'état sauvage pour s'assurer que ces populations seront là dans le long terme. Une fois en captivité, c'est une question différente. Ce n'est pas à moi, ce n'est pas mon rôle de me prononcer sur cet aspect. C'est en dehors de notre mandat.

Le sénateur Forest : C'est clair. Par contre, je ne suis pas à l'aise avec le fait que c'est l'AZAC qui s'assure de mettre en place de bonnes conditions de détention. À mon avis, il y a une intégration qui manque au niveau de la responsabilité. Par exemple, si je sors de chez moi et que je vois une personne malade sur le trottoir, mon devoir est d'appeler l'ambulance. N'y a-t-il pas des lacunes sur le plan de la responsabilité morale? Oui, en général, on s'occupe des populations, on s'assure qu'il y a de bonnes conditions de détention, mais on ne se préoccupe pas de l'état de ces individus à l'intérieur de ces conditions de détention.

M. van Havre : Je suis sûr que vous avez reçu des témoins du ministère de la Justice qui vous ont parlé du Code criminel. En général, lorsqu'on fait face à des questions relatives au bien-être des animaux, on se tourne vers nos collègues qui s'occupent de ces lois. Ce sont eux qui prennent des mesures.

Le sénateur Forest : C'est tout le défi d'une organisation qui travaille en silos, car en ce qui concerne les communications transversales, c'est plus complexe.

M. van Havre : Si vous me demandez quelles sont nos relations avec ces gens-là, je dois vous répondre que nous travaillons très bien ensemble. Je n'ai jamais eu de problèmes à ce niveau.

[Traduction]

Le président : Merci, sénateur Forest.

Le sénateur Christmas : Merci. Comme vous n'êtes pas sans le savoir, le projet de loi S-203 vise tous les cétacés, y compris les baleines, les marsouins et les dauphins. Pouvez-vous me dire comment ces espèces sont inscrites dans la CITES? Se trouvent-elles aux annexes I, II ou III?

M. van Havre : Je peux vous faire parvenir la liste des espèces en fonction de l'annexe où elles se trouvent. J'ai l'information sur mon écran.

Tous les cétacés se trouvent à l'annexe II, mais il y a certaines espèces à l'annexe I. Je dirais qu'il y en a probablement environ une dizaine à l'annexe I.

Le sénateur Christmas : L'annexe I vise-t-elle les espèces menacées d'extinction? À l'annexe II, retrouvons-nous les espèces qui peuvent être menacées d'extinction si nous n'en réglementons pas le commerce?

M. van Havre : Oui.

Le sénateur Christmas : Merci.

M. van Havre : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un détail technique. Nous avons de nombreuses espèces à l'annexe II pour lesquelles nous avons un contingent de récolte de zéro pour les spécimens sauvages. Au lieu de les inscrire à l'annexe I, qui est une mesure très stricte et difficile à changer, il y a un entre-deux; nous pouvons dire que l'espèce est inscrite à l'annexe II, mais nous ne délivrons aucun permis pour la récolte de spécimens sauvages.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'aimerais revenir à mon commentaire précédent, soit que le projet de loi est excessif. Dans le cadre de votre travail, l'acquisition de connaissances scientifiques est essentielle, n'est-ce pas?

M. van Havre : Absolument.

Le sénateur Boisvenu : Croyez-vous que la fin de la détention de ces espèces en captivité menace l'évolution de nos connaissances scientifiques?

M. van Havre : Les connaissances scientifiques acquises avec des animaux en captivité sont une partie de...

Le sénateur Boisvenu : Qu'on extrapole en milieu naturel?

M. van Havre : Exactement. Ce ne serait pas la fin de l'acquisition de connaissances, parce qu'il y aura toujours les sources de la recherche effectuée sur les espèces sauvages sur le terrain. Néanmoins, on perdrait un outil essentiel pour le faire.

Le sénateur Boisvenu : Si je fais une règle de trois, l'adoption de ce projet de loi aurait un impact négatif sur nos scientifiques canadiens qui consacrent leur vie à l'acquisition de connaissances dans ce domaine, n'est-ce pas?

M. van Havre : Ma compréhension est que oui, cela aurait un impact.

Le sénateur Boisvenu : Merci.

[Traduction]

La sénatrice Pate : Au sujet des questions des sénateurs Boisvenu et Gold, pouvez-vous nous faire parvenir de plus amples renseignements, maintenant ou plus tard par écrit, sur les recherches qui ne pourraient pas être réalisées sur des spécimens sauvages et qui nécessitent des spécimens en captivité et nous expliquer pourquoi? Il pourrait s'agir des bassins ou des aquariums qui sont actuellement utilisés ou d'autres manières, comme de vastes enceintes formées de filets. Avez-vous de l'information sur les recherches qui nécessitent des spécimens en captivité et qui ne peuvent pas être effectuées sur des spécimens sauvages?

M. van Havre : Vous devriez peut-être poser plutôt cette question à mes collègues de Pêches et Océans Canada qui supervisent les recherches. Nous pouvons collaborer avec eux et vous faire parvenir une réponse.

La sénatrice Pate : Je vous ai peut-être mal compris, parce que votre réponse était assez claire. Certaines recherches ne pourraient pas être effectuées.

M. van Havre : Oui, en général. Le ministère des Pêches et des Océans pourrait vous donner plus de détails.

La sénatrice Pate : Merci.

[Français]

Le sénateur Forest : J'essaie de comprendre. Vous venez de nous affirmer, par une règle de trois — un calcul qui peut être dangereux —, que ce serait une perte en matière de recherches scientifiques sur ces individus en captivité et que ce serait une perte pour l'ensemble de la recherche scientifique.

Sur quoi vous êtes-vous basé pour affirmer cela, et comment êtes-vous en mesure d'évaluer le fait que la recherche sur des individus en captivité peut refléter la réalité de l'individu qui évolue normalement en milieu naturel? C'est comme si je basais mes recherches scientifiques en faisant des recherches sur les prisonniers. Selon les recherches que je ferais sur ces individus par rapport à leur comportement et à leur situation, j'en conclurais, avec une règle de trois, que c'est la réalité pour l'ensemble de la population.

Sur quelle base pouvez-vous affirmer que, de toute évidence, ce sera une perte sur le plan de la recherche scientifique?

M. van Havre : Il est important de comprendre qu'il y a différents types de recherche sur la faune. En général, les recherches qui se font en captivité sont différentes de celles qui se font sur les animaux en liberté. On ne fait pas du tout de recherche sur le comportement en captivité. Il s'agit essentiellement de recherches en sciences vétérinaires, entre autres sur l'hématologie et sur les hormones. Il s'agit d'un domaine de recherche qui est complémentaire, mais différent de ce qui se fait sur les animaux en liberté.

Le sénateur Forest : On en est très conscient. Je viens d'une région où on a la plus forte concentration de scientifiques dans le domaine des sciences de la mer, particulièrement en ce qui concerne les bélugas. Il est clairement démontré que l'évolution hormonale, l'évolution biophysique de l'individu, peut être sensiblement modifiée dépendamment de ses conditions de détention. S'agit-il d'un estuaire, d'un golfe ou d'un bassin? Cela peut avoir un impact biologique sur l'individu. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de pertinence, mais en tirant des conclusions aussi simplement que vous l'avez fait, je trouve que c'est couper court.

M. van Havre : J'aimerais apporter une précision. Ce que j'ai voulu indiquer, c'est qu'il y a un impact. La nature de cet impact — et c'est ce que la sénatrice a demandé plus tôt — est à évaluer. Mais il est clair, à mon avis, que ce sont des éléments qui nous sont utiles.

Le sénateur Forest : Votre réponse n'était pas pondérée. Vous disiez qu'il y aurait un impact, qu'il y aurait une perte. Je pense que cela devra être évalué avec toute la rigueur scientifique que nous devons avoir ici.

[Traduction]

Le président : Je vois qu'il n'y a plus d'autres questions. J'aimerais prendre l'occasion de remercier notre témoin de sa contribution à nos délibérations sur le projet de loi S-203.

À titre informatif, nous avons déjà entendu des représentants du ministère des Pêches et des Océans, mais beaucoup de questions ont été soulevées au cours des dernières réunions. J'ai donc consulté le greffier, et nous essayerons de convoquer de nouveau des représentants du ministère des Pêches et des Océans pour obtenir des précisions sur les questions, les commentaires et les discussions que nous avons eus depuis un mois, dont les questions qu'ont soulevées ce matin la sénatrice Pate et d'autres.

Sur ce, je remercie notre témoin. Nous allons prendre quelques minutes pour faire un peu de place.

Plaît-il au comité de poursuivre la réunion à huis clos pour étudier un projet d'ordre du jour?

(La séance se poursuit à huis clos.)

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