Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 15 - Témoignages du 4 mai 2017
OTTAWA, le jeudi 4 mai 2017
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été déféré le projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour l'étude du projet de loi.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis le président du comité.
Nous poursuivons ce matin notre étude du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins).
Avant que je ne cède la parole aux témoins, ce matin, je demande aux sénateurs de se présenter, en commençant par la personne immédiatement à ma droite.
Le sénateur Gold : Bonjour. Je suis Marc Gold, du Québec.
Le sénateur Sinclair : Bonjour. Je suis Murray Sinclair, du Manitoba.
Le sénateur Plett : Don Plett, je suis aussi du Manitoba. Bienvenue.
[Français]
Le sénateur Forest : Éric Forest, de la région du Golfe, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Merci, sénateurs. Il est possible que d'autres sénateurs se joignent à nous plus tard ce matin.
Nous accueillons ce matin deux témoins. Je vais leur demander de commencer par se présenter. Je crois savoir que vous avez des déclarations préliminaires à présenter. Nous passerons ensuite aux questions des sénateurs.
John Nightingale, président et chef de la direction, Aquarium de Vancouver : Bonjour. J'ai le privilège d'être le président et le chef de la direction du Centre des sciences de la mer de l'Aquarium de Vancouver depuis 24 ans. Je suis un biologiste marin de profession et, au cours de ma carrière, je suis passé du pur travail scientifique à une fonction beaucoup plus axée sur la sensibilisation publique et l'éducation.
J'aimerais tout d'abord remercier les sénateurs de leur examen minutieux du projet de loi et des enjeux complexes qu'il soulève.
Je sais que, à titre de membres du comité des pêches et des océans, vous êtes conscients des menaces qui planent sur nos océans. Nous sommes actuellement au cœur de ce que les scientifiques appellent l'extinction de l'Holocène, qu'on appelle aussi la sixième extinction. Il s'agit de la disparition continue et, dans certains cas, dévastatrice d'espèces dans notre environnement à laquelle nous assistons actuellement, un phénomène qui est surtout attribuable à l'activité humaine. Actuellement, des variétés de végétaux et des espèces animales, notamment des oiseaux, des amphibiens, des reptiles et des mammifères disparaissent de notre planète. Selon les scientifiques qui étudient ce phénomène, le taux d'extinction pourrait atteindre au bout du compte les 140 000 espèces par année, ce qui en ferait la plus importante perte de biodiversité sur notre planète depuis les dinosaures.
Cette dévastation n'épargne pas le Canada ni, tout particulièrement, ses océans, d'ailleurs. Renverser la tendance nécessitera l'effort marqué de tous : les gouvernements, l'industrie, le milieu scientifique, les organismes de conservation et, ce qui est probablement le plus important, le public.
Le Centre des sciences de la mer de l'Aquarium de Vancouver et les institutions semblables ont un important rôle à jouer à cet égard. On parle d'organismes qui mènent des activités d'information et de sensibilisation, qui tentent de favoriser l'action, qui entreprennent de nouvelles recherches et qui parviennent, de plus en plus, à sauver des espèces. Ce que je crains, par rapport au projet de loi S-203 — ou toute autre mesure législative visant à criminaliser et à tenter de restreindre graduellement la capacité de garder un animal, de lui fournir des soins et d'acquérir des connaissances à son sujet —, c'est que cela limite notre capacité de mener de telles activités. Les mesures législatives de ce genre réduisent peu à peu notre capacité de mobiliser le public, d'apprendre, grâce à la science, et d'aider la nature. Cette perte serait irrémédiable.
Je sais que vous avez entendu, dans cette enceinte, des arguments selon lesquels ces aspects de notre mission de conservation ne donnent pas de résultats, c'est-à-dire que nous ne sensibilisons pas et n'inspirons pas les gens, que nous ne faisons pas de recherches et que nous ne sommes d'aucune aide. J'aimerais me pencher rapidement sur chacun de ces arguments.
La première question consiste à savoir si nous sommes une source d'information et d'inspiration. S'il est bien sûr possible d'apprendre en regardant une photo ou une vidéo, il n'en demeure pas moins que le bon sens et des recherches de plus en plus nombreuses indiquent que l'apprentissage par l'expérience — voir les choses en réalité — change complètement la donne, non seulement sur le plan de la compréhension, mais aussi sur les liens affectifs qu'il faut vraiment créer chez de plus en plus de gens. Je vais remettre au greffier du comité certains articles produits par des scientifiques et des chercheurs si jamais certains d'entre vous veulent les consulter.
Une étude réalisée en 2013 auprès des visiteurs des zoos a mesuré l'incidence de l'attachement à la nature sur l'adoption de comportements favorables à la conservation. Les auteurs ont constaté une influence et une corrélation très positives. En 2014, une étude d'évaluation de l'incidence globale menée auprès des visiteurs de zoos et d'aquariums a démontré que les répondants avaient une meilleure compréhension de la biodiversité et qu'ils étaient plus nombreux à pouvoir cerner des mesures qu'ils pourraient prendre, personnellement, pour aider à protéger la biodiversité. Des recherches scientifiques ont démontré que les zoos et les aquariums favorisent l'établissement d'un lien avec la nature, ce que nous savions déjà, puisque nous le voyons tous les jours à l'Aquarium de Vancouver.
À Vancouver, nous avons souvent l'occasion de collaborer avec une journaliste spécialiste des questions environnementales. Elle fait d'importants reportages sur les changements climatiques, la pollution, la recherche et la conservation : autant de facettes de la nature. Ces reportages, qui sont diffusés à la télévision et en ligne, contribuent à informer l'auditoire sur les enjeux et les interventions possibles.
Elle nous répète souvent que l'emploi qu'elle a occupé à l'Aquarium de Vancouver pendant ses études universitaires a renforcé sa passion pour la nature et l'océan. Notre équipe de sauvetage des mammifères marins se rend parfois au large de la côte Ouest de l'île de Vancouver pour participer à des opérations de sauvetage d'un animal échoué ou emmêlé. Elle collabore alors souvent avec une agente des pêches passionnée de la protection des océans et des écosystèmes qui a, elle aussi, affirmé que ses visites à l'Aquarium de Vancouver et l'emploi qu'elle y a occupé ont contribué à l'orienter dans son choix de carrière.
Plus tard ce matin, vous rencontrerez Laurenne Schiller, qui est actuellement étudiante au doctorat à l'Université Dalhousie et qui a pour objectif de sauver le thon rouge de l'extinction. Je pense qu'elle pourrait y arriver. Elle vous expliquera que sa passion indéfectible pour l'océan lui vient des nombreuses visites qu'elle a faites à l'Aquarium de Vancouver pour y observer nos bélugas.
L'an dernier, l'aquarium a accueilli près de 1,2 million de visiteurs, dont plus de la moitié étaient des enfants. Nous savons qu'il y a parmi eux les journalistes spécialistes des questions environnementales, les agents des pêches et les scientifiques de demain. En bref, c'est notre mission.
L'Aquarium de Vancouver inspire également les membres du public à agir. Ces gens ne sont peut-être pas encore d'ardents défenseurs des océans, mais ils acquièrent assez de connaissances pour vouloir modifier leurs comportements de la vie quotidienne. Beaucoup d'entre eux participent à nos programmes d'action directe, comme le Grand nettoyage des rivages canadiens, et choisissent des options misant sur l'exploitation durable des produits de la mer, selon les recommandations de notre programme Ocean Wise sur la durabilité des fruits de mer. Il existe d'innombrables histoires de ce genre. Nous savons donc pertinemment que nous parvenons à sensibiliser les gens.
Parlons maintenant brièvement de recherche. Les études menées à l'Aquarium de Vancouver, entre autres, sont-elles utiles? La réponse courte, c'est un « oui » sans équivoque.
Divers intervenants qui ont comparu devant le comité ont indiqué qu'on ne peut acquérir des connaissances sur les comportements des animaux sauvages en étudiant des animaux en captivité dans des aquariums. Ce point de vue est partiellement vrai et représente l'avis des spécialistes du comportement, mais il faut savoir que le comportement n'est pas le seul aspect qu'il convient d'étudier chez les mammifères marins.
Les connaissances que nous avons de la physiologie des cétacés — les mécanismes et leurs interactions dans un organisme vivant — ont été acquises grâce aux travaux de recherche en aquarium. Nos recherches nous ont permis d'acquérir diverses connaissances : ouïe, capacités acoustiques, alimentation, besoins énergétiques, appareil pulmonaire et fonctions respiratoires. Nous avons mis à l'essai des instruments utilisés sur le terrain, notamment les hydrophones, les bandelettes de marquage-recapture, les pneumotachographes ainsi que des appareils non invasifs pour les étiquettes satellites et les caméras, pour ne nommer que ceux-là.
Comme vous l'avez entendu le mois dernier, ici même, les chercheurs enregistrent et mesurent les communications acoustiques des bélugas de l'estuaire du Saint-Laurent afin de comprendre comment atténuer les répercussions du bruit sous-marin sur cette population, qui est passée de menacée à en voie de disparition au titre de la Loi sur les espèces en péril, pas plus tard que la semaine dernière. Ces recherches avaient d'abord été entreprises avec les bélugas de l'Aquarium de Vancouver.
Dans le golfe de Californie, le gouvernement mexicain et des chercheurs américains collaborent actuellement à l'élaboration d'un plan de sauvetage d'urgence du marsouin de Californie, le plus petit marsouin du monde, et une espèce gravement menacée d'extinction. Les recherches sur les marsouins de l'Aquarium de Vancouver ont permis d'obtenir d'importantes données qui serviront à élaborer une stratégie pour dépister les marsouins de Californie. Il y en reste tellement peu, que les trouver pour les secourir est le principal problème.
Nos scientifiques qui étudient actuellement les épaulards en voie de disparition au large des côtes de la Colombie- Britannique utilisent la photogrammétrie, soit des photos prises à l'aide de drones, pour mesurer et évaluer les variations de la longueur et de la circonférence des épaulards afin de déterminer s'ils ont assez de poissons pour se nourrir. Toutes ces mesures de référence utilisées dans le cadre de cette importante recherche proviennent des études menées sur les épaulards de SeaWorld.
Est-ce tout? Avons-nous assez appris? Non, je crois qu'on est encore loin du compte. Des scientifiques des deux côtés de ce débat vous ont indiqué que ce domaine de recherche est très récent, ce qui est vrai, car ce n'est que lorsque nous avons commencé à garder des cétacés dans des aquariums, il y a 50 ans, que nous avons commencé à acquérir des connaissances sur certains des aspects non comportementaux de ces cétacés. Nos connaissances et notre expertise ont augmenté de façon exponentielle depuis, mais il nous reste énormément de recherche à faire. Nous étudions les maladies humaines, les traitements et la médecine humaine depuis des milliers d'années et nous continuons tout de même à faire des recherches sur l'amélioration des soins médicaux et les maladies auxquelles les humains sont confrontés.
La question de savoir si le projet de loi nous permet de maintenir nos activités de recherche sur les animaux déjà en captivité et sur les animaux sauvés fait l'objet de débats. Il ne le permet pas. Selon le projet de loi S-203, l'exposition d'un cétacé constitue une infraction. Les habitats dans lesquels nous gardons les baleines et les dauphins sont à la vue du public. La réalité, c'est que les frais d'entrée que paient nos visiteurs servent non seulement aux soins des animaux, mais nous permettent aussi de poursuivre nos activités de recherche et de sensibilisation.
Prévenir l'extinction massive d'espèces à l'échelle planétaire nécessitera l'effort de tous, y compris des aquariums, qui ne doivent pas être exclus. Nous commençons à peine à entrevoir les possibilités en matière de conservation. À titre d'exemple, notons les programmes sur les espèces, les programmes de reproduction en captivité, la réintroduction d'espèces et les projets d'intervention précoce pour les espèces en péril. La liste est longue. Les zoos et les aquariums contribuent à ces efforts en offrant des éléments essentiels que d'autres intervenants ne peuvent offrir : de l'espace pour garder les animaux, de l'expertise et la possibilité d'interaction avec le public.
À l'échelle mondiale, les installations comme la nôtre ont aidé à sauver diverses espèces, notamment le putois d'Amérique et le condor de Californie; l'Aquarium de Vancouver a aidé à sauver la grenouille dorée du Panama. Il s'agissait d'un programme auquel nous avons participé. La mise en œuvre de tels programmes est un travail de longue haleine, et l'expertise s'acquiert par l'expérience. Pour certaines espèces, malheureusement, le milieu scientifique ne pourra trouver des solutions à temps. Toutefois, nous demeurons convaincus qu'il est important d'essayer.
En ce qui concerne les baleines, les dauphins et les marsouins en péril au Canada, l'adoption du projet de loi S-203 ne nous empêchera pas seulement de faire les recherches que nous avons entreprises ou prévues. Cela signifierait aussi l'arrêt immédiat des efforts d'autres scientifiques canadiens visant à sauver ces espèces d'un avenir incertain. Le Centre des sciences de la mer de l'Aquarium de Vancouver et le seul endroit au Canada où des chercheurs peuvent venir pour effectuer des recherches sur des animaux qui peuvent être formés pour participer aux recherches.
Comprenez-moi bien. Je ne parle pas ici de recherches comportementales. Vous avez déjà rencontré certains scientifiques du comportement. Je parle de recherche liée à tous les autres aspects qui sont importants lorsqu'on tente de comprendre ces aspects suffisamment bien pour mettre en œuvre des stratégies de gestion et aider les gouvernements à mettre en œuvre les stratégies de gestion afin de les sauver.
Cette mesure législative nuira considérablement à la capacité de l'Aquarium de Vancouver de renseigner les générations futures sur les mammifères marins de nos océans. J'ajoute que cela aura certainement une incidence sur les recherches actuelles et prévues de l'Aquarium de Vancouver et sur sa capacité de secourir les cétacés en détresse. Toutefois, le projet de loi S-203 pourrait avoir comme conséquence profonde l'annulation de programmes de sauvegarde des espèces de cétacés, et ce, avant même que nous ayons eu l'occasion d'essayer, et encore moins de réussir.
Le président : Monsieur Martin, la parole est à vous.
Dr Martin Haulena, vétérinaire en chef, Aquarium de Vancouver : Bonjour à tous. Je vous remercie de m'avoir invité et je vous suis reconnaissant de l'occasion de présenter mes observations au sujet du projet de loi S-203. Je m'appelle Martin Haulena et je suis vétérinaire en chef de l'Aquarium de Vancouver depuis 2006. J'ai suivi ce débat, non seulement dans le cadre de vos réunions, mais tout au long de ma carrière. Le moins qu'on puisse dire, c'est que le débat a été intéressant.
Pour commencer, nous avons approfondi nos connaissances et notre compréhension de ces espèces et des menaces croissantes auxquelles ils sont confrontés dans leur milieu sauvage, tandis qu'on entendait, en parallèle, un discours inexact selon lequel des installations comme l'Aquarium de Vancouver leur causent du tort. Cette dernière affirmation n'est tout simplement pas vraie. La protection du milieu naturel, y compris nos océans, exige des mesures concrètes en ce sens par un public informé et mobilisé et des professionnels bien formés. Les zoos et aquariums modernes et accrédités jouent un rôle important à cet égard.
Je vais d'abord m'attarder à la notion de « bien-être » animal. La discussion sur les animaux sous les soins d'humains est souvent faussée par la confusion entre deux concepts, le bien-être animal et les droits des animaux. Le bien-être des animaux — qu'il s'agisse de bétail, d'animaux domestiques, d'animaux gardés dans des aquariums ou d'animaux sauvages — est la priorité de tout vétérinaire. C'est la raison pour laquelle nous exerçons cette profession, que nous avons choisie justement en raison de notre passion pour les animaux, de notre souci pour leur santé et leur bien-être. Nous ne leur causons pas de souffrances; nous les soulageons. Nous pouvons absolument évaluer le bien-être d'un animal; nous sommes en mesure de déterminer s'il est en santé et s'il se porte bien, ou encore s'il éprouve de la douleur ou de la détresse. Nous utilisons des indicateurs objectifs pour évaluer sa santé et son bien-être, notamment les éthogrammes, les signes cliniques, les examens physiques et les tests de diagnostic en laboratoire.
Les défenseurs des droits des animaux, pour leur part, font valoir que les humains n'ont aucun droit d'utiliser les animaux, pas même pour se nourrir, se vêtir, en faire des animaux de compagnie, à des fins éducatives ou de mobilisation, et cetera. Les expressions « bien-être des animaux » et « droits des animaux » renvoient à des notions totalement distinctes, mais sont en quelque sorte devenues interchangeables, ce qui nuit considérablement aux soins extraordinaires prodigués par les zoos et aquariums compétents du monde.
J'ai grandi à Ottawa, à quelques kilomètres d'ici seulement. Ma passion pour les mammifères marins et autres animaux aquatiques est directement liée aux visites que j'ai faites à des aquariums dans mon enfance. J'ai consacré ma vie à l'étude des mammifères marins, de leur santé et des menaces auxquelles ils sont confrontés, et à leur bien-être.
J'ai obtenu mon diplôme du Collège de médecine vétérinaire de l'Ontario en 1993. J'ai ensuite terminé un programme de recherche clinique en médecine des animaux aquatiques, au Mystic Aquarium et j'ai obtenu une maîtrise en pathobiologie de l'Université de Guelph. En 2007, je suis devenu médecin vétérinaire agrégé de l'American College of Zoological Medicine, avec sous-spécialité en médecine des animaux aquatiques. Je suis un spécialiste certifié en médecine des animaux aquatiques, l'une des deux seules personnes au Canada à avoir ce titre.
Je suis spécialiste de la gestion médicale des mammifères marins; ma pratique est axée sur les méthodes diagnostiques novatrices, le développement de protocoles d'anesthésie sécuritaires et l'amélioration des techniques chirurgicales.
Je suis actuellement président élu de l'International Association for Aquatic Animal Medicine, IAAA, et membre affilié de l'American Association of Zoological Veterinarians et de la Wildlife Disease Association. J'ai rédigé plus de 60 articles de revues scientifiques et chapitres de livres. Je m'occupe de mammifères marins dans des aquariums, des installations de réadaptation et en milieu sauvage depuis plus de 25 ans.
Des défenseurs des droits des animaux ont indiqué, ici même au comité, que les compétences, les connaissances et l'expertise acquises grâce au travail auprès des animaux dans les aquariums ne contribuent que dans une mesure faible, voire nulle, à la conservation des espèces sauvages. Cette affirmation est tout à fait fausse.
Jusqu'à maintenant, en 2017, j'ai été invité à participer à un atelier sur l'évaluation de la santé de la population menacée d'épaulards du Sud, à une étude sur la composition du régime alimentaire, étude fondée sur les données obtenues pour les animaux de notre aquarium, à une étude sur les changements à long terme de l'ouïe des bélugas et sur l'incidence du bruit des navires sur les populations sauvages, à l'élaboration de nouvelles techniques d'imagerie pour les mammifères marins, soit le recours à la réalité virtuelle pour la reconstruction des tomodensitogrammes; à une étude par imagerie visant à évaluer l'usure de la dentition des épaulards migrateurs sauvages, à une étude de classification des lésions cutanées des épaulards sauvages, étude qui vise la création d'indicateurs de santé des épaulards résidents du Sud, à l'évaluation des blessures subies par une baleine grise de Puget Sound lors d'une collision avec un navire, à l'examen des critères du ministère des Pêches et des Océans relatifs à la libération des cétacés échoués, à l'examen des résumés fournis aux responsables de la division de la santé des mammifères marins de la Society of Marine Mammals en préparation pour sa conférence prochaine et à l'élaboration d'un plan de sauvetage d'urgence du marsouin de Californie, une espèce gravement menacée d'extinction. L'équipe chargée de l'élaboration du plan aura accès aux marsouins communs de l'Aquarium, et je pourrai leur offrir des conseils vétérinaires s'ils réussissent à sauver l'un des 30 individus qui restent dans le monde.
Le programme de réadaptation des marsouins communs piégés, qui comprend les activités de sauvetage des nouveau-nés, les veaux nouveau-nés, mis en œuvre par le Centre de sauvetage des mammifères marins de l'Aquarium de Vancouver, est le programme le plus efficace en Amérique du Nord. Je suis aussi président scientifique et organisateur de la réunion de l'IAAAM qui aura lieu dans deux semaines.
En 2016, j'ai également fourni des conseils en matière de soins vétérinaires à des chercheurs qui tentaient de sauver un jeune béluga échoué dans l'estuaire du Saint-Laurent, ainsi qu'à ceux qui tentaient de sauver un jeune épaulard en Nouvelle-Zélande.
Les vétérinaires spécialistes de la santé des animaux ont des compétences uniques qui ne peuvent être acquises que par une expérience pratique auprès des animaux. C'est indispensable. On ne devient pas vétérinaire spécialiste des mammifères marins en regardant des vidéos sur YouTube ou des documentaires sur la chaîne National Geographic, si captivants et inspirants soient-ils. En outre, contrairement à d'autres professions qui deviennent obsolètes en raison des progrès technologiques, la demande de vétérinaires compétents ayant l'expertise nécessaire pour aider les espèces en péril ne cesse de croître.
Chaque année, l'Aquarium de Vancouver accueille, de partout dans le monde, au moins 12 finissants talentueux qui en sont à leur dernière année d'études en médecine vétérinaire, quatre étudiants en techniques de santé animale et de nombreux étudiants à la maîtrise et au doctorat. Nous offrons également un programme de bourses de recherche d'un an très avantageux aux vétérinaires qui souhaitent se spécialiser dans ce domaine, ainsi que trois postes, en rotation, dans un programme de résidence en médecine vétérinaire.
Les experts du futur viennent apprendre dans nos installations. Ils sont attirés chez nous parce que nous avons des animaux extraordinaires, y compris des cétacés, et parce qu'ils savent qu'ils pourront acquérir une expérience en médecine vétérinaire, une expérience unique au Canada et de plus en plus rare à l'échelle mondiale.
Il est aussi faux de dire que les recherches faites sur les animaux en captivité ne contribuent que dans une très faible mesure à la conservation des espèces sauvages. Cela pourrait être vrai si nous n'appliquions les connaissances que nous avons acquises qu'aux animaux dont nous avons la garde, mais ce n'est pas le cas. Notre action est fondée sur la collaboration. Nos vétérinaires, nos entraîneurs d'animaux et notre personnel chargé des soins collaborent avec les chercheurs qui travaillent avec nos animaux, et sur le terrain, pour acquérir des connaissances sur divers aspects, dont la physiologie, l'écologie, la génétique, les pathologies, la toxicologie et bien d'autres encore. Ces activités sont toutes liées.
À titre d'exemple, les spécialistes des bélugas ont eu de la difficulté à déterminer l'espérance de vie des bélugas. Ils pourront donc, grâce à nos bélugas, améliorer leurs techniques d'évaluation de l'âge des individus. Une récente étude sur les schémas de reproduction saisonniers — menée à partir de données sur les cétacés de l'Aquarium — nous aide à mieux comprendre les comportements des cétacés sauvages. Les connaissances que nous avons sur le cancer d'une vieille baleine de l'Aquarium de Vancouver offrent un nouvel éclairage sur les taux de cancer des bélugas du Saint- Laurent.
Mesurer les changements de la capacité auditive des baleines en captivité, au fil du temps, nous permet de déterminer si la perte d'audition des baleines sauvages résulte d'une exposition anormale au bruit. L'examen de l'exposition à des maladies ayant un potentiel zoonotique sur les baleines en captivité nous permet d'aider les gens de l'Arctique à évaluer l'innocuité de leurs aliments et nous aide à comprendre l'évolution de l'exposition aux maladies dans le contexte des changements climatiques. Tous ces aspects sont intégrés.
Ce qui était important hier — comme l'étude des fonctions pulmonaires, pour aider les animaux piégés — pourrait, demain, avoir moins d'importance que la photogrammétrie réalisée sur place pour évaluer l'état du corps d'une baleine sauvage. Ce qu'il faut retenir, c'est que tous les chercheurs qui ont des questions légitimes ont, en tout temps, accès à nos animaux. Ce sont les seuls animaux qu'ils peuvent étudier au Canada. À terme, cette mesure législative aura pour effet d'éliminer complètement notre seule possibilité de mener des études sur d'éventuels problèmes. Prétendre que cela pourrait être avantageux à l'avenir, c'est voir à court terme.
Je suis conscient que le projet de loi S-203 comporte une disposition sur le sauvetage des animaux en détresse et sur le maintien des activités de recherche sur les animaux rescapés qui ne peuvent être retournés dans leur habitat naturel. Toutefois, le projet de loi porte le titre suivant : Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins). Tel qu'il est rédigé actuellement, l'exposition de baleines et de dauphins constituerait une infraction criminelle, ce qui signifie que l'Aquarium de Vancouver ne pourrait servir de refuge permanent pour les animaux qui ne peuvent être libérés. Notre impossibilité de garder une population de baleines et de dauphins dans nos installations entraînera, au fil du temps, une perte d'expertise, et la perte d'un site permettant la tenue d'activités de sauvetage, de rétablissement et de recherche.
Le Centre de sauvetage des mammifères marins de l'Aquarium de Vancouver, le seul centre de ce genre au Canada, est ce qui m'a incité à m'établir à Vancouver.
J'ai consacré ma vie entière à sauver des vies; c'est mon gagne-pain. Cette capacité d'intervenir en cas de crise est ce qui revêt le plus d'importance pour moi. Pouvoir compter sur une panoplie d'outils, comme les installations, et de spécialistes — vétérinaires, biologistes, spécialistes de la qualité de l'eau, techniciens vétérinaires, spécialistes de l'élevage —, des gens formés et toujours prêts à intervenir, est inestimable, maintenant et à l'avenir.
Comme M. Nightingale l'a indiqué, la situation du béluga du Saint-Laurent et d'autres espèces de cétacés en péril ne font qu'empirer. Comme nous l'avons vu pour les espèces de cétacés disparues récemment, pour le marsouin de Californie, une espèce qui sera bientôt éteinte, pour la population d'épaulards du Sud, que nous ne réussirons probablement pas à sauver à long terme, on en vient en fin de compte à sauver les animaux un par un. Notre seul espoir est de pouvoir compter sur des spécialistes prêts à intervenir et à faire ce qu'ils font le mieux.
Moins nous aurons de gens et d'installations pour intervenir en cas de crise, pour former les prochaines générations d'intervenants, pour acquérir de meilleures connaissances et pour sensibiliser la population, moins ces espèces auront de chance de survie. Il n'y a pas d'autre solution.
En terminant, en ce qui concerne la protection des espèces sauvages, la contribution des programmes des aquariums canadiens consacrés aux baleines et aux dauphins est loin d'être nulle. On ne peut en dire autant des défenseurs des droits des animaux qui vous ont saisis de cet enjeu. La plupart des militants, des anciens entraîneurs et des chercheurs qui ont comparu devant le comité pour appuyer le projet de loi S-203 ne font aucune recherche visant à sauver les espèces en péril. Ils ne se consacrent pas à acquérir une expertise et des connaissances qui empêcheront de prévenir l'extinction d'espèces.
Les hypothèses qu'ils vous ont présentées ici au sujet des impacts pédagogiques des zoos et des aquariums, sur la valeur de nos recherches et sur les effets des soins que nous prodiguons aux animaux ne visent qu'à entraîner l'élimination de nos programmes consacrés aux cétacés. Ils ne cherchent pas à sauver ces espèces et n'œuvrent pas à la conservation de la faune du Canada. Cela, c'est notre travail. J'espère que vous nous appuierez dans notre travail, un travail essentiel, et que vous empêcherez l'adoption du projet de loi S-203.
Merci.
Le président : Nous allons commencer la période de questions. Je tiens à rappeler aux sénateurs que nous avons un peu plus de 30 minutes avant l'arrivée de nos prochains témoins. Par conséquent, vous pourrez poser vos questions et peut-être faire un suivi. Ensuite, nous passerons au prochain sénateur. S'il nous reste du temps, nous recommencerons une deuxième série.
Le sénateur Plett : Messieurs, je vous remercie de vos excellents exposés. Vous avez répondu à beaucoup de questions.
J'ai souvent visité l'aquarium aussi bien en tant que partenaire payant qu'en tant que critique du projet de loi qui essayait d'effectuer certaines recherches. Docteur Haulena, à la fin de votre déclaration, vous avez dit que les animaux sont disponibles pour qui que ce soit en tout temps. Avant de poser ma question, je tiens à vous dire que trois de mes petites-filles ont visité l'aquarium. J'ai l'impression qu'elles ont peut-être eu droit à une visite un peu plus poussée de l'aquarium que la plupart des clients payants, mais lorsqu'elles sont revenues de l'aquarium, elles ne m'ont pas dit : « Grand-papa, nous avons vu tous ces animaux. Ils étaient tellement magnifiques. » Elles sont ressorties de cette expérience et elles m'ont parlé de ce qu'elles ont vu en coulisse : l'amour et les soins dont bénéficiaient les animaux qui ont été secourus et, à n'en pas douter, tout l'amour que leur donne l'ensemble des personnes qui travaillent là. Je crois qu'il s'agit de témoignages importants, et ce serait bien si les membres du public pouvaient voir cela un peu plus souvent, plutôt que de simplement voir les animaux, mais peu importe.
Monsieur Nightingale, en tant que protecteur de l'environnement de longue date, quels sont, selon vous, les vrais problèmes qui surviennent dans la nature et qui exigent une intervention humaine? De quelle façon croyez-vous que ces programmes peuvent aider à définir et mobiliser la population canadienne qui a à cœur notre environnement marin?
Docteur Haulena, combien de mammifères marins avez-vous secourus et réadaptés durant votre carrière? Dans quelle mesure est-il facile pour quelqu'un de réadapter un cétacé échoué?
M. Nightingale : La mission officielle de l'Aquarium de Vancouver est d'assurer la conservation de la nature. « Assurer » est le mot le plus court que nous avons pu trouver dans le dictionnaire pour signifier « faire en sorte que ça arrive » : notre objectif est non pas d'essayer ni de soutenir, mais d'aller sur le terrain et de faire en sorte que ça arrive.
L'aquarium a eu une révélation il y a environ 25 ans lorsque nous avons créé notre premier plan stratégique. Un intervenant nous avait demandé de réaliser une de ces analyses classiques dans le cadre desquelles on examine nos forces, nos faiblesses, les menaces et ainsi de suite. Nous nous sommes rendu compte que notre principal atout n'était pas notre emplacement à Stanley Park. Ce n'était même pas notre collection d'animaux. Notre principal atout dans notre quête pour la conservation, c'est notre public.
Beaucoup de choses que les gens ordinaires font, au quotidien à l'échelle mondiale, et beaucoup des choses qui se passent au sein de l'économie mondiale influent sur les océans. Nous savons bien que nous devons absolument continuer à secourir directement les espèces. Il faut poursuivre les recherches, mais il faut aussi aider à accroître la sensibilisation et l'intérêt des gens.
J'utilise toujours l'exemple du plastique. Lorsque l'aquarium a ouvert ses portes, en 1956, il y avait seulement deux types de plastique, dont l'un s'appelait la bakélite. Vous vous souviendrez peut-être des vieux et lourds téléphones noirs. Ils étaient en bakélite. Aujourd'hui, on utilise 10 000 sortes de plastique dans le monde entier. Huit millions de tonnes de plastique se retrouvent dans l'océan chaque année. J'ai bien dit dans l'océan. En tout, 30 millions de tonnes de plastique se retrouvent dans l'environnement. Les sacs en plastique sont parmi les choses qui ont le plus d'impact dans l'océan. Nous venons justement d'utiliser cet exemple à l'intention des visiteurs à l'aquarium : on croit que ce qui flotte, c'est un sac en plastique. Pour les tortues de mer, un sac de plastique est exactement comme une méduse, et ils mangent des méduses. Si une tortue de mer mange un certain nombre de sacs en plastique, son organisme sera bloqué, et elle mourra.
Notre quête, c'est d'aider l'ensemble des 1,2 million de visiteurs qui viennent à l'aquarium, en plus des millions qui nous visitent en ligne, et ils sont de plus en plus nombreux, à comprendre que, si nous faisions tout simplement un peu plus attention, si nous réduisions notre utilisation des plastiques et si nous faisions attention lorsque nous jetons nos sacs en plastique, chacun d'entre nous pourrait aider l'océan. C'est l'une des environ 200 ou 300 histoires que nous utilisons auprès du public pour les aider à comprendre que nous avons tous un rôle à jouer. Il y a des choses que nous pouvons faire, sans tout chambouler l'économie, sans mettre nos ménages sens dessus dessous et sans avoir à dépenser des tonnes d'argent de plus. Nous pouvons tous, ensemble, aider l'océan si nous sommes simplement juste un peu plus intelligents.
Nous sommes tous un grain de sable sur la plage. Si suffisamment de grains de sable se réunissent et passent à l'action, alors on peut devenir une plage ou tout un océan. C'est la mission de l'aquarium. Les animaux que les gens viennent voir sont vraiment les ambassadeurs ou l'élément déclencheur.
Le sénateur Plett a mentionné ses petits-enfants qui lui ont parlé de la passion qu'ils ont constatée. Ce qui motive les 500 employés de l'aquarium et les 1 200 bénévoles qui y travaillent, c'est la passion pour l'avenir.
Dr Haulena a mentionné que l'objectif des militants, c'est pousser les aquariums comme le nôtre à la faillite pour mettre fin à l'exposition d'animaux. C'est contraire à notre objectif, qui est d'essayer d'avoir un impact positif sur l'avenir et la nature. On parle ici de deux ensembles d'objectifs différents. Je vous laisse juger quel objectif est le plus utile pour l'avenir du pays, de la terre et de l'humanité.
Dr Haulena : La première question que vous m'avez posée visait à établir de combien de mammifères marins je me suis occupé. Il m'a fallu tout ce temps pour essayer de bien compter. Je suis un peu vieux. J'ai travaillé aux États-Unis et au Canada. J'ai travaillé avec des gens en Amérique du Sud, en Europe et en Asie pour venir en aide à des animaux échoués. J'ai participé directement aux efforts pour aider de 10 000 à 15 000 mammifères marins et tortues de mer échouées au cours de ma carrière de 25 ans.
Est-ce facile de secourir un cétacé? C'est extrêmement difficile. Ces animaux ne sont pas conçus pour être sur terre. Lorsqu'ils se retrouvent échoués, c'était parce qu'il leur est arrivé quelque chose de très dévastateur. Souvent, nous ne savons même pas de quoi il s'agissait, surtout lorsqu'ils viennent tout juste de s'échouer.
Il arrive de temps en temps qu'un groupe d'animaux s'échoue ensemble, et vous avez peut-être déjà entendu parler de globicéphales et de dauphins qui s'échouent ensemble, surtout sur la côte Est. C'est un genre d'événement géographique et océanique précis. Ces événements sont souvent causés par la structure géologique et les conditions météorologiques dans certaines régions géographiques. On peut parfois évaluer ces animaux et les repousser ou les ramener en mer parce qu'ils se sont tous échoués très près l'un de l'autre, et uniquement pour cette raison.
Sur la côte Ouest, la situation est différente. Il y a des animaux qui s'échouent seuls, et ils sont en très mauvais état lorsqu'ils arrivent sur la plage. Une étude a été réalisée dans des installations où j'ai travaillé en Californie, les plus importantes installations de réadaptation des mammifères marins du monde, le Marine Mammal Center. Le centre a publié un article selon lequel seulement environ 10 p. 100 des cétacés échoués vivants survivent. Au cours des neuf ans que j'ai passés dans ces installations, et durant lesquels j'ai secouru des dizaines de cétacés, y compris au moins une demi-douzaine de jeunes marsouins communs, je n'ai jamais vu un animal échoué survivre.
Cependant, nous avons réussi à en sauver plusieurs fois maintenant à Vancouver. La seule raison de notre succès, j'en suis convaincu, c'est que nous comptions non seulement sur un vétérinaire, des techniciens en soins vétérinaires et les responsables des secours animaliers, qui étaient dévoués, avaient à cœur ce qu'ils faisaient et avaient de toute évidence une certaine expertise, mais aussi sur une équipe de soutien incroyable composée de spécialistes de la qualité de l'eau. Ce sont des gens qui savent comment fonctionne l'eau, comment fonctionnent les piscines. Ils savent comment réchauffer de l'eau très rapidement ou la refroidir pour pouvoir le faire très rapidement en situation d'urgence. En outre, ils savent comment soutenir un animal aux soins intensifs durant les premières étapes très critiques du processus de réadaptation.
Les responsables d'élevage, les entraîneurs, qui savent comment interagir avec les jeunes, savent ce dont ils ont besoin et savent de quelle façon les soutenir durant cette période critique, sont la source de la réussite et ont permis de mettre en place le programme de réadaptation du marsouin commun le plus efficace d'Amérique du Nord. Et maintenant, dans le cas du marsouin du golfe de Californie, une espèce similaire, c'est devenu une compétence de plus en plus viable.
Le sénateur McInnis : La discussion est très intéressante. Lorsqu'ils présentent un exposé, comme le sénateur Plett l'a dit, les bons témoins répondent aux questions avant qu'on les pose. Vous avez fait du très bon travail, mais voilà ce dont je veux parler : votre énoncé de mission est la conservation de la vie aquatique par l'accueil de visiteurs, la communication, la prestation de programmes et d'activités de sensibilisation destinées au public, la recherche et l'action directe. J'aimerais que vous nous en parliez un petit peu plus et que vous nous expliquiez les rouages de cette organisation sans but lucratif.
D'où vient-elle? Était-elle fondée sur des activités de recherche et d'action directe? Comment est-ce que tout a commencé? C'est un groupe de bénévoles, c'est ce que je vous ai entendu dire, mais c'est un groupe sans but lucratif. Comment tout a-t-il commencé?
M. Nightingale : Si vous parlez aux gens de Patrimoine canadien, ils vous diront que l'aquarium est considéré comme une institution culturelle, qui figure dans la même catégorie que les institutions comme les musées, les galeries d'art, les maisons symphoniques et ce genre de choses. C'est la seule importante institution culturelle du pays qui fonctionne sans subvention annuelle d'un gouvernement de quelque ordre que ce soit. C'est une organisation sans but lucratif. Comme vous le dites, c'est assez inhabituel.
Ses débuts étaient assez inhabituels. Le conseil fondateur a été créé cinq ans avant l'ouverture de l'aquarium, on parle donc de 1951, et les membres du conseil ont défini quatre principes fondateurs. Le premier, c'était de jouer un rôle majeur dans le cadre des activités de recherche, et ce, parce que certains des membres du conseil étaient des professeurs à l'Université de la Colombie-Britannique. L'Université Simon-Fraser n'existait pas à Vancouver en 1951. Ensuite, l'institution devait jouer un rôle majeur dans le domaine de l'éducation. Le surintendant scolaire était membre du conseil fondateur. Puis, l'aquarium devait aider à rendre Vancouver plus attrayant. Il s'agissait probablement à la fois de contribuer au tourisme et de contribuer à la réputation de la ville. Par ailleurs, l'entité devait être autosuffisante d'un point de vue financier et indépendante des gouvernements. Les gens d'affaires membres du conseil fondateur ont dit : « Nous ne voulons pas créer une organisation sans but lucratif qui dépend du financement gouvernemental année après année ou qui doit utiliser l'argent des contribuables. Il n'y a aucune raison pour laquelle, grâce à une saine exploitation, vous ne pouvez pas vous débrouiller seuls. »
La conservation, le cinquième pilier, n'était pas un thème dont les gens parlaient en 1950. C'est vraiment avec Rachel Carson, dans Printemps silencieux et avec le premier Jour de la Terre, en 1970, que le public a pris conscience du besoin d'assurer la conservation et que ce thème est devenu le cinquième pilier fondateur. Ce sont donc les piliers qui étayent les activités de l'aquarium.
Essentiellement, du point de vue purement commercial, l'aquarium est géré comme une attraction touristique. En d'autres mots, les gens viennent pour une diversité de raisons. On entend souvent dire que les familles viennent parce que les enfants adorent l'expérience. Les parents sont sûrs que c'est bon pour les enfants, et ils attrapent la piqûre. L'aquarium compte 27 000 familles membres à Vancouver, à l'échelle de la Colombie-Britannique et à l'échelle du pays. Quelque 1 500 de ces familles membres sont de l'extérieur du Canada. Ce sont des gens qui veulent appartenir à la grande famille parce qu'ils veulent participer à la mission. Financièrement, l'aquarium est autonome et c'est de cette façon qu'il a été conçu. C'est unique au Canada.
Chaque sou que l'aquarium gagne en frais d'admission et dans sa boutique cadeau est réinvesti. C'est grâce à ces fonds que nous avons vu consacrer 2 millions de dollars aux activités de recherche et de conservation. Les 2 millions de dollars que nous avons investis ont généré trois ou quatre autres millions de dollars. C'est un moteur économique pour la recherche et la conservation, qui fonctionne très bien sans que l'on doive utiliser l'argent des contribuables.
Le projet de loi et les efforts connexes déployés actuellement à Vancouver par les services des parcs de Vancouver menacent tout ça. Du point de vue de l'éducation, de quelle façon pouvons-nous dire aux enfants de venir voir nos expositions, d'apprendre des choses et d'acquérir un intérêt et, éventuellement, une passion pour le monde océanique? Nous allons vous montrer ces animaux, mais pas ceux-là. Nous allons seulement vous montrer une vidéo.
Comme ces articles l'indiquent, ici, vous pouvez entendre l'auteur Richard Louv, qui a écrit le livre Last Child in the Woods... il est un ardent promoteur du besoin de voir les choses en vrai. Selon lui, ce qu'il appelle l'apprentissage par l'expérience fait toute la différence au monde. On peut apprendre beaucoup de choses sur la cuisine en regardant une vidéo. On peut apprendre vraiment beaucoup, mais il faut aller dans une cuisine et le faire, sinon, on a seulement une connaissance théorique.
Le sénateur McInnis : Quel manque à gagner y aurait-il dans le milieu de la recherche universitaire et de la recherche gouvernementale s'il fallait fermer l'Aquarium de Vancouver; où serait le manque à gagner?
M. Nightingale : Comme vous le savez très bien, il y a seulement deux endroits au Canada où l'on prend soin de cétacés. À Marineland et à l'Aquarium de Vancouver. Nous mettons beaucoup plus l'accent sur la science que Marineland. Là-bas, ils mettent en place une composante scientifique lentement. Nous faisons de notre mieux pour mettre l'épaule à la roue, pour travailler en collaboration.
Grâce aux cétacés, aux baleines, aux dauphins et aux tortues, notre aquarium est la seule place où un chercheur peut appeler Marty et dire : « Est-ce que je peux venir prendre la température lorsque l'animal est à 10 pieds sous l'eau? » ou peu importe ce qu'il veut savoir.
Les recherches sur le comportement, comme des témoins de groupes antérieurs vous l'ont dit, peuvent être réalisées dans la nature. On peut regarder le comportement animalier des bélugas sauvages dans le fleuve Saint-Laurent avec des jumelles. On ne peut pas prendre leur température. On ne peut pas comprendre leur métabolisme. On ne peut pas connaître leur champ des fréquences audibles ni le nombre de couleurs qu'ils peuvent voir en regardant des baleines sauvages. Il faut faire ce genre de travail avec des animaux qui sont formés pour participer aux activités de recherche.
Si vous vous rendez pour un examen auditif, le médecin vous donne des écouteurs, vous donne un bouton, et vous dit : « Lorsque vous entendez le son, appuyez sur le bouton ». C'est essentiellement ce qu'on peut faire avec les baleines à l'aquarium. L'audiologiste peut le faire et dire : « Bouge ta nageoire lorsque tu entends le son ». Nous savons maintenant quelles fréquences et quels niveaux les baleines entendent et n'entendent pas. C'est une information à laquelle nous n'aurions jamais eu accès si nous ne pouvions pas travailler avec elles.
Nous ne savons pas tout. Il y a beaucoup de renseignements que nous devons obtenir. Ce projet de loi, même s'il précise qu'il n'empêche pas d'effectuer des recherches, mettra fin à nos activités de recherche parce qu'il empêche l'exposition et le transfert d'animaux. Cela mettra fin à nos activités de sauvetage et éliminera notre capacité d'utiliser ces animaux pour mobiliser le public.
C'est une erreur dans la mesure où les gens prétendent être inquiets pour le bien-être des animaux. Plusieurs personnes vous ont dit que le Canada applique des normes de niveau mondial maintenant en ce qui a trait au bien-être des animaux. C'est un élément d'interrogation, mais la vraie question, c'est pourquoi sont-ils là en premier lieu.
Le sénateur Gold : Merci d'être là aujourd'hui. C'est un enjeu très polarisé. J'ai un peu de difficulté, alors j'espère que vous pourrez m'aider et nous aider.
Nous avons entendu beaucoup de choses au sujet des préjudices subis par les cétacés en captivité. Je veux introduire très brièvement ma question. Il y a différents types de préjudice. Il y a les préjudices physiques, les préjudices physiologiques, les niveaux hormonaux, les comportements et ainsi de suite. Niez-vous que la captivité des cétacés peut leur causer certains préjudices?
Dans la vie, il faut trouver un juste équilibre entre les préjudices et les avantages de la recherche. C'est ce dont je veux parler. Je veux comprendre notre point de vue en ce qui concerne les préjudices que peuvent subir les cétacés en captivité. Reconnaissez-vous qu'il peut y avoir des préjudices ou les niez-vous? J'aimerais une réponse brève, afin que je puisse poser ma question.
Dr Haulena : La réponse vraie, c'est non, mais, de toute évidence, c'est une question compliquée. Est-ce que la vie est différente pour un animal qui vit dans un aquarium plutôt que dans la nature? Absolument. Est-ce intrinsèquement stressant? Non. Est-ce intrinsèquement néfaste? Non.
On vient de publier un article qui étudie les systèmes immunitaires des dauphins sauvages et des animaux vivant dans un aquarium. Les dauphins sauvages étaient beaucoup plus malades que les animaux vivant en aquarium. Il y a beaucoup de paramètres à mesurer.
Pouvons-nous toujours nous améliorer? Absolument. C'est la raison pour laquelle on réalise un bon programme d'élevage.
M. Nightingale : En fait, aucune baleine et aucun dauphin au Canada ou en Amérique du Nord ne peuvent retourner vivre dans la nature.
Le sénateur Gold : Je comprends.
M. Nightingale : Cet aspect de la question est discutable. L'autre problème, c'est que souvent, lorsque les gens parlent de « préjudice », ils utilisent des critères humains. J'entends constamment des gens dire : « Je ne voudrais pas vivre dans un bain ». Ils pensent en humains, pas comme des baleines.
Qu'est-ce qui est important pour un béluga, en ce qui a trait aux nécessités de l'existence ou, si vous voulez, qu'est-ce qui le rend heureux? La réponse est unique à cette baleine. Nous ne pouvons pas utiliser nos valeurs humaines. Nous savons que certaines espèces migrent sur de longues distances. Les bélugas doivent se déplacer sur de longues distances. La raison pour laquelle ils migrent, c'est que les eaux où ils vivent durant l'été gèlent complètement durant l'hiver. S'ils ne partent pas, ils meurent.
Est-ce qu'ils veulent vraiment le faire s'il n'en tenait qu'à eux? Lorsqu'il n'y a pas de glace, ils ne migrent pas du tout. Ils nagent tous ensemble en grands groupes. Lorsqu'on définit les critères utilisés pour évaluer les préjudices, il faut réfléchir de leur point de vue, pas du nôtre.
Le sénateur Gold : Si nous admettons qu'il y a certains préjudices, mais qu'il y a malgré tout une importante fonction de recherche qui est bénéfique pour les cétacés sauvages qu'il faut maintenir, quelles modifications, le cas échéant, ou quels changements au projet de loi recommanderiez-vous afin de pouvoir poursuivre les recherches et/ou modifier les types d'expositions? Je ne dis pas que vos dauphins sautent à travers des anneaux, même si je me rappelle avoir vu ce genre de choses ailleurs. Quels types d'expositions permettraient de poursuivre les activités de recherche tout en réduisant au minimum, voire en éliminant, les préjudices et les problèmes perçus associés à la capture des baleines et des cétacés ainsi que leur captivité? Avez-vous quelques suggestions pratiques pour nous afin d'améliorer le projet de loi?
Dr Haulena : Absolument. Pour commencer, laissez-moi souligner, avec tout le respect que je vous dois, qu'on parle d'un préjudice perçu. Les animaux ne subissent pas de préjudice important. Il n'y a aucun préjudice important pour ces animaux. Peu importe ce que vous avez bien pu entendre, les animaux ne souffrent pas.
Je peux vous dire que nos animaux sont heureux. Ils vivent une vie heureuse entourés de gens heureux. Leur quotidien est joyeux. Ont-ils une mauvaise journée de temps en temps? Absolument. C'est le cas de nous tous, mais cela n'est pas un préjudice inhérent à nos installations.
Le sénateur Gold : Vous reconnaissez que nous avons entendu des témoignages du contraire?
Dr Haulena : Vous avez entendu des témoignages, mais je dois rappeler que c'est moi, l'expert. Je suis désolé d'avoir à le dire, mais c'est vrai. Je dois vanter mes mérites, ici. Ces gens ne travaillent pas avec des animaux dans des installations comme moi. Ils n'ont pas les mêmes titres de compétence que moi.
Avec tout le respect que je vous dois, et je suis désolé, mais il n'y a aucun préjudice important inhérent pour ces animaux découlant du fait qu'ils vivent dans nos installations. C'est ma responsabilité.
J'ai vraiment fait fausse route, monsieur le sénateur, je suis désolé. Pour ce qui est des modifications du projet de loi actuel, le mot « criminel » semble extrême, c'est le moins qu'on puisse dire. Vous avez entendu parler de l'importance de mobiliser le public. Pourquoi ne pas laisser une famille voir un animal qui ne peut pas être retourné dans la nature? Pourquoi est-ce qu'une famille ne peut pas interagir de façon saine avec Chester, le faux-orque, qui adore les enfants? Il aime aller devant la fenêtre, leur envoyer des bulles, leur souffler des bulles, leur parler puis partir à la course faire ce qu'il veut. Pourquoi ne pas lui permettre de le faire? Pourquoi ne pas laisser une famille interagir avec cet animal et repartir, inspirée par lui?
Vous n'avez aucune idée du nombre d'enfants qui viennent me voir et me disent : « Je veux faire ce que vous faites ». Il y a une jeune fille prénommée Avery, qui a sept ans maintenant. C'est la plus belle chose qui ne me soit jamais arrivée : durant sa fête d'anniversaire, sa mère m'a dit que j'étais plus cool que Barbie. Vous n'imaginez pas ce que cela signifie pour moi. C'est le genre d'inspiration que nous procurons. Ce n'est pas moi, ce sont les animaux.
Cet important engagement est indéniable.
M. Nightingale : Nous avons examiné le projet de loi. Marty vous a parlé de la question de la criminalité. Le problème, c'est que la raison pour laquelle il y a seulement deux endroits au Canada où l'on peut conserver ces animaux, c'est en raison des coûts. L'Université Memorial a déjà hébergé des cétacés et des pinnipèdes, mais les coûts pour leur fournir de bons soins ont entraîné la fermeture de toutes les installations d'hébergement de mammifères marins dans les universités et au sein du gouvernement fédéral.
Pour ce qui est de la question de l'exposition, la seule façon dont nous pouvons payer les coûts, c'est avec des visiteurs et la présentation des animaux. Pour nous, les visites permettent l'engagement public, mais elles facilitent aussi les activités de recherche et de sauvetage. La question de l'exposition est problématique.
La question du transfert est aussi problématique, parce que le Canada est un très grand pays géographiquement. La population est assez restreinte. Il y a seulement deux aquariums où vivent des mammifères marins. Nous devons travailler en collaboration avec les aquariums aux États-Unis, au Japon, en particulier, et en Europe. Si nous devons conserver des cétacés à l'avenir, nous ne pourrons pas beaucoup assurer leur reproduction, parce qu'il y a seulement deux petites institutions au Canada. Collectivement, vu le groupe de personnes qui gèrent les bélugas, il faut oublier la capture des bélugas sauvages en Amérique du Nord. Toute la campagne de peur que vous avez entendue au sujet de la capture des animaux sauvages n'est que ça. Ça n'existe pas. On ne le fait plus depuis 20 ans en Amérique du Nord. Ça n'arrivera pas à l'avenir. Toute cette rhétorique sur le fait qu'on brise des familles sauvages et tout le reste, c'est de la poudre aux yeux. Ça n'a rien de réel.
Cependant, si nous voulons continuer à les avoir à l'avenir, pour l'engagement public et à des fins scientifiques, alors, dans le cas des animaux qui ne peuvent pas retourner dans la nature — et je vais utiliser l'exemple des bélugas et vous avez entendu parler de Marineland — Marineland garde tous ses bélugas ensemble. C'est la façon dont ils vivent dans la nature. C'est la bonne façon de les garder si on veut assurer leur enrichissement comportemental et les rendre heureux. Lorsqu'on procède ainsi, les bêtes font parfois des bébés, ce qui n'est pas une mauvaise chose si on pense à long terme.
En résumé, je ne vois pas comment vous pourriez modifier le projet de loi parce que l'enjeu du bien-être des animaux est géré par les provinces. Marineland est exploité conformément à la réglementation la plus rigoureuse sur la planète. Le gouvernement de l'Ontario a adopté complètement les normes du Conseil canadien de protection des animaux et possède un solide programme d'inspection. Notre aquarium est exploité sous l'égide du gouvernement de la Colombie- Britannique, mais nous avons aussi obtenu l'accréditation de l'Association des eaux et aquariums du Canada, qui s'appuie sur les mêmes normes. On pourrait dire que nous l'avons fait de façon volontaire. Mais, bon sang, si nous décidions de ne plus obtenir l'accréditation, le public nous en voudrait à mourir. Ce n'est pas quelque chose que nous allons faire. C'est tout comme s'il y avait une loi.
Je ne sais pas pourquoi il y a des dispositions relatives à la criminalité dans le projet de loi. Lorsque j'essaie de comprendre, les interconnexions sont tellement compliquées que je ne vois pas vraiment de quelle façon vous pourriez rédiger une loi fédérale sensée qui aurait autre chose qu'une portée générale.
Le président : J'essaie de donner à tout le monde l'occasion de poser une question. Je vous demanderais de poser des questions courtes et de répondre brièvement à partir de maintenant afin qu'on puisse procéder le mieux possible.
[Français]
Le sénateur Forest : J'adhère entièrement à l'importance et aux vertus d'institutions comme la vôtre en ce qui a trait à la sensibilisation, et ma préoccupation rejoint un peu celle du sénateur Gold.
Le projet de loi S-203 traite spécifiquement des cétacés. L'argumentaire que nous avons entendu fait état des caractéristiques biologiques particulières des cétacés, soit leur grande sensibilité acoustique, leurs habitudes de nage sur de grandes distances et de plonge en profondeur. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi veut interdire la détention de cétacés.
Quand on parle de modifications, je pense qu'il pourrait y avoir des cas où, à titre d'exemple, des cétacés malades ou blessés sont gardés parce qu'ils ne sont pas en mesure de réintégrer leur milieu naturel. Toutefois, l'autre partie de la loi ne me semble pas tout à fait déraisonnable.
J'aimerais aussi parler brièvement d'un autre élément. Docteur Haulena, vous parlez allègrement des bélugas du Saint-Laurent. Je viens de Rimouski où se trouve une forte concentration de bélugas du Saint-Laurent, tout près de l'Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER) et de l'Institut Maurice-Lamontagne (IML).
J'ai justement parlé avec Dre Ariane Plourde, ancienne directrice générale de l'IML de Pêches et Océans Canada, qui est maintenant directrice générale de l'ISMER. J'aimerais que vous nous fassiez parvenir vos références, car vous dites que vos recherches contribuent énormément à la connaissance des bélugas dans le Saint-Laurent. Or, Dre Plourde n'a pas été en mesure de me citer beaucoup de recherches provenant de votre institution ou de l'Aquarium de Vancouver au sujet des bélugas du Saint-Laurent.
[Traduction]
M. Nightingale : Les problèmes auxquels sont confrontés les bélugas du Saint-Laurent sont assez bien connus. Historiquement, on parlait d'une population d'environ 12 000 têtes. Lorsque la chasse a arrêté il y a 10 ou 12 ans, il en restait environ 1 200 ou 1 500, et la population a continué à diminuer pour se situer aux environs de 800 aujourd'hui.
Les scientifiques croient qu'il y a peut-être quatre raisons à cela. Il y a les bruits liés à la navigation qui interrompent le lien mère-enfant parfois. Vous avez entendu M. Vergara parler des recherches qui ont commencé à l'Aquarium de Vancouver et qui se poursuivent maintenant dans le Saint-Laurent. Il y a aussi le problème de la pollution, la chaîne alimentaire. Est-ce que les animaux ont accès à suffisamment de nourriture? Est-ce que certains d'entre eux meurent de faim? La pollution de façon générale et certains types de contaminants précis pénètrent dans le corps et s'accumulent. Le quatrième facteur concerne les maladies associées aux changements climatiques. Certaines bactéries et certains virus dans l'environnement se déplacent vers le nord à mesure que le climat change.
Notre programme de recherche est lié directement à la question acoustique. Nous ne participions pas beaucoup, voire absolument pas, à ce genre de recherche il y a 20 ans. C'est au cours des 10 dernières années que nous avons commencé à participer aux recherches acoustiques. Il y a trois ans, lorsque Pêches et Océans a éliminé son programme sur la pollution et les contaminants, nous avons embauché l'un de leurs scientifiques principaux. C'est un nouvel aspect de nos activités de recherche, et vous ne trouverez pas d'articles publiés durant cette période récente.
Les activités de recherche doivent miser sur la collaboration. Au Québec, c'est le ministère des Pêches et des Océans, l'organisme provincial, et une organisation sans but lucratif, le GREMM, qui, ensemble, coordonnent les choses. Nous avons rejoint ce groupe. Nous ne pouvons pas effectuer toutes les recherches, mais dans certains domaines où nous possédons l'expertise en ce qui concerne l'acoustique, les polluants et, maintenant, les nouvelles maladies en milieu aquatique, eh bien, dans ces trois domaines, nous jouons un rôle.
J'espère avoir répondu à la question.
[Français]
Le sénateur Forest : Je connaissais bien la collaboration avec le GREMM et le centre chez nous, mais le Dr Haulena mentionnait la participation spécifique de votre organisation. Vous avez répondu à ma question. C'est bien.
[Traduction]
Dr Haulena : Je veux répondre à une question qui a été posée sur l'acoustique et les préjudices que subissent les animaux en raison du son dans les aquariums. Je m'excuse pour ma désinvolture, mais c'est un peu ridicule de croire qu'il y a plus de bruit dans une piscine qu'ailleurs.
Nous savons que les animaux utilisent l'écholocalisation. C'est seulement parce qu'on a décrit et découvert l'écholocalisation dans un milieu artificiel que nous connaissons cette notion. Nous mesurons l'audition des animaux tout le temps dans le cadre de leur examen de santé et de nos recherches. Nous mesurons le bruit ambiant dans les piscines. Si vous aviez une piscine lorsque vous étiez enfant et que votre mère vous criait dessus, que faisiez-vous? Vous alliez sous l'eau parce que cela atténuait le bruit. L'idée que les piscines sont des habitats incroyablement sonores et désorientants est tout à fait fausse. Je trouve ridicule que les gens continuent de formuler cet argument, mais ils le font.
Le sénateur Sinclair : Merci, messieurs, d'être là et de nous avoir présenté vos exposés. J'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit, et j'ai, franchement, un million de questions à poser. J'ai seulement environ 45 secondes pour les poser.
Je veux vous poser des questions sur les recherches que vous faites. Avez-vous réalisé des recherches sur les répercussions de la captivité sur les bélugas et les cétacés et les avez-vous publiées?
Dr Haulena : Je vais répondre à cette question. Je vais avoir besoin de beaucoup de temps. Évidemment, nous avons des rapports de cas de maladies. Par exemple, il y a un article produit par un de nos étudiants qui paraîtra bientôt et qui concerne le cas d'une baleine de 46 ans qui a eu un cancer et qui est décédée du cancer de l'utérus, un cancer très similaire aux cancers qui emportent les bélugas du Saint-Laurent. Nous essayons de replacer les choses dans leur contexte.
Nous conservons ces rapports de cas, nous continuons à tenir des registres sur la situation des animaux et les niveaux de cortisol. Ces genres d'études sont disponibles. Habituellement, nous participons à bon nombre de ces études. Vous constaterez qu'on nous nomme dans la section des remerciements. Il y a quelques études qui se penchent sur les niveaux de stress et qui comparent la réaction inflammatoire et immunitaire. Ces articles existent, et n'ont pas été produits directement par nous.
Ai-je réussi à répondre à votre question brièvement?
Le sénateur Sinclair : Ce que je veux vraiment savoir, c'est si vous avez publié des recherches sur la question générale de la captivité et de l'incidence de la captivité sur les cétacés.
M. Nightingale : Non, pas directement, parce que ce n'est pas ainsi que la science fonctionne. Comme il l'a dit, certains aspects du système immunitaire des baleines et les changements que subissent ces systèmes seront publiés dans le cadre d'une évaluation plus générale où le système immunitaire des baleines n'est qu'un aspect de la captivité.
En ce qui concerne une étude globale de ce qui arrive aux animaux dont prennent soin les humains comparativement aux animaux dans la nature, de 10 à 12 institutions participent actuellement à une très importante étude à ce sujet qui est financée par l'Institute of Museum and Library Services des États-Unis. Nous y participons, mais il n'y a jamais eu une seule étude portant simplement sur, comme je l'ai dit, les répercussions ou l'incidence associées au fait de vivre dans un milieu artificiel créé par l'homme.
Des études comportementales sont publiées dans des revues qui s'intéressent au comportement. Des études immunologiques sont publiées dans des revues médicales. Des études physiologiques sont publiées dans différents types de revues. Il y a un peu de tout, un peu partout. Beaucoup d'articles sont publiés, mais pas à un seul endroit.
Le sénateur Sinclair : Je dois admettre ne pas savoir exactement pourquoi vous prenez l'enjeu de l'exposition publique tant à cœur, puisque le service des parcs de Vancouver a interdit à l'Aquarium de Vancouver de présenter des spectacles mettant en vedette les cétacés dont vous prenez soin. L'exposition publique des cétacés était déjà considérée comme un processus que vous alliez éliminer progressivement d'ici 2029. Si j'ai bien compris la position de l'aquarium, vous allez mettre fin à votre programme des bélugas en 2029.
J'aimerais que vous m'expliquiez ce qui suit : si vous entendez arrêter d'exposer des bélugas et ne plus vous intéresser à cet enjeu, pourquoi est-ce si préoccupant pour vous aujourd'hui?
M. Nightingale : Vancouver est une ville militante. Il y a probablement plus de militants là que dans toute autre ville sur la planète, et c'est ainsi depuis longtemps. Le service des parcs n'a encore rien adopté. Il a demandé la rédaction d'un règlement administratif, et celui-ci n'a pas encore été adopté. Il sera examiné le 15 mai.
Les sondages révèlent que plus de 8 Vancouvérois sur 10 veulent qu'on poursuive le programme de sauvetage. On ne peut pas poursuivre le programme si on ne peut pas exposer les baleines. Les baleineaux secourus ne peuvent pas être remis dans la nature et doivent vivre quelque part. C'est une décision du MPO dans le cas des animaux secourus, question de savoir si on peut les libérer dans la nature ou non. S'ils vivent à l'aquarium, les gens vont pouvoir les voir, et nous allons les utiliser pour interpréter ce qu'ils font et comprendre leur histoire naturelle.
Pour ce qui est de ceux qui parlent des « tours », nos baleines n'en ont jamais fait. C'est quasiment un programme d'éducation que nous offrons aux visiteurs.
Premièrement, en raison du sentiment du public à Vancouver, le bail de nos installations actuelles prend fin en 2029. Il faudra le renégocier. Nous avons dit au comité des parcs : « Si, dans toute votre sagesse, vous croyez que le public demande et veut que cela se produise, nous allons commencer par tester cette hypothèse. C'est ce que nous faisons actuellement. Deuxièmement, nous voulons utiliser ces 13 ans pour mettre fin progressivement et lentement à notre programme de bélugas et nous avons aussi besoin de cette période pour mettre au point d'autres installations. » En d'autres mots, « Ne procédez pas de façon impulsive et draconienne. Les coûts sont astronomiques et impossibles à assumer. »
Si le comité des parcs dans toute sa sagesse en tant que gestionnaire pour l'administration de Vancouver dit : « Non, c'est ce que le public veut », nous contestons cette information. Nous ne croyons pas que c'est vrai. Ensuite, donnez- nous le temps nécessaire pour assurer notre transition afin que nos bélugas puissent aller ailleurs, parce que nous n'allons pas remettre ces bélugas dans la nature. Ils ne peuvent pas être libérés, alors ils doivent aller vivre ailleurs. Donnez-nous le temps de tout prévoir.
C'est le principe sous-jacent que nous avons appelé la proposition de compromis que nous avons présentée à la ville.
Le sénateur Enverga : Mes enfants adorent regarder les baleines, et maintenant, ils veulent en savoir plus à leur sujet. Cependant, ma question est liée au fait qu'un de nos témoins a mentionné une solution de rechange aux aquariums, et c'est un enclos marin. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?
M. Nightingale : C'est une notion très populaire et très attirante d'un point de vue émotionnel en ce moment. Martin pourra vous parler des soins prodigués aux animaux et des enclos marins, mais il n'y en a pas actuellement au Canada. On peut se demander si c'est vraiment une bonne chose à faire, de remettre des animaux sauvages dans la nature. Il y a la possibilité de maladies et d'autres problèmes. Martin peut vous en parler. Il vous dira qu'on ne peut pas bien prendre soin d'eux dans une telle situation.
Lorsqu'on dit à ces gens : « De quelle façon allez-vous y arriver financièrement? » Ils répondent : « Nous allons obtenir des dons pour construire l'installation, puis nous allons faire payer le public qui viendra voir les animaux afin de payer pour l'entretien. » Selon moi, c'est très similaire à un aquarium, mais lorsque Martin vous dira pourquoi ce n'est pas très bon pour les animaux, il faut se demander si c'est vraiment le bon choix.
De plus, concrètement, il n'existe pas encore de telles installations, et je serais surpris que le gouvernement du Canada veuille vraiment que cela se produise, en raison du risque pour la nature.
Dr Haulena : Je dis souvent que les gens qui veulent des enclos marins sont des gens qui n'ont jamais travaillé avec des enclos marins. Ce sont des installations difficiles. Y a-t-il des animaux qui peuvent bien survivre dans des enclos marins dans le monde? Il y a absolument des endroits, surtout là où l'eau est plus chaude et est très claire, où l'on peut très bien voir les animaux et où ceux-ci s'en tirent très bien.
Je ne peux même pas commencer à vous décrire la situation des permis. Si vous pouvez imaginer tous les permis requis pour créer une pisciculture ou installer une nouvelle marina, c'est ce qu'il faut prévoir pour construire des enclos marins.
Du point de vue précis des animaux, ces installations sont bonnes pour des espèces bien particulières. Comme John l'a mentionné, on ne peut pas mettre des espèces non indigènes dans un enclos marin. Par exemple, Chester, notre faux- orque, est un dauphin qui vit dans les eaux subtropicales plus chaudes. Il a été pris au piège sur l'île de Vancouver en grande partie parce qu'il se trouvait à un endroit où il n'aurait pas dû être, et il a perdu la trace de sa mère. Il allait mourir de faim s'il était incapable de survivre en eau froide. Un enclos marin dans les eaux froides du Pacifique n'est pas une situation idéale pour lui.
Assurément, pour ce qui est de la prestation de soins actifs aux animaux, c'est un parfait cauchemar. On ne peut pas les voir sous l'eau. On ne peut pas voir très bien tous les paramètres qu'on garde à l'œil, y compris les vomissements, la diarrhée, la condition corporelle, le comportement et ce qu'ils font sous l'eau. La possibilité d'ingérer des organismes étrangers est beaucoup plus élevée dans les enclos marins, les objets flottants qui peuvent entrer et sortir sans qu'on puisse le contrôler.
Des animaux non indigènes sont confrontés à des parasites et des virus avec lesquels ils ne peuvent pas composer. Nous savons ce qui arrive lorsque des espèces indigènes sont confrontées à des pathogènes auxquelles leur évolution ne les a pas préparées. À l'inverse, nos animaux ont vécu dans un environnement faisant en sorte qu'ils pourraient transférer certaines choses aux espèces indigènes, et ce n'est pas non plus une situation qui est désirable.
Il y a aussi la question des tempêtes. Je ne sais pas si vous connaissez l'histoire de Keiko, l'épaulard que les gens ont tenté de réadapter. Ils l'ont déménagé en Islande et l'ont mis dans des enclos marins là-bas avant la remise en liberté qui a échoué. Lorsque les tempêtes sévissaient, là-bas, c'était incroyablement dangereux pour les animaux et pour les gens qui tentaient de travailler dans de telles conditions.
Est-ce que les enclos peuvent fonctionner pour certains animaux à certains endroits? Oui, il y a des enclos en Floride et dans les Caraïbes où les animaux se portent bien. Même les gens qui travaillent là-bas vous diront que les enclos marins ne sont pas idéaux, particulièrement pour la réadaptation des animaux, lorsqu'un animal est malade et lorsqu'il faut garder un œil sur lui, l'observer et s'en occuper.
Le sénateur Christmas : Docteur Haulena, vous avez mentionné que certains cétacés de l'Aquarium de Vancouver sont, selon vous, heureux. Dans une vidéo de deux minutes tirée d'un documentaire intitulé Vancouver Aquarium Uncovered, un béluga fait l'aller-retour dans la piscine sept fois en deux minutes. À ce rythme-là, ces bélugas font des milliers d'allers-retours chaque jour, semaine après semaine, mois après mois et année après année.
D'après vous, est-ce que les baleines et les dauphins en captivité souffrent d'isolement, de confinement et de privation comparativement aux baleines et dauphins dans la nature?
Dr Haulena : Pas dans de bonnes installations, pas du tout. Monsieur le sénateur, je crois que vous savez bien que ce film est un peu biaisé. Les deux minutes que vous avez vues ont été choisies pour vous communiquer un message stratégique précis. Cet animal ne fait pas ça 24 heures sur 24, tout le temps.
Est-ce qu'elle nage? Oui, absolument. Est-ce qu'elle dort? Vous le savez ou vous ne le savez peut-être pas, mais les dauphins et les baleines dorment un hémisphère à la fois, c'est-à-dire que les deux moitiés de leur cerveau s'éteignent l'une après l'autre. Évidemment, c'est quelque chose que nous avons découvert en observant des animaux en aquarium.
Bien sûr, ils ont des circuits de nage. Parfois, ils dorment simplement en flottant à la surface, surtout les bélugas. Ils aiment se laisser porter. Ce sont des animaux qui vivent dans des zones glacées, ils aiment rester à la surface.
Ce n'est pas là une image vraiment représentative de ce que les animaux font toute la journée. L'autre aspect de la question, c'était répéter en fait la question de savoir si c'est néfaste et si leur socialisation est déficiente. Non.
Est-ce différent? C'est absolument différent. Est-ce que votre chien souffre de ne pas courir en meute. Non, votre chien vous aime. Il aime son divan et il aime être avec vous. Il adore lorsque vous interagissez.
Si on travaille dans de bonnes installations, on sait comment interagir avec les animaux et passer du temps avec eux. On fait un système dans lequel les animaux s'entendent bien les uns avec les autres. On a l'occasion, si des animaux ne s'entendent pas bien les uns avec les autres, ce qui se produit beaucoup dans la nature, de rajuster la structure sociale très facilement.
C'est vraiment la responsabilité de la personne responsable de l'élevage de s'assurer que les animaux sont tout à fait engagés en tout temps.
Le président : Merci à nos témoins. Merci de votre patience, sénateurs. La discussion a été intéressante.
Avant de céder la parole à notre invité, je demanderai rapidement aux sénateurs de se présenter, en commençant par la personne immédiatement à ma droite.
Le sénateur Gold : Bonjour. Je suis Marc Gold, du Québec.
Le sénateur Sinclair : Murray Sinclair, du Manitoba.
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Forest : Sénateur Forest, de la région du Golfe, au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Je m'appelle Fabian Manning, je suis de Terre-Neuve-et-Labrador et je suis le président du comité et, le dernier et non le moindre...
Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.
Le président : Je crois savoir que notre invitée a une déclaration préliminaire. Je vais lui demander de commencer tout de suite et de se présenter.
Je dois souligner aux sénateurs que nous devons partir d'ici 10 h 5, alors agissez en conséquence ou je le ferai pour vous.
La parole est à vous.
Laurenne Schiller, étudiante au doctorat, Études interdisciplinaires (Affaires marines), Université Dalhousie, à titre personnel : Bonjour, honorables sénateurs. Je m'appelle Laurenne Schiller. Je suis étudiante au doctorat à l'Université Dalhousie, dans le programme des affaires marines. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui. Je reçois rarement ce type de demande et j'ai été très touchée par votre invitation.
Je suis consciente que cet enjeu est extrêmement polarisé et que vous avez été bombardés de statistiques au cours des derniers mois. Même si ma présentation d'aujourd'hui n'est pas truffée de chiffres, je vous assure que je m'en tiendrai aux faits.
Je suis une spécialiste des sciences halieutiques. Même si mon histoire d'amour impérissable avec l'océan me conduit aujourd'hui à m'occuper principalement des politiques en matière de pêche au thon, comme toute chose dans la vie, elle a suivi un chemin parsemé de hauts et de bas. Parmi toutes les situations et les décisions qui m'ont menée à mon domaine de recherche, l'origine de mon désir de comprendre et de protéger la vie marine remonte sans contredit aux journées passées en compagnie de bélugas à l'Aquarium de Vancouver.
Je vous ai remis de la documentation supplémentaire qui donne plus de détails sur mon parcours. J'aimerais beaucoup que vous preniez le temps de la lire au moment qui vous convient.
Selon les opposants à la captivité des baleines, rien ne prouve que les aquariums sensibilisent le public et favorisent l'adoption de comportements axés sur la conservation. À la lumière de mon expérience personnelle, je sais que cette affirmation est fausse. Il est vrai qu'aucune étude évaluée par les pairs n'établit le lien entre une étudiante au doctorat à Halifax et un béluga qu'elle a vu pour la première fois 25 ans plus tôt à Vancouver. Il est évident que de telles données sont difficiles à obtenir, ce qui ne veut pas dire qu'elles n'existent pas. Je suis un exemple, mais je suis loin d'être la seule. Un grand nombre de mes collègues ont été inspirés par leur contact avec les baleines dans les aquariums. Mme Rose elle-même a dit la même chose de ses amis il y a quelques semaines, ici même.
Les personnes qui osent affronter les foules pour visiter l'Aquarium de Vancouver pendant la semaine de relâche au printemps peuvent constater le phénomène. L'aquarium bourdonne de groupes scolaires aux t-shirts identiques et de familles de tous les milieux, du Canada et d'ailleurs. Évidemment, aucun de ces enfants ne travaille pour le ministère des Pêches et des Océans, n'étudie les effets des changements climatiques sur la glace de mer ou ne présente un discours à une conférence des Nations Unies sur la bioaccumulation dans le réseau trophique marin. Je n'ai toutefois aucun doute que certains d'entre eux accompliront de telles choses un jour.
J'ai travaillé à l'Aquarium de Vancouver avant de déménager à Halifax. J'ai lu d'innombrables lettres chaque année de la part d'enfants et d'adultes qui ont été touchés par leurs interactions avec les cétacés. Petite fille, j'envoyais régulièrement des cartes et de l'argent à Qila : voir ce type de courrier me fait toujours sourire. Ainsi, je n'oublie pas que l'observation directe et l'interaction ont autant d'effet sur les enfants d'aujourd'hui que sur moi à l'époque.
En plus des enfants qui envoient leur argent de poche au programme de sauvetage de mammifères marins, des enseignants ont raconté comment leur visite a mené leur classe à parrainer un épaulard sauvage par l'entremise du programme d'adoption affilié de l'aquarium. Des visiteurs de partout dans le monde nous remercient de leur avoir donné la chance de découvrir des animaux auxquels ils n'auraient jamais eu accès autrement.
Dans le cadre d'activités communautaires de sensibilisation Ocean Wise, des parents m'ont confié qu'ils ne servent plus de bâtonnets de poisson à leurs enfants : ils ignorent la provenance du poisson et sont préoccupés par la technique de pêche utilisée. Certaines techniques blessent les dauphins comme cela est arrivé à Helen, un dauphin secouru et ensuite accueilli par l'aquarium, qui a perdu ses nageoires pectorales après avoir été capturé dans un filet maillant.
En plus d'être absolument faux, le fait d'affirmer que les gens ne cherchent qu'à être divertis par les animaux et que les millions de personnes qui ont visité l'Aquarium de Vancouver n'ont rien appris au cours des 60 dernières années est une insulte à l'intelligence et à la compassion des êtres humains.
En mai dernier, quelques mois avant mon départ de Vancouver, j'ai reçu un courriel de John Nightingale, qui voulait avoir mon opinion. Une jeune fille prénommée Bethany lui avait envoyé une lettre manuscrite. La lettre contenait une foule de faits et de diagrammes sur l'écologie et la physiologie des cétacés, y compris la façon de distinguer le sexe d'un épaulard selon la longueur de la nageoire, les critères pour identifier un faux-orque, la taille des groupes de baleines, à quelle hauteur les dauphins peuvent sauter et beaucoup d'autres données correctes.
Elle était fascinée par le faux-orque qui avait été sauvé, Chester, et elle tentait d'amasser le plus de connaissances possible sur les baleines et les dauphins. Elle était surexcitée d'apprendre qu'elle avait l'âge requis pour faire du bénévolat à l'aquarium avec son père.
J'ai passé un après-midi avec Bethany et sa famille. Son enthousiasme sincère et sa curiosité débordante au sujet des baleines et des dauphins m'ont touchée. Elle m'a bien sûr rappelé la petite fille que j'étais, mais, en plus de la joie de retrouver ces bons souvenirs, notre rencontre m'a donné de l'espoir.
La rencontre m'a redonné espoir, parce que, dans mon travail actuel, je lis surtout sur ce qui va mal dans les océans. Discuter avec Bethany m'a rappelé que les enfants d'aujourd'hui sont les prochains gardiens de notre planète. Les êtres humains ont malheureusement grandement nui au milieu naturel au cours du dernier siècle. De nombreuses populations de cétacés sauvages se trouvent en mauvaise posture, comme beaucoup d'autres espèces, marines ou terrestres. Je suis toutefois convaincue que les comportements peuvent évoluer, et qu'ils le font en ce moment. Le moins que nous puissions faire pour les jeunes d'aujourd'hui est de leur offrir plus — et non moins — de possibilités d'engagement qu'à notre époque. En effet, pour nettoyer ce gâchis, il faut d'abord inciter les gens à en apprendre davantage sur toutes les créatures de notre planète et à s'intéresser à leur sort. Ce n'est qu'à ce moment qu'ils prendront des mesures pour les protéger.
J'ai écouté les réunions sur le projet de loi S-203, et j'ai beaucoup appris des témoignages et des observations de vos différents invités. À ce sujet, j'aimerais soulever un dernier point avant de répondre aux questions. Lors de sa visite, M. Laidlaw a dit une chose intéressante. Selon lui, le visiteur moyen d'un zoo passe entre 8 et 90 secondes à une exposition. Il a également affirmé qu'il n'y a aucune preuve qu'une connexion s'établit entre une personne et un animal en captivité.
En fait, je pense que son premier point est valide, mais je ne peux en dire autant pour le deuxième. Je ne suis pas tombée amoureuse avec un béluga en huit secondes. Moins d'une seconde a suffi. La connexion qui a alors été établie est la raison pour laquelle j'ai choisi cette carrière et pourquoi je veux passer le reste de ma vie dans le domaine de la conservation et de la recherche.
Le sénateur Plett : Je serai bref. J'ai deux questions pour Mme Schiller. Merci d'être là et de nous avoir présenté un excellent témoignage. Certains témoins nous ont dit que les occasions d'enseignement, comme l'observation de baleines, les documentaires et les livres sont de bonnes solutions de rechange en matière d'apprentissage plutôt que l'observation de baleines en captivité. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je vais tout de suite poser ma deuxième question, si vous me le permettez, pour sauver du temps. Vous avez dit que de nombreuses populations de cétacés sauvages se portent mal. Pouvez-vous nous préciser ce que vous voulez dire par là et préciser pourquoi, selon vous, le fait de voir des baleines en captivité peut aider à régler les problèmes du point de vue de l'éducation?
Mme Schiller : J'ai écouté beaucoup de conversations que vous avez tenues, ici, et il a beaucoup été question de l'importance de regarder les documentaires et d'aller observer des baleines. Je suis très chanceuse. En fait, j'ai travaillé pendant un an pour une entreprise de Vancouver qui organisait des excursions pour observer des baleines, alors je peux vous en parler.
Je suis tout à fait d'accord avec le fait qu'il y a une énorme valeur associée au fait de voir des animaux dans la vraie vie. Je crois que, pour les rares personnes qui ont les moyens de faire des excursions pour observer des baleines, c'est une belle occasion.
L'entreprise pour laquelle je travaillais offrait un seul type d'excursion : 300 $ par personne pour la journée. C'est trop cher pour la plupart des gens, mais je comprends l'importance de pouvoir aller comme ça sur l'eau. Je crois qu'il est tout aussi utile de pouvoir voir une baleine dans un aquarium, parce qu'on a ainsi l'occasion de s'approcher le plus possible des animaux. Il y a aussi certaines préoccupations liées aux bateaux utilisés pour aller observer les baleines dont je peux vous parler.
Lorsqu'on regarde un documentaire, on écoute l'histoire de quelqu'un d'autre. Même si le documentaire tente de montrer les activités naturelles des différents animaux, on suit tout de même un script. On est prisonnier de ce que le documentaire veut nous raconter. C'est un film. Son objectif, c'est le divertissement.
Je comprends l'importance des documentaires, mais, pour moi, il est tellement important de pouvoir voir l'animal soi-même pour s'en faire sa propre idée, sans quelqu'un d'autre qui nous raconte tout ce qui se passe durant ce moment-là; vous pouvez simplement le regarder. Ensuite, si on est inspiré à en apprendre davantage, on peut le faire.
J'ai lu de nombreux livres et vu beaucoup de documentaires. J'ai vu des baleines dans la vraie vie. Ce sont des outils éducatifs incroyables. De plus, ce ne sont pas toutes les personnes qui apprennent de la même façon. Ce qui peut fonctionner pour un enfant, comme lire un livre, peut ne pas être adapté à un autre, qui n'a pas d'intérêt pour la lecture et qui a besoin d'occasions éducatives différentes. Honnêtement, je crois que toutes ces possibilités se complètent les unes les autres.
Le sénateur Plett : Pouvez-vous nous expliquer pourquoi, selon vous, voir des baleines en captivité permet de régler les problèmes des populations de cétacés sauvages qui sont en piètre état?
Mme Schiller : Comme M. Nightingale et le Dr Haulena l'ont dit, les bélugas du Saint-Laurent sont exposés à de nombreuses menaces. Nous ne savons pas exactement pourquoi la population de bélugas a diminué aussi rapidement. Pour ce qui est des orques au large de la côte Ouest, nous avons perdu 70 baleines depuis 1998 dans la nature. On note là un haut taux de mortalité juvénile.
Avant qu'on commence à garder des baleines en captivité, les orques, surtout, on avait la perception qu'il s'agissait de tueurs, de monstres. La perception du public a vraiment changé lorsque les premières orques ont été amenées en captivité à Vancouver, en fait.
Si on remonte ne serait-ce qu'à il y a 60 ou 70 ans, la principale menace à laquelle les baleines étaient exposées dans la nature, c'était la chasse aux baleines. La situation a complètement changé. Les défis auxquels nous sommes confrontés maintenant sont beaucoup plus importants en raison de la pollution, des changements climatiques et du risque d'enchevêtrement dans le matériel de pêche. La plupart de ces menaces sont invisibles pour les populations de cétacés, à l'exception du matériel de pêche. De quelle façon peut-on pousser les gens à se soucier des baleines qui se noient parce qu'elles ne peuvent pas remonter à la surface pour respirer en raison de la glace? Ce n'est pas quelque chose d'aussi brutal que la pêche à la baleine, alors de quelle façon peut-on s'assurer que les gens y sont aussi sensibles?
Je crois qu'on a besoin des aquariums pour raconter ces histoires. Si on voit un béluga dans un aquarium et qu'on lit un peu sur la raison pour laquelle les bélugas ont besoin de glace marine dans leur vie, et qu'on se rappelle que l'Arctique change plus rapidement qu'à peu près tous les autres endroits sur la planète, on peut faire le lien.
Le sénateur Plett : Ce n'est pas lié au projet de loi, mais j'ai entendu aux nouvelles aujourd'hui qu'une autre baleine s'est échouée à Halifax, ou quelque part dans le Canada atlantique, ce matin.
Mme Schiller : J'ai lu l'année passée que plus de 20 baleines à bosse s'étaient échouées le long de la côte atlantique des États-Unis. Au moins 10 d'entre elles avaient eu des interactions avec du matériel de pêche; les baleines sauvages sont donc assurément confrontées à beaucoup de menaces.
Le sénateur Gold : Bienvenue. Merci d'être là et bonne chance dans vos études.
Mme Schiller : Merci beaucoup.
Le sénateur Gold : Puis-je présumer que vous avez examiné le projet de loi que nous étudions?
Mme Schiller : Oui.
Le sénateur Gold : D'après ce que j'en comprends, et vous aurez peut-être quelque chose à dire à ce sujet, le projet de loi permettrait encore de garder des cétacés en captivité si on ne peut pas les libérer dans la nature.
Mme Schiller : Oui.
Le sénateur Gold : Pour cette catégorie de cétacés, on pourrait encore les exposer tant qu'on ne les donne pas en spectacle à des fins de divertissement, sauf si le spectacle est autorisé par un décret du lieutenant-gouverneur.
Si j'ai bien lu, le projet de loi permettrait toujours la captivité des cétacés si on ne les libère pas dans la nature, et on pourrait encore les exposer, tant qu'on ne les fait pas sauter dans des cerceaux. On pourrait tout de même laisser des enfants et des familles les nourrir ou les regarder, d'une façon ou d'une autre, et les animaux pourraient encore faire l'objet de recherches. Mon interprétation est-elle correcte?
Mme Schiller : D'après mon interprétation, il y a aussi des dispositions concernant les animaux secourus et les animaux utilisés à des fins de recherche.
Le sénateur Gold : J'essaie difficilement, comme nous essayons tous, j'en suis sûr, de faire les bonnes choses, de façon à modifier le projet de loi afin de permettre la poursuite des activités de recherche. Nous avons entendu des renseignements contradictoires au sujet de l'importance des contacts humains avec les animaux dans les aquariums. Je vous remercie de votre réponse.
Mme Schiller : Bien sûr. En guise de suivi rapide, si on fait une exception pour les activités de recherche visant des animaux secourus, c'est un très bon départ. John et Marty ont souligné avant moi le fait que c'est le recours au Code criminel qui sous-entend automatiquement qu'avoir ces animaux est une mauvaise chose. Je ne crois pas que ce devrait être un crime de conserver des cétacés en captivité.
Je sais que Marty peut vous en parler infiniment mieux que moi, mais si nous voulons pouvoir secourir les animaux, nous devons pouvoir les étudier et les comprendre. Je suis sûre que, à l'Aquarium de Vancouver, nous avons la capacité de secourir et de réadapter des animaux parce que nous avons eu accès à des animaux qui, initialement, n'ont pas été secourus ni réadaptés, mais grâce auxquels nous avons pu apprendre beaucoup de choses.
Comme Marty l'a dit, l'année dernière, on leur a demandé de venir sur le Saint-Laurent parce qu'un jeune béluga s'était échoué. Ils ont pu s'occuper du béluga parce qu'il s'agit des mêmes espèces. Personnellement, je n'aime pas l'idée que ce soit un crime, mais je comprends de quelle façon les projets de loi sont rédigés.
Le sénateur Enverga : J'ai été touché par votre exposé. Ma question est la suivante : que pouvez-vous dire à tous les enfants qui ont regardé ces spectacles dans les aquariums ou qui ont vu tous ces dauphins sauter dans des anneaux ou faire ce genre de choses? Dites-moi de quelle façon vous pouvez inspirer d'autres enfants afin qu'ils fassent la même chose que vous avez faite, soit de prendre soin de nos poissons.
Mme Schiller : Merci de la question. Pour ce qui est de toute la question du divertissement dans les aquariums, je sais que nos installations mettent vraiment l'accent sur les comportements naturels. Nous ne laisserons pas des gens entrer dans l'eau. Nous n'avons pas de cerceaux et de feu et toutes ces choses.
C'est extrêmement important pour nous de montrer le comportement le plus naturel des animaux lorsque nous les exposons. Les enfants seront inspirés de façons différentes.
Qu'une petite fille veuille devenir pilote de formule 1 ou jardinière, elle va prendre l'inspiration là où elle la trouve. En tant que parents, tuteurs et enseignants, nous devons encourager cet apprentissage. Le simple fait de voir quelque chose pour la première fois ne signifie pas que notre vie change. Je suis chanceuse de la façon dont les choses se sont produites dans mon cas, mais j'avais un solide réseau de soutien.
Je crois que c'est le cas dans toutes les professions. On ne devient jamais quelque chose simplement parce que ça nous arrive une première fois. Il faut un soutien dans des installations comme l'Aquarium de Vancouver où les gens peuvent retourner. Bethany revient toutes les semaines ou aux deux semaines avec son père. Elle parle aux membres du public et leur raconte ce qu'elle sait au sujet de Chester. Elle s'assied en bas des estrades, et les gens peuvent lui poser des questions. L'important, c'est d'avoir un endroit où l'on peut constamment revenir. On peut devenir membre. On peut venir et voir les animaux en tout temps. On peut venir avec sa famille. On peut suivre l'histoire des animaux. On a besoin d'un endroit où les gens peuvent venir et développer cet amour.
Le sénateur Enverga : Constatez-vous un soutien accru pour notre environnement de cette façon?
Mme Schiller : L'Aquarium de Vancouver fait un travail phénoménal en essayant de rassembler toutes les pièces du casse-tête. Les installations de Vancouver ne misent pas uniquement sur certains animaux. Les gens là-bas tentent de brosser un portrait global.
Je travaille à temps partiel pour le programme sur les fruits de mer durables pour Ocean Wise. Dans toutes nos représentations, qu'on parle des pingouins ou des bélugas, on mentionne Ocean Wise. On mentionne le déclin des différents stocks de poissons et en quoi cela influe sur les différents animaux qu'on voit à l'aquarium. Il y a des liens au- delà de ces animaux. Le simple fait qu'une mère décide de changer ses habitudes d'achat de fruits de mer est bon, on ne peut pas tous devenir des biologistes des milieux marins et des scientifiques halieutistes. Il y a des gestes simples qu'on peut poser chaque jour. Comme John l'a dit, réduire l'utilisation des sacs en plastique ou couper les cerceaux des porte- bières en plastique afin qu'ils ne se retrouvent pas autour du cou des lions de mer est important. Il y a ce genre de lien direct dans le cadre de pas mal tous les programmes de l'Aquarium de Vancouver, peu importe les animaux.
Le sénateur Enverga : Certains témoins nous ont dit que, plutôt que d'aller à l'aquarium, on peut regarder le poste de National Geographic. Qu'avez-vous à dire au sujet de l'hypothèse que regarder National Geographic serait suffisant et qu'il n'est pas nécessaire de voir les animaux en personne?
Mme Schiller : Pour certaines personnes, c'est peut-être assez, mais je dirais que la plupart des personnes ont besoin d'avoir un lien direct.
Comme je l'ai dit au sénateur Plett, lorsqu'on regarde un documentaire, on écoute ce que quelqu'un d'autre dit et ce que quelqu'un d'autre nous montre. J'ai lu des articles selon lesquels les documentaires sur la nature ne sont vraiment pas des bons outils pour éduquer les gens parce que c'est du divertissement. Je parle ici de grands documentaires comme la « La Marche de l'empereur ». Ce documentaire a été exposé à d'importantes critiques, mais je suis sûre qu'il a inspiré des gens.
Personnellement, je crois qu'il faut voir quelque chose pour l'aimer.
Le sénateur Christmas : Je tiens à vous exprimer ma gratitude pour le travail que vous faites et votre carrière. C'est très inspirant pour moi en tant que Néo-écossais de voir une jeune personne s'intéresser aux sciences d'une façon aussi merveilleuse. Félicitations et bonne chance.
J'ai eu l'occasion de grandir dans deux mondes : le monde occidental et le monde autochtone. L'un des privilèges liés au fait d'avoir grandi dans un tel contexte, c'est que je possède les deux points de vue. Lorsque j'entends parler de la science, j'adopte mon point de vue occidental pour apprécier le travail, la diligence et les efforts déployés pour découvrir de nouvelles choses.
En même temps, je dois tenir compte du point de vue de mes connaissances traditionnelles. Ce que je constate — parfois, pas toujours, mais parfois —, c'est qu'il y a un conflit entre les deux mondes. Dans un tel conflit, je tente de trouver un juste équilibre entre les deux. J'essaie de voir ce qui est le plus important.
Dans la présente situation, mon point de vue occidental me dit que les cétacés en captivité sont utiles du point de vue scientifique. Comme vous l'avez déclaré, ils ont aussi une valeur éducative et sont une source d'inspiration pour les jeunes personnes qui décident ensuite d'étudier d'autres espèces. Je trouve que c'est une bonne chose.
Mon point de vue traditionnel me dit que les cétacés sont égaux à l'espèce humaine et qu'ils ont droit à la dignité, la liberté et le droit à une bonne vie.
Je suis allé à l'Aquarium de Vancouver. Le problème que j'ai lorsque je vois des cétacés en captivité, c'est que ma vision traditionnelle des choses fait en sorte que j'ai instinctivement le pressentiment que c'est mal, que ce n'est pas une bonne chose.
J'arrive à ma question. J'essaie de soupeser l'idée traditionnelle que toutes les formes de vie et toutes les espèces sont importantes, tout comme la liberté et la dignité, et, de l'autre côté, la valeur scientifique. D'une certaine façon, je vois la valeur scientifique comme étant principalement importante pour notre espèce, pour notre éducation, notre divertissement et, peut-être, notre inspiration.
La question que je me pose est donc la suivante : qu'est-ce qui est le plus important pour les bélugas ou les cétacés? Qu'est-ce qui est le plus important, la valeur éducative qu'ils ont pour nous ou leur intégrité ou leur dignité?
Je vous mets dans une situation difficile, mais vous avez vu ces merveilleux animaux. D'après vous ou à la lumière de votre expertise professionnelle, est-ce que ces cétacés bénéficient de la qualité de vie qu'ils méritent en captivité?
Mme Schiller : C'est une question tendancieuse, mais merci. Ce que j'ai conclu au cours des derniers mois, c'est qu'on parle de quelque chose de très éthique et scientifique, pour reprendre l'idée de Marty, qui fait une distinction entre les droits des animaux et le bien-être des animaux.
Toute mon expérience est liée à l'Aquarium de Vancouver. Je n'ai jamais rien vu là qui me donne à penser que ces animaux souffrent, qu'ils ne sont pas en santé ou qu'ils vivent une vie incomplète.
J'en reviens au premier point que j'ai soulevé : les bélugas dans la nature meurent très jeunes, et les populations sont en difficulté. Je ne dirais même pas nécessairement que la nature est l'endroit le plus sain pour beaucoup d'animaux ces jours-ci.
À mon avis, la plupart des gens croient qu'aucun animal ne devrait être en captivité, qu'on parle d'un oiseau, d'une tarentule ou d'une grenouille. Un point de vue totalement éthique consisterait à dire qu'aucun animal ne devrait être sous le contrôle de l'homme. Lorsqu'on parle des baleines, des dauphins et des tortues, je ne crois pas que leur vie en captivité est compromise lorsqu'ils bénéficient vraiment des meilleurs soins au monde. C'est mon opinion.
[Français]
Le sénateur Forest : Félicitations! Vos propos sont fort intéressants. C'est motivant et stimulant d'examiner les enjeux entourant la biodiversité à l'échelle planétaire. Dans le contexte actuel, il s'agit d'un enjeu fondamental.
Dans le cadre du projet de loi S-203, le sénateur Gold se demandait s'il n'y avait pas des modifications à apporter. De toute évidence, le fait de criminaliser est un élément important. Il faudrait peut-être préciser que l'aspect criminel s'applique à la capture d'individus en milieu naturel à des fins financières ou de production de spectacles qui génèrent des revenus. Cela concerne spécifiquement les cétacés. Comme dans la vie en général, certains individus sont obligés de vivre dans des centres de traitement, parce qu'ils n'ont pas la capacité d'être autonomes et de vivre en société. C'est pareil pour les animaux. Des cétacés peuvent être malades ou ne pas avoir la capacité de survivre en milieu naturel. On devrait pouvoir les maintenir en captivité. Croyez-vous que le fait de criminaliser la capture d'animaux sauvages en milieu naturel soit logique?
Mme Schiller : Merci.
[Traduction]
Je dois rappeler que je suis contre l'idée de retirer des baleines saines de la nature pour les confiner à des aquariums. Selon moi, c'est mal de capturer des espèces pour les garder en captivité. L'Aquarium de Vancouver n'a pas capturé des baleines saines à l'état sauvage depuis plus de 20 ans.
S'il y a une modification sur laquelle on pourrait s'entendre, ce serait qu'on ne capture aucune baleine sauvage; ce serait assurément raisonnable.
Il y a un fort potentiel de malentendus, pas ici, mais au sein du public, surtout au sujet de l'Aquarium de Vancouver, à savoir que nous prenons des baleines dans la nature et que nous leur apprenons des tours et ce genre de choses. C'est absolument faux. Nous avons été le premier aquarium du monde à dire qu'on n'allait plus jamais capturer des baleines sauvages. Nous ne sommes pas favorables à ces pratiques parce que nous avons appris qu'elles vivent en groupes familiaux serrés.
Aucune capture de bête sauvage n'est appropriée selon moi.
[Français]
Le sénateur Forest : C'est donc un ajustement qui pourrait, à votre avis, rendre ce projet de loi plus acceptable.
[Traduction]
Mme Schiller : Oui, selon moi, aucune capture d'animaux sauvages serait plus acceptable que d'exiger la fin des expositions.
Le sénateur Sinclair : Merci d'être là, madame Schiller. Je dois admettre que mon impression au sujet de votre jugement a changé en raison du fait que vous avez déménagé de Vancouver à la Nouvelle-Écosse, alors je vais commencer par là. Je regarde mon collègue de la Nouvelle-Écosse.
Votre réponse à la dernière question m'a intrigué, vu qu'un des objectifs principaux du projet de loi, c'est de prévenir la capture d'animaux sains ou de cétacés sains afin de les garder en captivité dans le but de les exposer, d'en tirer des revenus ou à des fins de divertissement. J'ai donc bien aimé votre réponse à cette question.
Vous continuez d'effectuer des recherches dans le cadre de votre doctorat, c'est exact?
Mme Schiller : Oui, mais, malheureusement, je n'étudie pas les baleines.
Le sénateur Sinclair : Quelle est la nature de vos recherches?
Mme Schiller : Rapidement, je m'intéresse à la gestion internationale des pêcheries du thon, surtout les organismes régionaux de gestion des pêches et la façon dont ils mettent au point des politiques ou tentent de mettre au point des politiques qui concernent la conservation des stocks sur leur territoire.
Je m'intéresse aussi beaucoup au rôle des organismes d'écocertification comme le Marine Stewardship Council. Je veux comprendre de quelle façon les groupes d'écocertification et les ORGP peuvent travailler en collaboration, parce qu'on a, d'un côté, des organisations publiques, et de l'autre, un outil de gouvernance privé. Je veux savoir si, en fait, c'est bénéfique ou néfaste pour la conservation. Je n'ai réalisé qu'une année de recherche, et tout peut donc changer parce que c'est une question très générale. Je m'intéresse simplement au premier chef à la gestion des pêcheries de thon.
Le sénateur Sinclair : Je vous souhaite bonne chance. Ce semble être un domaine d'étude intéressant.
Mme Schiller : Merci beaucoup.
Le sénateur Sinclair : Vous avez mentionné la question des changements climatiques, comme un témoin précédent, et l'impact des changements climatiques sur les cétacés à l'état sauvage. Pouvez-vous nous confirmer le fondement de votre réponse? Avez-vous eu l'occasion de regarder toutes les études qui ont trait à l'impact des changements climatiques sur les cétacés à l'état sauvage?
Mme Schiller : Très rapidement et seulement par intérêt. Je n'étudie pas les changements climatiques et les baleines. La plupart des choses que j'ai lues concernent des changements dans la répartition des bancs dans l'Arctique, et principalement les bélugas et la façon dont les changements dans l'Arctique influeront sur l'augmentation des activités là-haut, que ce soit le passage de navires ou le forage et l'incidence que tout cela pourrait avoir sur les populations de cétacés.
Il y a beaucoup d'inconnues en ce qui concerne les changements climatiques. Nous voyons des baleines comme Chester au large de la côte du Pacifique. Ces baleines ne devraient pas être là. Une tortue de mer s'est échouée. Encore une fois, elle n'aurait pas dû être là. Il se passe beaucoup de choses, et c'est probablement en raison des changements climatiques.
Je peux vous parler des poissons. Nous savons que la répartition des populations halieutiques change en raison des changements climatiques. Elles se déplacent vers les pôles, donc plus loin au nord et plus loin au sud, en s'éloignant de l'équateur à mesure que les eaux se réchauffent. Les baleines mangent des poissons, alors on peut probablement présumer que, à un moment donné, la répartition des baleines va aussi changer. On pourra en trouver dans des endroits où il n'y en avait pas avant. Qu'est-ce que cela signifiera pour différentes interactions humaines comme la pêche, le transport maritime et tous ces genres d'activités? Il y a beaucoup d'inconnues.
L'océan est un écosystème, et tout est interrelié. Si on bouge quelque chose ici, il y aura un impact sur ce qu'il y a là- bas. Il y a assurément beaucoup d'inconnues. J'aurais aimé pouvoir vous donner une meilleure réponse. Je suis désolée.
Le sénateur Sinclair : Vous avez indiqué dans une de vos réponses que vous étiez préoccupée par la criminalisation de la capture d'animaux. L'article du Code criminel qui est modifié, ici, c'est l'article sur la cruauté à l'égard des animaux. Vous n'êtes pas préoccupée, j'imagine, par la tentative d'essayer de contrôler la question de la cruauté à l'égard des cétacés, non?
Mme Schiller : Effectivement.
Le sénateur Sinclair : La question est de savoir si un correspond à l'autre, et dans quelle mesure, la disposition s'applique.
Mme Schiller : Bien sûr.
Le sénateur Sinclair : Est-ce problématique pour vous?
Mme Schiller : Fondamentalement, selon moi, la captivité n'est pas la même chose que la cruauté.
[Français]
Le sénateur Forest : Je réagis au fait que vous vous intéressiez particulièrement au thon. Vous savez sûrement qu'il y a une forte recrudescence du thon dans le golfe du Saint-Laurent et dans la baie des Chaleurs. Je vous invite à venir le constater de visu.
[Traduction]
Mme Schiller : Je connais bien le thon rouge de l'Atlantique près de l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a eu une augmentation du nombre de grands thons aperçus au large des côtes de l'Île-du-Prince-Édouard. Personne ne sait exactement pourquoi.
Puisqu'ils ont la capacité de réguler leur température corporelle, les thons rouges de l'Atlantique sont trouvés plus au nord que beaucoup d'espèces de thons. On en voit en eaux canadiennes, surtout dans l'Atlantique. Oui, il y a des documents qui parlent de la présence de thons à des endroits où ils n'étaient pas traditionnellement. Nous ne savons pas si cela signifie nécessairement que les stocks se rétablissent ou si ces poissons se déplacent en réaction à quelque chose qui se passe dans l'environnement, que ce soit lié au climat ou aux prédateurs.
Le président : Merci, sénateurs, et merci à notre témoin de sa présentation ce matin. C'était plaisant de vous entendre parler de votre intérêt de toujours pour le travail que vous faites. Nous vous souhaitons tout le succès possible et remercions le ciel que votre grand-mère vous ait suggéré d'envoyer une carte à Qila, il y a de ça déjà longtemps.
Mme Schiller : Une sage femme.
Le président : Merci beaucoup.
(La séance est levée.)