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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule nº 27 - Témoignages du 27 mars 2018


OTTAWA, le mardi 27 mars 2018

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 17 h 2, pour étudier les activités de recherche et sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir à tous. Je m’appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et je suis président de ce comité. Avant de céder la parole à notre témoin, j’inviterais mes collègues sénateurs à bien vouloir se présenter.

Le sénateur Duffy : Je m’appelle Mike Duffy et je suis un sénateur de l’Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur McInnis : Je suis le sénateur Thomas McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Gold : Je m’appelle Marc Gold, sénateur du Québec.

La sénatrice Ringuette : Bonjour, monsieur Amos. Je m’appelle Pierrette Ringuette et je suis du Nouveau-Brunswick.

Le président : Merci, chers collègues.

Le comité poursuit son étude sur les activités de recherche et sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui, par vidéoconférence, un témoin qui a suivi le cours de recherche et sauvetage à l’intention des Premières Nations côtières qui se donne à Bamfield, en Colombie-Britannique. M. Trevor Amos est technicien en pêches pour l’administration portuaire sous la direction du conseil de la nation Haisla.

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier, monsieur Amos, d’être des nôtres aujourd’hui. Je vous invite maintenant à nous entretenir brièvement de votre formation, de ce cours que vous avez suivi et de quelques-unes de vos expériences en recherche et sauvetage.

Sentez-vous bien à l’aise, car nous sommes entre amis et nous nous réjouissons de pouvoir discuter avec quelqu’un du Nord de la Colombie-Britannique.

Une fois que vous nous aurez expliqué comment les choses se passent de votre côté, certains sénateurs auront des questions à vous poser. Je tiens à vous remercier encore une fois d’avoir pris le temps de vous joindre à nous.

Trevor Amos, technicien en pêches d’Haisla, Administration portuaire, Haisla Nation Council : Je vous remercie. J’ai effectivement suivi le cours de recherche et sauvetage à l’intention des Premières Nations côtières. Je dirais d’ailleurs que c’est la première fois que je suis une formation aussi structurée. J’ai toutefois commencé très jeune à être formé par mon père lors de nos sorties dans une pirogue de mer de 30 pieds de long. Ce sont mes plus vieux souvenirs de pêche. Mon père en profitait pour me sensibiliser aux questions de sécurité et aux considérations semblables.

Je parcours notre littoral depuis que j’ai 8 ans. J’ai commencé en 1977. Cette formation suivie à Bamfield a été une expérience vraiment enrichissante. Elle m’a permis d’inscrire dans une démarche davantage professionnelle bien des choses que je fais depuis toujours. Nous avons, en effet, appris des techniques que nous avons ensuite pu mettre en pratique.

Moins de 20 jours après la formation, nous avons dû nous porter au secours de deux hommes en mer. Malheureusement, nous n’avons pas pu sauver l’un d’eux. Toutefois, grâce aux techniques que j’ai assimilées et à l’aide de mon collègue que j’ai pu rejoindre par téléphone… Ces deux hommes ont été dans l’eau pendant quatre heures. Heureusement, nous vivons tout près de l’eau et il nous a fallu 4 minutes à peine pour nous rendre sur place et pas plus de 15 minutes pour trouver le jeune homme. La formation a été d’une grande utilité.

Je ne sais pas trop ce que je pourrais vous dire de plus à ce sujet. Je pense qu’il faut se réjouir du fait que la formation est offerte avec le financement nécessaire même s’il s’agit d’une version abrégée du programme complet de l’école pour opérateur d’embarcation à coque pneumatique rigide (RHIOT).

Voilà ce que je voulais vous dire. Je ne sais pas vraiment ce que je pourrais ajouter à cela.

Le président : Vous a-t-on offert la possibilité de parfaire encore davantage votre formation?

M. Amos : Différents membres de notre équipage pourront effectivement recevoir la même formation. Nous espérons que l’un d’eux pourra suivre le prochain cours offert.

Certaines possibilités se sont offertes à moi par l’entremise de la Garde côtière à la suite d’événements qui sont survenus. Nous avons ainsi dû installer très rapidement un barrage flottant pour empêcher le déversement de quelque 1 200 gallons de carburant lors du naufrage d’un navire de 62 pieds de long. Il y a donc effectivement des possibilités.

Le président : J’ai l’impression que la formation que vous avez reçue jusqu’à maintenant a déjà rapporté d’importants dividendes.

Pouvez-vous nous donner une idée de l’équipement que vous utilisez pour mener vos activités de recherche et sauvetage dans le Nord? Avez-vous suffisamment d’équipement? Est-il adapté aux conditions difficiles dans lesquelles vous devez travailler?

M. Amos : Les conditions peuvent en effet être très difficiles. Nous avons différents bateaux à notre disposition. Nous avons deux canots à propulsion hydraulique que nous utilisons dans les rivières. Nous avons aussi deux bateaux pouvant transporter un équipage, soit un en aluminium de 24 pieds et l’autre de 32 pieds, je crois, ou 28 pieds. Bien qu’ils soient en bon état de navigabilité, ils ne sont pas équipés pour la recherche et le sauvetage, car nous n’avons jamais vraiment eu d’assurances à cette fin, sans compter que nous n’avions pas non plus de formation. Nous avons maintenant la possibilité de le faire et ce n’est qu’une question de temps avant que toute l’équipe puisse en bénéficier.

Nous sommes quatre à nous partager le travail, et nous avons grand-hâte que tous puissent suivre la formation. Grâce aux liens étroits établis avec les gens de la Garde côtière à Bamfield — Tyler Brand et Geoff Carrow — on nous a déjà envoyé un peu d’équipement, mais il nous en manque encore, notamment pour l’éclairage de recherche. On nous l’a toutefois promis, et nous attendons avec impatience de pouvoir nous servir de ces équipements.

Le président : Avant de céder la parole au sénateur Gold du Québec, je veux souhaiter la bienvenue à deux sénatrices qui se sont jointes à nous, soit Mary Coyle, une des nouvelles sénatrices, de la Nouvelle-Écosse; et Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Gold a maintenant quelques questions à vous poser. Merci, monsieur Amos.

Le sénateur Gold : Bonjour, monsieur Amos. Merci d’avoir pris le temps de vous joindre à nous.

Je vais débuter par une question très générale. Vous accomplissez un travail qui est tellement important. Pouvons-nous nous donner une idée des principales difficultés auxquelles vous vous heurtez pour mener vos activités de recherche et sauvetage dans votre localité et dans votre région?

M. Amos : Notre principal problème jusqu’à maintenant, c’est que seulement deux personnes ont suivi ce cours de recherche et sauvetage, et l’une d’elles ne travaille plus avec nous.

Le sénateur Gold : Alors, vous êtes l’homme de la situation?

M. Amos : Apparemment. C’est simplement une question de chance. Il s’agit d’être au bon endroit au bon moment, et de pouvoir compter sur des collègues efficaces. Celui que j’ai appelé s’apprêtait à quitter la ville. Nous vivons dans une petite localité d’à peine 700 habitants. Nous sommes à 11 km de la ville de Kitamaat.

Le hasard a voulu qu’il soit à une minute à peine de notre bureau, si bien que nous avons pu prendre la mer très rapidement. Il nous a fallu quatre minutes, comme je le disais tout à l’heure. En moins de 15 minutes, nous avions repêché l’homme.

Il s’agit surtout de pouvoir compter sur les gens capables de faire le travail. Nous avons un excellent équipage cette année, mais reste quand même que je suis le seul à avoir suivi cette formation.

Je trouve aussi regrettable que nous ayons eu droit à une version abrégée de la formation RHIOT. Il faudrait que nous puissions suivre la formation complète au même titre que tous les autres et que nous ayons également accès à l’équipement approprié.

Comme je le disais précédemment, nous avons une équipe de recherche et sauvetage dans la ville de Kitamaat, mais il y a une dizaine de kilomètres qui la sépare du quai où elle doit se rendre pour se préparer à une mission en mer.

Ces deux hommes dont je vous parlais se sont retrouvés à l’eau dans la nuit du 23 novembre 2017. Il a fallu entre 45 minutes et un peu moins d’une heure pour que l’équipe de recherche et sauvetage arrive sur les lieux en même temps que la GRC. C’est donc en soi extrêmement problématique. Même si nous avons une équipe de recherche et sauvetage en ville, le délai d’intervention demeure la grande priorité.

Le sénateur Gold : J’aurais une brève question sur un autre sujet. On a tenu l’automne dernier, je crois que c’était en octobre, un important exercice de simulation en recherche et sauvetage. Pas moins de 15 navires et de 4 aéronefs ont été déployés à cette fin.

On nous a indiqué que certaines Premières Nations du littoral y étaient représentées dans un rôle d’observation. J’aimerais savoir si vous ou un de vos collègues y avez participé à ce titre et quels enseignements vous avez pu en tirer, le cas échéant.

M. Amos : C’était dans la région de Vancouver, non?

Le sénateur Gold : Tout à fait. C’était un exercice conjoint des forces armées et de la Garde côtière.

M. Amos : Oui, j’étais présent. Ils avaient loué un bateau pour l’observation des baleines où j’ai pris place pour suivre le déroulement de tout l’exercice.

Le sénateur Gold : Je crois que l’exercice visait notamment à explorer les modes de collaboration possibles entre les différents intervenants, car ceux-ci sont nombreux à avoir un rôle à jouer dans des situations semblables. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez été à même de constater ou d’apprendre? Dans quelle mesure parvenons-nous à travailler efficacement tous ensemble? Comment pourrions-nous faire mieux? Avez-vous des idées à ce sujet?

M. Amos : Grâce à un haut-parleur, nous avons pu entendre, tout ce qui se disait, ce qui est vraiment important, car les communications sont primordiales. Il y avait des échanges entre la marine, la Garde côtière, la GRC et la Société des traversiers de la Colombie-Britannique. J’ai toujours préconisé les communications au sein même de la petite équipe que nous avons ici. C’est l’aspect le plus intéressant des activités que j’ai pu observer. Je me suis ensuite employé à sensibiliser les autres membres de notre équipe à l’importance des communications.

Le sénateur Gold : Merci beaucoup.

Le sénateur McInnis : Je vous remercie de votre témoignage. D’après ce que j’ai pu lire, il y aurait 60 Premières Nations sur le littoral de la Colombie-Britannique et vous pouvez compter, vous me corrigerez si j’ai tort, sur quatre équipes de recherche et sauvetage. Est-ce que vous communiquez régulièrement les uns avec les autres?

M. Amos : J’ai rencontré quelques-uns de ces collègues lorsque j’ai suivi la formation à Bamfield. Il y avait notamment Stanley Robinson de Hartley Bay, à trois heures en bateau de chez nous. Je lui ai parlé au téléphone la nuit où nous avons porté secours à ces deux hommes. Il m’a appelé au moment où j’étais sur le pont à crier pour que cet homme à la mer m’entende. Il n’a pas hésité à communiquer avec moi pour m’indiquer que son équipe était prête à nous donner un coup de main.

Malheureusement, le mauvais temps qui sévissait cette nuit-là — vous savez, la neige, les forts vents, la mer démontée — ne leur a pas permis de le faire. Comme je le disais, ils sont environ à trois heures de bateau, mais ils étaient tout de même disposés à nous prêter main-forte.

Le sénateur McInnis : Quels sont les endroits les plus mal desservis? C’est un très long littoral. Quelle proportion du littoral est protégée par vos équipes de recherche et sauvetage et celles de la Garde côtière auxiliaire?

M. Amos : Je ne pourrais pas vous donner de chiffre précis. Je ne me souviens pas exactement du pourcentage. Je sais que nous avons une station à Kitamaat. Il y en a une aussi à Hartley Bay, à trois heures de chez nous. Je pense qu’il y a une équipe de recherche et sauvetage plus au nord dans une collectivité qui s’appelle Kitkatla. Il y a également celle de Bella Coola.

Je ne pourrais donc pas vous donner de chiffres précis.

Le sénateur McInnis : C’est bien. La Garde côtière a mis sur pied ce cours remarquable et je sais qu’elle excelle en la matière. On vous a également envoyé un conteneur rempli d’équipement, bien que vous nous ayez dit ne pas avoir de projecteur. Je ne sais pas combien ils ont pu vous en expédier.

Savez-vous si cet approvisionnement en équipement va être continu pour votre groupe? Est-ce qu’on vous l’a indiqué? Est-ce que les cours vont se poursuivre?

M. Amos : Les cours vont continuer à être donnés et nous espérons qu’il en sera de même pour l’approvisionnement.

La GRC partage avec la Western Canada Marine Response Corporation deux conteneurs maritimes qui sont situés juste à l’extérieur de notre localité, soit à la marina MK Bay, laquelle appartient conjointement à la ville de Kitamaat et à un groupe de Vancouver.

Il nous a été, quelque peu, difficile d’avoir accès à ces conteneurs lors du naufrage de ce bateau de 62 pieds, qui a commencé immédiatement à perdre le diésel emmagasiné dans son réservoir pour la cuisinière et le chauffage. Il y a eu quelques complications administratives, lorsque nous avons voulu avoir accès à ce matériel, car nous ne leur avions pas fait savoir que nous allions nous en servir.

Il serait bon que nous ayons notre propre matériel, nos bouées et tout l’équipement nécessaire lors du naufrage d’un navire transportant de grandes quantités de carburant, car 1 200 gallons ce n’est pas rien, et il nous a fallu du temps pour colmater toutes les brèches. Comme je l’indiquais, l’équipement de la Garde côtière nous a permis d’installer rapidement une barrière gonflable pour empêcher que notre petite portion de littoral soit la scène d’une grave catastrophe environnementale.

Le sénateur McInnis : Tout à fait. Est-ce qu’il arrive que la Garde côtière canadienne demande conseil aux collectivités autochtones? Est-ce que l’on communique par exemple avec vous lorsque l’on envisage l’installation d’une nouvelle station de bateaux de sauvetage?

M. Amos : Je crois qu’ils commencent à le faire. Ils l’ont fait à Hartley Bay. Ils songent à en faire autant avec l’équipe de la Garde côtière auxiliaire pour les collectivités autochtones ici à Kitamaat, et nous espérons que cela ne tardera pas trop. J’en ai parlé autour de moi et les gens ont grand-hâte que cela se fasse. Je suis en contact avec Tyler Brand et Geoff Carrow, un agent de liaison auprès des Autochtones avec la Garde côtière à Bamfield. Nous sommes vraiment impatients.

Nous en avons grand besoin. On nous appelle pour venir au secours de gens qui ont manqué de carburant ou qui sont tombés en panne, mais nous devons compter pour ce faire sur l’équipement et le temps nécessaires. Nous avons plusieurs projets en cours au sein de notre petite équipe. Nous sommes en pleine croissance.

Je travaille depuis six ans pour la commission des pêches de la nation Haisla et nous avons pris de l’expansion chaque année.

Le sénateur McInnis : Pouvez-vous me dire approximativement combien d’incidents se produisent chaque année? À combien d’occasions fait-on appel à vos services?

M. Amos : Dans la plupart des cas, il s’agit simplement de pannes, et personne n’est vraiment en danger. Quoi qu’il en soit, il ne nous était pas vraiment possible, comme je l’indiquais, de porter secours à ces gens-là, si bien que nous nous contentions de les garder en lieu sûr jusqu’à ce que la Garde côtière puisse intervenir. Nous ne pouvions pas en faire davantage. Nous n’étions pas assurés pour mener de telles actions et mon patron a toujours tenu à ce que nous nous en abstenions.

Il est bien certain que nous n’avons jamais refusé de porter assistance à qui que ce soit. Si un incident se produisait, nous répondions à l’appel. Il fallait toutefois ensuite nous arranger pour récupérer les coûts engagés. Le carburant n’est pas donné. Il y a aussi les membres de l’équipe qu’il faut payer. Parfois, nous arrivions à peine à trouver les fonds nécessaires. Je crois que c’est seulement depuis deux ans que les quatre membres de notre équipe peuvent travailler à longueur d’année. Le financement est primordial.

Le sénateur McInnis : Si l’on fait exception des problèmes de budget, est-ce que les choses s’améliorent pour ce qui est des services de recherche et sauvetage le long de votre littoral?

M. Amos : Je crois que oui.

Le sénateur McInnis : J’ai l’impression qu’il y a un manque de communication, non seulement avec la Garde côtière, mais entre les collectivités autochtones elles-mêmes. Est-ce que je me trompe? Est-ce que les communications sont problématiques?

M. Amos : Elles sont problématiques, et ce, depuis un moment déjà. Grâce à cette formation en recherche et sauvetage pour les Premières Nations côtières, j’ai toutefois l’impression que l’on cesse de vouloir passer par notre conseil de bande. On nous indique que l’on veut nous dispenser cette formation en reconnaissant bien que c’est nous qui sommes toujours présents en mer. Bon nombre d’entre nous avons grandi en mer. Ils nous reconnaissent maintenant cette compétence et s’adressent directement à nous, plutôt que de passer par le conseil de bande. C’est une excellente chose. Lorsqu’on communique d’abord avec le conseil, il faut du temps pour prendre les décisions, quant à savoir par exemple qui doit être dépêché sur les lieux d’un incident.

Les communications s’améliorent.

Le sénateur McInnis : Merci pour le travail que vous accomplissez.

Le sénateur Duffy : Merci, monsieur Amos. Comme j’ai moi-même été plaisancier à une certaine époque, j’ai une assez bonne idée de ce que vous entendez par une formation appropriée pour les sauvetages. Je ne sais pas dans quelle mesure les gens qui nous regardent sont conscients du fait que vous devez généralement vous porter au secours de quelqu’un alors même que les conditions météorologiques sont mauvaises et que la mer est démontée, sous l’effet de vents très forts. Lorsque vous indiquez que vous n’aviez pas auparavant la formation adéquate pour procéder à de tels sauvetages, je présume — et vous me corrigerez, si je me trompe — que vous pensez notamment aux risques de collision et de voir quelqu’un tomber à la mer lorsque vous essayez de faire passer une personne blessée ou malade de son bateau au vôtre. Dans tout ce processus de transfert, il faut veiller à ce que tout le monde soit en sécurité et à ce que personne ne tombe à l’eau ou ne se retrouve écrasé entre les bateaux. Il y a bien des aspects à prendre en compte, n’est-ce pas?

M. Amos : Vous avez bien raison. Même pendant la formation que j’ai suivie, il y en a quelques-uns qui se sont retrouvés à l’eau. Je me sens très à l’aise dans l’eau. J’ai suivi plusieurs cours de sauvetage en eaux vives où l’on doit sauter dans une rivière pour sauver quelqu’un dans des eaux assez agitées. Il faut également avouer que les eaux du chenal sont difficiles à dompter à leur manière. Cela nous ramène à ce que je disais au sujet des chances qui doivent être égales pour tous.

J’ai bien apprécié la formation en recherche et sauvetage, mais nous n’avons pas eu droit à tous les éléments du programme RHIOT, avec notamment ces bateaux qui chavirent dans une mer démontée. C’est pourtant notre lot quotidien, car nous devons composer la plupart du temps avec de mauvaises conditions météorologiques. Quand j’ai suivi la formation à Bamfield, ce fut le grand soleil et le calme plat pendant toute la semaine. C’était plutôt décevant, car je me réjouissais à l’idée de pratiquer ces manœuvres par mauvais temps.

Le sénateur Duffy : Bien des gens qui nous regardent se disent sans doute que ce n’est pas quelque chose qu’ils voudraient faire. Dans quelle mesure les jeunes hommes et les jeunes femmes de votre collectivité semblent-ils intéressés à faire ce genre de travail?

M. Amos : Il y a de plus en plus d’intérêt. Depuis mon retour, soit le 1er ou le 2 novembre, je m’efforce de parler à tous ceux qui veulent bien m’écouter des possibilités qui se présentent à nous. Je pense notamment au stage de six mois offert par la Garde côtière pour la formation en intervention environnementale.

Le sénateur Duffy : C’est formidable.

M. Amos : Il y a plusieurs possibilités. Après que tout cela soit arrivé, j’ai reçu des courriels de Barry Cunningham qui est à Prince Rupert, plus au nord sur notre littoral, et de Tyler Brand et Geoff Carrow. Ils voulaient que je fasse la demande pour suivre le cours étant donné que j’avais beaucoup d’expérience sur l’eau. J’ai suivi une partie de la formation en intervention environnementale.

À ce stade-ci de ma vie, je me réjouis vraiment à la perspective de pouvoir accéder sous peu à ce genre de poste.

Le sénateur Duffy : Nous comptons sur votre contribution et soutien continus dans ce dossier.

Une dernière chose. Vous avez parlé des conteneurs maritimes. Vous en avez à Kitamaat et j’imagine qu’ils contiennent des barrières flottantes et autres matériaux liés aux déversements de pétrole. Croyez-vous qu’il vous serait utile d’en avoir plus? Devrait-on retrouver ces conteneurs dans tous les ports de pêche où vont et viennent de petites embarcations et où le danger de déversement de pétrole est toujours présent?

M. Amos : À mon avis, c’est un incontournable.

Le sénateur Duffy : Pour les choses simples, avez-vous une fréquence radio commune avec la GRC et la Garde côtière?

M. Amos : Nous en avons toujours eu une avec la Garde côtière, mais jamais avec la GRC. Cela change également depuis la mission de secours de l’an dernier. À l’époque, j’étais en communication avec un constable, un ancien militaire. Il a l’expérience des missions de recherche et sauvetage au sol et en mer. Il organisera quelque chose au printemps ou cet été.

Je l’ai présenté à Geoffrey Carrow. Donc, maintenant que nous travaillons tous ensemble, nous pourrons obtenir cette formation et former autant de gens que possible, car nous comptons beaucoup de plaisanciers. Les gens manifestent beaucoup d’intérêt pour cette formation.

Le sénateur Duffy : Merci, monsieur Amos. Votre témoignage nous est très utile.

La sénatrice Poirier : Merci, monsieur Amos, d’avoir accepté notre invitation. J’aurais quelques questions à vous poser.

J’aimerais revenir à ce que disait mon collègue, le sénateur McInnis. Si j’ai bien compris, en répondant à l’une de ses questions, vous avez dit compter quatre employés à temps plein.

M. Amos : C’est exact.

La sénatrice Poirier : J’imagine que vous comptez également sur des bénévoles au sein de votre équipe de recherche et sauvetage, et sur un personnel auxiliaire, est-ce exact?

M. Amos : Nous n’avons pas vraiment d’équipe auxiliaire de recherche et sauvetage. Tout ce que nous avons, c’est de l’équipement, et très peu pour le moment. Toutefois, la Garde côtière a promis d’équiper nos navires, nos deux plus grands navires, avec l’éclairage et l’équipement appropriés pour tirer les gens de l’eau, notamment. La liste est assez longue et la Garde côtière tente toujours de nous fournir cet équipement. Ainsi, lorsqu’un incident surviendra, nous serons prêts à intervenir.

J’agis également comme second au sein de notre service de pompiers volontaires. Nous avons une équipe plutôt importante. Nous comptons environ 22 volontaires. Ils étaient tous en train de fouiller les plages lorsque les gens ont entendu l’homme crier dans l’eau. C’était la noirceur presque totale.

La sénatrice Poirier : Lorsque vous dites que vous ne comptez que quatre employés, vous comptez également sur des gens de la communauté lorsque la Garde côtière vous informe d’un incident, des gens pour vous accompagner et vous aider, n’est-ce pas? Vous n’êtes pas seulement quatre à intervenir.

M. Amos : Nous ne sommes pas seulement quatre. J’ignore si vous le savez, mais lors du naufrage du Queen of the North, dans la baie Hartley, plusieurs membres de la communauté ont pris leur bateau pour nous aider. C’est également ce qui s’est produit le soir de l’incident. Quelques membres de la communauté ont pris leur bateau de pêche au hareng et se sont mis à patrouiller le long des plages et dans différents endroits. Les gens apportent leur aide.

La sénatrice Poirier : Si j’ai bien compris, ces gens qui vous ont aidés, ces bénévoles, n’ont reçu aucune formation de la part de la Garde côtière, c’est exact?

M. Amos : C’est exact.

La sénatrice Poirier : La Garde côtière offre-t-elle maintenant une formation aux bénévoles de votre communauté qui le souhaitent?

M. Amos : La Garde côtière a promis de mettre sur pied une équipe auxiliaire au sein de notre communauté, y compris le constable qui voudra y participer, afin de mener des exercices au sol et en mer et de nous offrir de la formation. Donc, oui, une formation sera bientôt offerte. Ce n’est qu’une question de temps et d’argent.

La sénatrice Poirier : Lorsque vous devez intervenir, vous et vos quatre employés, utilisez-vous votre propre équipement et vos propres bateaux? Votre organisation dispose-t-elle de cet équipement et celui-ci est-il fourni par la Garde côtière ou une autre organisation?

M. Amos : Généralement, nous avons notre propre équipement, des survêtements protecteurs, par exemple. Cependant, nous n’avons pas de combinaisons d’immersion. Cela fait partie de la liste de choses que la Garde côtière à Bamfield est censée nous fournir, en plus de la formation.

La sénatrice Poirier : L’équipement dont vous disposez actuellement a-t-il été acheté et fourni par la Garde côtière ou est-ce que vous vous l’êtes procuré vous-même?

M. Amos : C’est notre service qui nous l’a acheté.

La sénatrice Poirier : Et d’où viennent vos fonds?

M. Amos : Nous avons un fonds de capacité que nous utilisons pour notre formation. Nous avons des fonds pour acheter des fournitures et de l’équipement, car il fait froid ici. Nous devons disposer du bon équipement Mustang, l’équipement de flottaison. C’est notre service qui se charge de nous l’acheter. Nous avons un autre service, mais, je suis désolé, j’en oublie le nom.

Aussi, certains de nos fonds proviennent des programmes que nous utilisons, car, au début, nous ne faisions pas de recherche et sauvetage, mais nous nous dirigeons maintenant dans cette direction. C’est un autre chapeau que nous allons porter, ou peu importe l’expression. Tout cet équipement nous sera fourni par la Garde côtière.

La sénatrice Poirier : Devez-vous, parfois, mener vos propres collectes de fonds?

M. Amos : C’est mon patron, Mike Jacobs, qui s’occupe de tout cela. Je suis tout en bas de l’échelle et j’ai reçu un peu de formation grâce à notre service.

La sénatrice Poirier : Merci pour tout ce que vous faites. La côte de la Colombie-Britannique est longue, tout comme la côte Atlantique d’où je viens. Nous avons vraiment besoin de gens comme vous. Parfois, les distances à parcourir sont longues, et ce sont des gens comme vous qui peuvent nous aider. Merci pour tout ce que vous faites et continuez votre excellent travail.

M. Amos : Merci.

La sénatrice Coyle : Je suis heureuse de pouvoir faire votre connaissance par vidéoconférence. Je suis, moi aussi, originaire de la côte Est et, comme ma collègue, la sénatrice Poirier, j’aurais quelques questions à vous poser au sujet de la formation.

Je sais que votre principale activité — pour vous et vos quatre collègues — est la pêche. J’imagine que vous vendez votre prise pour le bien de la bande.

M. Amos : C’est un travail difficile.

La sénatrice Coyle : Oui. Il s’agit déjà, en soi, d’un travail difficile.

M. Amos : Mais quelqu’un doit s’en charger.

La sénatrice Coyle : Vous semblez être né pour ce travail, ce qui est bon pour vous.

Outre la recherche et sauvetage, vous avez également fait référence à l’intervention environnementale. Je suis curieuse. C’est bien que vous ayez reçu de la formation. D’ailleurs, vous semblez en vouloir davantage. Il semble que d’autres au sein de votre communauté et d’autres communautés comme la vôtre souhaiteraient également obtenir de la formation. La formation est offerte par la Garde côtière. Vous avez parlé de votre lien avec la Garde côtière. J’essaie d’avoir une idée d’ensemble de la situation.

À votre connaissance, y a-t-il un plan, par exemple, qui permettrait à quelqu’un comme moi qui possède déjà une formation de base de devenir mentor ou instructeur principal de façon à ce que la formation et l’expertise demeurent au sein de la communauté, quelqu’un qui pourrait ensuite former ses collègues?

Je n’ai pas d’expérience en recherche et sauvetage, mais, à l’époque où la décision Marshall a été rendue concernant les pêches des Premières Nations en Nouvelle-Écosse, je dirigeais une organisation qui a beaucoup participé à la formation des mentors pour les pêches des Premières Nations. Ces mentors ont ensuite formé leurs collègues et, à l’époque, il s’agissait de nouveaux pêcheurs.

Dans ce cas-ci, il n’est pas question de pêche, mais bien de recherche et sauvetage. Par contre, j’aimerais savoir s’il existe un modèle qui permettrait à quelqu’un comme vous, qui manifeste un intérêt en ce sens, qui possède la formation de base et qui participe à d’autres activités, de devenir un instructeur principal pour ensuite former d’autres personnes afin de ne pas toujours avoir à compter sur quelqu’un de l’extérieur. C’est une question qui m’intrigue.

M. Amos : J’ai fait beaucoup de choses. Je me suis concentré principalement sur les premiers soins. J’ai mon certificat depuis plus de 15 ans maintenant. Je vis dans une petite communauté où l’hiver est la pire saison. Nous répondons aux appels du 9-1-1 jusqu’à l’arrivée de l’ambulance. J’ai eu l’occasion de suivre une formation de formateurs afin de pouvoir offrir la formation en premiers soins.

Aussi, comme je l’ai déjà dit, il y a maintenant un stage en intervention environnementale pour lequel on m’a recommandé. C’est également très plaisant pour quelqu’un comme moi. J’ai grandi sur une petite réserve. Nous avons une grande famille, mais je n’ai jamais quitté ma communauté. De pouvoir suivre la formation en recherche et sauvetage des États côtiers et de pouvoir apporter mon aide lors de naufrages de navires… les choses vont bien. C’est incroyable de recevoir trois recommandations pour me joindre à la Garde côtière.

Tout cela est survenu au cours des dernières semaines seulement. J’ai de la difficulté à croire ce qui m’arrive. Rapporter mes connaissances et peut-être encourager d’autres personnes à suivre la formation? Je suis tout à fait d’accord.

La sénatrice Coyle : Toutes mes félicitations. Je ne crois pas que votre communauté soit très différente des autres communautés le long de la côte. Évidemment, chaque communauté est unique.

Il y a probablement beaucoup de gens comme vous qui ont de l’expérience comme pêcheur, beaucoup d’expérience sur l’eau, mais qui n’ont jamais quitté leur communauté. Nous devons trouver les gens comme vous, les soutenir et les équiper, pour qu’ils puissent vraiment transmettre leurs connaissances et expertises aux autres au sein de leur communauté. Vous êtes un exemple merveilleux et marquant de ce qui peut être fait ailleurs. Donc, toutes mes félicitations.

M. Amos : Merci.

Le président : J’aimerais faire écho aux propos de la sénatrice Coyle et dire que vous êtes devenu un ambassadeur de la recherche et sauvetage dans le Nord. On pourrait faire appel à vous dans différentes situations.

La sénatrice Nancy Greene Raine vient de se joindre à nous et aimerait s’entretenir avec notre témoin.

La sénatrice Raine : Merci d’avoir accepté notre invitation. Pardonnez-moi mon retard. J’aime beaucoup ce que vous faites, monsieur Amos, et suis consciente de l’importance de vos efforts là où vous vivez. Comprendre la météo, l’eau et les dangers qui l’entourent, toutes ces connaissances, vous les apportez avec vous dans votre travail. Je suis donc très heureuse d’apprendre que vous aurez l’occasion de suivre une formation avec la Garde côtière canadienne. Si j’ai bien compris, vous devrez vous rendre ailleurs pour suivre une partie de la formation, n’est-ce pas?

M. Amos : C’est exact.

La sénatrice Raine : C’est un peu ce dont je voulais parler, car, pour le moment, la principale école de la Garde côtière canadienne se trouve dans le Canada atlantique. Je crois qu’ils sont nombreux à se rendre compte que nous devrions avoir un endroit où offrir au moins la formation préliminaire jusqu’à un certain niveau pour que les gens puissent être acceptés au sein de la Garde côtière sur la côte Ouest. Seriez-vous d’accord avec cela?

M. Amos : Bien entendu.

La sénatrice Raine : Ou, préférez-vous vous rendre… Non, mais, honnêtement, peut-être que vous préférez vous rendre dans le Canada atlantique, car il s’agit d’une région merveilleuse du pays.

M. Amos : Je n’ai jamais voyagé aussi loin. Le plus loin que je suis allé, c’est à Saskatoon, alors que j’avais 17 ans. J’accepterais de me rendre dans cette région pour suivre une formation, mais c’est difficile. Nous avons deux enfants, un garçon de 16 ans et une fille de 9 ans, et ils font, tous les deux, partie de l’équipe de natation locale. Nous sommes très, très occupés.

La sénatrice Raine : Je crois que la façon logique de procéder pour offrir la formation préliminaire de la Garde côtière serait de diviser cette formation en sections pour ne pas que vous ayez à manquer la saison de pêche.

M. Amos : Cela me paraît juste. Sur le formulaire de demande que l’on m’a envoyé pour le stage en intervention environnementale, une des premières choses que l’on demande — et l’une des choses qui font peur aux gens comme moi ou de notre communauté qui sont des plaisanciers depuis leur enfance —, c’est de décrire notre formation universitaire.

La sénatrice Raine : Donc, votre université, c’est l’océan?

M. Amos : C’est exact. Toutefois, l’homme avec qui je m’entretenais m’a rassuré et m’a dit que cela n’avait rien à voir. L’expérience, c’est ce qui compte. Je le comprends et j’en suis très heureux, car il s’agit d’une opportunité incroyable.

La sénatrice Raine : Je crois que ce programme est très, très positif. Merci beaucoup d’y participer. Vous savez, vous allez devoir transmettre vos connaissances.

M. Amos : Oui.

La sénatrice Raine : Encore une fois, merci et bonne chance. Je vous souhaite du succès et j’espère que vous n’aurez jamais à utiliser ce que vous avez appris.

M. Amos : Moi aussi. C’est ce que je crains le plus, de trouver quelqu’un dans cette situation dans l’océan, mais la formation aide en ce sens.

La sénatrice Raine : J’ai parlé avec beaucoup de premiers répondants et je sais qu’ils partagent tous cette crainte de devoir intervenir dans le cadre d’un incident, mais lorsqu’une telle situation se produit, qu’on se rappelle de sa formation et qu’on peut aider quelqu’un, il n’y a pas meilleur sentiment. Donc, d’une certaine façon, vous êtes privilégié, car vous avez suivi cette formation.

M. Amos : Oui. Cela se produit constamment dans les premiers soins de troisième niveau. J’ai été témoin de plusieurs accidents graves et crises cardiaques et j’ai pratiqué la RCR sur plusieurs personnes. C’est vraiment la formation — je ne crois pas que le citoyen moyen pourrait faire cela. C’est difficile.

La sénatrice Raine : Mais c’est bien de savoir que l’on peut sauver une vie.

M. Amos : Oui.

Le président : Merci, monsieur Amos, de votre témoignage et pour vos commentaires instructifs sur la situation dans le Nord. Je tiens à vous féliciter et à faire écho aux propos des sénateurs concernant le rôle que vous jouez au sein de votre communauté en tant que seule et première personne jusqu’à maintenant à avoir suivi cette formation. Je vous félicite pour votre diplôme en bon sens. C’est utile et cela vous aidera dans votre cheminement. Votre communauté est certainement dans une meilleure position maintenant que vous avez suivi cette formation.

En tant que membres du comité qui a étudié la recherche et sauvetage au Canada depuis un certain temps, nous vous demandons d’encourager d’autres personnes au sein de votre communauté à suivre cette formation, à partager le travail — pas nécessairement partager votre travail, mais plutôt à créer des occasions pour permettre aux gens de participer.

Au nom du comité, je tiens à vous remercier encore une fois d’avoir pris le temps de vous joindre à nous aujourd’hui. Je vous félicite pour les efforts que vous déployez au sein de votre communauté au nom des gens que vous représentez.

M. Amos : Merci.

Le président : Nous vous souhaitons beaucoup de succès.

(La séance est levée.)

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