Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 28 - Témoignages du 19 avril 2018
OTTAWA, le jeudi 19 avril 2018
Le Comité sénatorial des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 8 h 36, pour étudier les activités de recherche et sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent.
Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue au comité. Je m’appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.
Avant de céder la parole aux témoins, je demanderais aux sénateurs de se présenter.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur McInnis : Thomas McInnis, Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Deacon : Marty Deacon, Ontario.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Gold : Marc Gold, Québec.
Le président : Et d’autres sénateurs se joindront à nous au cours de la réunion.
Le comité poursuit son étude sur les activités de recherche et sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent. Ce matin, nous sommes heureux d’accueillir Mme Liane Benoit, fondatrice et présidente de Benoit et associés. Au nom des membres du comité, je vous remercie de votre présence. Je crois comprendre que vous avez une déclaration préliminaire à faire. Par la suite, les membres du comité vous poseront des questions.
La parole est à vous.
Liane Benoit, fondatrice et présidente, Benoit et associés : Merci, monsieur le président. Bonjour à tous. Je suis ravie d’être ici. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler de ce sujet très important.
Je constate que ce comité examine la recherche et sauvetage maritimes dans l’Arctique depuis un certain temps et que tous les membres connaissent maintenant les défis. Un vaste territoire doit être couvert par des ressources limitées, et le trafic maritime dans les eaux arctiques a grandement augmenté en raison du changement climatique. Nous savons que pour une bonne partie de ce territoire, la carte n’a pas encore été établie, et seuls les gros navires doivent signaler leur présence dans le Système de trafic de l’Arctique canadien, ce qui fait en sorte qu’il est difficile de suivre une grande partie de l’activité maritime.
La question de savoir si le passage du Nord-Ouest constitue des eaux intérieures ou des eaux internationales demeure, et tant qu’elle ne sera pas résolue par les voies diplomatiques, le Canada est limité quant à l’autorité qu’il peut exercer ou aux restrictions qu’il peut imposer sur le nombre croissant de navires de croisière et de petits bateaux qui y circulent.
En même temps, en tant que signataire de l’Accord de coopération en matière de recherche et de sauvetage aéronautiques et maritimes dans l’Arctique, et membre de l’Organisation maritime internationale, le Canada est obligé de fournir des services de recherche et sauvetage sur ce vaste territoire. Il accuse un important retard par rapport à d’autres pays, comme la Russie et la Norvège, quant aux ressources dont il dispose pour fournir cette aide, bien que, en toute justice, les réalités politiques, géographiques et géopolitiques auxquelles le Canada fait face ne sont pas les mêmes que celles auxquelles sont confrontés ces deux pays.
Pour ce qui est des capacités en recherche et sauvetage, les recommandations les plus courantes concernent le déploiement d’un aéronef du Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage, ou CCCOS, et de techniciens en recherche et sauvetage dans une collectivité arctique ou plus, sur une base saisonnière. On recommande aussi de doter les navires de la Garde côtière de technologie radar et de systèmes de communication de pointe.
Bien qu’il serait avantageux de prendre ces mesures, mon exposé d’aujourd’hui portera surtout sur certaines lacunes sur le plan des politiques et des mesures qui pourraient renforcer les capacités de recherche et sauvetage différemment et améliorer nos interventions lors des nombreux incidents de recherche et sauvetage qui constituent la vaste majorité des opérations de sauvetage effectuées dans le Nord.
Il y a plusieurs années, à titre de coprésidente de la gestion des urgences pour le Programme de Munk-Gordon sur la sécurité de l’Arctique, j’ai entrepris une étude sur la recherche et sauvetage maritimes dans l’Arctique et j’ai examiné le sujet sous l’angle de l’interopérabilité, des compétences et du leadership.
Les rapports finaux découlant de cette étude sont mentionnés dans vos notes, et je serai ravie de vous en dire plus sur n’importe lesquelles des observations fournies.
Au cours des quelques minutes qu’il me reste, j’aimerais souligner certains points essentiels concernant le MPO et les activités de recherche et sauvetage maritimes.
Le premier point concerne la Garde côtière auxiliaire canadienne. La façon dont les fonds ont été alloués à cette dernière pour l’Arctique jusqu’à tout récemment dépasse l’entendement en quelque sorte.
Pendant des années, les 25 collectivités de la côte arctique du Nunavut n’ont pas pu accéder à des fonds suffisants de l’enveloppe pour l’Arctique administrée à Hay River pour établir ou maintenir une garde côtière auxiliaire, alors que 13 unités bien établies patrouillaient dans les eaux intérieures du fleuve Mackenzie. Il n’y avait aucun mécanisme de transparence ou de reddition de comptes qui aurait permis aux représentants du Nunavut de faire la lumière sur cette concentration inhabituelle des ressources; or, dans la chaîne de commandement, la Garde côtière auxiliaire canadienne constitue le principal lien entre les CCCOS et les collectivités côtières de l’Arctique.
L’affectation récente de nouveaux fonds destinés à la création d’une garde côtière auxiliaire canadienne au Nunavut et au Nunavik constitue une bonne première étape pour corriger la situation, mais l’argent ne suffit pas. Parmi les 14 équipes d’intervention rapide qui relèvent de l’administration régionale Kativik, seulement deux sont parvenues à obtenir le statut d’équipe auxiliaire au cours des deux années qui ont suivi la création du programme de financement.
Le Nunavut fait face à des retards et à des défis semblables. On demande aux deux territoires inuits de créer des unités arctiques en fonction des règles et des normes de la Garde côtière auxiliaire canadienne s’appliquant au Sud qui ne conviennent pas aux réalités du Nord. La meilleure solution serait d’établir une nouvelle région de l’Arctique de l’Est appuyée par des politiques qui intégreraient mieux le savoir et l’expertise des Autochtones et qui seraient adaptées aux conditions et à la culture de l’Arctique.
En ce qui concerne les politiques de recherche et sauvetage en général, la Déclaration de l’Inuit Nunangat sur le partenariat entre les Inuits et la Couronne a ouvert la porte à l’adoption d’une approche pangouvernementale des politiques visant l’Arctique fondée sur des priorités communes. À mon avis, les activités de recherche et sauvetage devraient faire partie des premiers points à l’ordre du jour de ces discussions. À l’heure actuelle, le Canada n’a pas de politique nationale de recherche et sauvetage puisque la réalisation des activités en la matière est répartie entre de nombreux ministères et organismes. Dans la création de ce secrétariat, on pourrait prévoir un mécanisme d’examen des activités de recherche et sauvetage dans l’Arctique, de façon générale, en mettant l’accent sur les perspectives et les priorités du Nord.
Jusqu’à maintenant, les politiques de recherche et sauvetage maritimes dans l’Arctique ne tiennent pas compte, en quelque sorte, des possibilités que représentent les résidants de l’Arctique. C’est en partie le résultat de préjugés institutionnels au Sud — après tout, la plupart des politiques de recherche et sauvetage émanent du Sud —, mais c’est aussi influencé par des stéréotypes de longue date qui, il est vrai, existent de part et d’autre. Il est nécessaire de prendre un nouvel angle, et il y a des liens à rétablir.
C’est pourquoi je propose que les fonds destinés aux activités de recherche et sauvetage et les priorités dans l’Arctique soient davantage axés sur le renforcement des capacités locales en matière de recherche et sauvetage, au-delà de la présence de personnel du Sud dans ces collectivités éloignées. Des bénévoles, de la Garde côtière auxiliaire canadienne du Nord, choisis pourraient être formés pour devenir des techniciens en recherche et sauvetage spécialistes de l’Arctique et, en utilisant des aéronefs affrétés localement et du matériel entreposé, être les témoins essentiels sur les lieux et larguer du matériel beaucoup plus rapidement que n’importe quel aéronef militaire provenant de Greenwood ou de Trenton.
Enfin, j’aimerais parler des conclusions tirées d’un autre important exercice de simulation sur les incidents de bateau de croisière qui a eu lieu en mai dernier en prévision de la navigation du Serenity dans le passage. La moyenne d’âge des gens à bord était de 73 ans. L’évacuation du navire ne pouvait se faire qu’à l’aide de tyroliennes ou de filets. Les embarcations de sauvetage ont des plats-bords de cinq pieds, et il n’y a pas d’installations sanitaires ni de chauffage. Dans les collectivités situées le long du passage, il n’y a pas de quai permettant le débarquement sécuritaire des passagers et si le débarquement devait se faire, la pression exercée, par même 100 passagers et les membres de l’équipage sur l’approvisionnement en eau, le réseau d’assainissement, l’alimentation en carburant, et l’approvisionnement alimentaire, serait énorme et insoutenable. Dans n’importe quelle région éloignée de l’Extrême-Arctique, toute opération d’évacuation prendrait des jours en raison de la taille de la piste et des règles concernant les aéronefs avec équipage.
Bref, toute affirmation voulant que le Canada puisse effectuer le sauvetage d’un bateau de croisière dans l’Extrême-Arctique avec succès est assez trompeuse à l’heure actuelle.
Je salue les efforts de ce comité, qui veut donner des précisions sur ces questions importantes et je répondrai à toutes vos questions. Merci.
Le président : Merci. Je crois qu’en seulement quelques minutes, vous avez fait sourciller quelques personnes ici. Concernant votre dernière observation, j’ai 53 ans et je ne sais pas si j’aimerais qu’on me sauve avec une tyrolienne ou un filet, par exemple. Je suis sûr que les membres du comité ont plein de questions. Il y a certains sujets que nous n’avons pas encore étudiés. Vous avez présenté un excellent exposé.
Le sénateur Gold : Bienvenue. Je vous remercie de votre exposé, qui était à la fois intéressant et préoccupant.
Comme vous le savez peut-être, le comité prévoit se rendre dans le Nord bientôt et j’ai deux questions. Vous n’êtes pas sans savoir que notre temps est limité. Que devrions-nous chercher? Sur quoi devrions-nous nous concentrer lorsque nous serons dans le Nord pour accroître la fiabilité, la crédibilité et la valeur persuasive de notre rapport?
Dans une partie des travaux que vous avez réalisés en analysant l’hypothétique naufrage du MS Arctic Sun, vous décrivez une structure de gouvernance dans laquelle une intervention d’urgence deviendrait, si j’ose dire, un cauchemar logistique tellement il y a d’intervenants différents concernés.
Notre rapport contiendra une série de recommandations. À quoi ressemblerait une stratégie nationale simplifiée et comment tiendrait-on compte des différentes variables associées à une situation comme celle que vous avez analysée?
Mme Benoit : J’ai été ravie d’apprendre, hier, pendant que je parlais au téléphone avec un de mes amis et collègues du Nunavut, qu’il a constaté qu’il comparaîtrait devant le comité, à Iqaluit. Je crois qu’il est important que les membres du comité se rendent dans le Nord.
Pour ce qui est de ce que vous devez chercher, je crois que vous aurez probablement l’occasion de rencontrer les deux dirigeants de la gestion des urgences de Sécurité publique. Ces deux personnes — Ed Zebedee, au Nunavut, et Craig Lingard, au Nunavik — font ce travail et vivent dans le Nord depuis longtemps. Aucun des deux n’est un Inuit, mais Craig a une famille inuite et ils sont très intégrés à la collectivité. Ils seront en mesure de vous parler en détail des défis auxquels ils font face.
Si vous en avez le temps, je crois qu’il serait très important que vous rencontriez une partie des gens qui travaillent dans les équipes d’intervention rapide, particulièrement au Nunavik. Ils sont là depuis de nombreuses années. Ils sont bien formés et ont suivi tous les cours requis.
En fait, ces équipes ont été créées parce qu’il y avait des frustrations similaires à celles vécues au Nunavut, c’est-à-dire que les fonds affectés à la Garde côtière auxiliaire pour le Nunavik faisaient partie de l’enveloppe du Québec. Pendant des années, ils ont essayé de faire venir des membres de la Garde côtière auxiliaire dans des collectivités éloignées, mais bien entendu, tous les fonds étaient concentrés dans le Sud, sur le Saint-Laurent.
Ils avaient de petits budgets et ne voulaient pas partager les fonds avec les collectivités éloignées du Nord. Par conséquent, l’administration régionale Kativik a déclaré forfait et a dit « D’accord; nous achèterons nos propres embarcations de sauvetage et formerons nous-mêmes des gens », et c’est ce qu’ils ont fait. Dans chaque collectivité, il y a une embarcation de sauvetage pour les interventions rapides, et les équipes font du bon travail. Comme je l’ai dit, elles ont été très bien formées.
Or, bien qu’elles communiquent de façon informelle avec le CCCOS, elles ne font pas partie de la chaîne de commandement officielle. Si l’on regarde avec qui le centre doit communiquer en cas d’incident maritime, la première personne-ressource, dans une collectivité, est censée être membre de la garde auxiliaire, le cas échéant.
Il est très important de rencontrer les gens qui interviennent lorsque ces incidents se produisent. Je crois que ce sera une expérience fort instructive en ce sens que ce sont des collectivités très éloignées et le contexte dans lequel les interventions sont effectuées est complètement différent comparativement au Sud. Ce sont des personnes très dévouées et même si elles n’ont pas les mêmes titres que les intervenants du Sud, elles ont de vastes connaissances inestimables, ce qu’a grandement négligé la Garde côtière dans le passé, à mon avis.
Pour ce qui est du fatras de responsabilités, le Canada n’a pas de politique en matière de recherche et sauvetage. Il y a quelques années, on a établi un Secrétariat national Recherche et sauvetage dont le mandat devait être d’élaborer une politique nationale en matière de recherche et sauvetage, mais il n’a jamais pu remplir ce mandat.
Bien entendu, le problème est typique de tout gouvernement. Il y a les forces militaires et la Garde côtière pour les activités de recherche et sauvetage aéronautiques et maritimes, et les activités de recherche et sauvetage au sol relèvent quant à elles des territoires. Il y a ensuite Transports Canada, Santé Canada et Environnement Canada. En fonction de la personne qui est en train de se noyer, il y a le CPM, le BCP et Affaires mondiales. Il y a d’autres éléments des forces militaires. Il s’agit littéralement d’un fatras de responsabilités.
Pour ce qui est de la reddition de comptes, puisque la responsabilité est liée à autant de personnes, il en est de même pour la reddition de comptes.
L’autre problème, c’est qu’on parle d’incidents qui se produisent dans des régions éloignées, et il n’y a pas beaucoup de fonds disponibles pour réunir toutes ces différentes parties. L’opération NANOOK, qui existe depuis bon nombre d’années, est utile en ce sens, et les gens essaient de se réunir le plus souvent possible. De petites choses comme la table ronde nationale sur la recherche et le sauvetage — une table ronde sur la recherche et sauvetage dans le Nord avait lieu deux fois par année pendant de nombreuses années, à l’époque où le Secrétariat national Recherche et sauvetage relevait du MDN. Il y a deux ans, il a été transféré à Sécurité Canada et depuis ce temps, la table ronde sur la recherche et sauvetage dans le Nord n’a plus lieu. Elle manque beaucoup aux intervenants du Nord. C’était une excellente occasion pour eux de communiquer avec leurs collègues et d’établir des liens, voire même de connaître le nom de la personne lorsqu’ils reçoivent un appel de sa part — évidemment, ils font les efforts nécessaires, mais cela leur permettait de connaître une partie des gens qui interviennent lors d’un incident. Les activités de SARscène ont également été réduites; elles offraient une autre occasion aux gens du Nord.
Je travaille à la création d’un réseau de gestion des risques dans l’Arctique avec un collègue américain qui veut établir un réseau bilatéral favorisant la diffusion de connaissances et le partage d’expériences entre l’Alaska et le Canada. La recherche et le sauvetage dans le Nord passent solidement entre les mailles du filet d’AANC et de Sécurité publique Canada. C’est vraiment difficile compte tenu de la complexité des sauvetages, de l’isolement de l’Arctique et du nombre de personnes qui doivent participer parce qu’au titre de la loi, elles doivent le faire. Cela devient compliqué. Ma question, c’était la suivante : qui est responsable? Si vous voulez que j’en dise plus sur les résultats plus tard, je le ferai. Même les gens qui travaillent dans le domaine de la recherche et sauvetage quotidiennement ignorent où s’arrêtent leurs responsabilités.
Le sénateur Gold : Existe-t-il une solution sur le plan de la gouvernance? Si vous aviez une baguette magique, que devrions-nous recommander pour, du moins, améliorer grandement, si possible, la situation quant au fatras de responsabilités que vous avez décrit?
Mme Benoit : S’il y avait une solution simple, on l’aurait déjà trouvée. Cette solution passerait peut-être par une politique unique qui réunirait tous les intervenants de l’Arctique au sein d’une même équipe. Je pense qu’une politique de recherche et sauvetage adaptée à l’Arctique pourrait être la solution appropriée compte tenu des conditions qui règnent dans le Nord et de toutes les complexités qui s’y rattachent.
Le sénateur Gold : Merci. Peut-être pourrons-nous transmettre ces informations au Comité sur l’Arctique.
Le président : Certainement, c’est très intéressant.
La sénatrice Raine : Où situeriez-vous l’instance responsable de l’administration d’une politique de recherche et sauvetage unique pour l’Arctique?
Mme Benoit : Dans un monde idéal, ce serait dans le Nord, mais il est possible que je rêve en couleurs. Je ne suis pas certaine que l’on dispose des ressources financières et humaines nécessaires à cette fin, mais une politique pour l’Arctique devrait normalement être administrée dans le Nord.
La sénatrice Raine : Si l’on devait aller de l’avant avec une politique semblable, pourrait-on songer à une phase de démarrage, le temps de se donner les capacités nécessaires pour assurer l’administration de façon permanente? Combien de temps faudrait-il? Y a-t-il là-bas les compétences voulues?
Mme Benoit : Je pense que l’on commence par l’expansion de la Garde côtière auxiliaire. C’est une première étape. Pour ce qui est de l’administration, on se retrouve au cœur de l’épineux problème des relations fédérales-territoriales. Je ne sais pas dans quelle mesure vous êtes au fait des différents pouvoirs qui peuvent entrer en jeu lorsqu’un incident se produit. Laissez-moi vous dire qu’il y a toutes sortes de questions qui se posent lorsque quelqu’un se noie dans.
Prenons l’exemple tragique de ces deux chercheurs qui ont perdu la vie au nord de Resolute. Je crois que c’était il y a trois ans. Ils participaient à une expédition de recherche et l’un d’eux est passé à travers la glace avec ses skis alors qu’elle semblait tout à fait solide. Son partenaire a ouvert son traîneau pour installer la radiobalise de localisation des sinistres. D’après ce que l’on peut présumer, il serait ensuite allé à la rescousse de son compagnon pour se retrouver à l’eau lui aussi. Ils ont péri tous les deux. Il devrait théoriquement s’agir d’un sauvetage maritime, car on est dans l’océan Arctique, mais comme l’eau était gelée, cela devient un sauvetage terrestre. Il faut savoir que le CCCOS du gouvernement fédéral est responsable des sauvetages maritimes et aériens alors que les sauvetages terrestres relèvent des territoires. Il est toujours un peu délicat de déterminer où cela commence et finit lorsque quelqu’un se noie dans l’océan. Quoi qu’il en soit, le gros bon sens l’emporte généralement et les intervenants locaux en recherche et sauvetage passent bien sûr à l’action. C’est à partir d’une pourvoirie à Resolute que l’équipe locale a été la première à se rendre sur place pour évaluer la situation et déterminer qu’il n’y avait de toute évidence plus rien à faire pour ces deux hommes.
J’espère ne pas trop m’emmêler dans mes explications.
Dans le cas des personnes disparues, c’est toujours la GRC qui est responsable. Si l’on croit qu’une personne disparue se retrouve sur le territoire d’une collectivité, les recherches sont menées par la GRC. Si l’on pense qu’elle est à l’extérieur des limites municipales, c’est l’équipe d’intervenants bénévoles en recherche et sauvetage de la GRC qui est mobilisée. La GRC a toujours un rôle à jouer, mais elle ne sort habituellement pas des limites de la collectivité. Si l’équipe de bénévoles ne dispose pas des capacités suffisantes, on doit se prêter à un processus hiérarchique très complexe pour demander le déploiement des Rangers canadiens. Je vous rappelle que je parle ici uniquement d’opérations de recherche et sauvetage sur terre, car ni la GRC ni les Rangers n’ont le mandat d’intervenir en mer.
Si les Rangers n’ont pas non plus les ressources et les capacités nécessaires pour effectuer la recherche, le CCCOS peut être appelé à intervenir. Des équipes sont dépêchées par avion depuis Trenton ou Greenwood pour contribuer aux efforts de recherche et sauvetage. Les choses se compliquent toujours lorsque l’on décide d’interrompre des recherches, surtout si des ressources fédérales sont en cause. Bien évidemment, les proches des disparus voudraient que l’on poursuive les recherches jusqu’à ce qu’on les retrouve. Les instances fédérales ont toutefois d’autres contraintes budgétaires à respecter. Si l’on s’entête à poursuivre les recherches, il est impossible de savoir combien de temps cela prendra ni quelle quantité de ressources il faudra utiliser. Il y a alors toutes sortes de négociations plutôt délicates entre le CCCOS et la collectivité touchée.
Voilà pour les opérations de recherche et sauvetage sur terre. Pour ce qui est des opérations aériennes et maritimes, toutes les lois prévoient que ce sont les forces aériennes et la Garde côtière qui en sont responsables. Lorsqu’un incident se produit sur l’eau, personne ne serait théoriquement censé s’en approcher avant l’arrivée du CCCOS. Pour mon étude, j’ai utilisé un scénario tout à fait réaliste. Un navire de croisière coulait dans le détroit de Cumberland, au milieu du fer à cheval à l’extrémité de l’île de Baffin. C’était à 40 kilomètres de Pangnirtung où l’on trouve une flottille de pêche de 40 ou 50 bateaux. Si l’on s’en tient strictement à ce que prévoit la loi, ces bateaux n’étaient pas censés s’approcher du navire en détresse tant que le CCCOS n’avait pas pris les commandes de l’opération. Le CCCOS et la Garde côtière sont responsables de toutes les activités de recherche et sauvetage en mer. Dans les faits, lorsqu’une personne manque à l’appel dans une collectivité, ce sont les équipes locales de recherche et sauvetage qui assument ce rôle. Ces gens-là vont sortir en mer pour chercher leurs concitoyens. Mais encore là, s’ils ne possèdent pas toutes les capacités nécessaires pour effectuer les recherches, ils doivent se tourner vers la Garde côtière.
Nous ne disposons malheureusement que d’un nombre limité de navires qui ne peuvent pas être partout en même temps. Les chances que ces navires soient disponibles pour une recherche en mer sont donc limitées.
Le CCCOS n’hésite toutefois pas à envoyer des avions pour faire des recherches dans le secteur, une forme de soutien qui est généralement très efficace.
Vous voyez à quel point la situation peut devenir complexe selon qu’une étendue d’eau soit glacée ou non, ou encore que la personne manquante soit probablement dans les limites de la collectivité ou à l’extérieur. Il y a des risques de confusion entre les compétences et les pouvoirs des différents intervenants. C’est un autre aspect que mon étude a très nettement fait ressortir.
Alors, quel a été le résultat de cet exercice de simulation théorique? Je devrais peut-être vous expliquer la méthodologie que j’ai utilisée. Pour un exercice semblable, on part normalement d’un scénario en réunissant les différents organismes d’intervention pour qu’ils décident ensemble d’une marche à suivre avec l’aide d’un animateur. C’est un processus qui peut être à l’occasion très convivial. Tout le monde décide de concert qui fera quoi et à quel moment. On peut alors voir assez rapidement qui sont les véritables responsables.
Dans le cadre de l’exercice que j’ai mené, je voulais savoir qui prenait les commandes de la situation et déterminer si tous les organismes concernés avaient la même perception. Plutôt que de réunir tout le monde, je me suis donc rendue visiter chacun de ces organismes à l’endroit à partir duquel il interviendrait en cas d’incident. Je leur ai soumis à tous le scénario en leur posant la même série de questions.
Je suis persuadée que la plupart des gens autour de cette table sont assez âgés pour se souvenir des cartes perforées que l’on utilisait avec les premiers ordinateurs. C’est peut-être le meilleur exemple que je puisse utiliser pour décrire mon analyse des résultats. Si tout avait été parfaitement clair en matière de compétences, de pouvoirs et d’interopérabilité, les perforations résultant des différentes réponses à ces questions auraient été elles aussi parfaitement alignées. Nul besoin de vous dire que ce n’était pas le cas.
Si j’avais peut-être certaines attentes ou idées préconçues, les résultats ont révélé que la situation était pire que ce que j’avais pu imaginer. À titre d’exemple, les gens du CCCOS ignoraient totalement l’existence des protocoles de gestion des urgences inscrits dans les lois territoriales pour habiliter les dirigeants municipaux de chaque hameau à prendre en charge une activité de sauvetage. Bien que cette habilitation ne s’applique pas aux sauvetages maritimes, les choses risquent d’être différentes si un navire rempli de passagers coule à 40 kilomètres d’une collectivité. En été, les Inuits sont sans cesse en mer dans le détroit de Cumberland où ils pêchent et vivent dans des camps le long du littoral. Rien de ce qui se passe là-bas ne peut leur échapper. La seule présence d’un navire de croisière dans le détroit est suffisante pour attirer leur attention. Si ce navire est en détresse et doit être abandonné, il va de soi que les pêcheurs vont se porter à la rescousse des passagers pour les ramener à leur village et prendre soin d’eux.
Voici maintenant ce que l’on m’a répondu au CCCOS lorsque j’ai demandé quelle serait la réaction en pareille situation. Je dois d’abord vous prévenir qu’il s’agit de la réponse donnée par une seule personne à un moment bien précis et que les relations sont par ailleurs souvent très bonnes entre les collectivités locales et le CCCOS. On m’a répondu : « Je demanderais à la GRC d’arrêter le dirigeant municipal en question. »
Je suis restée bouche bée devant cette réponse parce que je me serais normalement attendue de la part des instances militaires à une attitude plus collégiale dans le cadre de laquelle chacun essaie d’apporter sa contribution. Ils ont des protocoles à suivre, mais ce sont tout de même des gens raisonnables. J’ai rappelé pour parler à quelqu’un d’autre, un officier supérieur de la Garde côtière. Je lui ai dit que je n’étais pas certaine d’avoir bien entendu la réponse à la question qui consistait à savoir ce qu’il adviendrait si les activités de recherche et sauvetage étaient prises en charge par les autorités locales. Il a confirmé la réponse donnée en précisant que l’on ferait ainsi entrave à une opération militaire. En toute franchise, ils avaient raison. Selon la loi, ils sont les seuls à pouvoir mener une opération de sauvetage en mer.
Ainsi, toutes les fois que les forces militaires interviennent dans le Nord, les bénévoles civils sont censés leur laisser toute la place parce qu’ils ne doivent pas participer à une opération militaire.
La sénatrice Raine : Ma parole!
Le président : Les sénateurs sont bien silencieux à l’écoute de telles réponses. Ils vous en sont reconnaissants, mais ils sont nombreux à vouloir poser leurs questions.
La sénatrice Raine : Ces détails sont très importants.
Le président : Tout à fait. Je ne veux aucunement abréger les réponses de notre invitée, car elle est une véritable mine de connaissances pour nous tous. Nous avons toutefois une longue liste d’intervenants et très peu de temps à notre disposition.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup, madame Benoit. C’est un rapport tout à fait renversant. Les documents que vous nous avez fournis à l’avance sont également très intéressants.
Tout cela est d’autant plus important à mes yeux que je fais également partie du Comité sur l’Arctique, et c’est d’ailleurs dans cette perspective que je vais vous poser quelques-unes de mes questions. Parmi vos recommandations principales, outre celles dont on a déjà traité, il y a la création d’une nouvelle unité régionale de la Garde côtière canadienne pour l’Est de l’Arctique. Il faudrait toutefois que cette unité régionale ait son caractère bien à elle. Compte tenu du contexte environnemental, démographique et climatique, une telle unité ne peut pas être la réplique exacte de celle d’une autre région.
J’en conviens et j’estime que c’est un constat primordial que nous devons faire.
Je m’intéresse par ailleurs à la coopération internationale. Vous avez parlé de problèmes de compétences dans l’Arctique. Le Canada est membre de différentes organisations visant la collaboration dans cette région, comme le Conseil de l’Arctique. Comment envisagiez-vous la coopération internationale dans ces situations de recherche et sauvetage dans l’Arctique et laquelle de ces organisations, le cas échéant, devrait prendre les commandes?
J’aimerais aussi savoir ce que vous pensez de la collaboration entre les instances canadiennes pour ce qui est des actifs et des ressources à déployer. Nous avons beaucoup investi dans les infrastructures scientifiques, sociales et physiques dans le Nord, ce qui risque, comme vous l’avez souligné, de faire augmenter la demande en matière de recherche et sauvetage dans l’Arctique. Cela nous donne toutefois également accès à davantage de ressources pouvant être déployées de diverses manières dans cette région. J’aimerais donc connaître votre point de vue à ce sujet.
Je voudrais enfin que l’on parle du Labrador, car on ne semble pas beaucoup s’intéresser à cette région. D’après ce que j’ai pu entendre au sein du comité de l’Arctique, on risque d’y voir passer de plus grandes quantités d’icebergs et d’autres formations semblables en raison de l’évolution des glaces marines attribuable aux changements climatiques. Quelles seraient d’après vous les mesures à prendre dans ce contexte?
Mme Benoit : Si je puis me permettre de répondre d’abord à votre dernière question, le Labrador souhaiterait intégrer la nouvelle région de l’Est de l’Arctique. Ils savent que le financement a été alloué. Il serait tout à fait logique d’inclure le Labrador à ce niveau. C’est donc ma réponse brève à cette question.
Pour ce qui est de la coopération internationale, je crois que le Conseil de l’Arctique est la tribune qui convient. L’Accord sur la recherche et le sauvetage dans l’Arctique est bien sûr la première entente officielle négociée par le Conseil de l’Arctique, lequel est vraiment l’instance appropriée. J’ai participé à l’une des rencontres du conseil peu après la signature de l’accord. Elle portait sur les infrastructures et tous les pays présents en Islande ont alors menti. Personne n’a voulu admettre qu’il ne disposait pas des infrastructures nécessaires pour offrir des services adéquats en recherche et sauvetage sur les vastes territoires sous sa responsabilité. La seule exception était la Russie qui avait alors des plans pour la mise en place de neuf stations de recherche et sauvetage le long du passage de l’Est.
En prenant connaissance du mémoire soumis par le Canada, j’ai constaté que l’on y parlait de havres et de ports. Pour m’être moi-même rendue dans certains de ces endroits et y avoir accosté en bateau, je peux vous dire qu’il n’existe rien de tel, à moins que le tout ait été aménagé très récemment. Je suis persuadée que tous les autres pays ont fait de même, car personne ne voulait admettre qu’il ne possédait pas les capacités et les infrastructures requises.
Si une catastrophe majeure se produisait dans le Nord, il serait difficile pour le Canada de réagir efficacement, mais c’est la même chose pour le Groenland. C’est un peu mieux dans le cas des Russes. Certains autres pays ont des populations davantage rapprochées de l’océan Arctique. Nous ne sommes pas les seuls à ne pas être en mesure de venir à la rescousse d’un grand nombre de victimes en situation de catastrophe. Je trouve stupéfiant que les gens s’embarquent sur ces navires sans avoir aucune idée de ce qui peut les attendre, mais c’est une autre histoire.
Pour répondre à votre deuxième question, je reviens à un paragraphe que j’ai omis dans mon exposé, faute de temps. Les forces militaires et la Garde côtière ont de véritables œillères lorsque vient le temps de considérer les ressources à utiliser. On semble vouloir utiliser uniquement ses propres ressources. Les infrastructures et les équipements en place dans le Nord ne manquent pourtant pas. Comme vous faites partie du comité de l’Arctique, vous êtes sans doute déjà au courant. On y trouve un grand nombre d’hélicoptères et d’avions et de la machinerie lourde en grande quantité.
Comme je le disais dans mes observations, si l’on pouvait compter sur des techniciens formés en recherche et sauvetage déjà sur place qui pourraient se rendre sur les lieux d’un incident à bord d’un avion nolisé, ce serait beaucoup plus efficace que d’envoyer quelqu’un depuis Greenwood ou Trenton. Pour une raison ou une autre, c’est toutefois une solution que l’on ne semble pas envisager.
Cela n’a rien d’inhabituel. Je me suis intéressée aux services autochtones de recherche et sauvetage dans d’autres régions du Canada. Il n’est pas rare que de petites collectivités des Premières Nations signent des protocoles d’entente de nature permanente avec des sociétés minières, des pêcheries ou d’autres entreprises. Le ministère de la Défense nationale ou celui des Pêches et des Océans a alors accès à un inventaire des équipements accessibles sur place qui peut être mis à jour annuellement. En cas d’incident, il suffit de passer un appel téléphonique. C’est un peu comme le programme des navires de passage. Si un aéronef se trouve à proximité lorsque des gens sont en détresse, nous allons l’envoyer sur les lieux en attendant l’arrivée des experts et des équipements en provenance du Sud.
Pour une raison ou une autre, l’idée même d’utiliser les infrastructures en place qui ne leur appartiennent pas ne semblait pas leur effleurer l’esprit lors des discussions à ce sujet auxquelles j’ai pu participer. Je pense que vous soulevez un excellent argument.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup. À ce sujet, il y a aussi la question des ressources humaines. Bien des gens suivent une formation dans ces stations de recherche nordiques et au sein des entreprises privées, que ce soit pour les techniques de recherche et sauvetage ou dans leur domaine particulier. Ces gens-là pourraient être de précieux atouts à titre d’auxiliaires.
Mme Benoit : Tout à fait.
La sénatrice Coyle : Les infrastructures dans lesquelles le Canada a investi des millions de dollars un peu partout dans l’Arctique pourraient également servir de ressources physiques. En prenant connaissance de quelques-uns des problèmes que vous notiez dans votre scénario avec le navire de croisière, je me disais qu’il faudrait aussi songer à loger les rescapés. Il y a toute une variété de ressources que l’on retrouve de plus en plus sur place — équipements, infrastructures et personnes — et pour lesquelles nous payons déjà. Nous allons continuer d’investir considérablement dans cette région, alors pourquoi ne pas en profiter?
Mme Benoit : Je suis tout à fait d’accord. Il est tout à fait logique de le faire, mais…
La sénatrice Hartling : Merci. Votre exposé était captivant et apporte un éclairage supplémentaire à notre étude, surtout au moment où nous nous apprêtons à nous rendre dans le Nord.
Je m’intéresse aussi à l’aspect sociologique. Vous avez parlé des préjugés et des stéréotypes qui sont bien ancrés. Je ne sais pas si vous pourriez nous indiquer de quelle manière nous pourrions mettre à contribution les connaissances et l’expertise des Autochtones, en faisait fi des préjugés et des stéréotypes qui nous empêchent de le faire. Pouvez-vous nous en dire plus long à ce sujet?
Mme Benoit : Certainement. Je vais faire référence encore une fois à mon étude, peut-être pour vous montrer la façon dont ces préjugés se manifestent. Il y a un certain temps, le ministère des Pêches et des Océans a installé dans différentes collectivités de l’Arctique sept conteneurs maritimes pour y cacher de l’équipement d’intervention en cas d’urgence environnementale. En cas de déversement pétrolier, surtout pour certains types de pétrole, vous voulez pouvoir intervenir aussi rapidement que possible. La division ministérielle à Sarnia a donc installé tous ces conteneurs maritimes. Certaines collectivités ne savaient même pas qu’on allait leur livrer un conteneur; on les a simplement appelés pour leur dire qu’il était rendu à destination. On a dû regarder l’étiquette pour voir de quoi il s’agissait.
Les conteneurs étaient dissimulés à proximité, mais personne du village n’avait reçu la formation pour utiliser l’équipement qu’ils renfermaient. Lorsque j’ai rencontré un responsable de Pangnirtung pour l’étude de ce scénario qui prévoyait notamment la perforation d’un réservoir et le déversement de combustible dans une zone de pêche, il m’a indiqué qu’en pareil cas il n’hésiterait pas, en sachant qu’il y avait un conteneur plein d’équipement, à briser le cadenas pour utiliser cet équipement. Il a toutefois ajouté qu’on le ferait sans savoir d’aucune manière comment s’y prendre. « Nous n’avons aucune idée de la façon dont on installe un barrage flottant. Nous ne savons pas non plus à quel point nous risquons de mettre notre santé en péril. Nous agissons simplement parce que l’équipement est sur place et que quelqu’un doit le faire. Nous savons que si l’on attend l’arrivée des secours en provenance de Hay River ou d’Iqaluit, il sera trop tard. »
C’est donc un exemple possible.
Chose encore plus étonnante, personne ne savait où se trouvait la clé pour ouvrir le conteneur d’équipement installé à Pangnirtung. Il est bien évident que l’on aurait détruit le cadenas en cas d’urgence, mais je tenais à tirer les choses au clair. On m’a dit qu’elle était à Hay River, puis à Sarnia ou peut-être quelque part dans le village. Deux ans plus tard, j’ai découvert qu’elle était dans le tiroir du bas du bureau local de la GRC. Comme le personnel sur place avait changé depuis, personne ne savait à quoi servait cette clé. Il s’agit pourtant d’équipement pour intervenir en cas d’urgence environnementale. C’est le genre de choses qui arrivent.
Ce fut malheureusement le cas par le passé, en raison des protocoles très rigides suivis par les forces militaires et la Garde côtière, des organisations fortement hiérarchisées qui ont des normes et des procédures strictes pour toutes sortes de bonnes raisons. Les collectivités inuites et nordiques fonctionnent d’une manière très différente. Le respect se gagne à la faveur de l’expérience, et non pas nécessairement parce que vous possédez les titres de compétences voulus. Les militaires ne semblent toutefois considérer que ces titres.
Si le CCCOS arrive par avion à Pangnirtung — j’ignore s’il s’agit d’une légende urbaine ou d’une histoire vraie — pour secourir un randonneur pédestre qui s’est blessé dans une des crevasses du parc… Les Inuits savent exactement où se trouve cette personne lorsque la scène leur est décrite, car ils connaissent le parc. Toutefois, s’ils n’ont pas les titres de compétences nécessaires, le CCCOS ne les fera pas monter à bord de l’avion lors de leur premier passage pour trouver le randonneur. S’il ne trouve pas le randonneur lors du premier passage, l’équipage fera monter les Inuits à bord pour le deuxième passage, mais, à ce moment, le randonneur aura été en détresse pendant beaucoup plus longtemps.
Il s’agit d’un choc de cultures. Les Inuits ne jouissent pas de la même éducation, approche et formation que les membres du CCCOS — il n’y a aucune équivalence à cet égard — et, honnêtement, lorsque je dis que cela fonctionne dans les deux sens, les gens dans le Nord n’ont pas toujours le temps d’attendre les secours venant du Sud. C’est une dynamique difficile.
Peut-être que c’est une mentalité légèrement rétrograde. Je crois que c’est souvent un affrontement entre des cultures institutionnelles simplement parce que les choses se font différemment dans le Nord. Tout le monde met l’épaule à la roue. On ne se préoccupe des règles que plus tard.
Au fil des ans, de nombreux intervenants en recherche et sauvetage dans le Nord ont acquis ces titres de compétences. Même s’ils ne faisaient pas partie de la force auxiliaire, les pilotes de bateaux du Nunavik ont suivi diverses formations et suivront les cours nécessaires pour faire partie de l’auxiliaire. Il s’agit d’une dynamique très difficile.
Les premiers répondants dans les communautés sont des gens incroyablement talentueux et dévoués. Sincèrement, si j’étais perdue, je serais tout aussi heureuse que ce soit un chasseur inuit qui me retrouve qu’un technicien en recherche et sauvetage du CCCOS, même si le chasseur inuit n’est pas officiellement reconnu.
La sénatrice Poirier : Merci beaucoup. J’ai tellement de choses qui me viennent à l’esprit que je ne sais pas par où commencer. Ma première question est la suivante : actuellement, le service de recherche et sauvetage au Canada est divisé en trois régions. Serait-il utile d’ajouter une quatrième région et de permettre à l’Arctique de disposer de son propre centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage? Est-ce que cela aiderait?
Mme Benoit : Oui, mais la réponse que nous donne habituellement l’armée, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’incidents dans le Nord pour justifier un tel investissement.
La sénatrice Raine : Pour le moment.
Mme Benoit : Il suffira d’un seul incident où il y aura de nombreux blessés pour que les choses changent. Un des défis pour la recherche et sauvetage dans l’Arctique, peut-être pas en ce qui concerne les incidents maritimes auxquels répond la Garde côtière, car j’imagine qu’elle recueille des données plutôt précises à ce sujet, mais pour les incidents qui se produisent dans le Nord, les données relatives n’ont pas été correctement recueillies. Elles ne sont certainement pas communiquées aux décideurs à Ottawa. J’ignore à combien de séances d’information du MDN j’ai participé où quelqu’un de bien intentionné disait : « Les missions de sauvetage dans le Nord représentent 0,02 p. 100 de nos missions. » Les données existent et il est difficile de les contredire. Les ressources tendent à être déployées là où les chiffres justifient leur présence. Des efforts ont été déployés par le passé. Le SNRS a établi un système de gestion du savoir au Nunavut. Le Nunavut a tenté de fournir des données afin de justifier les ressources, car on compte chaque année plus de 300 missions de recherche et sauvetage sur terre et en milieu marin. On en compte un peu moins au Nunavik. D’ailleurs, je suis sur le point d’amorcer une étude à ce sujet. Nous avons reçu une subvention du FNI de recherche et sauvetage pour mettre en place un système de gestion du savoir au Nunavik afin de compiler des données et attendons que Québec fasse passer un décret pour nous permettre d’avoir accès à ces fonds. Tant que nous n’aurons pas ces statistiques pour les présenter à ceux qui fixent les budgets, nous n’aurons pas les ressources nécessaires dans le Nord.
Pour répondre à votre question, oui, il serait très avantageux d’avoir un centre dans le Nord, même si bon nombre des incidents nécessitant la recherche et sauvetage surviennent sur le terrain et sont donc sous la compétence du territoire.
La sénatrice Poirier : En raison du caractère unique de l’Arctique, de sa taille et de l’augmentation du nombre de déplacements dans la région, de la formation est offerte aux gens de la région. Je sais que le gouvernement fédéral a annoncé que la Garde côtière canadienne allait ajouter huit nouveaux navires dans l’Arctique. Est-ce que ce sera suffisant? Ce sera certainement utile; ça ne peut pas faire de tort. Mais est-ce que ce sera suffisant?
J’imagine que lorsque survient un accident, comme celui qui est survenu en mai dernier, la priorité est de sauver des vies. Je comprends pourquoi le CCCOS voudrait être le premier sur place, mais, en même temps, si des gens meurent parce que la distance est trop grande…. Nous avons des gens sur place. J’espère que l’on a fait appel à eux et, sinon, qu’on le fera. Le temps est peut-être venu pour l’administration municipale, le gouvernement territorial et les responsables fédéraux du CCCOS et de la Garde côtière de s’interroger sur l’intégration de ces gens à l’équipe. Est-ce en raison d’un manque de formation? Est-ce parce que l’on craint qu’ils causent plus de dommages qu’ils ne sauvent de vies ou qu’ils constituent un risque pour les autres? Que doit-on faire pour encourager plus de gens à suivre la formation? Comment pouvons-nous travailler ensemble, sous une sorte de guichet unique, pour que lorsqu’un incident survient, nous puissions intervenir avec toutes les ressources à notre disposition?
À votre connaissance, a-t-on déjà fait appel à ces gens? Est-ce en raison des cultures différentes que le dossier ne progresse pas?
Mme Benoit : Il en a certainement été question. La gestion est l’un des piliers du programme sur la sécurité en Arctique. Des tables rondes nationales sur la recherche et sauvetage ont été organisées un peu partout dans le Nord et nous avons obtenu beaucoup de réactions sur les écarts à combler.
Encore une fois, je crois qu’il s’agit d’une question de compétences. C’est l’armée qui est responsable de la SAR. Donc, elle veut faire appel à des gens formés qui sont sous son contrôle. Lorsque dans le cadre de missions de sauvetage vous devez composer avec des gens qui ne sont pas formés — qui n’ont pas les titres de compétences nécessaires — et qui augmentent les risques de blessures des sauveteurs, quelqu’un doit assumer cette responsabilité. C’est une situation très difficile.
Lors des missions de SAR sur le terrain en Arctique, c’est le territoire qui rembourse les bénévoles pour leurs dépenses et frais d’assurance. J’ignore qui rembourserait les coûts pour les missions en milieu marin, car, techniquement, le territoire n’a aucune compétence à cet égard. Je crois que la question de responsabilité est une source de préoccupations importante. À mon avis, la création de la Garde côtière auxiliaire canadienne est essentielle pour établir ce lien entre les communautés et les services de recherche et sauvetage fédéraux responsables.
Concernant l’ajout des 8 navires, c’est un début, mais on compte 25 communautés. Donc, si vous vous trouvez à Pangnirtung et que le navire est à Iqaluit, malheureusement, cela ne vous sera d’aucune utilité. Toutefois, c’est un début. C’est certainement utile. Ce n’est peut-être pas à moi de dire cela, mais lors de votre visite dans le Nord, Craig et Ed pourront vous partager certaines histoires et vous faire part de certains défis associés à la tentative d’ajuster les règles et normes actuelles qui existent dans le Sud aux réalités de l’Arctique. C’est illogique. Les bateaux ne peuvent pas être certifiés. Il y a une liste de vérification auxiliaire pour l’équipement des bateaux et chaque boîte doit être cochée, sinon le bateau ne peut être certifié comme étant un bateau auxiliaire. J’ai connaissance d’un cas où la corde était, un huitième de pouce, trop étroite et il était impossible de tout simplement en acheter une autre au Rona. Pire encore, la poulie ne peut accueillir une corde plus épaisse. Cela signifie qu’il faut moderniser le bateau et la modernisation de bateaux en Arctique, ce n’est pas évident. Ce sont toutes ces petites choses qui pourraient être facilement réglées si l’on faisait preuve de bon sens. C’est la même chose en ce qui concerne les batteries. Selon la liste de vérification, la batterie du RLS doit être vérifiée chaque année. Toutefois, cette batterie est considérée comme un produit dangereux. Les communautés éloignées n’ont pas la capacité de traiter les produits dangereux. Elles ne peuvent tout simplement pas expédier ces batteries par vol commercial. Une foule de documents techniques doivent être remplis et les communautés n’ont pas cette capacité. Elles n’ont pas la capacité administrative pour bien remplir ces documents. Ces batteries doivent être expédiées vers le Sud. On espère pouvoir les expédier par l’entremise des navires de la Garde côtière. Encore une fois, ce sont de petites choses qui sont faciles à régler dans le Sud, mais qui constituent des défis importants pour les communautés éloignées.
Le Québec, notamment, impose d’autres exigences. Par exemple, j’ignore si vous avez eu l’occasion de lire l’article publié dans le Montreal Gazette sur Michael Cameron. Mike est allé dans le Sud suivre une formation d’instructeur pour la Garde côtière canadienne et était prêt à offrir la formation. Québec a décidé qu’il devait être supervisé pour deux ans. Les deux seules personnes capables d’assurer cette supervision ne sont pas disponibles. Pourtant, Mike a été invité à offrir cette formation à Churchill sans supervision. Quel message cela envoie-t-il? Il s’agit d’une personne très compétente, mais, pour une raison quelconque, les responsables dans le Sud jugent qu’il doit faire l’objet d’une supervision pendant deux ans.
La sénatrice Raine : Est-il Inuit?
Mme Benoit : Oui. Il est mi-Inuit. Il est technicien en soins médicaux d’urgence et gardien de parc à Salluit. C’est un homme très compétent. Je dois dire que les Inuits sont très généreux. Ils ont l’esprit ouvert et font de leur mieux pour respecter ces exigences. Cependant, les exigences sont rigoureuses. Si vous ne pouvez pas les satisfaire, vous ne pouvez pas faire partie de l’équipe. À mon avis, il faut faire preuve de bon sens et intégrer ces bateaux d’intervention rapide au sein de la Garde côtière auxiliaire dès que possible afin qu’ils puissent faire partie de l’équipe d’intervention plutôt que de se préoccuper d’ajustements mineurs au câble de remorque.
La sénatrice Poirier : À la suite des incidents du mois de mai dernier, nous avons…
Mme Benoit : Il n’y a eu aucun incident. C’était une situation hypothétique. Il s’agissait d’une simulation en salle de conférences.
La sénatrice Poirier : Par contre, nous sommes mieux préparés aujourd’hui si une telle situation devait survenir.
Mme Benoit : Non, cet exercice a été réalisé en vue du passage du navire de croisière Crystal. Les autorités ont décidé de réunir tous les intervenants pour se préparer. Honnêtement, même si tous les intervenants faisaient de leur mieux et qu’un navire de la Garde côtière suivait le navire de croisière, si un incident devait survenir, ce ne serait pas beau.
La sénatrice Poirier : Merci beaucoup.
Le président : Nous aurons besoin de quelques minutes à la fin de la séance pour discuter de notre voyage dans le Nord. Cette conversation est très intéressante. Je suis désolé d’interrompre, mais nous devons poursuivre.
Le sénateur McInnis : Merci beaucoup. C’est très intéressant.
Vous avez dit, dans votre exposé, que pendant de nombreuses années, les 25 communautés le long de la côte Arctique du Nunavik n’ont pas pu avoir accès à des fonds suffisants de l’enveloppe pour l’Arctique administrée à Hay River pour créer ou entretenir une Garde côtière auxiliaire. Pendant ce temps, 13 unités bien équipées patrouillaient les eaux intérieures de la rivière Mackenzie.
Premièrement, est-ce que les choses ont changé à cet égard? Deuxièmement, nous avons vu la force auxiliaire à l’œuvre, notamment à Terre-Neuve où, semble-t-il, on retrouve certaines des eaux les plus sauvages au monde, et les membres de cette force ont fait un excellent travail. Ils sont très efficaces. L’Arctique est soudainement à la mode avec les navires de croisière qui y circulent. Est-ce parce que c’est nouveau que les forces auxiliaires ne sont pas prêtes et que l’on réalise qu’elles n’ont pas suffisamment de fonds pour exploiter leurs bateaux et les équiper? Est-ce en partie à cause de cela?
Mme Benoit : Vous me demandez si c’est parce que l’Arctique est davantage sous les projecteurs que des fonds sont maintenant disponibles?
Le sénateur McInnis : Oui.
Mme Benoit : En partie. Les choses ont changé un peu récemment quant à l’administration et au leadership de la Garde côtière auxiliaire dans le Nord. La Garde côtière auxiliaire est financée grâce à un accord de contribution. Une fois que les fonds ont été attribués, ils ont été séparés en sorte de sous-enveloppes, dont une pour l’Arctique centrale qui était administrée par une seule personne qui vivait dans la région. Je vous recommande fortement d’interroger Ed Zebedee sur les difficultés qu’il a eues à savoir pourquoi ces fonds n’étaient pas accessibles.
Dans le cadre de mon étude, lorsque j’étais aux SCTM, à Iqaluit, j’ai appris qu’il existait une petite unité à Iqaluit qui avait de la difficulté à survivre et qu’elle a finalement été démantelée faute de fonds. Impossible d’obtenir quelques fonds que ce soit des Territoires du Nord-Ouest pour le Nunavut, même si toutes les communautés du Nunavut sont situées sur la côte.
Je vous recommande fortement d’interroger Ed sur les défis qu’il a rencontrés. Heureusement, c’est chose du passé. Le MPO a reconnu qu’une garde côtière auxiliaire au Nunavut et à Nunavik était nécessaire. Les autorités du ministère travaillent à la création de cette force. Toutefois, ils doivent suivre les conseils des gens du Nord, ce qu’ils ne font pas en ce qui a trait à la formation. Résultat, les gens échouent, non pas en raison de problèmes techniques, mais bien parce que cette formation n’est pas offerte au Nunavut. Les autorités insistent pour offrir la formation dans les Territoires du Nord-Ouest, loin des communautés des participants. Donc, les gens sont incapables de terminer leur formation et sont renvoyés chez eux par avion.
Ce sont de petites choses. Si les autorités écoutaient les conseils des gens qui vivent dans le Nord, qui sont passés par là et qui ont dû composer avec les défis connexes, le projet serait beaucoup plus avancé. Toutefois, pour des raisons qui leur sont propres, les responsables ont décidé de faire les choses autrement et les résultats n’ont rien de remarquable.
Le sénateur McInnis : Merci pour votre franchise. Vous avez une approche très franche et intéressante. Nous aurons beaucoup de questions à leur poser lors de leur témoignage.
Est-ce que les bateaux dans l’Arctique font maintenant l’objet d’un meilleur contrôle? Seuls les navires de plus de 300 tonnes brutes étaient concernés.
Mme Benoit : Pour le NORDREG?
Le sénateur McInnis : Ils devaient être inscrits dans le système. Maintenant, des gens aventureux se rendent dans la région avec de petites embarcations. Est-ce que les choses ont changé à cet égard?
Mme Benoit : Peut-être que vous devriez d’abord interroger les membres de la Garde côtière aux SCTM à Iqaluit qui sont là depuis longtemps. Ils pourront vous raconter des histoires intéressantes de sauvetage de personnes qui tentaient de traverser le passage du Nord-Ouest à bord de Sea-Doo, par exemple. Certains ont dû être secourus à trois reprises.
Pour répondre à votre question, non, rien n’a changé. Seuls les navires de plus de 300 tonnes doivent se rapporter au NORDREG. La raison, en fait, c’est qu’il s’agit d’eaux internationales. Le Canada n’a donc pas le pouvoir d’insister pour que des pilotes formés pour la navigation dans les glaces se trouvent à bord des navires ou d’imposer de quelconques exigences qui pourraient être imposées s’il s’agissait d’eaux intérieures.
Fait intéressant, s’il s’agissait d’eaux intérieures, ce sont les Inuits qui prendraient la décision. C’est le Nunavut qui déciderait quel navire peut emprunter le passage, puisque ces eaux se trouvent à la frontière de son territoire.
Tant qu’il n’y aura pas de solution diplomatique à la question, outre que les relations publiques, nous avons les mains liées. J’imagine que si le Canada voulait créer une sorte d’association bénévole de navires de croisière, comme dans l’Antarctique, par exemple, pour que les navires de croisière en visite dans la région soient accompagnés d’un autre navire pour accroître leur sécurité, c’est une option qui ferait l’objet d’un certain soutien. Cependant, en ce qui a trait à un pouvoir quelconque dans ces eaux, rien n’a changé pour le moment, il n’y a que les exigences du NORDREG.
Le sénateur McInnis : Vous avez parlé plus tôt du recours au secteur privé. Ce n’est peut-être pas votre domaine d’expertise, mais lors de notre visite à Terre-Neuve, nous avons vu les hélicoptères Cougar. Ils font beaucoup de transport extracôtier. Que pensez-vous de l’idée que le secteur privé se charge de ces déplacements? On dirait que lorsque le gouvernement est impliqué, le travail fait sur place est bien fait, mais cela prend beaucoup de temps, qu’il s’agisse de la construction d’un brise-glace ou autre. Pour une raison quelconque, les délais ne sont jamais respectés. Croyez-vous que le secteur privé ait un plus grand rôle à jouer?
Mme Benoit : Le secteur privé offrirait le même service si les centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage avaient un technicien et un avion dans une de ces collectivités. Cela voudrait dire que c’est en train d’être privatisé, que c’est un contrat auprès d’un fournisseur privé, pas d’un gouvernement.
Je suis certain qu’on ferait un excellent travail, et ce serait effectivement avantageux pour la région. Vous revenez aux mêmes paramètres gouvernementaux qui consistent à décider si nous avons les fonds pour engager quelqu’un dans le secteur privé et l’envoyer dans le Nord. La réponse est probablement non.
L’approche plus pratique pourrait être celle proposée plus tôt qui consiste à établir des protocoles d’entente avec des entités ayant beaucoup d’infrastructures dans la région, des sociétés minières ou quelqu’un d’autre, et de former des gens sur place. On aurait ainsi une personne formée sur place qui peut sauter à bord d’un avion réquisitionné ou nolisé et utiliser de l’équipement entreposé dans la collectivité.
Ce ne serait pas avantageux qu’en cas d’incident maritime, car en cas d’un incident majeur dans la collectivité, vous auriez des fournitures médicales entreposées, ce qui serait également très avantageux.
Je pense que c’est probablement la façon la plus économique de procéder, que ce soit avec l’aide des centres conjoints de coordination des opérations de sauvetage, d’une équipe de recherche et sauvetage de l’armée ou d’un appareil Cougar — je sais que ces appareils font un excellent travail. Une personne qui se trouvait dans le même groupe que moi et qui a fait un exposé a dit qu’elle essayait d’encourager la présence d’une partie de son monde dans le Nord, mais c’est encore essentiellement une question d’argent.
La sénatrice Ringuette : Vous êtes une mine d’information, d’expérience et, comme vous dites, de bon sens.
En ce qui a trait à votre étude sur les navires de croisière, avez-vous rencontré les gens du Secrétariat national Recherche et sauvetage pour discuter de vos résultats? Il semble y avoir un énorme décalage. S’efforce-t-on, au moins au secrétariat, d’établir ce lien? Dans ce cas-ci, plutôt que de dire qu’on vit dans une maison de verre, ou pourrait dire qu’il s’agit plutôt d’une maison de glace.
Mme Benoit : Oui, à l’époque où j’ai fait mon étude, un employé du secrétariat avait été nommé responsable du Nord. Il s’appelait Ron Kroeker, et il était un ardent défenseur d’une politique pour l’Arctique et le Nord. Il a pris sa retraite et n’a pas été remplacé. Les occasions comme la table ronde du secrétariat, que Ron et ses collègues organisaient, semblent se faire rares depuis.
Le Secrétariat national Recherche et sauvetage se trouve maintenant à Sécurité publique Canada et semble accorder moins d’attention à cet aspect. Donc, pour répondre à votre question, non, à moins que je ne sois pas au courant. J’essaie d’obtenir du financement pour la formation en recherche et sauvetage dans l’Arctique et tout le reste, et je peux vous dire que nous sommes en plein entre deux ministères. Tout le monde approuve entièrement ce que nous proposons, mais cela ne cadre pas avec les paramètres des politiques de financement. Sécurité publique Canada nous dirige vers l’AANC, et l’AANC nous renvoie à Sécurité publique Canada.
La sénatrice Ringuette : Je reviens à ce que la sénatrice Poirier a proposé, c’est-à-dire avoir une seule région ayant son propre protocole et son propre budget, de la formation et une certification, à l’aide d’une approche pluri-institutionnelle. Je pense que c’est ce que vous proposez.
Mme Benoit : C’est ce que je recommande vivement.
La sénatrice Coyle : Où sont les résultats des tables rondes sur la recherche et le sauvetage dans l’Arctique? Comment pouvons-nous les obtenir?
Mme Benoit : Vous pouvez les obtenir en vous adressant à la Gordon Foundation. C’est le travail de la Munk School of Global Affairs de l’Université de Toronto et de la Gordon Foundation. Vous pouvez consulter leurs publications en ligne. Je ne sais pas si les rapports de ces tables rondes s’y trouvent, mais peut-être bien. Sinon, vous pouvez les obtenir auprès d’eux.
La sénatrice Coyle : Pensez-vous qu’ils seraient utiles à nos démarches?
Mme Benoit : C’est fort possible. Ils vont certainement vous donner une idée de certains des défis de l’époque en matière de recherche et de sauvetage dans l’Arctique. Beaucoup de problèmes sont toujours d’actualité.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
Le président : J’ai seulement quelques observations. Le nom de deux ou trois personnes dont vous avez parlé plus tôt figure sur la liste pour nos audiences publiques au Nunavut. Nous prévoyons également une visite des Services de communications et de trafic maritimes à Iqaluit. Ce sera sur notre liste une fois que nous aurons tout préparé comme il se doit.
Je suis intrigué par votre exposé et vos réponses à nos questions. Comme l’a dit la sénatrice Ringuette, vous êtes une mine de connaissances. À Terre-Neuve-et-Labrador, nous entendons toujours que nous ne serions pas dans ce bourbier aujourd’hui si on avait écouté les pêcheurs et tenu compte de leurs préoccupations. Il semble que la même chose soit en train de se produire pour ce qui est du Nord. Ce sont les connaissances, les attitudes et l’expertise locales qui semblent être mises de côté par les nouveaux représentants du gouvernement. Nous allons trouver le moyen de nous en sortir d’une certaine façon.
Je tiens à vous remercier de votre exposé. Je pense que la mine de connaissances et de renseignements que vous avez mis à notre disposition dans votre témoignage apportera beaucoup à notre rapport. De toute évidence, nous sommes préoccupés en tant que comité par cette vaste région du Nord. Vous nous avez beaucoup aidés ce matin, et je vous en remercie.
Nous allons maintenant discuter ensemble de notre séjour dans le Nord. Merci.
(La séance est levée.)