Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule nº 30 - Témoignages du 1er mai 2018
OTTAWA, le mardi 1er mai 2018
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd’hui, à 17 h 46, pour étudier les activités de recherche et sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent.
Le sénateur Marc Gold (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Bonsoir. Je m’appelle Marc Gold, et je suis un sénateur du Québec. Je suis ravi de présider cette réunion. Avant de céder la parole au témoin, j’invite mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.
Le sénateur Christmas : Dan Christmas, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Coyle : Mary Coyle, de la Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Raine : Nancy Raine, de la Colombie-Britannique.
Le vice-président : Merci, chers collègues. Je crois que plusieurs autres sénateurs se joindront à nous plus tard.
Je précise pour ceux qui regardent la réunion à la télévision ou en ligne que le comité poursuit son étude sur les activités de recherche et sauvetage maritime, y compris les défis et les possibilités qui existent.
Ce soir, nous sommes heureux d’accueillir par vidéoconférence M. Jim Abram, qui est représentant de zone électorale de Discovery Islands-Mainland Inlets et ancien gardien de phare.
Merci de vous joindre à nous, monsieur Abram. Nous sommes très heureux de vous accueillir. Je crois savoir que vous avez préparé une déclaration préliminaire. Après votre déclaration, les membres du comité auront sans doute des questions pour vous. La parole est à vous, monsieur Abram. Bienvenue.
Jim Abram, (élu) représentant de zone électorale, Discovery Islands-Mainland Inlets, District régional de Strathcona (Zone C) : Bonsoir à tous. Merci beaucoup, monsieur le président. Merci également aux membres du comité et au personnel.
Je suis heureux d’avoir l’occasion extraordinaire de vous faire part de mes observations et de mon expérience. Il y a quelques années, j’ai eu le privilège d’accompagner une délégation du comité lors d’une tournée de divers sites en Colombie-Britannique dans le cadre d’une étude sur les stations de phare gardées.
Le rapport que vous avez produit dans la foulée de cette mission d’information demeure à ce jour l’un des rapports les plus pertinents et les plus exhaustifs jamais produits sur le sujet. Votre travail a de toute évidence fortement influencé le ministre de l’époque, et le programme d’élimination des postes de gardiens de phare a été annulé. Je suis certain que cela découle des informations pertinentes contenues dans ce document, intitulé Pleins feux sur les phares gardés de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve-et-Labrador.
J’espère que les conclusions de ce comité auront autant d’influence auprès du ministre et du gouvernement actuels.
Permettez-moi de me présenter. Je m’appelle Jim Abram et je suis un membre élu du gouvernement local du district régional de Strathcona. Le secteur que je représente est une longue bande de 27 000 kilomètres du littoral de la Colombie-Britannique, une région difficile, la Zone C de Discovery Islands-Mainland Inlets, un territoire de plus d’un million de kilomètres carrés de terre et d’eau formé d’innombrables passages et îles.
J’ai siégé au conseil d’administration de l’Union of British Columbia Municipalities pendant 14 ans, notamment à titre de président. Cet organisme représente l’ensemble des 195 administrations municipales de la province de la Colombie-Britannique. J’ai été élu à l’administration locale pour la première fois en 1988, et je siège sans interruption depuis.
J’ai été gardien de phare, en compagnie de ma famille, de 1978 jusqu’à ma retraite, en 2003. J’en suis très fier. J’ai fondé et présidé les B.C. Lightkeepers, une section de l’Alliance de la fonction publique du Canada. Ma famille et moi avons consacré notre vie au service public et avons mené toutes les batailles pour lutter contre des plans mal conçus visant à réduire les services à la population côtière et à la population du pays. L’une de ses campagnes concernait la suppression des postes de gardiens de phare.
Nous avons un profond attachement à la région côtière, aux gens qui y habitent, qui y travaillent et qui viennent y pratiquer leurs loisirs. Nous sommes aussi conscients des avantages économiques considérables que représente la côte pour la province et pour le pays, et nous sommes déterminés à les préserver.
J’ai toujours dénoncé les programmes malavisés proposés par des fonctionnaires qui ne comprennent pas l’importance des services de sécurité fournie sur la côte Ouest, et je continuerai de le faire. C’est ce que le public attend de moi. J’aurais de la difficulté à me regarder en face si je n’intervenais pas alors que les gens de la côte risquent de perdre un autre élément de leur filet de sécurité et, possiblement, leur vie.
Voilà ce qui m’amène ici aujourd’hui. Je vous remercie de l’invitation. Je suis aussi ici parce que la Garde côtière continue de museler tous ses employés, sans exception. Le ministre responsable a ordonné à la direction de la Garde côtière de mettre fin à cette pratique, mais encore aujourd’hui, il n’y a pas un seul employé de la Garde côtière qui ne craint pas de perdre son emploi ou sa sécurité en raison du maintien de ce bâillon. Ils sont terrifiés et me demandent de m’exprimer en leur nom.
Vous seriez beaucoup mieux servis en convoquant des membres du personnel des stations de recherche et de sauvetage — les stations des Services de communication et de trafic maritimes — et des gardiens de phare pour discuter des lacunes des services de sécurité sur la côte, lacunes qui résultent de politiques bureaucratiques et non d’une orientation politique.
Je tiens à ce que ce soit clair. Ce sont là des recommandations provenant des échelons inférieurs présentées au ministre par l’intermédiaire de la haute direction. Les programmes ne sont pas créés à l’initiative du ministre.
J’ai milité pendant presque 30 ans pour le maintien en poste des gardiens de phare, car ces gens assurent la prestation de services remarquables de façon efficace, fiable et peu coûteuse. Malgré tout, les gestionnaires de la Garde côtière insistaient pour dire qu’on n’avait pas besoin d’eux. Le comité sénatorial qui a rédigé le rapport mentionné précédemment n’était pas de cet avis et a convaincu le gouvernement de l’époque d’accepter ses recommandations.
Le sujet qui figure à l’ordre du jour du comité aujourd’hui est extrêmement vaste. La sécurité maritime et aérienne revêt une grande importance pour les gens de la côte, notamment. Par où commencer? C’est une question à laquelle j’ai beaucoup réfléchi ces derniers jours. Il y a tant de choses à dire.
Je dirai d’abord que de nombreux fournisseurs de services de sécurité de la côte Ouest ont communiqué avec moins pour me parler de ce qui doit changer. On me parle des pertes de services et des conséquences que cela entraîne.
Prenons un exemple lié aux communications, la fermeture du centre des Services de communication et de trafic maritimes de Comox, sur la côte est de l’île de Vancouver. Le centre était situé vis-à-vis du milieu du bassin de Géorgie, qu’on appelle aussi la mer des Salish. C’était l’une des stations les plus occupées de la côte, hormis celles de Vancouver et de Victoria. La station a été fermée en mai 2016, entraînant malheureusement la perte d’une couverture radio marine de grande importance pour les navigateurs et les aviateurs ainsi que la perte d’une autre station d’observation météorologique, qui était un autre de ses rôles.
Cette zone constitue la ligne de démarcation nord-sud du bassin, là où se chevauchent deux régimes météorologiques. La station offrait des informations essentielles aux navigateurs, mais tout cela est maintenant perdu. Toutefois, ce qui est plus important encore, c’est la perte d’un réseau de communication radio fiable qui couvrait l’ensemble de la baie de Géorgie ainsi que tous les passages et les îles au nord et à l’est de la station que je représente.
La charge de travail de la station a été répartie entre les stations de Prince Rupert et de Victoria. Je souligne que peu de temps auparavant, la station de Tofino, sur la côte ouest de l’île de Vancouver, a aussi été fermée, sous prétexte que cela permettrait de réduire les coûts, mais aussi que cela pourrait être couvert grâce aux nouvelles technologies, un refrain bien connu qui — je suis désolé de le dire — n’est tout simplement pas vrai.
En fin de compte, les économies ne se sont pas concrétisées et la technologie n’a pas donné les résultats escomptés, mais le pire, ce sont les conséquences inattendues, c’est-à-dire la perte de communications radio fiables et des activités de surveillance liées aux appels de détresse et à la circulation maritime.
J’ai ici un document que j’ai imprimé pour vous, des pages et des pages d’incidents consignés par les opérateurs radio professionnels des stations de Victoria et de Prince Rupert.
Ce sont ces gens qui répondent aux appels... Ou qui ne les entendent pas. Ils ont consigné tous les renseignements sur ces incidents : date, heure, nature de l’incident, nom, et cetera. Vous trouverez dans ces pages les renseignements sur les appels de détresse et les incidents manqués par ces deux stations en raison de la fermeture de la station de Comox qu’il y avait entre les deux. On parle d’appels qui n’ont pas été entendus ou pour lesquels le délai d’intervention a été trop long. Voilà le résultat d’un autre programme de bureaucrates qui a mal tourné. Ce programme mal conçu a été un échec, mais il se poursuit.
Je suis convaincu que la Garde côtière canadienne niera ces faits et se portera à la défense de ses programmes, mais dans le vrai monde, la question est de savoir à quoi nous devrions nous fier, vous et moi. Devrais-je croire les responsables d’un programme mal conçu, ou devrais-je me rapporter aux preuves factuelles qui me sont présentées par les professionnels qui travaillent sur le terrain?
Aux informations consignées par les opérateurs radio s’ajoutent les lettres et les témoignages de marins sur les appels qui n’ont pas été entendus ou reçus. Je n’aborderai même pas les histoires anecdotiques contenues dans ces lettres, car il existe des preuves concrètes.
On se retrouve malheureusement avec une erreur qui a été répétée tant de fois par divers gouvernements partout dans le monde, soit l’élimination d’un système parfaitement fonctionnel et des dépenses sans fin se chiffrant dans les millions de dollars pour corriger les lacunes. Nous avons tous entendu le vieux dicton qui dit : « Si ce n’est pas brisé, pourquoi le réparer? » Malheureusement pour nos marins et pour les contribuables canadiens, il semble que cela arrive beaucoup trop souvent.
Je tiens aussi à mentionner que l’élimination des services à la station de Comox a aussi une incidence sur la gestion du trafic maritime. Les contrôleurs chargés de la surveillance du trafic maritime ont empêché un nombre incalculable d’échouements aux conséquences potentiellement tragiques. La station était située... En fait, elle existe toujours. Elle est située sur un escarpement, environ 100 pieds au-dessus d’une importante zone de haut-fond, devant la station. Le secteur est parsemé d’énormes rochers qui sont couverts à marée haute. Il était fréquent que de gros bateaux de plaisance passent par cet endroit, mais sans connaître le danger. Les contrôleurs, des gens vigilants, utilisaient alors le canal de détresse — la voie 16 VHF — pour aviser les navigateurs du danger imminent et leur donner instruction de modifier leur trajectoire immédiatement, ce qui a permis d’éviter de graves accidents qui auraient nécessité la mobilisation de ressources de recherche et sauvetage.
Parmi les autres enjeux en matière de recherche et sauvetage, soulignons le retrait, il y a quelques années, du garde-côte de 71 pieds de la Garde côtière canadienne de la station de Campbell River. Il a été remplacé par un navire de 47 pieds conçus pour des conditions de navigation très différente des nôtres. Par exemple, il n’a pas le même rayon d’action ni la même capacité de remorquage que le navire précédent. Cela ne veut pas dire pour autant que ce n’est pas un bon navire ou que l’équipage ne se dépasse pas dans chacune de ses interventions. Nous avons les meilleurs équipages qu’on puisse imaginer, mais même les meilleurs équipages ont toujours besoin du meilleur équipement. Or, ce n’est pas le cas. Notre secteur est l’un des plus achalandés de la côte. Ces femmes et ces hommes travaillent sans relâche pour assurer la sécurité des navigateurs. Cela dit, il est peu probable que ces gens signalent les problèmes qui doivent être réglés, étant donné la consigne du silence qu’on leur impose. Il serait formidable que vous puissiez les rencontrer pour qu’ils vous racontent leurs histoires.
Enfin, je ne peux terminer mon exposé sans mentionner qu’après avoir arrêté le programme d’élimination des phares, le gouvernement a demandé à la Garde côtière canadienne de prendre certaines mesures, mais que rien n’a été fait. C’était en 2010.
Les communications sont un exemple. J’en fais mention, car cela fait partie du sujet dont nous discutons. Les stations de phare ne sont pas équipées de postes de radio VHF maritimes, qui sont pourtant un équipement de base pour la communication maritime. Tous les navires en sont équipés, mais pas les stations de phare.
Le poste de la Garde côtière canadienne de Victoria a des téléphones satellitaires qui ont été achetés pour servir d’outil de communication d’urgence dans les phares, mais ils sont encore dans des boîtes, quelque part dans un entrepôt. Ils ont été achetés il y a longtemps, mais n’ont jamais été distribués dans les phares. D’ailleurs, les phares n’ont toujours pas une connexion à Internet ni à l’intranet, pour les communications interministérielles.
Les stations n’ont toujours pas récupéré les bateaux qu’on leur a enlevés; en fait, on continue de les retirer, en avançant à tort qu’on le fait pour des raisons de sécurité. J’espère que vous poserez des questions à ce sujet.
Le commissaire de la Garde côtière sait-il combien de personnes ont été sauvées par des gardiens de phare qui avaient un bateau? Cela leur a permis d’aller en mer et de sauver des gens. Je suis du nombre. On leur a retiré les vestes de sauvetage et les survêtements protecteurs qu’ils avaient, sous prétexte qu’ils n’ont pas de bateau. On leur a enlevé les bateaux, puis l’équipement de sécurité, et ce, même si des équipements de flottaison sont exigés pour tout milieu de travail situé à proximité d’un plan d’eau.
Quant à la dotation pour les stations de phare, il règne une telle confusion que je ne sais même pas si on pourra régler la question sans aide extérieure. Les gestionnaires de la base de Victoria chargés de la dotation ne se sont pas attaqués au problème avec célérité. Comment pouvons-nous recruter de bons gardiens avec des offres ridicules, comme des emplois à très court terme et non permanents? Ajoutez à cela le fait qu’ils devront attendre plusieurs mois avant d’être payés en raison d’un système appelé Phénix, dont certains d’entre vous ont peut-être déjà entendu parler. Je rencontrerai le commissaire adjoint sous peu pour discuter de ces problèmes et d’autres enjeux.
Pour conclure, je tiens à remercier le comité de prendre le temps d’étudier des questions si essentielles à notre vie côtière et à notre économie. Je vous suis reconnaissant du travail que vous avez fait au fil des ans et des effets positifs que cela a entraînés. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions. J’y répondrai au meilleur de mes connaissances.
Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Abram.
Le sénateur McInnis : Je vous remercie d’être avec nous. C’était un excellent exposé. Nous aimons que nos invités s’expriment avec franchise, et c’est manifestement ce que vous avez fait. Vous êtes d’une grande éloquence. Assurer la présidence de l’Union of British Columbia Municipalities doit être une tâche colossale, j’imagine. Combien de municipalités y a-t-il en Colombie-Britannique?
M. Abram : Il y a 195 municipalités, toutes membres de l’Union des municipalités.
Le sénateur McInnis : Vous étiez sans doute un excellent dirigeant.
M. Abram : Merci.
Le sénateur McInnis : C’est intéressant, ce bâillon. Nous essayons d’aller au fond des choses. Nous pourrons peut-être faire quelque chose pour obtenir des renseignements de ceux qui sont sur le terrain. Cela peut parfois être difficile, car comme vous l’avez souligné, à juste titre, de nombreux employés pourraient être réticents à s’exprimer aussi candidement que vous.
Il est tout à fait logique de faire appel au réseau de phares, mais dans ce cas, on parle d’une personne dans un bateau. L’enjeu n’est pas là; c’est plutôt la communication, dont vous avez parlé. Vous dites que vous pourriez signaler l’incident si vous aviez accès à un réseau de communication, n’est-ce pas? Ce n’est pas que vous tenez nécessairement à participer aux opérations de sauvetage, même si vous l’avez fait, d’après ce que vous avez dit à la fin de votre exposé, je crois, à l’instar de beaucoup de gardiens de phare. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Abram : Oui. La communication est essentielle. Chaque station devrait avoir une radio VHF terrestre; il devrait aussi y en avoir une dans le bateau de la station, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Une radio VHF qui couvre une distance appropriée; celles de 25 watts représentent la norme. J’en ai une dans mon bateau… J’ai un petit bateau de 16 pieds et j’ai une radio de 25 watts. Les radios portatives se trouvent facilement. Elles ne coûtent pas cher. Ce sont habituellement des radios de 3 à 5 watts, mais elles peuvent couvrir une assez bonne distance. Avec les stations de phare ou toute autre station sur la côte, si une personne part en bateau, elle sera toujours dans les limites couvertes par cette radio de 3 à 5 watts, qui serait reliée à une station terrestre; la communication sera alors possible. La communication se fera aussi avec la station de la Garde côtière la plus près, un navire de la Garde côtière ou peut-être le centre de coordination de sauvetage de Victoria.
Lorsque j’étais gardien de phare, la communication était assez bonne. Je ne peux pas m’en plaindre. Nous devions acheter nos propres radios parce que la Garde côtière ne les fournissait pas. Cela ne me dérangeait pas vraiment. C’était un outil absolument nécessaire pour ce travail, et je ne voulais pas m’en passer. La communication était bonne. Elle s’est toutefois détériorée, en raison de la bureaucratie à la Garde côtière; ce n’est pas la faute des politiciens. Ils n’ont rien à voir avec les détails dont nous parlons aujourd’hui. Ils suivent les conseils des gens qu’ils embauchent. Si on leur donne de mauvais conseils, les politiciens n’ont habituellement pas d’autre choix que de s’y fier. C’est très triste. J’éprouve de la sympathie pour eux.
Le sénateur McInnis : Sur la côte Est, on veut éliminer les gardiens de phare et les phares. Est-ce le cas en Colombie-Britannique ou sur la côte? Combien de phares ont des gardiens ou une famille qui y habite? Je pose la question parce que cela me frappe, maintenant qu’on parle de recherche et sauvetage : nous avons toutes ces infrastructures. Elles sont disponibles. Est-ce qu’on veut les éliminer sur la côte Ouest?
M. Abram : Cette tendance a commencé en 1985. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que j’allais me battre contre cela. Il faut se rappeler tout d’abord que la politique sur les phares est une politique nationale. Ce qui se passe sur la côte Ouest se passera aussi sur la côte Est.
Le sénateur McInnis : Exactement.
M. Abram : Nous avons une politique nationale dictée par le bureau du commissaire, qui se rend jusqu’au ministre, et qui dit qu’il faut éliminer le personnel de toutes les stations. Nous nous sommes battus contre cela et nous avons gagné. Nous l’avons fait à quatre reprises. Nous en avons parfois perdu quelques-unes, parfois aucune. L’argument qu’on a fait valoir à l’époque — et vous venez d’y faire référence de manière judicieuse — c’est que l’infrastructure est déjà en place. Nous avons tout le nécessaire pour avoir une station isolée qui peut faire à peu près n’importe quoi. Elle peut permettre la communication et sauver des vies. Elle offre une aide à la navigation. Elle peut permettre de réaliser des études scientifiques, ce qui est fait régulièrement. Elle permet la recherche et le sauvetage, en collaboration avec d’autres organismes de recherche et sauvetage. Il y a 27 stations sur la côte Ouest et 24 sur la côte Est, au cas où je ne l’aurais pas dit.
Si l’on n’utilisait pas ces infrastructures, ce serait du gaspillage pour le gouvernement. Nous avons d’autres ministères comme le Service de l’environnement atmosphérique, Environnement Canada et la GRC. Nous travaillons en étroite collaboration avec la GRC à la surveillance des côtes et à d’autres choses. Ces organismes n’ont pas à reproduire ce qui existe déjà dans les phares; ils n’ont qu’à se joindre à nous.
Les gardiens de phare sont tout à fait d’accord avec cela depuis le début. Ils n’ont jamais demandé un sou de plus. Ils ne veulent pas d’argent. Ils veulent être utiles et ils veulent que leur temps soit utile lorsqu’ils sont à la station. Ils ne veulent pas seulement peindre des immeubles, tondre le gazon et observer les conditions météorologiques. Ils veulent tout faire.
Du point de vue du gouvernement, si j’étais roi, je proposerais d’utiliser les infrastructures existantes de toutes les stations — qu’il s’agisse d’une station radio, d’une station de phare ou d’autre chose — puisque cela me paraît logique.
Le sénateur Munson : Monsieur Abram, nous vous remercions de votre présence. Je dois vous avouer être en situation de conflit d’intérêts parce que mon arrière-grand-oncle, James Munson, a été le premier gardien du phare du cap Enragé de la baie de Fundy. C’était le premier phare carré du Nouveau-Brunswick. Il était gardien de phare en 1839.
M. Abram : C’est un honneur d’être avec vous.
Le sénateur Munson : Eh bien, il y a un lien. Je trouve qu’il est important de parler de lui. Son nom est inscrit sur une plaque. Ce phare a connu plusieurs nouveaux départs et aussi plusieurs fermetures, ce qui m’amène à la question de l’utilisation des phares. Je me demande comment l’ancien sénateur Pat Carney se sent ces jours-ci parce que dans le cadre de notre voyage à Victoria et à Comox pour le travail du comité, nous avons entendu parler de l’engagement à l’égard de la collectivité autochtone. L’idée était que la collectivité autochtone et les gens qui habitent le long des rives étaient les mieux placés pour savoir ce qui se passe. Ils peuvent facilement procéder à un sauvetage, et ils l’ont fait à de nombreuses reprises. Je crois qu’il en est de même pour les personnes qui ont habité les phares pendant toutes ces années et qui connaissent la côte de la Colombie-Britannique.
Y a-t-il un double usage ou un argument économique qu’on pourrait faire valoir non seulement en vue d’utiliser les phares pour la recherche et le sauvetage, mais aussi à titre d’attraction touristique? Est-ce viable sur le plan économique?
M. Abram : Vous faites valoir des points tout à fait valides. Comme vous le savez probablement en raison du Plan de protection des océans, les collectivités autochtones qui vivent le long de la côte ont été complètement ignorées. Or, leurs connaissances traditionnelles de ces régions sont immenses et dans de nombreux cas, les membres de ces collectivités sont les premiers arrivés sur les lieux d’un incident. Je ne dis pas que c’est toujours le cas. Dans de nombreux cas, ce sont les gardiens de phare qui sont les premiers sur les lieux et ils sortent les gens de l’eau. Dans bon nombre des cas, il s’agit d’un navire de passage, d’un plaisancier ou d’un bateau de pêche.
J’ai parlé publiquement de mes croyances personnelles et de ma théorie dans les médias et j’ai eu droit à de nombreuses critiques pour cela l’année dernière, lorsqu’il y a eu ces horribles feux en Colombie-Britannique. On se demandait s’il fallait utiliser tel ou tel équipement ou s’il fallait plus de ceci ou de cela. Ce que je disais aux médias, c’est que lorsqu’il se passe quelque chose d’aussi gros et d’aussi catastrophique, il faut utiliser tout ce qui est à notre disposition, sans hésiter. C’est ce que l’on fait en situation de recherche et sauvetage. Tout le monde intervient. Tous ceux qui se trouvent dans la zone lorsqu’il y a un appel de détresse… Tout le monde répond.
Au bout du compte, quelqu’un sera chargé du sauvetage du navire. Ce sera peut-être le navire de la Garde côtière le plus près ou un bateau des Premières Nations de Hartley Bay, comme cela a été le cas pour le Queen of the North, le traversier de la Colombie-Britannique qui a coulé. On ne peut pas les comparer. Ce sont tous des atouts très importants qui doivent être utilisés, au maximum.
Le sénateur Munson : Qu’est-ce qui bloque, à votre avis? Vous en avez parlé dans votre exposé. Est-ce que ce sont les hauts fonctionnaires ici à Ottawa ou en Colombie-Britannique et ailleurs, qui ont mal conseillé les ministres au fil des années en leur disant : « Non, nous avons maintenant des technologies sophistiquées qui peuvent être utilisées par la Garde côtière et par d’autres. »? Il ne coûterait pas très cher de faire fonctionner ces phares comme ils devraient fonctionner.
M. Abram : Cela ne coûte pas très cher. Les problèmes ont commencé lorsqu’on a lancé le programme de suppression des postes de gardien de phare.
Cela a commencé lorsque de nouvelles technologies ont fait leur apparition tous les jours et que les gens se sont dit : « C’est le nouveau iPhone, le nouveau Samsung ou peu importe; il me le faut. »
La pire chose qui soit arrivée au cours de cette période, c’est qu’un groupe qui s’appelle l’Association internationale de signalisation maritime, je crois, se réunissait chaque année, avec un représentant par pays, et disait : « Nous avons découvert la plus grande invention depuis le fil à trancher le beurre, et nous croyons que tout le monde devrait l’utiliser. »
C’est ce qu’ils ont commencé à faire. Ils ont commencé à installer des détecteurs de brouillard; des surplus du gouvernement des États-Unis qui étaient vendus parce qu’ils ne fonctionnaient pas. Le gouvernement canadien ne le savait pas à l’époque. Il a acheté ces détecteurs, dont les gardiens de phare se sont occupés pendant toutes ces années. Ils n’ont jamais fonctionné de manière appropriée. Au bout du compte, nous sommes toujours les opérateurs « à sécurité intégrée » de la corne de brume.
Les lumières sont passées d’une distance d’éclairage de 15 milles à une distance de 2,5 milles, puis à 2 milles. C’est fou. S’il y a une lumière là, pourquoi ne pas vouloir qu’elle éclaire le plus possible? La quantité d’énergie utilisée est minime et les bureaucrates y ont cru. Les gens qui suivaient la technologie, les ingénieurs, et cetera — je ne dis pas que les ingénieurs sont de mauvaises personnes; ce n’est pas le cas — étaient d’avis qu’il fallait évoluer au même rythme que le reste du monde.
Le problème, c’est que le monde se rend compte qu’il a besoin de plus de phares. On construit des phares dans 17 pays du monde à l’heure actuelle. Non seulement on renfloue leurs effectifs, mais on en construit de nouveaux.
Nous n’avons pas besoin de rivaliser avec nos voisins. C’est ce qu’on faisait à l’époque : on suivait le rythme des Américains. Les États-Unis avaient dégardienné la plupart de leurs phares et la bureaucratie du Canada croyait qu’elle pouvait faire la même chose.
Mais notre côte est différente.
Sur la côte Ouest de l’Amérique du Nord, il est difficile de trouver une place pour s’arrêter. Sur la côte de la Colombie-Britannique, il est difficile de savoir où vous vous trouvez, parce qu’il y a 27 000 kilomètres de ligne de côte de Prince Rupert jusqu’à la frontière de Washington. La situation est très différente.
Je ne peux pas vous dire avec certitude quel était le problème à l’époque, mais je peux vous dire quel est le problème aujourd’hui : le bon sens n’est pas aussi bon qu’il devrait l’être. Il faut user de bon sens et bien utiliser nos ressources, parce que les ressources nationales, provinciales et locales diminuent sans cesse.
Nous n’avons pas beaucoup d’argent, alors il vaut mieux l’utiliser intelligemment. En tant que représentant élu, je dois toujours penser à cela. Mon assiette fiscale n’est pas très importante. C’est la même chose pour les provinces et le fédéral. Il faut utiliser cet argent à bon escient.
La sénatrice Coyle : Merci, monsieur Abram. J’aime beaucoup votre franchise. J’ai quelques questions à vous poser. Combien de phares toujours en fonction sur la côte de la Colombie-Britannique sont dotés de personnel?
M. Abram : Sur la côte Ouest, 27 phares sont dotés de personnel.
La sénatrice Coyle : Il y a donc des gens qui y travaillent.
M. Abram : Oui, ils sont entièrement dotés et des gens y travaillent 24 heures sur 24, chaque jour de l’année.
La sénatrice Coyle : Combien de phares de la côte Ouest ne sont pas dotés de personnel?
M. Abram : Je ne le sais pas par cœur. Lorsque j’ai commencé à travailler en 1979, il y avait 43 stations de phare dotées de personnel sur la côte Ouest. On prévoyait déjà de procéder à la suppression des postes de gardien de huit phares, je crois. Chaque fois qu’on faisait cela, on éliminait quelques stations. Nous sommes passés de 43 à 27 stations de phare à un certain moment.
Il y a toujours les phares. Il y a une différence entre les phares et les stations de phare. Les stations sont entièrement fonctionnelles. Les phares sont tout simplement des balises. Parfois, ce sont des balises avec une corne de brume automatisée.
On les retrouve sur toutes les côtes : la côte Ouest, la côte Est et dans les provinces de l’Est. Je ne crois pas qu’il y en ait sur la côte nord.
On appelle ces balises des aides à la navigation, mais ce ne sont que des lumières; il y a parfois un klaxon. Ces balises ne font rien d’autre. Elles n’offrent pas de services météorologiques sur le terrain et ne font pas de recherche et de sauvetage, rien de cela.
La sénatrice Coyle : Lorsque vous avez parlé de la perte de deux installations à Comox et à Tofino, il ne s’agissait pas de stations de phare, n’est-ce pas?
M. Abram : Non. En fait, c’était ce qu’on appelle des stations des services de communication et de trafic maritimes. Elles se chargeaient des communications, du trafic maritime, qui est très important, surtout à une époque où le trafic maritime est très élevé, et elles se chargeaient du trafic d’hydravions et d’hélicoptères.
Elles se chargeaient également des rapports météorologiques, qui font partie du système de l’Organisation météorologique mondiale. Chaque station du monde transmet ses données à la même heure par l’entremise d’une station radio, dont deux n’existent plus. Ensuite, l’information est transmise à Environnement et Changement climatique Canada ou au service météorologique national des États-Unis, et cetera. Cela permet de brosser un portrait global de la météo. On utilise ces données aux fins des prévisions météorologiques et aussi pour les bulletins météorologiques locaux. Les marins qui passent sur la côte Ouest et qui n’utilisent pas les services météorologiques n’ont pas les idées claires. Il faut savoir ce qui se passe sur le plan météorologique entre le point A et le point B si vous passez par cette zone.
La sénatrice Coyle : Comme nous l’avons entendu, la prévention représente la meilleure approche en ce qui a trait à la recherche et au sauvetage maritimes. Il faut que les investissements servent à cette fin, n’est-ce pas?
J’ai une dernière question. Vous avez parlé des équipages de qualité; j’essaie de comprendre à quels équipages vous faites référence. Vous avez dit qu’on avait les meilleurs équipages qui soient, mais qu’ils n’avaient pas accès aux meilleurs outils. Est-ce que ce sont ces gens qui sont bâillonnés, selon vous?
M. Abram : Oui, ils sont tous bâillonnés. Je pourrais dire la même chose pour tous les membres des équipages, que ce soit pour les stations de phare, les stations radio ou les stations de recherche et sauvetage. Ce sont toutes des personnes de haut niveau.
Ce que j’aimerais que les sénateurs comprennent, c’est que pour ces gens, ce n’est pas seulement un travail; c’est une vocation. Les gens travaillent là parce qu’ils y croient. Je suis désolé, je deviens un peu émotif lorsque je parle de cela, parce que ma femme et moi — et tous les autres gardiens de phare et leur conjoint — avons dû sortir des gens de l’eau à de nombreuses reprises, vivants ou non. Je pense à tous les navires qui ont été sauvés. Ils n’auraient pas pu l’être sans les stations de phare.
Bon nombre d’entre eux auraient été couverts par les stations de recherche et de sauvetage de la Garde côtière, aucun doute là-dessus, et c’est encore le cas aujourd’hui. En ce qui concerne les systèmes de gestion du trafic maritime, les phares n’étant pas dotés de bateaux, on n’était pas en mesure de faire ce travail, mais on pouvait certes orienter les efforts. S’il fallait intervenir quelque part, on disait aux personnes où aller.
Tous ces travailleurs sont des gens de qualité, qui ont besoin d’outils de qualité et qui doivent être respectés par leur employeur, à savoir la Garde côtière canadienne.
Le sénateur Christmas : Un instant, je vous prie, monsieur Abram. J’essaie de relier les points. Si je vous comprends bien, vous dites que les stations de phare dotées de personnel sont sous-utilisées et qu’elles pourraient jouer un rôle important dans les opérations de recherche et de sauvetage sur la côte Ouest. Ces gens ont besoin de respect, j’en conviens certes, mais êtes-vous également en train de dire qu’ils n’ont pas de bateaux ni d’équipement VHF? Quels investissements seraient nécessaires pour que les stations de phare soient utilisées pleinement comme installations de recherche et de sauvetage?
M. Abram : C’est là une question fascinante. Ce que vous devez savoir, c’est que la quasi-totalité de ces stations avaient des bateaux. Une poignée d’entre elles en étaient dépourvues en raison de leur situation géographique. Elles étaient perchées sur des falaises de 150 pieds, et il n’y avait aucun moyen de mettre un bateau à l’eau. C’est logique. Toutes les autres stations dont l’emplacement permettait une mise à l’eau possédaient des bateaux, et on parle ici d’embarcations de très bonne qualité. Il s’agissait, pour la plupart, de canots pneumatiques de type Zodiac ou d’embarcations à coque en aluminium soudé. Ces bateaux sont construits à cette fin et ne coûtent pas très cher. À l’époque, il suffisait de payer 5 000 $ pour acheter un bateau — ces modèles ne mesurent que 15 ou 16 pieds de longueur; on ne parle pas de gros bateaux —, et le tour était joué.
Pour ce qui est des radios VHF, vous pouvez vous en procurer une dans n’importe quel magasin de fournitures marines pour moins de 500 $ si vous achetez le meilleur modèle; un modèle portatif coûte 200 $. Quelle valeur accordons-nous à la vie? Si vous dépensiez 10 000 $ pour moderniser une station et redorer son blason, vous n’auriez tout de même que des dépenses de 27 000 $ sur la côte Ouest. Je ne pense pas qu’il y ait là de quoi inquiéter la Garde côtière.
Cela dit, si vous voulez mettre le phare à la disposition d’autres ministères, ces derniers seront prêts à payer la Garde côtière pour les services rendus, plutôt que le gardien de phare; cet argent sera versé dans la caisse de la Garde côtière canadienne pour être utilisé dans le cadre du programme. Voilà ce qui est insultant.
J’ai ici un dossier de deux pouces d’épaisseur. Il s’agit d’une étude commandée en 1988 par la Garde côtière canadienne, et on y fait mention de tous les ministères fédéraux et provinciaux ainsi que de toutes les universités ayant manifesté la volonté d’utiliser des stations de phare. Chacun de ces organismes était disposé à envoyer des gens, au besoin, ou à utiliser les phares comme logements provisoires, ou peu importe. Ils étaient également prêts à nous payer.
Si cette source de revenus existe, pourquoi n’en profitons-nous pas? Certains organismes n’ont pas les moyens de payer. C’était le cas de quelques universités. Il va de soi que nous ne demanderions jamais à la GRC de payer. Pourtant, nous participons à la surveillance côtière. Pour en revenir à la question de la pollution par les hydrocarbures, les gardiens de phare étaient les premiers à dénoncer le déversement de pétrole causé par le Nestucca à la fin des années 1980. Ils étaient les premiers à signaler la plus grande saisie de stupéfiants au Canada sur la côte ouest de la Colombie-Britannique, sur l’île de Vancouver. Ils étaient les premiers à mettre au jour les activités de passage de clandestins sans précédent dans la baie Nootka. Ils ont signalé ces cas au ministère de la Défense, à la GRC et à la Garde côtière. Les gardiens de phare assurent la surveillance des eaux. Ils savent quels navires ont le droit d’être là et lesquels n’en ont pas le droit. Lorsqu’ils repèrent un intrus, ils alertent les autorités.
Recourir à ces autres organismes ou leur permettre d’utiliser les stations de phare, voilà qui me paraît plein de bon sens. On ne peut demander mieux.
Le sénateur Christmas : Si nous devions maximiser le rôle des stations de phare dans les opérations de recherche et de sauvetage, j’imagine qu’un des arguments que le gouvernement pourrait invoquer, c’est que pour agir comme premiers intervenants, les gardiens de phare doivent être certifiés. Ils doivent suivre une formation. Que répondriez-vous à cet argument? Le personnel des stations de phare a-t-il accès à ce genre de formation et de certification pour être en mesure de mener des opérations de recherche et de sauvetage?
M. Abram : C’était le cas avant. Il y avait un programme appelé RIOT. C’est un acronyme, mais je ne sais pas ce que cela désigne. Il s’agissait d’un cours de formation que les gardiens de phare suivaient à un endroit appelé Bamfield, et on leur offrait un cours accéléré sur le maniement de ces bateaux et les diverses techniques de sauvetage. On ne donne plus cette formation. C’était, nous a-t-on dit, pour des raisons financières, mais nous savons que c’était plutôt pour des motifs bureaucratiques. C’est parce que les gardiens de phare recevaient une couverture médiatique très positive. On ne voulait pas qu’ils aient bonne presse parce qu’il devenait alors très difficile de dire : « Nous voulons nous débarrasser des gardiens de phare. Ils ne font rien. Ils se contentent d’entretenir les phares. Nous pouvons automatiser les stations. »
Oui, la formation serait nécessaire, et je suis tout à fait d’accord pour dire que cela s’impose. Tous les gardiens de phare recevaient avant une formation. Lorsqu’ils étaient affectés à des stations, on leur accordait du temps pour qu’ils aillent suivre une formation à Victoria ou ailleurs.
Notre formation en météorologie était offerte par un instructeur accrédité du Service de l’environnement atmosphérique, qui venait vivre avec nous pendant 10 jours. Il sortait dehors avec nous, en pleine nuit, pour nous montrer un nuage en disant : « Le nuage là-bas est très différent, et il faut le connaître parce que c’est un nuage dangereux. » Nous avions l’habitude de signaler tous ces types de nuages dans nos rapports météorologiques pour l’aviation et la navigation, mais bon nombre d’entre eux ont été annulés ou raccourcis par la Garde côtière — encore une fois, dans le but de réduire la visibilité des gardiens de phare. Je trouve cela déplorable. Je suis désolé, mais je ne mâcherai pas mes mots.
Le sénateur Christmas : Monsieur Abram, vous avez dit au début de votre témoignage que vous avez un registre des incidents qui fait état des appels non reçus ou qui contient des lettres décrivant certains incidents. Avez-vous le droit de transmettre ces renseignements au comité?
M. Abram : Absolument. Je compte les envoyer à la greffière du comité. J’ai tout cela ici. J’ai passé en revue tous les courriels que j’ai reçus de la part d’employés de la Garde côtière qui sont bâillonnés, car ils n’avaient pas le droit de me transmettre ces renseignements. J’ai parcouru les messages et j’ai biffé tous les indices susceptibles de les identifier. Ce n’est que de l’information, mais c’est très détaillé.
En voici un exemple : 15 h 3, The West View — c’est un navire — essaie à nouveau d’appeler la radio de la Garde côtière à Victoria. Impossible d’établir la communication. On entend le capitaine crier. Voilà le genre de message qui est inscrit dans les registres de ces stations. Ce sont des renseignements publics. En fait, je ne devrais pas utiliser le terme « publics ».
Ce sont des renseignements que la Garde côtière possède, et on peut y avoir accès au besoin.
Je ne manquerai pas d’envoyer ce document à la greffière du comité pour que vous en preniez tous connaissance.
La sénatrice Raine : Merci beaucoup, et merci aussi de votre franchise.
J’aimerais que vous nous décriviez, si vous voulez bien, les différents types d’activités de recherche et de sauvetage qu’une station de phare pourrait effectuer, sachant qu’il y a deux personnes dans une station en tout temps, et c’est habituellement un couple. L’une pourrait s’occuper des communications radio et l’autre pourrait prêter assistance. Pourriez-vous expliquer en quoi consiste la capacité réelle, pour ainsi dire, ou le potentiel d’une station en matière de sauvetage et de recherche?
M. Abram : Merci de me poser cette question, parce que j’en ai parlé ce matin avec le commissaire adjoint de la Garde côtière, et j’ai été choqué.
En tout cas, la plupart du temps, il y a deux familles qui vivent dans une station : le gardien de phare et le gardien de phare adjoint, à titre d’employés, accompagnés de leurs conjoints respectifs. Souvent, il y a aussi des enfants, allant des tout-petits jusqu’aux jeunes presque adultes.
En cas d’incident sur l’eau, si le gardien de phare peut partir tout seul sans danger en bateau, alors c’est ce qu’il fera. C’est ainsi que nous avons toujours procédé. Nous ne partions pas deux personnes à la fois, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Nous y allions seuls. Par exemple, il pouvait s’agir d’un bateau en panne, c’est-à-dire un bateau qui a eu un problème mécanique ou qui risque de prendre feu à cause de cela, ou peu importe. Nous emportions avec nous un extincteur ou une pompe d’incendie, ou nous allions tout simplement remorquer l’embarcation à un endroit sûr. C’était une des situations. Bien entendu, nous étions en contact radio avec l’autre gardien de phare dans la station ou avec l’un des conjoints. C’était toujours acceptable; il n’y avait pas de problème.
En revanche, lorsqu’il s’agissait de personnes tombées à l’eau, alors nous devions tous intervenir. Les deux gardiens de phare partaient en bateau. Si je me souviens bien, dans un incident survenu au large de l’île Entrance, près de Nanaimo, sur l’île de Vancouver, neuf naufragés ont tous été repêchés par les deux gardiens de phare. C’est parce que ces derniers avaient à leur disposition un petit bateau. Ainsi, les naufragés ont été retirés de l’eau et emmenés au phare où ils ont reçu des soins pour hypothermie, puis transférés au navire de recherche et de sauvetage de la Garde côtière qui était venu les chercher, avant d’être transportés en ambulance.
Cela s’est produit sur la côte Ouest, au cap Beale. Des cas similaires ont eu lieu à de nombreuses autres stations, et cette façon de faire n’a jamais posé de problème. Or, pour une raison ou une autre, c’est devenu un problème dans notre société litigieuse, car les gens disent : « Eh bien, vous ne pouvez pas envoyer une seule personne; il en faut deux et, par conséquent, nous ne dépêcherons personne si vous n’êtes pas deux. »
Pour un gardien de phare, ce serait une véritable gifle. Cette règle ne serait fort probablement pas respectée. Je suis désolé, mais si nous avons enfreint la loi, c’était pour une bonne raison.
Nous nous faisions toujours dire par certains gestionnaires qui étaient de notre côté qu’en cas d’urgence, tout est permis : il faut faire ce qui s’impose. Que vous soyez ou non un opérateur de radio certifié ou que vous ayez ou non l’autorisation de manier un bateau de sauvetage, si vous savez comment accomplir la tâche, vous pouvez le faire.
D’ailleurs, cela faisait toujours partie de notre formation. Nous devions suivre des cours pour apprendre à utiliser une radio VHF. Nous étions des opérateurs radio certifiés. Il ne s’agit pas simplement de prendre une radio, comme M. Untel ou comme un enfant, et de dire : « Allô, allô? » Nous faisons les choses correctement et selon les règles.
Pour en revenir à votre question, sénatrice Raine, les gardiens de phare se font maintenant dire qu’ils doivent être deux à bord du bateau, faute de quoi ils ne peuvent pas intervenir. Eh bien, à mon avis, c’est ridicule. Si tel est le cas, si c’est ce qu’exige la loi, alors il faut la modifier. J’ignore à qui revient le mandat de changer la loi, ou quel niveau de bureaucratie ou quels responsables politiques décident qu’il en est ainsi. Il faut s’adresser à ces décideurs, et ceux-ci doivent modifier la loi de sorte qu’il soit possible de changer les règles en situation de détresse. Comme il s’agit de politiques, on peut toujours les modifier.
Le vice-président : Nous allons passer à une deuxième série de questions.
La sénatrice Coyle : Merci encore une fois. Vos déclarations ont été éclairantes, pour ainsi dire. J’ai beaucoup appris de votre témoignage d’aujourd’hui.
Je suis curieuse. Nous avons évidemment entendu des témoignages, comme vous pouvez vous en douter, de représentants de la Garde côtière. Que pensez-vous que les fonctionnaires de la Garde côtière nous diraient, ou que les dirigeants de la Garde côtière nous diraient, si nous leur communiquions ce dont vous nous avez fait savoir?
M. Abram : Je présume que cela dépend de l’endroit où vous êtes. Si vous étiez dans vos chambres, ils vous diraient une chose. S’ils étaient au pub du centre-ville, ils vous diraient sans doute autre chose. Je suis certain qu’ils contesteraient tout ce que je vous ai dit aujourd’hui car cela ne cadre pas avec leur programme. C’est très déplorable car on m’a toujours appris à dire la vérité.
En fait, la dernière fois où j’ai comparu à Ottawa devant un comité du Sénat — j’étais assis dans cette enceinte —, les témoignages des représentants de tous les ministères, qui ont pris la parole sur la question à l’étude, étaient inexacts. J’étais disposé à le signaler à tous les membres, mais nous avons manqué de temps.
Si le commissaire de la Garde côtière venait témoigner demain et vous disait : « Eh bien, la loi a changé et deux personnes doivent être à bord d’un bateau », alors tant mieux; changez-la à nouveau. Modifiez-la de manière à ce que vous ne soyez pas tenus d’avoir deux personnes à bord d’un bateau ou de manière à ce que l’une de ces personnes soit l’épouse d’un gardien de phare.
Pour votre gouverne, en ce qui concerne les épouses qui sont des gardiennes de phare à temps plein, la majorité d’entre elles ont reçu la même formation que les gardiens de phare qui sont rémunérés, la seule différence, c’est qu’elles ne sont pas payées. La Garde côtière a donc quatre employés pour le prix de deux. Dans mon cas, et il en va de même pour de nombreux autres, c’est plus que quatre; c’est six. J’ai deux enfants qui, à l’adolescence, ont vu — car ils nous ont signalé les incidents à mon épouse et à moi — des gens tomber à l’eau. Sans leurs yeux et leurs oreilles, s’ils n’avaient pas regarder aux larges avec des jumelles et n’avaient pas signalé les incidents, ces personnes seraient mortes. Ils étaient dans des zones de remous de marée dans des eaux extrêmement froides, dans de mauvaises conditions météorologiques, pas habillées assez chaudement et sans dispositif de flottaison. J’ai pu — parce que le temps était mauvais — téléphoner à la station de recherche et de sauvetage, qui a dépêché un bateau immédiatement et qui a pu sortir ces gens de l’eau et sauver leur vie.
Si ce genre d’incident survient, les hauts dirigeants de la Garde côtière doivent dire, « Nous allons soutenir nos employés, car ils viennent en aide au pays ».
La sénatrice Coyle : C’est tout à fait vrai.
Je présume que vous êtes un homme qui n’a pas l’intention de se taire. Vous soulevez sans doute les arguments dont vous nous faites part depuis un moment. Comment les gens réagissent-ils?
M. Abram : Toutes les personnes avec qui j’ai discuté de l’efficacité des mesures dont je vous ai parlé convenaient qu’il faut continuer d’utiliser les stations de phare au maximum, de secourir des gens et d’entretenir de bonnes communications.
Au début du programme, avant que les gens sachent ce qui s’est réellement passé aux stations de phare, aux stations de communications maritimes ou aux stations de recherche et de sauvetage, avant qu’ils soient au courant, bon nombre d’entre eux disaient : « Pourquoi ne pouvons-nous pas tout simplement automatiser la lumière? » Bien entendu, on peut automatiser la lumière. On peut automatiser tout ce qui est électronique, mais cela ne réglera pas le reste. Ces gens tiennent absolument à ce qu’il y ait du personnel à ces stations.
La sénatrice Coyle : Merci beaucoup.
La sénatrice Hartling : Désolée de mon retard. J’ai vu le sénateur Manning à la Chambre et je croyais que la réunion du comité n’avait plus lieu. Quoi qu’il en soit, je suis ici.
Merci beaucoup de votre déclaration. J’ai grandi dans l’Est du Canada, et les phares font partie intégrante de notre région. J’ai toujours été fascinée par les phares et les gens qui y travaillent.
Ma question porte sur la retraite et le recrutement. D’un point de vue générationnel, vos fils ou vos filles deviendraient-ils des gardiens de phare, ou disent-ils : « Oh non, je ne veux pas faire cela car nous l’avons fait toute notre vie »? Comment procède-t-on au recrutement lorsque des gens prennent leur retraite?
M. Abram : Bien souvent, les enfants des gardiens de phare deviennent eux aussi des gardiens de phare. Les deux enfants des gardiens au phare de la pointe Carmanah, un de sexe masculin et un de sexe féminin, sont devenus des gardiens de phare, ont gravi les échelons et occupent maintenant des postes de gardiens principaux de phare.
Ce n’est pas la seule méthode de recrutement. Les principales activités de recrutement ont toujours été menées par la Garde côtière canadienne, qui affichait une offre d’emploi chaque année, effectuait des entrevues et dressait une liste de 20 candidats pouvant convenir pour devenir gardiens de phare. Lorsqu’un emploi est vacant, la personne dont le nom figure au haut de la liste passe une entrevue et est mise sur la sellette pour voir si elle est apte à accomplir cette fonction. Le cas échéant, la personne est embauchée.
Ce processus a été mis de côté. Le processus actuel est pêle-mêle car quelqu’un dit : « On a besoin d’un gardien de phare à telle ou telle autre station », et on tente de transférer un gardien de phare pour pourvoir le poste, mais on libère ainsi un poste pouvant être comblé par une épouse.
Nous avons commencé à combler des postes à de plus en plus de stations où deux couples mariés étaient les gardiens du phare car le recrutement n’a pas suivi la cadence avec le temps. Vous savez que la planification de la relève est certainement quelque chose que toutes les entreprises doivent faire. On n’a pas effectué efficacement cette planification avec les stations de phare et c’est actuellement un problème. Je l’ai mentionné dans mon exposé, et la dotation en personnel à Victoria n’est pas du tout effectuée, et nous sommes confrontés à des situations où des gardiens de phare ne peuvent pas prendre congé, même si c’est pour des raisons médicales, car il n’y a personne pour les remplacer. C’est tout à fait inadmissible. Il doit y avoir une liste de personnes que l’on peut appeler.
Le système de paye que j’ai mentionné plus tôt, le système Phénix, que certains d’entre vous connaissent sans doute, est en train de tuer les stations de phare. On veut embaucher un gardien de phare pour une période déterminée de quelques jours, semaines ou mois pour faire le travail, mais on doit ensuite lui dire : « Désolé, mais on vous paiera dans six mois. » Cela ne plaît pas aux gens car la majorité d’entre eux ont besoin de cet argent. Je sais que c’est un problème qui touche l’ensemble de la fonction publique à l’heure actuelle. Le système doit être aboli. Je ne sais pas qui était le programmeur qui a mis en place le système, mais il faut régler la situation d’une façon ou d’une autre.
La sénatrice Hartling : Vous avez répondu à moitié à la question. Je pensais aux femmes. Si des femmes occupaient cet emploi, ce pourrait être un bon métier pour elles, à mon avis. Je pensais également à ce que vous avez dit sur les couples. Est-il déjà arrivé que ce n’était pas un couple, mais deux personnes qui travaillaient au phare?
M. Abram : Certainement. En ce qui concerne les femmes, permettez-moi de revenir en arrière. Je n’ai pas compris la question ou une partie de la question.
Il y a probablement 50 p. 100 des femmes ou des gardiens aux stations à l’heure actuelle qui sont des femmes, et elles sont les gardiennes principales du phare. Elles sont les grandes patronnes. Elles sont d’excellentes gardiennes de phare. Elles peuvent assumer toutes les tâches qui doivent être accomplies. Elles peuvent suivre toutes les formations nécessaires. Le genre n’a pas d’importance.
L’orientation sexuelle ne fait aucune différence, ce peut être une femme et un homme, un homme et un homme, ou une femme et une femme. Je fais allusion à deux personnes essentiellement lorsque je parle de « couples ».
Le sénateur McInnis : J’ai une question brève à poser : avez-vous mentionné la Loi sur les océans?
M. Abram : Je l’ai assurément fait.
Le sénateur McInnis : Et vous avez mentionné…
M. Abram : Désolé. Puis-je apporter une correction? J’ai mentionné le Plan de protection des océans. C’est le PPO. C’est l’annonce qui a été faite il y a quelques années sur les fonds de 1,5 milliard de dollars qui seront injectés pour la côte Ouest.
Le sénateur McInnis : C’est exact. Merci.
Le vice-président : Monsieur Abram, avant que je vous remercie officiellement, je tiens à vous dire que l’heure que nous avons passée avec vous a été fascinante et stimulante. Merci beaucoup. À l’instar de mes collègues, je reconnais que vous avez porté à notre attention des questions dont les membres du comité n’avaient guère conscience. Nous vous en sommes très reconnaissants.
Permettez-moi, cependant, de vous poser la question suivante : vous avez fait un certain nombre d’allégations très graves concernant la Garde côtière, les bâillons et sa motivation de prendre certaines mesures bureaucratiques, notamment. Ce sont de graves allégations et nous les prenons au sérieux. Si vous aviez des éléments de preuve ou des renseignements pour étayer ces allégations, ce serait utile si vous pouviez les faire parvenir à la greffière du comité. Nous serions ainsi mieux à même d’évaluer vos témoignages et de les examiner comme il se doit, ce que les Canadiens et vous méritez.
Sur ce, je tiens à vous remercier au nom des membres du comité — je suis désolé. Vous alliez dire quelque chose? Je ne voulais pas vous interrompre.
M. Abram : J’aimerais dire que j’ai environ 20 boîtes de dossiers qui renferment les renseignements dont vous parlez.
Le vice-président : Je lis rapidement, mais je ne suis pas certain que je pourrai lire tous ces documents. Je ne vous demande évidemment pas de divulguer des renseignements qui placeraient des gens dans une situation délicate. Il est tout simplement difficile pour le comité de donner du poids à votre témoignage, aussi sincère soit-il. Si vous croyez que ce serait utile pour que nous puissions faire une évaluation appropriée, je vous invite à communiquer avec les greffiers, et nous serons ravis de recevoir les renseignements que vous voudrez bien nous fournir.
M. Abram : Je vous remercie de l’offre, et je pense que c’est un point fort valide. Je sais que mes allégations sont graves. J’ai fait preuve de circonspection. Comme vous le savez, je suis un représentant gouvernemental local. Je fais toujours attention. Comme être humain, j’essaie de peser mes mots et de ne pas offusquer les gens. Or, lorsque des gestes sont carrément inacceptables, il faut le signaler aux personnes appropriées.
À mon avis, vous êtes les personnes appropriées. Vous êtes les membres du Sénat, vous êtes les oreilles du gouvernement, et vous faites savoir au gouvernement que vous avez recueilli les faits et pris les mesures nécessaires pour qu’il puisse prendre les bonnes décisions. Je vous suis extrêmement reconnaissant du travail que ce comité fait. Les sénateurs avant vous et avec vous qui ont travaillé dans ce dossier ont rendu un service exceptionnel à ce pays.
Le vice-président : Merci, monsieur Abram. Je vous remercie encore une fois au nom du comité, et je vais maintenant clore la séance.
(La séance est levée.)