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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 2 - Témoignages du 24 février 2016


OTTAWA, le mercredi 24 février 2016

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été déféré le projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique, se réunit aujourd'hui, à 11 h 32, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et bonjour, chers témoins. Le Comité des droits de la personne se réunit à nouveau aujourd'hui pour étudier le projet de loi S-201. Avant que nous commencions, j'aimerais que les sénateurs se présentent. Nous présenterons ensuite les témoins qui comparaissent ce matin, et notre porte- parole.

La sénatrice Frum : Linda Frum, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Cowan : Sénateur Cowan, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : La sénatrice Hubley est arrivée. Sénateur Munson, de l'Ontario, comme je l'ai dit, mon cœur est au Nouveau-Brunswick.

Nous sommes ici aujourd'hui pour étudier encore une fois le projet de loi S-201. Nous avons le quorum.

[Français]

Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique.

[Traduction]

Nous avons entamé notre étude sur le projet de loi la semaine dernière. Nous en sommes à une nouvelle étape de l'étude, que nous poursuivons aujourd'hui.

Nos premiers témoins, ce matin, sont le Dr Ronald Cohn, codirecteur du Centre de médecine génétique, chercheur principal à l'Hôpital pour enfants de Toronto, Département de pédiatrie et de génétique moléculaire, Université de Toronto, ainsi que Stephen W. Scherer, directeur, Centre de génomique appliquée, Hôpital des enfants malades et Centre McLaughlin de l'Université de Toronto. Nous accueillerons également plus tard ce matin, je l'espère, Bruce Ryder, professeur à l'Osgoode Hall Law School.

Docteur Cohn, nous allons commencer avec vous et entendre une courte déclaration liminaire.

En tant que président du comité, je tiens à souligner que je considère ceci comme étant une conversation et non pas une confrontation. Nous continuerons nos discussions sur ce projet de loi.

Dr Ronald Cohn, codirecteur du Centre de médecine génétique, chercheur principal, Hôpital pour enfants de Toronto, Département de pédiatrie et de génétique moléculaire, Université de Toronto, à titre personnel : Merci beaucoup de votre présentation, mais surtout, merci de me donner l'occasion de vous faire part de certaines des expériences que j'ai vécues au cours des trois dernières années et demie depuis que j'ai quitté les États-Unis pour déménager à Toronto.

Merci, sénateur Cowan, d'avoir présenté un projet de loi important, qui a des répercussions considérables sur la façon dont nous gérons et traitons nos patients.

Je veux vous donner trois exemples d'expériences que j'ai eues au cours de la dernière année, depuis ma comparution l'année dernière où je vous avais fait part de quelques autres exemples.

Cette fois-ci, j'aimerais discuter d'exemples que j'ai vécus au cours de ma pratique médicale, qui va de la recherche aux soins cliniques. J'espère que les exemples que je vais vous donner de patients et de problèmes précis causés par l'absence de loi au Canada pour se protéger contre la discrimination génétique vous aideront dans vos discussions et me permettront de répondre à certaines de vos questions.

Le premier exemple, que vous vous rappelez sans doute si vous avez lu ma déclaration de l'année dernière, c'est que nous avons mené une étude à l'hôpital pour enfants malades peu de temps après mon arrivée, où nous avons examiné le balayage et le séquençage de la génomique complète — le séquençage d'un génome complet — et les avons comparés au test clinique que nous effectuons en ce moment, qui est un test de microréseau. C'est un test qui a été administré auprès de plus de 100 patients. Vous vous rappelez sans doute que je vous ai dit la dernière fois que 35 p. 100 des familles qui ont été pressenties n'ont pas participé à l'étude car elles avaient peur de la discrimination génétique.

J'aimerais mettre l'accent sur une famille en particulier, car nous avons maintenant été en mesure de publier les résultats de l'étude. C'était une famille dont le fils de 14 ans a d'énormes problèmes médicaux et qui veut qu'un diagnostic soit posé depuis le premier jour où il a commencé à être malade. Ce garçon est né avec de multiples problèmes médicaux qui se sont poursuivis jusqu'à l'âge de 14 ans. Cette famille a voyagé à l'extérieur du Canada, aux États-Unis ainsi qu'au Royaume-Uni, pour essayer de trouver des réponses. Quand j'ai communiqué avec la famille, j'ai dit, « Nous ne sommes pas dans une situation de vous offrir, du moins sur le plan de la recherche, un test qui a de fortes chances de vous fournir la réponse que vous cherchez ». La mère a eu une réaction émotive car elle a dit, « C'est la première fois qu'une personne me donne de l'espoir de trouver une réponse à l'une des questions que je me pose depuis 14 ans. ».

Lorsque nous avons passé par le processus du consentement, j'ai dû informer la famille, de toute évidence, qu'il y avait un problème de discrimination génétique et qu'il y avait un risque pour l'enfant, de même que pour la famille et la famille élargie, car nous pourrions trouver des problèmes chez d'autres membres de la famille.

Après avoir consulté son mari, elle m'a téléphoné en pleurs et a dit, « Je ne peux pas faire cela; peu importe à quel point je veux avoir une réponse, je ne peux pas le faire ».

Ensuite, elle a vu notre étude qui a été publiée en janvier, dans le cadre de laquelle nous avons pu démontrer que le séquençage génétique, comme nous nous en attendions, est meilleur que les tests cliniques actuels et permet de poser plus de diagnostics génétiques. Elle a dit qu'elle a dû consulter un psychiatre car elle était très déprimée en raison du fait qu'elle n'a pas pu participer à l'étude. Quand elle a vu que l'étude était en fait bénéfique, cette nouvelle a en quelque sorte fait régresser toute sa thérapie.

Je sais que c'est un peu dramatique et que cela n'arrive pas à tous les patients qui sombrent dans la dépression, mais je pense qu'il y a aussi beaucoup de gens qui veulent obtenir une réponse depuis de nombreuses années et qui sont si près du but, mais qui doivent alors prendre la décision rationnelle de ne pas continuer.

C'est un exemple de situation qui s'est produite lorsque je faisais des recherches.

Je pense que ce qui est plus important encore, ce sont les exemples de soins cliniques qui surviennent dans ma clinique tous les jours et qui n'ont rien à voir avec le séquençage génomique et le séquençage à haut débit, ce dont M. Scherer parlera. C'est l'avenir. La discrimination génétique n'est pas seulement associée au séquençage à haut débit; c'est associé à tous les types de tests génétiques que j'offre en ce moment.

Le prochain exemple est l'une de mes amies qui m'a téléphoné car elle sait que je suis généticien. Elle a remarqué qu'il y avait du sang dans ses selles, alors elle a subi une colonoscopie à l'âge de 30 ans qui a révélé de nombreux polypes, qui ont tous été retirés durant la colonoscopie.

Son gastroentérologue a dit ceci : « Étant donné que l'un des membres de votre famille a déjà eu un cancer du côlon à un jeune âge, je suis inquiet que vous ayez peut-être une mutation génétique qui vous prédispose au cancer du côlon. » En tant que femme avisée, elle m'a téléphoné et m'a dit ceci : « Je n'ai pas d'assurance-vie. Que vais-je faire maintenant »? Je lui ai répondu : « Tu peux souscrire à une assurance-vie avant de passer le test, ou si tu passes le test, alors tu vas devoir payer des primes plus élevées. »

Compte tenu de la façon dont le milieu de la santé au Canada fonctionne, elle a dû faire le test génétique afin d'être couverte par le régime d'assurance-maladie de l'Ontario pour sa colonoscopie qu'elle doit subir chaque année en prévention du cancer du côlon.

Je veux expliquer le dilemme auquel elle était confrontée. D'une part, elle voulait obtenir une assurance-vie, mais ne pouvait pas l'avoir si elle voulait faire le test génétique, qui a donné des résultats positifs. Elle a décidé de ne pas souscrire à une assurance et de subir une colonoscopie annuelle couverte par la RAMO, ce qui, au final, la gardera en vie.

Il est très important de savoir que, même avec une assurance-maladie, vous pouvez vous retrouver dans une situation où vous devez choisir l'un ou l'autre plutôt que de bénéficier des deux.

Le dernier exemple est probablement le plus difficile pour moi à vous faire part. C'est l'histoire d'une famille que j'ai rencontrée peu de temps après mon arrivée à Toronto. Certains d'entre vous savent sans doute que l'un de mes domaines de compétence en médecine clinique est de prendre soin d'enfants qui ont un faible tonus musculaire et des déficiences neurologiques. J'ai vu une fille de 10 ans à ma clinique qui avait un faible tonus musculaire et un retard du développement qui ont empiré avec les années. Elle est née presque normale et, à l'âge de cinq ans, son état a commencé à décliner lentement.

Fait intéressant, sa mère avait des symptômes très légers également. Quand j'ai vu l'enfant et que j'ai examiné la mère, même si j'ignorais le type de maladies que je cherchais, je craignais que l'enfant souffre d'une maladie neurologique générale évolutive héritée de la mère. J'ai suggéré un groupe de gènes. Lorsque nous effectuons des tests génétiques maintenant, bien souvent, nous ne testons pas seulement un gène, mais un groupe de gènes. Dans ce cas-ci, j'ai testé 36 gènes différents pour trouver des maladies potentielles.

Là encore, comme il faut passer par le processus de consentement pour que ce test clinique soit offert, la question de la discrimination génétique a été soulevée. La mère a dit : « Quels sont les risques? Quelle est la probabilité que j'aie la même maladie? » J'ai répondu : « À ce stade-ci, je dois supposer que vous avez une version plus bénigne de la maladie dont souffre votre fille. » Nous avons eu une longue discussion, et pas seulement au sujet de l'assurance-vie, car je pense que ce qui est important ici, c'est qu'en ce qui concerne la discrimination génétique et la protection contre cette discrimination, il n'y a pas que l'assurance-vie. Il faut aussi protéger les membres de la société.

Même si le fait de ne pas savoir quoi faire et de ne pas avoir d'assurance-vie ou d'assurance-invalidité de longue durée lui posait problème, elle a notamment parlé de la façon dont elle gérera cette situation au travail si elle n'a pas vraiment de couverture. Elle a dit, « Comment mon patron va me regarder si j'ai une maladie et qu'il apprend les invalidités graves dont souffre ma fille — quelle incidence cela aura-t-il sur moi?

Elle m'a demandé, « Quels sont les chances que l'on puisse faire quelque chose si vous trouvez un diagnostic? ». Je lui ai répondu, « Je ne le sais pas, car j'ignore quelle est la maladie ». Il n'y a pas de traitement pour la majorité des troubles génétiques.

Elle a donc décidé de ne pas le faire.

Elle est venue me voir deux ans plus tard, plus récemment, et elle a décidé de le faire. Nous avons donc fait le test génétique, et les résultats ont été très surprenants. Il a permis de découvrir une maladie à laquelle je ne m'attendais pas, car c'était une présentation très anormale de la maladie. L'an dernier, un groupe de médecins des États-Unis, du Canada et du Royaume-Uni ont fait un essai clinique d'un nouveau médicament pour le traitement de cette maladie qui est maintenant terminé. La mère de l'enfant m'a donc demandé si elle aurait pu participer à cet essai clinique si nous avions connu le diagnostic il y de cela deux ans. Quoi répondre à cela? Peut-être, oui. Je ne sais pas si elle est aurait été admissible conformément aux critères d'inclusion et d'exclusion, mais elle n'a même pas eu la chance d'essayer.

Un journaliste qui s'intéressait au sujet m'a demandé récemment comment je réagissais face à tout cela. La meilleure façon de le décrire serait de dire que cela me paralyse. Cela me paralyse en tant que clinicien de ne pas pouvoir offrir les meilleurs soins qui soient aux patients de ma clinique et à leur famille, parce que nous ne disposons pas de protections adéquates contre la discrimination génétique.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, docteur Cohn. Nous cédons maintenant la parole à M. Scherer.

J'aimerais rappeler à tout le monde qu'il nous reste une bonne heure pour discuter de la question, alors nous avons du temps devant nous.

Stephen W. Scherer, directeur, Centre de génomique appliquée, Hôpital des enfants malades et Centre McLaughlin de l'Université de Toronto, à titre personnel : D'accord. Alors, vous me permettez de parler pendant une heure?

Le président : Je vous ai déjà entendu parler; vous aviez parlé pendant une heure du gène manquant. Vous êtes certainement éloquent.

M. Scherer : Merci beaucoup de m'avoir invité. C'est peut-être l'un des jours ou un des témoignages les plus importants de ma carrière, et je salue les efforts et le temps consacrés à cette question par ce groupe de chercheurs.

Permettez-moi de me présenter. Je suis titulaire d'un doctorat en génétique moléculaire. Mon travail consiste donc à étudier l'ADN, à trouver des variantes génétiques et à tenter de les associer à la maladie. Je suis dans ce domaine depuis 25 ans maintenant.

Avant de vous parler davantage de l'importance de la génétique, je me permets le commentaire suivant. Je crois personnellement que personne ne doit être traité différemment en raison du bagage génétique que nous ont transmis nos parents, et qu'ils ont eux-mêmes hérité de leurs parents. En un sens, nous partageons tous les mêmes souches si on remonte aux premiers ancêtres de la planète Terre.

La génétique et l'ADN sont les plus puissantes sources d'information à notre disposition, car ce sont les seules à nous éclairer sur le passé, le présent et l'avenir d'un individu.

Le problème, c'est que ce n'est pas toujours totalement prévisible. Cela suppose un facteur de risque. Dans certains cas, c'est effectivement prévisible, dans d'autres, tout est en zone grise.

J'ai pensé dire quelques mots à propos de la variation génétique. Je ne sais pas si vous avez eu un cours de « génétique 101 » au début de l'étude, mais il est important de prendre un peu de recul et de parler non seulement de nos nombreux points communs, mais aussi de ce qui fait que chaque personne est unique en soi. Cela influe sur la problématique de la discrimination génétique.

Comme le disait le Dr Cohn, pour la toute première fois, nous avons les technologies voulues pour séquencer le génome d'un individu issu d'une population, ce qui est le produit du Projet du génome humain, mais nous pouvons aussi séquencer le génome de quiconque dans cette pièce en deux jours et pour environ 1 000 $ US. Dans mon laboratoire de Toronto, nous allons séquencer le génome de 10 000 sujets en 2016. Ce n'est pas la technologie de l'avenir, nous l'avons déjà. Tous les hôpitaux d'enseignement du Canada effectuent des milliers de tests génétiques chaque année, en partie à des fins de recherche, mais également dans le cadre de services cliniques réguliers.

L'avenir de la génétique est assuré, parce qu'elle ne peut que prendre plus d'ampleur et qu'elle est déjà bien implantée.

Pour revenir à la variation génétique, notons que le génome est le complément parfait de l'ADN, héritage compris dans nos 23 paires de chromosomes. Qu'on le veuille ou non, chacun de nos parents biologiques est responsable de la moitié de notre hérédité; la moitié de notre bagage vient de notre mère, et l'autre, de notre père. Lors du développement des cellules germinales, tout cela se mélange, et c'est ce mélange qui contribue à vous rendre unique.

Mon laboratoire possède des données non publiées qui pourraient nous permettre de quantifier les nouvelles modifications génétiques qui sont propres aux individus par rapport à celles qu'ils ont héritées de leur mère et de leur père. Les mêmes données pourraient servir à vos familles. Environ 100 nouvelles modifications génétiques peuvent être décelées dans le génome d'un individu si on le compare à celui de ses parents.

Quand on parle de troubles génétiques, la majorité d'entre eux proviennent de variantes génétiques héréditaires. Il existe plus de 6 000 troubles génétiques distincts, comme la fibrose kystique, la dystrophie musculaire, dont on a parlé, et certaines formes de cancer.

Mon laboratoire étudie les troubles du spectre de l'autisme. Il y a plus de 100 formes d'autisme qui sont causées par des facteurs génétiques, et de nos jours, un nouveau-né sur 68 est atteint d'autisme.

Que cela nous plaise ou non, la réalité est que si vous n'êtes pas vous-même touché par un trouble génétique, quelqu'un de votre entourage le sera. Il faut étudier ces lois avec grand soin, car elles auront des répercussions sur tout un chacun, et pas seulement dans l'immédiat, mais aussi dans l'avenir.

La variation génétique est particulièrement intéressante, à mon avis, car le génome que porte chacune des milliers de milliards de cellules de notre organisme est lui-même composé de quelque 3 milliards d'informations chimiques. C'est une quantité incroyable de données génétiques. La variation des génomes des personnes ici présentes — race noire, race blanche, asiatique — est de 1 p. 100. Peu importe notre bagage, l'écart est de 1 p. 100. Cela peut paraître minime, mais sachant qu'il y a 3 milliards de lettres chimiques, cet écart correspond à 3 millions. Nous sommes uniques en ce sens que nous sommes tous porteurs de différences uniques en soi, mais nous avons aussi beaucoup de choses en commun, puisque 99 p. 100 de notre génome est le même. C'est le bagage qui nous est transmis, commun à l'ensemble de l'humanité. Quelqu'un peut développer une forme de cancer du côlon, par exemple. Cela est principalement attribuable à la mutation d'un gène précis. Pour la fibrose kystique, 70 p. 100 des personnes touchées ont subi une mutation très précise, et cette mutation est sous-jacente à l'information génétique que nous portons tous. D'une certaine façon, nous sommes tous porteurs. Je crois que nous devons voir les choses sous cet angle. Le principal message à tirer du Projet du génome humain, quand Bill Clinton et Tony Blair ont annoncé le premier séquençage du génome en 2000, est que nous partageons tous une humanité commune, un ADN commun. Quand on pense aux décisions qui seront prises à cet égard, il faut penser aux répercussions qu'elles auront sur les personnes atteintes de ces maladies et sur leur famille, mais aussi sur le reste de la société. C'est primordial, car tout le monde sera touché d'une manière ou d'une autre.

J'aurais seulement deux commentaires à formuler. Notre projet de séquençage de l'autisme a grandement été financé par les organismes subventionnaires canadiens : les Instituts de recherche en santé du Canada pendant plus de 15 ans, Génome Canada, et la Fondation canadienne pour l'innovation, de même que les National Institutes of Health aux États-Unis et des dizaines d'autres organisations, dont Autism Speaks au Canada et aux États-Unis. Des technologies aujourd'hui dépassées, les microréseaux dont parlait le Dr Cohn, nous sommes passés au séquençage complet du génome, car les coûts et l'échelle des travaux nous permettent de le faire. J'ai parlé tout à l'heure du séquençage des génomes de 10 000 familles touchées par l'autisme. Le but de cet exercice est de dégager des sous-catégories d'autisme, de façon à pouvoir personnaliser les plans de prise en charge médicale en fonction de chaque patient.

Il y a une dizaine d'années, nous ne savions rien des facteurs génétiques causant l'autisme — et il s'agit d'un trouble génétique; aujourd'hui, on peut les expliquer à au moins 20 p. 100 des familles touchées, et cette proportion augmente rapidement à mesure que des tests sont effectués. Nous pouvons expliquer à ces familles pourquoi leur enfant est autiste. Parfois, nous sommes en mesure de confirmer le diagnostic, et parfois, nous pouvons leur donner de l'information sur les consultations génétiques concernant les risques d'autisme chez les futurs enfants de la famille. D'autres fois encore, nous pouvons leur donner des plans de prise en charge et des protocoles de traitement, et leur indiquer les médicaments que leurs enfants devraient et ne devraient pas prendre. Toutes ces avancées ont été faites en 10 ans, grâce aux découvertes dans le domaine de la génétique. Je pourrais vous donner des dizaines d'autres exemples pour d'autres troubles neuropsychiatriques. Les plus grandes avancées ont probablement été réalisées dans le domaine de l'oncologie, mais nous en avons appris sur tous les troubles médicaux. Il y a toujours une composante génétique.

Maintenant que la technologie nous permet de séquencer un génome pour environ 1 000 $, c'est un peu comme si nous avions trouvé le Saint-Graal. Nous pouvons commencer à effectuer ces tests à plus grande échelle. J'étais le chercheur principal d'un projet national subventionné par la Fondation canadienne pour l'innovation le printemps dernier. Les recherches sont effectuées à l'Hôpital pour enfants de Toronto, à l'Université McGill à Montréal, et à l'Université de la Colombie-Britannique à Vancouver. Ce projet, d'une valeur de 58 millions de dollars et mené en collaboration avec des partenaires provinciaux et différents établissements, a pour but d'établir un réseau de séquençage du génome appelé le Centre pour l'entreprise canadienne de la génomique. Les appareils de pointe qui nous permettent de faire ce séquençage pour 1 000 $ sont mis en place dans ces trois laboratoires du Canada. Les nôtres sont en fonction. Dans le cadre de cette entreprise, nous aurons la capacité de faire environ 30 000 séquençages par année. Il s'agit d'un projet de recherche, mais il vise également à alimenter la banque de données qui informeront toutes les autres familles à l'avenir.

Les National Institutes of Health des États-Unis viennent d'annoncer, en janvier, je crois, un investissement d'un quart de million de dollars dans ce secteur, dans le sillon de l'initiative sur la médecine de précision du président Obama.

On dit souvent que la génétique joue un rôle dans la médecine, mais en fait, la génétique va plus tard dicter l'application des traitements médicaux pour l'ensemble des troubles, affections et maladies. Pour tirer pleinement profit des possibilités offertes, et pour qu'elles aient une réelle incidence sur les contribuables, les parties prenantes et les familles, nous devons adopter des lois qui les protégeront, de façon à ce que l'information ainsi produite soit utilisée à bon escient.

Je suis heureux de pouvoir parler de la technologie et des avancées réalisées. Tout cela est très excitant. Jamais une percée scientifique ne nous avait permis de produire des données à une telle échelle.

Je vous laisse sur cette réflexion. Je vous ai parlé de notre projet sur l'autisme. C'est un projet qui s'étend à l'échelle de l'Amérique du Nord, et nous travaillons de concert avec Autism Speaks, notre groupe à l'Hôpital pour enfants, et Google, la plus grande entreprise d'information au monde. Le jour où nous avons séquencé les 500 premiers génomes, lorsque nous avons transféré ces données génétiques vers Google — il y a environ un an —, il s'agissait du plus important transfert de données jamais reçu par Google. Il est question de quantités massives de données. Nous poursuivons les recherches, mais les répercussions cliniques se font déjà sentir dans l'ensemble des secteurs des sciences médicales et de la santé.

L'avenir de la génétique se joue maintenant, et nous devons nous assurer que tout le monde est protégé.

Le président : Merci. Monsieur Scherer, j'ai visité votre laboratoire et j'ai eu connaissance de cette histoire. C'est fascinant tout cela, et j'encourage les sénateurs à y jeter un coup d'œil, notamment en ce qui concerne l'autisme. Gardons cela à l'esprit dans nos questions sur les lois à adopter pour protéger les gens.

Nous entendrons maintenant Bruce Ryder, qui est ici avec nous. Il est professeur à la faculté de droit Osgoode Hall.

Bruce Ryder, professeur, faculté de droit Osgoode Hall, à titre personnel : C'est un grand plaisir pour moi d'être ici ce matin et d'avoir l'occasion de m'adresser à vous concernant le projet de loi S-201, une importante initiative présentée par le sénateur Cowan.

Je suis avocat en droit constitutionnel. J'enseigne à la faculté de droit Osgoode Hall, à l'Université York, de Toronto. Je détonne un peu dans mon domaine, en ce sens que je suis de la génération ayant grandi avec la Charte, mais cela ne signifie pas que les parties plus anciennes de la Constitution ne m'intéressent pas. En fait, les premiers articles que j'ai écrits portaient sur la séparation fédérale des pouvoirs dans la Loi sur la Constitution de 1867, et je continue à faire des recherches et à rédiger des articles sur la question. J'espère que cela me permettra de vous aider à vous faire une idée à propos de ce projet de loi sur le plan constitutionnel. C'est essentiellement là-dessus que porteront mes commentaires ce matin. Je vous expliquerai pourquoi, à mon avis, il est très clair que l'ensemble du projet de loi est un exercice tout à fait valide des pouvoirs législatifs du Parlement. Je vais surtout mettre l'accent sur les articles 3 à 7, les dispositions qui prévoient des interdictions et une exemption aux interdictions et aux sanctions, car à mon sens, il s'agit de la seule partie de la loi qui pourrait susciter la controverse en ce qui concerne la Constitution, car la modification d'autres lois fédérales relève évidemment de la compétence du Parlement.

Du point de vue du droit constitutionnel, et selon moi, le cœur de la question est la compétence fédérale en matière de droit criminel et sa portée. Il s'agit aussi de voir comment cela interagit avec les pouvoirs législatifs provinciaux, notamment le pouvoir législatif des provinces d'adopter des lois relatives à la propriété et aux droits civils, qui leur permet de réglementer la plupart des entreprises, des transactions contractuelles locales — les transactions qui sont effectuées dans une province, y compris la réglementation de l'industrie de l'assurance — et des employeurs, ceux n'ayant pas d'activités réglementées par le gouvernement fédéral.

Tout d'abord, le pouvoir fédéral en matière de droit criminel est énoncé au paragraphe 91(27) de la Loi sur la Constitution de 1867. Le cas d'espèce pour son interprétation est une décision de la Cour suprême du Canada de 1949, appelée le Renvoi sur la margarine. Dans cette affaire, le juge Rand a déterminé que pour être valide, le droit criminel adopté par le Parlement, ou une loi que le Parlement prétend adopter sous l'égide de son pouvoir en matière de droit criminel, doit avoir comme caractéristique dominante la mise en place d'interdictions, accompagnées de sanctions, pour ce qu'il a décrit comme des fins courantes d'intérêt public en matière de droit criminel. Il a ensuite énuméré quelques exemples, comme préserver la paix publique, l'ordre ou la sécurité, ou promouvoir la santé ou la moralité. Il s'est empressé d'ajouter qu'il ne s'agissait pas d'une liste exhaustive, car de nouveaux maux sociaux font leur apparition au fil du temps, et le Parlement doit être en mesure de s'y attaquer grâce à son pouvoir en matière de droit criminel. Par exemple, on convient aujourd'hui que la dégradation environnementale est un des plus grands défis de l'ère actuelle et que le Parlement fédéral peut s'y attaquer, et il le fait en exerçant son pouvoir en matière de droit criminel.

C'est la définition fondamentale. C'est ce qui est suivi depuis. Est-ce que la loi et ses dispositions ont pour caractéristique dominante de mettre en place des interdictions, accompagnées de sanctions, en vue de s'attaquer à un mal social, comme les menaces à la sécurité ou à l'ordre, ou les menaces à la santé ou à la moralité? Au cours des dernières décennies, la Cour suprême du Canada a maintes fois insisté sur le fait qu'il s'agit du pouvoir le plus vaste et le plus flexible du Parlement. Le juge La Forest a déclaré, par exemple, que ce pouvoir est « de nature plénière » et que la « Cour a pris soin de ne pas geler la définition à une époque déterminée ni de la restreindre à un domaine d'activité fixe », de façon à ce que le Parlement ait la compétence en matière de droit criminel — un mécanisme flexible — pour s'attaquer aux nouveaux maux sociaux. Même quand les compétences se chevauchent avec celles des provinces, le Parlement peut prendre les devants grâce au pouvoir qui lui est conféré en matière de droit criminel.

Lorsque mes étudiants pensent à la compétence visant la loi criminelle, ils pensent que nous parlons du Code criminel. Nous parlons bien du Code criminel, mais ce n'est pas tout, parce qu'il y a une vaste gamme de lois fédérales qui ont été maintenues en vertu de la compétence fédérale en droit criminel. J'en dresse la liste dans mes notes qui vous seront remises. Je n'ai pas besoin de les passer en revue, mais permettez-moi d'en mentionner quelques-unes.

Les lois traitant de la promotion de la concurrence, ce que nous appelions à l'époque les dispositions anti-coalitions, ont été maintenues en vertu de la compétence en droit criminel. Les dispositions ayant trait à la protection des consommateurs dans la Loi sur les aliments et drogues, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et les dispositions ayant trait aux substances toxiques dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ont toutes été maintenues en vertu de la compétence en droit criminel. Certaines infractions prévues dans le Code criminel visent précisément le secteur des valeurs mobilières. Par exemple, il y a l'interdiction de présenter de faux renseignements dans des prospectus comme moyen de négocier des actions. C'est interdit en vertu du Code criminel, et la Cour suprême du Canada a confirmé cette interdiction. Les dispositions sur les actes interdits dans la Loi sur la procréation assistée interdisent le clonage, la vente de matériel reproductif et la rétribution d'une mère porteuse. Ces dispositions ont été confirmées par la Cour suprême du Canada il y a quelques années dans le Renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée. Voilà des exemples de la portée et de la flexibilité de la compétence visant la loi criminelle.

Les tribunaux ont également très largement défini les pouvoirs des législatures provinciales d'adopter des lois sur la propriété et les droits civils, comme le prévoit le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867.

Un exemple de cela est la fameuse cause Citizens' Insurance Company c. Parsons, l'une des premières décisions dans lesquelles le Conseil privé de Londres a interprété notre Constitution. Les juges ont conclu que la réglementation de l'industrie de l'assurance relève des provinces. Le Parlement peut cibler des opérations internationales ou interprovinciales d'assurance comme il le peut dans toute autre industrie, mais les contrats d'assurance sont majoritairement conclus dans une province. Par conséquent, le Conseil privé a déclaré que cela relève des provinces. Les tribunaux appliquent depuis cette décision, qui date de 1881.

Le Parlement n'a pas toujours respecté la compétence provinciale. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, il y a eu de nombreuses tentatives du gouvernement fédéral pour réglementer l'industrie de l'assurance en adoptant des systèmes de délivrance de permis et en rendant passible d'une infraction criminelle quiconque ne respectait pas les modalités d'un permis. Les tribunaux ont rappelé au Parlement qu'il ne pouvait pas le faire; la réglementation de l'industrie de l'assurance relève des provinces, mis à part certaines exceptions relativement aux opérations internationales et interprovinciales, comme je l'ai mentionné.

Dans toutes ces causes qui ont invalidé les tentatives du gouvernement fédéral de réglementer l'industrie de l'assurance, les tribunaux étaient saisis d'une loi fédérale qui visait à réglementer l'industrie de manière détaillée et exhaustive, et ils ont déterminé que la caractéristique dominante de la loi, soit son essence, était de réglementer l'industrie de l'assurance, ce que le Parlement ne peut pas faire.

En ce qui concerne le projet de loi S-201, les parties controversées — je ne crois pas qu'elles le sont, mais d'autres pourraient être d'un autre avis — sont les articles 3 à 7. Ces articles établissent de manière générale les interdictions et les peines. Pour vérifier leur validité constitutionnelle, il faut déterminer si leur essence est liée à la loi criminelle et si leur caractéristique dominante est de mettre en place des interdictions, qui s'accompagnent de peines, pour lutter contre un fléau social. C'est la question.

Parallèlement, pouvons-nous dire en examinant ces articles que leur essence vise la réglementation de l'industrie de l'assurance ou d'une autre industrie ou d'employeurs sous réglementation provinciale?

En vue de répondre à cette question, les tribunaux examineront l'objectif et les effets de la loi. Ils disséqueront chaque élément de la loi : son titre, le libellé des dispositions et ses effets pratiques probables. Ils éplucheront l'histoire législative et détermineront si l'objectif du Parlement est de lutter contre un fléau social ou s'il essaye subrepticement de réglementer une question qui relève des provinces.

Dans le cadre de cette étude, nous examinons la provenance du projet de loi, ce qu'il prévoit, son titre, l'effet réel des dispositions et leurs conséquences juridiques. Il me semble assez évident que l'essence du projet de loi est d'interdire la discrimination génétique. C'est motivé par un problème, et c'est, comme nous l'avons entendu, dans l'intérêt supérieur de la santé des Canadiens. De plus, l'interdiction de la discrimination génétique encouragera les gens à passer des tests génétiques, ce qui aura d'énormes bienfaits pour la santé. Voilà comment je comprends la genèse du projet de loi. Voilà pourquoi son titre est la Loi sur la non-discrimination génétique.

D'après notre analyse, quels effets les dispositions que j'ai mentionnées plus tôt, soit les articles 3 à 7, ont-elles exactement? Elles interdisent d'obliger une personne à subir un test génétique — vous ne pouvez pas y être contraint — et à communiquer les résultats d'un test. Elles interdisent également à quiconque d'utiliser les résultats de tests génétiques sans le consentement écrit de la personne visée. Ces interdictions s'appliquent, comme le libellé du projet de loi le précise, à « quiconque ». Elles s'appliquent à tout le monde, à nous tous. Elles ne font pas mention d'une industrie précise ou de tout type d'acteur. L'article 7 prévoit des exceptions aux interdictions pour les professionnels de la santé et les chercheurs, ce qui n'est pas inhabituel en droit criminel ou dans les lois relevant de la compétence en droit criminel.

La Loi sur le tabac en est un bon exemple. C'est une loi fédérale valide en matière criminelle. Elle prévoit des interdictions très exhaustives concernant la commercialisation du tabac, mais elle prévoit aussi des exceptions en la matière dans certaines circonstances précises. La Cour suprême du Canada a dit que ce n'est pas un problème. La loi vise seulement à définir avec soin et précision la portée des interdictions criminelles. L'article 7 prévoit des peines très sévères pour ceux qui contreviennent aux interdictions prévues aux articles 3 à 5. La gravité des peines ne permet pas de déterminer si une loi relève de la compétence fédérale de légiférer en matière criminelle, mais c'est une bonne indication, si le projet de loi est adopté, que le Parlement prend au sérieux ces torts et qu'il adopte une approche punitive ou pénale à leur égard.

Pour toutes ces raisons, c'est évident à mes yeux, du moins, que la caractéristique dominante du projet de loi ou de ces dispositions en particulier est de mettre en place des interdictions s'accompagnant de peines qui visent à protéger les personnes contre le fléau social de la discrimination génétique. L'essence de ces dispositions correspond donc parfaitement à la définition de la loi criminelle qu'appliquent les tribunaux canadiens depuis le Renvoi sur la margarine à la fin des années 1940.

Les dispositions ne cherchent pas à réglementer dans le détail une activité qui relève des provinces. C'est différent de certaines des lois fédérales adoptées au début du XXe siècle qui visaient à réglementer l'industrie de l'assurance, ou des dispositions sur les activités réglementées de la Loi sur la procréation assistée, et que la Cour suprême du Canada a invalidées plusieurs années passées. Ces mesures législatives étaient une tentative, d'après l'opinion du juge Cromwell, de réglementer dans le détail toutes les facettes de la recherche et de l'activité clinique liée à la procréation assistée.

Ce n'est pas ce dont il est question ici. Il ne s'agit pas d'un système de délivrance de permis ou d'une forme élaborée de réglementation. Il s'agit d'interdictions, qui s'accompagnent de peines. C'est ce à quoi une loi pénale ressemble normalement.

Cela dit, il est vrai que les articles 3 à 7 ou même peut-être l'ensemble du projet de loi ont des conséquences importantes sur des domaines qui relèvent des provinces. Pour ceux qui ont une vision naïve des questions constitutionnelles, c'est un drapeau rouge : « Oh non! Cela a des conséquences importantes sur un domaine qui relève des autres ordres de gouvernement. » C'est vrai. Cela se produit tout le temps dans le droit constitutionnel canadien. Il existe une théorie bien connue des constitutionnalistes, soit la théorie du double aspect. Cela signifie que de nombreuses questions ont un double aspect, à savoir qu'elles peuvent être traitées du point de vue du gouvernement fédéral ou des provinces.

Comme vous le savez, ce n'est pas inhabituel pour nous d'avoir des chevauchements législatifs dans bien des domaines au pays. La réglementation des valeurs mobilières en est un bon exemple. Cela relève principalement des provinces, mais le Code criminel contient des dispositions visant à interdire certaines pratiques frauduleuses concernant la négociation de valeurs mobilières.

Le Code de la route en est un autre exemple. Le Code criminel prévoit de nombreuses infractions dans ce domaine, mais les provinces ont toutes des codes de la route qui chevauchent et complètent ce que prévoit à certains égards le Code criminel.

Bref, lorsqu'il est question de compétences partagées, c'est souvent le rôle du Parlement d'être un chef de file et d'établir certaines normes de base, puis les provinces choisissent souvent d'adopter des mesures qui viennent compléter la loi fédérale à certains égards, combler des lacunes et régler des détails. Les provinces ont le droit de le faire, tant que leurs lois ne contredisent pas la loi fédérale et qu'elles concordent avec la loi fédérale. Autrement, elles deviendront inopérantes en raison de ce que nous appelons la doctrine de prépondérance fédérale.

Bref, même si des lois pénales fédérales ont des conséquences sur des domaines qui relèvent des provinces, cela ne les rend pas en soi inconstitutionnelles. Au contraire, les tribunaux ont jugé qu'une grande partie du droit pénal fédéral concerne des domaines ayant un double aspect. Comme je l'ai mentionné, la réglementation sur les valeurs mobilières et le Code de la route en sont des exemples.

D'après moi, c'est également le cas de la discrimination génétique. Les provinces ont le droit de légiférer dans ce domaine, conformément au paragraphe 92(13), tout comme le Parlement a le droit de le faire en ce qui a trait à la loi criminelle, conformément au paragraphe 91(27), et c'est exactement ce que visent les articles 3 à 7 du projet de loi.

Merci beaucoup.

Le président : Merci, monsieur Ryder. Passons aux séries de questions. Nous avons 30 minutes pour discuter de cet important projet de loi et de ce tout aussi important sujet.

La sénatrice Frum : J'aimerais tout d'abord remercier notre distingué panel de sa présence et de son excellent travail.

Professeur Ryder, ma question s'adresse à vous, parce que nous avons un problème, comme nos deux premiers témoins l'ont démontré. À mon avis, personne n'en doute. La grande question à laquelle notre comité doit répondre est de déterminer si c'est un problème fédéral ou provincial, et c'est ce dont vous avez traité dans votre exposé. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous croyez que le présent projet de loi relève sans conteste du gouvernement fédéral, si son essence vise à lutter contre un fléau social. Est-ce un bon résumé?

M. Ryder : Du point de vue du droit pénal, oui.

La sénatrice Frum : D'accord. Lorsque des représentants de l'industrie de l'assurance sont venus témoigner devant notre comité, ils ont fait valoir que le projet de loi va à l'encontre du principe de symétrie de l'information, qui est le fondement de leur industrie. J'imagine qu'ils diraient que vous qualifiez vraiment l'ensemble de l'industrie de fléau social, parce qu'ils demandent aux gens de fournir de l'information sur leur personne et que la divulgation et l'accord doivent être faits de bonne foi. En fonction de ces renseignements, un contrat est rédigé.

Si je comprends bien ce que vous dites, nous pouvons en conclure logiquement qu'il y a ici un fléau social, mais le fléau social est le jugement de l'industrie de l'assurance. Qui plus est, les assureurs diront peut-être qu'ils ne font qu'appliquer le principe de symétrie d'information et qu'ils portent des jugements dans leur secteur d'activité.

Voilà ma question.

M. Ryder : C'est évidemment un débat intéressant, et le Parlement peut adopter de nombreuses approches pour traiter de la question.

Je tiens seulement à traiter de la question de la validité constitutionnelle. Même si je comprends leur inquiétude, je ne crois pas que cela influe sur la question de la validité constitutionnelle. Cela peut soulever un doute sur la nécessité d'amender le projet de loi ou d'adopter une autre approche dans le cadre du projet de loi. Je ne suis pas spécialiste de ces questions. Je ne veux pas prétendre l'être.

Néanmoins, selon moi, cette inquiétude ne mine pas la nature pénale des articles 3 à 7.

Je vais vous donner un exemple, parce que cela me rappelle un argument soulevé par l'industrie de la publicité lorsque le Parlement étudiait la Loi réglementant les produits du tabac. L'industrie du tabac et ses partisans ont aussi fait valoir cet argument lorsqu'ils ont contesté cette loi devant les tribunaux. Cette loi est maintenant connue sous le nom de la Loi sur le tabac. Son principal objectif est de réglementer la commercialisation, comme vous n'êtes pas sans le savoir, et la loi interdit de manière générale la publicité partout au pays, mises à part quelques exceptions.

L'un des arguments qui avaient été soulevés lors du processus législatif et de la contestation devant les tribunaux, c'était : « La publicité n'est pas un fléau; c'est notre secteur d'activité; nous faisons la publicité d'un produit licite. Comment pouvez-vous affirmer qu'il s'agit d'une loi valide en vertu du droit pénal? » Par l'entremise de l'opinion du juge La Forest, la Cour suprême du Canada a répondu que c'était très difficile d'essayer de trouver des moyens de décourager les Canadiens de prendre une habitude qui crée une dépendance et qui nuit grandement à leur vie et à leur santé.

En formulant des réponses adéquates pour lutter contre ce fléau social que sont évidemment les problèmes de santé découlant du tabagisme, le Parlement est libre d'élaborer ce qu'il considère comme la réponse la plus adéquate en ce sens. C'est vrai que la publicité en soi n'est pas un fléau, mais il était raisonnable de présumer qu'interdire la publicité aiderait les autres à ne pas prendre cette habitude.

Je crois qu'une théorie semblable serait aussi valide dans le cas en question.

Je répète que je ne traite que de la validité constitutionnelle du projet de loi du point de vue du droit pénal. Nous pourrions faire valoir que certaines activités contractuelles qui sont interdites par le projet de loi ne sont pas des fléaux en soi, mais c'est la discrimination génétique de manière générale qui est le fléau visé en raison des conséquences sur la santé que cela peut avoir. D'après moi, le Parlement a le droit de choisir l'approche législative susceptible de lutter efficacement contre ce fléau social.

La sénatrice Frum : Néanmoins, nous pouvons convenir qu'il s'agit d'une question très complexe sur le plan moral ou juridique...

M. Ryder : Oui. Tout à fait.

La sénatrice Frum : ... parce que, encore une fois, le principe fondamental d'une assurance, que les gens n'aiment pas, c'est que les assureurs font de la discrimination envers certains clients. Ils choisissent de facturer des primes plus élevées à certains clients plus qu'à d'autres en fonction de leurs caractéristiques physiques. C'est ce qu'ils font chaque jour. C'est leur travail.

Je ne considère pas comme une mince affaire de qualifier cela de fléau social contre lequel le gouvernement peut lutter en adoptant des lois.

M. Ryder : J'espère avoir clairement fait valoir que c'est un problème relativement nouveau, dont l'importance augmente de façon assez spectaculaire. Avec un peu de chance, cette question suscitera beaucoup plus d'attention sur le plan législatif de la part du gouvernement fédéral et des provinces.

Par contre, j'ai l'impression qu'il serait très important pour le Parlement d'examiner cette question et de jouer un rôle de chef de file dans le domaine, comme il le fait dans d'autres, en ayant recours au droit pénal. Les dispositions sur les substances toxiques dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement en sont un bon exemple. Cette loi n'empêche pas les provinces de continuer de traiter de la question et le Parlement de la modifier, mais elle demeure une loi fédérale phare très importante qui établit des normes nationales.

Le président : Merci beaucoup. Il y a présentement deux autres sénateurs sur notre liste. Mais avant cela, brièvement, je dois dire que j'ai été frappé par les déclarations lourdes de sens du Dr Cohn et de monsieur Scherer. Docteur Cohn, vous avez dit que la situation actuelle vous paralysait à un point tel que vous n'êtes pas en mesure de faire votre travail, alors que vous êtes un clinicien qui ne demande pas mieux que de le faire. Et monsieur Scherer, vous avez parlé d'une loi pour encadrer cette tendance très appuyée relativement aux tests génétiques ainsi que la multiplication des découvertes. Croyez-vous que les choses vont empirer au point où vous ne serez plus en mesure d'offrir, comme vous l'avez dit, vos meilleurs soins? La force de vos déclarations m'a surpris.

Dr Cohn : D'un point de vue clinique, plus nous arriverons à maîtriser notre technologie et plus nous accumulerons des diagnostics, mieux je serai à même d'offrir un nombre beaucoup plus grand de tests génétiques ciblés à mes patients que je ne le peux à l'heure actuelle. En fait, ce n'est pas un nouveau problème. Il était sur le point d'émerger, et je crois qu'il faut dire un gros merci au sénateur Cowan d'avoir fait quelque chose en ce sens.

Je crois assurément que plus nous serons en mesure de poser des diagnostics génétiques, plus nous serons confrontés à ces problèmes. Il importe également de comprendre cet autre aspect : la multiplication des diagnostics nous permet de mieux comprendre la maladie et de mettre au point des concepts de traitement pour nos patients. Ce n'est pas pour demain. Il faudra peut-être encore quelques années. Pensez au dernier cas dont je vous ai fait part. Il ne s'agit pas seulement de poser un diagnostic; ces pratiques doivent aussi avoir une incidence sur les soins médicaux qui seront prodigués aux patients.

M. Scherer : Je voudrais renchérir sur le fait que le nombre de nouveaux médicaments fondés sur les découvertes et traitements en matière de génétique augmente de façon exponentielle. Ce qui arrive souvent maintenant, c'est qu'il faut un test génétique complémentaire pour déterminer quel médicament est approprié et quelle dose il faut prendre. Comme je l'ai dit, c'est le domaine de la médecine de précision — que certains appellent la pharmacogénétique, selon ce que l'on souhaite mettre en évidence —, lequel est tributaire des découvertes en matière de génétique.

Je crois qu'un bond énorme a été réalisé quand nous avons réussi à saisir la séquence génomique dans son entier. Nous avons beaucoup utilisé ce terme. Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse pour vous expliquer pourquoi cela est si important. Au cours des 20 dernières années, nous nous sommes intéressés à des gènes qui représentent environ 1 p. 100 du génome; c'est notre ADN. Nous en savons pas mal à ce sujet, mais cela n'explique que 25 p. 100 des formes génétiques des différentes maladies dont j'ai parlé. Pour arriver aux 99 p. 100 restants du génome et à l'ADN qui allume ou éteint ces gènes et interagit avec l'environnement pour y parvenir, il faut cette technologie, le séquençage du génome entier.

C'est la première fois que nous avons accès à ces données. Cette science en est vraiment à ses balbutiements. J'ai participé au Projet du génome humain que dirigeait Craig Venter — la première personne à avoir vu son génome séquencé —, et nous en avons publié les résultats avec leur groupe en 2007. Nous avons testé 7 000 familles pour des problèmes d'autisme, et tout cela s'est passé au cours des 12 derniers mois. Nous commençons à comprendre beaucoup mieux de quoi il retourne. Le nombre d'associations entre diagnostics, plans modifiés et gestion médicale va augmenter de façon exponentielle. Il faut agir maintenant.

Il y a quelques années, j'ai donné des présentations à des compagnies d'assurances. Je me suis efforcé de rester le plus neutre possible, car nous ne disposions pas encore de la technologie nécessaire pour séquencer le génome entier. Cette possibilité va tout changer. Si nous n'agissons pas maintenant, cela pourrait s'avérer fatal pour nos avancées dans ce domaine. Aux États-Unis, mes collaborateurs scientifiques n'ont pas ce type de problème, car le pays s'est doté d'une loi en la matière, à l'instar d'autres États.

Dans un certain sens, c'est très surprenant pour beaucoup de Canadiens qui œuvrent dans ce domaine, car nombre des découvertes fondamentales — la fibrose kystique dont nous avons parlé, la dystrophie musculaire et la maladie de Huntington — ont été faites ici, il y a des décennies, au moment où j'étais étudiant dans un laboratoire. Je trouve impensable que nous soyons en retard sur les États-Unis à cet égard. En génétique, nous avons toujours été en avance. Nous devons régler cette question.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Cowan : Merci. Et merci d'avoir bravé la tempête pour être ici aujourd'hui. C'est une question très importante. Certains d'entre nous ont pris part à une réception donnée l'autre soir par Génome Canada. Nous avons eu droit à une présentation du formidable travail qui se fait dans le domaine de la génétique à l'échelle du pays. L'une des études qui m'ont intrigué était celle que mène la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Je me demandais si l'un de vous pourrait nous en parler. Je ne sais pas si vous participez de façon directe à cette étude, mais j'aimerais que vous nous en parliez et que vous nous disiez quelle importance elle revêt. Quelle incidence la protection proposée dans ce projet de loi — ou l'absence de protection — aura-t-elle sur les travaux effectués dans le cadre de cette étude?

M. Scherer : Plusieurs études de ce genre sont en cours dans le monde. Celle dont vous parlez est pertinente, car c'est une étude canadienne et parce qu'il y a une importante quantité d'informations qui ont été rendues publiques. Par conséquent, tout ce que je dirai sera du domaine public.

Le sénateur Cowan : Ce le sera une fois que vous l'aurez dit.

M. Scherer : Il y a un groupe qui souhaite ardemment jumeler cette très riche information issue du séquençage du génome aux dossiers médicaux — cybersanté et dossiers de santé électroniques — afin de faire avancer le concept de la médecine de précision dans cette province. En matière de patrimoine et d'ascendance, la population de Terre-Neuve est unique en son genre. Là-bas, le patrimoine génétique — un terme que j'ai utilisé dans ma déclaration préliminaire — et la génétique jouent un rôle de premier plan dans les soins de santé.

Je crois que l'étude a pour objet de séquencer 100 000 génomes issus des personnes participantes et de jumeler l'information résultante avec les données longitudinales saisies par l'intermédiaire de leurs dossiers de santé électroniques. Le projet est en période de financement pour l'instant. Il s'échelonnera sur 10 ans, et ses instigateurs espèrent être en mesure d'utiliser les centres de séquençage génomique de Toronto et de Vancouver. En fait, ils seront à Toronto demain pour m'en parler.

Nous avons un projet similaire en Ontario. Nous avons déjà commencé. Nous jumelons le séquençage du génome entier avec les informations contenues dans les bases de données cliniques de la province de l'Ontario et dans les registres du cancer de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Toutes les provinces sont sur cette voie. Il y a littéralement des centaines de projets en cours, financés par les impôts fédéraux et provinciaux, qui cherchent à trouver toutes les façons possibles d'utiliser la génétique pour améliorer la santé de la population.

Le Dr Cohn et moi-même avons ouvert le Centre de médecine génétique il y a quelques années, et nous l'avons fait en prévision du jour inévitable où tous les enfants qui entreront à l'hôpital verront leur génome séquencé. Cela va se produire. C'est un outil de surveillance qui permettra d'étayer les prises de décision. Nous devons être prêts sur le plan scientifique ou médical, mais aussi sur le plan juridique et éthique, le jour où les prix baisseront pour atteindre les 100 $ — ce qui arrivera, et plus vite qu'on ne le pense.

La dernière chose que je veux dire, c'est qu'il faut vraiment retourner à la technologie. Les choses progressent à une vitesse incroyable. Selon la loi de Moore, en informatique, la capacité d'emmagasiner et de traiter l'information double chaque année et aucune loi technique ne peut suivre cette cadence. Le séquençage avance 10 fois plus vite que cela. Il y a environ cinq ans, lorsque nous avons amorcé le projet sur l'autisme, les prix étaient aux alentours de 5 000 $. Ils sont maintenant autour de 1 000 $, et je m'attends à ce qu'ils descendent à environ 100 $, probablement d'ici cinq ans. C'est moins que le prix d'une paire de souliers de qualité. Ces tests seront partout. Nous allons trouver la façon d'utiliser cette information, mais il faudra que nous soyons protégés pour être en mesure de donner à cette information le maximum d'applications possible pour les familles concernées.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Scherer. Nous avons quatre sénateurs sur la liste, et il nous reste 15 minutes pour ce groupe d'experts.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie pour votre exposé de ce matin. Ma question s'adresse à nos deux témoins. Avez-vous déjà discuté du besoin ou de l'importance des tests génétiques avec vos gouvernements provinciaux? Ont-ils déjà fait savoir qu'ils souhaitaient en parler? Je pose la question, car au début de notre étude, nous avons écrit aux provinces, et je crois qu'à ce jour, seulement deux d'entre elles nous ont répondu pour nous informer qu'elles n'avaient rien à ajouter.

Dr Cohn : Je ne peux parler qu'au nom de l'Ontario. Nous avons eu des échanges avec un sénateur de cette province, qui a proposé un projet de loi légèrement différent du vôtre pour prévenir la discrimination génétique. Nous l'avons rencontré il y a environ un an et demi. Je n'ai pas eu d'écho de cela, ce qui est attribuable au fait qu'il y a eu des élections depuis.

Mais il y a bel et bien des discussions à ce sujet en Ontario, discussions auxquelles j'ai participé.

M. Scherer : Permettez-moi de remanier un peu votre question. Dans chaque école de médecine importante du Canada, il y a un Dr Cohn et un M. Scherer. C'est donc avec eux que vous parleriez des enjeux relatifs à la génétique, car leur financement provient du ministère de la Santé de leur province.

Nous leur parlons régulièrement au sujet de l'instauration de tests axés sur les gènes qui pourraient aider les groupes concernés. Par exemple, les mutations associées à la fibrose kystique dont je parlais tout à l'heure se trouvent dans la population caucasienne. De la même façon, à Toronto, les nouvelles populations qui entrent chaque année au pays amènent avec elles leurs propres types de dérèglements génétiques. Nous nous adressons donc au ministère de la Santé pour lui demander d'appuyer l'instauration de ces tests.

Il est question d'un gène à la fois. Comme le disait le Dr Cohn, nous participons parfois à des groupes d'experts. Encore une fois, la technologie vraiment déterminante, c'est le génome entier. Nous obtenons tous les gènes avec un seul test. Par conséquent, les résultats ne portent pas seulement sur l'objet précis des tests cliniques du client, mais sur tout le reste aussi. Voilà pourquoi la loi est si importante : vous devez avoir une protection pour tous ces autres renseignements qui se retrouvent entre vos mains.

La réponse courte à votre question est « oui ». Nous discutons sans arrêt de l'instauration des tests génétiques et des technologies afférentes, ainsi que des organismes de protection de l'information et d'autres choses du même ordre.

Nous avons besoin de lois pour encadrer la discrimination génétique. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.

La sénatrice Nancy Ruth : Ma question porte sur l'assurance. Étant donné ma corpulence et mon âge, je présume qu'une assurance-vie me coûterait extrêmement cher si j'allais m'en procurer une aujourd'hui. Je crois également que je serais tenue d'assumer financièrement tous les risques afférents.

En ce qui concerne ce projet de loi, voici la réflexion que je me fais : si nous allons donner cet avantage aux Canadiens en matière de santé, il nous faudra exiger des compagnies d'assurances qu'elles répartissent le risque entre tous leurs titulaires de polices d'assurance-vie.

Monsieur Scherer, ma question est la suivante : lorsque vous parlez aux compagnies d'assurances, leur arrive-t-il d'évoquer la question morale du risque ou le risque sous quelque forme que ce soit?

Si nous adoptons la loi et que les compagnies d'assurances ne l'aiment pas, je présume qu'elles vont la contester. N'est-ce pas une façon toute canadienne de régler les choses en veillant du même coup à protéger les Canadiens pour qu'ils puissent avoir accès aux tests génétiques?

C'étaient mes deux questions. Le secteur de l'assurance a-t-il dit quoi que ce soit sur le risque et sur la possibilité de le répartir entre tous les titulaires de police?

M. Scherer : Mes interactions avec elles ont eu lieu dans le cadre de colloques où je donnais des conférences plénières au sujet des choses que je viens de mentionner, et les commentaires que j'ai reçus étaient fondés sur ces exposés. Les représentants de ces compagnies sont aussi intéressés et emballés par ce potentiel que chacun d'entre vous, car ils ont tous profité de près ou de loin des tests génétiques.

Les recommandations présentées dans ma dernière diapositive datent d'une autre époque. Elles datent du temps où cette technologie dont nous parlons maintenant et qui va tout changer n'existait pas.

Il est important de souligner que les personnes qui travaillent pour les compagnies d'assurances tirent elles aussi parti de cette information, comme le font d'ailleurs leurs enfants et les autres membres de leur famille.

Dr Cohn : J'aimerais aussi répondre à une partie de votre question, car j'ai effectivement discuté de cette question du risque avec le secteur de l'assurance. Si vous examinez de plus près les études de cas, vous serez forcée la plupart du temps de vous demander si la connaissance en matière de génétique ne vous donne-t-elle pas les moyens de protéger votre santé, de vivre plus longtemps et, en fait, de continuer à cotiser au grand bassin des primes.

La sénatrice Nancy Ruth : D'accord. Je comprends.

Dr Cohn : Je pense que cela est important, car lorsqu'il est question de génome entier, de regarder le portrait dans son ensemble, les résultats dits secondaires sont des résultats qui nous seront profitables puisqu'ils nous permettront de prendre des mesures pour nous protéger.

Je comprends ce que vous voulez dire, madame la sénatrice, en ce qui concerne la question d'égalité. Il y a certaines choses que nous pouvons contrôler et d'autres qui sont innées. Le code génétique fait partie des choses que nous ne contrôlons pas. C'est le bagage que nous avons reçu, et nous devons l'accepter. Nous pouvons choisir de fumer ou de faire de l'exercice.

Par conséquent, je crois qu'il faut tenir compte de ces considérations lorsque nous discutons de cette question. Cette discussion au sujet du risque change souvent la perception que nous avons des choses.

La sénatrice Nancy Ruth : Voilà qui est intéressant.

M. Ryder : Très rapidement, sur ce dernier point : je suis convaincu que ces questions peuvent toujours être réglées dans le cadre d'une contestation.

Je suis d'avis qu'il est extrêmement important que le Parlement fasse preuve de prudence et qu'il évite d'adopter des lois inconstitutionnelles à cause de ce qu'il nous en coûte tous. Nous ne devrions pas imposer au peuple le fardeau d'un litige visant à contester une loi inconstitutionnelle.

Je suis de ceux qui vous diront que l'une de vos plus importantes responsabilités est de vous assurer que la loi que vous appuyez est constitutionnelle. Dans ce cas-ci, je suis très confiant, et je crois qu'une majorité d'autres constitutionnalistes seraient d'accord pour dire avec moi que ce projet de loi est constitutionnel. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'autres problèmes; il y a toutes sortes d'autres questions dont il faut discuter. Je ne crois toutefois pas que vous devriez vous inquiéter outre mesure du risque d'inconstitutionnalité, car cela me semble relever tout à fait de la compétence du Parlement.

Cela ne signifie pas qu'il n'y a aucun risque. Je pourrais me tromper. Je ne crois pas m'être trompé auparavant, mais il y aura peut-être une première fois. Il y aura toujours des débats juridiques — nous ne travaillons pas dans la sphère de la certitude —, mais je pense que, cette fois-ci, vous pouvez avoir confiance.

Et pour terminer, rassurez-vous en pensant au fait que ceux qui ne sont pas d'accord avec vous ont toujours la possibilité de contester la loi en cours.

La sénatrice Hubley : Je crois que la sénatrice Nancy Ruth a posé la question que je voulais poser, mais vous avez piqué ma curiosité, monsieur Scherer, quand vous avez dit que vous aviez parlé à des intervenants du secteur de l'assurance. Vous avez dit que cela s'était passé dans le cadre de colloques et d'événements semblables.

Docteur Cohn ou monsieur Ryder, avez-vous discuté avec des intervenants de l'industrie? Vous ont-ils approchés ou souhaitent-ils en apprendre davantage sur les enjeux liés au génome?

Dr Cohn : Le sujet les intéresse certainement. En fait, deux représentants de l'industrie de l'assurance-vie sont venus à nos rondes de subventions du domaine génétique; ils ont exprimé leur point de vue dans une présentation et ils ont ensuite participé à une discussion.

Le sénateur Munson a d'abord précisé qu'il ne s'agit pas d'une confrontation, et c'est vrai; c'est une conversation. Aucune des personnes présentes ne souhaite placer quiconque dans une situation de désavantage, et c'est la même chose pour les sociétés d'assurances ou les gens qui achètent leurs services. Il s'agit d'établir un dialogue. Il faut visiblement trouver une solution.

J'ai encouragé les intervenants de l'industrie à poursuivre certaines de ces conversations. Je ne pense pas qu'ils le font autant que je le souhaite, mais cela ne signifie pas qu'ils ne le font pas du tout.

La sénatrice Hubley : Avez-vous quelque chose à ajouter? J'aimerais savoir dans quelle mesure les sociétés d'assurances se sont informées sur la question.

M. Scherer : D'après mon expérience, les intervenants de l'industrie suivent l'évolution de la situation, surtout au Royaume-Uni.

J'aimerais revenir en arrière. Je dirige également le Centre McLaughlin à l'Université de Toronto, et nous finançons des projets — je crois que Mme Bombard vous en a parlé plus tôt — qui ne visent pas qu'à étudier l'évolution de la situation au Canada, mais également l'évolution de la situation aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays qui ont adopté cette démarche.

Les sociétés d'assurances communiquent souvent avec l'un d'entre nous ou avec l'un des organismes de recherches financés pour tenter d'obtenir des informations sur ce qui se passe dans d'autres pays et pour connaître notre avis sur la façon dont cela pourrait se produire. Mon rôle a consisté à donner des conseils liés à la technologie et aux éléments dont j'ai parlé.

Je pense que si la question les intéresse moins, c'est parce qu'elle ne les a pas suffisamment touchées.

La sénatrice Martin : Je suis désolée, je suis arrivée en retard, car je devais assister à une autre réunion avant celle-ci.

Je me fonde sur vos réponses pour vous poser une nouvelle question à tous les trois. Dans les commentaires que vous avez formulés et dans votre exposé, vous avez répondu à notre question sur certains enjeux de nature constitutionnelle, mais je me suis souvenue des études que nous avons menées au sein du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie et au cours desquelles nous avions examiné le système de santé de notre pays, les dossiers de santé électroniques, la nécessité d'adopter des approches interdisciplinaires en matière de soins de santé et le degré de complexité lié à la coordination de tous ces éléments.

Je suis surprise d'apprendre que les provinces n'ont pas compté autant que je le prévoyais, car la santé est un domaine de compétence provinciale. Je sais que nous profitons de percées technologiques et d'innovations incroyables au Canada, mais parfois, j'ai l'impression que même si nous disposons de la technologie nécessaire, tous les autres doivent encore apprendre à s'en servir.

Il y a suffisamment de financement pour les dossiers de santé électroniques. Nous avons fait de notre mieux pour fournir le nécessaire, mais faire fonctionner le système de façon efficace représente encore un défi.

Je comprends que nous devions assumer un rôle à l'échelon fédéral et que nous avons le pouvoir de légiférer en matière criminelle, mais j'ai malheureusement l'impression que nous entamons à peine cette conversation. C'est un sujet tellement important.

J'appuie les principes qui sous-tendent le projet de loi, et je pense qu'il faut prendre des mesures pour protéger les gens. Lorsque je dis « prématuré », je veux dire en tant que pays, devrions-nous trier ces éléments et les coordonner, ou devrions-nous attendre cinq ans, lorsque la technologie sera tout à fait fiable ou moins dispendieuse? J'aimerais savoir si c'est le bon moment.

Dr Cohn : Je peux répondre à la dernière partie de votre question. Le bon moment, c'est maintenant. Je crois que c'est important.

J'aimerais répéter ce que j'ai déjà dit, c'est-à-dire que ces questions surgiront de plus en plus souvent à mesure que la technologie est intégrée dans nos soins cliniques, mais la discrimination génétique se produit si j'examine seulement un gène. Elle ne se produit pas si j'examine tout le reste. Cela se produit en ce moment, et cela se produit maintenant dans ma clinique.

Les deux exemples dont j'ai parlé sont fondés sur une maladie liée à un seul gène, et non sur les percées technologiques. Je crois que M. Scherer pourrait nous dire qu'il ne faut pas prendre du retard, afin que cette technologie puisse être mise en œuvre, mais nous sommes maintenant aux prises avec le problème. Nous devons agir maintenant.

M. Ryder : J'aimerais répondre brièvement, sénatrice Martin.

Je crois que souvent, la loi n'arrive pas à suivre la mise au point de nouvelles technologies et l'émergence de nouveaux problèmes sociaux. Il y a souvent un retard. Pas toujours, mais cela arrive souvent.

« Est-ce le bon moment? » C'est une bonne question, mais je l'inscris en partie dans cette perspective. Au Canada, on n'a pas encore pris des mesures liées à cette importante question, alors que de nombreux autres pays l'ont fait. Est-ce le bon moment pour prolonger l'attente? Je ne le pense pas.

J'aimerais savoir si l'adoption du projet de loi fera progresser la conversation avec les provinces pour déterminer la solution appropriée. Personnellement, je pense que la réponse est oui. Le premier essai sur le plan législatif ne met pas fin à la conversation. Au contraire, il générera probablement toutes sortes de nouvelles conversations.

Enfin, j'aimerais ajouter que si nous envisageons de compléter le cadre législatif, les provinces ont compétence dans de nombreux domaines importants. Je travaille, entre autres, dans le contexte du Code des droits de la personne de l'Ontario. Toutes les provinces et tous les territoires du Canada ont des lois sur les droits de la personne qui interdisent la discrimination fondée sur une série de motifs, y compris la déficience.

Si les intervenants provinciaux ne sont pas pressés, c'est peut-être, entre autres, parce qu'ils pensent qu'en cas de discrimination génétique, le motif de la déficience offrira une certaine protection, car il protège non seulement les déficiences réelles, mais également les déficiences perçues et les risques liés à une déficience future.

Il est très probable que l'on conclura que ce motif englobe les enjeux visés dans cette loi, mais il n'est pas facile d'invoquer le processus lié aux droits de la personne. Le traitement au cas par cas d'une question complexe comme celle-ci générera probablement, dans quelques années, des développements dans les tribunaux des droits de la personne partout au pays. Je ne sais pas, je ne fais qu'avancer des hypothèses.

Cela pourrait être l'une des raisons de l'hésitation des provinces sur le plan législatif, c'est-à-dire qu'on pense qu'on peut soumettre ce type de discrimination au processus de plaintes des commissions des droits de la personne et des tribunaux des droits de la personne partout au pays et attendre de voir ce qui se produira. Ces entités peuvent aider à établir les principes appropriés. Cela ne s'est pas encore produit, mais c'est possible.

Si c'est l'une des raisons de l'hésitation manifestée par les provinces, je ne pense pas que ce soit convaincant, car le processus législatif des tribunaux des droits de la personne n'est pas la meilleure façon de s'attaquer à un problème aussi étendu et systémique. Il est préférable d'adopter une approche législative plus rigoureuse et plus étendue.

Le président : Nous vous remercions d'avoir témoigné aujourd'hui. J'ai très hâte de voir tout ce que la génétique a à offrir, peu importe ce que c'est. Je sais qu'il s'agit d'un enjeu sérieux, et je ne peux pas m'empêcher d'y penser.

Notre deuxième groupe de témoins est tout d'abord formé des représentants de la Commission canadienne des droits de la personne. Nous accueillons donc Marie-Claude Landry, présidente, et Marcella Daye, conseillère principale en matière de politiques, Direction des politiques, de la recherche et des affaires internationales. De plus, du Commissariat à la protection de la vie privée, nous accueillons Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée et Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale.

[Français]

Madame Landry, nous allons commencer avec vous.

Marie-Claude Landry, présidente, Commission canadienne des droits de la personne : Honorables membres du comité, je vous remercie d'avoir invité la Commission canadienne des droits de la personne à contribuer à l'étude du projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique. Je vous présente ma collègue, Marcella Daye, analyste principale des politiques au sein de notre Direction des politiques, de la recherche et des affaires internationales.

Nous sommes ici aujourd'hui pour réitérer certains messages importants que mon prédécesseur avait transmis aux membres du comité en 2014.

[Traduction]

Tout d'abord, interdire la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques permettrait de protéger les Canadiens contre le risque de voir leurs renseignements génétiques utilisés contre eux.

Deuxièmement, la décision d'ajouter les caractéristiques génétiques à la liste de motifs de distinction illicites permettrait à la population canadienne de porter plainte à la commission sans avoir à invoquer d'autres motifs. Ainsi, on facilite l'accès à la justice pour tous, y compris aux populations les plus vulnérables.

Enfin, si cette protection était inscrite noir sur blanc dans la loi, il deviendrait clair que chaque personne a le droit d'être traitée équitablement, quelles que soient ces caractéristiques génétiques.

Permettez-moi de vous parler brièvement de notre organisme et de notre mandat. Comme vous le savez peut-être, le Parlement a voulu que la Loi canadienne sur les droits de la personne favorise l'égalité et protège la population canadienne contre la discrimination fondée sur des motifs comme l'âge, le sexe, la déficience, la race, et cetera. En tout, il y a 11 motifs.

Notre vision est celle d'une société où chaque personne est valorisée et respectée.

La recherche génétique est extrêmement prometteuse. Elle a généré de nouvelles méthodes diagnostiques et thérapeutiques. Plusieurs affirment qu'elle révolutionnera les soins de santé. Toutefois, même si de nombreuses personnes admettent ces avantages, il reste de très grandes zones grises.

En effet, la recherche génétique fait des progrès à un rythme accéléré. Il est normal que les gens soient curieux de voir ce que leur profil génétique pourrait révéler. Ai-je un marqueur pour une maladie héréditaire? Ai-je hérité d'une tendance pour l'anxiété ou au contraire, ai-je les gènes d'un grand meneur intrépide?

En fait, l'analyse génétique pourrait même un jour mesurer d'autres caractéristiques, comme nos traits de caractère. Par exemple, les gènes influent sur notre niveau de motivation, ainsi que sur notre facilité d'interaction avec les autres ou sur notre capacité d'apprentissage. Ce sont tous des traits importants dans un processus d'embauche.

Notre bagage génétique est profondément personnel. Certaines personnes nous ont dit éviter les analyses génétiques parce qu'elles ont peur que les analyses qui sont censées les aider soient un jour utilisées contre elles. Ces gens craignent de subir de la discrimination, que ce soit par des employeurs ou par des contrats de service, en raison de ce que leurs gènes peuvent révéler.

[Français]

Qui peut les blâmer? Il y a un flou juridique dans ce domaine. La discrimination génétique est un tout nouveau domaine de droit pour lequel les tribunaux n'ont pas encore établi de critères. Il n'y a pratiquement pas de jurisprudence canadienne dans ce domaine.

Aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la commission peut accepter les plaintes de discrimination en raison de caractéristiques génétiques, à la condition expresse qu'elles soient liées à un autre motif, comme la déficience. Or, nous croyons que cette façon de faire est trop contraignante.

Supposons qu'un employeur décide dorénavant d'exiger des profils génétiques comme critères d'embauche. Les personnes qui n'auraient pas le bon profil génétique subiraient-elles de la discrimination, malgré qu'elles aient les diplômes et l'expérience nécessaires? Voulons-nous voir la société canadienne s'engager dans cette voie?

Le Parlement sait depuis longtemps que les lois doivent évoluer pour qu'elles puissent s'adapter aux changements sociaux et technologiques. Si on ajoutait les caractéristiques génétiques à la liste des motifs de distinction interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne, on favoriserait cette adaptation. La commission pourrait alors accepter des plaintes de discrimination génétique sans avoir à les relier à des motifs existants.

Cependant, le plus important est de définir clairement les protections prévues par la loi. Il serait clair que toute personne a légalement le droit à un traitement équitable, peu importe son identité et ce que son bagage génétique peut révéler. De plus, les employeurs seraient mieux à même de comprendre leurs obligations et de faire le nécessaire pour prévenir la discrimination.

En conclusion, la commission appuie le projet de loi S-201. Nous croyons que l'analyse génétique a été conçue pour améliorer nos vies. Sans ces protections, l'utilisation du profil génétique pourrait avoir l'effet contraire. Procéder à une analyse qui peut vous sauver la vie ne devrait pas soulever des craintes d'un autre ordre.

Je vous remercie. Ma collègue, Marcella Daye, et moi-même ferons de notre mieux pour répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Nous vous remercions de votre témoignage. Nous entendrons maintenant le témoin du Commissariat à la protection de la vie privée, Daniel Therrien.

[Français]

Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée, Commissariat à la protection de la vie privée : Monsieur le président et honorables membres du comité, bonjour. Je vous remercie de nous avoir invités à présenter notre point de vue sur la version la plus récente du projet de loi S-201. Je suis accompagné aujourd'hui de Me Patricia Kosseim, avocate générale principale de notre bureau.

Nous appuyons l'objectif du projet de loi et nous sommes en faveur de l'interdiction générale de l'obtention des résultats de tests génétiques comme condition préalable à la prestation de biens ou de services, ou encore, pour conclure un contrat. Dans le cas des personnes qui souhaitent fournir de tels renseignements par choix personnel, nous appuyons la proposition du projet de loi selon laquelle le consentement doive être donné par écrit. De telles mesures, qui permettent aux Canadiens d'exercer un meilleur contrôle sur leurs renseignements personnels, sont positives du point de vue de la protection de la vie privée.

Les progrès accomplis dans le domaine des sciences ainsi qu'une technologie informatique de plus en plus puissante et sophistiquée ont considérablement réduit le coût des tests génétiques et en ont augmenté la disponibilité. Le constat est le même pour ce qui est du séquençage complet du génome, qui est bien plus révélateur qu'un simple test.

En octobre dernier, les membres de la Conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée se sont penchés sur les défis que pose la capacité croissante de la société à recueillir, à analyser et à utiliser les renseignements génétiques. Les commissaires ont reconnu que, même si de nombreux avantages découlent de l'accès à ces données, leur collecte et leur utilisation peuvent comporter certains risques, notamment la discrimination ou le refus de services en raison des prédispositions génétiques.

Il est essentiel que les personnes gardent le contrôle de leurs données, qu'elles obtiennent l'information requise au sujet des options disponibles et que leurs choix soient respectés, ce qui peut s'avérer tout à fait crucial dans le cas de résultats provenant de tests génétiques qui peuvent révéler des renseignements de nature très délicate sur les personnes et leurs familles.

Nous sommes conscients des intérêts divergents tant favorables que défavorables à l'égard de la collecte des renseignements génétiques. Cependant, du point de vue de la protection des données, le fait d'exiger des personnes qu'elles se soumettent à des tests génétiques ou qu'elles en communiquent les résultats comme condition préalable pour obtenir des biens ou des services, ou encore, pour conclure un contrat nous apparaît tout à la fois inadéquat et injustifié à l'heure actuelle.

À défaut d'obtenir l'assurance que leurs données génétiques personnelles ne seront pas utilisées à leurs dépens, les personnes, et la société dans son ensemble, risquent de renoncer aux avantages que peuvent leur procurer ces tests par crainte de stigmatisation ou de discrimination. Par conséquent, nous sommes d'accord pour dire que la meilleure chose à faire, à l'heure actuelle, est d'adopter une interdiction générale d'imposition de la collecte, ce que les parlementaires pourraient réexaminer ultérieurement si les circonstances l'exigeaient.

[Traduction]

J'aimerais maintenant aborder deux dispositions précises du projet de loi.

L'ajout de l'article 5, qui propose d'interdire la collecte ou l'utilisation des résultats de tests génétiques sans consentement écrit, est une très bonne initiative. Quand on le lit en conjonction avec les paragraphes 3(2) et 4(2), on comprend que même si le consentement était demandé par écrit, il est toujours interdit d'exiger la collecte ou d'utiliser les résultats des tests génétiques en échange d'un service.

L'ajout du verbe « communiquer » après « recueillir et d'utiliser » accroîtrait le pouvoir de gérer leurs renseignements personnels dont disposent les gens, ce qui serait conforme à nos lois sur la protection de la vie privée.

Sous réserve de cet ajout, nous sommes d'avis que les articles 3, 4 et 5 représentent un moyen approprié et équilibré de respecter les volontés de ceux qui veulent communiquer les résultats de leurs tests génétiques et de ceux qui préféreraient ne pas le faire.

Le projet de loi propose également de modifier la Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE en ajoutant « les renseignements provenant de tests génétiques » à la définition de renseignements personnels. À notre avis, l'ajout de ces mots à la définition de renseignements personnels n'est pas nécessaire et peut-être même nuisible.

La Loi sur la protection des renseignements personnels et la LPRPDE définissent largement les renseignements personnels comme étant des renseignements concernant une personne identifiable. Les renseignements provenant de tous les types de tests génétiques sont déjà visés par les définitions existantes. L'ajout des renseignements génétiques à titre d'exemple pourrait entraîner la conséquence imprévue de réduire la portée de la définition de renseignements personnels.

Dans le cas de la LPRPDE, l'information provenant des tests génétiques serait ajoutée comme exemple précis de renseignements personnels sur la santé. Ce choix de mots, « santé » notamment, exclurait les renseignements provenant des tests autres que ceux qui sont liés à la santé, notamment les tests concernant l'ascendance, la paternité, l'alimentation, les loisirs ou les dispositions du comportement. Il est important de se rappeler que la définition de « renseignements personnels sur la santé » était comprise dans la loi à des fins d'interprétation d'une disposition transitoire, qui n'est plus légalement pertinente. L'inclusion de « renseignements provenant de tests génétiques » dans la définition de « renseignements personnels sur la santé » serait inutile et ne ferait qu'ajouter à la confusion. Nous conseillons donc au comité de recommander la suppression des articles 11 et 12 du projet de loi.

Je vous remercie de votre attention. Mes collègues et moi serons heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci pour votre exposé.

La sénatrice Frum : Monsieur Therrien, à la fin de votre exposé, vous avez recommandé la suppression de ces dispositions. N'y a-t-il pas une autre façon de corriger l'expression « renseignements personnels sur la santé »? Pourquoi faut-il supprimer les dispositions?

M. Therrien : Nous entrons ici dans des considérations techniques sur la rédaction. La raison est double : d'abord, l'expression « renseignements personnels sur la santé » n'est plus pertinente. Inutile, donc, de la définir plus précisément, et la définition générale, dans les deux lois, de « renseignements personnels » est suffisamment large pour englober les résultats des tests génétiques.

Elle est au moins redondante, et quand le Parlement définit une expression, les tribunaux peuvent ensuite l'interpréter de façon restrictive. À mon avis, vous devriez tenir compte de ce risque. Enfin, personnellement, je considère que la définition large de « renseignements personnels » suffit entièrement.

La sénatrice Frum : Merci. À ce sujet, en ajoutant la discrimination génétique à la Loi canadienne sur les droits de la personne, en plus de la déficience, vous avez dit, dans votre exposé, que l'interprétation de « déficience » est étroite. Est-il vraiment juste de dire que la Commission, par le passé, a donné à « déficience » une définition étroite?

Marcella Daye, conseillère principale en matière de politiques, Direction des politiques, de la recherche et des affaires internationales, Commission canadienne des droits de la personne : Je pense que notre position, sur les définitions, est très semblable, que l'ajout de définitions réduit excessivement la portée de notre loi. En général, nos motifs sont interprétés de manière large, et les exceptions le sont de manière étroite. Pour cette raison, nous préférons ne pas avoir de définitions dans notre loi.

Dans notre loi, la définition de « déficience » n'est pas étroite et nous sommes en faveur de cette addition unique à notre loi.

La sénatrice Frum : En termes clairs, vous appuyez cet ajout?

Mme Daye : Absolument.

La sénatrice Frum : Merci beaucoup.

Le sénateur Cowan : Je vous remercie d'être ici. Nous apprécions votre avis sur le projet de loi.

Ma question s'adresse à M. Therrien. Dans le groupe précédent, nous avons entendu des opinions tranchées de l'industrie de l'assurance et d'autres témoins selon qui l'adoption du projet de loi n'aurait pas seulement des effets fâcheux sur le bilan des sociétés du secteur, mais elle provoquerait une augmentation considérable des primes, au point que beaucoup de Canadiens ne pouvant plus se payer d'assurance ou n'en souscrivant plus, ils seraient moins en mesure de se protéger, eux et leurs familles.

Le 10 juillet 2014, votre bureau a publié une déclaration sur l'emploi des résultats des tests génétiques par les sociétés d'assurances de personnes. Elle renvoyait à deux études commandées par votre bureau, qui vous amenaient à conclure que, actuellement et dans un proche avenir, l'interdiction faite aux assureurs d'utiliser les résultats des tests génétiques n'aurait pas de conséquences importantes sur eux ou sur l'efficacité des opérations sur les marchés d'assurance. Après avoir distingué troubles monogénétiques et troubles plurifactoriels, vous avez conclu, d'après les experts, que la collecte et l'utilisation de résultats de tests existants par les sociétés d'assurances ne semblaient pas indispensables, à ce moment-là, aux besoins légitimes de l'industrie.

Est-ce encore la positon de votre bureau?

M. Therrien : Ça l'est en ce qui concerne les données qu'il possède actuellement. Nous avons entrepris cette analyse, parce que, sous le régime de la LPRPDE, la loi qui s'applique ici pour la détermination de la légalité, la collecte, l'utilisation et la communication de renseignements personnels obéissaient à un certain nombre de critères, notamment la nécessité des renseignements collectés pour l'entreprise, en l'occurrence des résultats de tests génétiques. C'est donc dans ce contexte d'analyse de la nécessité de ces tests — ici pour la viabilité commerciale des assureurs — que nous avons commandé des rapports d'experts pour nous aider à déterminer si les faits en confirmaient la nécessité. Globalement, les faits examinés n'ont pas montré que la collecte de ces renseignements était nécessaire à l'entreprise.

Le sénateur Cowan : Voulez-vous dire au bon fonctionnement de l'industrie de l'assurance?

M. Therrien : Oui.

Le sénateur Cowan : Est-ce toujours la position de votre bureau?

M. Therrien : Oui.

Le sénateur Cowan : Merci.

Le président : Qu'en est-il du Tribunal canadien des droits de la personne relativement à certaines décisions judiciaires et à la jurisprudence, notamment à certaines décisions qui pourraient influer un jour sur des causes impliquant des personnes handicapées. Avez-vous des exemples qui pourraient nous être utiles?

Mme Daye : Sachez que, en principe, la Commission, que nous représentons, ne rend pas de décisions sur les plaintes, contrairement au Tribunal. Mais, pour la jurisprudence, elle est très peu alimentée, dans ce domaine, par les plaintes adressées au tribunal fédéral ou aux organismes provinciaux homologues.

L'affaire qui intéresse particulièrement la propension à une déficience est celle dite Boisbriand, dont il a probablement été question dans des séances antérieures de votre comité. Le tribunal, dans son arrêt sur cette affaire québécoise, a énoncé le principe selon lequel la déficience comprenait la déficience perçue. Très peu d'autres cas ont fait jurisprudence, sinon en matière de discrimination génétique. Cependant, les témoignages de vos autres témoins montrent vraiment que le problème n'a simplement pas encore atteint ce degré, mais il le pourrait un jour.

Nous appuyons vraiment la mise en place de mesures de précaution et de protection pour appuyer la recherche sur la génétique et inciter les médecins à agir et à permettre aux Canadiens de profiter de la technologie sans crainte de subir de la discrimination.

Mme Landry : Et de connaître leurs droits.

Mme Daye : Absolument.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie pour vos exposés. Ma question s'adresse à vous, monsieur Therrien. Avec vos homologues des provinces avez-vous discuté de la question de discrimination génétique? Que vous ont-ils dit au sujet des défis qu'elle présentait aux droits de la personne?

M. Therrien : Personnellement, je n'en ai pas discuté avec eux. Le Commissariat, lui?

Patricia Kosseim, avocate générale principale et directrice générale, Commissariat à la protection de la vie privée : En fait, l'énoncé de principe auquel a fait allusion plus tôt le sénateur Cowan a bénéficié de l'appui de nos homologues de la Colombie-Britannique, de l'Alberta et du Québec.

Le président : Je voudrais savoir aussi. Supposons que le projet de loi n'est pas adopté. D'après vous, qu'est-ce que ça signifierait pour les méthodes du passé et pour l'avenir? Nous avons entendu les témoignages convaincants de généticiens sur leur travail, sur des milliers et des milliers d'autres tests, et ainsi de suite. Il y aura cette bataille entre les assureurs et ceux qui craignent de se soumettre à un test génétique et qui, en conséquence, sont mal soignés. Avez-vous une opinion sur la non-adoption de ce projet de loi?

M. Therrien : Je peux commencer. Peut-être que ma collègue pourra terminer.

Oui. Absolument. La position que nous avons adoptée, il y a deux ans, a été de demander aux assureurs de s'imposer à eux-mêmes un moratoire sur la collecte de ces renseignements, parce que nous connaissons les effets réels et nuisibles subis par les Canadiens. Un peu plus tôt, aujourd'hui, certains d'entre eux ont été évoqués. Des personnes ne répondent pas à l'offre de se soumettre à ces tests, de crainte que ça ne se retourne contre elles.

En même temps, en ma qualité de commissaire à la protection de la vie privée, je dois examiner le problème du point de vue des critères énoncés dans la LPRPDE, notamment la nécessité de la collecte de renseignements pour l'entreprise. Je dois garder à l'esprit l'utilité commerciale de l'individu, les sociétés en jeu.

La science peut évoluer. Peut-être qu'elle pourra prouver plus tard ce qui n'aura pas été démontré jusqu'alors. C'est la raison pour laquelle nous n'avons pas demandé d'interdiction permanente, mais un moratoire fondé l'éventuelle légitimité des motifs commerciaux pour, plus tard, collecter ces renseignements. Peut-être que la science permettra des distinctions qui les feront répondre aux critères de nécessité et d'opportunité de la LPRPDE. Se priver d'agir maintenant, sous prétexte que le domaine évolue rapidement, comme d'autres vous l'ont dit, condamne à la souffrance de vraies personnes, parce qu'elles ne saisissent pas cette occasion extraordinaire de mieux connaître leurs prédispositions par un test.

Le président : La séance est diffusée par la Chaîne d'affaires publiques par câble, la CPAC. Pourriez-vous expliquer à nos auditeurs ce que signifie LPRPDE? Je viens de me rendre compte que ce serait utile. Décrivez-nous cette loi.

M. Therrien : La LPRPDE est la loi fédérale régissant la vie privée, dans le secteur privé canadien, qu'il faut distinguer de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui vise le secteur public fédéral.

Dans le contexte actuel, nous parlons des règles fédérales sur la protection de la vie privée sous le régime desquelles les organisations ou les sociétés privées peuvent collecter des renseignements auprès des consommateurs et à quelles fins.

Mme Landry : Tout en partageant le point de vue de mon collègue, je tiens à ajouter que, actuellement, le Canada est le seul des pays du G7 à ne pas avoir ce genre de règles contre la discrimination génétique. Je pense que c'est le temps de s'en donner, maintenant, mais nous ne sommes pas en avance : nous sommes en retard.

Du point de vue des droits de la personne, la clarté du langage rendra accessibles aux justiciables les lois sur les droits de la personne. C'est vraiment important. La spécialité de ma collègue est la discrimination génétique. Peut-être veut-elle ajouter quelque chose.

Mme Daye : Personne ne peut prévoir l'avenir. Ce problème a été soulevé il y a 16 ans, dans le rapport du juge La Forest, dans l'examen antérieur de la Loi canadienne sur les droits de la personne. À l'époque, on entrevoyait que la discrimination génétique serait l'un des grands enjeux de l'avenir. Seize ans plus tard, aucune loi fédérale ne nous en protège encore.

Si ce projet de loi ou un projet de loi semblable n'aboutit pas, je pense que le Canada perdra l'occasion, à l'échelon fédéral, de faire preuve d'un esprit d'initiative sur cette question, parmi les autres détenteurs de compétences qui sont déjà en retard au rendez-vous. C'est un risque.

Un autre risque est beaucoup plus considérable et il découle vraiment des vécus dont vous avez entendu parler. Nous examinons la discrimination qui touche les individus, mais nous surveillons aussi de près les discriminations systémiques, qui imprègnent tout le système. Toute la question des tests génétiques, de l'utilisation de leurs résultats et de l'évolution de la science a vraiment été centrée, du point de vue médical, scientifique et technologique, en partie autour de l'industrie. Cette discussion oublie le cadre des droits de la personne. Nous raterons l'occasion de placer cette percée scientifique historique dans ce cadre, qui peut protéger l'égalité tout en favorisant notre progrès.

Le président : Merci beaucoup. La sénatrice Andreychuk a une question supplémentaire.

La sénatrice Andreychuk : On me réclame dans une autre séance. Mais prenez-vous l'expression « discrimination génétique » dans son sens le plus large ou est-ce seulement de tests génétiques dont vous vous occupez? Nombreux sont ceux qui ont découvert des problèmes qui ont conduit à un refus de les assurer, mais ce n'était pas à cause de tests génétiques; c'était à cause des tests médicaux, qui n'entrent pas dans l'analyse génétique. Cette question s'adresse vraiment à M. Therrien. Parlez-vous de la définition plus large de « test », ou s'agit-il vraiment d'aller se soumettre à un test pour connaître son profil génétique? Pendant des années on a refusé d'assurer des clients en raison de leur dossier médical. Ça leur arrivait parce que, après s'être soumis à un test, leur médecin leur annonçait qu'ils avaient une propension pour l'arthrite ou une autre pathologie ou qu'ils étaient susceptibles de la contracter.

M. Therrien : Cela ajoute un autre niveau au problème, du point de vue de la nécessité à des fins commerciales. La science évolue, mais il existe de nombreuses maladies pour lesquelles les tests génétiques, à ce que je sache, ne pourront pas déterminer la probabilité de survenue de la maladie. Ma collègue a peut-être des compléments d'information.

Mme Kosseim : En général, le même cadre s'appliquerait, les mêmes principes, pour la protection de la vie privée. Nos collègues ont parlé d'un cadre des droits de la personne. Nous passons par la protection de la vie privée ou celle des données. Les organisations commerciales qui cherchent à collecter ces renseignements, renseignements personnels sur la santé, résultats de tests médicaux ou tests génétiques, doivent toujours satisfaire aux mêmes critères juridiques pour pouvoir le faire. Il faut d'abord des motifs raisonnables et appropriés, mais, ensuite, il faut que les données soient nécessaires pour répondre aux besoins pour lesquels elles cherchent à les collecter.

Dans la mesure où les renseignements médicaux se révèlent fortement corrélés à la probabilité que se développe une maladie ou une pathologie qui intéresse les actuaires, ils auront alors répondu aux conditions imposées par la LPRPDE. Ce qui classe les tests génétiques à part, particulièrement les tests génétiques prédictifs, c'est la pertinence douteuse de leurs résultats pour le scientifique ou l'actuaire. Ils ne sont donc pas nécessaires actuellement.

Le président : Merci beaucoup. La sénatrice Martin semblait vouloir poser une question. Est-ce le cas?

La sénatrice Martin : Je pense qu'on a répondu à certaines questions que je me posais. Tout va bien. Merci.

Le président : Nous avons à peine effleuré le Code canadien du travail, et un amendement au projet de loi dit qu'un employé qui allègue que son employeur a pris des mesures contre lui, en contravention d'un paragraphe de la loi, peut adresser une plainte écrite à un inspecteur. Connaissez-vous cet amendement? Ces amendements compléteraient-ils la Loi canadienne sur les droits de la personne ou préféreriez-vous qu'on adresse ces plaintes en matière d'emploi uniquement à la Commission canadienne des droits de la personne? Ces recours me semblent soit complémentaires, soit doubles.

Mme Daye : Nous avons examiné les autres dispositions du projet de loi, mais nous avons essayé, dans nos commentaires, de nous attacher aux amendements proposés à la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je dirai qu'il s'agit d'un projet de loi complexe et que les dispositions du Code canadien du travail ajoutent une autre ligne possible de conduite. D'après nous, ce n'est pas rédhibitoire pour le projet de loi. Il existe des cas semblables où la victime de discrimination qui souhaiterait porter plainte en matière de droits de la personne dispose d'autres lignes de conduite, par exemple porter plainte sous le régime du Code canadien du travail ou invoquer un acte dommageable ou formuler une plainte par d'autres mécanismes. Ces options sont réalisables. Notre loi comporte une disposition qui nous permet d'analyser les plaintes que nous recevons pour déterminer si un autre processus s'est déjà bien occupé des questions soulevées en matière de droits de la personne. Notre plainte est assortie de sauvegardes intégrées qui permettent à son auteur de choisir des options, mais pas nécessairement de répéter la plainte.

Le président : Nous vous remercions tous les quatre d'avoir comparu devant nous. Votre contribution est inestimable pour notre travail et pour nous permettre de prendre une décision sur ce projet de loi concernant les tests génétiques. Je l'apprécie énormément. Merci encore. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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