Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 3 - Témoignages du 13 avril 2016
OTTAWA, le mercredi 13 avril 2016
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 31, pour surveiller diverses questions ayant trait aux droits de la personne et pour examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (sujet : La situation des droits de l'homme et les défections en Corée du Nord).
Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, bienvenue au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Avant de commencer, j'invite les sénateurs à se présenter, à débuter par la vice-présidente.
La sénatrice Ataullahjan : Bonjour. Je m'appelle Salma Ataullahjan, de l'Ontario.
La sénatrice Martin : Bonjour. Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.
La sénatrice Hubley : Bonjour. Elizabeth Hubley, Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Cordy : Je m'appelle Jane Cordy et je viens de la Nouvelle-Écosse.
Le président : Je suis le président de ce comité. Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario, mais mon cœur est toujours au Nouveau-Brunswick d'où je viens. Voilà un fardeau agréable à porter.
Avant de céder la parole à nos témoins, je veux traiter d'un point administratif. On vous a remis le texte d'un ordre de renvoi que nous aimerions soumettre au Sénat au sujet de notre étude sur l'accueil des réfugiés syriens. Quelqu'un peut-il proposer cette motion que nous allons adresser au Sénat?
La sénatrice Cordy : J'en fais la proposition.
Le président : Bien.
[Français]
Aujourd'hui, notre étude porte sur l'ordre de renvoi général de notre comité, soit la situation des droits de la personne, de même que sur les défections en Corée du Nord.
[Traduction]
Pour notre premier groupe aujourd'hui, nous accueillerons des fonctionnaires du gouvernement, plus précisément d'Affaires mondiales Canada, nouveau titre auquel il va falloir s'habituer. Quand j'étais journaliste, on parlait du secrétaire d'État aux Affaires extérieures qui était à l'époque Mitchell Sharp. Ce nom du ministère m'est resté gravé dans la mémoire depuis la période où j'étais jeune journaliste. Cependant, Affaires mondiales sonne bien. Nous accueillons donc Christopher Burton, directeur, Direction de l'Asie du Nord-est; et Susan Gregson, sous-ministre adjointe, Asie-Pacifique. D'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, nous accueillons Sarita Bhatla, directrice générale, Affaires des réfugiés; et James McNamee, directeur général par intérim, Gestion opérationnelle et Coordination.
Nous commencerons par vos remarques liminaires après quoi nous passerons bien sûr à des questions. Nous traitons d'un sujet très délicat et très important.
Qui veut commencer ce matin? Madame Gregson? Merci beaucoup.
Susan Gregson, sous-ministre adjointe, Asie-Pacifique, Affaires mondiales Canada : Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour parler de la Corée du Nord au nom d'Affaires mondiales Canada.
La Corée du Nord fait les manchettes depuis le début de l'année, d'abord pour avoir procédé à un essai nucléaire le 6 janvier, puis pour avoir lancé un missile balistique le 7 février. Affaires mondiales Canada considère que le développement d'armes nucléaires et de leurs systèmes de lancement constitue une grave menace pour la sécurité internationale. Le ministre des Affaires étrangères, M. Dion, a immédiatement publié des déclarations condamnant fermement la poursuite des activités de prolifération nucléaire de la Corée du Nord.
Le 2 mars dernier, en réponse aux récentes provocations, le Canada a coparrainé la résolution 2270 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui impose des sanctions importantes à la Corée du Nord. Elle a été adoptée à l'unanimité par le Conseil de sécurité. Elle vise à faire pression sur la Corée du Nord pour que ce pays mette fin à son comportement irresponsable, renonce aux armes nucléaires, reprenne les pourparlers à six et réaffecte au soulagement des besoins humanitaires de sa population les ressources qu'elle consacre aux armes de destruction massive. Le Canada prend maintenant des mesures pour intégrer les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord dans le droit canadien.
[Français]
À cause d'une série d'agressions perpétrées par la Corée du Nord, le Canada a adopté une politique d'engagement contrôlé à l'égard du pays. En application de cette politique qui est toujours en vigueur aujourd'hui, les interactions bilatérales officielles avec le gouvernement nord-coréen se limitent à des discussions sur la sécurité régionale, les droits de la personne et la situation humanitaire dans le pays, les relations entre les deux Corées, ainsi que les affaires consulaires.
[Traduction]
En outre, en août 2011, le gouvernement du Canada a adopté des sanctions économiques contre la Corée du Nord en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Ces sanctions s'ajoutaient aux sanctions du Canada déjà en vigueur, adoptées en vertu de la Loi sur les Nations Unies. Les sanctions du Canada interdisent notamment les importations en provenance de Corée du Nord et les exportations à destination de ce pays, sous réserve de certaines exceptions pour des raisons humanitaires.
[Français]
Malgré certaines préoccupations concernant la situation de la sécurité dans la péninsule coréenne, Affaires mondiales Canada a continué de s'occuper de la situation des droits de la personne et de la situation humanitaire en Corée du Nord. Les rapports que votre comité a reçus dans le passé à propos de violations graves, systématiques et étendues des droits de la personne sont profondément troublants. Affaires mondiales Canada a cherché à sensibiliser le monde à cette situation choquante au cours des dernières années, et a incité ce pays à observer les normes internationales en matière de droits de la personne et à autoriser la visite des rapporteurs spéciaux des Nations Unies.
[Traduction]
En mars 2013, le Canada a coparrainé la résolution du Conseil des droits de l'homme qui établissait une Commission d'enquête chargée d'étudier les violations systématiques, généralisées et graves des droits de la personne en Corée du Nord et qui renouvelait le mandat du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en Corée du Nord.
Lors de l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 2014, le Canada a coparrainé une résolution qui faisait mention des constats du rapport final de la Commission d'enquête, exhortait la Corée du Nord à respecter les droits humains et les libertés fondamentales de ses citoyens et soulignait la nécessité de traduire en justice les auteurs des violations des droits de la personne.
De plus, le Canada a coparrainé une résolution sur la situation des droits de l'homme en RPDC à l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 2015. Cette résolution réclamait l'obligation de rendre compte, notamment au sujet de tout crime potentiel contre l'humanité. Le Canada est d'avis que la communauté internationale doit continuer d'attirer l'attention sur ces violations et abus en Corée du Nord et à appuyer tous les efforts en ce sens sur diverses tribunes multilatérales, dont tout récemment à la session de mars du Conseil des droits de l'homme.
En ce qui concerne la situation humanitaire, les Nord-Coréens sont toujours confrontés aux mêmes problèmes qui les affligent depuis plusieurs décennies — absence de primauté du droit, isolement sur la scène internationale et pauvreté généralisée.
[Français]
En réaction, entre 2005 et 2015, le Canada a versé plus de 28 millions de dollars en aide humanitaire dans le cadre de l'intervention internationale en Corée du Nord. Ces contributions sont acheminées par l'intermédiaire de multiples partenaires de confiance et ne sont pas versées au gouvernement de la Corée du Nord. Le Canada fait partie des cinq principaux donateurs bilatéraux qui répondent aux besoins humanitaires.
[Traduction]
Affaires mondiales Canada a, en outre, fourni de l'aide humanitaire à la Corée du Nord par l'entremise du Fonds de secours d'urgence en cas de catastrophe qui est administré par la Société canadienne de la Croix-Rouge. La dernière distribution a été effectuée en août 2013 afin de fournir une aide immédiate à quelque 20 000 personnes touchées par des inondations.
[Français]
Le Canada contribue également à l'intervention internationale grâce à sa participation aux efforts des Nations Unies. Le 29 janvier, l'ONU a annoncé l'attribution de 8 millions de dollars américains afin d'apporter une aide vitale à 2,2 millions de personnes vulnérables à risque de malnutrition en Corée du Nord. Le Canada figure parmi les 10 premiers donateurs à ce fonds.
[Traduction]
Monsieur le président, Affaires mondiales Canada continuera de jouer un rôle actif dans les dossiers des droits de l'homme, de la situation humanitaire et de la situation de la sécurité en Corée du Nord, et il collaborera avec ses partenaires internationaux en vue d'apporter une solution à ces graves problèmes. Merci beaucoup.
Le président : Merci, madame Gregson.
Sarita Bhatla, directrice générale, Affaires des réfugiés, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je m'appelle Sarita Bhatla et je suis à la tête de la Direction générale des Affaires des réfugiés du ministère de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada. Je tiens à remercier les membres du comité de me donner l'occasion de m'exprimer devant eux aujourd'hui.
[Français]
J'aimerais vous parler brièvement de l'expérience du Canada en ce qui a trait aux demandes d'asile présentées par des ressortissants de la Corée du Nord. Les programmes canadiens de protection des réfugiés sont le reflet des obligations qui nous incombent au terme des conventions internationales, telles que la Convention sur les réfugiés et la Convention contre la torture, et des lois nationales, telles que la Charte des droits et libertés et la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
[Traduction]
Au Canada, le programme de protection des réfugiés comporte deux volets. Le premier est le système d'octroi de l'asile au Canada. Celui-ci est offert aux personnes qui se trouvent au Canada et qui craignent, avec raison, d'être persécutées si elles retournaient dans leur pays d'origine. Toutes les demandes d'asile admissibles sont transmises à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui est un tribunal quasi judiciaire rendant ses décisions après avoir examiné le bien-fondé de chaque cas.
Dans le cadre du processus d'octroi de l'asile, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié doit déterminer si le demandeur d'asile peut bénéficier de la protection d'un autre pays, ce qui constitue un motif d'exclusion au titre de la Convention sur les réfugiés.
En ce qui a trait aux demandes d'asile présentées par des ressortissants nord-coréens, il y a quelques années, le ministère a sollicité l'avis d'un expert à propos de la loi sur la nationalité en vigueur dans la République de Corée, plus particulièrement en ce qui concerne la citoyenneté des ressortissants de la République populaire démocratique de la Corée.
Le rapport a conclu que les citoyens nord-coréens, à quelques exceptions près, sont automatiquement admissibles à la citoyenneté de la République de Corée ou de la Corée du Sud.
[Français]
Parmi ces exceptions, comptons les ressortissants nord-coréens naturalisés d'origine autre que coréenne, les ressortissants nord-coréens qui ont obtenu volontairement la citoyenneté d'un pays tiers, ainsi que les ressortissants nord-coréens qui peuvent remonter leur ascendance coréenne uniquement du côté maternel avant le 14 juin 1998.
[Traduction]
Une fois en Corée du Sud, les Nord-Coréens peuvent demander la citoyenneté et démontrer leur intention de résider en Corée du Sud.
Le rapport souligne également que le gouvernement de la Corée du Sud appuie la réintégration culturelle et offre un soutien financier afin de faciliter l'intégration des Nord-Coréens qui demandent l'asile en Corée du Sud.
Je tiens à souligner également que le nombre de Nord-Coréens ayant demandé la protection du Canada au cours des dernières années a fluctué entre quelques centaines et quelques personnes seulement.
L'année 2012 a été particulière. Quelque 720 demandes d'asile ont été déposées. Cette hausse a coïncidé avec l'établissement d'un projet pilote visant à soutenir les objectifs de la réforme du statut de réfugié et de sauvegarder le système d'asile.
[Français]
Dans le cadre du projet pilote relativement aux examens et interventions, le ministère a décelé une tendance qui donnait à penser que la crédibilité des demandes présentées par des ressortissants nord-coréens pouvait soulever des préoccupations. La plupart des demandeurs d'asile bénéficiaient déjà de la citoyenneté sud-coréenne et se sont rendus au Canada ou aux États-Unis au moyen d'un passeport sud-coréen valide.
[Traduction]
Depuis, le nombre de demandes d'asile présentées par des Nord-Coréens n'a cessé de diminuer, passant de 150 en 2013 à moins de cinq en 2014 et à aucune en 2015.
Passons maintenant au programme de réinstallation du Canada. Ce programme comporte trois catégories au titre desquelles les réfugiés à l'étranger peuvent être sélectionnés. Premièrement, la catégorie des réfugiés pris en charge par le gouvernement. Celle-ci est composée de personnes dont la candidature est habituellement recommandée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, personnes qui sont prises en charge uniquement par le gouvernement. Deuxièmement, la catégorie des réfugiés parrainés par le secteur privé. Elle est composée de personnes sélectionnées et soutenues par des répondants du secteur privé au Canada, souvent des membres de la famille. Troisièmement, la catégorie des réfugiés visés par le Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas. Elle est composée de personnes dont la candidature est recommandée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et qui sont prises en charge à la fois par le gouvernement et par des répondants du secteur privé.
[Français]
Les réfugiés à l'étranger sont sélectionnés par des agents de visa, qui doivent tenir compte des besoins de la personne en matière de protection et des critères d'admissibilité sur le plan de la sécurité, de la criminalité et de la santé. De plus, les agents doivent déterminer si le demandeur a une possibilité raisonnable de se réinstaller dans un autre pays.
[Traduction]
Pour ce qui est de la Corée du Nord, dans le cadre du système d'octroi de l'asile au Canada, le Canada estime que la Corée du Sud constitue une solution durable pour les ressortissants nord-coréens qui cherchent à s'installer ailleurs.
Cette notion est également inscrite dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés du Canada qui interdit la délivrance d'un visa de résident permanent à un ressortissant étranger demandeur d'asile en mesure d'être raisonnablement accueilli par un autre pays.
Le programme de réinstallation du Canada s'appuie sur le principe voulant que notre pays accueille les personnes ayant le plus besoin de protection dans un pays tiers.
[Français]
Par ailleurs, le fait de rechercher un avenir près de chez soi peut souvent être considéré comme la solution de protection idéale pour un réfugié.
Je vous invite maintenant à me poser des questions, et je vous remercie.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup pour vos témoignages. Deux autres sénateurs sont arrivés après les présentations officielles et je voudrais vous les présenter maintenant. Moi, je sais qui vous êtes.
La sénatrice Andreychuk : C'est comme à l'école, si vous arrivez en retard, vous êtes pointé du doigt. C'est cela?
Le président : Tout à fait cela.
La sénatrice Andreychuk : J'assistais à une autre réunion et je veux que cela soit mentionné au procès-verbal. Raynell Andreychuk, Saskatchewan.
La sénatrice Ruth : Nancy Ruth, de Toronto, Ontario.
La sénatrice Ataullahjan : Ma question s'adresse à vous, Sarita. Comment les Nord-Coréens peuvent-ils faire une demande de statut de réfugié tandis qu'ils peuvent aller en Corée du Sud et qu'ils ont déjà un passeport? Comment peuvent-ils obtenir le droit de déposer une demande de statut de réfugié au Canada?
Mme Bhatla : S'ils se trouvent déjà au Canada, ils peuvent faire une demande auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Chaque demande est examinée au mérite. Voilà donc pour la situation de ceux qui se trouveraient au Canada.
Pour les cas de réinstallation à l'étranger, nous examinons ceux qui nous sont recommandés par le HCNUR. De façon générale, on considère que les Nord-Coréens ont accès à une solution durable en Corée du Sud, du moins la plupart d'entre eux. Certes, il y a des exceptions, mais de façon générale, on n'estime pas nécessaire de les accueillir dans des pays tiers. Voilà, essentiellement le raisonnement qui est appliqué. Beaucoup de réfugiés dans le monde n'ont pas accès à un pays tiers et, cela étant posé, il pourrait être plus difficile pour les Nord-Coréens d'être accueillis ailleurs.
Le président : Sénatrice Martin, je sais que ce sujet vous intéresse beaucoup et j'ai pris la liberté de vous inscrire en deuxième.
La sénatrice Martin : En réponse à la question de la sénatrice Ataullahjan, vous nous avez expliqué que les transfuges nord-coréens ont la possibilité de se rendre en Corée du Sud. Comme il y a toujours des cas exceptionnels, il y a toujours des transfuges qui parviendront à se rendre dans un pays tiers, comme la Thaïlande, et je me demande si les fonctionnaires canadiens peuvent alors les prendre en compte dans ce pays ou si nous devons attendre que leur candidature nous soit transmise par le HCNUR? Supposons que, pour une raison quelconque, des transfuges nord- coréens veulent se prévaloir d'une troisième option. Il y a l'option américaine et l'option sud-coréenne qui, par la proximité territoriale, représente la formule la plus rapide. Cela étant, comment le Canada pourrait-il être une troisième option? À l'heure actuelle, de quel mécanisme dispose-t-on dans un pays comme la Thaïlande pour permettre à des transfuges nord-coréens de se rendre au Canada, à supposer qu'il s'agisse là d'une de leurs meilleures options?
Mme Bhatla : Merci pour cette question.
Selon le cadre légal actuel, ceux qui sont accueillis au Canada ne peuvent l'être qu'à titre de troisième solution. Dans tous les cas, le retour au pays d'origine est considéré comme le meilleur scénario. En l'espèce, évidemment, ce n'est pas envisageable. Il reste donc l'intégration locale et l'accueil dans un pays tiers qui est la troisième option.
En vertu de notre cadre légal actuel, l'accueil est donc, comme je le disais, la troisième option. Nous n'avons pas de personnel sur le terrain, d'agents d'accueil, qui puisse examiner les cas qui ne sont pas transmis par le HCNUR. Nous n'avons pas d'agents prêts à examiner les dossiers de ceux qui veulent être accueillis au Canada. Ce sont généralement des dossiers qu'on nous transmet. Je ne sais pas si cela répond à votre question, mais je répète que nous n'avons personne sur le terrain pour donner suite à d'éventuelles demandes, si c'est ce que vous vouliez savoir.
La sénatrice Martin : En fait, les transfuges nord-coréens n'ont pas cette possibilité actuellement. Les Canadiens n'assurent pas de présence permanente en Corée du Nord. Cependant, si besoin est — c'est là-dessus que nous nous penchons aujourd'hui —, nous avons entendu un transfuge nord-coréen parler du Canada comme d'une option très souhaitable; il a parlé des raisons pour lesquelles certains transfuges ne veulent pas aller en Corée du Sud, qui est pourtant si proche. Ni en temps normal et encore moins depuis que la provocation venue du Nord s'est intensifiée.
Voici une question à laquelle vous ne pouvez peut-être pas répondre, parce qu'il s'agit d'une situation hypothétique. Si nous envisagions la création de cette troisième option, comment ferait-on? Je n'attends pas de réponse en tant que telle, mais le fait est qu'en ce moment, les Nord-Coréens qui se trouvent dans des centres de détention en Thaïlande n'ont nulle part ailleurs où aller. À l'heure actuelle, le Canada n'est pas une option pour eux. Je pense avoir répondu à ma propre question, parce que je connais la situation. Si je puis me permettre, disons qu'il s'agissait plutôt d'un commentaire.
J'aimerais beaucoup poser une question aux représentants d'Affaires mondiales Canada. Les récentes provocations et activités de la Corée du Nord vous inquiètent-elles? Le Canada a-t-il analysé la situation dans la péninsule coréenne? Des témoins précédents nous ont parlé de changements imminents, et le plus tôt serait le mieux. C'est aussi ce qui émane d'autres sources et de certains rapports. Pouvez-vous nous parler des questions actuellement à l'étude par votre ministère et, le cas échéant, de vos préoccupations par rapport à la situation dans cette région?
Mme Gregson : Notre ministère est constamment aux aguets de la situation en Corée du Nord. De toute évidence, ma direction générale observe tout ce qui se passe sur le terrain. Nous analysons la situation sociale, économique et politique et nous suivons de très près les élections qui se déroulent en Corée du Nord actuellement. Avec nos collègues de la Direction générale de la sécurité, nous examinons tout ce qui touche de près ou de loin aux activités nucléaires de la République populaire démocratique de Corée, la RPDC, d'autant plus que cette année, nous avons été servis. Nous surveillons tout cela avec une vive inquiétude.
La réponse à vos deux questions est « oui ». Outre les préoccupations que je viens de mentionner, nous surveillons de près l'évolution de la situation dans la péninsule.
La sénatrice Martin : Supposons qu'un changement survient et qu'à sa suite, la Corée du Sud reçoit un afflux de transfuges nord-coréens qu'elle ne peut prendre en charge aussi massivement, le Canada serait-il en mesure de jouer un rôle? Pourrions-nous réagir à un changement de situation aussi soudain?
Mme Gregson : C'est une question hypothétique à laquelle j'hésite un peu à répondre. Chaque fois qu'une situation de crise éclate quelque part dans le monde, nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires d'autres ministères pour nous assurer que le Canada peut intervenir de manière coordonnée.
Le sénateur Ngo : J'aimerais revenir sur l'immigration. Nous savons que des Nord-Coréens qui demanderaient l'asile au Canada seraient considérés comme des citoyens sud-coréens et cela, en raison d'une politique selon laquelle les transfuges nord-coréens ne sont pas admissibles au statut de réfugié défini par le HCNUR et qui constitue une condition préalable pour demander l'asile au Canada.
Selon les témoignages entendus il y a deux semaines, des Nord-Coréens ont fait l'objet d'une arrestation après leur arrivée à Bangkok. Le gouvernement thaï ne les renvoie pas en RPDC, mais il les met dans des centres de détention. N'étant pas admissibles au statut de réfugié en vertu du HCNUR et ne pouvant donc pas être acceptés au Canada, ils restent dans ces centres de détention.
Premièrement, qu'est-ce que le Canada peut faire pour aider les transfuges en détention dans ces centres? Deuxièmement, étant donné qu'ils ne sont pas autorisés à sortir des centres de détention et que le HCNUR n'y mène pas d'entrevues, comment ces personnes peuvent-elles obtenir le statut de réfugié nécessaire pour être admis au Canada? Ma prochaine question s'adressera à Affaires mondiales Canada.
Mme Bhatla : Vous venez de signaler une situation aussi tragique que difficile à plusieurs égards.
Pour être claire, conformément à la politique du gouvernement du Canada, chaque cas est examiné selon ses propres circonstances. J'insiste sur ce point, car il est très important dans le cadre du processus de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) et du processus de réinstallation. Il existe des exceptions, tout comme il peut exister des circonstances impérieuses justifiant l'octroi d'une mesure spéciale. Vous avez cependant raison en affirmant qu'en règle générale, la Corée du Sud est considérée comme une solution durable pour les Nord- Coréens — du moins la plupart — par les agences de l'ONU et de nombreux pays.
En réponse à votre question sur ce que le Canada pourrait faire par rapport à la situation dans les centres de détention thaïlandais, je dirais qu'à bien des égards, il faudrait miser davantage sur l'approche diplomatique. Quoi que nous fassions concernant les réfugiés exigera forcément, par exemple, une coordination avec les gouvernements locaux. Le Canada devra dialoguer avec la Thaïlande et, s'il devait mener une action plus concrète, travailler de concert avec des pays qui partagent les mêmes valeurs que lui.
Pour ce qui est du droit d'asile, des difficultés particulièrement épineuses se posent à bien des égards, notamment celle de travailler avec le gouvernement thaïlandais à la délivrance de permis de sortie. Un bon nombre d'enjeux d'ordre pratique et opérationnel devraient être analysés.
Sur le plan de la politique ou de l'approche, la seule marge de manœuvre qu'offre le cadre actuel est la politique du cas par cas. Je ne dis pas pour autant que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'acceptera jamais un de ces cas ou n'ouvrira jamais de dossier, parce que certains cas assortis de considérations humanitaires extrêmement impérieuses pourraient être portés à notre attention. Tout n'est pas tout noir ou tout blanc. Cependant, de manière générale, le Canada aurait à composer avec une situation très compliquée. C'est certainement le cas en ce qui concerne les moyens de demander l'asile au Canada, c'est-à-dire de venir au Canada pour des motifs de protection.
Le sénateur Ngo : Je pose la question parce que le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés, le HCNUR, ne peut pas entrer en contact avec les Nord-Coréens dans les centres de détention de Bangkok. Le gouvernement thaïlandais ne les laisse pas sortir. Pour eux, c'est l'impasse. Ils sont coincés là. Impossible de présenter une demande de statut de réfugié, parce que d'après ce que vous dites, ils ne sont pas considérés comme des réfugiés. Alors qu'est-ce qu'on fait? Demander au HCNUR d'aller mener des entrevues et d'examiner chaque cas, quelque chose comme cela? J'y étais. Rien ne bouge. L'ambassade canadienne n'a même jamais abordé la question. Je suis allé voir le gouvernement thaïlandais, on m'a dit que c'était à cause du HCNUR.
Pourriez-vous préciser votre pensée, s'il vous plaît?
Mme Bhatla : Sous l'angle de ma fonction, les situations que vous avez invoquées comptent, selon moi, parmi les plus difficiles que nous n'ayons jamais rencontrées avec les réfugiés d'ailleurs dans le monde. Je ne peux pas me prononcer sur le cas particulier des Nord-Coréens en Thaïlande, je ne suis pas experte sur le sujet.
En général, si le Haut-Commissariat pour les réfugiés n'a pas accès à une population, on peut certainement penser que c'est encore plus difficile pour un État.
Le contexte que vous avez décrit en est un où il est très difficile d'accéder à une population et si, comme vous l'avez souligné, même l'ONU ne peut y accéder, la situation devient extrêmement complexe.
Le sénateur Ngo : J'ai besoin de poser d'autres questions. Je ne suis pas satisfait de la réponse. Le problème, c'est que ce n'est pas au HCNUR qu'il incombe d'aller interviewer les transfuges au centre de détention. Cette procédure se fait à l'instigation de gouvernements étrangers. C'est au Canada, aux États-Unis et ainsi de suite qu'il revient de dire au HCNUR « Nous sommes concernés par telle et telle personne et nous savons qu'elle se trouve dans ce centre. Auriez- vous l'obligeance d'y aller? », ou encore « voici quels sont les réfugiés — ou les transfuges du camp de détention — qui doivent passer une entrevue avec le HCNUR. » C'est de cela que je parle.
Est-ce que cela peut se faire si des demandes sont présentées?
Mme Bhatla : Des demandes faites par qui?
Le sénateur Ngo : Par des citoyens canadiens qui disent à ce comité « Nous connaissons trois, quatre, cinq personnes en captivité dans un centre de détention pour Nord-Coréens. Nous vous prions de bien vouloir vous pencher là-dessus. »
Mme Bhatla : Si le comité exprimait des préoccupations, nous les examinerions une à une; et s'il existe certaines situations particulières que vous aimeriez porter à notre attention, nous en tiendrions compte.
Le président : La parole est à vous, madame Gregson. Il y a encore cinq sénateurs sur notre liste et il ne reste que 20 minutes. Je voudrais donner la parole à tout le monde au deuxième tour.
Mme Gregson : Sous l'angle des relations bilatérales, de notre façon de faire avec le gouvernement thaïlandais, nous attirons constamment et régulièrement leur attention sur leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et en vertu de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Nous le faisons périodiquement, la dernière fois, c'était lors de ma visite en Thaïlande en mars dernier. J'ai soulevé cette question, sans évoquer le cas des Nord-Coréens en particulier, mais de façon générale, à propos de tous les étrangers gardés en détention.
La sénatrice Hubley : Je souhaite la bienvenue aux témoins et les remercie pour leurs exposés.
La question s'adresse à Mme Bhatla. Elle concerne la diminution impressionnante du nombre des demandes de statut de réfugié déposées à partir de 2012, pour atteindre zéro, je crois, en 2015. Les médias en ont sûrement parlé. Si je me souviens bien, c'est le Toronto Star qui, en 2013, écrivait que la politique canadienne à l'égard des Nord-Coréens avait changé et que le Canada en acceptait beaucoup moins. Et aussi VICE News, en 2015, qui rapportait que l'année 2015 représentait le plus faible taux d'admission de Nord-Coréens en tant que réfugiés.
Attribuez-vous cela à la Corée du Sud — au fait que les Nord-Coréens sont automatiquement admissibles à la citoyenneté sud-coréenne — ou au fait que la Corée du Sud est leur destination de choix? Ce serait très étonnant, mais est-ce le cas?
Mme Bhatla : Permettez-moi d'insister encore une fois sur le fait que tout se ferait au cas par cas. Notre politique ne nous permet pas de dire « Vous ne pouvez pas obtenir le statut de réfugié pour telle et telle raison. » La CISR, qui est un tribunal indépendant quasi judiciaire, examine chaque cas en fonction de ses circonstances propres. Tous les facteurs sont pris en compte. Et l'un de ces facteurs est la mesure dans laquelle le demandeur aurait pu solliciter la protection d'un autre État.
L'autre question concerne l'examen des documents. Si, par exemple, une personne arrive au Canada avec un passeport sud-coréen, la CISR pourrait déterminer qu'elle vient de la Corée du Sud où elle bénéficiait déjà de protection. Vous voyez ce que je veux dire?
C'est ce genre de problèmes qui pourraient survenir. L'arbitre de la CISR examinerait les faits présentés, y compris tous les documents, qui peuvent aussi comprendre des itinéraires de transit. De son côté, la direction des recherches de la CISR réunit beaucoup d'information sur la situation qui prévaut dans le pays de provenance du réfugié, qu'il s'agisse d'un pays tiers ou de son pays d'origine.
Il serait sans doute préférable que la CISR explique elle-même comment elle détermine l'admissibilité d'une demande, mais je sais que tous ces différents facteurs sont pris en compte.
La sénatrice Hubley : J'ai une autre question. De toutes les sanctions qui ont été mises en place — et il semble y avoir beaucoup d'organismes qui souhaitent améliorer les relations à l'intérieur du pays —, êtes-vous en mesure de juger de l'efficacité de ces sanctions en vous fondant sur le nombre de personnes qui quittent le pays? Estimez-vous que chacune de ces sanctions produit les résultats escomptés?
Mme Gregson : C'est une question difficile. Une très bonne question, mais très difficile. Chaque fois qu'il y a provocation de la part de la Corée du Nord, la communauté internationale, dont le Canada, essaie de voir quelle serait la réponse la plus appropriée. Ces sanctions sont les meilleurs outils dont nous disposons pour essayer de faire changer les choses dans le pays.
La sénatrice Cordy : En fait, ma question est un complément à celle de la sénatrice Hubley. Quelles seront les nouvelles sanctions imposées contre Pyongyang par suite de l'adoption de la résolution 2270? La Corée du Nord est déjà coupée de la communauté internationale, alors que peut faire le Canada, que peuvent faire les autres pays? Ils sont déjà isolés du reste du monde, alors je me demande — je ne sais pas. Je penche dans le même sens que la sénatrice Hubley.
Ces sanctions supplémentaires visent-elles à combler les lacunes laissées par les sanctions existantes? Le problème ne date pas d'aujourd'hui.
Mme Gregson : C'est un problème, effectivement. Comme je l'ai dit plus tôt, nous imposons des sanctions dans l'espoir qu'elles aient les effets escomptés. Nous croyons que nous parvenons à provoquer certains changements de comportement, jusqu'à un certain point, mais c'est difficile à mesurer.
Je ne sais pas si mes collègues ont quelque chose à ajouter.
Christopher Burton, directeur, Direction de l'Asie du Nord-Est, Affaires mondiales Canada : Je peux coter quelques exemples.
La résolution 2270 a une portée globale; elle s'applique à tous les pays membres des Nations Unies. Il incombe à chaque État d'en assurer l'application et la mise en œuvre dans ses lois nationales. Ce qui signifie que dans certains cas, l'obligation à laquelle le Canada s'est déjà engagé dans sa législation interne deviendra plus généralisée, et que la résolution 2270 aura pour effet de porter les sanctions d'autres pays à un niveau similaire au nôtre en ce qui concerne l'interdiction visant les importations et les exportations.
Le Canada devrait aussi adopter les mesures supplémentaires prévues par la résolution. Par exemple, l'interdiction d'enseigner aux Nord-Coréens certaines matières comme la physique nucléaire, applicable non seulement à l'intérieur de chaque pays visé, mais aussi à ses ressortissants expatriés. Cette mesure n'existe pas dans nos lois canadiennes actuelles.
La résolution prévoit une foule d'autres mesures, dont des règles régissant l'utilisation des ports maritimes et des aéroports par les navires et les aéronefs nord-coréens en transit dans d'autres pays.
La sénatrice Cordy : La résolution 2270, coparrainée par le Canada, est une résolution positive. Elle est censée s'appliquer mondialement, de sorte que tous les pays de l'ONU devront y adhérer. L'ONU a toujours été prompte à fournir de l'aide pour alléger la pauvreté généralisée en Corée du Nord. Mais cette résolution est-elle vraiment mondiale et fait-elle vraiment une différence? Les résolutions font-elles une différence? Nous aimons bien lire les résolutions qui ont été adoptées, parce que cela nous rassure, mais le soir, quand nous allumons la télé, c'est pour constater que les mêmes horribles sévices perdurent.
Mme Gregson : Ces outils sont ce que nous avons de mieux pour tenter d'influencer le comportement d'un autre État souverain. Il est vrai que ces dernières années, nous avons vu des signes de faibles améliorations au chapitre de la famine, par exemple, mais ces améliorations découlent-elles directement des sanctions? Nous n'en savons rien. Nous pouvons seulement faire de notre mieux pour entraver les activités de Pyongyang, en souhaitant que notre action provoque un changement de comportement.
La sénatrice Andreychuk : Les demandes de Nord-Coréens présentées depuis la Corée sont traitées de façon identique à celles présentées depuis un autre pays. En d'autres mots, les règles n'ont subi ni changement ni modification, elles ont été appliquées à l'immigration.
Mme Bhatla : C'est exact.
La sénatrice Andreychuk : Avons-nous une idée de la façon dont les Nord-Coréens se rendent en Corée? Par la Chine ou directement? J'entends des histoires de gens qui veulent quitter le pays à tout prix, mais ne peuvent pas. Ils sont sous étroite surveillance, contrôlés. Certains y parviennent malgré tout, sans passer sous la clôture ni par les postes- frontières, ils sortent par d'autres moyens, mais comment? Avons-nous des données là-dessus? Ces Nord-Coréens qui réussissent à partir, savons-nous de quel type de personnes il s'agit? Ces personnes font-elles partie d'un groupe exceptionnel, spécial ou persécuté, ou encore d'un groupe déjà avantagé autorisé à voyager? C'est ce qui s'est passé il y a quelques années avec les athlètes cubains qui sont débarqués à nos portes. Comment sort-on de Corée du Nord? D'après ce que j'ai entendu dire, c'est pratiquement impossible.
Mme Bhatla : Nous ne suivons pas cette information. Je suis sûre que vous entendrez des témoins qui vous renseigneront là-dessus; nous n'avons pas de données probantes ni de résultats d'analyse sur les mouvements migratoires à vous fournir.
La sénatrice Andreychuk : Toutes nos sanctions, notre activité et nos bonnes intentions n'ont pas beaucoup d'effet en Corée du Nord, et nous en sommes conscients. Les Chinois ont bien plus d'influence que nous. Outre les sanctions que nous imposons par l'intermédiaire des Nations Unies, dans quelle mesure encourageons-nous la Chine à essayer plus efficacement d'apporter un peu de changement en Corée du Nord?
Mme Gregson : Il s'agit de modifier le comportement d'un État souverain. Au sein de la communauté internationale, et cela comprend le Canada, nous avons essayé d'en discuter avec des pays qui, il semblerait, ont plus d'influence sur la Corée du Nord. Nous avons essayé de tirer parti de cette influence, mais en fin de compte, je le répète, il s'agit d'influencer le comportement d'un autre État.
Nous espérons — en fait, nous en sommes sûrs — que les résolutions des Nations Unies et les mesures qu'a prises le Canada feront effet et que cet effet perdurera. Comme je vous l'ai dit, il est difficile d'influencer un comportement.
La sénatrice Nancy Ruth : Madame Bhatla, on nous a dit que 70 à 80 p. 100 des personnes qui réussissent à sortir de la Corée du Nord sont des femmes. Des 720 Nord-Coréens qui sont arrivés au Canada, quels sont les pourcentages d'hommes et de femmes?
Mme Bhatla : Je n'ai pas ce renseignement ici, mais je pourrai le fournir au comité.
La sénatrice Nancy Ruth : Ce que j'essaie de savoir, c'est que puisqu'il semble y avoir un problème dans ce centre pour réfugiés et puisque le Canada s'est engagé envers toutes sortes de résolutions des Nations Unies et envers l'analyse différenciée selon les sexes, existe-t-il dans votre ministère une entité chargée d'encourager l'aide aux femmes et aux filles qui s'enfuient de la Corée du Nord? Que faites-vous face aux problèmes d'inégalité des sexes? Y faites-vous quelque chose?
Mme Bhatla : Pour vraiment bien répondre à cela, il vous faudrait une meilleure explication du processus que suit la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il vous serait utile d'inviter un représentant de la CISR qui vous expliquerait en détail sur quels critères reposent ces déterminations. Je ne sais pas quels outils la CISR utilise, mais elle sensibilise beaucoup ses membres sur les questions d'égalité des sexes et surtout sur les femmes à risque. Un représentant de la CISR pourrait répondre à votre question.
La sénatrice Nancy Ruth : J'aimerais voir les statistiques.
Mme Bhatla : Bien sûr.
La sénatrice Nancy Ruth : Du côté d'Affaires mondiales, puisque le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée a observé le 16 mars qu'on envisageait de conclure un traité de paix avec la Corée pour remplacer l'armistice, dans quelle mesure est-ce que le Canada inclura la résolution 1325 sur le droit des femmes, la paix et la sécurité et d'autres résolutions dans sa réponse au cours de ces négociations de la communauté internationale? Selon vous, quelles répercussions aura-t-elle sur les femmes et sur les filles en Corée du Nord?
Mme Gregson : Je vais demander à mon collègue de vous donner un peu plus de détails, mais il est évident que notre travail est axé sur l'égalité des sexes. Si vous parlez des négociations et des pourparlers à six, le Canada ne participe pas à ce processus.
La sénatrice Nancy Ruth : Nous avons une certaine influence sur d'autres pays pour ces enjeux aux Nations Unies.
Mme Gregson : Bien sûr, au sein du système des Nations Unies, nous consultons nos collègues et échangeons de l'information avec eux.
M. Burton : Je ne pourrai ajouter que très peu de choses. Nous n'avons pas entendu parler d'un traité de paix dans la péninsule de Corée. La paix de la péninsule de Corée apporterait beaucoup de bienfaits à l'égalité des sexes et à d'autres enjeux à cause de la menace constante que ce conflit gelé pose aux deux Corées et au reste de cette région.
La sénatrice Jaffer : Certaines de vos réponses m'inquiètent beaucoup, mais nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails. Ma plus grande préoccupation est le fait que vous parliez constamment de la définition du HCNUR alors qu'il y a des années, plusieurs d'entre nous ont travaillé très fort pour étendre la définition du HCNUR afin d'y inclure des lignes directrices fondées sur l'égalité des sexes.
Appliquez-vous dans votre travail des lignes directrices fondées sur l'égalité des sexes en étendant la définition du HCNUR? Sinon, pourquoi n'utilisez-vous pas de lignes directrices fondées sur l'égalité des sexes pour étendre la définition des critères d'admissibilité au statut de réfugié pour les femmes maltraitées?
Mme Bhatla : Faites-vous référence aux lignes directrices qu'utilise la CISR?
La sénatrice Jaffer : Si la CISR les utilise, pourquoi pas vous?
Mme Bhatla : Nous n'établissons pas nous-mêmes ces déterminations. J'essaie de comprendre votre question.
La sénatrice Jaffer : Je sais que vous n'établissez pas cette détermination. Vous l'avez déjà dit, et cela m'irrite. Vous avez déjà dit que le HCNUR définit l'admissibilité au statut de réfugié, mais — monsieur le président, notre comité devrait peut-être présenter cette recommandation — le Canada en a étendu la définition. Puisque le Canada l'a étendue et que la CISR l'utilise, pourquoi ne l'appliquez-vous pas?
Mme Bhatla : J'avoue que j'essaie de comprendre votre question. En ce qui concerne la définition de la demande de protection, permettez-moi d'expliquer la différence avec la définition de la convention. Comme vous le savez, le HCNUR applique une définition, celle de la convention. Le Canada a inséré cette définition dans ses propres lois, mais quand nous parlons de « personnes protégées », nous parlons de personnes auxquelles s'applique une définition plus étendue que celle du HCNUR, qui inclut les femmes qui risquent de subir de la torture ou de graves violations des droits de la personne ou autres. Dans ce sens oui, la définition du Canada est plus étendue, mais elle définit non pas les réfugiés de par la convention, mais les personnes qui nécessitent une protection. Comme cette définition fait partie de nos lois, les agents des visas à l'étranger et les agents de la CISR examinent les paramètres de la loi indiquant qu'une personne a besoin de protection.
L'application de cette détermination repose non pas sur une loi ou un règlement, mais sur une directive administrative, quelque chose de ce genre. Donc oui, du point de vue politique, notre ministère est très sensible aux différentes répercussions que subissent les femmes et les hommes. Nous menons par exemple depuis très longtemps un programme qui s'appelle Femmes en péril. C'est un programme spécial, mais je vous dirai franchement que nos agents des visas sont formés de manière à tenir compte de plusieurs facteurs, y compris les problèmes d'inégalité des sexes.
Je crois que votre question portait sur la formation et la sensibilisation des agents des visas ainsi que sur les directives qu'ils doivent suivre; dans ce cas, je peux vous dire que nous tenons compte de ces enjeux.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le président, je sais que nous avons dépassé le temps qui nous était alloué, et je m'en excuse. Je voudrais vous présenter une requête.
Je voudrais que vous nous permettiez de demander avec quelle fréquence les agents des visas appliquent les directives sur l'égalité des sexes quand ils prennent une décision. La raison pour laquelle vous me voyez quelque peu irritée, c'est que plus tôt, nous avons entendu dire qu'un plus grand nombre de femmes quittent la Corée et que quand elles arrivent en Corée du Sud, elles se heurtent à de grandes difficultés. Elles se heurtent aux mêmes difficultés que celles qui les avaient incitées à fuir la Corée du Nord.
Le deuxième problème est le suivant : en prenant cette décision, observons-nous les directives sur l'égalité des sexes? La troisième question que je vais vous poser — et je sais que nous n'avons plus de temps — est la suivante : j'ai entendu dire que l'on n'utilise presque jamais le programme Femmes en péril, alors je voudrais que vous disiez au président avec quelle fréquence on utilise ce programme. Si j'ai bien compris, on ne l'utilise pour ainsi dire plus à l'heure actuelle. Je voudrais que vous remettiez cette information au président.
Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Bhatla : Très rapidement. Je vais certainement vous soumettre cette information. Je vais vérifier les statistiques sur le programme Femmes en péril. Mais je dois vous dire que dans un certain sens, je ne serais pas surprise de constater qu'on utilise moins ce programme — mais j'éviterai de spéculer là-dessus — que dans le passé, justement parce que nous n'avons pas besoin d'un programme particulier et qu'on l'a incorporé dans le processus global. Il y a probablement un grand nombre de femmes en péril qui entrent au Canada sur une détermination d'agents des visas, qui ne sont pas étiquetées ou codifiées pour le programme Femmes en péril. C'est pourquoi les statistiques ne seront pas élevées, mais nous pourrons certainement vous expliquer le fonctionnement du processus dans notre réponse.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le président, nous devrons peut-être rappeler cette dame une fois que nous aurons reçu sa réponse.
Le président : Oui, tout à fait. Nous vous remercions beaucoup de nous avoir bien éclairés jusqu'à présent. Votre témoignage ajoutera de la valeur à notre rapport. Nous vous remercions de votre honnêteté et de l'information que vous nous avez présentée aujourd'hui. Nous vous remercions beaucoup, et nous déposerons notre rapport très bientôt, parce que cette question est extrêmement délicate, et il faut que le Canada s'en occupe.
Merci beaucoup.
Nous reprenons les travaux du Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous venons d'assister à une discussion animée entre les sénateurs et, bien sûr, les témoins précédents du gouvernement du Canada.
Dans ce deuxième groupe de témoins, nous aurons le plaisir d'entendre aujourd'hui Christopher Kim, directeur exécutif de l'Association de soutien HanVoice; nous entendrons aussi Alex Neve, secrétaire général d'Amnistie Internationale Canada. Je crois que M. Kim va commencer. Bienvenue.
Christopher Kim, directeur exécutif, Association de soutien HanVoice : Bonjour mesdames et messieurs. Tout d'abord, je tiens à remercier chaleureusement le Comité permanent du Sénat sur les droits de la personne de mener cette étude sur ce problème extrêmement grave et, bien sûr, d'avoir invité HanVoice à présenter son point de vue sur la crise des droits de la personne qui sévit en Corée du Nord.
Avant de plonger dans ce sujet, je voudrais vous présenter brièvement un avis de non-responsabilité. Je suis avocat spécialisé en droit de l'immigration — évidemment, un avocat qui présente un avis de non-responsabilité, cela ne surprend personne... Je travaille pour le cabinet Fragomen (Canada), le bureau de Toronto de la société Fragomen Worldwide, le plus grand fournisseur de services d'immigration au monde. Je tiens à affirmer dès le départ que les opinions que je vais vous présenter sont les miennes, découlant de mon poste de directeur exécutif de HanVoice, et qu'elles ne représentent en aucun cas celles de mon employeur.
Il y a environ trois semaines, vous avez entendu le témoignage d'un militant, un réfugié de la Corée du Nord très connu ainsi que les observations de deux experts sur la Corée du Nord qui jouissent d'une grande renommée. Ces experts ont parlé longuement de la crise des droits de la personne qui sévit depuis très longtemps et qui entache la réputation de la péninsule coréenne depuis les années 1950. Ils ont parlé entre autres choses des violations des droits de la personne que commet l'un des derniers régimes totalitaires au pouvoir à l'heure actuelle.
Dans son étude marquante menée en 2014 sur la Corée du Nord, la commission onusienne d'enquête sur la situation des droits de l'homme affirme que :
La gravité, l'échelle et la nature de ces violations mettent en évidence un État qui n'a aucun parallèle dans le monde contemporain.
La Commission d'enquête affirme ensuite que ces extrêmes violations des droits de la personne ont atteint le niveau de « crimes contre l'humanité ». Elle exhorte la communauté internationale à dénoncer cette situation à la Cour pénale internationale. En fait, elle observe que des 11 actes constituant des crimes contre l'humanité énumérés dans le Statut de Rome — le traité fondateur de la Cour pénale internationale —, la Corée du Nord en commet 10 dans ses attaques systémiques contre ses citoyens. Le seul de ces crimes qu'elle ne peut pas commettre est celui d'apartheid à cause de la composition homogène de la population nord-coréenne.
De ces tragiques crimes contre l'humanité découle une crise secondaire : celle de la crise des réfugiés nord-coréens. Bien que leur nombre ne s'élève qu'à quelques milliers par année — dont 70 à 80 p. 100 sont des femmes — le périple qu'ils doivent accomplir pour atteindre un endroit sécuritaire est extrêmement dangereux. La Chine infiltre régulièrement les groupes de réfugiés pour les rapatrier dans la Corée du Nord, où ils sont alors torturés, emprisonnés et parfois même exécutés.
Au début des années 1990, les réfugiés de la Corée du Nord avaient trois possibilités de fuite une fois qu'ils se trouvaient en Chine : ils pouvaient s'enfuir par la frontière vers la Mongolie, demander l'asile à des missions diplomatiques en Chine, ou cheminer vers des pays d'Asie du Sud-Est pour se rendre notamment en Thaïlande. Malheureusement, la Chine a éliminé avec beaucoup d'efficacité les deux premiers choix. Il ne reste aux réfugiés nord- coréens que les pays de l'Asie du Sud-Est comme la Thaïlande où trouver éventuellement un peu de liberté.
En 2009, le nombre de ces réfugiés arrivant en Thaïlande a atteint un sommet de près de 3 000 par année. Mais depuis que Kim Jong-un a pris le pouvoir, son régime fait de grands efforts pour empêcher les défections; le nombre des passages en pays étranger a donc chuté à son plus bas niveau depuis une décennie pour atteindre un peu plus de 1 000 réfugiés par année. Les autorités thaïlandaises, de leur côté, ne permettent pas aux Nord-Coréens de s'installer dans leur pays. En fait, comme l'ont dit d'autres témoins, dès qu'ils arrivent, on les arrête pour entrée clandestine et on les enferme dans des centres de détention à Bangkok.
Bien que la Thaïlande ne rapatrie pas ces réfugiés dans la Corée du Nord, ceux qui réussissent à se rendre si loin n'ont que très peu de possibilités d'issue. À l'heure actuelle, deux pays seulement acceptent les réfugiés nord-coréens qui se trouvent en Thaïlande : la Corée du Sud et les États-Unis. Je vais maintenant vous parler de ces deux pays.
Les Nord-Coréens ont accès au processus d'asile des États-Unis depuis que ce pays a adopté sa loi sur les droits de la personne en Corée du Nord, le North Korean Human Rights Act of 2004. Mais le processus de traitement de ces dossiers est si lent qu'en 10 années d'efforts déployés pour aider les réfugiés nord-coréens bloqués à l'étranger, les États-Unis n'en ont admis que 200. Il ne reste donc que la Corée du Sud, où environ 30 000 Nord-Coréens se sont réinstallés.
Je souligne au comité permanent du Sénat que le Canada devrait accorder une attention très particulière à ce problème. De nombreux militants l'ont dénoncé, dont certains témoins qui ont déjà éclairé cette étude, comme Hyeonseo Lee, Jack Kim et Adrian Hong. En fait, même l'éminent juge Michael Kirby, président de la commission onusienne d'enquête, en témoignant devant le Sous-comité des droits internationaux de la personne de la Chambre des communes le 9 juin 2015, a souligné que le Canada devrait s'occuper plus activement de la réinstallation des réfugiés.
Comme vous le savez probablement, la constitution de la Corée du Sud considère toutes les personnes qui vivent dans la péninsule coréenne comme ses citoyens. Cela provient du fait que techniquement, les deux Corées sont encore en guerre. Cette situation extrêmement particulière a créé un obstacle juridique qui empêche les Nord-Coréens d'accéder aux systèmes d'admission des réfugiés des pays de l'étranger, dont celui du Canada. Cet obstacle bloque l'aiguillage du HCNUR pour la réinstallation vers d'autres pays, comme l'ont expliqué d'autres témoins à ce comité.
Les États-Unis ont résolu ce problème d'interprétation dans leur North Korean Human Rights Act, qui permet explicitement aux Nord-Coréens de demander asile à partir de l'étranger malgré le libellé de la constitution de la Corée du Sud. Mais sans un tel libellé législatif, la seule façon dont les Canadiens pourraient contribuer à la réinstallation des réfugiés nord-coréens serait de demander au ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté d'intervenir en concevant un programme spécial pour les Nord-Coréens captifs dans leur situation de réfugiés. Le ministre pourrait créer ce programme de politique publique grâce aux pouvoirs discrétionnaires que lui confère l'article 25.2 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Ces pouvoirs discrétionnaires ont déjà servi à aider d'autres populations déplacées qui se trouvaient dans des situations de réfugiés similaires, comme les Vietnamiens devenus apatrides en Thaïlande et aux Philippines et les Tibétains en Inde. Ces programmes spéciaux étaient similaires au fameux Programme de parrainage privé des réfugiés, qui permet à des citoyens de parrainer des réfugiés se trouvant à l'étranger.
Je vais conclure par une dernière observation. Dans un pays isolé situé à plus de 10 000 km d'ici vivent plus de 24 millions de personnes captives d'un des régimes politiques commettant la répression la plus brutale qui existe à l'heure actuelle. La commission onusienne d'enquête a comparé ce régime à l'Allemagne sous Hitler. Ces gens ne savent pas que de l'autre côté du globe, un petit groupe de personnes profondément attachées à la liberté pensent à eux en ce moment. Et pourtant nous sommes dans cette petite salle, participant à cette étude importante.
Je suis avocat et j'aime la connaissance pour le simple fait d'apprendre. Mais j'apprécie encore plus la connaissance lorsqu'elle nous amène à agir pour rétablir la justice. J'espère avoir porté aujourd'hui à l'attention de ce comité une manière tangible de permettre à tous les Canadiens, qu'ils soient fonctionnaires ou simples citoyens, d'aider les victimes perdues et sans voix d'une crise qui dure depuis 60 ans.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, et je vous remercie une fois de plus de m'avoir invité.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Kim. Nous avons pris note de votre suggestion et de votre idée de demander au ministre de l'Immigration d'intervenir et de concevoir un programme spécial pour les Nord-Coréens. Ils sont captifs dans une zone de non-droit, si l'on peut dire.
Monsieur Neve, d'Amnistie Internationale Canada.
Alex Neve, secrétaire général, Amnistie internationale Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux de comparaître devant votre comité aujourd'hui, même si nous traitons d'un sujet extrêmement lugubre.
La crise des droits de la personne qui sévit en Corée du Nord se résume en une phrase très simple : les Nord-Coréens souffrent jour après jour du déni et de la violation de virtuellement tous les aspects des droits de la personne.
La Corée du Nord fait très souvent les manchettes; les Nations Unies l'ajoutent aux ordres du jour de leurs réunions; les capitales nationales lui jettent un regard sérieux lorsque la tension monte à sa frontière avec la Corée du Sud ou lorsqu'elles s'inquiètent de la voir lancer des missiles pour les mettre à l'essai ou causer d'autres risques à leur sécurité. Ces faits sont bien entendu très importants, mais le monde libre ignore depuis bien trop longtemps la crise atroce qui perdure dans ce pays. Je vais donc me concentrer sur cela avec vous. Je vais le faire parce qu'il s'agit bien sûr des causes profondes du problème sur lequel porte votre étude, la situation lamentable dans laquelle se trouvent les réfugiés nord- coréens.
Je vais attirer votre attention sur quatre préoccupations : les arrestations et les détentions arbitraires, la liberté de mouvement et la protection des réfugiés, les droits à la protection de la vie privée et à la liberté d'expression ainsi que l'intervention internationale.
Parlons d'abord des arrestations et des détentions arbitraires. Comme vous le savez autant que moi, des centaines de milliers de Nord-Coréens sont enfermés dans des camps de prisonniers et dans d'autres centres de détention du pays, et cela dans des conditions de vie atroces. Ils subissent systématiquement de graves violations des droits de la personne ainsi que de la torture, de la maltraitance et des travaux forcés.
Nombreux sont ces prisonniers qui n'avaient pas été reconnus coupables de délits criminels selon la définition des autres pays du monde; ils sont souvent emprisonnés par association familiale à des individus accusés de menacer l'État.
Les Nord-Coréens qui se sont enfuis nous disent que dernièrement, le nombre d'arrestations a subitement augmenté dans leur pays. Ce phénomène est dû en bonne partie au renforcement des contrôles frontaliers sur les personnes et les produits. Les autorités arrêtent souvent les gens simplement pour les punir d'avoir exercé leurs droits, en s'attaquant à l'économie privée ou à l'extorsion de pots-de-vin.
Vous savez aussi que parmi les prisonniers se trouvent des personnes de l'étranger. Le comité est bien sûr au courant d'une situation qui préoccupe profondément le gouvernement canadien — l'emprisonnement du pasteur Hyeon Soo Lim. Amnistie Internationale a documenté des cas systématiques de détention d'autres ressortissants étrangers venant surtout de la Corée du Sud.
Parlons maintenant de la liberté de mouvement. Vous avez bien sûr entendu des témoins décrire l'extrême difficulté de s'enfuir de la Corée du Nord; pourtant, des milliers de citoyens s'engagent dans ce périple. Le gouvernement de la Corée du Sud indique qu'au cours des 10 premiers mois de 2015, 978 Nord-Coréens sont arrivés dans son pays; cela vous donne une idée de la situation. Le gouvernement de la Corée du Nord a redoublé d'efforts pour bloquer le mouvement des réfugiés qui sortent du pays. Il a par exemple enfoui un plus grand nombre de mines terrestres le long de la frontière avec la Corée du Sud pour que ses soldats ne désertent pas vers le Sud. On observe depuis quelques années un nombre moins élevé de personnes qui s'enfuient en Corée du Sud; cela est dû à des raisons très diverses, dont le renforcement des contrôles frontaliers de la part du gouvernement nord-coréen.
Mais passons au-delà de la Corée du Sud. Amnistie Internationale documente depuis bien des années sa profonde préoccupation pour les Nord-Coréens qui cherchent à se réfugier en Chine. Au cours des années, des centaines d'entre eux ont été détenus, puis rapatriés de force en Corée du Nord. Le gouvernement chinois a conclu une entente en 1986 promettant d'agir ainsi. Mais ce faisant, la Chine viole directement ses obligations internationales envers les réfugiés. Dès que ceux-ci se retrouvent en Corée du Nord, on les arrête, on les emprisonne, puis on les envoie aux travaux forcés et à la torture.
Nous nous préoccupons maintenant de nouvelles ententes d'extradition conclues avec la Russie, ce qui accroîtra sans aucun doute les rapatriements depuis la Russie. Comme mon collègue ainsi que d'autres témoins vous l'ont dit, Amnistie a documenté ses préoccupations pour les réfugiés nord-coréens qui se trouvent dans de nombreux autres pays, notamment en Thaïlande. Les réfugiés nord-coréens n'ont que très peu de possibilités de s'en sortir. Cette situation interpelle clairement le gouvernement du Canada.
Protection de la vie privée et liberté d'expression : L'information sur la situation réelle des droits de la personne en Corée du Nord passe au compte-gouttes à l'étranger; le monde de l'extérieur n'en sait donc pas grand-chose. C'est pourquoi Amnistie Internationale concentre dernièrement sa recherche sur l'étranglement des communications ainsi que sur l'information qui entre au pays et qui en sort. Nous sommes convaincus que ces renseignements seront cruciaux pour secouer la paralysie qui entoure un grand nombre des problèmes de droits de la personne dans ce pays. Il est désormais clair que la frontière numérique est le plus récent champ de bataille du gouvernement nord-coréen pour isoler ses citoyens et obscurcir la transmission d'information sur la situation atroce des droits de la personne dans ce pays. Le contrôle absolu des communications constitue l'arme cruciale qu'utilisent les autorités pour dissimuler les détails de la situation sinistre des droits de la personne en Corée du Nord. Le gouvernement fait ainsi d'une pierre deux coups : d'une part il prive les Nord-Coréens de toute connaissance sur le monde extérieur et de tout savoir venant de l'étranger, et d'autre part, il les empêche de décrire au monde extérieur la situation lugubre des droits de la personne qui règne dans leur pays.
Évidemment, la Corée du Nord voit le tsunami d'information mobile et numérique qui déferle sur le reste du monde. À l'heure actuelle, plus de 3 millions de personnes sont inscrites à un service de téléphone cellulaire dans ce pays. Malgré cela, les Nord-Coréens n'ont pas le droit de s'exprimer librement et de faire des appels hors de leur pays. Cela nuit particulièrement aux familles ainsi qu'aux groupes d'amis et de collègues dont certains membres ont réussi à s'enfuir du pays et qui sont incapables de donner de leurs nouvelles.
Il y a maintenant un commerce illicite croissant de téléphones et de cartes SIM de contrebande, qu'on appelle des « téléphones mobiles chinois » parce qu'ils servent avant tout aux Nord-Coréens qui vivent près de la frontière de Chine et qui réussissent à accéder aux réseaux mobiles chinois. Une unité spéciale du service de sécurité nationale se sert d'appareils de surveillance à la fine pointe de la technologie pour repérer les personnes qui utilisent ces téléphones cellulaires afin de faire des appels hors du pays. On les arrête, et bon nombre d'entre eux sont accusés de trahison.
Tout un réseau de courtiers : On trouve toujours des individus prêts à profiter de la misère d'autrui, c'est bien connu. Ces individus offrent aux Nord-Coréens d'organiser pour eux des appels à des membres de leurs familles qui vivent à l'étranger sur ces cellulaires chinois de contrebande. Ils demandent des commissions exorbitantes et obligent leurs clients à faire des voyages périlleux pour le simple plaisir de passer quelques secondes ou quelques minutes au téléphone avec un ressortissant qui vit à l'étranger. Je vais vous présenter brièvement l'un de ces récits :
Ayant engagé un courtier, une jeune femme du nom de Choi Ji-woo s'est lancée dans un voyage périlleux pour traverser les montagnes dans l'espoir désespéré de parler à ses parents, qui s'étaient enfuis de la Corée du Nord. Voici ce qu'elle nous a raconté :
Parfois nous devions marcher toute la nuit pour traverser une montagne. Il n'y avait pas de chemin pour la contourner, et nous étions obligés de nous déplacer de nuit et non pendant la journée. Nous ne pouvions pas nous éclairer d'une lampe de poche, et il faisait nuit noire. Je ne voyais pas à 30 cm devant moi. Je voulais simplement entendre la voix de maman et de papa une seule fois. Si je pouvais avoir la certitude qu'ils étaient en vie, je pourrais mourir en paix. Quand le courtier a composé l'appel et que j'ai entendu la voix de papa, je n'ai eu qu'une pensée : « Il est vivant, il est vivant! »
Voilà ce que vivent les gens de la Corée du Nord pour rester en contact avec leurs proches et pour recevoir de l'information du monde extérieur.
Enfin, je voulais vous parler de la surveillance intense des pays du monde. Imaginez qu'il n'y a que quelques années que l'appareil de protection des droits de la personne des Nations Unies a remarqué les violations généralisées des droits de la personne que la Corée du Nord commet depuis des dizaines d'années et qu'il a décidé de les examiner de très près. Comme vous le savez, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a créé une Commission d'enquête, qui a publié un rapport historique en 2014. Cet événement est très significatif. Chaque année, l'Assemblée générale de l'ONU dépose, puis adopte une résolution sur les droits de la personne en Corée du Nord. Le Conseil de sécurité a tenu deux débats sur le rapport de la Commission d'enquête, en décembre 2014 et 2015, ce qui constitue une percée historique. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a ouvert un bureau en Corée du Sud pour documenter et recueillir des renseignements sur les violations des droits de la personne commises de l'autre côté de la frontière.
Il y a du progrès, mais le gouvernement nord-coréen continue de refuser catégoriquement de coopérer avec l'ONU et avec d'autres organismes internationaux de surveillance des droits de la personne. Il refuse de laisser entrer au pays le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme en République populaire démocratique de Corée du HCNUR. Malheureusement, les gouvernements qui auraient une certaine influence dans ce domaine ne font pas pression sur le gouvernement de la Corée du Nord pour qu'il modifie son comportement.
Qu'en est-il du Canada? Je vais conclure en présentant deux observations — mais je vais en glisser quelques-unes de plus, parce que l'une des deux comporte deux ou trois sous-observations.
Il est clair que nous exhortons le Canada non seulement de poursuivre, mais surtout d'intensifier ses efforts de collaboration multilatérale avec toutes les instances qui font d'énormes efforts pour corriger la situation des droits de la personne en Corée du Nord. Il s'agit bien sûr du Conseil des droits de l'homme, de l'Assemblée générale et dans les coulisses, du moins jusqu'à 2021, du Conseil de sécurité de l'ONU.
Ces initiatives multilatérales devraient viser principalement les objectifs suivants : d'abord, surveiller la mise en œuvre des recommandations de la Commission d'enquête; deuxièmement, pousser la Corée du Nord à laisser entrer des experts sur les droits de la personne, comme le Rapporteur spécial et les groupes internationaux comme Amnistie; troisièmement, collaborer à la libération des ressortissants de l'étranger détenus en Corée du Nord, ce qui est très difficile et donc nécessite une collaboration plus étroite avec d'autres gouvernements; quatrièmement, coordonner une intervention internationale pour résoudre la situation désespérée des réfugiés.
Ma seconde observation porte sur la nécessité d'assumer un rôle de chef de file pour mettre l'accent sur les graves préoccupations que j'ai décrites plus tôt, comme l'absence de liberté d'expression, de protection de la vie privée et d'accès aux communications. Amnistie vient de publier à ce propos un rapport détaillé intitulé Connexion refusée. Nous sommes de plus en plus convaincus qu'en progressant dans ce domaine, nous réussirons à nous attaquer plus amplement à la crise des droits de la personne en Corée du Nord. Il nous faut pour cela plusieurs champions de la communauté internationale.
Le président : Merci beaucoup de ce témoignage.
Avant de passer aux questions, j'aimerais signaler la présence de l'un de nos nouveaux sénateurs indépendants : madame la sénatrice Ratna Omidvar. Merci d'être parmi nous. Vous pouvez, bien entendu, poser une question.
La sénatrice Omidvar : Merci de votre accueil.
Le président : Passons aux questions.
La sénatrice Ataullahjan : Merci de ce témoignage percutant. Mes collègues, les sénatrices Nancy Ruth et Jaffer, ont déjà parlé de la détresse des femmes, et j'aimerais en savoir plus à ce sujet.
On nous a dit que beaucoup de transfuges nord-coréens sont des femmes et qu'elles sont souvent exposées à la traite des personnes, à l'exploitation sexuelle, au travail forcé et au mariage. Comment arrive-t-on à savoir où sont ces femmes et qui s'en occupe? Comment les aider dans ces situations d'exploitation? Peuvent-elles se rendre en toute sécurité et légalement dans un autre pays?
M. Kim : Pour ce qui est de savoir où elles sont, les renseignements que nous obtenons sur la Corée du Nord viennent généralement des témoignages de Nord-Coréens qui ont réussi à s'échapper et ont trouvé refuge dans un pays comme la Corée du Sud. Le ministère de l'unification de la Corée du Sud ainsi que la Fondation pour les réfugiés, qui sont tous deux des entités du gouvernement sud-coréen, font enquête pour obtenir ce genre de renseignements et recueillir des témoignages. La Commission d'enquête des Nations Unies, bien sûr, a consulté 320 témoignages pour rédiger son rapport.
Quelle était la deuxième question?
La sénatrice Ataullahjan : Arrivent-elles à se rendre en toute sécurité et légalement dans d'autres pays?
M. Kim : Légalement, elles peuvent se rendre dans d'autres pays, par exemple la Corée du Sud. Il y a actuellement un peu moins de 30 000 réfugiés en Corée du Sud. Il y en a 200 aux États-Unis. Nous savons que d'autres pays ont accueilli un certain nombre de réfugiés par le biais du système des demandes d'asile sur place. Il y en a des dizaines au Canada, ou peut-être des centaines, ainsi qu'en Allemagne et au Royaume-Uni. On commence à les voir flotter dans ces pays.
Pour ce qui est de l'accès direct aux réfugiés qui se rendent en Thaïlande, par exemple, il n'y a que les États-Unis et la Corée du Sud qui acceptent ces réfugiés.
M. Neve : J'ajoute que je pense que votre question renvoie au souci plus vaste sur la difficulté à obtenir des renseignements sûrs au sujet de la situation des droits de la personne en Corée du Nord au sens large, et elle s'applique absolument au souci plus spécifique des profils de réfugiés, et des femmes en particulier. Il est très difficile d'obtenir ces renseignements parce qu'il y a de nombreux obstacles à toutes les étapes, à cause de la peur qu'éprouvent les gens.
Comme l'a souligné Chris, on aboutit à des renseignements anecdotiques, recueillis lorsqu'il y a une recherche ou encore un processus des Nations Unies. Mais je ne crois pas qu'il existe de moyen systématique de veiller à ce que des renseignements soient recueillis.
J'ai parlé rapidement de la recommandation visant à ce que le Canada envisage de diriger un effort coordonné concernant les réfugiés nord-coréens, en regroupant des États aux perspectives communes pour commencer à réfléchir à des solutions cohérentes susceptibles d'être concrétisées conjointement. Il faudrait pour cela obtenir des renseignements et avoir accès à des données de bonne qualité sur le profil et le nombre de réfugiés.
La sénatrice Ataullahjan : Monsieur Kim, vous venez d'utiliser un mot qui m'a fait froid dans le dos : « on les voit flotter ». C'est une horrible façon de vivre : flotter. On dirait qu'il y a des tas de gens perdus dans le système. Je ne sais si les gens s'y désintéressent, n'ont pas envie d'aider ou sont incapables d'aider.
M. Kim : La situation est compliquée par les rapports précaires entre la Corée du Nord et la Corée du Sud, où ces gens sont coincés dans un flou juridique. Ils sont nord-coréens, bien sûr, mais ils n'ont pas de documents. Ils fuient en risquant leur vie. Mais la Constitution sud-coréenne les reconnaît quand même comme sud-coréens, comme tous les Coréens de la péninsule coréenne.
Donc où vont-ils? Beaucoup se retrouvent dans des pays, comme le Canada, où ils ont pu faire une demande d'asile pour motifs humanitaires. Ils ne sont pas ici en tant que réfugiés, ils sont ici pour d'autres raisons. C'est pourquoi je dis qu'ils « flottent ».
La sénatrice Martin : Il me semble que la définition de « réfugié » selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés protège ceux qui ont besoin de protection, mais qu'elle exclut les Nord-Coréens qui ont besoin de protection en raison du flou juridique dans lequel ils sont laissés.
Je m'interroge sur la recommandation que vous avez faite au Canada, qui pourrait être l'une de nos obligations, en tant que pays, de réellement accueillir ces personnes vulnérables ici. Pourriez-vous nous parler plus en détail du programme proposé? Des groupes comme la HanVoice Support Association ou Amnistie Internationale Canada pourraient-ils s'associer au gouvernement du Canada dans le cadre d'un programme de ce genre?
M. Kim : Absolument. Je commencerai par vous lire le paragraphe 25.2(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés :
Le ministre peut étudier le cas de l'étranger qui est interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi et lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables [...].
C'est en vertu de ce genre de disposition que le ministre peut user de son pouvoir discrétionnaire pour lancer des programmes « spéciaux ». C'est ce qui s'est passé, par exemple, pour les Vietnamiens apatrides échoués en Thaïlande pendant des décennies ou aux Philippines, de même que pour les Tibétains en Inde, qui ont été accueillis par l'Inde. Ils n'étaient peut-être pas apatrides, mais ils avaient besoin d'une autre patrie.
C'est le genre de réflexion prospective, non protocolaire, qui peut servir dans cette situation sans modifier le sens du terme « réfugié » ni l'exigence de « solution durable » selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés.
Pour ce qui est de savoir si d'autres organisations peuvent participer à la mise en œuvre, la HanVoice est en contact direct avec les responsables de la mise en œuvre du Project Tibet Society, qui concerne les Tibétains en Inde, et avec l'organisation vietnamienne VOICE, qui a appliqué ce genre de programme en assumant, en fait, le rôle de partenaire de mise en œuvre ou de partenaire d'accord de parrainage. C'est le même genre de rôle.
Il y a donc des gens qui se penchent déjà sur ce genre de programme. Peut-être aurons-nous une proposition pour le ministre bientôt.
M. Neve : Je suis d'accord pour dire qu'il est important de se rappeler que le Canada a l'habitude depuis longtemps de créer précisément ce genre de programme. Il l'a fait pour différentes nationalités depuis des années en reconnaissant que, pour toutes sortes de raisons, il existe des circonstances qui, en effet, ne répondent pas à la définition de « réfugié » selon la convention des Nations Unies, mais qui n'en sont pas moins impérieuses et que certains groupes appellent une réponse des Canadiens. Il y a certainement de nombreux antécédents.
Amnistie Internationale Canada a souvent collaboré avec le gouvernement du Canada dans le cadre de ces programmes par le passé, mais pas de façon centrale. Les partenariats centraux venaient surtout des groupes ethnoculturels qui seront évidemment la source du plus grand nombre de recommandations de cas. Notre point de vue est différent. Par exemple, nous sommes souvent informés de la situation de militants des droits de la personne, de journalistes et d'autres personnes au profil particulier, les femmes à risque notamment dans le passé, qui ont des raisons personnelles pour lesquelles nous pensons qu'il y a urgence dans leur cas. Nous travaillons alors avec le gouvernement pour essayer de faire accepter leur cas dans le cadre de ce programme.
La sénatrice Martin : Un autre témoin, Mme Bhatla, a dit que le nombre de demandes a baissé dans les années précédentes, c'est-à-dire 150 en 2013, moins de cinq en 2014 et aucune en 2015. Cela pourrait nous inciter à penser que, comme la Corée du Sud est une possibilité, moins de gens souhaitent demander le statut de réfugié au Canada. Est-ce que la raison en est le flou juridique dans lequel se trouvent les transfuges et le fait que nous n'avons pas accès aux réfugiés qui se trouvent en Thaïlande ou ailleurs? Ces chiffres sont-ils dus au fait qu'il y a moins de besoins ou à autre chose?
M. Neve : Permettez que je fasse une remarque générale sur le nombre de réfugiés, puis mon collègue pourra faire des observations plus précises sur ces statistiques.
On ne peut jamais conclure du fait que le nombre de demandes d'asile d'une région ou d'une autre du monde a baissé que cela signifie que le problème est réglé et qu'il n'y a plus lieu de s'inquiéter de la protection des gens dans cette région. Dans le cas qui nous occupe, la Corée du Sud a fini par devenir une excellente solution. Il faut reconnaître que, très souvent, les chiffres baissent parce que le message a fait son chemin et que les collectivités se rendent compte que ça n'en vaut plus la peine. Autrement dit, les mesures de dissuasion et de contrôle font leur effet. C'est souvent ce qui se cache derrière ces chiffres, c'est plutôt le sentiment qu'une certaine population de réfugiés n'a plus besoin de se tourner vers le Canada.
M. Kim : Je suis d'accord avec la remarque d'Alex. En 2009, environ 3 000 Nord-Coréens ont transité par la Thaïlande, et maintenant ils sont un peu plus d'un millier. Ces chiffres ont baissé, mais ce n'est pas parce que les circonstances auraient changé en Corée du Nord. En fait, il y a environ un mois, le gouvernement nord-coréen a invité sa population à se préparer à une autre « dure marche ». Il renvoyait à la famine qui, en 1990, a fait des millions de victimes parmi les Nord-Coréens. Quand on tient compte du contexte plus large, ces statistiques ne traduisent pas la situation réelle en Corée du Nord. Les choses sont peut-être en train d'empirer.
La sénatrice Martin : L'accès est difficile. Le flou juridique ne permet pas aux transfuges nord-coréens de trouver leur chemin vers le Canada, de quelque façon que ce soit. Il y en a très peu.
M. Kim : C'est exact.
La sénatrice Andreychuk : Monsieur Kim, parlant des programmes pour le Tibet et les Vietnamiens, si nous devions élaborer un programme et puisque ceux qui quittent la Corée du Nord s'en vont en Corée du Sud, où ils ont la nationalité, et que, par ailleurs, il y en a beaucoup qui vont là d'année en année, comment inclure ou exclure ceux qui sont déjà en Corée du Sud et y ont la nationalité, mais qui voudraient faire une demande? Comment choisir? Ou devons-nous nous occuper de ceux qui se sont réfugiés dans d'autres pays?
M. Kim : Les tribunaux fédéraux ont élaboré une jurisprudence intéressante sur le statut ambigu des Nord-Coréens du point de vue de la Constitution sud-coréenne. Je crois qu'il y a une décision de la Cour fédérale qui remonte à 2011, l'affaire Kim, où la Cour a décidé que, à moins que les Nord-Coréens souhaitent délibérément se réfugier en Corée du Sud, on ne peut pas leur appliquer à tous cette constitution, et ils ont donc été autorisés à demander asile au Canada parce qu'ils n'avaient jamais mis les pieds en Corée du Sud.
La même logique s'applique aux Nord-Coréens qui se trouvent dans des pays comme la Thaïlande et qui n'y ont aucun statut. On peut légitimement affirmer que, s'ils étaient allés en Corée du Sud, ils auraient fait un choix, mais que ceux qui sont sans statut clair dans des pays de l'Asie du Sud-Est n'ont pas fait de choix. Et je ne suis pas sûr qu'on puisse légitimement dire que cette constitution s'applique automatiquement à tous.
La sénatrice Andreychuk : C'est ce que je voulais dire. On exclurait ceux qui ont fait le choix de la Corée du Sud, où il y en a beaucoup. Est-ce que ça ouvrirait des possibilités à ceux qui font une demande maintenant et disent qu'ils veulent venir au Canada? Est-ce qu'on les traiterait de la même façon que ceux qui peuvent être en détention quelque part en Thaïlande ou dans un autre pays? C'est là que je ne vois pas très bien comment aborder la question.
M. Kim : Je recommanderais de s'occuper d'abord de ceux qui ont le plus besoin d'aide. Si on trouve des répondants privés au Canada pour aider les gens, on veut s'assurer d'aider les femmes et les enfants qui en ont le plus besoin, c'est- à-dire de préférence ceux qui vivent dans des conditions précaires et dangereuses, comme ceux qui sont dans des centres de détention à Bangkok.
Si on a la participation du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, même à titre non officiel, il faudrait viser la population la plus démunie.
M. Neve : Je suis d'accord. Quand on parle de programme spécial pour des réfugiés, il y a deux considérations majeures : le risque et les familles. C'est pourquoi je ne suis pas sûr qu'il faille sans équivoque éliminer les personnes qui se sont installées en Corée du Sud. On pourrait probablement leur appliquer des critères plus exigeants.
Je comprends qu'on se préoccupe du risque, et je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est le critère de première importance pour les réfugiés qui sont encore dans des endroits comme la Thaïlande, mais il y a aussi la question des familles. On sait bien que, en matière d'installation et d'intégration des réfugiés, par exemple, il est important de veiller à la réunion des familles. Certains des réfugiés qui sont passés par la Corée du Sud ont des liens familiaux importants au Canada, et, même si ce n'est pas le genre de cas qui permette facilement le parrainage, c'est une considération importante.
La sénatrice Andreychuk : Je voudrais revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'importance du contrôle des communications en Corée du Nord. Pendant des années, nous avons cru qu'il suffisait de faire passer l'information en Corée du Nord pour que les gens puissent faire des choix, un peu comme ce que nous avions cru concernant l'Union soviétique. Bien sûr, à l'époque nous avons utilisé Radio Europe libre. Finalement, l'information a été utile, mais c'est la situation économique et la gouvernance qui ont provoqué l'effondrement de l'Union soviétique.
Compte tenu des nouvelles technologies, diriez-vous que la situation est différente et qu'on peut faire passer l'information? Cela pourrait avoir un impact différent d'alors. Nous avons imposé des sanctions, mais des gens vont en Corée du Nord, par exemple les marathoniens de tous les pays. Est-ce une bonne chose ou non? Est-ce que ça consolide ou affaiblit nos efforts?
M. Neve : Bien sûr, à l'ère numérique, tout le domaine de l'information et de l'accès à l'information et ce que cela signifie a des répercussions sur la façon dont le débat a évolué au cours des décennies dans toutes sortes de contextes, mais il y a également des dimensions différentes.
Cela fait partie intrinsèque de la façon dont les gens vivent leur vie à tous les niveaux, y compris sur les plans économique et commercial. Même si, comme vous l'avez dit, dans d'autres parties du monde, c'est peut-être par le biais économique et commercial que le changement est advenu. On vit aujourd'hui dans un monde où l'information numérique et l'accès à ce genre de technologie sont au cœur des rapports commerciaux. C'est un seul et même contexte.
Bien sûr, pour nous, l'information doit circuler dans les deux sens, et c'est un problème. Il faut absolument aborder cette question parce que, oui, de l'information utile passe régulièrement en Corée du Nord, mais il s'agit d'obtenir de l'information plus sûre dans l'autre sens.
Quant à la question des sanctions, quand on parle de sanctions contre un pays, on parle de sanctions ciblées, par exemple à l'égard de certains hauts fonctionnaires. Ce n'est pas que nous soyons contre, mais nous ne proposons pas de sanctions plus vastes, comme des boycotts, concernant les marathons ou les voyages. Nous avons déjà expliqué la nécessité de viser des hauts fonctionnaires, des gens qui sont responsables de violations des droits de la personne.
Le président : Pourquoi traiter les Nord-Coréens différemment d'autres réfugiés en leur permettant de rester quand ils ont un autre pays de nationalité, à savoir la Corée du Sud?
M. Neve : Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous savons depuis longtemps qu'on a besoin d'une multiplicité de réponses aux situations des réfugiés. La situation des réfugiés nord-coréens d'aujourd'hui renvoie à une préoccupation globale très grave. Nous ne serons jamais en première ligne, et la plupart des Nord-Coréens seront heureux de demander asile en Corée du Sud. Ne nous faisons pas d'illusion : nous n'allons pas brusquement ouvrir nos portes à des milliers de Nord-Coréens. Mais il faut reconnaître que nous pouvons et que nous devons jouer un rôle important dans les solutions proposées dans le cadre de cette crise globale, notamment parce qu'il existe une importante collectivité nord-coréenne au Canada et que nous avons donc des liens et des responsabilités à respecter. Les chiffres ne seront jamais importants. Je ne pense pas qu'il soit problématique de prendre les devants et de faire quelque chose de spécial, compte tenu de la nature particulière de la situation de ces réfugiés.
M. Kim : Je voudrais simplement ajouter que la crise des droits de la personne en Corée du Nord se poursuit au long de trois générations de dictateurs. Cela fait 60 ans que ça dure, et finalement on a une Commission d'enquête des Nations Unies qui rend vraiment compte de la gravité de la situation.
Si le Canada doit jouer un rôle, c'est simplement en reconnaissance de ce fait, qu'il s'agit d'une crise des droits de la personne de longue date. Beaucoup d'organisations internationales et de pays sont très inquiets pour la sécurité. Le Canada peut jouer un rôle comme chef de file dans le domaine des droits de la personne, et je crois que c'est important.
Le président : J'ai été en Corée du Nord deux fois, et je comprends très bien ce que vous dites. Je suis très sensible à vos remarques.
La sénatrice Omidvar : Merci de m'avoir permis de demander ces éclaircissements.
Avez-vous des renseignements factuels et des témoignages concernant l'existence de groupes particulièrement vulnérables, comme les gays et les lesbiennes, qui chercheraient à fuir le système nord-coréen et qui ne choisiraient pas, pour diverses raisons, d'aller en Corée du Sud et qui se trouveraient donc dans une situation particulièrement difficile?
M. Kim : À titre anecdotique, je n'en connais qu'un, et ils sont récemment partis de la Corée du Sud. Ils disent qu'ils l'ont toujours su, mais qu'ils n'avaient pas de terme pour décrire ce qu'ils ressentaient quand ils étaient en Corée du Nord. Je soupçonne que beaucoup d'entre eux ne se rendent même pas compte des droits qui sont les leurs tant qu'ils ne se sont pas échappés et n'ont pas eu le temps d'y réfléchir. Je me demande si l'ouverture d'un autre pays, comme le Canada, aiderait certains d'entre eux, avec plus d'accès à l'information, maintenant qu'ils comprennent mieux leur situation en termes de privation de leurs droits.
Le président : Merci beaucoup et merci à tous les deux d'être venus nous voir.
Nous allons passer au troisième groupe de témoins dans le cadre de l'étude du Comité sénatorial permanent des droits de la personne sur les droits de la personne en Corée du Nord. Ça fait quelques semaines que nous nous y intéressons, et les témoignages ont été très solides, très passionnés et très détaillés. Nous apprécions tous les témoignages que nous avons eus jusqu'ici.
Nos prochains témoins sont, de l'Église presbytérienne coréenne de la lumière, Ross S. Lee, ex-président du comité des bénévoles, et, des services sociaux et familiaux de la KCWA, nous accueillons Monica Chi, directrice exécutive. Monsieur Lee, je crois que c'est vous qui commencerez.
Ross S. Lee, ancien président du comité des bénévoles, Église presbytérienne coréenne de la lumière : Je tiens à remercier sincèrement le Comité sénatorial permanent des droits de la personne de faire cette étude sur les droits de la personne et les transfuges de la Corée du Nord et de m'avoir invité comme témoin pour parler de mon expérience auprès de ces transfuges.
J'ai commencé à m'occuper des transfuges de Corée du Nord il y a quatre ans, en janvier 2012, durant mon mandat de trois ans comme président du comité des bénévoles de l'Église presbytérienne coréenne de la lumière.
Arrivant dans un nouveau pays où ils n'avaient pas de liens, sans beaucoup de ressources et ne connaissant pas la langue, il était naturel que ces transfuges nord-coréens cherchent refuge auprès de la collectivité et des églises coréennes. Il y a plus de 100 000 Canadiens d'origine coréenne à Toronto et dans la région du Grand Toronto, et plus de 200 églises coréennes. L'Église presbytérienne coréenne de la lumière est la deuxième organisation religieuse coréenne en importance, puisqu'elle compte environ 3 000 membres. Elle a été fondée en 1984, et, grâce au leadership et aux soins du révérend Hyeon Soo Lim, elle a pris de l'expansion non seulement en nombre, mais en présence missionnaire.
Des centaines de nos membres participent à des missions à court terme chaque année pour se rendre dans des pays comme la Chine, l'Inde, la Tanzanie, le Mali, Haïti et la République dominicaine, entre autres. Nous avons une équipe médicale composée de médecins, de dentistes et de professionnels de la santé qui se rendent dans des pays dans le besoin.
Beaucoup de transfuges nord-coréens sont arrivés à Toronto entre 2008 et 2010, et, à la fin de 2011, il y avait environ 150 familles nord-coréennes qui fréquentaient notre seule église. Notre groupe familial Éphraïm, dirigé par le pasteur Hwang, les a aidés à s'installer et à participer à la vie sociale. Pour faciliter les choses et consolider l'aide, nous mettons en œuvre deux types de mesures.
La première consiste à faire appel au système de groupes familiaux déjà en place dans notre Église. Notre organisation compte plus de 130 petits groupes familiaux, composé chacun de cinq ou six familles. Chaque groupe familial est invité à adopter une ou deux familles nord-coréennes. Des groupes familiaux de petite taille ont beaucoup d'avantages. Ils peuvent accueillir et recevoir de nouveaux membres à titre beaucoup plus personnel, de sorte que les liens deviennent plus solides. Les réunions hebdomadaires deviennent un lieu de rassemblement et de communication ouverte où ils discutent de leurs problèmes familiaux et sociaux. Grâce au groupe familial, ils reçoivent un soutien moral et spirituel par le biais du culte et de la prière.
La deuxième passe par la création d'un système plus structuré pour mieux servir les familles nord-coréennes. On a confié cette tâche au comité des bénévoles. À l'occasion d'une réunion spéciale, nous avons recruté 47 bénévoles, qui ont été divisés en cinq groupes chargés d'offrir des services d'interprétation, de traduction, de transport de partage de biens ménagers usagés et de mentorat.
Beaucoup de ces bénévoles étaient des étudiants inscrits à l'université à temps plein et des travailleurs adultes. Il a parfois été difficile de trouver un bénévole qui convienne, surtout quand il fallait trouver de l'aide durant les jours et les heures ouvrables. Pour régler ce problème, le comité a embauché un assistant à temps partiel, qui devait notamment être présent au bureau de l'immigration du Canada de 9 heures à midi, les lundis et mardis, pour aider les transfuges nord-coréens qui en avaient besoin à remplir leur demande d'asile, à se rendre ensuite aux refuges désignés, à participer à des réunions sociales, généralement tous les trois mois, à se rendre à leurs rendez-vous médicaux, et à se rendre aux réunions de l'Agence des services frontaliers du Canada une fois par mois durant le processus d'expulsion.
Durant les deux années et demie qu'il a passées avec notre comité, l'assistant à temps partiel a aidé un nombre incalculable de transfuges nord-coréens, plus que n'importe qui de ma connaissance. Dans les dernières années, la plupart des transfuges nord-coréens ont été renvoyés du Canada en raison des modifications apportées à la loi sur l'immigration, lesquelles ont malheureusement touché la plupart de ces transfuges. Les rares admis à rester ici légalement ont réussi à s'intégrer à la société canadienne et sont devenus des membres actifs de notre Église. Ils seront certainement des modèles et des leaders pour les transfuges qui viendront si on crée un programme d'accueil des transfuges nord-coréens au Canada.
Pour terminer, notre Église a récemment adopté une famille syrienne de six personnes, et j'ai hâte au jour où nous pourrons en faire autant de nouveau pour des familles nord-coréennes. Je vous remercie.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Lee. Madame Chi, vous avez la parole.
Monica Chi, directrice exécutive, KCWA Family and Social Services : Je vous remercie de m'avoir accordé cette occasion de prendre la parole devant vous. KCWA est un organisme de bienfaisance créé en 1985. Anciennement connu sous le nom d'Association des femmes coréennes du Canada, au fil de ses 31 années d'existence, l'organisme a élargi son mandat pour ne plus se limiter aux questions relatives aux femmes. Bien que KCWA soit au service de personnes de toutes origines ethniques qui sont demandeurs d'asile, réfugiés au sens de la convention, résidents permanents ou Canadiens naturalisés, nous nous occupons tout spécialement de venir en aide aux personnes d'origine coréenne au Canada.
Notre mandat actuel consiste à bâtir la communauté coréenne au Canada, une personne à la fois. Nous recevons un financement d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, du ministère des Affaires civiques, de l'Immigration et du Commerce international, du ministère des Services sociaux et communautaires et de la Ville de Toronto. L'an dernier, nous avons desservi quelque 5 318 clients et avons eu 12 243 communications avec eux dans le cadre de nos services.
KCWA compte 14 membres siégeant à son conseil d'administration, 16 employés entièrement bilingues et 340 bénévoles. En reconnaissance de nos efforts pour aider l'Ontario à bâtir des collectivités diverses plus fortes, le ministère des Affaires civiques, de l'Immigration et du Commerce international nous a décerné le Prix du Champion de l'aide aux nouveaux arrivants en 2010.
Quant à nos activités, de façon générale, KCWA fournit des services d'aide à la réinstallation et aux familles. Notre programme de réinstallation vise à aider les nouveaux arrivants à prendre des décisions éclairées et à mieux comprendre la vie au Canada. Nous fournissons des services d'évaluation et d'aiguillage en fonction des besoins, de l'aide pour s'inscrire aux régimes de soins de santé fédéraux et provinciaux, demander la Prestation fiscale canadienne pour enfants et autres. Nous fournissons également des services de soutien à l'emploi pour aider les nouveaux arrivants à s'y retrouver dans le marché du travail canadien. Dans ce contexte, nous les aidons à rédiger leur CV, à chercher un emploi, à suivre une orientation professionnelle et à prendre contact avec des groupes de mentorat professionnel.
En ce qui concerne les réfugiés, qui ont tendance à avoir déjà vécu un traumatisme, le processus de réinstallation peut être tout aussi traumatisant en raison des défis et des obstacles auxquels ils sont confrontés dans leur nouvelle société. Le processus de rétablissement exige une expérience positive dans le nouveau pays d'accueil. Pour aider à surmonter ces obstacles, KCWA offre des services de réinstallation comprenant des informations d'experts et une orientation, des services d'interprétation et de traduction et l'aiguillage vers les ressources gouvernementales et communautaires pour aider ces personnes à se réinstaller, le tout dans leur langue maternelle, c'est-à-dire en coréen.
Selon nos constatations, les compétences linguistiques en anglais des demandeurs d'asile nord-coréens sont beaucoup plus faibles que celles des immigrants de la Corée du Sud. Pour vous donner un exemple, beaucoup ont déclaré ne pas connaître l'alphabet anglais, car ils n'avaient jamais eu l'occasion de l'apprendre. En outre, à la différence des immigrants qui communiquent généralement rapidement et facilement avec leurs communautés locales et groupes confessionnels et viennent au Canada avec leurs familles, les demandeurs d'asile nord-coréens ont tendance à être isolés, car beaucoup d'entre eux ont dû laisser leur famille et tout le reste derrière eux.
Ils ont également tendance à avoir des difficultés psychologiques à établir des relations de confiance et tisser des liens dans le nouveau pays. Il faut du temps et de la persévérance pour établir la confiance, ce qui est difficile dans un système déjà stressé en plus des expériences éventuellement vécues avant d'entrer dans le pays. Par conséquent, il est essentiel que les conseillers offrent des services adaptés à la culture et tiennent compte de ces obstacles lorsqu'ils travaillent avec les Nord-Coréens.
En plus des services d'établissement et de réinstallation, KCWA fournit des services à la famille, dont le counseling aux particuliers, aux couples, aux familles et aux groupes. Les sujets traités vont du stress à la gestion de la colère en passant par une formation en compétences parentales et les problèmes de communication.
Nous avons constaté que les personnes ayant subi un traumatisme ou vécu sous de fortes contraintes sont souvent confrontées à de nouveaux facteurs de stress psychologiques au moment de leur installation dans le nouveau pays. Si ces facteurs ne sont pas bien traités rapidement, ils renforcent le risque de violence familiale. Voilà pourquoi KCWA offre également un programme spécialisé sur la prévention et le traitement de la violence familiale qui s'adresse aux hommes, aux femmes et à leurs personnes à charge. KCWA offre des connaissances et des services d'experts pour aider les réfugiés à se réinstaller, mais l'intégration réussie des réfugiés nord-coréens dépend des communautés locales et des systèmes de soutien qui leur sont offerts.
Par exemple, dans ma propre église, je suis membre d'un comité qui essaye de parrainer une famille syrienne au Canada. J'ai pu constater que malgré les meilleures intentions des fournisseurs de services tels que KCWA, nous ne pouvons pas couvrir tous les aspects. L'église invite toute sa congrégation à se porter bénévole pour les accueillir à l'aéroport, les conduire chez le médecin et à d'autres rendez-vous et ouvrir nos maisons pour offrir une véritable communauté d'accueil à la famille de réfugiés. Ce contact humain dans l'établissement de nouvelles relations de confiance, comme M. Lee vient de l'expliquer, ainsi que des services professionnels fournis par des organismes tels que KCWA possédant une expertise en réinstallation, sont les éléments qui permettront de réussir la réinstallation des Nord-Coréens au Canada.
KCWA travaille avec des communautés locales comme l'église de M. Lee et des parrains canadiens pour aider les réfugiés nord-coréens à se réinstaller avec succès au Canada. D'autre part, à plus long terme, nous offrons une orientation aux parrains et des séances communautaires de sensibilisation à la situation des réfugiés.
Face à la grave crise humanitaire en Corée du Nord, des transfuges nord-coréens attendent de l'aide dans des endroits tels que les camps de détention de réfugiés thaïlandais, et le Canada pourrait faire davantage. En 1979, en réponse à la crise des réfugiés d'Indochine — parfois appelés les « boat people » —, le Canada est devenu le premier pays au monde à créer un système de parrainage privé de réfugiés à l'étranger par des citoyens. En tant que citoyenne canadienne, je suis fière que le Canada demeure encore le seul pays au monde à avoir cette option qui fait appel à la compassion des citoyens pour répondre à cette crise à l'étranger.
Comme l'a montré la récente vague d'enthousiasme et de compassion manifestée par les Canadiens dans tout le pays en réponse à la situation des réfugiés syriens, je crois que les Canadiens sont prêts à accueillir des personnes vivant des situations dramatiques. J'espère sincèrement que les mêmes possibilités pourront être offertes aux Nord-Coréens.
Le président : Nous allons commencer les questions avec la vice-présidente, la sénatrice Ataullahjan.
La sénatrice Ataullahjan : Madame Chi, étant donné qu'un pourcentage élevé de transfuges sont des femmes et que bon nombre d'entre elles ont connu une forme ou une autre d'exploitation en quittant leur pays pour la Chine, KCWA offre-t-elle des services ou des programmes d'aide aux femmes nord-coréennes réfugiées qui ont été exploitées avant de venir se réinstaller au Canada?
Mme Chi : Oui. Nos statistiques montrent qu'un pourcentage élevé de transfuges sont des femmes. Nos statistiques des trois dernières années indiquent que c'est le cas pour les femmes qui ont demandé de l'aide à KCWA. Nous fournissons des services qui répondent aux besoins spéciaux et aux problèmes que ces femmes ont connus en Chine notamment. Nous avons des services de traitement du SSPT et soutenons ces femmes qui tentent de refaire leur vie au Canada.
Nous avons constaté que les services demandés par le passé sont souvent liés à la santé. Nous collaborons avec les services de santé des immigrants pour fournir des soins de santé aux femmes dépourvues de pièces d'identité. Nous collaborons avec ces services également pour l'évaluation et le traitement des femmes souffrant d'IST. C'est un service global destiné non seulement aux femmes souffrant de SSPT et qui ont été victimes de violence familiale, mais offre aussi des soins de santé et une formation en compétences parentales et pour tisser des liens avec leurs enfants. J'ai observé que les femmes victimes de violence ont de la difficulté à communiquer avec leurs enfants et à créer des liens affectifs avec eux. Nous offrons une formation en compétences parentales pour qu'elles retrouvent un véritable lien avec leurs enfants.
La sénatrice Martin : Monsieur Lee, vous avez dit qu'il y a plus de 200 églises dans la région du Grand Toronto, dont la vôtre. Pouvez-vous nous parler d'autres organisations et églises qui ont déjà soutenu des transfuges nord- coréens ou qui ont la capacité de le faire? Cette présence de tant d'églises est-elle un avantage de la communauté coréenne qui lui permettrait d'appuyer un programme de ce genre si des transfuges nord-coréens devaient se réinstaller au Canada?
M. Lee : La plus grande église de Toronto à avoir ce type de programme est l'église Young Nak. Je connais la personne qui était en charge de ces services, mais je ne connais pas les autres églises et je ne peux donc pas en parler.
La sénatrice Martin : J'essaye de comprendre si ces églises dans la RGT ont déjà les ressources nécessaires pour collaborer avec KCWA, le gouvernement du Canada et d'autres. Je comprends que vous ne puissiez pas répondre personnellement pour toutes les églises.
Le programme que vous proposez est assez détaillé et complet — un véritable programme global. Comment avez- vous établi ce programme? L'avez-vous fait de façon empirique? Aviez-vous une équipe qui s'en est chargée? Pourriez- vous nous donner quelques précisions sur le programme?
M. Lee : Comme je l'ai dit, notre chef est le révérend Hyeon Soo Lim, qui est tout dévoué à la Corée du Nord. Il a constitué notre comité et nous a dit ce que nous devions faire et comment nous y prendre. Il a compris que le besoin était urgent. Avec d'autres membres du comité, nous avons réfléchi à ce que nous pourrions faire.
Les services typiques comprennent l'interprétation, la traduction et le transport, ce qui n'est guère surprenant, compte tenu des circonstances. Ce sont des services que tout le monde peut offrir, mais il fallait avoir envie de le faire. Ce désir et cette volonté d'aider ont joué un rôle prépondérant au moment d'établir le programme.
La sénatrice Martin : Madame Chi, vous avez parlé de certains de ces services, mais vous avez également dit dans votre témoignage que vous faites partie d'un comité de soutien à une famille syrienne et que vous voyez comment ces groupes communautaires peuvent jouer un rôle. Pourriez-vous nous en dire davantage?
Mme Chi : Oui. Dans mon travail dans le cadre de l'église, je vois que les citoyens ou les groupes religieux de la communauté peuvent jouer différents rôles pour accueillir une famille de réfugiés au Canada et qu'un fournisseur de services comme KCWA peut accomplir des tâches spécifiques. Par exemple, KCWA offre des connaissances ou donne des renseignements précis et fiables sur les services d'établissement ou l'accès aux services gouvernementaux ou à des ressources communautaires, mais nous ne pourrions pas aller accueillir la famille à l'aéroport.
En tant que membre de la communauté et citoyenne canadienne qui cherche à parrainer une famille de réfugiés syriens, je vois une relation complémentaire en ce sens que l'église mobilise tous les fidèles. Par exemple, si une église compte 3 000 fidèles, ce qui est le cas pour mon église, elle lancerait un appel à tous pour trouver des bénévoles qui s'occuperaient de tous les aspects pendant toute une année, ce qui correspond à l'engagement pris par les groupes de parrainage pour soutenir une famille de réfugiés. Il s'agirait donc de l'accueillir à l'aéroport, de l'aider à communiquer avec des services d'établissement comme KCWA, de présenter leurs enfants à la famille des réfugiés pour qu'ils puissent jouer ensemble, les aider à inscrire les enfants à l'école, les conduire pour un rendez-vous chez le médecin ou un enseignant.
Ces personnes ne savent peut-être pas conduire ou comment se déplacer dans la ville. Ce sont des choses pour lesquelles KCWA ou tout autre organisme d'aide à la réinstallation aurait du mal à y apporter la touche humaine. C'est là que les programmes des églises, comme Ross l'a signalé, jouent un rôle très important en collaborant avec les fournisseurs de services pour accueillir véritablement la famille de réfugiés au Canada et faire en sorte qu'elle fasse partie d'une communauté inclusive.
La sénatrice Martin : Vous avez travaillé directement avec des transfuges nord-coréens. Nous savons qu'il y en a peu en raison du flou juridique notamment. Pourquoi le Canada devrait-il avoir ce genre de programme? D'après votre expérience avec les transfuges, les considérez-vous comme un groupe spécial? Je sais que vous êtes d'origine coréenne, mais avez-vous remarqué de grandes différences? Pourriez-vous nous dire pourquoi il s'agirait d'un groupe vulnérable spécial auquel le Canada devrait s'intéresser?
Mme Chi : Comme les témoins précédents l'ont dit, d'après mon expérience, les réfugiés nord-coréens sont dans une situation tout à fait spéciale. Beaucoup sont des femmes qui ont fui des situations de vulnérabilité et vont donc avoir de la difficulté à établir des relations de confiance. Beaucoup d'entre elles ont parlé à nos intervenants de ce qu'elles avaient vécu — en Corée du Nord, elles ont du mal à parler de leur vie personnelle et familiale. Tout est contrôlé par le gouvernement puisque c'est un État autoritaire. Il leur est très difficile de vivre en Corée du Sud à cause de la proximité géographique. Beaucoup de ceux et de celles qui se sont adressés à KCWA ont dit apprécier la liberté qu'ils ont au Canada.
Nous avons constaté qu'ils étaient très vulnérables, notamment en raison des difficultés qu'ils ont connues en quittant la Corée du Nord vers d'autres pays. Comme je l'ai déjà dit, ils présentent un taux élevé d'IST et d'autres problèmes de santé. Ils disent également qu'ils avaient difficilement accès aux soins de santé en Corée du Nord.
Pour diverses raisons, je pense que le Canada a beaucoup à offrir à cette population.
Le président : Merci beaucoup. Je viens de remarquer que notre liste s'est rallongée. J'attends normalement jusqu'à la fin, mais, monsieur Lee, je suis intrigué par votre déclaration, car c'est la première fois que j'entends dire que ces dernières années la plupart des transfuges nord-coréens ont été expulsés du Canada en raison de changements dans la loi sur l'immigration et la citoyenneté. Je n'ai encore entendu personne dire « en raison de changements » dans la loi. Ensuite, vous avez dit que la plupart des transfuges ont dû partir, mais que quelques-uns ont pu rester.
Pourquoi certains ont-ils été autorisés à rester? Pourquoi les uns ont-ils pu rester et pas les autres? C'est nouveau pour moi.
M. Lee : Personnellement, je peux vous parler du cas d'un membre d'une autre église que je connais, une mère et son enfant. Je ne connais pas tous les détails, mais elle a obtenu la permission de rester. Il y a une autre famille que je connais qui est très active dans l'église, en aidant pour les travaux et autre, et je sais qu'elle a reçu son permis de séjour. Je ne connais pas les détails exacts.
La sénatrice Martin : On dirait que c'est au cas par cas.
M. Lee : Oui, au cas par cas.
Le président : Il sera intéressant de poursuivre la question, car nous n'avions pas encore entendu personne dire « en raison de changements ». Je pense que c'est un élément important des enjeux de la réinstallation.
Le sénateur Ngo : Cette question s'adresse à tous les deux. D'après le travail que vous faites depuis des années, quelles sont les difficultés particulières que les Nord-Coréens rencontrent comme réfugiés au Canada, par opposition aux États-Unis?
Ensuite, quels sont les défis que les Nord-Coréens doivent relever lors de leur réinstallation au Canada?
Mme Chi : Je peux répondre. Dans notre travail avec les réfugiés nord-coréens qui demandent l'aide de KCWA, comme il a été dit, nous avons constaté que la langue est un énorme obstacle à la réinstallation. Beaucoup n'ont pas une connaissance suffisante de l'anglais pour bien s'intégrer dans la société canadienne. Il n'est pas rare de voir des gens qui ne connaissent pas l'alphabet anglais. C'est un bon exemple de leur niveau de maîtrise de la langue, d'où les difficultés que cela peut leur causer lorsqu'ils arrivent dans un pays comme le Canada.
Par ailleurs, nous avons remarqué que, contrairement aux immigrants sud-coréens qui connaissent les lois et les règlements et savent ce que c'est qu'un citoyen respectueux des lois, de nombreux Nord-Coréens ne savent pas que les châtiments corporels ne sont pas permis dans un pays comme le Canada. En effet, les réfugiés nord-coréens viennent d'un pays autoritaire où ils n'ont pas accès à ce genre d'informations. Par exemple, de nombreux Nord-Coréens peuvent faire l'objet de poursuites parce qu'ils ne savent pas comment discipliner convenablement leurs enfants.
Je crois que c'est attribuable à leurs problèmes psychologiques et au fait qu'ils ne savent pas que dans un pays comme le Canada, les châtiments corporels sont interdits.
Nous recevions donc des appels de travailleurs de première ligne de la Société d'aide à l'enfance nous demandant de venir offrir une éducation adaptée à la culture, car ils étaient inondés d'appels téléphoniques. Ou ils devaient faire enquête sur des cas de violence conjugale dans des familles nord-coréennes. Il nous fallait donc aller leur expliquer que les réfugiés nord-coréens manquent d'information à ce sujet.
Grâce à cette formation, les travailleurs de la SAE ont pu comprendre les différents problèmes et travailler ensemble plutôt que de porter un jugement avec comme solution de prendre l'enfant. Grâce à cette formation et à une plus grande sensibilisation, ainsi qu'à notre soutien à la SAE et aux familles nord-coréennes, ils ont pu travailler ensemble. C'est ce que nous avons observé.
La sénatrice Hubley : Une question rapide, d'abord pour M. Lee : c'est à Toronto que l'on trouve la plus forte population de Coréens au Canada, je pense.
M. Lee : C'est bien cela, oui.
La sénatrice Hubley : Dans ce contexte, pourriez-vous me dire combien de nouvelles familles coréennes se sont présentées à votre église au cours des dernières années?
M. Lee : En 2008 et 2010, comme je l'ai dit, un grand nombre de Nord-Coréens sont venus dans notre église; de nouvelles familles presque chaque semaine. Dernièrement, je n'ai pas entendu parler de nouvelles familles nord- coréennes qui fréquenteraient notre église.
La sénatrice Hubley : Qu'en est-il de votre financement? Se limite-t-il strictement à votre église; est-ce grâce à des contributions faites à votre église?
M. Lee : Oui. Le financement que nous recevons pour embaucher les aides dont nous avons parlé a été fourni par notre comité que nous finançons nous-mêmes.
La sénatrice Hubley : Je pourrais poser la même question à Monica. Vous avez parlé de 5 318 clients l'an dernier. Est-ce qu'il s'agissait de nouveaux Canadiens? Est-ce que ce chiffre indique qu'il s'agit exclusivement d'immigrants de la Corée du Nord?
Mme Chi : Les statistiques fournies pour l'an dernier, soit 5 318 clients, comprenaient des réfugiés au sens de la convention, des demandeurs d'asile, des citoyens naturalisés, ainsi que des résidents permanents, en somme la totalité des clients que nous avons desservis.
En ce qui concerne plus précisément les Nord-Coréens, en 2015-2016, nous avons desservi 219 réfugiés au sens de la convention et 167 demandeurs d'asile.
La sénatrice Nancy Ruth : Merci pour le travail que vous faites.
Je m'intéresse à un aspect dont il n'a pas été question. Au fil des ans, j'ai souvent entendu dire que les gens qui viennent au Canada en provenance de pays communistes ont beaucoup de mal à s'intégrer à la société canadienne, à créer une entreprise ou à chercher un emploi, à ne pas dépendre des banques alimentaires. Comment gérez-vous cette question avec les Nord-Coréens, et comment surgit-elle?
Mme Chi : Ce n'est pas tout à fait ce que nous avons connu. Ce sont des gens qui étaient des demandeurs d'asile et qui ont obtenu le statut de réfugié. Donc, ils obtenaient une aide gouvernementale pendant un certain temps pour les aider à s'établir au Canada. Ils dépendaient de l'aide du gouvernement pour vivre pendant un certain temps.
Nous avons constaté que s'il y a des gens qui ont besoin, pour de bonnes raisons, de l'aide du gouvernement, il y en a d'autres qui peuvent s'en passer. Ils ont le sentiment que parce qu'on leur a donné une nouvelle chance, ils veulent s'en sortir seuls. Ils viennent alors à KCWA pour qu'on les aide à trouver un emploi.
En 2015 et 2016, le taux le plus élevé de service concernait le rapport d'impôt et l'impôt. On constate qu'ils veulent contribuer au Canada puisque 25 p. 100 de leurs demandes de service à KCWA étaient liées à l'impôt. Ils veulent apprendre l'anglais et ils veulent contribuer parce qu'ils savent qu'on leur a donné la liberté d'être des citoyens, ce qui leur était impossible avant. C'est ce que nous avons observé. Bien sûr, il y aura toujours des gens qui veulent obtenir de l'aide, mais ce n'est pas tout à fait ce que nous avons vu.
La sénatrice Omidvar : Je pense que vous deux et les témoins précédents avez dit que si les règlements du Canada étaient modifiés, des parrains privés se présenteraient pour aider les réfugiés nord-coréens tout comme ils l'ont fait pour les réfugiés syriens.
Ma question est la suivante : Une partie du succès du mouvement de parrainage des Syriens repose sur le fait qu'il ne s'est pas limité aux églises mais a compris les clubs de livres, les clubs de marche ou les associations scolaires. Pensez- vous que les Canadiens en savent assez sur la Corée du Nord pour reproduire cette vague de soutien populaire?
Mme Chi : Je crois que les témoins précédents ont parlé du manque de sensibilisation de la population au sujet de la question de la Corée du Nord. En ce qui me concerne, en tant que citoyenne, je constate que lorsqu'on parle de la Corée du Nord, c'est généralement dans un contexte inapproprié de blagues politiquement incorrectes, ou plutôt, malheureusement, ce sont des propos mal venus attribuables aux atrocités du régime. Mais je crois que tout comme pour la crise des réfugiés syriens, les médias ont joué un rôle dans la sensibilisation du public, bien au-delà des églises. Nous pourrions réfléchir aux moyens de mobiliser les médias pour que cela devienne une préoccupation canadienne et que se manifeste le même genre de compassion à l'égard des Nord-Coréens.
Vous avez tout à fait raison. Pour réussir, il faut aller au-delà de la communauté coréenne, au-delà des églises. Il faut faire appel à la compassion des Canadiens.
Le président : Nous tenons à vous remercier tous les deux d'avoir témoigné aujourd'hui. La journée a été fascinante grâce aux témoignages des représentants du gouvernement, d'Amnistie et autres. Vous avez ajouté un élément précieux à notre étude. Nous rédigerons un rapport et nous ferons en sorte que les Canadiens, au moyen d'une conférence de presse ou autre, comprennent mieux ce qui se passe en Corée du Nord. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)