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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 5 - Témoignages du 11 mai 2016


OTTAWA, le mercredi 11 mai 2016

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 12 h 42, afin d'étudier les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent, notamment par les divers ordres de gouvernement, les répondants du secteur privé et les organismes non gouvernementaux.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs et membres du public, bienvenue au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous commençons notre première journée de témoignages au sujet de l'intégration des réfugiés syriens au Canada. Nous examinons la question du point de vue des droits de la personne. Je mentionnerais à nos témoins qui sont à Halifax et ici, que nous avons commencé par rencontrer une famille syrienne plus tôt ce matin. Cette famille nous a présenté un témoignage qui nous sera très précieux pour notre travail au cours du prochain mois.

Nous examinons les difficultés auxquelles sont confrontés les réfugiés syriens, y compris celles des divers ordres de gouvernement, des répondants du secteur privé et des organismes non gouvernementaux. Avant que nous ne commencions les témoignages et les déclarations, Mme Mills et Mme Taylor sont avec nous et nous allons demander aux sénateurs de bien vouloir se présenter.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.

La sénatrice Unger : Sénatrice Unger, de l'Alberta et je remplace la sénatrice Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de Toronto.

La sénatrice Cordy : Jane Cordy, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

Le président : Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario.

Pour notre deuxième série de témoignages de ce matin, nous allons entendre Louisa Taylor, qui se trouve ici avec nous, à Ottawa. Elle représente Réfugié 613, un organisme d'établissement des immigrants. Nous entendrons également Gerry Mills, directrice des Opérations, Immigrant Services Association of Nova Scotia, qui comparaîtra par vidéoconférence.

Madame Mills, voudriez-vous commencer et nous donner peut-être un bref aperçu de ce qui se passe en Nouvelle- Écosse? Ensuite, ce sera au tour de Mme Taylor.

Comme elle tarde à répondre, je suppose que Mme Mills ne peut pas m'entendre. Pendant que nous réglons ce problème, nous allons demander à Mme Taylor, d'Ottawa, de nous donner un aperçu général de ce qui se passe ici. Bienvenue à notre comité.

Louisa Taylor, directrice, Réfugié 613 : Merci, monsieur le président et sénateurs de nous avoir invités. C'est pour moi un honneur de comparaître devant vous à votre audience sur la Syrie et les mesures d'intégration pour vous faire part de l'expérience de Réfugié 613 et de nos partenaires. Ce que j'ai à vous dire va certainement vous fournir matière à réflexion pour entamer votre étude.

Je vais donc commencer par vous présenter Réfugié 613. Nous sommes issus de la vague de compassion qui a déferlé sur le pays suite à la réponse du Canada à la crise en Syrie, une réponse que nous serions nombreux à qualifier en ces termes : « Mieux vaut tard que jamais. » Nous sommes ravis que le gouvernement canadien ait manifesté un leadership visionnaire en se fixant un objectif très ambitieux pour le pont aérien et nous sommes fiers d'avoir joué un rôle limité, mais néanmoins important, pour contribuer au succès de cette entreprise ici, à Ottawa.

Ce matin, vous avez entendu des réfugiées arrivées de fraîche date. Leur témoignage était bouleversant et il correspond à ce que nous avons entendu à Réfugié 613. Vous entendrez certainement aussi des répondants privés, des professionnels du secteur de l'établissement des immigrants, des organismes gouvernementaux et sans but lucratif qui ont travaillé de longues heures et avec énormément de dévouement pour faire de cet effort d'établissement massif une réussite. Nous admirons tout ce qu'ils ont réussi à faire.

Je vais vous faire part du point de vue d'un des rares organismes qui se trouve à la jonction de tous ces efforts. Réfugié 613 est une coalition citoyenne. Nous représentons les citoyens, les organismes d'établissement des immigrants, les groupes de parrainage, la municipalité, le milieu des affaires, le milieu éducatif, les groupes confessionnels, les partenaires de la collectivité et les personnes qui travaillent pour fournir aux réfugiés les éléments d'une intégration réussie. Nous ne sommes pas un organisme d'établissement des immigrants; nous ne mettons pas en œuvre des programmes d'établissement. Nous ne sommes pas un organisme de parrainage, mais nous regroupons ce genre d'organismes et de services.

En tant qu'initiative citoyenne non partisane, nous offrons à nos partenaires et au public de l'information, une connexion et de l'inspiration. Nous le faisons en réunissant tous les mois des groupes de travail constitués des principaux intervenants. Notre groupe de travail sur la santé, par exemple, regroupait toutes les personnes travaillant dans le secteur de la santé à Ottawa qui devaient se réunir pour collaborer et planifier des soins de santé pour les réfugiés dès leur arrivée. Ils ont mis en œuvre un très bon plan pour fournir des soins de santé dans les centres d'accueil temporaires que gérait le Centre catholique pour immigrants.

Notre groupe de travail sur le logement a fourni aux organismes locaux travaillant dans le secteur du logement une tribune pour collaborer et se consulter.

Nous avons donc agi comme courtier, comme lien et comme centrale d'information pour aider la collectivité et les principaux intervenants. Nous avons organisé des événements, incubé des projets et organisé la formation. Notre objectif global est de mettre en lumière les lacunes ou les difficultés et d'amener les gens à travailler ensemble pour voir s'il est possible de combler ces lacunes.

Nous recevons la majeure partie de notre financement du gouvernement de l'Ontario et il est complété par quelques dons généreux du secteur privé. Nous ne recevons aucun financement du gouvernement fédéral ou de la municipalité. Nous avons fait tout cela avec un effectif de deux employés et une armée de bénévoles dévoués.

Nous avons une perspective unique en son genre et nous avons été témoins de la réaction formidable de nos concitoyens, dont nous sommes si fiers et dont plusieurs des sénateurs ici présents font partie en tant que répondants ou bénévoles. Mais nous avons également constaté les lacunes sur le plan de l'établissement et de l'intégration qui se sont élargies au fur et à mesure que de nouveaux avions arrivaient et nous avons aussi vu apparaître des nouvelles lacunes. Nous croyons donc que notre gouvernement doit faire d'importants investissements dans certains domaines pour soutenir les personnes qui travaillent dans notre secteur et pour soutenir les bénévoles qui travaillent avec elles.

Premièrement, je vais vous donner quelques chiffres : 6 514, c'était, ce matin, le nombre de résidants d'Ottawa qui ont signé notre liste de diffusion parce qu'ils se préoccupent du sort des réfugiés; 144 — c'est le nombre de groupes de répondants privés que nous connaissons. Nous savons aussi qu'ils ne figurent pas tous sur notre liste. Cela représente entre 4 000 et 5 000 citoyens d'Ottawa qui se sont engagés à soutenir les réfugiés. Ottawa Centre Refugee Action, qui a parrainé la mère et la fille que vous avez rencontrées ce matin, compte plus de 250 membres.

D'autres chiffres : 110 millions de dollars — c'est le montant d'argent que les citoyens du Canada ont levé pour parrainer privément des réfugiés, selon les estimations des signataires d'ententes de parrainage. Sur ce total, un montant de plus de 1,5 million de dollars provient d'Ottawa. Cet investissement que des citoyens ont fait directement dans l'avenir de notre pays est un puissant message.

Un autre chiffre : 1 372 — c'est le nombre de demandes d'information que le bureau de Réfugié 613 a reçues par courriel sur une période de 90 jours pendant le pont aérien. Nous en avons reçu des centaines d'autres par téléphone. Cela ne comprend pas mon adresse courriel personnelle où j'ai reçu de nombreuses demandes de renseignements, mais nous n'en avons pas fait le compte. Ces personnes voulaient savoir : « Où puis-je faire un don? Où puis-je travailler bénévolement? Comment puis-je me joindre à vous? Comment puis-je aider? » Nous les avons aidés à obtenir des réponses.

La société civile a répondu à l'appel de façon extraordinaire et ce n'est pas un vain mot. Je veux dire que c'était extraordinaire aux yeux des professionnels du secteur. Les organismes d'établissement des immigrants ont été submergés. La municipalité a été submergée par la bonne volonté des résidents d'Ottawa.

Cela m'amène à ma première conclusion : l'établissement des immigrants n'est plus uniquement du ressort des organismes spécialisés. Un nombre considérable de Canadiens ont fait comprendre qu'ils ont un rôle à jouer pour aider les nouveaux arrivants à s'intégrer. C'est une chose dont de nombreux organismes d'établissement et groupes de parrainage n'auraient pas pu imaginer il y a un an ou même en août dernier, avant que la photo d'Alan Kurdi ne galvanise autant de gens. Les organismes d'établissement avaient de la difficulté à amener les gens à se soucier de leurs clients. Il leur était très difficile de convaincre les répondants privés de se manifester et tout à coup, ils ont été submergés par les offres d'aide.

Le problème est qu'ils ne sont pas financés pour gérer toute cette bonne volonté. Ils ne sont pas financés pour trier, former et soutenir l'intérêt manifesté par le public. Si nous n'agissons pas très rapidement pour leur donner, ainsi qu'aux autres organismes communautaires, la capacité de rejoindre les gens, nous pourrions gaspiller pour des milliards de dollars de ressources privées, d'énergie, de temps et de talents.

Cet effort d'établissement des refugiés n'est pas une course ou un marathon. C'est un ultra-marathon d'édification de la nation qui durera des années, une génération entière. Je crois qu'il aura des répercussions positives au cours des années à venir si nous investissons dans l'innovation et tirons la leçon de nos erreurs.

Cela m'amène à ma deuxième conclusion. Nous constatons les effets des compressions budgétaires de ces dernières années. Comme je l'ai dit, le secteur de l'établissement des immigrants n'est pas financé pour rejoindre la collectivité. Il a dû également faire face à des coupures budgétaires répétées et doit se partager des ressources limitées. Cela a réduit sa capacité à intervenir en cas de crise étant donné qu'il doit déjà répondre aux besoins malgré un sous-financement chronique.

À Réfugié 613, nous avons constaté, comme nos partenaires des autres secteurs, que le secteur d'établissement des immigrants devrait être solide, que nous devrions pouvoir collaborer facilement, mais que nous avons du mal à répondre à demande existante, et encore plus à cette nouvelle situation.

Nous avons remarqué que les organismes sont tellement sous la coupe de leurs maîtres au niveau fédéral qu'ils ne peuvent même pas envisager de sortir de leurs paramètres de financement, même lorsqu'on a désespérément besoin de leur savoir-faire, même quand les gens appellent. À l'occasion de réunions, des gens m'arrêtent pour me dire : « J'essaie d'aider les organismes d'établissement des immigrants, mais ils ne veulent pas de mon aide. » Ces organismes disent : « Nous sommes submergés d'appels du public. » Qui peut faire le lien entre les deux?

Quand le public se fait constamment répondre : « Laissez-nous faire. Nous nous en occupons. Nous ne pouvons pas accepter votre générosité », c'est un message négatif que l'on envoie et qui pourrait avoir des répercussions pendant de nombreuses années.

Il faut du temps et de l'argent pour la coordination des bénévoles, pour informer la collectivité et les partenaires, mais les organismes d'établissement n'obtiennent pas cet argent parce qu'ils doivent satisfaire aux conditions rigoureuses que leur imposent leurs sources de financement.

Cela m'amène à ma troisième conclusion. La communication est très problématique à de nombreux niveaux. Nos partenaires du secteur de l'établissement des immigrants disent avoir parfois de la difficulté à communiquer avec IRCC. Ils ont l'impression que la communication est trop axée sur les organismes du PAR qui s'occupent des réfugiés parrainés par le gouvernement alors que les autres organismes qui s'occupent aussi des réfugiés sont laissés de côté.

Ces spécialistes sur le terrain connaissent très bien les besoins et les difficultés auxquels les réfugiés seront confrontés et il faut qu'ils fassent partie de la solution. Également, s'ils étaient mieux informés de ce que le gouvernement compte faire pour l'établissement des réfugiés, les organismes pourraient planifier leurs interventions et répartir leurs ressources de façon plus efficace.

Cela m'amène à ma quatrième conclusion. La coordination fait terriblement défaut. Aucun financement n'est prévu pour assurer la coordination entre les secteurs qui permettrait de relever rapidement les défis de l'intégration. Le Service de police d'Ottawa, le Club Garçons et Filles, les entreprises se présentent aux réunions de nos groupes de travail parce qu'ils veulent savoir ce qui se passe, car personne ne les informe. Ils veulent savoir comment ils peuvent travailler ensemble pour aider cette nouvelle population.

Les organismes d'établissement des immigrants et les défenseurs des réfugiés avaient essayé de rejoindre certains de ces groupes pendant des années, mais ils les voient maintenant arriver tous en même temps. Vont-ils pouvoir profiter de cet intérêt et de cette bonne volonté?

La difficulté d'assurer une coordination entre les secteurs, le manque de ressources pour faciliter la communication intersectorielle posent d'énormes problèmes. Réfugié 613 a été créé parce que nous étions plusieurs, à Ottawa, à constater ce besoin et à nous dire que si nous ne saisissions pas cette occasion d'agir, ce serait vraiment trop dommage. Si nous l'avons fait, c'est, je pense, en partie en raison de l'exemple que Projet 4000 nous a donné. Nous savons ce que la collectivité a déjà réussi à faire en unissant ses efforts.

Les intervenants des divers secteurs se sont réunis et ont trouvé des solutions innovatrices pour relever le défi, mais ce n'était pas sans difficulté. Chaque organisme est arrivé avec sa propre structure de financement et de rapports, sa propre culture, sa propre compréhension ou incompréhension du processus d'établissement des réfugiés. Cela nous a montré qu'il fallait cultiver ces relations et que le travail ne se fait pas tout seul. Il ne se fait pas sans argent.

Je vais maintenant parler du parrainage. Le système de parrainage actuel a grandement besoin d'être amélioré. L'innovation dont le Canada a fait preuve pour le parrainage gouvernemental et privé est une chose dont nous sommes tous fiers, mais comme nous l'avons constaté, les Canadiens veulent faire plus et le système actuel ne leur facilite pas les choses. Il crée même des catégories de réfugiés. En avançant dans votre étude, vous allez certainement parler à des réfugiés parrainés par le gouvernement, de même qu'à des réfugiés parrainés par le secteur privé.

La façon dont les choses se sont passées pour la mère et la fille que vous avez rencontrées ce matin n'est pas la plus courante. Elles ont eu les ressources de plusieurs centaines de membres d'Ottawa Centre Refugee Action à leur service.

Parfois, les réfugiés parrainés par le gouvernement obtiennent seulement les services d'un agent surchargé de travail d'un organisme d'établissement. Nous avons pourtant des bénévoles qui veulent les aider, mais les organismes d'établissement n'ont pas les moyens de gérer ces bénévoles pour aider les réfugiés parrainés par le gouvernement.

La distinction entre les réfugiés parrainés par le gouvernement et ceux qui sont parrainés par le secteur privé, et la façon dont notre pays peut mieux leur venir en aide, suscitent beaucoup de discussions et de réflexion. Comme nous sommes des innovateurs, innovons pour la prochaine version du processus d'établissement des réfugiés.

Nous invitons les décideurs politiques à explorer les moyens d'éliminer le cloisonnement entre les deux flux de réfugiés. Nous pourrions faire participer davantage les groupes de parrainage privé à l'établissement des réfugiés parrainés par le gouvernement. Les deux flux de réfugiés sont traités de façon trop différente et nous estimons que le système doit tenir compte du fait que les deux suscitent le même intérêt et la même collaboration.

Malheureusement, la bureaucratie qui entoure le parrainage étouffe la bonne volonté des répondants. Ces derniers sont ravis de tous les changements que le pont aérien a entraînés. Tout a été accéléré et cela a créé certaines attentes. Mais maintenant? Quand vous dites à un grand nombre de personnes mobilisées qu'elles ne pourront pas parrainer un réfugié au cours de la prochaine année, elles sont loin d'être ravies. Comme chacun sait, cela va créer des problèmes.

J'ai parlé à un signataire d'entente de parrainage qui m'a dit que les Canadiens s'étaient engagés à verser environ 100 millions de dollars pour les parrainages privés et que la principale raison pour laquelle leur demande ne sera pas traitée avant longtemps est le manque de capacité d'IRCC. Pourtant, les citoyens canadiens investissent la plupart de cet argent dans des parrainages privés. Je me demande donc s'il n'y aurait pas un moyen de faire le calcul un peu mieux.

Quelqu'un m'a dit : « Nos répondants sont dépités et dégoûtés s'ils ne peuvent pas parrainer quelqu'un. Les Canadiens d'origine syrienne seront particulièrement malheureux s'ils ne peuvent pas parrainer des membres de leur famille. »

Il y a d'énormes lacunes sur le plan du financement. Nous les avons constatées et une crise met en lumière les pires d'entre elles. Par exemple, je citerais l'importance des services de garderie pour les mères qui suivent des cours de langue. Dans le cas des réfugiées que vous avez rencontrées ce matin, imaginez ce qui se passerait si les filles étaient âgées de deux et cinq ans au lieu d'être des adultes. La mère aurait besoin de services de garderie en même temps que d'un cours de langue.

Est-ce que je parle trop longtemps?

Le président : Vous pouvez continuer pendant encore une minute. Nous pourrons poser beaucoup de questions, Louisa.

Mme Taylor : Il n'y a pas suffisamment de services de garderie pour les cours de langue et ce sont surtout les femmes qui vont en pâtir.

Nous devons prêter attention aux travailleurs peu qualifiés qui connaissent mal la langue. Leur intégration risque d'être retardée parce qu'un grand nombre de nos services d'établissement sont axés sur les professionnels internationaux ayant un haut niveau d'instruction. Ces réfugiés possèdent beaucoup moins de compétences professionnelles et linguistiques.

Il faut investir dans le soutien en santé mentale à tous les niveaux de gouvernement. Réfugié 613 a pu constater que l'intégration ou la coordination ne sont pas du luxe. L'investissement dans ce domaine et l'information des Canadiens au sujet des réfugiés, de l'intégration et des avantages de l'immigration contribueront énormément à solidifier la nation canadienne et appuieront les compétences professionnelles du secteur de l'établissement des immigrants.

Je sais que je viens de vous donner toute une liste de plaintes, mais j'espère vous avoir donné également une longue liste de choses que nous pouvons faire mieux et de possibilités. Le message le plus important que je voudrais vous adresser est que les citoyens ont beaucoup de temps et de talents à apporter. Si les divers niveaux de gouvernement investissent de façon plus stratégique en développant ces ressources et en les utilisant en collaboration avec le secteur du parrainage et de l'établissement, cela facilitera énormément l'intégration à long terme.

Le président : Merci beaucoup, Louisa Taylor, de Réfugié 613, ici, à Ottawa.

Gerry Mills, nous sommes enfin connectés avec vous. Vous avez certainement entendu le témoignage de Mme Taylor. Mme Mills est directrice des opérations de Immigrant Services Association of Nova Scotia. Elle va témoigner par vidéoconférence. Bienvenue. Je crois que vous désirez faire une déclaration préliminaire. Nous avons beaucoup de questions à poser. Merci d'être des nôtres.

Gerry Mills, directrice, Opérations, Immigrant Services Association of Nova Scotia : Nous sommes l'organisme d'établissement des immigrants le plus important de la région de l'Atlantique et les seuls fournisseurs du PAR dans la province. Nous accueillons les réfugiés en Nouvelle-Écosse depuis plus de 36 ans. Merci de nous avoir invités à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne pour parler de notre expérience, à Halifax et de la façon dont nous facilitons l'intégration des Syriens nouvellement arrivés.

Je voudrais vous donner un bref aperçu de nos succès et de nos difficultés de ces derniers mois. Nous félicitons le gouvernement du Canada d'avoir décidé de faire venir cet important groupe de réfugiés syriens. Nous pensons tous que c'est une réalisation remarquable. Ce n'était pas sans difficulté, mais comme bien d'autres l'ont déjà dit, c'était la bonne chose à faire.

À Halifax, nous avons accueilli près de 700 réfugiés parrainés par le gouvernement et environ 300 parrainés par le secteur privé en l'espace de deux mois et demi.

Halifax était le lieu de destination de tous les RPG, mais de seulement 50 p. 100 des RPSP, les autres ayant été répartis dans l'ensemble de la province. Dans l'ensemble, nous avons accueilli 185 RPSP et 19 RPSP l'année dernière.

Pour ISANS, tout a commencé en septembre avec les horribles photos d'Alan Kurdi. Comme partout ailleurs au Canada, cela a déclenché une incroyable vague de solidarité. ISANS est aussi un signataire d'entente de parrainage. Au cours des quelques mois qui ont suivi, nous avons tenu d'innombrables ateliers pour faire savoir aux gens comment parrainer des réfugiés. Nous avons également invité tous les Syriens de notre région à une réunion.

En septembre, nous nous sommes occupés des formalités pour les Syriens qui voulaient faire venir des parents ou amis. Jusqu'ici, environ 130 groupes ont été formés en Nouvelle-Écosse et à peu près 95 de ces 130 groupes parrainent des familles qui ont déjà un parent ou un ami dans la province.

Quand il y a eu le changement de gouvernement et l'annonce de 25 000 réfugiés syriens, le gouvernement de Nouvelle-Écosse a relevé le défi en disant que nous pourrions accueillir 1 500 réfugiés. Le conseil municipal de Halifax a approuvé un rapport interne recommandant de fournir des choses comme des abonnements gratuits aux transports en commun et nous avons mis sur pied, dans la province, une équipe de commandement, formée du Bureau de gestion des urgences, du Bureau de l'immigration de la Nouvelle-Écosse et d'ISANS, chargée de diriger une équipe constituée de ministères et d'organismes communautaires.

À ISANS, nos téléphones se sont mis à sonner sans arrêt — comme l'a dit le témoin précédent — et nous avons commencé nos préparatifs. Nous avons recruté de nouveaux employés et nous avons essayé de répondre aux appels. Nous sommes allés faire des achats, nous sommes allés à des réunions. Nous avons rencontré des partenaires et des propriétaires. Nous avons participé à de nombreuses entrevues avec les médias, plus de 400 au cours de ces quelques mois. Nous avons aussi intensifié notre travail et préparé les communautés en élaborant des ressources et du matériel et en renforçant leurs capacités.

Nous avons dirigé toutes les offres de soutien vers le 211, notre service local d'information et de renvoi des Services sociaux et communautaires. Ce service a répondu à 2 800 appels en l'espace de sept semaines. Nous avons ouvert un site de dons que nous avons dû fermer au bout de quatre semaines parce que nous avions reçu des dizaines de milliers d'articles. Le numéro 211 a reçu des offres de bénévolat de 925 citoyens de la province. À la fin, nous avons eu 559 bénévoles qui ont travaillé aux côtés d'ISANS au cours de ces deux mois. Certains d'entre eux ont travaillé 7 à 8 heures par jour. Ils ont trié les vêtements et les tasses, les bicyclettes et les couvertures. Ils ont servi de la nourriture, servi d'interprète, bercé des bébés et joué avec les enfants.

Au cours des six derniers mois, comme partout ailleurs dans le pays, nous avons également reçu des cadeaux remarquables du milieu des affaires, des banques, des magasins et des particuliers, y compris un don du CN pour financer une aide supplémentaire au logement.

Quand nos premiers réfugiés sont arrivés le 29 décembre, nous étions prêts. Nous avions organisé un hébergement temporaire dans des hôtels avec des pièces spéciales pour les bébés, les petits, les enfants et les adultes.

Les médecins de la Refugee Health Clinic ont examiné chacun de nos 692 réfugiés parrainés par le gouvernement. Environ 18 médecins se sont chargés, à tour de rôle, d'établir des bilans de santé, de faire faire des examens plus poussés et de conduire les réfugiés sur la voie des soins de santé accessibles. Au cours de la première semaine de mars, tout le monde avait obtenu un logement permanent et tous les enfants étaient enregistrés, les évaluations linguistiques avaient été faites et les gens avaient commencé leur apprentissage de la langue.

Cela semble merveilleux, mais les problèmes ont été importants et il y en aura encore à l'avenir.

Premièrement, le secteur et ses organismes d'établissement ont d'énormes attentes sur le plan de l'information, de la communication et de la coordination. Dans une province comme la Nouvelle-Écosse, le mot « réfugiés » n'a jamais été prononcé en l'absence d'ISANS au cours des 30 dernières années. Tout le monde se tourne vers les organismes d'établissement pour obtenir le moindre renseignement, ce qui pose un problème.

Le profil des RPG adultes, qui ont un faible niveau d'instruction et une très faible connaissance de l'anglais, n'était pas ce à quoi nous nous attendions au départ. Nous avons maintenant de longues listes d'attente, du moins pour la Nouvelle-Écosse. Nous avons environ 200 personnes sur la liste d'attente. Dans notre secteur, nous parlons beaucoup du « treizième mois », car c'est le treizième mois que l'aide fédérale s'arrête, ainsi que certaines des ententes que nous avons conclues avec les propriétaires. Le treizième mois nous inquiète beaucoup.

Nous avons 136 enfants de moins de cinq ans. La plupart de ces enfants ne vont pas à la garderie. Nous n'avons pas suffisamment de services de garderie rattachés au programme d'apprentissage de la langue. Nous avons 39 bébés, c'est- à-dire des enfants de moins de 18 mois. À moins de leur offrir des services de garderie, tous ces enfants auront une très faible connaissance de l'anglais lorsqu'ils iront à l'école.

Nous avons 296 enfants d'âge scolaire. La plupart d'entre eux n'ont pas fréquenté l'école depuis trois à quatre ans. La commission scolaire régionale de Halifax a fait un travail remarquable, mais je suis certaine que ses ressources sont trop lourdement mises à contribution.

Il n'a pas été facile de trouver des logements permanents et ce n'est toujours pas facile. Oui, nous avons logé tout le monde dans des logements permanents. Néanmoins, nous avions 19 familles comptant 8 personnes ou plus. Les logements, en tout cas les logements locatifs du pays, ne sont pas construits pour des familles aussi nombreuses. Dans certains cas, nous avons abattu les murs entre deux appartements pour créer un logement adéquat. Cela a, bien entendu, causé des difficultés financières supplémentaires aux familles. Avec une allocation-logement de 620 $ pour une famille de trois personnes et plus, cela a posé un véritable problème pour les familles.

Le délai d'attente de deux ou trois mois pour toucher la Prestation fiscale pour enfants a causé des difficultés supplémentaires, car chaque famille a besoin de cette prestation pour compléter son allocation-logement et pour nourrir les enfants.

En ce qui concerne la santé, Halifax a probablement accepté davantage de familles de RPG ayant des besoins élevés que les autres villes de la région de l'Atlantique parce qu'elle possède des hôpitaux. Cela crée un fardeau supplémentaire pour les organismes d'établissement, car les gens ont souvent un plus grand nombre de problèmes sur le plan du logement, du transport, de l'équipement, des besoins personnels, des communications et de l'interprétation.

On a parlé des besoins des réfugiés sur le plan de la santé mentale. Même si nous venons de terminer un projet de trois ans qui consistait à élaborer un modèle pour fournir aux immigrants et aux réfugiés des services de santé mentale équitables et adaptés à la culture, nous n'avons pas encore obtenu le financement nécessaire à sa mise en œuvre. Les renseignements que nous fournit IRCC au sujet de ce que la commission financera avec le financement supplémentaire pour les Syriens ne signalent rien de nouveau. La santé mentale est quelque chose de nouveau et nous essayons de fournir certains de ces programmes vraiment nécessaires.

Pour ce qui est des RPSP, quand les familles ont commencé à arriver très rapidement en janvier et février, les groupes de parrainage étaient si enthousiastes qu'ils ont commencé leurs préparatifs, mais depuis, les retards annoncés et le manque d'information à jour suscitent beaucoup de déception et beaucoup de colère.

Je suis absolument d'accord pour ce qui est de la séparation entre les RPG et les RPSP. Ces deux groupes se fusionnent dans certains cas. Par exemple, nous recevons de nombreux appels de groupes qui nous disent : « Comme nous ne pouvons pas avoir une famille immédiatement, pourrions-nous faire venir une de vos familles de RPG 200 kilomètres plus loin? » La ligne de démarcation est parfois assez floue.

Nous avons aussi l'effet d'écho lorsque des réfugiés déjà arrivés veulent faire venir des membres de leur famille et savoir comment les diriger vers les places pour Syriens.

En tant que SEP, ISANS, par exemple, a 39 places pour des Syriens, ce qui veut dire que nous pouvons parrainer 39 Syriens en Nouvelle-Écosse cette année. Nous sommes le SEP le plus important de la Nouvelle-Écosse; l'autre est probablement l'archidiocèse catholique qui a 38 places. C'est très insuffisant. Cela ne représente que quelques familles. Pour nos 39 places, nous avons une liste d'attente de 392 Syriens qui veulent être parrainés. Par conséquent, nous nous réjouissons de l'annonce du ministre selon laquelle le gouvernement fédéral fera venir 17 000 RPSP cette année, mais nous sommes vraiment inquiets pour l'avenir.

Les Canadiens veulent faire plus, mais ce n'est pas possible avec le système actuel. Pour ce qui est de la réaction des citoyens, comme je l'ai dit, il y a six mois, le seul groupe qui parlait des réfugiés en Nouvelle-Écosse était ISANS. Maintenant, tout a changé et même si la réponse citoyenne a apporté une sensibilisation, un appui et des possibilités, elle a également mis en lumière une information erronée, un grand nombre d'attentes irréalistes et des déceptions.

Un dernier problème, mais certainement pas le moindre, est que nous avons mis sur pied un système d'établissement des réfugiés à deux vitesses; les Syriens qui sont arrivés avant le 29 février et qui ont bénéficié de dons, n'ont pas à rembourser leurs frais de transport et qui ont reçu énormément d'appui de la collectivité, et ceux qui sont arrivés avant ou après ce mouvement, surtout de pays autres que la Syrie. Cela crée d'énormes problèmes pour nous et beaucoup de gens de la communauté et dresse les Syriens contre les Africains, principalement.

Merci de votre attention.

Le président : Merci beaucoup. Ce que vous avez dit est extrêmement important pour nous. Nous disposons d'environ 35 minutes pour poser des questions à vous et à Louisa Taylor qui est ici, à Ottawa.

La sénatrice Ataullahjan : Je suis tellement bouleversée par tout ce que j'ai entendu que je ne sais pas vraiment par quelle question commencer.

Madame Taylor, vous avez dit que le gouvernement doit investir dans des domaines particuliers. S'il en est un dans lequel vous souhaiteriez qu'il investisse immédiatement, quel serait-il? Qu'est-ce qui faciliterait les choses?

Vous êtes confrontées à d'énormes défis, mais nous entendons parler de réfugiés qui ont dû s'adresser à des banques alimentaires, qui n'obtiennent pas suffisamment d'aide financière. Nous entendons aussi beaucoup parler de réfugiés qui sont venus ici alors qu'ils n'étaient pas dans des camps de réfugiés. Ils étaient déjà dans des pays où nous sommes présents.

J'essaie seulement de comprendre ce qui se passe. Je sais que c'était un enjeu très important, mais je suis tellement bouleversée par ce que je viens d'entendre que je ne peux pas imaginer ce que vous ressentez.

Mme Taylor : Oui. Je dois dire que je n'aborde pas la question comme une spécialiste de l'établissement des réfugiés. Je l'aborde comme quelqu'un qui a couvert le sujet en tant que journaliste, qui a travaillé pendant longtemps comme bénévole, et qui a reçu le baptême du feu au cours des huit derniers mois dans le cadre de Réfugié 613. Mes suggestions politiques reflètent sans doute parfois une certaine naïveté, mais si je pouvais faire disparaître un certain nombre de problèmes d'un coup de baguette magique, je pense que je commencerais par dire que l'aide financière aux réfugiés n'est pas suffisante; c'est le taux de l'aide sociale et nous savons les problèmes que posent les taux de l'aide sociale. Donc il est vrai que les réfugiés font appel aux banques alimentaires et à d'autres services. Et ils n'ont pas les moyens de payer un logement adéquat.

Il est vraiment intéressant de voir que le pont aérien organisé pour les réfugiés a mis en lumière tous les endroits où notre tissu social, notre filet social s'est détérioré. C'est une autre raison de penser que nous pouvons tirer beaucoup plus de leçons de cette expérience, voir quelles sont les difficultés des Canadiens à faible revenu, car nous avons maintenant créé beaucoup plus de Canadiens à faible revenu.

Cela dit, certains changements bien précis pourraient être apportés. Par exemple, il est absolument crucial d'investir dans des services de garderie. Nous le constatons actuellement. OCRA a certaines autres familles parrainées...

Le président : Que signifie OCRA?

Mme Taylor : Ottawa Centre Refugee Action. C'est le plus grand groupe de parrainage d'Ottawa. Comme l'a dit la famille que nous avons entendue, ce groupe est très bien organisé, il a de nombreux comités et de nombreux groupes de familles.

Il est intéressant de voir que la société civile vient juste de réaliser ce que le secteur de l'établissement des immigrants a toujours su. Nous entendons des bénévoles qui travaillent pour OCRA, qui ne se sont jamais occupé des réfugiés avant, dire : « Je ne peux pas faire suivre un cours de langue à la mère de famille, parce qu'il n'y a plus de places en garderie. » Pourtant, il y a des places dans les cours de langue, mais sans service de garderie. Les femmes sont donc laissées pour compte. Ce n'est pas nouveau. C'est un problème. Et nous avons la possibilité d'y remédier.

Le secteur de l'établissement des immigrants signale ces problèmes depuis longtemps, les lacunes ne sont pas bien difficiles à combler et nous pourrions apporter de nombreux changements. Néanmoins, je suis surtout curieuse de voir comment nous allons tirer parti au maximum de la bonne volonté de la collectivité qui, comme l'a dit Gerry Mills, peut poser un sérieux problème, mais peut aussi faire partie de la solution. Il faudra toutefois investir pour tirer parti au maximum de cette ressource.

Mme Mills : Ce ne sont pas seulement les réfugiés syriens qui vont dans les banques alimentaires; ce sont tous les réfugiés. Le fait est qu'ils touchent l'aide sociale et que ce n'est pas suffisant pour vivre.

Quand une famille de trois personnes ou plus, ou une famille de huit personnes, obtient l'allocation-logement de 620 $; une famille de 12 obtient une allocation-logement de 620 $. Ce n'est pas suffisant. Nulle part au Canada vous ne pouvez trouver un logement adéquat pour 620 $, ne serait-ce que pour une personne. Les gens doivent donc recourir à d'autres moyens pour pouvoir survivre. Les banques alimentaires sont un des endroits où notre organisme les conduit. Les médias ont beaucoup parlé des réfugiés syriens qui s'adressent aux banques alimentaires, mais tous les réfugiés le font.

Pour ce qui est de l'investissement à faire, comme je représente un organisme d'établissement, je peux difficilement vous dire que vous devez investir davantage dans l'établissement des réfugiés. On y consacre actuellement beaucoup d'argent et nous devrions probablement tenir un débat plus vaste sur la meilleure façon d'utiliser cet argent.

Nous sommes actuellement dans une situation de crise. Nous n'avons même pas le temps de tenir ces discussions. Nous avons des listes d'attente, des enfants de moins de cinq ans que nous ne préparons pas pour l'école. Il va donc falloir investir rapidement pour pouvoir répondre aux besoins.

Je suis absolument d'accord pour dire qu'il faut trouver un moyen de tirer parti de la bonne volonté de la collectivité. Qui fait ce travail pour le moment? Ce sont les organismes comme celui de l'ancien président de la Chambre et comme le nôtre, mais nous n'avons pas les moyens de le faire. Je pense toutefois possible d'accroître les efforts au maximum.

Le président : Merci.

Le sénateur Ngo : J'ai deux questions pour vous deux.

Quel rôle pensez-vous que la communauté canado-syrienne joue dans le programme d'établissement des réfugiés ou dans votre groupe de parrainage? Que peut-elle faire, à votre avis, pour vous aider?

Mme Mills : Je pense qu'elle joue déjà un rôle. Nous avions environ 400 à 500 Syriens qui arrivaient lorsque nous avons convoqué cette réunion en septembre et la communauté a donc formé des groupes. Elle a aidé à former des groupes pour le parrainage privé des réfugiés. Elle travaille aussi avec nous pour pouvoir offrir des emplois à des Syriens lorsqu'elle est en mesure de le faire.

La communauté fait beaucoup de bénévolat pour aider les Syriens. Elle joue de nombreux rôles, en tout cas dans notre région.

Mme Taylor : Je suis du même avis. Je dirais qu'à Ottawa, nous n'avons pas aussi bien réussi à rejoindre la communauté syrienne pour la faire participer aux efforts d'établissement. Cela a été très lent. Je pense que nous aurions pu faire mieux.

Nous avons remarqué qu'un grand nombre de Syriens qui vivent à Ottawa n'ont aucune expérience de la procédure d'accueil des réfugiés. De nombreuses autres communautés arabes qui voudraient les aider, les communautés musulmanes qui voudraient les aider, n'ont pas cette expérience non plus. Il y a donc un processus d'apprentissage à faire.

Ces communautés n'ont aucune connaissance des services d'établissement disponibles, des conditions d'admissibilité, et cetera. Nous nous efforçons de les rejoindre pour leur fournir ces renseignements afin qu'elles puissent mieux défendre les intérêts des réfugiés.

Néanmoins, toutes ces communautés parrainent des réfugiés. Elles travaillent comme bénévoles. Elles font des dons. Elles font beaucoup de choses.

La sénatrice Omidvar : J'ai une question à poser à vous deux ou à l'une d'entre vous. Elle concerne les deux branches du programme pour les réfugiés venant d'outre-mer. Il s'agit des réfugiés parrainés par le secteur privé et des réfugiés parrainés par le gouvernement.

Les résultats des deux programmes sont extrêmement variables, ce qui nous amène tous à conclure que les réfugiés rattachés à des répondants privés s'en sortent toujours mieux. Ce n'est pas seulement sur le plan du soutien financier; c'est sur le plan du capital social qu'apportent les répondants privés. Nous avons donc cette situation très particulière où, pour la première fois depuis de nombreuses années, nous avons un excédent de répondants privés et pas suffisamment de réfugiés parrainés par le secteur privé. Il est parfaitement logique que les répondants privés veuillent s'occuper de réfugiés parrainés par le gouvernement, mais pourtant il y a de la résistance. Ce n'est pas seulement une question d'argent; c'est une question de territoire. Les organismes d'établissement qui se considèrent comme les spécialistes en la matière — et ils le sont — font preuve d'une certaine résistance. Les défenseurs des intérêts des réfugiés craignent de perdre le principe d'additionnalité sur lequel se fondait le programme de parrainage du secteur privé. Autrement dit, le gouvernement fait sa part, et les répondants privés y ajoutent leur contribution. On craint donc qu'en permettent aux répondants privés d'aider des réfugiés parrainés par le gouvernement, le gouvernement se dédouane de ses responsabilités.

Je voudrais savoir si vous avez un avis à ce sujet étant donné que cela m'étonne énormément, car c'est un programme très solide et unique en son genre. Le Canada est le seul pays au monde à avoir des répondants privés et nous faisons cela très bien. Voyez-vous un moyen d'aider les répondants privés à soutenir les autres réfugiés sans compromettre le professionnalisme des organismes d'établissement ou, en fait, le principe de l'additionnalité?

Mme Taylor : C'est une excellente question. Oui, je peux envisager un nouveau modèle. Je le vois s'établir spontanément, même maintenant. À Ottawa, le Centre catholique pour immigrants essaie de redynamiser les cercles d'entraide. Ces cercles rassemblent les bénévoles dont certains sont des répondants dont les familles ne sont pas encore arrivées — afin de soutenir les réfugiés qui ont les plus grands besoins, les RPG ayant les plus grands besoins. À mon avis, cela ne peut être qu'une bonne chose.

Ces cercles peuvent bénéficier de l'expertise de l'agent du service d'établissement, mais ce dernier ne peut pas tout faire compte tenu de sa charge de travail et n'a pas à le faire non plus. Pourquoi refuserait-on qu'une personne bien établie dans la collectivité vienne en aide à un nouvel arrivant? Je suis également coprésidente de la Semaine d'accueil à Ottawa. Un des principaux messages que nous lançons est que nous avons tous un rôle à jouer dans l'intégration.

Cela ne devrait pas être seulement le rôle des organismes d'établissement. Les gens disent que tous les immigrants, mais surtout les réfugiés, ont besoin d'un emploi, d'un endroit où vivre et d'un ami. L'ami revêt une importance cruciale. Si vous avez l'emploi et le logement, mais ne participez pas à la culture locale, vous êtes très isolé; vous vous sentez exclu. Je crois donc qu'il y a de nouveaux modèles, et que nous devrions certainement les mettre en place. Je ne me soucie pas trop du principe d'additionnalité, surtout maintenant, car j'estime que notre gouvernement est allé bien plus loin qu'il ne l'a fait par le passé. Cela ne veut pas dire qu'il faille ralentir, mais plutôt qu'il faut agir de façon plus intelligente et plus efficace.

Mme Mills : C'est arrivé aussi en Nouvelle-Écosse. Une famille a été prise, comme je l'ai dit, à 150 kilomètres de distance, par un groupe dont la famille n'était pas encore arrivée. Nous avons seulement eu ce cas-là, mais certaines difficultés sont dues au fait que le profil des réfugiés syriens parrainés par le secteur privé est, comme chacun sait, très différent que celui des RPG. Il est en tout cas vraiment différent pour ceux que nous voyons. La taille des familles, le niveau d'instruction, la connaissance de la langue et les compétences ne sont pas du tout les mêmes.

Comme cette famille se retrouve à 150 kilomètres de distance, elle a accès à moins de services d'établissement et de cours de langue; cela commence déjà à poser un problème. Nous essayons de le résoudre parce que d'un certain côté, c'est simplement logique. La famille que vous attendez n'est pas encore arrivée. Vous risquez d'avoir à attendre encore un an. Ces personnes ont des ressources. Elles ont des appartements et elles veulent aider.

Il est parfaitement logique de se servir des bénévoles, des groupes communautaires qui ont été constitués et qui n'ont pas encore obtenu une famille et de les utiliser comme bénévoles pour s'occuper des RPG.

Je suis d'accord pour dire qu'il faut commencer à une petite échelle, car nous avons à faire tomber certains murs. Ces murs doivent tomber afin que nous puissions en discuter franchement. Quelles sont les craintes des organismes d'établissement, du secteur? Quelles sont celles des RPG, du gouvernement? Parlons-en franchement. Y a-t-il une solution intermédiaire qui nous donnerait satisfaction? Car j'ai l'impression que tout est en place. Nous avons un gouvernement prêt à soutenir les réfugiés. Nous avons une collectivité prête à soutenir les réfugiés et un secteur professionnel qui peut apporter son aide. Au milieu de tout cela, nous avons les réfugiés. Ne nous battons pas au sujet des réfugiés. Faisons ce qu'il y a de mieux pour eux. Je pense que c'est possible, mais il faut entamer le dialogue.

La sénatrice Martin : Merci de nous ramener un peu à la réalité, très clairement, en fait. D'après ce que vous dites, il faut agir plus intelligemment, graduellement, en parler ou simplement mieux intégrer les divers éléments. Peut-être faudrait-il ralentir un peu pour laisser le temps de renforcer les capacités parce que cela prend du temps. Vous semblez dire que le problème n'est pas un manque de volonté, de désir ou d'enthousiasme de la part des Canadiens à l'égard de ce que nous faisons si bien, mais que tout prend du temps, tout simplement.

Par exemple, mon mari, qui travaille auprès des jeunes à risque, dit qu'il faut environ huit organismes pour fournir un programme éducatif personnalisé à un enfant.

Quand nous avons fait une étude sur les réfugiés de Corée du Nord, nous avons entendu les témoignages d'une église, une congrégation d'environ 3 000 à 4 000 personnes. Les membres de la congrégation parrainent une famille parce qu'ils veulent joindre leurs efforts pour assurer un succès durable.

Il faut d'importantes ressources pour aider une famille ou une personne compte tenu de tous les problèmes et de toutes les difficultés ne serait-ce que d'une seule personne venant d'une zone de conflit ravagée par la guerre. Je me demande donc ce qu'il advient des attentes de tout un chacun lorsque le cœur y est, mais on est confronté à la réalité. Je pense que vous nous avez déjà fait voir un bon nombre de ces réalités.

Faudrait-il ralentir un peu pour que tous ces merveilleux organismes puissent renforcer leur capacité et pour que l'ensemble de notre société continue à bâtir des partenariats qui nous permettront de faire en sorte que les réfugiés s'intègrent mieux au Canada? Ai-je tort de dire qu'il s'agit simplement de renforcer les capacités pour pouvoir faire les choses comme il faut? Est-ce bien ce que vos deux organismes ont constaté ou conclu? Pour vraiment bien faire ce travail, devons-nous tenir compte des chiffres, mais aussi du temps que cela exigera?

Le président : Laissons Gerry Mills, à Halifax, répondre la première. Madame Mills?

Mme Mills : Ce qui nous pose vraiment des problèmes en Nouvelle-Écosse — comme partout ailleurs dans le pays — c'est que nous avons 130 groupes communautaires bien intentionnés pour aider les réfugiés, mais qui soutient ces groupes?

Il n'y a pas de coordination. Certaines des principales questions auxquelles nous voulions une réponse, en Nouvelle- Écosse, étaient les suivantes : Combien de réfugiés parrainés par le secteur privé sont-ils arrivés? Combien d'autres vont arriver? Combien de groupes ont-ils été constitués? Où se trouvent-ils? Nous avons essayé de le savoir pour ceux qui sont passés par un signataire d'entente de parrainage. La Nouvelle-Écosse est une petite communauté où il n'y a que sept SEP et nous avons donc pu rejoindre la plupart d'entre eux. Néanmoins, s'il y avait des groupes de cinq, nous ne pouvions pas le savoir. Nous ne savions pas où étaient les réfugiés.

Dans les régions où il y a beaucoup plus de signataires d'ententes de parrainage, il y a des groupes, mais personne ne sait combien. La situation était absurde en Nouvelle-Écosse. Nous savions exactement combien de réfugiés parrainés par le gouvernement allaient arriver, mais nous continuons de dire qu'environ 300 réfugiés parrainés par le secteur privé sont venus. Nous ne le savons toujours pas.

Les groupes appellent constamment les organismes d'établissement pour demander un soutien et une coordination et en posant des questions comme : « Que dois-je faire de ceci? » ou « Que va-t-il se passer avec cela? » Ils ont besoin d'une formation et d'un réseautage, alors nous essayons de les aider de notre mieux, mais nous disposons pour cela de ressources extrêmement limitées.

En ce qui concerne la Nouvelle-Écosse, je ne pense pas que nous ayons besoin de ralentir. Je pense que nous nous en sortons bien; nous avons la situation en main. Il serait utile qu'IRCC nous fournisse des renseignements plus à jour et communique mieux avec nous. À la fin de la semaine dernière, nous avons reçu un courriel disant que pour atteindre l'objectif, on fera arriver les gens après 22 heures et les week-ends. Ce n'est qu'un petit courriel — un petit renseignement —, mais pour les fournisseurs du PAR cela veut dire : « Nous allons devoir réviser notre emploi du temps », surtout pendant l'été.

Nous sommes prêts à le faire. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de ralentir, mais nous avons besoin d'une meilleure information et d'une meilleure communication. Je crois vraiment qu'il faut apporter plus de soutien aux groupes communautaires parce qu'on les laisse se débrouiller tout seuls.

La sénatrice Martin : J'ai seulement une question, qui s'adresse non pas aux témoins, mais peut-être au comité. Avons-nous entendu le point de vue des écoles, des directeurs d'école et conseillers scolaires qui s'occupent de certains réfugiés?

Le président : Je pense que nous le ferons lorsque nous irons à Toronto et à Montréal. C'est une excellente suggestion, parce que ce sont des joueurs importants. Nous l'avons déjà entendu dire par les autres réfugiés : l'éducation est primordiale.

La sénatrice Martin : Mme Taylor pourrait peut-être nous dire qui devrait se charger de la coordination. Je crois que dans un hôpital, quand vous avez affaire à toutes sortes de spécialistes, il y a parfois un travailleur social qui aide la famille à s'y retrouver. Je sais par expérience, qu'autrement, vous devez vous défendre vous-même ou quelqu'un doit coordonner les services pour vous. Bien entendu, le problème n'est pas le manque de main-d'œuvre potentielle ou de ressources, mais le grand nombre d'éléments. Qui est le mieux placé pour assurer la coordination?

Mme Taylor : Je commencerai par votre question quant à savoir si nous devrions ralentir. Je ne pense pas que ce soit nécessaire; nous devons seulement agir un peu plus intelligemment.

Il y a certains changements fondamentaux que nous pourrions apporter immédiatement pour faciliter l'intégration des personnes qui sont déjà ici et c'est sur le plan de l'apprentissage de la langue, des services de garderie, des activités pour les jeunes et de la santé mentale. Ce sont des petites choses que nous pourrions faire immédiatement et qui feraient une énorme différence. La communication a également une importance énorme.

Pour revenir à ce que Gerry Mills a dit au sujet du soutien au parrainage, c'est un des sujets que j'ai laissé tomber parce que je manquais de temps. Nous avons constaté la même chose et c'est pourquoi nous avons créé un registre des groupes de parrainage privés d'Ottawa et nous les avons invités à s'inscrire dans cette base de données pour que nous puissions communiquer avec eux et savoir qui ils sont. Nous savons ainsi que nous avons au moins 144 groupes. Nous savons également qu'il y a aussi des groupes sans lien avec nous ou d'autres services parce que nous les rencontrons de temps à autre dans certains secteurs. Ce sont souvent des groupes de parrainage avec des liens familiaux et comme ce sont ceux qui ont le moins de services à leur disposition et qui sont le plus à risque, cela nous inquiète.

Je suis entièrement d'accord avec Gerry Mill pour dire que les groupes de parrainage privés ont besoin d'un moyen d'unir leurs efforts. Avant, cela ne posait pas de problème. Il y avait 10 groupes qui relevaient de l'archidiocèse anglican d'Ottawa et maintenant, il y en a 65. Cette organisation ne peut pas tous les soutenir et c'est pourquoi ils nous demandent de leur fournir des moyens de communiquer entre eux et de tirer des enseignements de leur expérience commune. Nous nous efforçons de les aider, car personne d'autre ne le fait. Je ne sais pas si c'est notre rôle, mais le secteur de l'établissement des immigrants n'a ni le temps ni l'argent voulus. Personne n'a de temps ou d'argent — et ils ont besoin de ce soutien.

Qui devrait assurer la coordination? Cela dépend, je pense, du niveau de coordination dont vous parlez. Si vous parlez de la prise en charge d'une famille de RPG, je pense que le secteur doit assurer la coordination avec les bénévoles et les autres membres de la société civile. Si vous parlez de l'effort global d'une collectivité, nous avons commencé par dire que nous allions assurer la coordination parce que tout le monde nous le demandait, mais nous n'avons jamais eu plus qu'une autorité morale. Nous sommes passés très rapidement de la coordination à la mise en relation et à l'organisation de réunions, parce que beaucoup de gens ne voulaient pas d'une coordination.

J'ai écouté Mme Mills parler de la Nouvelle-Écosse et de son centre de commandement. Je vais la contacter afin d'en savoir plus sur son modèle, car je pense que c'est fantastique. Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions en ce qui concerne la bonne volonté des gens, leurs besoins et leur désir de se réunir pour savoir ce qui se passe.

Pour ce qui est de savoir qui devrait assurer la coordination à ce niveau, je ne connais pas la réponse, mais je sais que ce doit être une fonction officielle. Il faut mettre un service en place, un peu comme pour la planification des mesures d'urgence.

Le président : Je vais laisser la sénatrice Cordy poser la dernière question et pendant qu'elle le fait, j'aimerais que vous réfléchissiez à une ou plusieurs recommandations précises que vous voudriez faire au comité afin que nous puissions faire connaître au gouvernement le point de vue des gens sur le terrain.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup, monsieur le président. Je vous remercie toutes les deux. Vos témoignages nous ont été extrêmement utiles pour établir quelles recommandations nous devrions faire, par exemple à propos des services de garderie, de la santé mentale et de la communication, pour ne citer que quelques-unes des choses que vous avez énumérées.

Comme je viens de la Nouvelle-Écosse, je voudrais vous remercier, Gerry, du travail qu'ISANS a accompli, car vous avez vraiment pris la situation en main et fait un excellent travail en regroupant les gens, et cela avec des ressources limitées.

Ma fille dirige un des groupes qui devait, au départ, s'occuper de réfugiés parrainés par le gouvernement, mais quand le nombre de RPG a diminué, quelqu'un de votre bureau a recommandé à son groupe de s'occuper de réfugiés du secteur privé, ce qu'il a fait. Il a le nom de la famille, mais ne sait pas exactement quand elle arrivera; ce ne sera peut- être pas avant 2017. Heureusement, ma fille est assez énergique et ambitieuse, si bien qu'elle a plus ou moins pris sous son aile les membres de la famille de ces réfugiés qui vivent maintenant à Halifax, elle leur rend visite et les conduit à divers endroits. C'est une bonne chose, car elle aura une bonne connaissance de la famille et de ses besoins lorsqu'elle finira par arriver. C'est frustrant, je crois pour tous les groupes qui ont déjà fait leur levée de fonds et qui débordent d'énergie.

Comment maintenir cette énergie au sein des groupes qui ont levé les fonds dont ils ont besoin, qui ont d'autres familles, qui savent quelle famille ils vont recevoir, mais qui attendent pendant des mois? Comme je l'ai dit, ma fille et son groupe ont plus ou moins adopté les membres de la famille qui sont déjà ici et travaillent avec eux.

Comment maintenir leur intérêt? Quelqu'un a dit tout à l'heure que les groupes sont plus ou moins en suspens, car ils ont fait tout le travail initial. Comment continuer à les faire participer au processus?

Le président : Madame Mills, vous pourriez peut-être, en même temps, nous faire part de vos recommandations; je l'apprécierais.

Mme Mills : Merci pour ces observations. Je me réjouis que votre fille ait une expérience positive à l'égard de toute cette situation.

Je recommanderais d'améliorer la communication. Les gens ne sont pas déçus, mais ils commencent à être en colère, car ils sont découragés de voir ce qui se passe, surtout pour les réfugiés parrainés par le secteur privé. Pour cette catégorie de réfugiés, il faudrait assurer une certaine coordination, sans doute au niveau provincial ou municipal dans certains cas.

Il faut investir rapidement dans l'apprentissage de la langue, les services de garderie et la santé mentale. Et n'oublions pas les jeunes. Nous avons parlé des tout-petits, de moins de 5 ans, mais nous ne devons pas oublier les jeunes. Nous devons rejoindre les jeunes, ceux qui ont 18, 19 et 20 ans. Nous avons des jeunes de 21 ans avec deux enfants et qui fréquentent l'école secondaire. Ils ont cessé de fréquenter l'école depuis trois ans. Ce n'est tout simplement pas l'endroit qui leur convient. Nous devons investir sur ce plan-là. Je sais que l'éducation est du ressort des provinces, mais nous devons investir dans différents groupes. Je vais m'arrêter là.

Le président : Merci. Madame Taylor?

Mme Taylor : Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit Mme Mills, mais je ne veux vraiment pas vous laisser croire que c'est un désastre et que tout va mal.

Cette situation a été un moment extrêmement fort pour notre communauté comme pour les autres. Les gens apprennent énormément. Cela a changé des vies et je ne parle pas seulement de la vie des nouveaux arrivants. Le Canada a besoin de ces personnes. Ce sont les citoyens de demain. Si nous investissons en eux, dans leur avenir et dans nos collectivités, ce sera dans notre intérêt à tous.

Nous avons peut-être assez bien réussi à vous faire peur et à mettre en lumière tous les endroits où nous voyons des problèmes. C'est mon obsession. Quand je m'endors le soir, je pense seulement à tout ce qui n'a pas été fait, et cela dure depuis huit mois. Je pense rarement à ce qui a été réalisé et aux histoires formidables, comme celles du sénateur Munson et de la sénatrice Omidvar, à ce qui a été accompli cas par cas, aux groupes de parrainage de la collectivité et aux bénévoles. J'espère qu'au fur et à mesure de vos réunions, vous entendrez des anecdotes bouleversantes au sujet de vies qui ont été changées et de moments vraiment canadiens et merveilleux.

Pour répondre à votre question, sénatrice Cordy, quant au moyen de maintenir le niveau d'énergie, la meilleure façon est de revoir toutes les limitations qu'IRCC a imposées pour le parrainage. Une suggestion quelque peu controversée serait de faire venir — la sénatrice Omidvar a peut-être le chiffre en tête — les RPG que nous nous étions engagés à faire venir d'ici la fin de l'année. Pourquoi ne pas en faire des réfugiés parrainés par le secteur privé jusqu'à ce que nous ayons épuisé cette capacité et faire venir ensuite des RPG pour atteindre la cible du gouvernement? Il y a de nombreuses façons de maintenir le niveau d'énergie et la bonne volonté qui ont été suscités en grande partie par le pont aérien et ce qui l'a précédé. On pourrait presque dire que nous avons suscité trop d'intérêt.

Je dirais qu'il y a des améliorations très simples et urgentes à apporter, notamment sur le plan des services de garderie et des programmes pour les jeunes, comme l'a mentionné Mme Mills. J'ai parlé à des agents d'établissement qui ont seulement les moyens d'offrir des programmes aux jeunes pendant deux semaines. Pourquoi? Parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour payer les laissez-passer d'autobus pendant plus de deux semaines. Ils ont le personnel spécialisé, le soutien des bénévoles et les locaux nécessaires pour offrir ces programmes, mais ils ne peuvent pas payer les laissez-passer d'autobus et la pizza.

La sénatrice Cordy : C'est pour cela que Halifax a donné des laissez-passer d'autobus gratuits, ce qui était formidable.

Mme Taylor : Je le sais. Nous avons essayé d'obtenir la même chose ici.

N'oublions pas que cela semble idéaliste ou optimiste, mais qu'il s'agit de bâtir nos collectivités. Les nouveaux arrivants seront pour nous un merveilleux atout si nous les aidons comme il faut maintenant, quand ils ont le plus besoin de nous.

Le président : Nous voulons vous remercier toutes les deux. Le temps est venu d'agir concrètement et non plus de nous envoyer des fleurs. Le greffier, qui reste toujours anonyme à mes côtés, a écrit une petite note disant : « Quel début pour nos audiences! »

Nous avons appris énormément au cours de ces deux heures. Vous avez dressé les bases et le cadre de notre travail. Nous allons entendre le ministre McCallum et il s'assoira dans ce même fauteuil. Nous ne serons peut-être pas aussi gentils, même si nous sommes canadiens et nous savons nous conduire décemment, car malgré le chemin parcouru, il nous en reste encore beaucoup à faire.

Il a également été extrêmement important pour nous d'obtenir le point de vue de la Nouvelle-Écosse, de la région de l'Atlantique. Nous vous remercions toutes les deux.

(La séance est levée.)

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