Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 5 - Témoignages du 18 mai 2016
OTTAWA, le mercredi 18 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 11 h 34 pour faire une étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent, notamment par les divers ordres de gouvernement, les répondants du secteur privé et les organismes non gouvernementaux.
Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à vous, mesdames et messieurs les sénateurs, et bienvenue aussi à notre invité spécial à la réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne dans le cadre de notre étude sur les mesures prises pour faciliter l'intégration des réfugiés syriens nouvellement arrivés et les aider à surmonter les difficultés qu'ils vivent, notamment par les divers ordres de gouvernement, les répondants du secteur privé et les organismes non gouvernementaux.
Avant de présenter nos invités de ce matin, je demanderais à nos sénateurs de se présenter.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, Ontario.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, Colombie-Britannique.
Le sénateur Ngo : Le sénateur Ngo, Ontario.
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, Ontario.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, Île-du-Prince-Édouard.
La sénatrice Cordy : Jane Cordy, Nouvelle-Écosse.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, Saskatchewan.
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, Toronto.
Le président : À titre de président, Jim Munson, de l'Ontario.
Nous accueillons aujourd'hui le ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, John McCallum. Il est accompagné de trois fonctionnaires d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : David Manicom, sous-ministre adjoint délégué, Secteur des politiques stratégiques et des programmes; Dawn Edlund, sous-ministre adjointe déléguée, Opérations; et Corinne Prince-St-Amand, directrice générale, Intégration et Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangères.
Nous sommes ravis de vous accueillir, monsieur le ministre. Nous avons beaucoup de questions à vous poser, et je sais que vous avez des remarques liminaires à prononcer. Nous vous écoutons. Merci.
L'hon. John McCallum, C.P., député, ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci, monsieur le président. Je pense que c'était votre façon subtile de me dire que vous ne vouliez pas que je parle trop longtemps, et je peux faire court.
Je suis enchanté d'être parmi vous aujourd'hui pour vous parler des réfugiés. Comme vous le savez, nous nous sommes engagés à accueillir 25 000 réfugiés syriens parrainés par le gouvernement et le secteur privé avant la fin de février, et nous avons atteint notre cible. En outre, le gouvernement s'est engagé à en prendre 25 000 en charge d'ici la fin de l'année et il est bien parti pour atteindre cette cible.
Je dirais que je suis le seul ministre de l'Immigration au monde dont le principal défi aujourd'hui est de ne pas arriver à traiter les dossiers de réfugiés assez rapidement pour répondre à la demande des parrains excessivement généreux qui veulent les accueillir. Vous en avez peut-être entendu parler, mais nous n'avons pas été en mesure de traiter suffisamment de dossiers de réfugiés et de les traiter assez rapidement pour répondre à la demande de tous les répondants. D'une certaine façon, c'est un bon problème, car il reflète la générosité des Canadiens, mais cela reste un problème. Voilà pourquoi nous avons renvoyé une quarantaine de fonctionnaires dans la région pour accélérer le processus.
Je me suis engagé auprès de tous les répondants qui ont présenté une demande avant le 31 mars 2016 à ce que leurs réfugiés arrivent d'ici la fin de l'année ou peut-être au tout début de l'année prochaine. J'aimerais que nous puissions le faire plus rapidement pour répondre à la demande des Canadiens qui ont très hâte d'accueillir les réfugiés, mais nous avons vraiment un problème de capacité, et si nous devions accepter plus de réfugiés parrainés par le secteur privé, nous devrions accueillir moins de membres d'un autre groupe. Nous devons donc mettre les choses en balance.
À mon sens, cela montre la mesure dans laquelle les Canadiens ont participé à l'effort et la mesure dans laquelle il ne s'agit pas que d'un projet du gouvernement fédéral ou même d'un projet gouvernemental tout court. C'est vraiment devenu un projet national, comme en témoigne le nombre de personnes désireuses de parrainer des réfugiés.
Pour ce qui est de l'établissement, après le forum du gouverneur général en novembre, lorsqu'on m'a demandé quelles étaient mes trois priorités, j'ai répondu le logement, le logement et le logement. C'était une de nos préoccupations, mais ce problème est maintenant réglé en grande partie. Environ 98 p. 100 des réfugiés bénéficient maintenant de logements permanents.
Je pense que le soutien du secteur privé nous aidés dans ce sens. Nous nous sommes notamment efforcés de continuer à jouir de l'appui du public à l'endroit des réfugiés en ne traitant pas ces derniers mieux que les Canadiens. En conséquence, nous ne voulions pas offrir aux réfugiés des logements ou des subventions locatives, car nous ne le faisons pas pour les Canadiens. C'est à cet égard que le secteur privé a été très utile. Il a recueilli plus de 30 millions de dollars, dont 5 millions de dollars de la part du CN, et il a versé des subventions locatives aux réfugiés et fait des annonces à la grandeur du pays. Cela dit, il s'agit de financement du secteur privé et non du gouvernement.
En partie grâce à ces efforts, et en partie grâce au travail très acharné des organismes d'établissement, nous avons trouvé le moyen d'héberger la quasi-totalité des réfugiés.
[Français]
Les autres défis sont les langues et les emplois. Il faut que ces gens apprennent l'anglais ou le français et qu'ils se trouvent un emploi.
[Traduction]
Je pense que nous réalisons des progrès appréciables dans ces secteurs. Il est clair que ces questions ne sont pas réglées, surtout lorsque l'on pense aux réfugiés pris en charge par le gouvernement. Leur profil démographique typique est qu'ils ne parlent souvent pas un mot d'anglais ou de français et ont, dans bien des cas, relativement peu d'instruction.
Nous avons demandé aux Nations Unies de nous envoyer des personnes vulnérables et nous les avons eues. Nous les voulions, alors dans un sens, c'est une bonne chose. En revanche, il faudra peut-être plus de travail pour préparer la réussite de personnes ayant ce profil démographique, mais les provinces se sont montrées très coopératives, et la formation linguistique est une priorité de premier ordre et continue d'être offerte.
Les fonctionnaires de mon ministère et moi-même avons parlé à de nombreux employeurs à la grandeur du pays. Bien des secteurs sont très intéressés à embaucher des réfugiés. Cela ne se fera pas du jour au lendemain, mais comme nous avons obtenu du succès à long terme avec, entre autres, des réfugiés hongrois, vietnamiens en particulier et assez récemment, ougandais, je crois qu'il en ira de même avec la présente vague de réfugiés à moyen terme. Bien qu'il s'agisse d'une action humanitaire à court terme, c'est aussi un investissement dans l'avenir, surtout en raison du vieillissement de notre population.
Comme il y a des sénateurs des Maritimes ici présents, j'aimerais mentionner que l'une des régions du pays où les gens ont été le plus enthousiastes a été le Canada atlantique, en partie grâce à leur générosité naturelle, mais aussi en raison de leur réalité démographique. La population du Canada atlantique vieillit plus vite que celle du reste du pays, si bien qu'elle est très emballée à l'idée d'accueillir des immigrants en tous genres, qu'il s'agisse ou non de réfugiés. La population de cette région s'est montrée très enthousiasmée.
Monsieur le président, afin de garder le plus de temps possible pour les questions, je vais m'arrêter ici.
[Français]
Je serai très heureux de répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur le ministre, de vos remarques liminaires. En tant que Canadien de l'Atlantique, lorsque j'aurai vieilli, je rentrerai moi aussi au bercail pour contribuer à changer le profil démographique de la région.
Nous avons une longue liste ce matin et, comme vous le savez, nous aimerions tenir une discussion. Nous ne sommes pas un comité de la Chambre. Il n'y a pas de partisanerie ici.
M. McCallum : C'est bon à entendre.
Le président : Dans le contexte de la question à l'étude, il est très important pour le public de mieux connaître la différence entre les réfugiés pris en charge par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des répondants du secteur privé ainsi que de savoir où il y a des écarts. Nous essaierons aussi d'en examiner quelques-uns.
La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur le ministre, d'être venu. Je tiens aussi à féliciter le gouvernement pour ses initiatives de réinstallation des réfugiés syriens. Ici au Canada, nous voyons les réfugiés comme un atout et non un fardeau.
J'ai de nombreuses questions, mais je vais essayer de me limiter à deux seulement. Au cours de la réunion du 11 mai, les témoins nous ont conseillé d'investir immédiatement dans des secteurs essentiels. D'abord dans les programmes de formation linguistique, qui sont primordiaux, car sans formation linguistique, les femmes seront laissées pour compte. Vous avez d'ailleurs parlé de la formation linguistique. Il y a aussi l'éducation des jeunes et des enfants; les programmes offerts aux jeunes; la formation professionnelle pour les personnes ayant peu de qualifications et de compétences linguistiques; le financement, ce qui est très important pour répondre aux besoins en matière de santé mentale; et les logements permanents et abordables de qualité, surtout pour les familles nombreuses. Comme vous le savez, il s'agit, dans la plupart des cas, d'assez grandes familles.
De plus, on nous a informés que le soutien financier aux taux de l'aide sociale ne suffit pas. C'est particulièrement vrai pour les familles nombreuses, dont beaucoup dépendent des banques d'alimentation pour se nourrir.
Comment le gouvernement réglera-t-il chacune de ces questions qui sont essentielles à l'intégration des réfugiés syriens? Je souhaite particulièrement savoir quelles mesures ont été mises en place pour veiller à ce que les femmes ne soient pas laissées pour compte et à ce que tous les enfants bénéficient d'une éducation adéquate.
M. McCallum : Merci beaucoup pour vos aimables paroles et vos questions.
Je suppose qu'il faut retenir qu'au plan financier, nous avons, à ce jour, investi un peu moins de 1 milliard de dollars dans ce projet. Je pense qu'il s'agit d'une somme considérable, qui a été versée principalement aux organismes d'établissement pour financer la formation linguistique, et une bonne partie de ce montant a servi à offrir aux réfugiés à la charge du gouvernement un soutien du revenu équivalent à celui que reçoivent les bénéficiaires de l'aide sociale. Comme je l'ai dit plus tôt, je ne voulais pas hausser ce montant d'argent et en donner plus aux réfugiés qu'aux autres, alors nous n'avons pas offert de supplément; cependant, le secteur privé l'a fait dans certains cas.
Pour ce qui est du recours aux banques d'alimentation, je ne pense pas que ce soit inhabituel. Quand votre revenu est au niveau de celui des bénéficiaires de l'aide sociale, vous n'êtes pas très en moyens, alors il est possible que vous deviez vous adresser aux banques d'alimentation. Je pense que nous en sommes conscients et que les fonctionnaires se penchent sur la question.
La culture pourrait jouer, car il ne faut pas oublier que les réfugiés viennent d'une partie du monde complètement différente de la nôtre. Il arrive qu'ils aient vécu dans des camps de réfugiés. Peut-être qu'ils sont habitués à se faire offrir des repas. Je ne m'en préoccupe pas outre mesure. Nombre de Canadiens ont recours à des banques d'alimentation, et je pense que cette démarche pourrait aussi être motivée par un élément culturel.
Vous avez mentionné le logement. Comme je l'ai dit, 98 p. 100 des réfugiés bénéficient maintenant de logements permanents. Bien entendu, nous offrons des programmes de formation professionnels.
Pour ce qui concerne la santé et l'éducation, il s'agit principalement de domaines de compétence provinciale, mais nous offrons des programmes pour aider les réfugiés dans les écoles. Peut-être que mes fonctionnaires pourraient vous donner des détails plus précis concernant ces programmes.
Corinne Prince-St-Amand, directrice générale, Intégration et Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangères : Merci. Pour ajouter à ce que le ministre a dit, absolument. La cohorte syrienne compte beaucoup plus de jeunes que les cohortes précédentes, si bien que le programme d'établissement en vigueur compte un volet d'aide aux jeunes. Un des principaux éléments du programme s'appelle « Travailleurs de l'établissement dans les écoles » et il est offert à la grandeur du pays. Dans le cadre de ce volet, des mentors et des conseillers travaillent avec les jeunes réfugiés dans le système scolaire, ainsi qu'avec leurs familles.
C'est très important pour toute la famille de comprendre le fonctionnement du système scolaire canadien, l'importance d'aller en classe, de faire des devoirs et de participer aux activités parascolaires pour que le jeune puisse créer ces réseaux jeunesse si cruciaux. Les jeunes eux-mêmes sont jumelés avec des mentors et bénéficient de conseillers pour leur expliquer comment les cours fonctionnent, comment les choisir — tous les détails que vous aimeriez connaître concernant le système scolaire. Notre programme Travailleurs de l'établissement dans les écoles est primordial.
Nous offrons aussi un programme semblable, mais aux élèves du secondaire. Il s'agit de la JONA — la Journée d'orientation des nouvelles arrivantes et des nouveaux arrivants.
Si vous voulez que je vous donne des détails concernant les programmes offerts aux femmes, madame la sénatrice, un de nos meilleurs exemples est le Centre pour femmes de Rexdale, à Toronto, où les immigrantes et les réfugiées bénéficient de services de counseling et de groupes de soutien adaptés à leur culture. On les aide à élaborer des plans de sécurité et à naviguer le système juridique. Les programmes de prévention de la violence sont, en quelque sorte, intégrés aux programmes linguistiques qui sont aussi offerts dans ce centre.
Des types de programmes semblables sont offerts à Vancouver par le truchement de la Multicultural Helping House Society et, ici à Ottawa, par l'entremise des Services pour femmes immigrantes d'Ottawa.
Je tiens seulement à réitérer, comme le ministre l'a mentionné, que plus de 500 fournisseurs de services au Canada offrent des services d'établissement par l'intermédiaire de notre programme d'établissement et sont devenus des experts en la matière.
L'autre point que j'ajouterais concernant la formation linguistique est que pour que les membres de cette cohorte puissent assister à des cours de langues, il est très important qu'elles aient accès à des services de garde. On exerce des pressions accrues sur notre système pour offrir plus de services de garde d'enfants et de transports afin que les membres de la cohorte puissent vraiment assister aux cours qui sont déjà offerts. Je vais m'arrêter là.
La sénatrice Ataullahjan : J'ai une simple question de suivi. Je sais que les autres sénateurs ont des questions.
Je suis très surprise qu'on ait parlé du recours aux banques alimentaires comme d'un « élément culturel ». Je pensais que les gens allaient dans les banques alimentaires parce qu'ils n'avaient pas suffisamment de nourriture. L'« élément culturel » en question m'a complètement déroutée.
Monsieur le ministre, vous avez annoncé que vous accueilleriez 25 000 réfugiés de plus. Attendez-vous des réfugiés qui se trouvent dans des camps? Je crois comprendre que ce n'était le cas d'aucun des réfugiés qui sont venus jusqu'à présent.
M. McCallum : Ce n'est pas vrai, et ce n'est pas vrai non plus que nous accueillerons 25 000 réfugiés de plus. Nous avons accueilli, jusqu'à la fin de février, 25 000 réfugiés — certains à la charge du gouvernement et d'autres parrainés par des répondants du secteur privé. Nous nous sommes engagés à accueillir un total de 25 000 réfugiés pris en charge par le gouvernement d'ici la fin de l'année, mais il ne s'agit pas de 25 plus 25. Nous avons déjà accueilli 17 700 réfugiés pris en charge par le gouvernement. Comme nous en avons près de 18 000; il nous en reste donc 7 000 de plus à accueillir.
La sénatrice Ataullahjan : Est-ce que certains d'entre eux viennent de camps de réfugiés?
M. McCallum : Il faut faire la distinction entre les réfugiés pris en charge par le gouvernement et les réfugiés parrainés par des répondants du secteur privé. Les réfugiés parrainés par le secteur privé viennent de l'endroit où les répondants les trouvent. Les réfugiés pris en charge par le gouvernement figurent sur des listes qui nous ont été fournies par les Nations Unies, et il s'agit dans tous les cas de personnes qui, selon les critères de l'ONU, sont vulnérables et qu'il convient d'aider comme réfugiées.
Je pense que la quasi-totalité d'entre eux sont originaires de Turquie, du Liban et de la Jordanie. Certains d'entre eux vivent dans des camps, mais d'autres pas. Dans toute la Jordanie, je pense qu'entre 15 et 20 p. 100 des réfugiés vivent dans des camps et les autres vivent ailleurs. On ne nous dit pas qui vit dans des camps et qui n'y vit pas : il s'agit dans tous les cas de réfugiés vulnérables, et il arrive souvent que ceux qui se trouvent dans les camps s'en sortent au moins aussi bien que ceux qui n'y sont pas.
La sénatrice Hubley : Bienvenue. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.
M. McCallum : Merci.
La sénatrice Hubley : Les Canadiens peuvent réaliser de grandes choses.
M. McCallum : En effet.
La sénatrice Hubley : Des organisations comme l'Association pour nouveaux arrivants au Canada de l'Île-du- Prince-Édouard travaillent au sein des collectivités partout au Canada pour favoriser l'établissement et l'intégration dans la société canadienne. Comment le gouvernement fédéral s'est-il associé à ces organisations pour les seconder dans le cadre de la récente réinstallation de réfugiés syriens?
M. McCallum : Eh bien, pour ce qui est de savoir comment nous appuyons ces programmes précis, je demanderais à l'un des fonctionnaires de bien vouloir répondre.
Dawn Edlund, sous-ministre adjointe déléguée, Opérations, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : En général, nous offrons, bien entendu, un soutien financier dans le cadre des programmes d'établissement et de réinstallation, comme ma collègue l'a mentionné, à plus de 500 fournisseurs de services partout au pays. Ces fonds leur permettent de créer et d'exécuter les programmes, qu'il s'agisse d'offrir une formation linguistique ou d'aider les gens à s'engager dans leur milieu de vie, à trouver un emploi, à acquérir des compétences professionnelles et tout le reste.
Nous avons abattu beaucoup de besogne, et une des leçons que nous avons apprises dans le cadre de notre collaboration avec ces organisations, c'est que nous aurions pu en faire davantage pour établir des voies de communication très efficaces : par exemple, voici où en sont les choses, voici la liste des gens qui viendront dans votre collectivité et voici la date de leur arrivée. Nous avons pu fournir de l'information sur le profil des réfugiés syriens, d'un point de vue humain, c'est-à-dire notamment leur niveau de scolarité, leurs compétences linguistiques, leurs antécédents professionnels en général, ainsi que leur profil de santé de façon générale.
Nous avons aussi organisé un atelier vers la fin de novembre, juste avant le forum du gouverneur général, atelier auquel ont participé entre 200 et 300 représentants des secteurs de l'établissement et de la réinstallation, des provinces et des territoires, et cetera, pour éplucher le plan que nous avons annoncé et notre démarche à cet égard. C'était aussi l'occasion de lancer des idées sur tout ce qui serait nécessaire et à quelle étape, et d'autres choses de ce genre.
Par souci de concision, je vais m'arrêter là, mais sachez qu'il existe un partenariat vraiment solide entre le gouvernement fédéral et les fournisseurs de services d'aide à l'établissement, et nous en tirons chaque jour des leçons; les fournisseurs nous font part des lacunes qu'ils observent sur le terrain — par exemple, les types de programmes qui s'imposent ou les besoins financiers supplémentaires —, puis nous nous assurons de disposer des fonds nécessaires pour les combler.
La sénatrice Hubley : Monsieur le ministre, je crois que vous avez indiqué qu'Immigration, Refugiés et Citoyenneté Canada financerait des recherches pour que l'initiative de réinstallation des Syriens soit surveillée et évaluée. Un appel de propositions a-t-il déjà été lancé, et qu'espérez-vous obtenir comme résultat?
M. McCallum : Eh bien, ma carrière de professeur étant plus longue que ma carrière de politicien, je suis conscient de l'importance de la recherche. Il s'agit d'un important projet national qui sera riche en enseignements pour nous, Canadiens, et, à mon avis, pour les non-Canadiens aussi. D'ailleurs, ces derniers s'intéressent beaucoup aux mesures que nous avons prises, surtout dans le cadre de notre programme de réfugiés parrainés par le secteur privé, qui est quelque peu unique en son genre dans le monde, et ils sont aussi intrigués par notre capacité de concevoir un centre de traitement qui a pu entrer en service de façon aussi rapide et aussi sécuritaire.
Je tiens à encourager la recherche. Je sais que nous avons eu des entretiens avec l'Université Dalhousie, qui souhaite ardemment diriger une recherche dans ce domaine. J'ai rencontré à mon bureau la vice-présidente de la recherche, je crois, de l'Université Dalhousie et ses collègues. Nous avons également collaboré avec le CRSH. Nous allons appuyer le financement de ce projet et encourager autant de recherches que possible, pas seulement sur une période d'un an ou deux, mais, on l'espère, sur un bon nombre d'années afin d'examiner l'évolution des réfugiés sur une période de 5, 10 et 15 ans.
Quant au montant précis, mes collègues ici pourraient fournir cette information, mais voilà en gros l'orientation générale.
David Manicom, sous-ministre adjoint délégué, Secteur des politiques stratégiques et des programmes, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je ne connais pas le montant précis, monsieur le ministre, mais nous pourrions faire parvenir l'information au comité.
Permettez-moi d'apporter une précision. Le ministre a fait le tour de la question, comme toujours, mais sachez que notre recherche comporte deux volets. Il y a d'abord les données objectives et quantifiables, qui sont établies grâce aux croisements entre la base de données sur l'immigration et la base de données sur l'impôt sur le revenu; nous pouvons ainsi produire des résultats basés sur l'emploi, le recours à l'aide sociale et les taux de revenus selon toutes sortes de variables — réfugiés pris en charge par le gouvernement, réfugiés parrainés par le secteur privé, pays de nationalité, sexe, âge, et cetera —, et ce, sur de nombreuses années.
Le hic, c'est qu'il faut au moins deux ou trois ans pour obtenir les résultats initiaux. Voilà pourquoi nous travaillons également sur des résultats à plus court terme en effectuant des sondages auprès des immigrants. Les gens veulent savoir notamment combien de nos réfugiés occupent un emploi. Il est difficile d'obtenir des données fiables à ce sujet, parce que les réfugiés, en particulier ceux parrainés par le secteur privé, pourraient ne pas nous dire s'ils travaillent ou non. Nous pouvons alors interroger nos partenaires.
Nous disposons également d'un système assez détaillé, appelé iEDEC, et ma collègue pourrait vous en parler. Il s'agit d'une mesure quantifiable de l'utilisation des services d'aide à l'établissement, ce qui nous permet de déterminer combien de réfugiés ont obtenu une évaluation des exigences linguistiques et combien ont eu accès à des services. Il y a donc, d'une part, les données subjectives à court terme, pour ainsi dire, et, d'autre part, les résultats économiques plus concrets à long terme.
Le président : Merci. Madame Edlund, avant de redonne la parole aux sénateurs, pourriez-vous nous dire quelle est la différence entre l'établissement et la réinstallation?
Mme Edlund : Bien sûr. Le programme de réinstallation s'adresse aux réfugiés pris en charge par le gouvernement et il vise à leur offrir une aide immédiate et essentielle dès leur arrivée au Canada, ce qui comprend le soutien du revenu. On aide ainsi les gens à trouver un logement et à prendre les mesures nécessaires pour s'établir, comme l'ouverture d'un compte bancaire et l'inscription des enfants à l'école. Les fonds proviennent d'une enveloppe distincte de celle des services d'établissement, dont le financement est beaucoup plus important et qui s'adressent à tous les nouveaux arrivants au Canada. Les services d'établissement englobent la formation linguistique, l'évaluation des compétences, les relations communautaires et tout le reste.
Le sénateur Ngo : Merci, monsieur le ministre. J'ai quelques questions à vous poser. La semaine dernière, des témoins nous ont parlé des attentes créées chez les répondants du secteur privé qui investissent du temps, de l'argent et de précieuses ressources pour accueillir les réfugiés. Sans l'appui de répondants du secteur privé, la réinstallation de 60 000 Vietnamiens n'aurait pas été possible. C'est pourquoi je suis préoccupé par la situation actuelle, qui pourrait avoir une incidence négative sur les répondants, lesquels sont de plus en plus frustrés de devoir attendre.
Pourquoi le gouvernement ne peut-il pas confier les réfugiés qu'il prend en charge aux groupes qui attendent impatiemment de les parrainer? Que pouvez-vous faire pour accélérer le processus afin de respecter la cible pour le parrainage privé? Savez-vous combien de répondants du secteur privé ont signé une entente de parrainage avec Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada? Avez-vous un chiffre à nous donner?
M. McCallum : Je partage certes votre préoccupation; en effet, quand la population canadienne se porte volontaire avec beaucoup d'entrain, nous voulons pouvoir mettre à profit cet enthousiasme et accueillir le plus de réfugiés possible pour satisfaire à la demande de Canadiens généreux. Vous savez sans doute, d'après l'expérience des réfugiés de la mer vietnamiens, que c'est au parrainage privé que nous devons la réinstallation d'une bonne partie des réfugiés qui sont arrivés. À l'époque, comme aujourd'hui, il régnait un élan d'enthousiasme et un esprit d'accueil à l'égard des néo- Canadiens, qu'ils viennent du Vietnam ou de la Syrie.
J'aimerais bien pouvoir répondre à cette demande de façon plus rapide et plus complète. Nous nous sommes engagés, en 2016, à accueillir un total de 300 000 immigrants, toutes catégories confondues, et le ministère travaille à plein régime pour faire venir toutes ces personnes. C'est d'ailleurs le plus grand nombre depuis la Première Guerre mondiale. Nous ne pouvons pas accueillir davantage de réfugiés, car nous n'avons tout simplement pas assez de personnes ou de ressources pour le faire.
Si on fait venir plus de réfugiés syriens parrainés par le secteur privé, cela signifie forcément qu'on ne pourra pas en faire venir d'autres. C'est là un problème, puisqu'il y a des conjoints qui doivent attendre habituellement deux ans. Voulons-nous accueillir moins de conjoints? Il y a des réfugiés d'autres pays qui attendent, dans certains cas, depuis longtemps. Voulons-nous réduire le nombre de ces admissions pour faire de la place à plus de réfugiés?
À moyen et à long terme, je crois que mon travail consistera, en gros, à accroître cette capacité dans les années à venir grâce à une combinaison de mesures, comme l'injection de fonds supplémentaires, l'amélioration de l'efficacité et tout le reste. Pour l'instant, toutefois, nous n'y pouvons pas grand-chose; voilà pourquoi nous sommes contraints à prendre des décisions difficiles.
J'ai décidé de répondre le plus possible à la demande des répondants du secteur privé. Je suis donc résolu à honorer toutes les demandes reçues avant le 31 mars, et je crois qu'il y en a 10 000, ou est-ce 12 000?
M. Manicom : C'est 12 000.
M. McCallum : Voilà. Tous ces gens sont censés arriver au Canada avant la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Comme je l'ai dit, je regrette que nous ne puissions pas en accueillir plus.
D'ailleurs, certains organismes d'établissement nous ont reproché d'aller trop vite. Ces gens seront peut-être heureux de voir un rythme plus modéré d'arrivées. Il est clair que nous allons également accepter plus de réfugiés dans les années à venir, mais c'est le mieux que nous pouvons faire pour le moment en ce qui concerne le parrainage privé.
Le sénateur Ngo : Si c'est le cas, ne pourriez-vous pas confier les réfugiés pris en charge par le gouvernement aux répondants du secteur privé afin d'atténuer le problème, tout en tant respectant les objectifs du parrainage privé?
M. McCallum : Eh bien, nous sommes tous d'accord pour que les Canadiens viennent en aide, de diverses façons, aux réfugiés pris en charge par le gouvernement. Les répondants du secteur privé s'étaient attelés à la tâche de trouver des logements pour les réfugiés pris en charge par le gouvernement. Le problème ne se pose plus, puisque 98 p. 100 des réfugiés pris en charge par le gouvernement ont maintenant un logement permanent.
Toutefois, cette initiative présentait quelques difficultés; par exemple, un répondant du secteur privé pouvait accueillir un réfugié pris en charge par le gouvernement pendant un certain temps, mais celui-ci devait partir dès l'arrivée du réfugié parrainé par le secteur privé. Bref, nous avons trouvé que c'était difficile à faire pour diverses raisons. En tout cas, le problème est maintenant réglé, car 98 p. 100 des réfugiés pris en charge par le gouvernement ont un logement.
Des groupes partout au pays prennent diverses mesures pour aider les réfugiés pris en charge par le gouvernement. C'est très important, puisque le réfugié typique pris en charge par le gouvernement ne connaît personne ici, contrairement au réfugié parrainé par le secteur privé qui peut compter sur ses répondants. Il est donc important que les Canadiens se mobilisent de diverses façons pour accueillir les réfugiés pris en charge par le gouvernement et pour les aider à s'intégrer.
M. Manicom : Je veux m'assurer que le comité est au courant d'un nouveau programme en pleine expansion qui vise à jumeler des personnes vulnérables, recommandées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés, à des répondants du secteur privé grâce à une formule de financement moitié-moitié. La plupart des groupes de parrainage privé souhaitent parrainer un réfugié qu'ils ont identifié eux-mêmes. Le programme en question, appelé Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, a rapidement pris de l'ampleur. Il a permis 153 admissions il y a deux ans à peine, et nous en prévoyons plus de 4 000 autres cette année.
Il s'agit, en effet, d'une façon de jumeler des réfugiés à des répondants du secteur privé. Il aurait été extrêmement difficile d'établir un nouveau système de jumelage en plein milieu de l'évacuation aérienne pour permettre l'arrivée de centaines de personnes chaque jour. Cela aurait été une lourde tâche sur le plan de la logistique.
La sénatrice Cordy : Merci infiniment, monsieur le ministre, d'avoir joué un rôle de premier plan. Vous avez certes accompli beaucoup en très peu de temps.
M. McCallum : Merci.
La sénatrice Cordy : C'est tout un exploit, et il se passe des choses extraordinaires partout au Canada. Les Canadiens ont démontré, selon moi, un véritable esprit de générosité sur le plan de leur capacité et de leur volonté de parrainer des réfugiés venant au Canada, et c'est également ce que nous avons observé tout récemment dans le cas de l'aide aux habitants de Fort McMurray. Les Canadiens sont sans conteste des gens très généreux.
Heureusement, le sénateur Ngo a posé une des questions que j'avais en tête, alors je peux passer aux autres. J'ai également reçu des questions de la part d'organisations en Nouvelle-Écosse qui sont là, à attendre. Leurs représentants se demandaient s'il y avait possibilité de vous rencontrer, mais je leur ai dit que beaucoup de gens au Canada voulaient la même chose et qu'il serait préférable que je vous relaie certaines des questions.
La sénatrice Ataullahjan a parlé des cours de langue. La semaine dernière, lorsque nous avons reçu des représentants d'organisations de la Nouvelle-Écosse — l'Immigration Services Association — et de la région d'Ottawa, nous avons appris qu'il y avait beaucoup de places dans les cours de langue. Le problème, c'étaient les services de garde d'enfants; en effet, certaines femmes ne pouvaient pas suivre des cours de langue, puisque ce ne sont pas toutes les installations qui offrent des services de garde d'enfants. Vous en a-t-on déjà parlé? Vous êtes-vous penché là-dessus?
M. McCallum : Je suis d'avis qu'il s'agit là d'un problème de taille, et nous avons d'ailleurs réfléchi à la manière d'accueillir les femmes en particulier. Comme vous le savez, ce groupe de réfugiés comprend un très grand nombre d'enfants. Au départ, cela a causé un problème sur le plan du logement, mais je pense que nous en sommes venus à bout. À long terme, ce sera probablement avantageux pour le Canada, parce que nous avons besoin de jeunes. Toutefois, à court terme, cela pose des défis.
Si une mère de trois, quatre, cinq ou six jeunes enfants souhaite apprendre l'anglais — et nous voulons être en mesure de lui offrir cette formation —, elle aura clairement besoin d'aide pour faire garder ses enfants. Un de nos fonctionnaires en a d'ailleurs parlé. Le problème n'est pas résolu à 100 p. 100, mais je pense que nous travaillons à améliorer la situation. L'un de vous pourrait peut-être apporter des précisions.
Mme Edlund : Oui, nous sommes au courant de la situation. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous collaborons avec les fournisseurs de services d'aide à l'établissement pour déterminer la nature des besoins, puis grâce au financement supplémentaire accordé au ministère, nous comblons ces lacunes. Les services de garde d'enfants figurent assurément sur notre liste, de même que l'aide au transport offerte aux gens pour les aider à se rendre à leurs cours.
Il y a aussi des cours de langue individualisés; par exemple, la formation linguistique est offerte aux gens dans leur demeure. Je sais que c'est le cas d'un organisme ici, à Ottawa, appelé ELTOC; où j'ai de bons amis qui se rendent chez les gens pour leur offrir une formation linguistique. C'est là une autre piste solution qui peut s'avérer utile.
La sénatrice Cordy : Nous avons de la chance à Halifax. Notre maire, Mike Savage, a décidé que les réfugiés recevraient tous des cartes d'autobus, ce qui a été d'un grand secours.
Un des autres points soulevés concernait la santé mentale. Je ne parle pas nécessairement de la situation à court terme, mais plutôt à long terme. Se faire chasser de son pays, vivre loin de sa famille, ne pas connaître la langue et ne pas comprendre de nombreux autres aspects de la vie quotidienne — voilà autant de facteurs qui pourraient créer des problèmes de santé mentale. Avez-vous collaboré avec la ministre Philpott pour déterminer les besoins éventuels dans ce domaine?
M. McCallum : Il se trouve que je siège à côté d'elle à la Chambre et que nous venons tous deux de Markham. Elle a également présidé notre comité sur les réfugiés et elle nous a accompagnés — le ministre de la Défense et moi-même — lors de notre voyage en Jordanie, il y a quelques mois. Elle a donc participé de près au dossier.
Je dirais que c'est un enjeu qui touche l'ensemble de notre pays, car nous avons du mal à offrir des services de santé mentale appropriés et suffisants à tous les Canadiens.
La sénatrice Cordy : Vous avez raison, monsieur le ministre.
M. McCallum : Je sais que Jane Philpott est bien au fait de cette problématique et qu'elle insiste dans ses discussions avec les provinces sur la nécessité d'offrir des soins à domicile et d'améliorer considérablement nos modes de prestation des soins en santé mentale. Si nous n'arrivons pas à offrir aux Canadiens des soins aussi efficaces que nous le souhaiterions, il y a fort à parier que la situation ne sera pas plus rose pour les réfugiés.
Cela étant dit, il est bien évident que ces gens-là ont fui une situation épouvantable et qu'ils risquent fort d'être nombreux à connaître des problèmes de santé mentale. Les services à ce chapitre sont généralement offerts dans le cadre des systèmes provinciaux. Nous en sommes conscients et prenons différentes mesures à cet égard. Peut-être que Corinne et Dawn pourraient vous donner plus de détails à ce sujet.
Mme Prince-St-Amand : Vous avez tout à fait raison, madame la sénatrice. Il est toujours difficile de s'attaquer aux problèmes de santé mentale, quelle que soit la population en cause. Par l'entremise de ses organisations de services aux immigrants, notre ministère intègre une bonne part de ces interventions aux programmes de formation linguistique. Il y a ainsi des cours de langue pour les femmes, des projets pilotes à l'intention des hommes ainsi que des activités d'art- thérapie pour les enfants dans les sites d'hébergement. Il s'agit de mettre au jour les problèmes en question pour pouvoir ensuite demander aux autorités provinciales et territoriales de faire le nécessaire.
Mme Edlund : J'aurais peut-être deux éléments d'information à ajouter. Dans les cas où des problèmes de santé mentale ont été relevés lors de l'examen médical subi par les réfugiés syriens avant leur immigration au Canada, nous nous sommes assurés de diriger ces gens-là vers des endroits où ils allaient avoir accès au soutien nécessaire. Il est vrai que l'on manque de ressources à cette fin, mais nous avons veillé à ce que ces personnes se retrouvent dans une collectivité où elles pourraient obtenir de l'aide.
Nous avons par ailleurs collaboré avec quelques partenaires à la conception de programmes pour aider le personnel de nos fournisseurs de services d'établissement à cerner les problèmes de santé mentale, les cas de violence familiale et les situations semblables. Ces intervenants seront ainsi mieux à même de repérer les indicateurs qui doivent leur mettre la puce à l'oreille et de prendre les dispositions qui s'imposent pour aiguiller la famille vers les ressources appropriées au sein de la collectivité.
Il y a également notre coordonnatrice spéciale pour la Syrie, Deborah Tunis, avec qui j'ai eu la chance de discuter hier. Elle participera demain à un atelier d'une journée pour discuter des mesures de soutien en santé mentale, déterminer les besoins en la matière et nouer des liens avec les intervenants provinciaux et territoriaux pour voir comment nous pourrions être plus efficaces.
La sénatrice Nancy Ruth : Si je me souviens bien de l'annonce faite au départ, le Canada souhaitait accueillir les plus vulnérables parmi les réfugiés. Est-ce que le HCNUR procède à une analyse comparative entre les sexes (ACS) lors de la sélection des réfugiés, et est-ce que nous le faisons à leur arrivée au Canada?
Ma question suivante porte sur les recherches que vous comptez faire. Je sais qu'il faudra des années pour y arriver, car nous avons besoin de données concrètes. Comment votre ministère entend-il intégrer l'ACS à cet exercice?
Enfin, est-ce que des composantes thérapeutiques sont incluses dans la formation linguistique dispensée dans les centres pour femmes? Est-ce que l'on y discute de la santé des femmes et, plus particulièrement, de planification des naissances?
M. McCallum : Comme ce sont les Nations Unies, et pas nous, qui ont élaboré les critères déterminant qui allait être considéré comme vulnérable, nous nous en sommes remis à la liste fournie par le HCNUR. D'une manière générale, nous avons surtout accueilli des familles.
La sénatrice Nacy Ruth : Des familles avec deux parents?
M. McCallum : Je ne crois pas que c'était une exigence. Les deux parents étaient présents dans la plupart des familles que j'ai rencontrées, mais il y en avait certaines qui étaient monoparentales.
Nous avons accueilli très peu d'hommes célibataires à l'extérieur de la communauté gaie qui faisait exception parce qu'elle était considérée particulièrement vulnérable par les Nations Unies en raison de la persécution dont elle est victime dans cette région du globe. Nous n'avons pas participé à l'élaboration de la définition de « vulnérable »; nous nous en sommes simplement remis à ce qui avait été décidé par les Nations Unies.
Comme on vous l'indiquait tout à l'heure, nous nous sommes surtout concentrés sur la formation linguistique des mères et l'offre de services de garde d'enfants, mais c'est un processus en pleine évolution.
M. Manicom : J'ajouterais brièvement que nous nous en sommes effectivement remis au Commissariat des Nations Unies pour le choix des réfugiés. Il faut cependant préciser que les indicateurs de vulnérabilité sont révisés par les pays de réinstallation qui se réunissent régulièrement à Genève. Il faut aussi dire que nous avons un programme permanent à l'intention des femmes à risque, c'est-à-dire celles se retrouvant dans des situations particulièrement pénibles, dans des camps de réfugiés ou en milieu urbain, en n'oubliant pas que la situation de celles vivant à l'extérieur des camps est souvent plus précaire. Dans le contexte des différents indicateurs, il faut noter que les femmes ne bénéficiant pas d'une protection adéquate, qui ont été victimes de violence sexuelle ou qui vivent des difficultés semblables sont habituellement considérées en priorité pour la réinstallation en provenance de cette région de la planète comme d'ailleurs dans le monde.
La sénatrice Nancy Ruth : Connaissez-vous le nombre de familles comptant deux parents qui sont venues s'installer ici? Combien sont monoparentales, et combien ont à leur tête un homme ou une femme? Avons-nous des statistiques à ce sujet?
M. Manicom : Il est sans doute possible de retrouver ces données. Je ne sais pas si une telle analyse a déjà été effectuée.
La sénatrice Nancy Ruth : Lorsque ces sommes sont versées pour l'établissement et la réinstallation, comment déterminez-vous qui est le chef de famille? Est-ce que c'est l'un des parents, ou est-ce que l'argent est partagé entre les deux? C'est un important élément d'intégration à notre culture. C'est la raison pour laquelle je posais cette question.
M. McCallum : C'est une bonne question, mais je ne saurais vous dire comment est versé le soutien du revenu.
La sénatrice Nancy Ruth : À mon sens, cela s'inscrit dans le processus d'analyse comparative entre les sexes.
Mme Edlund : Le soutien du revenu est versé à l'unité familiale, sans égard à sa composition, pour l'aider à payer les coûts d'installation et lui offrir l'aide financière dont elle a besoin.
La sénatrice Nancy Ruth : Comment se fait l'ouverture du compte bancaire? Comment procède-t-on pour transférer les fonds?
Mme Edlund : Ce sont les fournisseurs de services dans le cadre du Programme d'aide à la réinstallation qui aident les gens à ouvrir un compte bancaire pour qu'ils puissent recevoir l'Allocation canadienne pour enfants. Je ne sais pas exactement comment ils s'y prennent, mais nous pourrions leur poser la question.
Nous savons que les femmes comptaient pour 49 p. 100 des réfugiés arrivés avant la fin février. Je ne crois pas que nous ayons compilé de statistiques sur le nombre de familles avec un ou deux parents, mais c'est une information que nous pourrions sans doute retrouver.
M. McCallum : C'est une question intéressante, et nous allons tenter de vous trouver la réponse.
La sénatrice Andreychuk : Monsieur le ministre, il y a deux thèmes de recherche que j'aimerais vous suggérer. Pour avoir moi-même guidé de nombreuses familles au sein des systèmes provinciaux de justice et de services sociaux, notamment, je sais que ces problèmes ont tendance à persister dans bien des cas, même si l'on met l'accent sur les familles et l'intégration. Nous devons savoir combien il y a de familles et quels sont leurs besoins. Il faut en faire un suivi et octroyer des ressources en conséquence, souvent à l'échelon provincial. Vous devez donc collaborer avec vos homologues provinciaux pour veiller à ce que l'on fasse le nécessaire.
Je m'interroge au sujet de l'équité envers les différents réfugiés. Je vois tous ces gens qui fuient les combats en Syrie pour se retrouver en Europe par toutes sortes de moyens de fortune. Nous avons choisi la voie du Haut-Commissariat, et j'estime que c'est tout à fait louable. Reste quand même qu'il y a sur notre planète de très nombreux autres camps de réfugiés et bien des gens qui attendent d'en sortir. Comment pouvons-nous faire comprendre aux citoyens canadiens que nous veillons à nous montrer équitables envers ces différents réfugiés?
Je suis particulièrement préoccupée par les récents événements survenus à Dadaab, le plus grand camp de réfugiés au monde, que le gouvernement kényan entend démanteler en disant aux gens qu'ils peuvent rentrer chez eux en toute sécurité. Qu'allons-nous faire avec tous ces Érythréens qui affirment que leur demande traîne en longueur par rapport à celle des réfugiés syriens?
Je suis bien consciente que la situation est difficile et que les Canadiens ont certaines attentes. Comme le Canada s'est toujours montré équitable, comment allons-nous nous y prendre pour être à la hauteur de notre réputation en réglant toutes ces questions?
M. McCallum : C'est une très bonne question à laquelle il est particulièrement difficile de répondre étant donné toutes les souffrances et la grande misère qui affligent la planète. Nous aimerions bien pouvoir aider tout le monde, mais ce n'est pas chose possible.
Précisons d'abord que nous avons accueilli cette année quatre fois plus de réfugiés que lors des années précédentes. Nous sommes certes plus actifs à ce chapitre. Nous avons ciblé nos efforts sur la Syrie sans toutefois réduire le nombre de réfugiés en provenance d'autres pays. Ce nombre est resté plus ou moins constant pour nous permettre d'intensifier nos efforts en Syrie. J'estime que c'était la chose à faire, car c'est la pire crise de réfugiés que nous connaissons depuis des décennies.
Nous avons bien réagi en prenant des mesures spéciales. Les autres pays n'ont pas manqué de le noter, et il faut espérer que certains s'en inspireront pour en faire davantage eux aussi. Nous allons participer en septembre à un sommet présidé par Barak Obama sous l'égide des Nations Unies. Nous nous y efforcerons de mobiliser les autres pays en vue d'intensifier les mesures de soutien.
Je dirais que le Canada est actif sur trois fronts dans ce dossier. Malgré toute la joie ou la fierté que nous pouvons tirer de l'accueil de tous ces réfugiés, il nous faut bien reconnaître qu'ils ne constituent qu'une goutte d'eau dans l'océan de ces millions de personnes déplacées dans cette région comme ailleurs dans le monde. Nous faisons néanmoins notre part.
Par ailleurs, nous versons des fonds à des agences internationales pour contribuer au soutien des populations de réfugiés dans des pays comme la Jordanie et le Liban. C'est une deuxième facette importante de notre engagement.
En troisième lieu, nous mettons tout en œuvre pour nous attaquer aux causes profondes du problème syrien, c'est-à- dire à la guerre. À ce titre, le Canada vient d'être convié à faire partie d'un comité coprésidé par la Russie et les États- Unis.
Il n'y a rien de facile dans tout cela. S'il était facile de mettre fin à la guerre, on l'aurait fait depuis longtemps déjà. Nous collaborons avec d'autres pays à cette fin en plus de soutenir les efforts internationaux et d'accueillir nous-mêmes des réfugiés.
La sénatrice Andreychuk : Il y a donc de nombreux réfugiés qui se retrouvent dans des camps dans une situation tout aussi pénible, mais sans avoir accès à des parrains ou bénéficier de l'intérêt que suscite actuellement cette guerre. Il faut que nous nous occupions de ces gens-là également. Je voudrais que nous en tenions compte et que nous modulions nos efforts en conséquence. Le Canada accueille des réfugiés de toutes les régions du monde. Ils représentent un apport précieux pour notre pays, et les portes du Canada devraient être ouvertes à tous.
M. McCallum : Je vais demander à M. Manicom de vous fournir des renseignements plus détaillés. Vos commentaires nous ramènent en quelque sorte à la distinction entre les réfugiés pris en charge par le gouvernement et ceux parrainés par le secteur privé. Certains souhaiteraient que l'on mise davantage sur le parrainage par le secteur privé, car les citoyens voudraient en faire plus, ce qui signifierait qu'il y aurait moins de réfugiés pris en charge par le gouvernement. Il ne fait aucun doute que la situation des réfugiés parrainés par le secteur privé est souvent tout aussi précaire, mais les réfugiés les plus vulnérables sont vraiment ceux qui nous sont référés par les Nations Unies, c'est-à- dire ceux pris en charge par le gouvernement. Il faut donc en quelque sorte faire certains compromis pour arriver à un juste équilibre entre les deux types de réfugiés.
M. Manicom : Je vais être très bref, monsieur le président. Le Canada a collaboré de près avec le HCNUR et les autres pays de rétablissement afin de déterminer quelles populations étaient prioritaires. D'un point de vue moral, il est très difficile d'avoir à faire des choix semblables. Nous devons tenir compte de nos autres engagements pluriannuels. Nous venons tout juste de terminer la réinstallation de 24 000 Irakiens, un travail considérable que nous avions amorcé il y a quelques années. Nous avons aussi réinstallé 6 500 Bhoutanais, en collaboration notamment avec les États-Unis et l'Australie. Nous avons également pris des engagements pour plusieurs années en Afrique, en Équateur et en Érythrée. Dans chacun de ces dossiers, nous devons accorder la priorité à une population au détriment d'une autre, en disant souvent à l'un de nos pays partenaires que s'il peut assurer la réinstallation de tel groupe, nous concentrerons nos efforts sur tel autre. Nous accomplissons ce travail avec le soutien du réseau des Nations Unies. Nous fonctionnons toujours de la sorte en accordant la priorité à un groupe, comme nous l'avons fait avec les réfugiés de la mer vietnamiens, les Ougandais et les Hongrois à différentes époques de notre histoire.
Notre programme dans son ensemble a pris beaucoup d'ampleur avec le temps. Comme le ministre l'indiquait, nous n'avons pas reculé par rapport à nos autres engagements.
La sénatrice Omidvar : J'aimerais parler des différences constatées quant à l'intégration des réfugiés parrainés par le secteur privé et de ceux pris en charge par le gouvernement. Sans vouloir aucunement laisser entendre que l'une des deux catégories a préséance sur l'autre, j'aimerais savoir si votre ministère examine les données disponibles pour déterminer quelles interventions supplémentaires peuvent être faites dans le cas des réfugiés pris en charge par le gouvernement pour qu'ils puissent combler leur retard important par rapport à ceux parrainés par le secteur privé.
Ma seconde question porte sur l'intégration et l'emploi. Chez moi à Toronto, les employeurs n'hésitent pas à embaucher des réfugiés syriens. Alors que nous avons accès à des renseignements généraux sur le profil de compétences des réfugiés pris en charge par le gouvernement, aucune information n'est compilée quant aux compétences des réfugiés parrainés par le secteur privé. Que pouvez-vous faire à ce chapitre?
M. McCallum : Ce sont là deux questions difficiles. Je sais que les réfugiés parrainés par le secteur privé s'intègrent généralement plus rapidement que ceux pris en charge par le gouvernement, ce qui n'est guère étonnant quand on sait qu'il y a un parrain qui s'occupe d'eux tout au long de leur établissement et qu'ils ont généralement un niveau de scolarité plus élevé et de meilleures compétences linguistiques. Je pense que c'est ce que nous avons toujours pu observer. Mes collaborateurs pourront peut-être vous dire dans quelle mesure c'est encore le cas.
Comme nous avons choisi d'accueillir ici les plus vulnérables, j'estime que nous avons la responsabilité de bien nous en occuper. Nous avons investi de fortes sommes, soit près d'un milliard de dollars, dans cet exercice, mais je crois que nous pourrions encore en faire davantage pour appuyer les réfugiés pris en charge par le gouvernement. Mes collègues pourraient peut-être vous en dire plus long.
Mme Prince-St-Amand : Sénatrice Omidvar, le ministère entreprendra cet été une évaluation rapide des répercussions pour examiner les premiers résultats obtenus avec cette cohorte et déterminer les mesures supplémentaires qui s'imposent. C'est donc ce que nous allons faire dans l'immédiat, en plus des évaluations plus détaillées à long terme.
Le président : David, je vais d'abord permettre à la sénatrice Martin de poser sa question en vous demandant de garder en mémoire votre réponse à celle-ci.
La sénatrice Martin : Merci, monsieur le président. Comme il nous reste très peu de temps, nos témoins pourraient peut-être nous transmettre leurs réponses ultérieurement. J'ai quelques questions à leur poser. La première concerne le soutien du revenu offert dans le cadre du Programme d'aide à la réinstallation. Je suis de Vancouver et j'ai noté qu'il s'agissait d'un montant mensuel de 1 349 $ pendant une année pour une famille de quatre personnes. Des témoins nous ont dit que certaines familles sont d'assez grande taille. Étant donné la pénurie de logements à Vancouver où le taux d'inoccupation est presque nul, je me demande simplement comment ces familles vont pouvoir payer les loyers élevés exigés dans des villes comme Vancouver et Toronto et parvenir à subvenir à leurs besoins à long terme.
Par ailleurs, on nous a indiqué que les chances d'intégration étaient peut-être meilleures pour les réfugiés parrainés par le secteur privé, mais je me demande ce qui arrive si un parrain privé ne peut pas, pour une raison ou une autre, respecter ses engagements, notamment du point de vue financier. Comment le gouvernement intervient-il ou assure-t-il le contrôle nécessaire en pareil cas? Qu'advient-il si un réfugié parrainé par le secteur privé décide de déménager dans une autre région? C'est peut-être un luxe, mais différents facteurs peuvent l'inciter à le faire. Compte tenu de toutes ces situations où des difficultés supplémentaires peuvent se poser, je me demandais simplement dans quelle mesure vous être prêts à parer à toutes les éventualités.
M. McCallum : Je vais laisser le soin aux gens du ministère de répondre à votre seconde question quant aux mesures précises qui sont prises lorsqu'un parrain ne respecte pas ses engagements.
Pour ce qui est de la situation des loyers élevés à Vancouver, c'est l'une des principales raisons pour lesquelles nous avons toujours essayé de répartir équitablement les réfugiés entre les différentes régions du pays. Nous ne voulions surtout pas qu'ils se concentrent tous à Toronto ou à Vancouver, surtout en raison du coût élevé du logement.
Pour ce qui est du soutien du revenu, le montant versé correspond à ce qui est payé en aide sociale. Même à Vancouver, la proportion de réfugiés ayant trouvé un logement permanent atteint maintenant 97 p. 100. Ce problème semble avoir été réglé, tout au moins à court terme. C'est notamment attribuable au fait que nous avons ouvert de nouveaux centres à Victoria et dans d'autres villes de la Colombie-Britannique afin de disperser les réfugiés.
Quant à savoir ce qui arrive si un parrain ne respecte pas ses engagements, est-ce que quelqu'un peut nous le dire?
Mme Edlund : Nous pourrons vous transmettre de plus amples détails à ce sujet, mais il arrive que le parrain privé ne puisse pas, pour une raison ou une autre, respecter ses engagements à l'égard de la famille. Nous examinons les circonstances particulières à chaque cas pour déterminer les moyens à mettre en œuvre afin d'offrir le soutien nécessaire. Je me souviens par exemple d'un cas survenu à Calgary où nous avons collaboré avec notre fournisseur de services du Programme d'aide à la réinstallation pour veiller à ce que la famille dont le parrain n'était plus dans le décor soit prise en charge et obtienne toute l'aide dont elle avait besoin.
Pour ce qui est des déménagements, nous avons eu des cas où des réfugiés syriens nous ont dit après leur arrivée qu'ils avaient, par exemple, un frère vivant dans une autre ville ou une autre province. Nous avons alors facilité la réunification de ces familles en permettant à leurs membres de se rapprocher. Lorsque nous déterminons la destination d'un réfugié, nous tentons normalement d'établir d'abord s'il a de la famille quelque part. Si pour une raison quelconque, cette information ne nous est pas transmise à ce moment-là, nous faisons le nécessaire par la suite pour que ces gens-là puissent se retrouver à l'endroit où ils souhaitent vraiment être.
La sénatrice Martin : J'aurais d'autres questions, mais je vais les conserver pour une autre fois.
Le président : Nous pourrons les poser aux gens du ministère. Nous pourrons certes obtenir tous les détails auprès des collaborateurs très compétents du ministre McCallum.
En guise de conclusion, monsieur le ministre, j'aimerais vous laisser le dernier mot. Il y a une question embêtante qui n'a pas été posée aujourd'hui. Nous nous félicitons pour toutes ces bonnes choses que nous accomplissons, mais on peut entendre chuchoter dans diverses régions du pays comme ailleurs des propos que je qualifierais de racistes. En effet, certains se demandent comment il se fait que tous ces réfugiés obtiennent tous ces avantages alors qu'eux-mêmes n'ont droit à rien du tout. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Comment réagissez-vous lorsque vous rencontrez ces gens dont le comportement ne va pas dans le sens de nos prétentions pourtant bien fondées quant au rôle de terre d'accueil que peut jouer notre pays. Cela fait tout de même partie des choses que l'on peut entendre à droite et à gauche, et j'aimerais bien connaître le message que vous souhaitez adresser aux gens qui pensent de cette manière.
M. McCallum : Merci. La perfection n'est pas de ce monde, mais je crois que la population canadienne figure parmi les plus accueillantes de la planète. Nous n'avons pas ici de parti politique qui s'oppose explicitement à l'immigration. Lorsque j'ai l'occasion de parler à des gens à l'étranger, ils me demandent sans cesse comment nous sommes parvenus à une telle situation alors qu'eux-mêmes doivent composer avec tous ces opposants. Mon principal problème est actuellement de réussir à accepter suffisamment de réfugiés pour satisfaire la demande de tous ces généreux Canadiens qui veulent les accueillir.
Différents éléments historiques expliquent la place privilégiée que nous occupons à l'échelle internationale. Nous sommes loin d'être parfaits, et j'en suis pleinement conscient. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'ai répété à maintes reprises que nous ne voulons pas en donner davantage aux réfugiés que ce que reçoivent les Canadiens afin de préserver l'esprit d'accueil qui prévaut actuellement. Je pense que nous y sommes surtout parvenus grâce aux valeurs canadiennes, mais aussi parce que nous avons fait bien attention de procéder de manière à ne pas nous attirer l'animosité de nos opposants.
Quand des mosquées sont profanées au Canada (j'ai entendu parler de quelques incidents), toute la communauté se mobilise pour les réparer. Nous sommes loin d'être parfaits, mais les Canadiens ont toujours été un peuple très accueillant, et je pense que nous devons nourrir cet accueil, en faisant attention de bâtir sur ce que nous avons sans en imposer trop. Je suis extrêmement reconnaissant envers les très nombreux Canadiens qui appuient très fortement cette initiative. Nous n'obtiendrons jamais 100 p. 100 d'appui, mais il faut faire tout en notre pouvoir pour que les gens considèrent nos mesures justes, pas seulement pour les réfugiés, mais pour l'ensemble des Canadiens ordinaires.
Par exemple, je crois qu'il n'y a personne qui fasse passer les réfugiés avant tout le monde pour l'obtention de logements sociaux. Ce serait la meilleure façon de perdre l'appui des Canadiens, parce qu'il y a des Canadiens qui en attendent depuis des années. Il faut faire attention. Je pense que les Canadiens sont accueillants, mais qu'ils ne veulent pas que nous traitions les nouveaux arrivants mieux que nous traitons les nôtres. C'est une entreprise délicate, mais nous avons l'incroyable chance, au départ, de vivre dans un pays très accueillant, chose que j'apprécie énormément.
Le président : Monsieur le ministre, nous voulons vous remercier, vous et vos fonctionnaires, de votre contribution à nos audiences, à notre conversation et à notre rapport. C'est très apprécié.
Avant d'enchaîner avec le prochain témoin, je crois que le sénateur Ngo souhaite déposer une motion en vue d'une nouvelle étude.
Le sénateur Ngo : Merci, monsieur le président. Il s'agit de la motion que je déposerai sur la Loi sur les mesures économiques spéciales en tant que moyen de réponse aux violations des droits de la personne pour examiner si des modifications y sont nécessaires : Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 30 novembre 2016 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
C'est l'étude que nous effectuerons en juin. Nous avons déjà convenu de mener cette étude, mais voici la motion.
Le président : C'est vrai. Nous sommes au Sénat du Canada, et il y a toutes sortes de règles de procédure qui s'appliquent à tout. Voulez-vous en discuter un instant? La motion porte sur une étude que nous avons convenu d'effectuer en juin.
La sénatrice Andreychuk : Je viens justement de déposer un projet de loi exactement à ce sujet. Je trouve assez curieux qu'elle se situe dans le contexte de la Loi sur les mesures économiques spéciales. C'est l'étude que nous avons déjà acceptée. Nous avons parlé d'examiner les sanctions de manière très générale, sans entrer dans les détails du projet de loi.
Le sénateur Ngo : Il ne s'agit pas du tout du projet de loi.
La sénatrice Andreychuk : Mais c'est exactement le même aspect des droits de la personne. C'est le projet de loi Magnitski.
Le sénateur Ngo : Nous ne parlons pas du projet de loi, ici. Nous étudions la question pour déterminer s'il y a violation des droits de la personne aux termes de la LMES. Le but de cette étude est de faire en sorte que les sanctions imposées par application de cette loi ciblent vraiment les responsables actuels de violations graves de droits de la personne. Dans le cadre de cette étude, le comité se penchera également sur les moyens que le gouvernement du Canada prend pour déterminer quelles sanctions s'appliquent à diverses violations des droits de la personne et si l'infrastructure nécessaire est en place pour suivre l'efficacité des sanctions imposées.
Nous nous étions entendus à ce sujet avant que vous ne déposiez ce projet de loi. Vous venez tout juste de le déposer, donc cette motion est probablement corrélative.
La sénatrice Andreychuk : Avec tout le respect que je vous dois, je n'avais rien vu de tel. Peut-être que les membres du comité de direction étaient au courant, mais je ne me rappelais pas que cette phraséologie en faisait partie. Ce projet de loi porte exactement sur la nécessité de reconnaître que des violations récurrentes des droits de la personne constituent des violations aux termes de la Loi sur les mesures économiques spéciales.
Le sénateur Martin : Nous dites-vous que le projet de loi que vous avez déposé touche essentiellement cette question?
La sénatrice Andreychuk : La question pourra être étudiée à ce comité ou à un autre lorsque le projet de loi en sera à la seconde lecture. Sinon, ce serait un peu comme une préétude sur un projet de loi d'initiative parlementaire.
Le président : Voilà. Nous devons en discuter davantage, je suppose. Nous pourrions tenir une autre séance sur le sujet avant la relâche d'été. Nous ne sommes que mercredi. Nous devrons examiner la question plus en profondeur. Nous le ferons à la lumière de l'intervention de la sénatrice Andreychuk.
Pour continuer la séance d'aujourd'hui, nous accueillons maintenant Michael Casasola, administrateur chargé de la réinstallation au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Nous avons déjà entendu le ministre de l'Immigration, John McCallum sur la question. La parole est à vous.
Michael Casasola, administrateur chargé de la réinstallation, Haut-Commissariat des États-Unis pour les réfugiés : Monsieur le président Munson, honorables membres du comité, mesdames et messieurs, c'est pour moi un plaisir et un honneur de prendre la parole devant le Comité sénatorial permanent des droits de la personne au nom du Haut- Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Monsieur Furio de Angelis, représentant du Haut-Commissariat au Canada, regrette infiniment de ne pouvoir être ici aujourd'hui. Il m'a instruit de représenter le bureau devant le comité.
L'UNHCR apprécie beaucoup cette occasion de comparaître devant votre comité dans le cadre de votre examen sur la réinstallation de réfugiés syriens. À sa création, le 14 décembre 1950, l'UNHCR s'est vu confier le mandat, par l'Assemblée générale des Nations Unies, d'assurer la protection des réfugiés et de trouver des solutions pour les réfugiés. Par conséquent, l'accueil au Canada de réfugiés syriens et de milliers de réfugiés d'autres nationalités qui se réinstallent au Canada chaque année est primordial pour que l'UNHCR puisse réaliser son mandat de trouver des solutions durables.
Le Canada mérite de sincères félicitations pour sa générosité et sa solidarité internationale envers le peuple syrien et les pays voisins de la Syrie. L'UNHCR exprime sa profonde gratitude au gouvernement et au peuple canadiens d'avoir offert, au cours des six derniers mois, à plus de 25 000 réfugiés syriens vulnérables la chance de refaire leur vie au Canada.
L'UNHCR remercie également le Canada de sa promesse de continuer à réinstaller des réfugiés syriens en 2016, et nous nous réjouissons de la participation du Canada aux futurs forums internationaux sur les réfugiés et la réinstallation, où le Canada pourrait annoncer ses plans pour 2017 et les années suivantes.
Je m'en voudrais de ne pas également saisir l'occasion de rappeler à quel point l'UNHCR apprécie le don de 100 millions de dollars du Canada à l'UNHCR à l'appui de nos activités au Moyen-Orient relatives à la Syrie. Il s'ajoute à d'autres contributions du Canada cette année à l'UNHCR, pour un total de presque 150 millions de dollars, qui représente près du double de ses contributions de 2015, qui atteignaient déjà un niveau record.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des urgences humanitaires mondiales d'une ampleur jamais vue auparavant, et il devient de plus en plus évident que nous devons offrir aux personnes qui fuient la Syrie et à toutes les autres personnes déracinées par des conflits qui ne sont pas moins violents, mais beaucoup moins visibles, des solutions de rechange sûres et légitimes aux voies de la clandestinité chaotiques et dangereuses qu'elles sont forcées d'emprunter aujourd'hui pour se rendre en sécurité.
La réinstallation est une série d'activités qui commencent à l'étranger, par l'identification des réfugiés, puis la présentation de demandes du statut de réfugié et leur évaluation par les pays de réinstallation, dont la décision orientera les futurs déplacements. À leur arrivée dans leur pays de réinstallation, les réfugiés sont d'abord accueillis, puis doivent suivre le processus d'intégration subséquent, qui peut s'étendre sur une longue période.
De par son mandat, l'UNHCR fait la promotion de la réinstallation et en assure la coordination entre plus de 20 pays. Il cible les réfugiés ayant besoin d'une réinstallation en fonction de critères acceptés par tous les pays de réinstallation, puis priorise les réfugiés qui sont considérés avoir un besoin urgent de protection en raison de leur vulnérabilité. Ainsi, l'UNHCR désigne quels réfugiés pourront bénéficier du Programme de réfugiés pris en charge par le gouvernement du Canada et du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas.
De plus, le rôle de l'UNHCR dans la sélection des réfugiés qui seront admissibles à la réinstallation est décrit dans le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Lorsque le Canada a annoncé qu'il allait accueillir 25 000 réfugiés syriens de la région, l'UNHCR a uni ses efforts à ceux des autorités canadiennes afin d'établir des modalités spéciales pour qu'il arrive à le faire rapidement.
Comme vous le savez, en moins de quatre mois, plus de 26 000 réfugiés syriens ont fait l'objet d'un processus d'examen en profondeur et de sélection, puis se sont préparés à commencer une nouvelle vie au Canada, ce qui constitue un délai extrêmement court quand on sait que les procédures associées aux programmes de réinstallation durent habituellement des mois et même des années. Nous accueillons favorablement la mise en œuvre rapide de cette initiative humanitaire, qui n'aurait pas pu se réaliser sans la coordination, le dévouement, l'engagement et la volonté d'innovation de tous les intervenants touchés.
Avec l'accord du Canada, l'UNHCR a ciblé plus de 23 000 réfugiés parmi les réfugiés syriens qui avaient déjà été désignés vulnérables, puis avec l'accord de ces réfugiés, il a transmis les renseignements pertinents les concernant aux missions canadiennes en Jordanie, au Liban, en Turquie et en Égypte pour des entrevues et la sélection.
Monsieur le président, l'engagement public a toujours été un volet important du programme de réinstallation du Canada. Cela ressort de façon particulièrement évidente aujourd'hui dans le mouvement de réinstallation des Syriens. En plus de tout l'appui fourni par les ordres de gouvernement fédéral, provincial et municipal, de même que par de nombreux fournisseurs de services en matière de réinstallation, il y a eu un fourmillement d'activité dans la société civile pour favoriser la réinstallation des Syriens grâce à la générosité de donateurs, des bénévoles et des parrains privés. Le pouvoir d'autant d'acteurs de se rassembler si rapidement avec efficacité a réaffirmé la valeur des partenariats locaux en matière d'immigration qui sont en place au Canada. Là où les organisations ont dû étendre leur champ d'activité, les acteurs pertinents étaient déjà connus, et des forums thématiques ont pu être établis facilement pour assurer la coordination et la planification, et ces organisations ont également réussi à bien intégrer beaucoup de nouveaux acteurs.
Il y a deux mois, Filippo Grandi, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés a rendu visite au Canada. Pendant son séjour, il s'est dit impressionné de l'accueil réservé aux réfugiés syriens et il a répété à quel point il appréciait l'apport de parrains privés afin de permettre à un plus grand nombre de personnes encore de se réinstaller au Canada. Il a également souligné la valeur du programme de prise en charge par le gouvernement et des programmes de parrainage privé, qui se complètent. Grâce à ces deux mécanismes, le Canada est doté d'un programme adapté aux besoins des réfugiés vulnérables, qui mise sur la générosité des Canadiens pour trouver d'autres solutions, afin d'accueillir souvent des réfugiés qui ont déjà des proches parents au Canada.
Le 30 mars 2016, l'UNHCR a tenu une rencontre de haut niveau sur le partage des responsabilités internationales et les autres formes d'accueil des réfugiés syriens en consultation avec le secrétaire général pour susciter d'autres engagements importants et trouver des solutions pour répondre aux besoins des réfugiés les plus vulnérables et relâcher la pression qui pèse sur les pays voisins de la Syrie. Nous estimons que pas moins de 10 p. 100 des 4,8 millions de réfugiés de la Syrie entrent dans cette catégorie, et que nous aurons besoin de bien plus de 450 000 places de réinstallation d'ici la fin de 2018. Nous sommes déjà bien partis pour atteindre notre objectif, puisque divers États se sont engagés à offrir 185 000 places. Les solutions varient et comprennent la réinstallation, les transferts humanitaires ou l'octroi de visas, le parrainage privé, l'évacuation médicale, la réunification des familles, les bourses d'études universitaires, les programmes de stage et d'emploi.
Le Canada a participé à cette rencontre de haut niveau, et l'UNHCR était fier de présenter le modèle novateur qui a permis la réinstallation de 25 000 réfugiés syriens au Canada, un modèle qu'il incite d'autres pays à reproduire. Le Canada a fait la preuve qu'on peut faire sortir 25 000 réfugiés très rapidement du Moyen-Orient tout en s'appuyant sur un processus d'examen et de traitement des demandes robustes. L'intérêt soutenu et la participation des citoyens canadiens et d'autres groupes du Canada aux préparations pour accueillir les réfugiés syriens au Canada et en faciliter l'intégration ont également été mis en relief.
L'UNHCR apprécie les promesses que le Canada a faites à cette réunion, y compris celle de solliciter la participation du secteur privé pour offrir de la formation technique ou des stages aux réfugiés. Le Canada s'est aussi engagé à élargir le programme de parrainage privé des réfugiés d'Entraide universitaire mondiale Canada afin de permettre aux réfugiés de s'inscrire aux universités et aux collèges du Canada, une initiative citée en exemple pour les autres pays. En fait, le programme de parrainage privé du Canada est de plus en plus donné en exemple aux autres pays, compte tenu du fait qu'il permet d'accueillir un plus grand nombre de réfugiés et de mettre la société civile à contribution. Le Canada a également promis d'appuyer les efforts visant à rehausser le nombre de places de réinstallation dans le monde grâce à de la formation et à du soutien technique.
La réinstallation de réfugiés syriens au Canada en est encore à ses débuts, et l'UNHCR s'attend à ce que plusieurs milliers de réfugiés de plus soient admis d'ici la fin de 2016, compte tenu des promesses faites par le gouvernement. On s'attend à ce que de nombreuses évaluations du processus et de ses résultats soient entreprises dans un avenir rapproché. L'UNHCR participe à un certain nombre d'évaluations et en attend les résultats avec impatience.
L'UNHCR demeure reconnaissant envers le Canada et sa population pour leurs efforts afin d'aider les réfugiés syriens et les pays de la région. Nous voulons encourager le Canada à conserver cette approche, ainsi que sa motivation et l'esprit de cette tradition de longue date d'accueil des réfugiés. De nombreux fonctionnaires, représentants d'ONG et bénévoles travaillent extrêmement fort pour permettre à des milliers de réfugiés syriens de trouver un nouveau foyer au Canada.
Il est remarquable que cette initiative concorde avec le 30e anniversaire de la remise de la médaille Nansen à la population canadienne, pour son travail dans l'aide aux réfugiés. C'est la seule fois où cette médaille a été décernée à la population d'un pays. Nous souhaitons vraiment encourager ces valeurs d'ouverture et de générosité, particulièrement compte tenu du grand nombre de réfugiés toujours en attente d'une solution comme celle que le Canada a offerte à des milliers de Syriens à ce jour.
Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui. Je serai heureux de répondre à toutes vos questions.
Le président : Je vous remercie de cette déclaration. À titre de président, je ne me permets habituellement pas de poser la première question. Je suis assez juste, mais je tiens à m'assurer, comme nous formons le Comité des droits de la personne, que nous examinions cette question du point de vue des droits de la personne. C'est de ce point de vue que vous pouvez nous aider dans notre étude.
Quels types d'obligations le gouvernement canadien a-t-il envers les réfugiés qui s'installent ici dans le cadre de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à d'autres traités internationaux? Pour être plus précis, le Canada respecte-t-il ces obligations? Veuillez vous expliquer. Je veux simplement m'assurer que nous ayons une réponse à cette question. Je sais que le vice-président voulait poser la même, mais les grands esprits se rencontrent.
M. Casasola : Je vais essayer. Merci beaucoup. La réinstallation est une activité volontaire pour les États. La convention sur les réfugiés prescrit les responsabilités qui incombent aux réfugiés après leur arrivée sur le territoire, mais les États n'ont pas l'obligation d'offrir la solution de la réinstallation aux réfugiés. C'est presque comme le financement que l'UNHCR reçoit : il s'agit d'une activité volontaire. En même temps, si nous ne pouvons pas compter sur un pays comme le Canada pour offrir des places de réinstallation, nous serons tous bien mal pris parce que le Canada est un pays multiculturel qui a pour tradition d'accueillir les nouveaux arrivants.
Les États n'ont donc pas l'obligation d'offrir la réinstallation. En fait, une bonne partie de notre travail consiste à assurer une coordination, à travailler avec les divers pays afin de voir quelles sont les possibilités pour offrir des places, ce qu'ils sont prêts à offrir et quelles sont les options, puis nous assurons la coordination entre différents pays.
Quand nous mesurons l'intégration et la responsabilité, nous tenons compte de trois dimensions : la juridique, l'économique et la socioculturelle. Dès le départ, le Canada offre le statut de résident permanent, un statut qui permet d'accéder à la citoyenneté. C'est fondamental, et je crois que c'est l'un des succès immédiats du programme canadien. Il confère des droits à la participation économique et à l'intégration socioculturelle.
Je crois que le seul enjeu qui peut se poser — et ce sera évalué au cas par cas — c'est la situation dans laquelle le Canada voudrait expulser une personne. Supposons qu'une personne se conduise de manière inappropriée ou qu'elle soit liée à un acte qui pourrait justifier que le Canada souhaite lui retirer son statut de résident permanent. Encore une fois, c'est du cas par cas. La protection de la personne pourrait être compromise si elle était renvoyée dans son pays d'origine, selon les circonstances.
Pour la plus grande partie, le Canada est effectivement un modèle.
La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie de votre exposé. Le président a posé la question que je souhaitais poser, mais permettez-moi de la reformuler un peu. Y a-t-il des choses que le Canada pourrait ou devrait faire mieux à l'égard de la réinstallation des réfugiés syriens du point de vue des droits de la personne?
M. Casasola : Je crois que nous n'avons pas vraiment d'objection du point de vue des droits de la personne. En fait, je dirais même l'inverse. Comme l'ont mentionné les témoins précédents du gouvernement du Canada, lorsqu'il a lancé cette initiative pour réagir à la crise des réfugiés syriens, le Canada nous a essentiellement demandé de cibler les réfugiés les plus vulnérables. Le modèle d'inscription des réfugiés dans le monde de l'UNHCR se fonde sur ce que nous appelons des indicateurs. En plus de tous les renseignements de base sur la personne, nous indiquons aussi, par exemple, ses vulnérabilités particulières. On en a déjà donné des exemples. Il peut s'agir d'une personne GLBTI ou d'une victime de violence sexuelle. Il peut s'agir d'une survivante de violence et de torture ou d'une personne qui risque un retour forcé ou une détention. Ces personnes seraient immédiatement considérées comme vulnérables.
Quand les responsables canadiens nous ont dit qu'ils souhaitaient accueillir 25 000 réfugiés, nous leur avons immédiatement répondu que les personnes qui en ont le plus besoin sont celles qui sont déjà désignées vulnérables, et qu'elles représentent environ 10 p. 100 de la population. Ce sont donc les personnes que nous avons sélectionnées dans le cadre de ce programme. Il y a d'autres formes de vulnérabilité, des problèmes médicaux, entre autres. Quand le Canada a ouvert cette porte, nous lui avons répondu que nous avions déjà une liste de réfugiés jugés vulnérables, puis nous avons sélectionné les réfugiés à partir de cette liste. Nous en sommes donc extrêmement reconnaissants au Canada.
La sénatrice Ataullahjan : Vous avez entendu le témoignage du ministre avant vous. Suivez-vous les réfugiés après leur arrivée au pays? Beaucoup de réfugiés ont quitté la Syrie, puis ont loué des appartements. Je crois comprendre, d'après le témoignage d'un haut responsable de la CBC au Parlement, en février dernier, que nous accueillons très peu de réfugiés des camps.
M. Casasola : Je vous remercie de cette question. Quand on pense aux réfugiés, on a souvent l'image du camp de réfugiés, mais dans le monde, environ 30 p. 100 seulement des réfugiés vivent dans des camps. Le phénomène le plus répandu est celui des réfugiés des villes. Cinquante pour cent des réfugiés du monde vivent en région urbaine, ce qui est une bonne chose, à certains égards, parce qu'ils ont alors des droits de mobilité, entre autres. Bien souvent, lorsqu'ils se trouvent dans des camps, les réfugiés n'ont aucun droit de mobilité. Ils sont contraints de rester sur place. Cependant, il y a toutes sortes de problèmes de protection qui se posent quand ils vivent en région urbaine, notamment parce qu'il est souvent difficile de les trouver.
Au Moyen-Orient, ce n'est qu'une minorité de réfugiés syriens qui vit actuellement dans des camps. Les personnes repérées pour notre action venaient essentiellement du Liban et de la Jordanie et, dans une moindre mesure, de la Turquie et de l'Égypte, et ce, pour diverses raisons, surtout opérationnelles. Je le répète, au Liban, ce n'est qu'une minorité qui vit dans des conditions semblables à des camps. Vous pensez peut-être que ce sont des camps, car les situations y sont presque les mêmes, mais sur le plan technique, ce ne sont pas des camps de réfugiés comme le camp Zaatari, par exemple, qui se trouve en Jordanie.
Je n'ai pas la ventilation exacte. Nous pourrions vous la trouver, mais sachez que le processus était très différent et qu'il sera peut-être un peu plus difficile de ventiler les chiffres. Du fait que nous agissions tellement rapidement, une fois que nous nous sommes entendus avec le Canada quant à la population cible et que le Canada avait accepté que nous identifiions les réfugiés les plus vulnérables, nous avons commencé à communiquer avec les réfugiés en leur demandant s'ils étaient intéressés. Nous avons communiqué avec quelque 60 000 réfugiés syriens en leur posant la question suivante : « Seriez-vous intéressé à aller au Canada? » Nous avons commencé par un message SMS, car c'est ainsi que nous communiquons avec les réfugiés de la région. Nous avons ensuite fait des appels téléphoniques.
Au final, environ 23 000 personnes étaient prêtes à présenter une demande et ensuite nous avons organisé des entretiens. Il peut arriver, par exemple, qu'un réfugié vivant dans un camp ne se présente pas à un entretien, alors que les réfugiés des zones urbaines le font. Mais c'était le bassin que nous avons utilisé. Nous avons tenu compte de la volonté des réfugiés qui ont affirmé qu'ils voulaient aller au Canada et étaient prêts à transmettre des renseignements aux ambassades canadiennes dans les régions concernées afin d'être retenus comme candidats à la réinstallation.
La sénatrice Andreychuk : J'aimerais obtenir une clarification : vous parlez de réfugiés urbains plutôt que de réfugiés vivant dans des camps, si j'ai bien compris. Je connais l'ancien système de camp et les droits conférés aux réfugiés. La mobilité est limitée et le pays hôte n'autorise pas ces gens à se déplacer ou à travailler, et cetera.
M. Casasola : Cela varie selon pays.
La sénatrice Andreychuk : Je songe à Dadaab, au grand camp. Quelle est la situation en zone urbaine? Qu'en est-il de la mobilité et des droits des gens?
M. Casasola : La situation varie d'un pays à l'autre. Le Kenya a comme politique d'installer les réfugiés dans des camps. En ce qui concerne les cinq camps de la région Dadaab, les gens sont censés rester dans les camps organisés par le Kenya. Dans d'autres pays, par exemple au Moyen-Orient, la Turquie avait commencé à créer des camps le long de sa frontière, mais avec le temps, elle a permis à beaucoup plus de réfugiés syriens de vivre en zone urbaine. Encore une fois, les contextes varient d'un pays à l'autre en ce qui concerne les lois et la souplesse qui est accordée aux réfugiés, mais la plupart des réfugiés du monde vivent actuellement dans des régions urbaines.
La sénatrice Andreychuk : Ces gens ont-ils des cartes d'identité quelconque?
M. Casasola : C'est une excellente question. Cela ne veut pas dire pour autant que ces gens ne sont pas inscrits. Nous encourageons en fait l'inscription, et chaque réfugié que nous avons recommandé au Canada était déjà inscrit auprès du HCR.
Le défi associé au milieu urbain, c'est qu'il est parfois plus difficile de communiquer avec les réfugiés. Dans un camp, il est plus facile d'organiser des programmes puisque toutes les personnes concernées sont sur place. On peut les compter. On sait combien il y a de filles et on peut planifier si, par exemple, on veut mettre sur pied une école primaire et un programme d'éducation primaire pour les filles. En milieu urbain, nous avons dû recourir à des méthodes différentes. Ainsi, nous faisons appel bien souvent à des travailleurs qui ont des contacts avec les réfugiés, et nous travaillons avec des membres de la communauté qui nous aident à trouver les réfugiés et à transmettre notre message.
Nous devons concevoir de nouvelles techniques comme le fait, par exemple, le Programme alimentaire mondial. Ce programme abandonne graduellement en milieu urbain son système de distribution de denrées alimentaires, comme le riz, et donne de plus en plus des cartes bancaires qui permettent aux réfugiés d'acheter leur nourriture. La technique utilisée est différente, mais les objectifs demeurent les mêmes.
La sénatrice Ataullahjan : Nous parlons des camps de réfugiés dans le cadre de notre étude, mais la sénatrice Andreychuk a mené une étude sur les mandats de l'UNICEF et du HCR. Nous avons appris qu'en Jordanie, tous les réfugiés vivent dans des camps, tandis qu'au Liban, ils sont en région urbaine.
J'aimerais parler des groupes vulnérables et surtout des jeunes filles. Nous avons entendu des histoires de trafic de filles et de cas d'hommes qui se rendent en voiture dans les camps et se marient à des filles de 13 ans. Que pouvons-nous faire pour aider ces groupes et comment procéder? La situation est incroyable, mais elle est bel et bien réelle.
M. Casasola : Nous sommes bien évidemment préoccupés par cette situation également. Nous nous inquiétons de la situation des enfants de réfugiés, et des enfants syriens en particulier, parce que nous avons vu des cas d'enfants du niveau primaire qui travaillent, par exemple, et de familles qui utilisent ce que nous décririons comme étant des mécanismes d'adaptation inappropriés et qui marient leurs jeunes filles. On voit également des situations dans lesquelles les enfants ne quittent presque jamais leur foyer, ne serait-ce qu'une fois par semaine. Le gros problème, et vous le constaterez peut-être chez les enfants syriens qui viennent au Canada, ce sont les trous dans leur scolarité. Ces enfants ne vont pas à l'école.
Cette situation est en partie attribuable à l'insuffisance des fonds. Bon d'organismes n'ont toujours pas l'argent dont ils ont besoin pour aider les réfugiés syriens comme ils le voudraient et répondre à leurs besoins. Nous devons souvent prendre des décisions difficiles. C'est certes une préoccupation pour nous, et mon organisme, ainsi que l'UNICEF, avons fait de nombreuses déclarations et avons mené des actions. Je n'ai pas de solution spécifique aux problèmes, mis à part des ressources financières. Nous sommes certainement au courant de la situation.
La sénatrice Nancy Ruth : Vous avez dit que le Canada a donné environ 150 millions...
M. Casasola : ... au HCR cette année à ce jour.
La sénatrice Nancy Ruth : Le Canada est obligé depuis 1995 d'effectuer une analyse comparative entre les sexes. Y avait-il des conditions rattachées aux 150 millions de dollars qui aideraient peut-être les jeunes filles qui sont mariées ou encore sont envoyées passer une heure ou deux avec des hommes? Le Canada a-t-il précisé au HCR qu'il fallait attribuer des fonds pour atténuer ce problème?
M. Casasola : J'ignore la ventilation exacte des 100 millions de dollars contribués par le Canada pour le compte des réfugiés syriens. Le Canada est certainement très actif pour ce qui est de notre gouvernance. En fait, je crois que la vice- présidente de notre comité exécutif en deviendra bientôt la présidente.
Il est évident que lorsque le Canada nous verse des fonds, il y a de nombreuses questions et des conditions qui y sont rattachées en ce qui concerne l'utilisation des fonds et les exigences en matière de rapport. J'ignore si une partie des fonds était soumise à l'analyse comparative entre les sexes. Je sais qu'environ 10 millions de dollars étaient attribués aux activités de réinstallation en appui de notre travail. Je ne suis pas sûr pour ce qui est des 90 millions de dollars restants. La partie restante des 150 millions de dollars sert à appuyer les efforts du HCR à l'échelle mondiale, c'est-à- dire toutes nos activités qui se déroulent dans le monde, et non seulement pour le compte des réfugiés syriens.
La sénatrice Nancy Ruth : Comment pourrais-je obtenir une réponse à ma question?
M. Casasola : Nous pourrons nous renseigner et vous revenir.
La sénatrice Nancy Ruth : Je vous en remercie.
Vous avez parlé de femmes qui ont été victimes de violences sexuelles et de la communauté GLBT. Savez-vous quel était le pourcentage des gens que vous avez envoyés au Canada qui faisait partie de ces deux catégories?
M. Casasola : Je ne suis pas sûr. Il y a diverses étapes entre le recensement des gens et leur arrivée ici. Ce serait difficile. Je peux vous donner des chiffres quant aux réfugiées vulnérables. Plus de 10 p. 100 des réfugiés que nous recommandons à tous les pays de réinstallation sont identifiés comme étant des femmes vulnérables.
Nous sommes confrontés à des défis, dont le fait que nous avons sept catégories différentes qui permettent d'identifier des réfugiés à réinstaller. Nous tenons compte des besoins de protection juridique, des survivants de violence et de torture, des femmes vulnérables, des besoins médicaux, du regroupement familial, des enfants vulnérables et de l'absence d'autres solutions durables.
Bien souvent, lorsque nous identifions des réfugiées comme étant des femmes vulnérables, ces femmes-là sont également désignées comme ayant un besoin juridique de protection physique. Si, par exemple, elles sont victimes de violence, elles pourraient alors être recommandées en raison d'un besoin juridique de protection physique, ou parce que ce sont des femmes vulnérables. Il est parfois difficile de faire le suivi statistique. Nous savons que plus de 10 p. 100 des réfugiés que nous recommandons à tous les pays de réinstallation à l'échelle mondiale sont des femmes vulnérables.
La sénatrice Nancy Ruth : La communauté GLBT pourrait tomber dans plus d'une de ces catégories.
M. Casasola : Tout à fait. C'est habituellement la catégorie du besoin de protection physique.
La sénatrice Nancy Ruth : Quel en est le pourcentage de femmes?
M. Casasola : Je l'ignore. C'est une bonne question. Nous avons bénéficié d'énormément de soutien du Programme de parrainage privé du Canada, et la communauté GLBT est très active, mais je ne le sais pas. C'est en partie parce que c'est IRCC qui décide des dossiers, et non pas nous. Nous ne faisons que recommander des dossiers. Ensuite, il incombe au pays de réinstallation de prendre la décision.
Le sénateur Ngo : Merci, monsieur Casasola. Le ministre vient d'indiquer que toutes les personnes prises en charge par le gouvernement ont été choisies à partir de gens inscrits auprès du HCR.
M. Casasola : C'est exact.
Le sénateur Ngo : Selon le ministre, à l'heure actuelle, 12 000 personnes attendent des parrains privés. Pensez-vous qu'il y a une raison particulière pour laquelle le gouvernement ne peut céder les personnes prises en charge à des groupes privés? Est-ce parce que ces gens n'ont pas été inscrits auprès du HCR ou pour une autre raison quelconque?
M. Casasola : David Manicom a dit une chose intéressante plus tôt, lorsqu'il a parlé du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, qui était modeste à l'origine et dont la création était prévue dans le budget de 2012. Or, l'intérêt à l'égard du programme est devenu énorme. Il y a des gens qui voudraient énormément aider et parrainer des réfugiés inscrits auprès du HCR.
Parfois, ces gens pensent que nous recensons les personnes les plus vulnérables, et c'est justement cela qui les intéresse. Ils voudraient aider le plus possible. Ce programme a fourni un très bon mécanisme pour permettre aux gens d'aider. La situation actuelle est délicate, et j'ai bien compris les propos du ministre lorsqu'il a parlé du fait d'admettre davantage de personnes au pays.
Le Haut-Commissaire est également venu au Canada, comme je l'ai dit plus tôt, et a observé l'intérêt grandissant. Nous ne voulons pas freiner les ardeurs et nous ne voulons pas que les gens, frustrés par l'expérience, abandonnent.
Pour être juste envers tout le monde, si le Canada respecte les objectifs qu'il s'est fixés cette année, il aura réinstallé plus de réfugiés que dans n'importe quelle autre année de son histoire depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration de 1976, laquelle a prévu pour la première fois un programme pour les réfugiés.
Nous comprenons les tensions et nous nous sentons interpellés. Cela dit, lorsque le ministre a parlé de la situation des gens qui sont préoccupés par des membres de leur famille plutôt que par les gens recensés par UNHCR, il faudrait songer au Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas et s'assurer qu'il y a suffisamment de dossiers dans le système, car il y a aussi des exigences en matière de traitement des dossiers. Certains de nos dossiers sont coriaces. Je le reconnais, mais j'ai encore confiance que nous pouvons réussir.
Le sénateur Ngo : Est-ce possible pour le groupe de répondants privés de demander des noms des personnes à l'UNHCR en vue de les parrainer?
M. Casasola : Merci. C'est une bonne question. Parfois, des répondants privés nous demandent de repérer des dossiers pour eux. Nous faisons des recommandations aux gouvernements. Nous traitons des renseignements privés et confidentiels. Même dans le cas des recommandations dont j'ai parlé, nous utilisions le mécanisme d'identification pour ce que nous avons appelé « transfert humanitaire » et avons envoyé des messages SMS et ainsi de suite. Une des raisons pour lesquelles nous devions rencontrer les réfugiés et leur demander s'ils voulaient venir au Canada, c'est qu'il fallait signer une entente qui nous permettrait de communiquer ces renseignements privés. Il nous serait difficile de recommander des dossiers à des répondants individuels et faire fi de cette responsabilité.
Le grand avantage du Programme mixte des réfugiés désignés par un bureau des visas, c'est que le dossier a déjà été approuvé par un agent du Service extérieur canadien comme étant une personne prête à venir au Canada, ce qui est très semblable au modèle indochinois, selon lequel bon nombre des répondants privés ont pris en charge des personnes qui avaient été en fait préapprouvées. À certains égards, il nous serait très difficile de céder directement ces dossiers aux répondants.
Le président : Les réfugiés parrainés par des organismes privés doivent-ils s'inscrire auprès du HCR?
M. Casasola : C'est une bonne question. La réponse n'est bien sûr pas claire. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ne prévoit aucune obligation pour ce qui est du recensement par le HCR des réfugiés parrainés par des organismes privés.
Cela dit, le Programme de parrainage privé prévoit deux voies : les titulaires d'entente de parrainage privé et leurs groupes constitutifs comme, par exemple, le diocèse anglican d'Ottawa, et les groupes de cinq particuliers ou plus. Au Québec, le modèle est différent et prévoit un groupe de deux personnes ou plus.
En ce qui concerne les groupes de cinq particuliers ou plus, le règlement a été modifié en 2012, il me semble, de façon à ce que quiconque parrainé par un groupe de cinq particuliers devait être reconnu en tant que réfugié. Il ne fallait non seulement être inscrit, mais également reconnu. Cette reconnaissance pouvait être faite par l'État ou encore le HCR, selon la procédure du pays en question.
Pour ce qui est des réfugiés syriens, le défi était attribuable à leur statut technique de demandeur d'asile dans la région, car ces gens n'avaient pas demandé le statut de réfugié individuel et n'allaient probablement pas le faire en raison de nos autres priorités. Lorsque le ministre Alexander a dit qu'il allait reconnaître de prime abord ces personnes comme étant des réfugiés, ce fut un moment déterminant qui nous a permis de surmonter la difficulté.
La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup. Je suis toujours ravie d'entendre parler des bonnes actions du Canada, c'est vrai. Je voulais vous poser une question sur la façon dont nous nous mesurons vis-à-vis d'autres pays compte tenu de notre population. Acceptons-nous le plus grand nombre de réfugiés compte tenu de notre population, ou nous situons- nous quelque part au milieu? Je crois que la question est importante. Oui, nous acceptons plus de réfugiés que jamais, mais j'aimerais situer ce chiffre dans un contexte, et je crois que la population est un bon indicateur.
M. Casasola : Bien sûr. Pour ce qui est de 2015 et 2016... Nous tentons d'établir des statistiques à partir du nombre de dossiers recommandés. Je n'ai pas fait de calcul, mais actuellement, compte tenu de la population, je crois que nous sommes à la tête du peloton des pays de réinstallation. Je vous parle de la réinstallation, et non de la question plus élargie de l'hébergement des réfugiés. Sur cette base-là, le Canada serait insignifiant par rapport au nombre de personnes hébergées par un pays comme le Liban, ou une personne sur quatre est réfugiée. Dans les dernières statistiques que j'ai vues, l'Australie et la Norvège étaient en tête en raison de leur population plus petite et du nombre de réfugiés accueillis.
Puisque l'heure est aux félicitations, je vous félicite personnellement d'avoir fait preuve de leadership pour ce qui est des réfugiés syriens dans la région de Toronto. Merci.
La sénatrice Omidvar : Permettez-moi de présenter la chose sous l'angle du volume : ce sont bien les États-Unis qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés.
M. Casasola : Absolument. Si on fait la comparaison avec des librairies, c'est Chapters-Indigo. Les États-Unis accueillent entre 75 000 et 85 000 réfugiés. Les chiffres sont certes importants, mais il faut également reconnaître que les États-Unis investissent des sommes énormes à l'étranger et réussissent à faire bouger les choses.
Compte tenu des grandes économies d'échelle, il faut reconnaître les efforts des États-Unis : non seulement les investissements consentis à l'étranger dans la sélection des réfugiés, mais également le fait que, malgré le grand nombre de réfugiés acceptés par rapport aux autres pays, les États-Unis réussissent fort bien à collaborer avec d'autres pays, dont le Canada, afin d'établir un consensus sur la façon de procéder.
L'une des raisons pour lesquelles le Canada a occupé un rôle central dans la réinstallation des réfugiés syriens du Liban et de la Jordanie, c'était que les États-Unis n'avaient toujours pas fini de construire leur ambassade à Beyrouth. Par conséquent, le personnel américain ne pouvait pas y travailler. Le rôle était tout indiqué pour le Canada. Il y a eu une coordination pratique. Puisque les États-Unis pouvaient assurer en Turquie, on a demandé au Canada de travailler en Jordanie et au Liban, et ainsi de suite. C'est ainsi que nous collaborons avec les pays de réinstallation.
Il faut certainement reconnaître les efforts des États-Unis.
Le président : Merci beaucoup. J'ai quelques autres questions. Je vous remercie de tous les renseignements fournis.
Comment les politiques et programmes de réinstallation du Canada se comparent-ils à ceux des autres pays? Pouvons-nous en apprendre des pratiques exemplaires? Comment nous nous comparons à d'autres?
M. Casasola : Vous posez une question pertinente, car l'une des choses qui distinguent le Canada, et il me semble que le ministre en a parlé, c'est le Programme de parrainage privé, qui est unique. Il existe des programmes semblables, par exemple le programme américain Priority Three ou le programme humanitaire spécial de l'Australie. Mais rien n'est aussi ouvert ou participatif que le Programme de parrainage privé.
Bon nombre d'acteurs voudraient exporter notre programme. On s'intéresse vivement au Programme de parrainage privé. Nous avons accueilli un groupe d'ONG canadien au Brésil en février pour examiner cette possibilité, car les gouvernements de certains pays de l'Amérique du Sud pourraient offrir des places, mais on retrouve également de la solidarité dans les villes. Ces efforts ne se dérouleraient pas forcément à une échelle aussi grande que le programme canadien, mais le programme est perçu comme un modèle possible pour ce qui est de faire participer la société et mettre à profit l'intérêt des gens.
Le Migration Policy Institute a publié un rapport en décembre portant sur la viabilité d'un programme de parrainage privé en Europe. Nous nous intéressons à la question, en partie en raison des chiffres, mais également en raison de la réceptivité, de la participation communautaire. Nous pensons que le programme est intéressant, car il peut servir d'exemples à d'autres.
Il y a également la mise en commun des pratiques. Le Canada a bien fait à cet égard, et la Nouvelle-Zélande s'y applique, c'est-à-dire l'établissement de références permettant de mesurer la réussite. La Nouvelle-Zélande commence à le faire, et le dialogue est utile. On ne peut s'attendre à ce que tous les pays de réinstallation procèdent de la même façon. Les cadres juridiques sont différents, les possibilités et les avantages se présentent différemment. Nous pouvons néanmoins tenter d'établir des objectifs. Le Canada est sur la bonne voie, comme la Nouvelle-Zélande. Nous travaillons là-dessus afin d'en profiter et d'exporter le modèle vers d'autres pays.
Le sénateur Ngo : Est-ce que la situation actuelle fait en sorte que les réfugiés syriens sont traités différemment des autres réfugiés? J'ai entendu dire que les réfugiés du Burundi attendent qu'on traite leur demande, mais qu'à ce jour, l'UNHCR n'est pas encore intervenu. Pourriez-vous me parler un peu de ces deux cas?
M. Casasola : Bien sûr. Parmi les réfugiés burundais, il y a effectivement différents groupes : il y a ceux qui ont fui les récentes éruptions de violence au Burundi, et nous n'envisageons pas de réinstaller cette population ailleurs. C'est le début d'une crise terrible qui sévit là-bas, mais nous espérons que ces gens-là pourront retourner à la maison.
Le Canada a accueilli un grand nombre de Burundais dans le cadre d'un engagement pluriannuel envers les réfugiés de la région des Grands Lacs — principalement des Congolais, mais aussi des Burundais. Des réfugiés burundais sont en exil depuis un bon moment en Tanzanie et dans d'autres pays de la région desquels nous acceptons des réfugiés.
Même si le Canada a accueilli davantage de réfugiés syriens, il n'a pas abandonné cet engagement et il continue à accepter des réfugiés congolais et burundais. En fait, j'ai vu les chiffres, mais je ne pense pas qu'ils aient été rendus publics encore. Il suffit de voir le nombre d'arrivées en 2015 pour comprendre que le Canada a poursuivi le programme de réinstallation en place, et que les réfugiés syriens n'ont fait que s'ajouter aux autres; ils ne les ont pas remplacés.
Je ne devrais pas parler pour eux, mais ce qui embête bien des gens, c'est le délai de traitement et les temps d'attente.
Ce qui explique entre autres ces délais, c'est qu'il y a plus de réfugiés en attente de réinstallation qu'il n'y a de places pour les accueillir. Chaque année, nous évaluons la situation des 15,1 millions de réfugiés dans le monde qui nous préoccupent. Selon nos estimations, plus d'un million d'entre eux doivent être réinstallés. Tous les gouvernements réunis mettent à notre disposition... autrefois, c'était 86 000 places, mais c'est plus maintenant avec la contribution bonifiée du Canada. Et le Royaume-Uni s'est engagé à accueillir 20 000 réfugiés d'ici 2020. Il y a plus de places, mais nous sommes tout de même loin du million. Malheureusement, il y a encore beaucoup de réfugiés en attente d'une solution.
Il y a aussi le fait que les autres options ne nous réussissent pas très bien. En 2004 ou 2005, environ un million de réfugiés étaient en mesure de revenir chez eux chaque année. En 2014, seules 128 000 personnes ont pu bénéficier d'un rapatriement volontaire. Ce sont les principaux facteurs qui font qu'il y a des réfugiés en attente d'une solution.
Le président : J'aime toujours demander certaines précisions. Vous dites que selon la convention, les choses vont bien, mais j'aimerais qu'on se penche sur les objectifs-repères. Les articles 17 à 19 de la convention portent sur l'emploi. Il faut que ce soit consigné au compte rendu, alors j'aimerais qu'on examine plus en détail les dispositions de la convention de 1951 concernant l'emploi et l'aide sociale. Vous dites que les choses vont bien, mais quelles sont les cibles à atteindre?
M. Casasola : En fait, je crois que le Canada a un droit de réserve en vertu de cet article, mais je vais devoir le vérifier.
Le Canada leur offre des possibilités d'emploi au même titre que tous les autres résidents permanents. Je ne crois pas que la question de l'emploi pose problème pour les réfugiés.
Je pense qu'on s'interroge surtout sur la pertinence du modèle. À court terme, les réfugiés syriens sont placés devant le dilemme d'apprendre la langue ou de se trouver un emploi, mais ils ont accès à des offres d'emploi, tout comme le reste des résidents permanents au Canada.
La sénatrice Cordy : Vous avez dit que moins de gens avaient la possibilité d'être rapatriés vers leurs pays d'origine. Vous souhaiteriez que les gens puissent retourner chez eux si c'est ce qu'ils veulent. Est-ce une tendance qu'on a observée, c'est-à-dire que moins de gens sont capables de retourner chez eux?
M. Casasola : Je crois que plusieurs tendances peuvent être observées. Il y a entre autres la réalité des réfugiés qui sont exil depuis longtemps, et ils sont de plus en plus nombreux à se trouver dans cette situation. Selon les dernières statistiques que j'ai vues, une personne qui devient réfugiée aujourd'hui peut s'attendre à le demeurer pour les 17 à 20 prochaines années. C'est en partie un symptôme des conflits qui ne se règlent pas.
Cela pose un défi pour nous. Un des sénateurs a donné l'exemple du camp de réfugiés de Dadaab. Le Kenya, qui accueille des réfugiés somaliens depuis le début des années 1990, voit l'attention accordée aux Syriens et se dit : « Qu'en est-il de cette population? Quand aura-t-on une solution pour elle? » C'est donc une situation difficile avec laquelle nous devons composer. Malheureusement, notre travail est de nature humanitaire; nous ne pouvons pas rétablir la paix dans ces pays.
Ce qui complique aussi les choses, c'est le nombre accru de situations d'urgence. En plus des populations en exil, le nombre de situations d'urgence a grimpé dans différents pays : le Soudan du Sud, la République centrafricaine, le Congo et bien d'autres. Il y a aussi la Syrie et le Yémen, bien sûr.
Nous devons jongler avec de nombreuses situations d'urgence, en plus d'avoir à trouver une solution à l'exil des populations. Donc, même si nous n'avons jamais reçu autant d'argent de la communauté internationale, ce n'est pas encore assez pour suffire à la demande globale.
Le président : Merci beaucoup d'avoir témoigné devant nous aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants. Ce sera incorporé à notre étude. Nous devrions être à Toronto et à Montréal au cours des prochaines semaines — et ailleurs — afin de poursuivre nos audiences. Nous étudions la question sous l'angle des droits de la personne, et nous apprécions vos commentaires, monsieur Casasola. Merci.
M. Casasola : Merci de m'avoir reçu.
(La séance est levée.)