Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 9 - Témoignages du 28 septembre 2016
OTTAWA, le mercredi 28 septembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 30, pour examiner la question des obligations nationales et internationales du Canada en matière de droits de la personne.
Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et bonjour aux témoins. Je tiens à souhaiter la bienvenue à tout le monde après la pause estivale. Je sais aussi que beaucoup de sénateurs ont travaillé très dur durant tout l'été.
Avant de commencer, je tiens à souligner que je suis très fier du travail que nous avons fait dans le dossier des réfugiés syriens. Nous avons assurément fait l'objet d'une intense couverture médiatique, et nous avons encore plus de choses à faire maintenant en raison de notre travail. Je suis très heureux de ce que nous avons fait rapidement.
[Français]
Avant de commencer, j'aimerais demander à tous les sénateurs de se présenter.
[Traduction]
Puis, je vais présenter nos témoins.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de Toronto, en Ontario.
Le président : Et la vice-présidente.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
[Français]
La sénatrice Gagné : Bonjour, je suis Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.
La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.
Le président : Je m'appelle Jim Munson. Je dis toujours aux gens : « Savez-vous qui je pensais être? »
Pour notre premier groupe de témoins ce matin — c'est un enjeu très important, et nous tenons à remercier la sénatrice Nancy Ruth, qui nous a fourni toutes les idées sur ce qui constitue un enjeu extrêmement important pour le pays et pour le comité —, nous avons le plaisir d'accueillir des représentants du gouvernement : Justine Akman, directrice générale, Politiques et relations extérieures; et Vaughn Charlton, gestionnaire, Analyse comparative entre les sexes, de Condition féminine Canada, François Daigle, secrétaire adjoint du Cabinet, Politique du développement social, du Bureau du Conseil du privé, et Renée LaFontaine, secrétaire adjointe et dirigeante principale des finances, Secteur des services ministériels, du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
Nous vous demandons de présenter vos déclarations préliminaires, puis les sénateurs vous poseront des questions.
Justine Akman, directrice générale, Politiques et relations extérieures, Condition féminine Canada : Je vous remercie de nous avoir invités. Nous sommes très heureux de comparaître devant le comité pour discuter de l'analyse comparative entre les sexes dans la fonction publique fédérale.
D'abord, je voudrais rendre hommage à la nation algonquine, sur le territoire traditionnel de laquelle nous sommes réunis.
[Français]
Le gouvernement du Canada est déterminé, depuis longtemps, à appliquer l'analyse comparative entre les sexes, ou l'ACS, dans l'ensemble des ministères et des organismes fédéraux.
L'ACS est importante, parce qu'elle contribue à l'avancement de l'égalité entre les sexes en nous permettant de veiller à ce que le gouvernement fédéral tienne compte des expériences différentes des femmes et des hommes dans la création des politiques, des programmes et des lois.
[Traduction]
En tant qu'organisme, Condition féminine Canada joue un rôle central afin d'encourager le recours à l'ACS dans les organismes fédéraux. À titre de centre d'excellence en ACS au sein du gouvernement fédéral, nous offrons aux ministères et organismes la formation, les outils et les conseils dont ils ont besoin pour intégrer efficacement l'ACS à l'élaboration des politiques, des programmes et des lois.
Comme vous le savez, l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard de l'ACS découle de la ratification par le Canada de la Déclaration et du Programme d'action de Beijing, adoptée par les États membres des Nations Unies en 1995 durant la Quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes qui a eu lieu à Beijing, en Chine. Le document cerne 12 domaines d'action prioritaires visant à éliminer tous les obstacles à la participation active des femmes dans tous les aspects de la société, y compris les sphères économique, sociale, culturelle et politique où les décisions sont prises.
Le gouvernement a fait du soutien à l'ACS une priorité, ainsi qu'en témoigne la lettre de mandat de notre ministre et que le souligne le budget de 2016, qui a octroyé des fonds supplémentaires à Condition féminine Canada. Ces nouvelles ressources nous donnent encore plus les moyens de remplir notre mandat en matière d'ACS en élargissant notre soutien aux ministères et en nous permettant d'intervenir plus directement en offrant des conseils en matière d'égalité entre les sexes pour d'importantes initiatives gouvernementales. Cela nous aidera également à suivre à long terme les mesures qui sont prises et les progrès qui sont accomplis par les ministères et les organismes fédéraux.
Ces dernières années, nous avons réalisé d'importants progrès dans la promotion de l'ACS à titre de compétence pour l'ensemble des fonctionnaires. En 2012, par exemple, nous avons élaboré et lancé le cours en ligne Introduction à l'ACS sur le site web de Condition féminine Canada, offrant ainsi une formation de base à toute la fonction publique fédérale. Depuis son lancement, plus de 18 000 fonctionnaires d'au-delà de 60 ministères et organismes fédéraux ont suivi le cours, et ce nombre continue d'augmenter.
En avril, Condition féminine Canada, le Secrétariat du Conseil du Trésor et le BCP ont déposé le Plan d'action sur l'analyse comparative entre les sexes de 2016-2020 en réponse à un rapport dans lequel le vérificateur général formulait trois recommandations visant à mettre plus pleinement en œuvre l'ACS à titre de pratique rigoureuse à l'échelle du gouvernement. Le plan d'action présente un ensemble de directives et de mesures stratégiques pour veiller à ce que l'ACS soit appliquée plus systématiquement et à ce que nous puissions rendre compte des progrès accomplis en la matière à la population canadienne.
Nous travaillons aussi à répondre aux rapports déposés en juin dernier par le Comité permanent des comptes publics et le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, qui renfermaient collectivement 23 recommandations pour mieux appliquer l'ACS et en rendre compte. Nous avons examiné ces recommandations de près pour déterminer comment les utiliser afin d'améliorer notre réponse. Celle-ci sera déposée à la mi-octobre.
Je souhaite brièvement souligner les composantes du Plan d'action sur l'ACS.
Dans sa première recommandation, le vérificateur général nous demandait de déterminer les obstacles à la mise en œuvre de l'ACS et d'élaborer des mesures concrètes pour nous y attaquer. Cette première étape — soit de déterminer les obstacles — est cruciale. Bien que nous connaissions certains obstacles, nous n'avions pas fait l'effort systématique dans le passé de demander aux ministères à quels obstacles internes ils font face.
Par conséquent, plus tôt cette année, Condition féminine a travaillé avec le BCP et le Conseil du Trésor à recueillir de l'information en menant une enquête exhaustive sur l'ACS qui a été envoyée à l'ensemble des sous-ministres. Il s'agissait non seulement d'obtenir de l'information sur leurs ressources et capacités internes relativement à l'ACS, mais également de recenser les obstacles potentiels à l'utilisation systématique de l'ACS lors de l'élaboration de nouvelles initiatives gouvernementales.
Nous étudions actuellement leurs réponses. Cette information sera cruciale pour savoir comment cibler notre soutien supplémentaire à l'avenir. Par exemple, nous savons que beaucoup de ministères ont déclaré qu'une des principales difficultés était d'avoir accès à des données ventilées selon le sexe.
Dans notre rôle de centre d'excellence, l'une des principales formes de soutien que nous offrons est la formation sur l'ACS. Une formation de base est maintenant largement disponible en ligne — comme je l'ai mentionné —, ce qui signifie que nous pouvons dorénavant nous concentrer sur l'élaboration d'outils visant à promouvoir des compétences approfondies. Le travail que nous avons accompli avec plus de 30 ministères au cours des 5 dernières années nous a permis d'apprendre que la formation sur l'ACS est optimale quand on l'adapte à des auditoires précis et quand on l'élabore et la donne en partenariat avec des spécialistes du secteur où elle est offerte.
Dans le cadre du plan d'action, nous travaillons avec des partenaires, dont les ministères mêmes, afin d'améliorer et d'étendre le programme de formation sur l'ACS. Cela comprend l'élaboration d'une formation approfondie pour des secteurs précis. Par exemple, nous travaillons actuellement avec des ministères responsables de la sécurité et de la défense, y compris Sécurité publique Canada, l'Agence des services frontaliers du Canada, le Service correctionnel du Canada, les Forces armées canadiennes, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et la GRC pour mettre au point une formation de pointe sur l'ACS qui est adaptée aux environnements opérationnels et stratégiques précis.
Nous poursuivons aussi notre travail pour actualiser et moderniser les outils et ressources, y compris les mettre à jour pour refléter les discussions actuelles sur les approches non binaires en matière de sexe et des approches intersectionnelles.
Grâce aux nouvelles ressources, nous pourrons aussi accroître notre expertise interne dans un plus grand nombre de domaines de façon à ce que nos analystes puissent offrir des conseils directs concernant des ministères, des portefeuilles ou des enjeux particuliers. Nous travaillons avec les fonctionnaires de niveau supérieur d'autres ministères et organismes pour déterminer les domaines prioritaires de collaboration et de soutien. Par exemple, la stratégie d'infrastructure sociale à l'égard de laquelle s'est récemment engagé le gouvernement fédéral et notre capacité de fournir de l'information, y compris des données de nos intervenants ont permis de déterminer qu'il fallait investir davantage dans les refuges et les maisons de transition afin de mieux répondre aux besoins des femmes et des enfants.
Nous participons également à des travaux entrepris par les Forces canadiennes en vue d'intégrer les considérations liées à l'égalité des sexes aux plans et opérations militaires, étant entendu que les opérations sont plus efficaces lorsqu'on tient compte de la diversité.
Nous espérons également collaborer dans d'autres domaines en appuyant l'utilisation novatrice de technologies propres dans le secteur des ressources naturelles, ainsi que les principaux engagements pris dans les lettres de mandat, comme l'élaboration d'une stratégie canadienne de réduction de la pauvreté et en formulant un nouvel accord pluriannuel sur la santé.
Voilà quelques exemples seulement du type de travail collaboratif concret auquel nous espérons continuer à participer afin d'agir sur l'élaboration des programmes et des politiques.
Nous pouvons aussi en faire davantage pour surveiller le rendement de l'ACS et en rendre compte. Dans le cadre du plan d'action, nous travaillerons à concevoir des structures qui, pour la première fois, nous permettront de suivre systématiquement nos progrès dans la mise en œuvre de l'ACS et d'y réfléchir. Les mesures suivantes nous y aideront : continuer à mener des enquêtes annuelles sur l'ACS et à tenir des forums de haut niveau afin de surveiller l'application de l'ACS; élaborer des indicateurs de l'égalité entre les sexes dans des domaines clés afin de suivre les progrès qui s'y font; établir une structure d'évaluation plus formelle; et trouver des moyens de rendre périodiquement compte de la mise en œuvre de l'ACS à l'échelle du gouvernement.
En améliorant notre capacité de rendre compte des progrès accomplis dans l'application de l'ACS, nous pourrons démontrer à la population canadienne en quoi l'ACS a bonifié les politiques, les programmes et services qui lui sont destinés. Nous espérons aussi pouvoir donner des exemples concrets de l'impact de l'ACS aux provinces et territoires ainsi qu'à nos partenaires internationaux, dont bon nombre s'inspirent du leadership du Canada en matière d'ACS.
Grâce à la collaboration fondée sur une « approche pangouvernementale » que nous entretenons avec nos collègues du BCP, du SCT et des ministères et organismes fédéraux, nous savons que l'ACS nous aidera à répondre aux besoins des Canadiennes et Canadiens d'horizons divers et à faire avancer l'égalité des sexes partout au pays conformément à nos engagements internationaux en matière d'égalité.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue du BCP. Je serai ensuite heureuse de répondre à vos questions.
Le président : Avant de poursuivre, j'aimerais présenter les deux autres sénateurs qui viennent d'arriver. Voulez-vous vous présenter vous-mêmes?
La sénatrice Omidvar : Sénatrice Omidvar, de l'Ontario.
Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.
[Français]
François Daigle, secrétaire adjoint du Cabinet, Politique du développement social, Bureau du Conseil privé : J'aimerais vous remercier, monsieur le président, et les autres membres du comité, pour cette occasion de discuter de l'analyse comparative entre les sexes (ACS) et de la façon dont elle peut aider le gouvernement à élaborer de nouvelles lois, de nouveaux projets législatifs, de nouvelles orientations politiques et de nouveaux programmes.
Aussi, je suis heureux d'être ici avec mes collègues de Condition féminine Canada et du Conseil du Trésor. Justine a commencé à décrire le cadre global, au sein du gouvernement, dans lequel nous travaillons ensemble ainsi qu'avec tous les ministères et organismes fédéraux afin d'améliorer l'application de l'ACS à l'échelle de l'administration fédérale.
Il est important de comprendre que ce n'est pas seulement Condition féminine Canada, le Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé qui travaillent à cette analyse. Tous les ministères et agences du gouvernement qui sont responsables de l'élaboration d'orientations politiques et de programmes ont la responsabilité de faire une analyse poussée et complète des impacts de leurs propositions sur l'analyse comparative entre les sexes.
Comme mes collègues l'ont souligné, nous constatons maintenant un engagement renouvelé à l'égard de l'ACS au sein de l'administration fédérale, comme en témoigne la directive du premier ministre à la ministre Hajdu lui demandant dans sa lettre de mandat de travailler avec le Bureau du Conseil privé afin que l'ACS s'applique aux propositions adoptées par le Cabinet. Ainsi, tous les ministères pourront s'engager à appliquer en priorité l'ACS au cours des prochaines années. En outre, je serai heureux de discuter de certains des changements mis en place au Bureau du Conseil privé pour assurer cet appui.
Le fait que la lettre de mandat soit publique nous aide beaucoup, au Conseil privé et dans les autres agences centrales, à travailler avec les ministères afin de mener les analyses nécessaires. Ce document public permet également à tous les ministères d'en faire une priorité, non seulement pour l'agence de la Condition féminine et le Conseil du Trésor.
[Traduction]
Le Bureau du Conseil privé aide le Cabinet à prendre à ses décisions en assurant la coordination, la direction ainsi que la formulation de conseils au premier ministre et à son Cabinet et la prestation d'analyses sur les politiques, les programmes et, évidemment, les propositions législatives. En termes simples, nous fournissons un soutien dans le cycle d'élaboration des politiques et des programmes et à l'étape où il faut se demander « que devons-nous faire? » au sujet d'un enjeu donné.
Lorsque nous tentons de répondre à cette question, il est essentiel que les décideurs disposent de toute l'information nécessaire pour comprendre les répercussions de leurs décisions sur les Canadiens et les intérêts du Canada. C'est la raison pour laquelle le BCP exerce une fonction déterminante d'examen critique au sein des ministères et s'assure que les ministères et organismes tiennent compte de tous les facteurs pertinents, dont le sexe, lors de l'élaboration des propositions au Cabinet. L'objectif est de veiller à ce que les conséquences sur les divers groupes de femmes et d'hommes du pays soient prises en considération dans le cadre du processus décisionnel.
La récente vérification dont Justine a parlé a révélé que le BCP et d'autres organismes centraux s'efforcent de promouvoir et d'appuyer l'analyse comparative entre les sexes et de préciser leurs lignes directrices à l'intention des ministères et des organismes, mais elle a aussi révélé que l'instauration du processus à l'échelle du gouvernement était inégale et insuffisante. La vérification nous a donné l'occasion de réfléchir à la façon dont nous, au BCP, pouvons améliorer le soutien que nous offrons aux ministères et aux organismes.
Dans le plan d'action qui a été mentionné, le BCP avait promis de mettre à jour son guide de rédaction des mémoires au Cabinet, les MC à l'intention des ministères, et d'établir une liste de vérification des considérations stratégiques, soit un outil permettant de définir et de consigner la prise en compte des répercussions des analyses comparatives entre les sexes. Je suis heureux de dire aujourd'hui que nous avons rempli ces deux engagements depuis que le plan d'action a été déposé.
À compter de ce mois-ci, en septembre, nous avons exigé que tous les MC présentés au Cabinet soient accompagnés d'un outil de diligence requise et d'analyse fondée sur les données probantes.
Le sénateur Munson : Les MC?
M. Daigle : Les mémoires au Cabinet. Les mémoires au Cabinet sont maintenant assortis de cet autre document qu'on appelle aussi des exigences requises et d'analyses fondées sur les données probantes. Cet outil exige de tous les ministères et organismes qu'ils consignent les répercussions que leur proposition entraînera sur les hommes, les femmes et les minorités ainsi que d'autres considérations comme les répercussions économiques, les considérations en matière des langues officielles et les répercussions sur les traités modernes, par exemple.
En plus d'accroître le dialogue entre les ministères et le BCP en ce qui a trait à l'analyse comparative entre les sexes, cet outil servira aussi à accroître la responsabilité à l'égard de l'analyse. Ce document supplémentaire que nous avons élaboré doit être approuvé par les SMA responsables des politiques stratégiques de chaque ministère, alors cela accroît le niveau de responsabilisation associé à ce genre d'analyse dans les ministères, pour soutenir les propositions.
[Français]
Deuxièmement, conformément à la directive du premier ministre, nous avons dépassé les engagements que nous avions pris dans le plan d'action. Le nouveau modèle de mémoire au Cabinet, qui a été lancé cet automne, exige que tous les mémoires au Cabinet qui décrivent de nouvelles propositions de programmes comprennent une annexe obligatoire qui présente les conclusions de l'ACS et d'autres évaluations obligatoires, telles que l'évaluation environnementale stratégique et les répercussions sur les traités modernes.
Bien que notre programme de l'automne pour le Cabinet ne fasse que commencer, j'ai observé une douzaine de nouveaux mémoires dont seront saisis les comités du Cabinet et le Cabinet. Déjà, on a remarqué un examen plus poussé et plus étoffé en matière d'analyse comparative entre les sexes.
[Traduction]
Ensuite, pour soutenir ces deux nouveaux outils, l'annexe obligatoire des MC et l'outil fondé sur les données probantes, et dans le but de reconnaître les besoins d'acquérir une certaine capacité interne — capacité qui faisait partie des obstacles cernés par le vérificateur général dans son rapport —, nous avons rendu la formation sur l'analyse comparative entre les sexes obligatoire pour tous les employés du Bureau du Conseil privé qui ont la tâche d'effectuer un examen critique des propositions de politiques et de programmes ainsi que pour tous nos cadres.
Nous espérons ainsi que les employés du BCP qui s'acquittent de ces fonctions seront en mesure de mobiliser concrètement les ministères et les organismes en matière d'analyse comparative entre les sexes pour s'assurer que les répercussions des propositions sur les hommes et les femmes ainsi que les diverses minorités sont claires, qu'elles étayent les options stratégiques envisagées et que toutes les stratégies d'atténuation appropriées sont définies.
Nous avons rendu cela obligatoire au printemps. Nous avons cerné les intervenants du BCP qui seront assujettis à cette formation obligatoire, et nous avons déjà formé plus de 50 p. 100 de cette population. Nous espérons terminer d'ici la fin de la session, cette année.
Finalement, nous sommes déterminés à poursuivre notre travail avec Condition féminine Canada pour définir les pratiques exemplaires adoptées quant aux analyses comparatives entre les sexes et cerner les ministères et organismes qui ont de la difficulté à remplir leurs engagements à l'égard de l'ACS. Dans ces cas, nous continuerons à communiquer avec eux à tous les niveaux afin de leur fournir le soutien dont ils ont besoin pour obtenir l'expertise recherchée au sein de Condition féminine et à attirer l'attention aux échelons supérieurs sur la mise en œuvre complète des engagements pris quant à l'ACS et à la responsabilité à cet égard.
Souvent, les ministères ont de la difficulté parce que les données dont ils ont besoin pour réaliser l'analyse ne sont pas accessibles de façon ventilée, alors il y a un certain travail à faire pour mettre sur pied des bases de données pour faciliter l'analyse. Souvent, Condition féminine Canada peut nous aider en nous aiguillant vers ces bases de données afin que les ministères puissent réaliser des analyses appropriées.
Des pratiques fiables et efficaces en matière d'analyse comparative entre les sexes aideront le gouvernement à assurer l'égalité entre les hommes et les femmes dans tous les secteurs de programme du gouvernement. En collaboration avec tous les ministères et organismes, le BCP continuera à renforcer les efforts qu'il déploie pour que les politiques et programmes du gouvernement répondent aux besoins de tous les Canadiens.
Voilà qui termine ma déclaration. Je vais maintenant céder la parole à ma collègue du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
[Français]
Renée LaFontaine, secrétaire adjointe et dirigeante principale des finances, Secteur des services ministériels, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Je vous remercie de l'invitation à comparaître devant votre comité pour discuter de l'analyse comparative entre les sexes (ACS). Je suis très heureuse de vous parler aujourd'hui du rôle que joue le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada dans la promotion de l'utilisation de l'ACS. Je suis également ravie d'être ici avec mes collègues de Condition féminine Canada et du Bureau du Conseil privé.
[Traduction]
Je sais que vous vous intéressez aux mécanismes, alors, à ce sujet, le Conseil du Trésor est la troisième étape du processus dont nous parlons en ce qui a trait au Cabinet. François a parlé de l'approbation par le Cabinet des nouvelles propositions et des nouveaux programmes. Une fois le financement affecté dans le budget, alors les ministères se tournent vers le Conseil du Trésor pour obtenir les fonds en tant que tels et toutes les autorisations dont ils ont besoin pour mettre en œuvre le programme.
Je vais vous parler du rôle du Conseil du Trésor. Le Conseil du Trésor supervise les plans des dépenses du gouvernement et assure l'administration judicieuse des fonds publics en plus d'approuver les nouveaux fonds réservés dans le budget aux fins des acquisitions majeures, des nouveaux programmes et des subventions et des contributions.
Les ACS réalisées relativement aux nouveaux programmes et services gouvernementaux proposés avant leur mise en œuvre informent les ministres du Conseil du Trésor — qui sont les décideurs, ici — de l'incidence que ces programmes peuvent avoir sur les groupes diversifiés d'hommes et de femmes qui composent maintenant la population canadienne. Comme vous le savez, dans le cadre de notre ACS, nous nous intéressons non seulement au sexe, mais aussi à d'autres dimensions de la vie de nos citoyens, y compris leur origine ethnique, leur âge, leur niveau de scolarité et leur niveau de revenus. Lorsque François a parlé de données ventilées, vous comprendrez donc le niveau de complexité des données dont nous avons besoin pour prendre de très bonnes décisions.
En tant qu'outil analytique, l'ACS nous aide à comprendre pourquoi certains groupes de Canadiens ne réussissent pas à avoir accès à la myriade de programmes et de services actuels qui sont offerts aux Canadiens chaque jour ou à en bénéficier. Par conséquent, le fait de comprendre, par exemple, pourquoi des jeunes hommes autochtones ou des femmes célibataires à faible revenu sur le marché du travail sont exclus de nos programmes nous permet d'apporter les rajustements nécessaires pour nous assurer que nos services sont accessibles à tous et à toutes. C'est l'objectif, et c'est de cette façon que le Conseil du Trésor entrevoit les choses.
La poursuite de la mise en œuvre de l'analyse comparative entre les sexes à l'échelle du gouvernement fédéral aide le Conseil du Trésor à réaliser son mandat, qui consiste à offrir des programmes abordables qui donnent des résultats pour les Canadiens. Nous atteignons cet objectif en donnant aux décideurs — comme les ministres du Conseil du Trésor, des options de politiques et de programmes plus équitables sur le plan du sexe et plus fondées sur des données probantes. C'est notre objectif.
En ce qui a trait aux progrès réalisés jusqu'à présent, comme François l'a mentionné, le vérificateur général a observé que le SCT a aidé les organisations fédérales à réaliser des ACS depuis 2009. Nos analystes de programme au sein du SCT sont formés pour remettre en question les ministères. Tout comme les analystes du BCP exercent une fonction de remise en question au niveau des mémoires au Cabinet, nous exerçons une fonction de remise en question au niveau des présentations au Conseil du Trésor et avant que ces présentations soient soumises au Conseil du Trésor aux fins de décision.
Afin de préparer le terrain pour le Conseil du Trésor, les analystes de programme du SCT poussent les ministères, dans un premier temps, à tenir compte du groupe cible de Canadiens qui bénéficieront du nouveau programme ou du nouveau service et de déterminer si les hommes et les femmes pourraient être traités différemment lorsque le programme sera mis en œuvre. S'il existe une considération liée au sexe, le SCT s'attend des ministères qu'ils réalisent une ASC complète et approfondie. À la lumière de leurs constatations, nous voulons qu'ils nous prouvent qu'ils ont adapté leurs propositions de programme afin de composer de façon appropriée avec tous les enjeux liés au sexe avant la présentation au Conseil du Trésor. Cela vous donne une idée de notre objectif au niveau du Secrétariat du Conseil du Trésor.
En fait, en juillet 2016, le SCT a mis à jour ses attentes à ce sujet à l'égard des ministères. Dans les directives détaillées que nous fournissons aux ministères sur la façon de rédiger une présentation au Conseil du Trésor, nous leur demandons d'inclure les constatations de l'ACS sous forme d'une annexe obligatoire à toutes les présentations qui seront dorénavant présentées au Conseil du Trésor.
Nous mettons aussi à jour la formation donnée aux analystes du SCT et aux directeurs généraux qui travaillent régulièrement avec les ministères. Nous mettons cette formation à jour chaque année parce que nous tentons continuellement de renforcer les compétences et les aptitudes des intervenants au chapitre de la détermination des enjeux liés au sexe. Je vous dirai dans une minute pourquoi ce n'est pas toujours évident. C'est parfois très difficile de cerner les répercussions sur les hommes et les femmes.
Le SCT a aussi travaillé en étroite collaboration avec Condition féminine Canada et le Bureau du Conseil privé pour promouvoir l'importance des ACS durant les réunions avec les comités de cadres supérieurs des ministères et dans le cadre de conférences et d'ateliers et avec les champions ministériels de l'ACS.
Vous vous demandez pourquoi une DPF est venue vous parler. Je suis la DPF du Secrétariat du Conseil du Trésor. Je suis aussi la championne de l'analyse comparative entre les sexes du Secrétariat; c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui.
[Français]
En 2011, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada a mené un sondage initial pour établir la mesure dans laquelle les questions liées à l'égalité entre les sexes étaient ciblées et traitées dans les propositions étudiées par le Conseil du Trésor au cours de l'année. Tout comme le vérificateur général, nous avons trouvé des preuves que le niveau d'adoption des ACS était faible et qu'il variait d'un ministère à l'autre.
[Traduction]
Cela dit, la bonne nouvelle, c'est que nous sommes encouragés de constater que la plupart des propositions des ministères qui s'occupent principalement des domaines sociaux et culturels au Canada incluent des constatations d'une ACS pour justifier et expliquer pourquoi les programmes ont été conçus de telle ou de telle façon. C'est ce que nous avons constaté.
Nous avons aussi constaté que des ACS sont plus souvent réalisées au sein des ministères dont les programmes et les services ont un impact direct sur les citoyens servis. Par exemple, nos programmes d'assurance-emploi ont des liens directs avec les citoyens qui reçoivent leurs chèques, ce qui donne aux responsables de ces programmes l'occasion de recueillir des données et des renseignements au sujet des clients servis.
Cependant, le besoin de réaliser des ACS et les avantages de telles analyses sont moins évidents dans les ministères dont les mandats consistent à superviser ou réglementer certaines industries ou certains secteurs généraux de l'économie canadienne. Nous avons constaté que ces types de programmes fédéraux sont souvent offerts par l'intermédiaire de structures complexes. Dans de nombreux cas, par exemple, le rôle du gouvernement fédéral est de définir des règlements ou de fournir du financement à des entités tierces ou à d'autres ordres de gouvernement qui, eux, sont responsables de la prestation des services aux citoyens.
Il peut être difficile de cerner les causes profondes des enjeux sexuels dans ces ministères, particulièrement lorsque le gestionnaire du programme fédéral qui fournit les fonds doit passer par plusieurs sources intermédiaires pour recueillir les données ventilées en fonction du sexe dont nous avons parlé pour déterminer le rendement de ces programmes.
Enfin, de nombreux nouveaux programmes gouvernementaux et enjeux sont sensibles au temps et doivent être mis en œuvre ou réglés rapidement pour respecter les engagements du gouvernement. Si les ministères répondants possèdent déjà des données ventilées selon le sexe pour réaliser l'analyse, ce n'est pas problématique. Lorsqu'ils n'ont pas accès à de telles données à ce moment-là, ce peut être très difficile pour eux. En outre, parfois, il n'est pas possible de retarder le dépôt d'une présentation au Conseil du Trésor afin de pouvoir recueillir des données pertinentes. En outre, cela pourrait faire courir un autre risque au gouvernement du Canada. Cela vous donne une indication de certains des obstacles avec lesquels nous devons composer.
Cependant, à la lumière de notre expérience jusqu'à présent, nous savons que nous devons rajuster notre approche à l'avenir pour permettre aux ministères de faire un suivi continu, après l'approbation par le Conseil du Trésor et en tout temps durant le cycle de vie de la politique ou du programme. Ce suivi permettra de s'assurer qu'on évalue et règle continuellement les enjeux liés au sexe dès qu'ils surviennent de façon à ce qu'on puisse continuellement tenir compte des besoins, des priorités et des intérêts diversifiés de la société canadienne à mesure qu'évoluent les programmes. Il faut continuellement adapter nos programmes aux changements qui surviennent dans la société.
[Français]
À l'avenir, le SCT est déterminé à travailler avec Condition féminine Canada, le Bureau du Conseil privé et d'autres ministères et organismes fédéraux pour mieux cibler, comprendre et éliminer les obstacles et pour établir la capacité nécessaire à l'échelle de la fonction publique. Nous encourageons les administrateurs généraux à éliminer ces obstacles afin de s'assurer que les ACS sont solidement ancrés à titre de pratique durable à l'échelle du gouvernement.
[Traduction]
Le SCT révise continuellement ses directives à l'intention des rédacteurs de présentations au Conseil du Trésor et, au besoin, les adapte aux besoins des ministères et des organismes pour les aider davantage à obtenir de meilleurs résultats sur le plan du sexe. Lorsque les ministères n'ont ni le temps ni les ressources pour évaluer les répercussions sur le sexe des nouveaux programmes, que ce soit à l'étape des recherches stratégiques, du mémoire au Cabinet ou de la présentation au Conseil du Trésor du cycle de vie des programmes et des services, le SCT les encouragera à faire un suivi pour s'assurer que tout enjeu pertinent lié au sexe est abordé le plus rapidement possible avant le renouvellement du programme.
Par conséquent, vous devez savoir que selon les politiques du Conseil du Trésor des évaluations des programmes sont aussi requises avant que le Cabinet ou Conseil du Trésor envisage tout renouvellement. C'est là une autre question d'évaluer la situation et de corriger toute répercussion non prévue sur les hommes ou les femmes dans le cadre des programmes et services actuels.
Le Secrétariat aidera Condition féminine Canada à mettre au point des lignes directrices et des outils pour aider les évaluateurs de programmes qui œuvrent dans tous les ministères au sein du gouvernement à cerner les répercussions sur les sexes lorsqu'ils évaluent le rendement des programmes actuels avant leur renouvellement.
De plus, puisque nous savons que la réglementation fédérale a un impact différent sur les deux sexes au sein de la société canadienne, nous formerons les analystes de la réglementation du SCT afin qu'ils poussent les ministères et les organismes à réaliser des ACS — lorsqu'il est pertinent de le faire — dans le cadre du processus d'élaboration de la réglementation fédérale.
Pour mesurer les progrès, le SCT déterminera la mesure dans laquelle les constatations des ACS influeront sur les processus décisionnels du Conseil du Trésor de septembre 2016 à juin 2017. Nous allons commencer à communiquer ces constatations aux ministères et à Condition féminine afin de soutenir leur approche en matière de surveillance. Pour y arriver, nous allons aussi fournir une séance d'orientation aux nouveaux ministres du Conseil du Trésor qui se joignent au comité du Cabinet. Cette séance portera sur la valeur, les constatations et les conclusions des ACS pour étayer les processus décisionnels et les présentations au CT qui s'y prêtent.
Monsieur le président, le Secrétariat du Conseil du Trésor est déterminé à travailler en collaboration avec ses partenaires pour améliorer la présentation aux décideurs d'options en matière de politiques et de programmes qui sont éclairées, fondées sur des données probantes et équitables pour les deux sexes afin de mieux servir les Canadiens. Vos commentaires sont les bienvenus. Merci.
Le président : Merci beaucoup. Les 30 dernières minutes ont été très instructives et contribueront grandement à notre étude.
Pour commencer, je tiens à rappeler qui est la force motrice derrière notre étude et je céderai ensuite la parole à notre vice-présidente, la sénatrice Ataullahjan.
La sénatrice Nancy Ruth a beaucoup travaillé sur ce dossier. Elle est très humble et est dotée d'un esprit fort. C'est elle qui posera des questions en premier.
La sénatrice Nancy Ruth : Merci, monsieur le président. Merci à vous tous d'être là. C'est gentil de votre part de revenir et de vous soumettre sans cesse au même processus.
J'ai de la difficulté à comprendre : est-ce obligatoire pour tous les ministères? On dirait que tout le monde offre de la formation — même le Conseil du Trésor —, et que les intervenants du BCP le font aussi. Rien n'a été dit au sujet du budget qui est élaboré actuellement. J'aimerais assurément savoir de quelle façon vous affectez les fonds d'avance pour que ces personnes puissent faire leur travail. Je peux vous dire une chose que j'aimerais bien qui soit incluse.
Je ne suis pas sûre de comprendre si c'est obligatoire. Qui est responsable? Vous avez tous certaines responsabilités, mais, au bout du compte, si nous voulons tirer sur les leviers du pouvoir, vers qui faut-il se tourner? Faut-il parler à chacun d'entre vous? Il doit y avoir un responsable dans ce dossier. Je veux savoir qui est le chef. J'aimerais bien que tous les documents dont vous avez parlé soient fournis au greffier : vos listes de vérification et tout le reste. J'aimerais les consulter. Si vous pouviez tous le faire, je vous en serais très reconnaissante.
Commençons ici, et on verra où cela nous amène. Est-ce obligatoire et qui est responsable?
Mme Akman : Je vais commencer, mais, bien sûr, j'invite mes collègues à ajouter leur grain de sel.
La réalisation d'ACS est un engagement pris en 1995, depuis la signature du Programme d'action de Beijing. Pour ce qui est de savoir si c'est obligatoire, il faut faire une distinction : l'élaboration de politiques est-elle obligatoire, et la formation est-elle obligatoire? En fait, beaucoup de personnes nous demandent si la formation en tant que telle est obligatoire.
Pour ce qui est de la formation, de plus en plus de ministères l'exigent, comme le BCP et — si je m'abuse — le SCT, qui l'a fait récemment. C'est assurément obligatoire au sein de Condition féminine, et de nombreux autres ministères l'exigent aussi, y compris, cette année, par exemple, ISDE. En effet, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a rendu la formation obligatoire, et près de 4 000 employés ont donc suivi la formation sur l'ACS en un mois. La formation est de plus en plus obligatoire.
Pour ce qui est de l'élaboration de politiques, ce qui fait en sorte que c'est obligatoire — comme mon collègue du BCP l'a mentionné —, ce sont les modèles que tous les bureaucrates doivent remplir, le mémoire au Cabinet, lorsqu'ils élaborent une nouvelle politique. L'obligation s'appliquera aussi aux changements législatifs, mais, pour ce qui est des politiques qui sont élaborées, l'ACS fait partie du processus, et nous tous, au sein de Condition féminine, travaillons très dur actuellement — nos téléphones ne dérougissent pas — pour aider les ministères à réaliser les meilleures ASC possible. Nous leur fournissons des directives dans tous les domaines, comme la défense, les sciences, l'économie et les programmes sociaux, bien sûr.
Pour ce qui est de la responsabilité, nous nous sommes penchés sur la question de la responsabilité exécutive et de la responsabilisation dans le cadre de notre Plan d'action sur l'ACS. Plus les dirigeants se mobilisent, mieux le processus sera appliqué à l'échelle du gouvernement.
Quelqu'un veut-il ajouter quelque chose?
M. Daigle : Je peux peut-être ajouter quelque chose. En ce qui concerne l'élaboration des politiques, il est maintenant évident que tous les ministres qui veulent présenter une nouvelle proposition au Cabinet doivent avoir réalisé une ACS. Nous avons des documents et des outils qui les obligent à approuver en signant et à utiliser une liste de vérification qui confirme qu'ils ont effectivement réalisé une telle analyse, mais, qui plus est, ils doivent préparer une annexe et fournir aux autres ministres autour de la table les résultats de leur analyse. Il faut le faire dans le cadre de toutes les nouvelles propositions soumises au Cabinet.
La sénatrice Nancy Ruth : Est-ce dire que le BCP fait régner l'ordre, si je peux m'exprimer ainsi?
M. Daigle : Oui.
La sénatrice Nancy Ruth : Lorsque vous dites que chaque mémoire au Cabinet doit être assorti d'une analyse, l'exigence s'applique-t-elle à chaque poste du budget?
M. Daigle : L'obligation concerne les nouvelles propositions. Si vous examinez les lettres de mandat — qui sont maintenant publiques —, tout ministre qui présente une proposition sur la violence fondée sur le genre, par exemple, ou, comme l'année dernière, l'engagement du gouvernement à l'égard des réfugiés syriens, eh bien lorsque ce ministre présente une proposition et veut dépenser des fonds dans le cadre d'une initiative quelconque ou encore proposer une nouvelle loi ou de nouveaux programmes, il doit réaliser une analyse comparative entre les sexes et dire aux ministres : « Nous allons procéder de telle ou telle façon et voici ce que seront les répercussions » ou « Étant donné les répercussions, nous allons plutôt procéder de telle ou telle autre façon ». Tous les ministres doivent réaliser une telle analyse, et, à l'avenir, ce sera un des éléments du processus pour tous les nouveaux programmes et toutes les nouvelles politiques ou nouvelles lois.
Pour ce qui est du budget — vous m'avez posé une question sur le budget —, toute nouvelle proposition liée à un projet de budget ayant pour effet de créer une nouvelle loi, un nouveau programme ou une nouvelle politique devra être assortie d'une analyse comparative entre les sexes avant que le Cabinet donne son aval. Puis, une fois l'approbation obtenue, les responsables se tourneront vers le Conseil du Trésor pour obtenir les fonds.
La sénatrice Nancy Ruth : Je veux être sûre de comprendre : vous vous occupez de la formation, et le Conseil du Trésor encourage un niveau plus élevé de perfectionnement, surtout auprès de certains cadres?
Mme LaFontaine : Madame la sénatrice, me permettez-vous d'aborder la question d'un autre angle?
La sénatrice Nancy Ruth : Oui, allez-y.
Mme LaFontaine : Je vais reprendre là où François s'est arrêté. Nous aurions peut-être dû être plus clairs dans nos déclarations. Tout nouveau projet passe par le processus du BCP, de discussions au cabinet, du financement octroyé par l'intermédiaire du budget et par le Conseil du Trésor. À chaque étape, nous consultons l'analyse comparative entre les sexes réalisée pour s'assurer que nos choix et décisions stratégiques sont appropriés et fondés sur des données probantes.
Je dirais que, au niveau du Cabinet, nous n'avons peut-être pas autant de renseignements au sujet des répercussions d'un programme, mais certains travaux sont bel et bien réalisés. À l'étape du Conseil du Trésor, nous nous intéressons vraiment aux questions liées à la mise en œuvre — comment, quand, quoi, pourquoi et combien — et nous obtenons des renseignements beaucoup plus précis avant que le Conseil du Trésor n'accorde l'approbation de dépenser des fonds.
Est-ce que ma réponse vous aide à comprendre le cycle?
La sénatrice Nancy Ruth : Tellement de gens s'occupent de tellement de choses, et on a eu droit à 21 ans de dysfonctionnement ou de fonctionnement minimal et à deux rapports de vérificateurs généraux. Nous tous, nous continuons de travailler sur cette question. Je crois que, en tant que parlementaires, nous avons une responsabilité dans ce dossier. Selon vous, serait-il possible que, lorsque le projet de loi est déposé, il soit accompagné d'une ASC, afin que les parlementaires puissent aussi la voir?
M. Daigle : Ce n'est pas une exigence actuellement, mais il ne fait aucun doute que, lorsque les projets de loi sont étudiés par les comités, les membres des comités posent ces questions et ces documents peuvent leur être fournis à ce moment-là.
La sénatrice Nancy Ruth : Selon vous, est-ce que cela devrait être la responsabilité des fonctionnaires — comme vous et d'autres qui comparaissent devant tous les comités du Sénat et de la Chambre des communes — de se présenter en ayant en main l'ACS associée au sujet dont ils parleront? Pourrait-on encourager une telle pratique?
M. Daigle : Ce pourrait être encouragé. Au bout du compte, les ministres qui présentent les propositions, les projets de loi, les politiques ou les programmes seront responsables de la proposition. Ils seront soutenus par les ministères. S'il y a un important enjeu lié à l'analyse comparative entre les sexes, ils vont probablement être accompagnés de représentants qui possèdent une expertise dans le domaine afin qu'ils puissent répondre aux questions.
La sénatrice Nancy Ruth : Et si ce n'est pas important, ils ne s'en font pas?
M. Daigle : Si ce n'est pas important, ils doivent quand même dire au Bureau du Conseil privé qu'ils ont réalisé une analyse comparative entre les sexes. Si l'analyse indique qu'il n'y a pas d'enjeux liés au sexe, ou que l'enjeu est mineur, alors la question ne sera pas soulevée devant les comités, et les ministres n'amèneront probablement pas leurs représentants avec eux.
Mais ce ne sont pas toutes les nouvelles initiatives...
La sénatrice Nancy Ruth : Permettez-moi de vous interrompre. J'ai écouté un merveilleux discours de la sénatrice Omidvar hier. Le discours offrait un point de vue sur un projet de loi du gouvernement qui, définitivement, a laissé de côté un très grand nombre d'enjeux liés à l'ACS+. Si on ne nous permet pas de regarder ce que vous avez fait et ce que nous — dans notre grande sagesse, nous en avons pour 60 ou 70 ans — nous aurions peut-être des suggestions à vous formuler. Selon moi, ce n'est pas approprié que les fonctionnaires et les ministres ne l'apportent pas, parce que nous aurions peut-être quelque chose à ajouter sur cette question.
La sénatrice Ataullahjan : Plus tôt ce mois-ci, les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux se sont réunis à Edmonton pour parler, entre autres, d'accroître l'utilisation de l'ACS dans le cadre des processus décisionnels afin d'en faire un outil central pour promouvoir l'équité des sexes.
Il a été déclaré que, lorsqu'ils discutaient des façons d'améliorer la mise en œuvre, le ministre a entendu parler de stratégies novatrices utilisées par les gouvernements du Yukon et du Québec qui consistent à définir des indicateurs de l'égalité des sexes pour faire un suivi des progrès liés à cette question.
Savez-vous quelque chose au sujet de ces stratégies? Pouvez-vous nous en parler un peu?
Mme Akman : Je n'entrerai pas trop dans les détails. Oui, nous étions à Edmonton il y a environ deux semaines dans le cadre de la réunion fédérale-provinciale-territoriale avec les ministres de la Condition féminine, et les représentants du Yukon et du Québec ont bel et bien présenté des exposés. Dans le cadre de l'élaboration de ces outils d'analyse comparative entre les sexes, le Yukon a beaucoup mis l'accent sur les points d'intersection. Comme vous l'avez mentionné, le Québec met davantage l'accent sur l'élaboration d'indicateurs.
Nous planifions un certain nombre d'activités différentes qui nous permettront de continuer à communiquer de l'information avec nos collègues provinciaux et territoriaux au cours de la prochaine année en vue de la prochaine réunion des ministres FPT de la Condition féminine. Cela inclura une série de téléconférences nous réunissant.
Puis, d'un autre côté, nous discutons actuellement de mettre à jour nos propres outils en ligne sur l'ACS pour inclure les questions liées à l'identité. Nous avons invité nos collègues des PT à se joindre à nous dans le cadre de ces discussions.
Je ne me sentirais pas à l'aise d'essayer de présenter leurs initiatives plus en détail, mais nous avons des plans visant à communiquer l'information et à nous assurer que nos outils et nos cours de formation sont le plus à jour et le plus créatifs possible.
Vaughn Charlton, gestionnaire, Analyse comparative entre les sexes, Condition féminine Canada : Je tiens seulement à ajouter que, pour commencer, nous dialoguons constamment avec nos homologues PT. J'ai récemment participé à une téléconférence avec les représentants du Québec. Ils voulaient savoir eux aussi ce que nous faisions. C'est un dialogue continu avec les provinces et les territoires. J'ajouterais que nous essayons toujours d'apprendre les uns des autres en ce qui a trait à l'approche à préconiser. Ce sont des partenariats très serrés, et nous continuerons à travailler en collaboration avec nos partenaires des provinces et des territoires.
Mme Akman : Je crois que nous pouvons fournir des documents après la réunion — comme c'est le cas devant les comités parlementaires —, alors nous nous assurerons de vous fournir de l'information au sujet de leurs stratégies après la réunion.
[Français]
La sénatrice Gagné : Ma question découle d'un commentaire que vous avez formulé dans votre présentation, Madame Lafontaine, sur le fait que vous étiez championne de ce processus. Je me demande si vous êtes organisés pour avoir des champions dans chaque ministère. J'aimerais savoir aussi comment vous constituez vos équipes de façon à assurer cette intégration?
Je vous laisserai répondre à ma question. Par la suite, je traiterai des meilleures pratiques dans les ministères et je clarifierai ma deuxième question.
Mme Lafontaine : Je vais répondre à la première partie de votre question et je laisserai mes collègues de Condition féminine Canada répondre à la deuxième partie.
J'aimerais vous expliquer mon rôle à titre de championne au Secrétariat du Conseil du Trésor.
[Traduction]
Tous les champions doivent comprendre ce qui se passe au sein d'un ministère et connaître les domaines où les ACS sont nécessaires afin de prendre de bonnes décisions en matière de programme. Au Conseil du Trésor, notre rôle est d'évaluer les présentations d'autres ministères. Nous mettons vraiment l'accent sur le travail de nos analystes, afin qu'ils comprennent ce que font les ministères qu'ils soutiennent et qu'ils communiquent avec leurs champions de l'ACS.
En tant que championne du Conseil du Trésor, mon travail consiste à m'assurer que ces analystes de programme sont formés et qu'ils comprennent leur rôle. En outre, au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor, je dois m'assurer du bon fonctionnement des outils et des annexes, dont j'ai parlé dans mes notes, en ce qui a trait à l'analyse comparative entre les sexes et à la façon dont cette analyse s'inscrit dans la fonction de remise en question du Conseil du Trésor, et ce, chaque fois qu'une présentation est soumise au Conseil du Trésor.
Je suis aussi responsable de promouvoir l'ACS à l'échelle du SCT. Chaque fois que de nouveaux analystes ou de nouveaux cadres supérieurs entrent en poste, je leur parle de leur rôle et la façon dont il s'inscrit dans notre processus. Je travaille aussi avec d'autres collègues d'organismes centraux pour m'assurer que ce que nous faisons au sein du SCT soutient aussi le reste de l'infrastructure gouvernementale ou la « machinerie » — comme vous en avez parlé — en ce qui a trait à l'inclusion de l'ACS dans tous nos engagements.
Je dirais que le travail de tous les autres champions de l'ACS dans tous les autres ministères du gouvernement consiste vraiment à comprendre quels sont les besoins en matière d'ACS au sein de leur ministère à la lumière du mandat à réaliser; ces besoins varient d'un ministère à l'autre, comme nous avons tenté de vous l'expliquer.
[Français]
La sénatrice Gagné : Est-ce qu'il y aurait quand même des gens nommés dans chaque ministère justement pour jouer ce rôle?
Mme Lafontaine : Et votre deuxième question?
La sénatrice Gagné : Évidemment, certains ministères performent sans doute mieux que d'autres. Comment est-on en mesure d'aller chercher les pratiques exemplaires des ministères qui performent bien pour mieux transférer ces connaissances et ces méthodes aux autres?
Mme Akman : Je commencerai à répondre et je partagerai mon temps de réponse avec ma collègue, Mme Charlton. Si je comprends bien, la question est à savoir quels ministères ont les meilleures pratiques d'application et pas nécessairement quels sont les meilleurs exemples. Pour ce qui est des meilleures pratiques, il y a les ministères qui disposent déjà de beaucoup de données. On peut penser, par exemple, à Santé Canada.
En raison des impacts directs des politiques de la santé sur la population, le ministère a consacré de nombreuses ressources à la cueillette de renseignements, à la recherche, et cetera, et au processus de l'ACS au sein du ministère. En outre, le ministère de la Défense a engagé des gens d'expertise, notamment les membres de notre équipe. Nous avons comme mission d'examiner en profondeur la mise en œuvre du processus d'ACS au sein des politiques des ressources humaines et dans les opérations. Cela comprend le type d'équipement qu'utilise le ministère de la Défense pour aider les femmes à accomplir leurs tâches.
Le ministère de l'Immigration est le seul qui a intégré des mesures législatives au chapitre de l'ACS. D'ailleurs, son rapport annuel sur les niveaux d'immigration comporte une section sur l'ACS. Ce ministère dispose des ressources nécessaires en recherche et un processus plus approfondi pour accomplir le travail. Certains ministères ont des niveaux plus élevés que les autres, mais tous travaillent très fort.
Notre équipe reçoit beaucoup d'appels téléphoniques. Heureusement, le budget de 2016 prévoyait des ressources supplémentaires pour mettre en place l'ACS au sein du ministère de la Condition féminine. Il y a un grand intérêt de la part des ministères. Nous avons tenu une réunion interministérielle la semaine dernière à laquelle ont participé 65 personnes. Auparavant, 15 ou 20 personnes tout au plus auraient participé à cette réunion. Le gouvernement manifeste un grand intérêt en faveur de l'ACS.
Mme Charlton : J'aimerais aussi parler du ministère des Ressources naturelles. Je m'exprimerai en anglais, étant donné que cela fait référence à la question qu'avait posée la sénatrice Ruth.
[Traduction]
Ressources naturelles Canada a élaboré un modèle d'ACS ou un processus lié à ses postes budgétaires en vertu duquel le ministère réalise une ACS pour chacun de ces postes. C'est assurément une mesure que nous n'avons vu aucun autre ministère prendre dans le passé. C'est propre à Ressources naturelles Canada, mais c'est en train de devenir une pratique exemplaire, et nous espérons que d'autres ministères l'adopteront de façon à ce que le processus d'ACS s'enclenche automatiquement lorsqu'il est question des postes budgétaires. Cette mesure fait maintenant partie intégrante des processus internes du ministère.
Renée a souligné le fait que l'ACS peut être réalisée à toutes ces étapes. Cependant, ce que nous avons fait, c'est de vraiment cerner précisément quelles devraient être ces étapes. Une de ces étapes, c'est lorsqu'on envisage d'intégrer un nouveau poste dans le budget et qu'on justifie la nécessité d'un nouveau poste budgétaire ou la présentation d'une nouvelle proposition : il faudra assortir toutes ces propositions d'une ACS. Nous espérons que d'autres ministères adopteront ce modèle.
La sénatrice Omidvar : Cela me fascine. J'aurais aimé que mon personnel et moi adoptions un point de vue lié aux sexes à l'égard du projet de loi que j'ai présenté hier. Selon moi, si on l'avait fait, le projet de loi aurait été un peu différent.
J'aimerais bien savoir de quelle façon le Sénat et le personnel du Sénat pourraient avoir accès à certaines de ces choses à l'avenir. Nous demandons à d'autres entités de faire certaines choses, mais nous pourrions aussi appliquer nous-mêmes cette idée. J'aimerais bien suivre une formation sur l'ACS+. J'aimerais aussi que mes employés la suivent. J'aimerais savoir comment faire.
J'ai une question précise pour notre collègue du Conseil privé. Si je ne m'abuse, vous avez dit que toutes les propositions soumises au Cabinet doivent être assorties d'une analyse ACS+. C'est exact?
M. Daigle : C'est exact.
La sénatrice Omidvar : Quelle est la structure de responsabilisation? Comment savoir si c'est fait? Y a-t-il un rapport qui est produit pour indiquer que c'est fait?
M. Daigle : J'ai mentionné le nouvel outil que nous avons adopté et qui exige que chaque sous-ministre adjoint de chaque ministère approuve en signant un document; c'est un outil fondé sur des données probantes qui confirme qu'une ACS a été réalisée.
On vient tout juste de commencer à utiliser l'outil en septembre. Nous allons recueillir l'information et nous pourrons ensuite produire un rapport et nous faire une idée de qui le fait, qui ne le fait pas, qui le fait bien et qui le fait mal. Je pourrai fournir ce document au greffier par la suite.
La sénatrice Omidvar : Ce serait parfait. C'est important. Le processus est important, et beaucoup de formation et de cases à cocher.
J'aimerais bien que vous nous montriez rapidement comment tout s'enchaîne. Donnez-moi un exemple d'une politique ou d'une loi qu'on a modifiée en raison des travaux réalisés relativement à l'ACS ou à l'ACS+, préférablement dans un domaine non traditionnel, pas l'Immigration, mais peut-être plutôt la Défense. J'aimerais savoir ce qui a changé au bout du compte.
Mme Akman : Je peux vous parler du financement de l'infrastructure. Mon collègue est celui qui a travaillé en collaboration avec Défense nationale, alors je lui céderai la parole après.
Comme tout le monde le sait, le financement de l'infrastructure est une importante initiative du gouvernement actuel. Nous avons travaillé avec Infrastructure et l'ensemble des ministères en cause pour leur fournir des renseignements sur l'analyse comparative entre les sexes et les besoins des différents groupes, tandis qu'ils préparaient les propositions en question.
Il est vrai que nous avons mis l'accent le plus marqué sur la question du logement. Nous nous intéressons beaucoup actuellement à la Stratégie nationale sur le logement, qui fait l'objet de vastes consultations partout au pays. Nous le faisons parce qu'il est indiqué dans la lettre de mandat de notre ministre — et à quelques autres endroits aussi — qu'aucune femme qui fuit la violence ne devrait se retrouver en n'ayant nulle part où aller. Nous avons mis beaucoup d'accent sur les refuges, les maisons de transition et les mesures de soutien liées à l'approche globale requises dans ce dossier.
Nous aimerions qu'ils continuent de faire partie du processus de financement des infrastructures sociales à l'avenir. Nous avons travaillé en collaboration avec nos intervenants, y compris dans le Nord, où il y a de réelles lacunes en matière d'analyse et d'information au sujet des besoins touchant les refuges et d'autres types de mesures de soutien à l'intention des femmes qui fuient la violence, tant dans le Nord que dans les régions rurales. Nous avons trouvé ces renseignements et les avons fournis aux ministères en cause.
Durant la première phase du financement des infrastructures, les efforts se sont soldés par la construction de nouveaux refuges et de nouvelles formes d'habitation. Dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement — pour ceux d'entre vous qui ont suivi ce dossier —, on a mis en place une stratégie de consultation en ligne et en personne extrêmement proactive. Il y a eu entre autres de nombreuses tables rondes durant l'été, mais il y a eu des tables rondes qui portaient précisément sur la question des femmes qui fuient la violence et les logements pour Autochtones.
Lorsque je parle d'ACS+, bien sûr, sachez que nous prenons le « plus » au sérieux aussi, mais les intervenants ont adopté un point de vue intersectionnel.
Ce n'est qu'un exemple où le processus permettra de répondre à un besoin criant. Il y a plus de 300 femmes et enfants par jour qui se présentent dans des refuges et qui sont refusés en ce moment au Canada. On répondra à un important besoin et le fait que nous puissions travailler en collaboration avec nos collègues et qu'ils aient le mandat de travailler avec nous permettra de vraiment changer la donne. À une époque, il était difficile de se faire rappeler lorsqu'on appelait Infrastructure Canada, mais, en ce moment, comme je l'ai dit, nous sommes populaires.
Le président : Voulez-vous dire quelques mots au sujet de la Défense?
Mme Charlton : Je pourrais vous en parler brièvement.
Nous avons été consultés au cours de la dernière année. Je ne sais pas si vous le savez, mais le chef d'état-major de la Défense a émis une directive en janvier en vue de la mise en œuvre complète de l'ACS. C'est la façon dont le ministère donne suite à l'engagement associé à la résolution sur les femmes, la paix et la sécurité du Conseil de sécurité des Nations Unies.
En travaillant en collaboration avec eux, nous avons pu — dans une certaine mesure — leur montrer que, plutôt que de s'engager de façon générale à intégrer la « dimension de genre », un terme en vogue à l'échelle internationale, un bon point de départ pour eux serait de s'engager à l'égard de l'ACS en veillant à renforcer les compétences de leur personnel.
Je dirais qu'ils commencent à mettre en œuvre cette directive, mais c'est l'un des ministères qui ont rendu notre formation obligatoire pour de grands pans des membres des Forces armées canadiennes.
Nous n'avons pas travaillé en collaboration avec le ministère. Nous nous en sommes vraiment tenus aux forces armées jusqu'à maintenant. Je crois que leur intention est de former des dizaines de milliers de personnes au cours de la prochaine année. Ils ont été très gentils avec nous, et ils mettent en place cette mesure lentement afin que nous puissions suivre le rythme en ce qui a trait au suivi et à ce genre de choses. Restera à voir les résultats.
Cependant, un bon exemple qui me vient à l'esprit concerne certains travaux que nous avons réalisés avec la GRC. La Gendarmerie possède des équipes-chocs, ce que, au Canada, nous appelons des équipes d'intervention d'urgence, et, au sein de ces équipes, il n'y a jamais eu qu'une seule femme, ce qui est très intéressant. D'autres services de police comptent des femmes au sein de leurs équipes d'intervention d'urgence, mais pas la gendarmerie, alors elle a réfléchi à son processus de recrutement pour s'assurer que le processus n'était pas indûment prohibitif à l'égard des femmes.
Nous avons pu l'aider à approfondir sa réflexion. Bien sûr, on peut examiner le tout et constater toutes les façons dont le processus peut être injuste, s'il s'agit de simplement inviter son ami à se joindre à l'équipe. Dans une telle situation, si on ne fait pas partie de ces réseaux officieux, c'est problématique. Cependant, nous avons demandé aux représentants de la gendarmerie d'examiner en fait leurs descriptions de travail, pas seulement le processus, mais de quelle façon ils décrivent le travail qui est fait et ce que cette description sous-entend quant à savoir qui peut faire ce travail. Si un seul type de personne fait le travail, alors on décrira les tâches d'une façon précise. Y a-t-il d'autres façons de commencer à décrire différemment le travail afin d'avoir un plus grand impact?
C'est l'un des exemples les plus tangibles de la façon dont nous avons pu adopter un point de vue extérieur afin d'aider l'organisation à approfondir sa réflexion. Oui, on peut éliminer les problèmes de surface, des problèmes au sujet desquels tout le monde dirait : « C'est mal et c'est discriminatoire », mais nous tentons d'aider les ministères à creuser davantage.
Tandis que les forces armées poursuivent le processus qu'ils ont enclenché, nous allons obtenir beaucoup de bons exemples, parce qu'un des domaines d'action qu'elles ont cernés, c'est l'examen de leurs politiques d'approvisionnement en adoptant une perspective sexospécifique. Je ne possède aucune expertise en la matière, mais ce pourrait être intéressant d'inviter certains de nos collègues dans ce ministère pour en parler. Mais sachez que nous allons garder la situation à l'œil à l'avenir.
La sénatrice Andreychuk : Pour commencer, je vais formuler quelques commentaires.
L'analyse comparative entre les sexes est une méthode curieuse. Tout a commencé il y a environ 20 ans, probablement en désespoir de cause, parce qu'on voulait intégrer les besoins des femmes. Au sein d'une démocratie, il est évident que les services gouvernementaux sont censés répondre aux besoins des femmes, et les femmes disaient : « On ne tient pas compte de nous. » C'est donc l'outil que nous utilisons depuis 20 ans.
En même temps, nous avons aussi adopté la Charte canadienne des droits et libertés, et nous avons affirmé que tous nos droits étaient importants et qu'il faut les enchâsser dans ce document.
Il y a donc eu l'analyse comparative entre les sexes, les droits prévus dans la Charte et un paquet d'autres choses. Et même notre comité a laissé entendre qu'il fallait adopter le point de vue des enfants, parce que ce sont les seuls qui n'ont pas le droit de voter. Leurs opinions ne sont pas entendues.
Ma préoccupation, c'est que c'est très bureaucratique. Cela s'inscrit très bien dans la structure bureaucratique. Une autre case à cocher, un autre projet. Il y a beaucoup d'activités, mais est-ce productif pour les personnes qu'il faut servir?
En ce qui a trait à la Charte canadienne des droits et libertés, nous nous sommes penchés sur cette question, nous savons que les cases à cocher sont toujours là. Par conséquent, certaines des suggestions formulées, c'est que, si nous ne changeons pas la culture, cette analyse ne donnera aucun résultat et restera uniquement un moyen d'arriver à une fin.
De quelle façon la culture change-t-elle afin que nous puissions nous affairer à répondre aux besoins des gens? Vous savez, 50 p. 100 des citoyens sont des femmes, et il faut répondre à leurs besoins. Il faut changer la culture et mettre en place des gens qui comprennent les besoins des femmes, qui y vont d'instinct et qui ne font pas seulement que cocher une case. Ou est-ce là un futur encore lointain?
Mme Akman : En ce qui concerne le changement de culture, ai-je raison de présumer que vous parlez des bureaucrates?
La sénatrice Andreychuk : Je pense que vous pouvez mettre aussi les politiciens et les ministres dans le même lot, et les sénateurs aussi.
Mme Akman : Surtout au cours, disons, des six derniers mois environ, puisque nous avons comparu devant le Comité des comptes publics, et maintenant ici, et en réaction à ces rapports, nous avons nous-mêmes réfléchi à la façon de concrétiser les choses. Nous avons eu des discussions sur la possibilité de rendre le processus obligatoire de différentes façons.
Cependant, je crois que tout le monde sera d'accord avec vous : un changement de culture est l'un des ingrédients nécessaires. Il doit y avoir du leadership, et ce rôle revient de toute évidence au gouvernement. C'est dans la lettre de mandat de notre ministre, et cela vient du premier ministre et d'autres instances : le désir de réaliser des analyses comparatives entre les sexes qui sont appropriées et de ne pas tout simplement continuer de faire ce qu'on faisait dans le passé et de cocher des cases ici et là. Dans le dernier modèle des mémoires au Cabinet, ce thème tenait en un paragraphe dans la rubrique des considérations : c'est un exercice qu'on réalisait à la fin du processus d'élaboration des politiques plutôt qu'au début.
Tout cela... Les outils sont en place, mais leur rôle est de soutenir les dirigeants et les messages que nous transmettent les bureaucrates, c'est-à-dire qu'il faut prendre cette question au sérieux. Pour prendre cette question au sérieux, il faut réfléchir à la question des sexes au début du processus afin qu'on ne puisse pas tout simplement dire : « Oh, je n'ai pas eu assez de temps. Nous sommes très occupés. » Dorénavant, ce ne sera plus suffisant parce que, grâce à l'analyse dont François a parlé, il faudra prouver au Bureau du Conseil privé que le travail a été fait.
Ce que les ministres du Cabinet verront peut-être — et on pourrait peut-être en fournir des parties aux sénateurs —, c'est une version rationalisée de l'analyse, mais les ministères sont censés avoir en leur possession un rapport complet qui décrit l'analyse comparative entre les sexes minutieuse qui a été réalisée.
Pour ce qui est de la question de savoir en quoi le processus permettra de vraiment changer les choses, j'imagine que la réponse, c'est que la situation est un peu compliquée, mais que le leadership a déjà changé, que les outils et les processus que les bureaucrates et les fonctionnaires fédéraux utilisent sont en place et que la formation sur l'ACS sera offerte au plus grand nombre de personnes différentes dans le plus grand nombre de ministères possible.
En ce qui a trait au changement de culture, j'ai beaucoup travaillé auprès du MDN, des Forces armées canadiennes, de la GRC et d'autres ministères, et je peux vous dire que c'est un processus et qu'il ne fait aucun doute qu'il est en cours.
À Condition féminine, nous sommes un centre d'excellence, mais nous nous tentons de rappeler le plus souvent possible aux autres intervenants qu'il ne faut pas nous ghettoïser. Certains ministères tentent encore de nous faire faire leur travail pour eux. Nous sommes là pour les soutenir, mais la responsabilité revient à chaque ministère et à la haute direction de chaque ministère. Le processus ne doit pas être centralisé à un seul endroit. Ce n'est pas à nous de réaliser tous les programmes à l'intention des femmes et de voir à l'élaboration de toutes les politiques connexes. Nous voulons que cette question soit abordée à tous les niveaux : c'est ce qu'il faut faire.
La sénatrice Hubley : J'ai écouté vos exposés, et il est évident que nous les avons appréciés. Ma question est destinée à Condition féminine : vous avez parlé de votre centre d'excellence et des travaux que vous faites pour transmettre vos connaissances. Qui est le chien de garde dans le dossier des analyses comparatives entre les sexes? Si vous constatez qu'il y a une lacune relativement à ce que vous proposez, y a-t-il quelque chose que vous pouvez faire pour communiquer avec vos partenaires et leur souligner le problème, leur dire que les choses changent dans un domaine précis? Avec quelle rapidité cela peut-il se produire?
Mme Akman : Je vais répondre rapidement à votre question, et mes collègues pourront peut-être prendre le relais.
Pour ce qui est de la question du chien de garde et celle de savoir qui est responsable : c'est nous tous. C'est pour cela que nous sommes ici. J'espère que je ne parle pas à tort et à travers, mais nous examinons chaque mémoire au Cabinet et nous examinons toute l'organisation du Cabinet actuellement avec notre petite équipe stratégique, et, lorsque nous constatons une omission flagrante, nous communiquons avec le BCP et lui demandons de nous aider à mettre un peu de pression pour faire avancer les choses.
La sénatrice Hubley : Le vérificateur général a-t-il aussi un rôle à jouer dans le cadre de l'examen des ministères?
Mme Akman : Deux vérifications touchant l'analyse comparative entre les sexes ont été réalisées ces derniers temps, et on nous a dit — c'est la prérogative du bureau — qu'il n'y en aura pas d'autre avant un certain temps parce que les responsables se sont penchés sur la question de l'ACS et nous ont déjà dit ce qu'ils pensent. C'est maintenant à nous de passer à l'action.
Mme LaFontaine : J'aimerais ajouter quelque chose en ce qui a trait à l'identité du chien de garde : nous avons rendu l'analyse comparative entre les sexes obligatoire dans le cadre des présentations au Conseil du Trésor. Par conséquent, si l'analyse comparative entre les sexes est pertinente pour mettre au point un bon programme, nos directeurs généraux — mon SM, le président du Conseil du Trésor — peuvent dire en fait : « Cette présentation ne va pas de l'avant tant que nous ne voyons pas l'analyse. » Si la présentation se rend devant le Conseil du Trésor, les responsables peuvent dire : « Oui, je vais vous donner des fonds à condition que vous réalisiez une ACS et que vous reveniez nous voir avec les résultats. C'est seulement alors que nous approuverons le programme ».
Il y a divers freins et contrepoids dans le système actuel qu'on peut facilement utiliser pour vraiment faire avancer ce dossier.
Mme Akman : Au bout du compte, pour répondre à la question sur l'identité des chiens de garde, ce sont les ministres. Notre ministre s'est exprimée très clairement et, d'après nos discussions, elle continuera à beaucoup parler du besoin de réaliser de bonnes ACS.
La sénatrice Martin : Je vais poser deux questions. Merci de nous avoir présenté vos exposés et de nous avoir fait part de vos points de vue.
Revenons aux outils fondés sur des données probantes que nous avons récemment mis au point et appliqués. Au bout du compte, ce pourrait être une case à cocher ou dix cases. Le fait que la liste soit plus longue ne signifie pas nécessairement que l'outil est plus efficace. C'est ce qu'on pourrait croire, alors je suis heureuse de savoir que nous avons l'occasion d'examiner l'outil.
Je me questionne au sujet de l'outil en tant que tel : dans quelle mesure est-il exhaustif et dans quelle mesure permet- il de procéder à une vérification approfondie, et ce, dès le départ, dans le cadre d'un MC? Et de quelle façon l'outil est-il élaboré et qui s'en occupe? Avez-vous examiné de très bons exemples d'outils utilisés dans d'autres administrations? Où en sommes-nous à cet égard comparativement à certaines autres administrations?
Je m'intéresse à l'outil en tant que tel. Je veux l'avoir devant moi pour voir dans quelle mesure il est facile à remplir. Dans une certaine mesure, le fait qu'il puisse être rempli rapidement peut le rendre moins efficace, mais ce n'est pas toujours nécessairement mieux s'il est long. Je m'intéresse à l'élaboration de l'outil.
M. Daigle : Je vais vous fournir le document après la réunion. Ce n'est pas seulement l'ACS. Il y a beaucoup d'autres choses.
Ce que l'outil nous permet, c'est qu'il garantit que l'ACS a été réalisée. L'outil nous permet seulement de savoir si l'analyse a été réalisée ou non. Ensuite, nous avons travaillé avec les ministères pour vraiment comprendre l'analyse qu'ils ont réalisée.
L'autre chose que nous voyons dans un mémoire au Cabinet, c'est l'annexe où sont expliqués les résultats de l'analyse du point de vue de l'ACS. Cela nous permet de voir, après qu'ils ont réalisé leur analyse, quelles sont leurs conclusions.
Au sein du Conseil privé, si nous examinons l'ébauche de leur mémoire au Cabinet et que nous estimons que l'analyse n'est pas suffisamment détaillée, nos analystes sont formés et travailleront avec les ministères et demanderont à voir plus de choses pour s'assurer que l'analyse a été réalisée en bonne et due forme.
Au bout du compte, comme Justine l'a dit, ce sont les ministres qui sont responsables de cette question, alors il y aura une discussion sur ce mémoire au Cabinet dans la salle du Cabinet, et un ministre peut soulever ses préoccupations au sujet de l'analyse qui a été réalisée, qu'elle soit bonne ou pas assez bonne. Les ministres pourront déterminer ce qu'il faut faire à ce moment-là.
La sénatrice Martin : Madame LaFontaine, vous avez parlé d'un outil qui existe pour comprendre pourquoi certains groupes de Canadiens n'ont pas accès à la myriade de programmes qui existent ou n'arrivent pas à en bénéficier — vous avez mentionné l'exemple des hommes autochtones ou des mères célibataires à faible revenu; je m'intéresse au groupe de Canadiens pour qui la langue est le principal obstacle. C'est donc ni l'anglais ni le français, mais, que ce soit en raison de certaines pratiques culturelles — principalement la langue —, ils n'arrivent pas à avoir accès aux programmes simplement parce que c'est plus difficile pour eux de comprendre ce qui leur est offert.
Déploie-t-on plus d'efforts pour tenter de vraiment joindre ces groupes vulnérables qui ont des problèmes d'accessibilité en raison de la langue? Quel genre de ressources déploie-t-on? Et de quelle façon cela s'inscrit-il dans le processus d'analyse comparative entre les sexes?
Mme LaFontaine : Madame la sénatrice, c'est une très bonne question. Si nous revenons aux outils, nos outils au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor sont peut-être un peu plus détaillés, mais ils sont très similaires à l'approche que François vient de vous expliquer. Nous allons aussi vous les transmettre.
Cependant, notre outil concerne plus l'ACS mais ne sous-estimez pas les défis avec lesquels nous composons au sein du gouvernement pour ventiler les données au sujet des clients que nous servons en fonction de ces quatre ou cinq facteurs clés différents. Je peux vous dire que certains ministères — par exemple, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada — mettent beaucoup l'accent sur la langue, et on remarquera que les présentations soumises par ce ministère contiennent des renseignements sur les aspects linguistiques qui créent des obstacles pour les nouveaux immigrants et qui expliquent pourquoi le ministère a besoin de plus d'argent pour améliorer ses programmes linguistiques et ainsi de suite.
Ce n'est peut-être pas pertinent dans tous les ministères. La question des sexes est obligatoire. La liste des facteurs supplémentaires, comme la langue et l'ethnicité, a tendance à dépendre des activités réalisées par les différents ministères. Je ne veux pas sous-estimer à quel point il est difficile de désagréger les données pour réaliser une bonne ACS.
La sénatrice Martin : Je crois que la langue devrait être une préoccupation pour tous les ministères. Nous ne voulons pas distinguer ou séparer la situation des femmes et les travaux que vous réalisez indépendamment. Il faut réfléchir à cette question dans tous les ministères, mais c'est un autre sujet. Pour moi, les programmes que nous offrons sont excellents, mais ils ne sont vraiment pas accessibles à tout le monde, et je crois que la langue est l'un des problèmes évidents.
La sénatrice Nancy Ruth : J'ai deux questions. La première concerne le chien de garde. Je vous ai entendu dire que ce sont les ministres qui sont responsables.
Le Comité de la condition féminine, en collaboration avec un autre comité, a déposé un rapport qui portait sur la commissaire et le fait qu'elle ait des employés. Que pensez-vous de cette idée?
L'autre chose qui m'intrigue, c'est si vous travaillez dans... eh bien, ce n'est pas le ministère de la Défense. Peu importe qui vous êtes, lorsque vous examinez les structures, la formation, l'équipement et toutes ces choses, y a-t-il des liens avec la violence envers les femmes? C'est un problème majeur au sein de ce ministère. Comment faites-vous le lien entre l'ACS et une situation que tout le monde connaît, même le vérificateur général?
M. Daigle : Les ministères travaillent ensemble pour préparer une réponse à la recommandation du comité, et des conseils sont prodigués. Le tout sera transmis aux ministres, puis nous verrons de quelle façon ils réagiront à l'idée d'une commissaire. Je n'ai rien d'autre à vous dire à ce sujet. Je crois que c'est un travail en cours.
La sénatrice Nancy Ruth : Donc les sénateurs n'auront pas accès à cette information, tant que les ministres n'auront pas terminé.
M. Daigle : Oui. Nous allons devoir attendre que les ministres prennent une décision et formulent leur recommandation.
Mme Charlton : Vous m'avez posé une question très simple : quel est le lien entre leurs activités et la violence?
Dans les conseils que nous leur avons fournis, nous encourageons les Forces armées canadiennes à adopter une approche holistique pour la mise en œuvre de l'ACS.
Il y a déjà deux ou trois initiatives en cours. Vous êtes peut-être déjà au courant de l'opération HONOUR, concernant l'inconduite sexuelle. Les forces armées ont eu comme directive d'appliquer l'ACS, et travaillent sur une stratégie pour la diversité. Dans une certaine mesure, nous avons participé à tous ces efforts, mais d'une façon qui, selon moi, est beaucoup trop cloisonnée.
Lorsqu'il est question d'appliquer l'ACS aux opérations, l'objectif qui est visé est de révéler, grâce à l'analyse comparative entre les sexes, les préoccupations liées au sexe lorsqu'il va falloir interagir avec les populations locales à l'étranger. En outre, il faut aussi prendre en considération les hommes et les femmes ou les personnes de genres divers qui font partie des Forces armées canadiennes ainsi que ce qu'ils vont vivre dans les forces. Ces deux aspects doivent être jumelés pour être efficaces.
Il y a probablement des gens dans les forces armées qui n'apprécient pas, puisqu'ils ont tendance à vouloir étudier le problème en vase clos. Dans les faits, tout est très interrelié. Même lorsqu'il est question de matériel, d'équipement ou d'environnement, c'est toujours quelque chose d'important à prendre en considération.
Les forces ont beaucoup travaillé sur ces problèmes pour ce qui a trait au matériel et à l'équipement. Les mêmes choses se produisent dans les services policiers. Les outils utilisés peuvent envoyer un message subtil à propos de la place appropriée des personnes. Si la personne ne peut pas utiliser de façon sécuritaire l'arme à feu que vous avez choisie, vous lui dites d'une certaine façon que vous ne voulez pas de quelqu'un comme elle, que vous voulez quelqu'un d'autre. L'ASFC a d'ailleurs été confrontée à ce problème dans le cadre de son Initiative d'armement. Elle a choisi une arme à feu que beaucoup de personnes ne pouvaient pas utiliser correctement.
Voilà où la question de l'approvisionnement entre en jeu. Avant de conclure un énorme contrat d'approvisionnement, assurez-vous que les gens peuvent utiliser le matériel. Je doute que les femmes veuillent recevoir des pantalons pour hommes dans une taille plus petite. Il faut donner aux gens des choix qui leur permettent d'être à l'aise.
Ce n'est pas une réponse parfaite à votre question, mais je crois qu'il est important de mettre en place de bonnes conditions.
Le président : Merci beaucoup. J'ai trois courtes questions; vous n'avez pas à répondre aujourd'hui, mais vous pouvez les prendre en note : qui est responsable de l'instruction? D'où vient l'expertise connexe? Avons-nous assez d'instructeurs? Vous avez utilisé le terme plusieurs fois aujourd'hui. Je veux savoir de qui il s'agit et d'où vient leur expertise. Vu le mandat actuel du gouvernement, a-t-on besoin de nouveaux instructeurs pour répondre à l'étendue du programme?
D'ici là, je veux vous remercier d'être venue témoigner aujourd'hui. Il s'agit d'une question très importante, et nous sommes impatients de vous revoir, pas seulement dans ces conditions officielles, mais également dans un environnement informel, avec tous les autres sénateurs.
Nous poursuivons notre étude sur l'analyse comparative entre les sexes et accueillons Mme Kathleen Lahey. Mme Lahey est professeure de droit à l'Université Queen's. Elle est venue nous fournir ses conseils relativement à l'application de l'analyse comparative entre les sexes dans l'élaboration des politiques et lois fédérales.
Bienvenue au comité des droits de la personne.
Kathleen Lahey, professeure de droit, Université Queen's, à titre personnel : Merci beaucoup. Je dois dire que je suis très heureuse de voir que le Comité sénatorial des droits de la personne se penche sur la question d'une analyse comparative entre les sexes et du budget sexospécifique, vu que la tradition depuis très longtemps était de traiter les questions liées au genre comme s'il s'agissait, en quelque sorte, d'un sujet distinct des droits de la personne. Je crois que le fait que le comité se penche sur ces questions marque de façon très importante le rejet de cette séparation de facto entre les deux volets d'activités relatives aux droits de la personne. De fait, l'analyse comparative entre les sexes découle entièrement des premiers documents nationaux et internationaux qui reconnaissaient que la seule façon pour les femmes de jouir entièrement des droits de la personne passait par l'égalité entre les sexes.
Aujourd'hui, c'est avec enthousiasme que je suis fin prête à discuter avec vous des détails techniques de l'analyse comparative entre les sexes et des budgets sexospécifiques. Par-dessus tout, je suis aussi très motivée à vous en expliquer brièvement les origines ainsi qu'à vous expliquer pourquoi et comment de plus en plus de pays dans le monde y ont recours.
Il est souvent facile d'oublier le commencement des choses; c'est pourquoi je vais commencer mon exposé en vous rappelant un fait important : l'analyse comparative entre les sexes a été inventée au Canada par l'ACDI. Dans les années 1970, le Bureau de la main-d'œuvre féminine a commencé à mener des analyses sur diverses questions en fonction du sexe. Le processus a ensuite été officialisé, ce qui a, d'une certaine façon, facilement permis de promouvoir l'intérêt grandissant envers l'égalité entre les sexes. L'ACS a donc eu une influence assez marquée à l'échelon administratif. Parmi les mécanismes maintenant en vigueur les plus efficaces pour l'application de l'analyse comparative entre les sexes, les outils élaborés par l'ACDI et utilisés jusqu'au milieu des années 2000, vers 2005, étaient à la fine pointe du progrès. L'élaboration du Programme d'action de Beijing a d'ailleurs été éclairée par ce genre de processus.
À propos des origines de ce qui préoccupe les personnes mettant en œuvre de façon plus importante l'analyse comparative entre les sexes, il est important de comprendre un autre aspect crucial de l'élaboration. Dès que le Programme d'action de Beijing a été achevé et que le plan d'action du gouvernement fédéral a été mis en place, Condition féminine Canada a entrepris de travailler en très étroite collaboration avec les ministres provinciaux et territoriaux ainsi qu'avec Statistique Canada afin de mettre au point un excellent ensemble d'indicateurs de l'égalité entre les sexes. Les ministres responsables de la Condition féminine aux échelons fédéral, provincial et territorial ont produit ce qu'on appelle les « Indicateurs économiques de l'égalité », lesquels concernent les trois domaines du travail, de l'éducation et du revenu. Un certain nombre d'indicateurs mesurent les écarts entre les genres dans un grand nombre de dimensions relatives aux aspects de l'emploi, de l'éducation et du revenu qui touchent la vie des femmes et qui sont sous-jacentes, dans une grande mesure, à la discrimination et à l'inégalité dont elles sont victimes.
Cela représente une étape importante, puisqu'on a délaissé les questions d'égalité des sexes axées seulement sur le ministère au profit d'une approche holistique, une approche qui remet en considération toutes les formes et conditions de la femme afin de mettre en relief les problèmes fondamentaux qui perpétuent l'inégalité entre les sexes.
C'est un fait notoire que l'inégalité entre les sexes est un problème qui n'est toujours pas réglé, et ce, dans tous les pays du monde. Aucune femme, peu importe son revenu, son éducation, sa santé, son âge, son état matrimonial, son ethnicité, l'endroit où elle vit, que ce soit en ville ou en campagne, n'est l'égale des hommes qui l'entourent. Selon l'ensemble des indicateurs, les femmes sont toujours des citoyennes de seconde zone, en quelque sorte.
Avec ces trois domaines, Condition féminine Canada, Statistique Canada et les ministres aux échelons fédéral, provinciaux et territoriaux ont cherché à examiner la façon dont les trois domaines interagissaient de façon à renforcer, promouvoir et perpétuer mutuellement l'inégalité envers les femmes.
L'analyse comparative entre les sexes est issue de l'idée qu'il est possible d'examiner les points d'intersection entre les causes et les déterminants structuraux de l'inégalité entre les genres afin d'en faire ressortir les principaux éléments. Ensuite, l'analyse comparative entre les sexes permet de monter des programmes stratégiques visant à régler les problèmes. Donc, voilà qui résume les origines. Tout est très intégré sur le plan structurel.
Selon moi, je suis ici pour répondre à certaines questions clés. D'abord, à quelles fins procède-t-on à l'analyse comparative entre les sexes? Eh bien, l'objectif est d'éliminer toute forme de discrimination dont la cause est le sexe ainsi que l'ensemble des caractéristiques interreliées qui peuvent intensifier ou influencer la façon dont la discrimination sexospécifique se produit dans des circonstances précises.
À ce chapitre, je crois que l'ACS correspond pleinement à l'esprit et à la lettre de l'égalité entre les sexes prévue par la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que tous les autres codes nationaux sur les droits de la personne, le pacte international, c'est-à-dire la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes — on peut aussi dire CEDAW —, et elle est aussi complètement intégrée au vocabulaire, aux principes et aux normes sur lesquels reposent les principes relatifs aux droits de la personne, la Déclaration universelle des droits de l'homme de l'ONU et la Déclaration des Nations Unies sur les droits de peuples autochtones.
Tout devrait fonctionner de façon homogène. Chacun de ces systèmes devrait produire le même résultat. Le problème, c'est que ce n'est pas le cas. Pourquoi pas? Parce qu'il y a aussi une discrimination sexospécifique dans la façon dont on élimine la discrimination sexospécifique. L'analyse comparative entre les sexes est conçue pour régler ce problème.
Cela remonte aux enseignements d'une merveilleuse intervenante dans le milieu universitaire, qui a contribué à notre compréhension de la dynamique liée au genre au Canada, Dorothy Smith. Essentiellement, elle affirmait que les inégalités entre les sexes sont perpétuées dans la vie quotidienne, dans tous les aspects et chaque minute qui passe. Chaque dollar qui circule perpétue l'inégalité. Chaque sous-élément d'interaction, tout comme les cadres plus importants, doit être disséqué et étudié selon des approches multidisciplinaires, par exemple sur le plan de la socioéconomie, de la médecine, de l'environnement, du climat, et cetera. Tout contribue à l'inégalité et tout interagit à cette fin.
L'analyse comparative entre les sexes vise donc à régler les problèmes dans cet énorme système international où la stratification de la société selon le sexe est perpétuée et enracinée, pratiquement — mais pas toujours — tout le temps. L'ACS essaie de régler les problèmes d'une façon efficace et durable.
Je regrette d'avoir à vous le dire, mais très peu de pays dans le monde ont vraiment réussi à atteindre ce qu'on pourrait décrire comme une égalité durable entre les sexes.
J'ai apporté quelques documents avec moi. J'espère que vous les avez à votre disposition. Il s'agit simplement de graphiques et de tableaux qui montrent la façon — par exemple si l'on prend les indicateurs économiques de base de l'égalité entre les sexes que les ministres aux échelons fédéral, provinciaux et territoriaux ont préparés en 1997, puis utilisés comme valeur de référence pour le Canada — dont on peut les utiliser comme cadre pour mettre en relief les problèmes qui doivent être réglés.
On en revient à l'une des questions qui ont été posées vers la fin de la discussion tenue plus tôt au cours de la réunion, c'est-à-dire : comment pouvons-nous déterminer les problèmes qu'il y a à régler lorsqu'on applique l'analyse comparative entre les sexes? La discussion a effleuré la façon dont les portfolios, les problèmes, et cetera étaient imbriqués, mais, essentiellement, ce qu'il faut faire, c'est travailler à tous les échelons, du macroscopique au microscopique.
Je vais faire le tour des documents afin d'illustrer comment on devrait procéder à l'analyse comparative entre les sexes et à l'analyse du budget sexospécifique.
J'aimerais d'abord que nous prenions la page 1 du document; on y parle du classement sur le plan du développement humain et de l'égalité entre les sexes par rapport aux niveaux de la fiscalité. Il s'agit probablement de la perspective la plus générale possible. J'ai pris l'indice du développement humain de l'ONU depuis le commencement jusqu'à nos jours, puis j'ai retenu deux années : 1995, l'année où le programme de Beijing a été adopté, et 2015, la plus récente année pour la majeure partie des données. J'ai relevé les pays qui se sont classés parmi les 10 plus développés au monde en 1995 et qui l'étaient toujours aujourd'hui. Il n'y en a que cinq.
Ce que le graphique ne montre pas, c'est que, de 1995 à 1999, le Canada a établi un record mondial parce qu'il s'est classé au premier rang au chapitre du développement humain et du développement de l'égalité entre les sexes pour le plus grand nombre d'années jusqu'ici.
Aucun autre pays n'a tenu le premier rang pour ces indicateurs quatre années de suite. Mais si l'on regarde l'ensemble de la situation au Canada, on constate que le niveau de développement humain a chuté au neuvième rang; en ce qui concerne l'Indice d'inégalités de genre, nouvelle étiquette de l'indice, le Canada est tombé au 25e rang. Le Canada occupe un rang inférieur dernièrement, nous nous sommes même retrouvés au 32e rang il y a deux ou trois ans.
Je fais le lien avec les niveaux de fiscalité, parce que ce tableau montre que les pays, parmi ce groupe de pays en particulier, où les réductions d'impôt étaient les moins importantes, ont été en mesure de maintenir, dans l'ensemble, un niveau plus élevé de développement humain et d'égalité entre les sexes. Le Canada a fait une longue chute, et ce n'est pas surprenant, vu que notre pays, par rapport aux autres du groupe et même parmi tous les autres pays de l'OCDE, est celui qui a réduit le plus ses recettes fiscales au cours de cette période de 20 ans.
D'abord, je veux mettre en relief la décision délibérée du gouvernement du Canada de réduire la taille de l'État, ce qui a eu des conséquences directes et défavorables sur l'égalité entre les sexes. Dans la prochaine annexe, vous pouvez voir dans le tableau de quelle façon ces deux éléments sont dangereusement liés. Le tableau montre les quatre années où le Canada occupait le premier rang; au cours de cette période, notre pays a augmenté le niveau de la fiscalité, c'est-à- dire la proportion des recettes fiscales par rapport au PIB.
Vous voyez, les cercles pâles continuent de descendre sans jamais remonter. C'est le niveau de la fiscalité au Canada. Il a diminué, et il n'a pas remonté jusqu'ici. Nous en sommes passablement toujours au même niveau, même si on s'attend à ce qu'il augmente un peu en raison des changements apportés dernièrement aux taux d'imposition.
La ligne la plus sombre en haut représente le développement humain. On peut voir la façon dont il s'est détérioré. Cependant, les lignes qui n'arrêtent pas de remonter et de redescendre, celle en haut dont les fluctuations sont les plus importantes, représentent le classement fait par l'ONU au titre de l'égalité entre les sexes. La ligne la plus basse représente le classement du Canada pour l'égalité entre les sexes selon le Forum économique mondial.
Si l'on reproduisait ce genre de tableau pour chaque pays, on verrait que les niveaux d'égalité entre les sexes au Canada, plus que dans n'importe quel autre pays, ont changé très rapidement en réaction aux rôles directs que le gouvernement joue en fonction des recettes à sa disposition.
Cela s'explique en partie par le fait que le régime d'impôt et de transferts est très intégré. En conséquence, l'économie est en grande partie régie par la façon dont le système fiscal est structuré. Le Canada perçoit des recettes grâce aux régimes fiscaux fédéral, provinciaux, municipaux, et cetera, et redistribue un montant égal. Le Canada redistribue l'argent qu'il perçoit, à hauteur de centaines de milliards de dollars chaque année. Pour dire les choses autrement, si le Canada n'utilisait pas son système fiscal comme système de subvention également, il pourrait doubler ses recettes actuelles.
Passons au prochain graphique, qui montre le revenu pour les hommes et les femmes en 2016. La ligne inférieure représente le revenu moyen pour les femmes selon l'âge. Il s'agit du revenu qu'une femme gagne pendant sa vie. La ligne supérieure représente le revenu qu'un homme gagne pendant une vie.
On peut voir que les pics pour les femmes sont plutôt faibles. Une femme qui commence à gagner un « salaire d'adulte », disons vers le milieu de la vingtaine, verra son revenu augmenter, en moyenne, mais il ne continuera pas de croître comme celui d'un homme. Les meilleures années pour le revenu chez les hommes continuent de s'accumuler, en quelque sorte, et leur revenu ne commence à diminuer de façon importante que longtemps après celui des femmes. Essentiellement, les femmes atteignent le sommet de leur revenu au milieu de la cinquantaine, alors que le revenu des hommes ne commence à diminuer que plusieurs années après.
Les femmes sont beaucoup plus fragiles en ce qui concerne le revenu, ou disons qu'elles y sont plus liées. C'est l'une des raisons pour lesquelles les indicateurs économiques de l'égalité entre les sexes aux échelons fédéral, provincial et territorial ciblent le revenu — le revenu lui-même, que ce soit le revenu gagné, le revenu de placement, la sécurité sociale, et cetera — comme l'un des domaines principaux.
Le deuxième domaine est l'emploi. Le prochain graphique montre la situation des femmes et des hommes par rapport à l'emploi à temps plein — le titre devrait indiquer « emploi à temps plein » — avant et après la récession. Les lignes et les carrés sombres représentent les femmes, et les lignes et les carrés pâles représentent les hommes.
On peut voir qu'avant la récession, représentée par le gros creux, il y avait toujours un écart, même si les deux se rapprochaient beaucoup parfois. Cela veut dire que les femmes occupaient pratiquement le même nombre d'emplois à temps plein que les hommes. La récession a touché les deux groupes de façon importante. On peut voir que les femmes n'ont pas perdu autant d'emplois que les hommes, et cela s'explique également par une différence sexospécifique. Ce n'est pas une bonne chose pour les femmes. Je pourrai vous expliquer pourquoi, si quelqu'un me pose la question plus tard.
Regardez où sont les deux lignes maintenant, après la récession : il y a un grand écart. Donc, dans le domaine de l'emploi, pour les emplois à temps plein, même au salaire minimum, la situation ne s'améliore pas davantage pour certaines femmes. Puisque les femmes sont maintenant si désavantagées par rapport à l'accès aux emplois à temps plein, l'ensemble des ministères devraient mettre l'accent sur le revenu et l'emploi des femmes.
Le troisième domaine est l'éducation. J'ai utilisé maintes fois le prochain graphique. Je l'ai tiré d'un rapport intitulé Femmes au Canada, qui est produit tous les cinq ans par Condition féminine Canada. Malheureusement, je n'ai pas la dernière version, celle de 2015. Il y a bien eu une nouvelle édition pour 2015, mais elle ne comprenait pas les données sur le revenu en fonction du niveau d'éducation qui figure normalement dans ce rapport.
Le tableau montre que jusqu'à 2010 — et je ne m'attends pas à ce qu'il y ait une différence significative entre les données présentement, si je me fie aux taux d'emploi à temps plein — les femmes gagnaient effectivement, en moyenne, un revenu inférieur aux hommes en fonction du niveau d'éducation dans une proportion inférieure, dans tous les cas sauf un, à ce qu'il était en 1971, en 1990 ou en 1995.
Essentiellement, le revenu moyen des femmes en fonction du niveau d'éducation est maintenant inférieur à celui de 2000. Quiconque vous dit que les femmes se portent mieux aujourd'hui qu'il y a 10 ou 20 ans est en train de vous mentir. En vérité, la situation des femmes est en train de régresser.
J'arrive donc à mon argument principal. Lorsqu'on prend en considération à la fois les inégalités liées au revenu, à l'emploi, à l'éducation en fonction de la race, de l'origine ethnique et de l'origine autochtone, on constate que l'égalité entre les sexes au Canada se porte très mal.
J'ai essayé de mettre en commun ces domaines aussi exhaustivement que possible. Le triangle à la prochaine page est fondé également sur les données de 2010, parce qu'il n'y avait pas non plus de données sur l'utilisation du temps depuis 2010. Les questions sur l'utilisation de temps dans le recensement devaient être remplacées par des questions sur les cycles de travail non rémunéré dans l'Enquête sociale générale. C'est une enquête à l'échelle nationale, mais cette promesse n'a pas été tenue. Puis — oups — le dernier recensement n'a compris aucune question sur le travail non rémunéré, ce qui fait que nous n'avons aucune donnée sur le travail non rémunéré chez les femmes actuellement.
Mais en date de 2010, vous pouvez voir la façon dont les domaines du travail non rémunéré, du travail rémunéré et du revenu contribuent collectivement à la situation difficile des femmes au Canada. Par situation difficile, je vous parle du fait que les femmes sont responsables d'environ le deux tiers de tout le travail non rémunéré qui est effectué au pays, et de près de 50 p. 100 des heures de travail rémunérées. Le pourcentage pour le travail rémunéré indiqué ici, 45,6 p. 100, représentent les heures de travail. Gardez à l'esprit que chaque journée ne compte que 24 heures, à moins de franchir par avion la ligne internationale de changement de date d'un côté ou d'un autre.
Malgré la trop grande part de responsabilité qui leur revient par rapport au travail, les femmes gagnent à peine plus du tiers des revenus du pays. Il s'agit d'inégalité entre les sexes, mais c'est une forme d'inégalité dynamique dans laquelle le travail non rémunéré empêche les femmes de travailler plus d'heures de travail rémunéré. On ne peut pas ajouter des heures à l'horloge.
À moins d'être sur un pied d'égalité avec les hommes qui ne font que la moitié du travail non rémunéré par rapport aux femmes, celles-ci ne peuvent pas compétitionner pour le travail rémunéré. En outre, elles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins par elles-mêmes avec leur revenu, parce que le revenu des femmes n'est pas prévu afin de leur permettre de subvenir à leurs besoins pendant toute leur vie d'adulte; elles peuvent avoir des enfants ou devoir prendre soin de parents ou de quelqu'un d'autre.
Mis à part le fait que nous n'offrons pas assez de soutien pour le travail non rémunéré que les êtres humains doivent accomplir pour vivre dans une société axée sur la collaboration et qu'il faut abolir toute forme de discrimination en ce qui concerne le travail rémunéré et le revenu, le diagnostic ici est que le Canada accuse un grave retard pour ce qui est de fournir du soutien pour les services sociaux principaux et le travail non rémunéré qui sont nécessaires pour régler le problème de l'inégalité entre les sexes, c'est-à-dire le fait que les hommes et les femmes n'ont pas accès aux mêmes ressources sociales.
Je crois que certaines des femmes siégeant à la Cour suprême du Canada ont le mieux exprimé ce fait lorsqu'elles ont dit, à propos de ce genre de problèmes, que les hommes peuvent généralement partir de chez eux, même s'ils ont des enfants ou des personnes à charge, sans avoir à s'inquiéter de qui en prendra soin pendant la journée. Ce ne sont pas tous les hommes, mais c'est en majorité des hommes. Les femmes, quant à elles, doivent se trouver un remplaçant lorsqu'elles partent de la maison.
Le prochain tableau montre les données de l'OCDE sur le taux d'imposition lié à la participation. Le tableau montre que même lorsque les femmes peuvent subvenir à leurs besoins grâce à un emploi rémunéré, les frais de garde sont si élevés qu'elles travaillent finalement pour rien. Sur le plan économique, il serait plus sensé pour un grand nombre de femmes de simplement rester chez elles, de faire du travail non rémunéré et d'espérer que les autres soutiens économiques de la famille gagnent assez pour permettre de subvenir aux besoins de tous.
C'était probablement une erreur de mettre en surbrillance les colonnes les plus intéressantes pour le Canada ici. Essentiellement, le tableau montre que si le deuxième parent dans un couple uni avec des enfants a un travail rémunéré, entre l'impôt et les frais de garderie nécessaires, la personne va perdre 77,9 p. 100 de son revenu en frais de garde et en impôts. Les frais de garde vont gruger 36 p. 100 du revenu.
La situation est encore pire dans une famille monoparentale. Le tableau affiche des moyennes de revenus. L'OCDE a utilisé une méthode comparative pour calculer les données : elle a utilisé le taux pour les frais de garde en Ontario et le régime d'impôt dans la même province en 2012 pour faire ces calculs. Un parent seul, qui a un revenu typique pour son âge et son niveau d'éducation, perdra 94 p. 100 de son revenu en impôts et en frais de garde. Cela s'explique par le fait que le régime de transfert fiscal au Canada a été conçu pour subventionner les ménages à un seul soutien.
Je vous ai également fourni la liste des indicateurs économiques de l'égalité entre les sexes qui relèvent des ministres aux échelons fédéral, provincial et territorial. J'aimerais maintenant enchaîner en disant que cela est issu de Condition féminine Canada : tous ces aspects importants — le revenu, l'emploi, les frais de garde et les autres soins, l'éducation — sont tous interreliés, mais les ministères gouvernementaux ne sont pas interreliés de cette même façon intégrée.
Pour répondre à certaines des questions qui ont été posées — qui surveille, qui dirige, qui est le cerveau? — voilà le cerveau. L'un des problèmes que nous allons devoir surmonter est de modifier les initiatives pour l'égalité entre les sexes qui ont été mises en œuvre — enfin, heureusement — de façon à ce qu'elles continuent de correspondre à la conception actuelle des facteurs internes qui contribuent à l'inégalité entre les sexes.
Le monde entier suit de près la situation. J'ai inclus à la toute fin du document de courts extraits tirés d'une affaire très importante, de Blok c. Pays-Bas. Il s'agit d'une décision du Comité des Nations Unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le comité chargé de la mise en œuvre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, ou CEDAW. Le Canada est l'un des nombreux pays à avoir signé le protocole optionnel ou le traité de la CEDAW il y a longtemps, en 2002, je crois.
Le comité s'est penché dans un contexte complètement judiciaire sur les plaintes présentées. La décision Blok est importante parce que c'est la première fois qu'un organisme chargé de l'exécution d'un traité a statué qu'un pays signataire de la CEDAW était contraint de l'appliquer même s'il n'avait pas adopté de loi nationale visant l'application des règles prévues par le traité. La décision Blok se résume ainsi : vous l'avez signé, et vous vous exposez à des litiges si vous ne l'appliquez pas.
Le comité responsable de la CEDAW a également tranché, dans la décision Blok, que le pays qui avait nui à une femme sur le plan financier et sur le plan de sa carrière devait payer. L'affaire en question concernait un refus de congé de maternité pour certaines raisons.
Le Canada a également été visé par un cas de ce genre. Il y a un an, une enquête menée sur les femmes autochtones, y compris sur la question des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, a mené le comité chargé de la CEDAW à rendre une décision encore plus stricte. Il a produit cinq pages à simple interligne de recommandations détaillées sur les initiatives stratégiques qui doivent être prises afin de résoudre le problème de la négation massive des droits à l'égalité pour les femmes autochtones. C'est un document incroyable; il s'appuie non seulement sur la CEDAW, mais aussi sur les principes fondamentaux des droits de la personne, par exemple les ressources maximales nécessaires pour mettre fin à la pauvreté, à la souffrance humaine, aux morts illégales précoces et inappropriées et à la discrimination. Il est nécessaire de faire en tout temps des efforts continus pour favoriser l'égalité.
Compte tenu de tout ce que je viens de dire, je crois qu'on a élaboré l'analyse comparative entre les sexes à cette fin. Je crois — pour résumer rapidement, il s'agit de certaines des mesures clés qui doivent être prises à mesure que tout ce processus avance de façon appropriée — que le Canada a besoin de se munir d'une loi. Il nous faut une loi ayant force exécutoire pour l'analyse comparative entre les sexes et le budget sexospécifique.
Le Canada ne s'aventurerait pas en territoire inexploré. Dix-sept pays ont déjà mis en place ce genre d'initiative sur l'analyse comparative entre les sexes et le budget sexospécifique. Quatre de ces pays ont également intégré ces principes à leur constitution. Je peux vous nommer deux d'entre eux : l'Autriche et le Maroc. Les deux autres ne me viennent pas à l'esprit en ce moment, mais je pourrais facilement m'informer.
Ensuite, cette loi devrait s'appliquer à tous les ministères et à toutes les organisations du gouvernement fédéral.
Par ailleurs, je crois qu'il est très important que l'on donne à Condition féminine Canada la responsabilité en ce qui concerne la surveillance, la direction, la conception et l'évaluation exhaustive des activités connexes du ministère des Finances, du Trésor et du BCP.
Aujourd'hui, 60 pays dans le monde ont intégré l'analyse comparative entre les sexes et le budget sexospécifique à leurs activités régulières. Gardez à l'esprit qu'il y a un peu moins de 200 pays dans le monde, alors c'est une bonne proportion.
Une recherche empirique menée par le FMI a permis de conclure que les pays qui se sont munis d'obligations financières pour l'analyse comparative entre les sexes pour tout ce qu'ils publient semblent plus prospères. La recherche empirique a montré que l'inégalité entre les sexes semble diminuer à mesure que ce type de mécanisme est mis en œuvre.
Il serait également important de trouver une façon de rendre incontestable l'importance des indicateurs économiques de l'égalité entre les sexes que les ministres aux échelons fédéral, provincial et territorial ont élaborés.
Enfin, je trouve que la recommandation concernant une commission est importante. Toutefois, personne n'a encore recommandé — et je crois que c'est l'aspect le plus important — de mettre l'accent avant tout sur les femmes canadiennes et l'interaction entre le gouvernement et les organisations publiques, le secteur professionnel, le milieu universitaire, les organisations non gouvernementales, et cetera. C'est un aspect absolument essentiel, puisque c'est de là qu'on tire les vraies connaissances critiques en matière d'évaluation. L'information nous vient des gens qui ont fait des études féministes en plus d'études dans d'autres domaines, des gens qui ont maintenant un emploi dans les domaines de la médecine, de la comptabilité, du droit, des sciences de la santé, et ainsi de suite.
La dernière question à laquelle je veux répondre est celle de savoir pourquoi nous faisons tout cela. Nous n'essayons pas seulement d'éliminer la discrimination sexuelle. La recherche empirique a montré de façon très concluante que l'économie progresse de façon plus durable lorsque les hommes et les femmes sont sur un pied d'égalité. Cette durabilité économique s'applique aussi au cycle de prospérité et de ralentissement, aux ressources, et à tout le reste. De fait, cela contribue à améliorer la vie de tout un chacun, et cela a été prouvé.
Le président : Vous avez fait un excellent exposé. À certains égards, j'aurais souhaité que les bureaucrates soient ici pour vous écouter. Cela aurait peut-être été une façon plus intelligente de procéder, mais nous avons quand même été assez intelligents jusqu'ici.
Je sais que notre étude d'aujourd'hui est le fruit des efforts de la sénatrice Nancy Ruth. Malgré tout, je sais que la sénatrice Andreychuk doit partir, alors je vais la laisser poser sa question.
La sénatrice Andreychuk : Je vous suis reconnaissante de nous avoir fait part de vos opinions à propos de la façon dont il faut aborder la condition féminine. Vous avez présenté des faits et avez établi des liens avec le revenu de façon très intéressante. Toutefois, le sujet de notre étude est l'analyse comparative entre les sexes, et je sais que vous avez également des opinions sur la façon de procéder à partir d'ici.
Depuis combien de temps étudiez-vous la question de l'ACS comme elle est appliquée au gouvernement fédéral? Pouvez-vous vous exprimer à propos des progrès réalisés au cours des 21 dernières années?
J'aurais bien aimé que notre étude porte sur la condition féminine, mais c'est l'ACS que nous examinons. J'ai donc besoin de réponses à cet égard.
Mme Lahey : J'ai commencé à travailler au début des années 1980.
La sénatrice Andreychuk : Sur l'ACS?
Mme Lahey : Sur l'ACS. C'est toujours sur l'ACS. C'est de cette façon dont je vois les choses.
En 1988, j'ai réalisé une étude exhaustive de 450 pages sur toutes les lois, politiques, et cetera au gouvernement fédéral et j'ai élaboré des indicateurs de l'égalité entre les sexes qui pourraient être appliqués aux dépenses et aux recettes. Cela a été suivi de réunions longues et détaillées avec Condition féminine Canada vers la fin des années 1980. Je crois donc avoir été sur le terrain depuis le début, aux échelons tant fédéral que provincial.
Je travaille aussi beaucoup avec ONU Femmes parce que cet organisme déploie beaucoup d'efforts à ce chapitre. Le travail le plus important que j'aie jamais réalisé a eu lieu plus tôt cette année. ONU Femmes a mis en œuvre un programme de formation pour tous les cadres supérieurs et les ministres responsables de finances dans les pays de la région Asie-Pacifique qui sont membres de l'ONU. La formation a duré trois jours; il s'agissait de leur montrer comment appliquer une analyse d'impact sexospécifique à tout ce qu'ils avaient à faire, y compris l'ensemble des budgets.
C'était l'un des travaux les plus importants que j'aie jamais réalisés, et je travaille sur tous les continents, dans des dizaines de pays.
La sénatrice Nancy Ruth : Je crois que les parlementaires devraient disposer d'une fonction d'examen critique à l'égard de l'ACS, et je me demandais si, d'après ce que vous savez, si c'était le cas d'autres organes législatifs. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
Mme Lahey : La plupart des pays appliquent l'ACS de façon très ouverte, et les rapports issus de l'ACS ou sur un budget sexospécifique ne sont pas secrets. Dans de nombreux cas, les rapports sont même vérifiés par divers groupes de la société civile et par des groupes universitaires. Les parlementaires se retrouvent donc souvent aux premières loges, et la plupart d'entre eux entreprennent de jouer ce rôle d'examinateur critique dans le cadre de leur rôle de législateur. Cela arrive surtout dans l'Union européenne.
La sénatrice Nancy Ruth : Cela veut-il dire que la majeure partie de ce qui se passe est informelle?
Mme Lahey : Je ne dirais pas que c'est informel. Je dirais que c'est si bien institutionnalisé qu'on accepte que les parlementaires interagissent simultanément avec leurs circonscriptions et avec leurs collègues dans le cadre de cette fonction d'examen critique.
La sénatrice Omidvar : Premièrement, pourriez-vous nous donner les sept recommandations que vous avez mentionnées à la toute fin de votre exposé? Si possible, il nous serait utile de les avoir afin de les étudier, parce que vous ne les avez pas fournies.
Mme Lahey : Oui.
La sénatrice Omidvar : Deuxièmement, à la page 9 de votre exposé, vous avez mentionné que l'un des problèmes tient au fait que les ministères gouvernementaux ne sont pas liés entre eux, et que nous devons modifier les initiatives de façon à ce que celles-ci le soient.
Je ne sais pas s'il s'agissait de jargon ou si je n'ai pas bien compris, mais j'ai besoin d'un peu d'éclaircissement. Que vouliez-vous dire, exactement?
Mme Lahey : Par exemple, dans le rapport sur le budget sexospécifique que le ministère des Finances a produit en 2006, on demandait d'évaluer l'impact sexospécifique de l'abrogation de la subvention pour le biocarburant. La réponse a été que les hommes et les femmes conduisent tous des voitures, et qu'il n'y avait pas de différence entre les sexes. Si le rapport avait été réalisé avec l'aide de Transports Canada ou de Condition féminine Canada, le ministère des Finances aurait pu être informé des différentes possibilités de transport offertes aux femmes, puisque celles-ci ne possèdent pas autant de voitures que les hommes, loin de là, et ont des déplacements différents. Ce genre de lien entre les ministères aurait pu permettre au ministère des Finances d'en arriver à une autre conclusion quant à savoir s'il y avait un impact sexospécifique, quelle forme prenait cet impact, dans quelle mesure il touchait les femmes, s'il était substantiel et s'il était approprié de prendre des mesures.
L'évaluation aurait pu être beaucoup plus poussée. On pourrait croire qu'il s'agit d'une question négligeable, mais le fait est que les femmes sont grandement différentes des hommes en ce qui concerne le transport et les déplacements, et le gouvernement fédéral a mené des études détaillées sur les déplacements quotidiens des hommes et des femmes dès qu'ils quittent la maison, y compris sur ce qu'ils transportent lorsqu'ils partent : s'agit-il de trois enfants ou d'une tasse de café chaud?
La sénatrice Omidvar : D'après ce que je comprends de la page 8, au chapitre de la participation aux frais de garde, si on veut régler le problème de la pauvreté chez les femmes et les problèmes connexes du revenu et de l'emploi, la solution est-elle de mettre l'accent sur les services de garde?
Mme Lahey : C'est un aspect de la solution, mais on en revient encore aux interrelations. On a mené un certain nombre d'études comparatives dans des pays très développés afin de comprendre pourquoi l'inégalité entre les sexes ne peut jamais être vraiment éliminée.
Il est très intéressant de voir qu'un pays peut avoir réglé pratiquement tous les problèmes, et rester pris avec un très haut taux de femmes qui travaillent à temps partiel. Un autre pays peut avoir réglé pratiquement tous les problèmes, et demeurer avec très peu de femmes ayant un emploi rémunéré.
Aucun pays n'a de solution miracle. Cela ne se résume pas seulement aux services de garde. Il faut que les femmes puissent être sur le même pied que les hommes en ce qui concerne les emplois, la participation à la population active, l'égalité salariale, l'accès aux services de garde, l'élimination de la discrimination, le maintien en poste et l'avancement professionnel.
La sénatrice Omidvar : Ce que vous dites nous sera utile.
Mme Lahey : Tous ces aspects sont dynamiques, mais le Canada a démontré une grande efficacité en ce qui concerne les services de garde, et, selon moi, il faut partir de cet aspect, puis établir des liens avec les autres.
La sénatrice Nancy Ruth : Vous ai-je bien entendu dire que vous croyez que Condition féminine Canada devrait jouer un rôle de surveillance?
Mme Lahey : Je crois qu'il est de la plus haute importance que Condition féminine Canada joue un rôle de surveillance et assure l'interaction avec les experts du milieu au Canada; il y en a beaucoup, vu le nombre d'études féministes et de programmes d'études intersectoriels à l'échelle du pays. L'engagement du Canada envers le reste du monde est monumental. Il est naturel que Condition féminine Canada joue un rôle d'intervenant, vu cette source importante d'expertise intellectuelle, de données empiriques, et cetera. Il faut que le ministère des Finances soit sur le même pied, et il faut qu'il collabore pleinement.
La sénatrice Nancy Ruth : Oui, absolument. Quand la vérificatrice générale s'est retirée, on nous a dit que cela allait être examiné plus tard. Cela me préoccupe, d'abord parce que je suis responsable de faire en sorte que le vérificateur général se penche sur la première étude, et ensuite, parce que j'ai dû passer par elle après qu'elle a pris sa retraite et par son personnel qui travaillait encore au Bureau du vérificateur général pour pousser les membres du NPD au Parlement et le personnel au BVG à entreprendre une deuxième étude. Je ne vais pas être là pour le troisième examen quinquennal. Dans l'ensemble, je crois que c'est utile. Que pensez-vous du fait de rendre obligatoire un examen quinquennal mené par le vérificateur général?
Mme Lahey : Je crois que ce serait de la discrimination sexuelle si le vérificateur général n'avait pas aussi la responsabilité de vérifier cela avec tout le reste.
La sénatrice Nancy Ruth : Je vous ai demandé si vous connaissiez d'autres organismes législatifs où les parlementaires l'appliquent l'ACS. Je rêve du jour où les parlementaires vont assumer cette responsabilité et où les greffiers devront demander aux témoins qui se présentent de l'appliquer. Les projets de loi présentés et déposés devront aussi appliquer l'ACS. Qu'avez-vous à dire à propos de ces idées?
Mme Lahey : Je crois que vous avez tout à fait raison. Je crois que tout projet de loi présenté devra évidemment être assorti d'une analyse comparative entre les sexes. Je crois également que toutes ces ACS devront être rendues entièrement publiques, de préférence avant l'adoption de la loi, parce que ce ne sont pas toutes les analyses comparatives entre les sexes qui sont bonnes. Je crois que cela aide également à donner plus de sens aux débats parlementaires. Je crois donc que lorsque quelqu'un veut présenter un projet de loi, il doit s'assurer de présenter également l'analyse comparative entre les sexes; j'imagine qu'à ce moment-là, cette personne connaîtra de fond en comble l'impact sexospécifique du projet de loi qu'elle présente. Je crois que c'est une très bonne idée.
Le président : Merci beaucoup, madame Lahey, d'être venue témoigner aujourd'hui. Nous avons passé deux heures fascinantes et incroyablement importantes. J'ai vraiment appris beaucoup de choses, et je crois que cela s'applique à nous tous. Tout cela va contribuer à notre étude et à notre rapport. Nous allons essayer de garder cela à l'esprit à chaque page.
Mme Lahey : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner.
Le président : Voilà qui conclut la séance.
(La séance est levée.)