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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 11 - Témoignages du 16 novembre 2016


OTTAWA, le mercredi 16 novembre 2016

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 35, pour étudier l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne (Sujets : analyse comparative entre les sexes dans l'établissement des politiques et lois fédérales; et la situation des droits de l'homme et les défections en Corée du Nord).

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, chers collègues.

[Français]

Avant de commencer, j'aimerais que tous les sénateurs se présentent.

[Traduction]

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de Toronto, en Ontario.

La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de Toronto.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

[Français]

La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, sénatrice du Manitoba.

[Traduction]

Le sénateur Meredith : Sénateur Don Meredith, de l'Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

Le président : Je m'appelle Jim Munson, je suis un sénateur de l'Ontario.

Aujourd'hui, nous poursuivons notre fascinante et très importante étude sur l'analyse comparative entre les sexes dans l'établissement des politiques et lois fédérales.

Il y a quelques semaines, au beau milieu d'une conversation fantastique très informative, nous avons connu des problèmes techniques à l'égard de nos témoins de Bruxelles et de Vancouver, alors nous tentons aujourd'hui de poursuivre ces discussions. Nos témoins aujourd'hui sont Shelagh Day, cofondatrice de l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale et présidente du Comité des droits de l'homme; et Mary Collins, coordonnatrice principale de la politique et du plaidoyer, du Lobby européen des femmes, qui témoignent par vidéoconférence depuis Bruxelles. Joanna Maycock était avec nous la dernière fois, mais elle n'a pas pu comparaître aujourd'hui.

Madame Day, je vous invite à décrire brièvement votre travail et vos activités militantes; ensuite, nous écouterons Mme Collins, puis nous vous poserons des questions.

Shelagh Day, présidente, Comité des droits de l'homme et cofondatrice, Alliance canadienne féministe pour l'action internationale : Merci beaucoup. J'aimerais commencer par présenter des observations pour nous replacer là où nous étions la dernière fois.

Tout d'abord, je tiens à dire que cette question est urgente et que je me réjouis de voir votre comité l'étudier. C'est extraordinairement important. J'ai l'impression qu'une occasion se présente actuellement au Canada d'être un modèle mondial et de montrer comment accomplir cette tâche particulière avec brio. Selon moi, il n'a jamais été aussi urgent de le faire.

Comme je vous l'ai dit la dernière fois, au sujet de l'Indice d'inégalité de genre de l'ONU, le Canada est passé de la première place en 1995 à la 25e place. Les dernières statistiques parues depuis notre dernière conversation sont celles du Forum économique mondial, et le Canada se classe maintenant au 35e rang, sur 144 pays, au chapitre de l'égalité des sexes. Nous pouvons faire mieux, et nous devons le faire maintenant.

Je vais répéter brièvement les commentaires que j'ai formulés la dernière fois, puis je vais ajouter des observations sur ce que le Canada doit faire à l'avenir.

Premièrement, une des faiblesses du système actuel est qu'il est de nature prospective. Autrement dit, on postule que le point de départ est un statu quo d'égalité. Ce n'est pas le cas. Il nous faut un système qui envisage les programmes, les lois et les services du gouvernement dans leur ensemble afin de faire en sorte que ce que nous offrons au Canada se traduit par l'égalité.

Deuxièmement, nous n'avons pas de plan global. En d'autres mots, le gouvernement n'a pas établi un plan assorti de priorités où il dit : « Voici les aspects sur lesquels nous allons insister afin de promouvoir l'égalité de la femme. »

La dernière fois, j'ai dit qu'il ne semblait pas y avoir de plan pour une budgétisation tenant compte des sexospécificités ou pour une analyse comparative entre les sexes à l'égard de la politique fiscale; or, des aspects cruciaux des recettes et des dépenses ont un effet direct sur l'égalité des femmes. Toutefois, je dois changer mon discours, puisque le ministre Morneau, dans son énoncé économique du 1er novembre, a promis de soumettre les mesures du budget de 2017 et de tous les budgets suivants à une analyse comparative entre les sexes. C'est une merveilleuse nouvelle. C'est une excellente nouvelle. Et maintenant, les questions qui s'imposent à l'esprit sont les suivantes : comment va-t-on mener cette analyse? Quand sera-t-elle effectuée? Les femmes pourront-elles participer à l'analyse qui se déroulera ici? C'est une nouvelle qui soulève de nombreuses questions, mais force est de reconnaître que c'est une très bonne nouvelle et qu'une telle analyse est tout à fait nécessaire.

J'ai aussi signalé qu'il n'y a aucun cadre en matière de droits de la personne pour le processus d'égalité des sexes qui est en place, de sorte que ce que nous avons à l'heure actuelle semble tout à fait déconnecté de la réalité de nos obligations en matière de droits de la personne. Je crois que c'est une erreur très fondamentale dans notre approche en la matière.

J'ai également déclaré qu'il n'y a pas de processus prévu expressément pour consulter les chercheures féministes et les organisations de la société civile représentant les femmes. Vous avez accès à une expertise énorme, et vous devez en tirer parti. En outre, il n'est pas clair à mes yeux qui dirige ce projet de promotion de l'égalité des femmes dans les programmes et services du gouvernement. Encore une fois, il ne semble pas y avoir de mécanisme redditionnel ni de surveillance indépendante du processus afin que nous puissions effectivement mesurer ce qui se passe et déterminer si nous obtenons les bons résultats.

Maintenant, j'aimerais formuler quelques recommandations en vue de corriger ces choses. L'une des choses qui me préoccupent est le fait que nous semblons commettre l'erreur de croire que le processus d'analyse comparative entre les sexes est une fin en soi. Ce n'est pas une fin en soi. La fin recherchée est l'égalité dans les résultats des politiques, des programmes, des lois et des services du gouvernement, et nous faisons erreur si nous croyons que le but final est l'établissement du processus. C'est le moyen qui nous permettra d'obtenir les résultats que nous recherchons et de respecter nos obligations en matière de droits de la personne.

Voici certaines des choses qui, selon moi, pourraient nous aider. Premièrement, nous devons faire appel aux experts des enjeux touchant l'égalité des femmes. On ne saurait confier cette tâche à des amateurs. Pour obtenir l'égalité dans les résultats des programmes, des services et des lois, il faut établir un partenariat entre les personnes possédant une connaissance précise d'un sujet donné et les personnes possédant l'expertise de la diversité et de l'égalité des femmes. À l'heure actuelle, on traite l'analyse comparative entre les sexes comme une tâche que n'importe qui peut accomplir après avoir suivi un cours en ligne sur le sujet, on pense que l'analyse va venir de la base et guider la pratique. En fait, je crois qu'il faut posséder des connaissances et une expertise solides pour mener une analyse de l'égalité efficace, et le gouvernement devrait valoriser et créer des centres d'expertise en la matière et en tirer parti.

Deuxièmement, j'estime que le principe sur lequel repose l'analyse de l'égalité du gouvernement est le respect des engagements intérieurs et internationaux pris par le Canada au chapitre des droits de la personne. Il n'est ni efficient ni légitime de mener l'analyse comparative entre les sexes comme si elle était distincte des autres engagements pris par le Canada à l'égard des droits des femmes — y compris, bien sûr, les femmes autochtones, les femmes handicapées, les femmes de couleur, les immigrantes — dans le cadre des traités sur les droits de la personne ratifiés par le Canada. Autrement dit, l'analyse comparative entre les sexes — je l'ai déjà dit — ne saurait être une simple question de processus; il faut chercher à obtenir des résultats qui mènent à l'exercice des droits de la personne des femmes que nous avons adoptés et des droits de la personne des femmes dans toute notre diversité.

Troisièmement, nous devons décider qui dirige et qui est responsable. Comme je l'ai dit, il n'est toujours pas clair dans mon esprit qui est responsable de l'analyse de l'égalité des femmes et des résultats. C'est un peu postmoderne en ce moment. Le pouvoir semble être partout et nulle part à la fois. Je crois qu'il s'agit d'une responsabilité de l'ensemble du gouvernement et que la responsabilité doit reposer sur la personne qui est au sommet.

Depuis toujours, les ministres de la Condition féminine n'ont pas eu l'influence requise. Elles ne l'ont toujours pas, selon moi. J'ai passé en revue la lettre de mandat de la ministre Hajdu, et elle n'est toujours pas investie de la responsabilité de diriger cette démarche et de prendre la réussite ou l'échec de celle-ci à son compte. Il faut que cela se fasse au sommet de l'organisation gouvernementale.

Il doit y avoir un plan global. Qu'est-ce que le gouvernement compte faire pour promouvoir l'égalité des femmes de 2016 à 2026? Quels sont les engagements, les mesures et les grandes lignes? Nous avons besoin d'un plan afin que tout le monde, le grand public, le gouvernement, les députés, les sénateurs — puissent voir ce que nous faisons, ce que nous comptons faire et comment nous allons accomplir cela.

Nous pouvons tirer parti de l'occasion que présente l'examen du CEDAW. Depuis ma dernière présence ici, je suis allée à Genève pour l'examen du Canada par le comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Il s'agit du premier examen du rendement du Canada relativement à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes depuis 2008. Le vendredi 18 novembre, les conclusions du CEDAW seront présentées. Une occasion énorme se présente donc à nous de prendre les conclusions du comité, les premières en presque 10 ans, et de vraiment les examiner afin de déterminer s'il y a lieu d'établir pour le gouvernement un plan digne de ce nom qui énonce nos priorités pour l'avenir.

Enfin, je mentionnerais la responsabilisation. Le Comité de la condition féminine a recommandé la création d'un Commissariat à l'égalité des sexes. Je crois que c'est une bonne idée, tout comme je crois qu'il serait judicieux de promulguer une loi qui rend l'analyse comparative entre les sexes obligatoire. Il nous faut un processus plus vigoureux. Il faut responsabiliser les gens et procéder à une évaluation transparente afin qu'on puisse déterminer ce qui fonctionne et ce qui achoppe et effectuer des vérifications de l'égalité des sexes à l'égard de programmes ou de services particuliers, peut-être de concert avec le vérificateur général, et offrir un accès aux organisations de la société civile afin qu'elles puissent obtenir et fournir de l'information sur l'impact des pratiques et des programmes du gouvernement.

Les recommandations du Comité de la condition féminine relatives à la création d'une obligation législative et à la création d'un organe de surveillance sont fort judicieuses.

J'aimerais aussi mentionner brièvement deux exemples de cas où l'analyse comparative entre les sexes fonctionne ou ne fonctionne pas à l'heure actuelle.

Premièrement, nous avons le projet de loi C-26, qui vise à bonifier le Régime de pensions du Canada. Il a été mentionné récemment par des parlementaires ainsi que par des syndicats et des organismes de femmes que les dispositions de non-participation du Régime de pensions du Canada, qui avaient pour but d'indemniser les femmes qui se retirent du marché du travail pour s'occuper de leurs enfants, ne figurent pas dans le projet de bonification du Régime de pensions du Canada. Elles figurent dans le Régime de pensions du Canada actuel, mais pas dans la nouvelle version bonifiée. C'est un aspect qui devrait nous préoccuper tous, car le régime de travail des femmes, bien entendu, est différent, et ces dispositions supplémentaires visaient précisément à reconnaître et à indemniser les femmes qui cessent de travailler pendant un certain temps pour s'occuper de leurs enfants. A-t-on fait quelque chose à ce sujet? Est-ce qu'une analyse comparative entre les sexes a été effectuée à cet égard? Si oui, où est-elle? Quel a été le résultat? C'est le genre de chose que l'actuel processus d'analyse comparative entre les sexes devrait nous permettre de cerner et de mieux comprendre.

Mon deuxième exemple concerne les nouvelles propositions visant à modifier la Loi sur les Indiens. Vous savez sans doute qu'on propose de nouvelles modifications de la Loi sur les Indiens à la lumière de la décision Descheneaux rendue au Québec. Toutefois, ces nouvelles propositions n'éliminent toujours pas toute discrimination fondée sur le sexe de la Loi sur les Indiens. Encore une fois, cela m'a l'air d'une chose qui devrait faire l'objet d'une analyse comparative entre les sexes par le gouvernement, car il semble que nous soyons sur le point d'adopter un autre ensemble de modifications de la Loi sur les Indiens qui n'élimine pas complètement la discrimination fondée sur le sexe. A-t-on fait une analyse comparative entre les sexes à cet égard? Si oui, quel était le résultat? Qui l'a menée? Où est le rapport sur cette analyse? Je note que votre comité, qui s'est penché sur la question en 2011, avait demandé précisément qu'on lui fasse part en amont de tout nouveau projet de loi qui modifierait la Loi sur les Indiens.

Je crois qu'il s'agit de deux situations où nous pouvons essayer de déterminer ce qui se passe dans le système actuel, ce qui s'est passé à l'égard de ces enjeux particuliers et pourquoi nous n'avons pas relevé la discrimination axée sur le sexe qui semble se maintenir.

Merci.

Le président : Merci, madame Day. C'est un merveilleux témoignage qui va nous aider au moment où nous préparerons notre rapport, dans les prochaines semaines.

Nous passons maintenant à Mme Mary Collins, coordonnatrice principale de la politique et du plaidoyer, Lobby européen des femmes, à Bruxelles. Le comité sénatorial vous souhaite la bienvenue à Ottawa.

Mary Collins, coordonnatrice principale de la politique et du plaidoyer, Lobby européen des femmes : Bonjour tout le monde, et merci d'avoir invité à nouveau le Lobby européen des femmes à témoigner aujourd'hui. C'est un grand honneur d'être ici. Je vous transmets les excuses de Joanna Maycock, qui n'a malheureusement pas pu venir. Lors de la dernière réunion, je crois qu'elle vous a donné pas mal d'informations sur ce qui se passe en Europe, et je devrais dire que les enjeux y sont très comparables à ce qu'on voit au Canada.

On peut affirmer à l'heure actuelle que les droits des femmes dans le monde sont menacés, et lorsque les droits des femmes sont menacés sur la scène mondiale, tous les droits de la personne sont menacés. Il y a urgence d'agir maintenant pour veiller à ce que l'égalité des sexes soit de nouveau mise à l'avant-plan, car nous observons, en Europe et dans le monde, une montée des forces conservatrices qui occasionne un effet ressac énorme et qui a une incidence néfaste sur les droits des femmes. Le danger d'un retour en arrière et de la perte de 50 ans de progrès est bien réel, alors je tiens sincèrement à vous féliciter de vous pencher sur cette question et de prendre le temps de vous asseoir et de vraiment en débattre.

Les exemples concrets mentionnés par Mme Day sont en fait positifs. Au sujet du budget pour 2017, je dirais « bon travail », car c'est le genre de progrès que nous avons vraiment besoin de réaliser.

Dans le contexte européen, nous avons un très solide cadre institutionnel et juridique sur l'égalité des sexes. Au sein de l'Union européenne, dans les traités de l'Union européenne, l'égalité entre l'homme et la femme est une valeur, un objectif et une mission. Ce que vous appelez « analyse comparative entre les sexes », nous appelons « gender mainstreaming », soit l'intégration de la problématique hommes-femmes, mais force est de reconnaître que, malheureusement, cela ne se fait pas de façon aussi systématique qu'on le voudrait.

Au bout du compte, comme l'a dit Shelagh, le processus n'est pas une fin en soi : il s'agit de susciter une transformation effective. Le processus doit nous permettre de voir quelle sorte de changement s'en vient et de déterminer s'il s'agit, au final, d'une transformation.

Il faut un leadership très fort, et nous croyons, vu de notre côté de l'Atlantique, que le Canada est vraiment le modèle de pays auquel nous aspirons tous. Votre premier ministre a signifié très clairement son engagement à faire en sorte que l'égalité des sexes fasse partie intégrante des politiques du Canada. C'est un élément important de sa vision. Nous avons bon espoir que cela va réellement mener à un modèle pouvant être envisagé partout dans le monde. Un fort leadership politique est très important, et nous croyons que vous avez cela.

L'élimination des inégalités et la promotion de l'égalité entre les hommes et les femmes est un objectif à long terme : cela ne va pas se faire du jour au lendemain. Comme l'a dit Shelagh, il faut que la responsabilité soit très claire. C'est un engagement à long terme. Il faut y affecter les ressources voulues et examiner l'ensemble de la structure institutionnelle et des différentes politiques pour vraiment veiller à ce qu'on s'attaque sérieusement à l'objectif de l'égalité des sexes. L'intégration de la problématique hommes-femmes devient alors votre outil et votre analyse pour y parvenir.

Pour nous, l'un des aspects clés, en particulier aujourd'hui, est la budgétisation tenant compte des sexospécificités. Je suis heureuse d'apprendre que votre budget pour 2017 tiendra effectivement compte des sexospécificités, car dans le contexte actuel, particulièrement après la crise financière de 2008, nous devons composer avec un cadre fortement axé sur l'austérité en Europe, et les répercussions sont énormes sur tout le monde, mais particulièrement sur les femmes. On a coupé dans les services publics, mais les femmes occupent également la plupart des postes dans ces services publics, alors elles perdent leur emploi et elles voient leur salaire gelé. En outre, de nombreuses politiques relatives à la conciliation travail-vie sont remises à plus tard.

Il importe de faire savoir que la budgétisation tenant compte des sexospécificités est une mesure économiquement judicieuse et de faire valoir que nous devons procéder de façon très intelligente parce que l'argent destiné à nos services publics est limité. J'entends par « de façon très intelligente » le fait d'appliquer un processus d'analyse comparative entre les sexes et d'intégration de la problématique hommes-femmes, car cela mène, au bout du compte, à des dépenses et à une planification économique judicieuse. Je suis heureuse d'apprendre que vous allez instaurer une telle procédure l'an prochain.

Pour ce qui est de la responsabilisation, nous souscrivons tout à fait au commentaire de Shelagh selon lequel des mécanismes de responsabilisation doivent être en place. Cela comprend un examen approfondi par le Parlement, et cela suppose également de s'assurer de consulter les organismes qui représentent les femmes, les organismes féministes, ainsi que les chercheurs et les économistes sur le terrain. Il y a une riche expertise dans le domaine, et ce serait un gaspillage de ressources que de ne pas y faire appel.

Dans la société civile, les organismes de femmes en Europe demandent à être consultés de façon fructueuse. Il y a beaucoup de ressources que nous pouvons et que nous devrions partager, car il est dans l'intérêt de tout le monde de veiller à ce que cette démarche soit bien menée.

Nous dirions que nous avons nos engagements internationaux, à savoir la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et le Programme d'action de Beijing. Le programme de Beijing, pour nous et pour toutes les femmes dans le monde, demeure plus que jamais un engagement politique très ferme, mais il s'agit aussi d'un ensemble d'engagements — pris il y a plus de 20 ans — qui demeure pertinent aujourd'hui. Nous devons nous assurer que tous les intervenants veillent à ce que ces engagements soient remplis, même si de nouveaux problèmes font leur apparition aujourd'hui. Mais Beijing demeure un élément fondamental et une référence que les décideurs de tous les niveaux devraient vraiment prendre en considération.

Un autre problème qui sévit actuellement en Europe est la crise humanitaire liée aux réfugiés. Nous travaillons d'arrache-pied pour veiller à ce que les interventions et les politiques mises de l'avant soient soumises à un processus d'intégration de la problématique hommes-femmes pour nous assurer que les femmes qui ont fui une zone de conflit, seule ou avec leurs enfants, reçoivent effectivement de l'aide et voient leurs besoins comblés tout au long de cette crise. C'est un aspect qui a été négligé.

Malgré l'existence d'un cadre institutionnel très solide et d'engagements juridiques connexes, il reste que nous devons toujours demander qu'un processus d'intégration de la problématique hommes-femmes soit appliqué. « Et les femmes dans tout ça? Que faites-vous pour veiller à ce que les différentes politiques et interventions mises en place tiennent compte des sexospécificités? » Ce que j'essaie de dire, c'est que cette mesure doit être systématique. Elle ne peut être prise en vase clos. C'est un engagement à long terme, et c'est une démarche qui sera fructueuse.

Nous voyons qu'elle fonctionne, et nous avons relevé de bons exemples, comme c'est sûrement le cas au Canada. On trouve de très bons exemples de budgétisation tenant compte des sexospécificités dans des villes comme Vienne, où les besoins des femmes comme des hommes ont été pris en compte dans le cadre du développement urbain, de l'aménagement de la ville, du transport, des services de garde et des soins aux aînés ainsi que de la prestation de différents services. En fait, vous pouvez servir tout le monde, car tout le monde tire parti d'un solide cadre d'égalité des sexes qui oriente ces politiques, surtout au moment de déterminer où va l'argent. Nous devons vraiment voir où va l'argent et veiller à ce que la démarche soit assortie d'une approche d'égalité des sexes et d'intégration de la problématique hommes-femmes très vigoureuse.

Il y a d'autres exemples qui concernent la formation. Je crois que Joanna Maycock vous a parlé de l'exemple de la France lors de la dernière séance. Lorsque le nouveau gouvernement français est entré en fonction, il y a quelques années, une formation propre à l'intégration de la problématique hommes-femmes a été dispensée à tous les ministres, y compris au président. Cette mesure très ciblée s'est avérée efficace, car cela signifiait que, dès le début du mandat, dans les différents secteurs d'intervention, nous étions en mesure de voir pourquoi il était si important d'intégrer à chaque secteur de politique la prise en compte des sexospécificités. Ce n'est pas quelque chose qu'on fait après coup : il faut que la démarche soit intégrée au processus dès le début. Il faut que le processus soit aux commandes au lieu d'évoluer dans les marges, car c'est l'un des dangers aussi. Il faut que vos mécanismes permanents et vos systèmes de responsabilisation soient en place pour veiller à ce que l'égalité demeure un but à long terme.

En Europe, nous sommes chanceux d'avoir l'Institut européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes. L'institut produit tous les deux ans un compte rendu relativement à un indice d'égalité des sexes qui procure de l'information à l'égard d'un certain nombre d'aspects et qui compare différents pays par rapport à la façon dont ils progressent ou ne progressent pas sur le plan de l'égalité des sexes, que ce soit au chapitre du travail, de l'argent, du savoir, du temps, du pouvoir, de la santé, des inégalités croisées ou de la violence faite aux femmes. Je dirais que cet indice est un très bon outil, car il nous donne une idée des progrès que nous réalisons en tant que société européenne dans nos efforts pour promouvoir l'égalité des sexes dans ces différents domaines. Nous pouvons également comparer les pays.

Ce que nous avons observé au cours des 10 dernières années, c'est que l'égalité des sexes en Europe connaît en fait une période de stagnation et que les progrès sont très lents. L'Europe — et le monde entier, selon moi — doit de toute urgence remettre l'égalité des sexes à l'avant-plan, et ses dirigeants doivent prendre des engagements politiques fermes, à l'instar — d'après ce que nous voyons de notre côté de l'Atlantique — du Canada. Nous compterons sur vous également lorsque viendra le temps de veiller à ce que nous allions tous dans la mŒme direction.

Je pense que je vais m'arrêter là pour l'instant. Je peux vous parler plus en détail de toute question ou de tout enjeu en particulier.

Le président : Merci beaucoup, mesdames Collins et Day. Nous avons beaucoup de questions. Nous allons laisser la sénatrice Nancy Ruth donner le coup d'envoi à la conversation et aux questions; c'est elle qui a pris les rênes de cette étude particulière, et nous lui en sommes reconnaissants.

La sénatrice Nancy Ruth : Merci à vous deux. Vous avez toutes deux insisté sur la grande importance des résultats.

Madame Day, vous avez laissé entendre que le gouvernement devrait créer des centres d'expertise relativement à l'ACS. Pourriez-vous nous en parler plus en détail et me dire si ces experts proviendraient à la fois de l'intérieur et de l'extérieur du gouvernement? C'est bien beau d'avoir accès à des experts de l'extérieur, mais à un moment donné, nous devons, en tant que parlementaires, assumer une certaine responsabilité à ce chapitre. Selon mon expérience, lorsque l'ACS était menée par le ministère des Finances, l'un de nos comités sénatoriaux posait des questions, mais n'arrivait pas à obtenir de réponses. Que des banalités.

Nous essayons continuellement de pousser la fonction publique, mais cela n'a pas produit les résultats que vous souhaitez ou que je souhaite, alors je recherche d'autres idées. J'aimerais donc en savoir plus au sujet de ce centre et demander si vous avez d'autres idées.

Mme Day : Merci beaucoup de poser cette question. Je crois qu'il y a probablement plusieurs endroits au sein du gouvernement où se trouve une telle expertise, mais vous la trouverez certainement à Condition féminine Canada. Je crois que, dans tout ce processus, on a perçu Condition féminine Canada comme étant là pour former, soutenir, faciliter et faire du réseautage, mais pas tant pour servir de centre d'expertise. Je pense que Condition féminine Canada doit mettre en valeur ses capacités à ce chapitre. Il faut que les autres ministères se tournent vers cette organisation et lui disent : « Nous avons besoin de votre expertise. Venez nous conseiller. Dites-nous quoi faire dans ce cas particulier; nous avons besoin de vous non pas pour nous encadrer, nous soutenir et nous former, mais bien pour nous faire bénéficier de votre expertise. » Alors, c'est un aspect.

Nous pourrions parler des centres d'expertise externes. Il y a diverses façons de concevoir cela. Condition féminine Canada avait autrefois un Fonds de recherche en matière de politiques qui soutenait en fait la recherche externe; ce fonds était excellent et connu partout dans le monde. Pour une raison qui m'échappe, il a disparu. Nous pourrions le rétablir. Je crois que ce serait une excellente chose.

Mais au-delà de cela, je crois qu'il nous faut une sorte de structure qui n'est pas là, alors je vais répéter certaines choses que j'ai déjà dites. Le leadership à l'égard de ce processus n'est pas clair. L'obligation de mener ce processus n'est pas claire. C'est pourquoi je dis qu'il faut légiférer. Nous le faisons volontairement depuis 20 ans, et nous ne sommes pas contents des résultats obtenus. Par conséquent, nous devons reconnaître que cette approche volontaire ne fonctionne tout simplement pas.

Des représentants du ministère de l'Immigration nous ont dit que leur ministère est le seul à être tenu par la loi de mener de telles analyses. Selon eux, on a l'esprit plus vif lorsqu'on est soumis à une obligation législative. Je crois que c'est le cas. Pour arriver à nos fins, il faut que le processus soit obligatoire pour tous les ministères et qu'une structure soit instaurée pour veiller à ce que cela se produise.

Je le répète, nous avons besoin d'une surveillance. Nous avons besoin d'une surveillance indépendante, d'un bureau ou d'un commissariat à l'égalité entre les sexes qui pourrait en fait surveiller ce processus et relever les choses qui ne se produisent pas comme prévu. Nous devrions réfléchir à ce dont parlait Mary Collins et déterminer les types d'indicateurs que nous devrions mettre au point pour vraiment savoir si nous allons dans la bonne direction.

Et je vais dire encore que nous avons besoin d'un plan. Quel est le plan du gouvernement? Qu'allons-nous faire au cours des 10 prochaines années? Quels sont les domaines prioritaires où il faut apporter des changements afin que les Canadiennes s'approchent encore davantage de l'égalité? Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire au cours des 10 prochaines années pour veiller à ce que cela se produise?

Il ne s'agit pas simplement de suivre les nouveaux programmes qui sont lancés et de les soumettre à une sorte de processus interne. Il s'agit également d'avoir un plan clair et ciblé nous permettant de savoir où nous allons.

Toutes ces choses nous font défaut, selon moi.

La sénatrice Nancy Ruth : Que contiendrait ce plan? Quelles choses s'y retrouveraient? On a établi un plan assorti de huit objectifs, mais il ne semble pas avoir donné grand-chose sur le plan des résultats. En quoi le plan que vous recommandez serait-il différent?

Mme Day : Lorsque je parle d'élaborer un plan, je pense au fait de s'attacher à des choses bien précises. Que devons- nous faire pour améliorer l'accès des femmes à la justice au Canada, par exemple? Quelle est la contribution du gouvernement fédéral à ce chapitre? Que peut faire le gouvernement fédéral, concrètement, pour améliorer l'accès à la justice des femmes?

Je dirais que des choses très concrètes pourraient être faites à ce chapitre. Encore une fois, je pense que nous devrions nous pencher sur des aspects particuliers et déterminer ce qui nous préoccupe. Qu'allons-nous faire au sujet de la disparité salariale entre les sexes? En quoi le gouvernement fédéral contribue-t-il à cette disparité? En quoi peut-il aider à l'éliminer ou à l'atténuer? Nous devons établir des domaines prioritaires.

À mon avis, le problème de ce que nous appelions un plan tient au fait que celui-ci s'attachait uniquement au processus. J'estime parler de choses très concrètes ici. Que pouvons-nous faire pour éliminer la disparité salariale entre les sexes? Quelles mesures le gouvernement fédéral peut-il prendre, et au cours de quelle période? Comment allons-nous faire cela? C'est ce genre d'approche concrète que j'imagine lorsque je parle d'un plan.

La sénatrice Nancy Ruth : Madame Collins, voudriez-vous ajouter quelque chose? Êtes-vous au courant de pays où le dépôt d'un projet de loi devant le Parlement mène à une analyse comparative entre les sexes? Y a-t-il des pays d'Europe qui font cela?

Mme Collins : Oui, en effet. Premièrement, pour ce qui est de l'Union européenne elle même, vous savez que la Commission européenne élabore des propositions législatives qui sont ensuite soumises au Parlement européen et au Conseil européen pour adoption. Chaque fois qu'une position est déposée relativement à certaines questions particulières — et c'est là que le bât blesse, on estime que cela ne s'applique qu'à certaines questions particulières —, il y a ce que nous appelons une évaluation de l'impact sur les sexes.

Voici un exemple. On étudie actuellement un projet relatif à la conciliation travail-vie, et on se demande s'il faudrait établir des directives à l'égard des congés de paternité. Devrions-nous améliorer la disposition relative aux congés de maternité, entre autres? Nous avons mené une analyse de l'impact sur les sexes. Le problème, c'est que l'analyse de l'impact sur les sexes ne s'attacherait qu'à certains aspects, comme le coût. Combien cela va-t-il coûter? Quel sera le coût si on offre un congé de paternité payé, si on prolonge le congé de paternité, le congé de maternité payé, et cetera? Elle ne s'attache qu'à cela, et elle ne suppose en fait aucune consultation au-delà de ce qui concerne le coût.

Nous avons de l'expertise sur le terrain. Il y a des experts en la matière au sein des organismes de femmes, au sein du mouvement féministe, des experts de l'économie féministe. Il y en a beaucoup, on n'en manque pas. Ce genre de consultation, une consultation constructive, vous donnerait une très bonne idée de ce que comprendrait une évaluation de l'impact sur les sexes à l'égard d'un projet de loi et de l'impact qu'aurait ce projet de loi, du point de vue non seulement des coûts, mais aussi de l'impact sociétal.

Et c'est là que réside le problème : il faut étudier le projet de loi en question et déterminer s'il va rehausser l'égalité entre les sexes, entre les hommes et les femmes, s'il ne va rien changer ou s'il va y nuire. C'est le genre de choses qu'il faut prendre en compte au moment de mener une évaluation de l'impact sur les sexes. Alors l'exercice est en place, mais il n'est toujours pas suffisant. L'évaluation ne va pas assez loin, car elle ne tient compte que d'un seul facteur, que d'un type de facteurs. Alors, c'est un exemple.

J'aimerais revenir à l'exemple des pensions. En Europe, pratiquement tous les pays s'affairent à réformer leur régime de pensions, et on n'effectue aucune analyse aux fins de l'égalité entre les sexes. Aucune de ces démarches n'intègre la notion d'intégration de la problématique hommes-femmes. Nous savons qu'en Europe, par exemple, l'écart moyen au chapitre des pensions est de 40 p. 100. Même si on a lancé un appel à la tenue d'évaluations de l'impact sur les sexes — parce que le vieillissement des femmes dans la pauvreté est en fait très coûteux pour la société, au bout du compte —, on n'a mené aucune évaluation de l'impact sur les sexes à l'égard de ces politiques.

Ce n'est pas systématique, et lorsque le processus est appliqué, il est toujours très limité. Il y a des exemples comme cela. J'essaie d'en trouver un, spontanément, mais... Je vais vous donner un autre exemple. Prenons la Banque européenne d'investissement, qui gère 70 milliards d'euros d'investissements. Elle ne tient aucun compte des sexospécificités, elle n'a ni stratégie ni plan d'égalité des sexes. On a donc là 70 milliards d'euros investis en Europe sans aucune forme de prise en compte des sexospécificités. C'est un gaspillage éhonté de ressources, et le fait que de telles analyses ne soient pas effectuées systématiquement en dit long.

Alors, pour revenir à votre question, oui, il y a des exemples, et nous allons également vous communiquer avec plaisir des exemples de situations où des évaluations de l'impact sur les sexes ont effectivement lieu, mais cela ne se produit pas systématiquement, et c'est ce que nous devons faire, car, au bout du compte, la question cruciale est la suivante : comment pouvons-nous effectivement promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes pour le bien de la société tout entière? C'est une question de justice sociale, de droit de la personne, mais de façon globale. C'est la question qui devrait orienter et guider nos évaluations de l'impact sur les sexes et nos activités liées à l'intégration de la problématique hommes-femmes.

La sénatrice Nancy Ruth : Quel est le rôle des parlementaires dans tout cela?

Mme Collins : Si je reviens à l'exemple du projet de loi sur la conciliation travail-vie, la Commission européenne, avant de formuler ses propositions, va mener une évaluation de l'impact sur les sexes, et l'évaluation sera annexée à la proposition afin de donner une indication des résultats de la mesure.

Le projet de loi est déposé au Parlement; le Parlement en discute, puis met le projet de loi aux voix. Le Parlement peut accepter de s'appuyer sur l'évaluation de l'impact sur les sexes fournie par la commission, ou il peut décider qu'une telle évaluation n'est pas obligatoire. Le Parlement peut décider en fait d'approfondir l'analyse de l'impact sur les sexes ou de mener une autre sorte d'analyse.

Alors, encore une fois, le processus n'est pas systématique, et le Parlement n'est pas tenu de s'y plier parce que l'une des institutions l'a fait avant lui. C'est aussi un problème.

La sénatrice Nancy Ruth : Mme Day a déclaré — si j'ai bien compris — qu'il n'est pas clair qui dirige. Il pourrait s'agir de la ministre de la Condition féminine. C'est une possibilité. Vous dites qu'il n'y a aucune exigence ferme de la part des parlementaires pour que ce soit fait.

L'un des rôles que les parlementaires sont censés jouer consiste à demander des comptes aux fonctionnaires à l'égard de divers projets de loi et instruments législatifs. Quel rôle pourrions-nous jouer, selon vous?

Mme Day : Premièrement, j'aimerais clarifier quelque chose. Je ne dis pas que cette responsabilité devrait incomber à la ministre de la Condition féminine. À mon avis, cette responsabilité devrait relever des personnes à la tête du gouvernement. Autrement dit, je pense qu'elle incombe au premier ministre ou au Conseil privé. Selon moi, c'est une responsabilité qui concerne l'ensemble du gouvernement. Je ne crois pas que la ministre de la Condition féminine ait déjà eu l'influence ou le pouvoir voulu pour réaliser ce mandat. Cela fait partie du problème que nous avons eu : cette responsabilité doit être exercée par les plus haut placés au sein du gouvernement.

Deuxièmement, le rôle des parlementaires, à mon sens, est extraordinairement important. Les parlementaires sont là pour défendre l'intérêt public. Ils sont là précisément pour veiller à ce que le gouvernement agisse dans l'intérêt public. Votre rôle est extraordinairement important, selon moi. À mes yeux, vous êtes des surveillants et des conseillers et jouez un rôle absolument crucial ici, comme en témoigne le fait que vous soyez en train d'examiner cette question particulière aujourd'hui. Les choses que vous faites ici et que vous dites au gouvernement ainsi que la visibilité que vous procurez à cet enjeu sont extraordinairement importantes, et votre capacité ainsi que votre volonté de suivre le dossier de près et de surveiller la suite des choses sont suprêmement importantes, selon moi.

J'aimerais seulement réitérer ma déclaration selon laquelle l'examen du CEDAW et la présentation de ses conclusions vendredi sont une autre occasion pour les parlementaires de faire le point sur le bilan du Canada sur le plan des droits de la personne de femmes et de parler au gouvernement de ce bilan et de ce qu'il faut faire à cet égard. Je crois qu'une occasion, qu'un levier s'offre à nous. Il serait énormément important, selon moi, qu'un comité de la Chambre des communes ou du Sénat reprenne ces conclusions, les examine et tienne des audiences sur le sujet, car je crois qu'elles sont extraordinairement importantes et qu'elles ouvrent des voies de réflexion pour nous tous au sujet de la direction que nous prenons et de la forme que pourrait prendre un vrai plan assorti de mesures concrètes. Je pense que le rôle des parlementaires est crucial.

Le président : Nous continuerons de faire cela. J'aimerais que tous les sénateurs puissent participer à la conversation. Nous avons encore 20 minutes environ. La vice-présidente a la parole.

La sénatrice Ataullahjan : Je vous remercie toutes les deux de votre présence. J'ai obtenu la réponse à la plupart de mes questions, mais je voudrais vous en poser une, madame Day. Quelles sont certaines des pratiques exemplaires qui fonctionnent dans le secteur privé ou dans d'autres pays et que le gouvernement du Canada pourrait adopter?

Je voudrais également vous poser des questions au sujet de la Stratégie nationale en matière de logement, une fois que vous aurez répondu à cette question.

Mme Day : Il est difficile pour moi de répondre à cette question. Je souhaiterais entendre ce que Mary Collins a à dire. Je ne suis pas certaine que nous ayons déjà des réponses vraiment excellentes concernant la façon de procéder. Nous travaillons encore sur la façon de faire cela. Je suis désolée que ce soit le cas et que je ne puisse pas vous indiquer quelque chose qui soit immédiatement satisfaisant pour moi en tant qu'excellent exemple.

La stratégie en matière de logement sera très cruciale. Afin de faire fonctionner cette stratégie et la stratégie de réduction de la pauvreté pour les femmes, il sera extraordinairement important que soient tenus de vraies consultations et un réel examen des besoins des femmes relativement au logement, lesquels sont différents dans certaines circonstances, tout comme les besoins de groupes particuliers... et de réellement intégrer ces éléments dans une stratégie nationale en matière de logement.

Je dirais la mŒme chose en ce qui concerne la stratégie de réduction de la pauvreté. La pauvreté affecte les femmes de diverses manières et des groupes de femmes particuliers de diverses manières, et cela doit vraiment être pris en compte si ces stratégies, à la mise en ouvre desquelles nous avons vraiment hâte et lesquelles sont très importantes pour le pays, doivent fonctionner de manières qui sont efficaces pour les femmes et les hommes.

Mme Collins : Il y a assurément de bonnes pratiques. La question à poser, lorsque nous étudions les bonnes pratiques, c'est quels sont les facteurs qui en font de bonnes pratiques? Qu'est-ce qui les distingue vraiment?

Nous avons divers bons exemples et bonnes pratiques dans diverses parties de l'Europe... dans diverses régions également. Par exemple, il y a la budgétisation tenant compte des sexospécificités. Nous revenons à la question du budget, car, au bout du compte, l'argent est important. C'est aussi le pouvoir. Il s'agit de la façon dont nous répartissons les ressources et dont nous distribuons notre richesse. Certains exemples sont vraiment intéressants, comme celui de la ville de Vienne. C'est une grande ville, mais on peut aussi trouver d'excellents exemples dans de petites municipalités.

Il y a des facteurs sous-jacents, quand nous regardons et nous demandons : « Pourquoi est-ce que cela fonctionne là- bas, mais pas ici? » Il y a de la sensibilisation, un engagement, du leadership et un plan, et il y a une stratégie à long terme, car ce sont des objectifs à long terme. Il s'agit d'une transformation. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'elle se produise du jour au lendemain. Elle prend du temps. Mais le temps et l'engagement feront vraiment toute la différence.

Il est aussi question d'habiliter les femmes. Si nous avons établi des lois et diverses choses, mais que les femmes, en tant que telles, ne se rendent pas vraiment compte qu'il s'agit de vrais outils dont elles peuvent se saisir et qu'elles peuvent utiliser, elles n'auront pas une très grande importance dans leur vie. Il s'agit de changer les choses.

Si on regarde les facteurs qui sous-tendent certaines de ces bonnes pratiques, ils découlent de la mise en place d'un environnement habilitant. Cela se résume à un leadership fort de la part des dirigeants qui font vraiment de l'égalité des sexes une priorité. Il s'agit de la moitié de la population. C'est absolument crucial pour le monde dans lequel nous vivons, pour la ville dans laquelle nous vivons, pour le pays dans lequel nous vivons et pour la municipalité dans laquelle nous vivons. Nous voulons nous assurer que tout le monde en profite, car, au bout du compte, c'est de cela qu'il s'agit. Il n'est pas question de dire que les femmes seront avantagées. Il s'agit de dire que l'ensemble de la société y gagnera. Il est question de s'assurer que l'argent est investi dans les services que tout le monde peut utiliser. Si ce sont les services de garde d'enfants, ce n'est pas que pour les femmes. La garde est une responsabilité collective. Il s'agit également de dire que les hommes peuvent eux aussi y prendre part.

Voici les facteurs : le leadership et les ressources, c'est-à-dire non seulement les ressources financières, mais aussi les ressources humaines. Il s'agit de s'assurer d'avoir les bonnes personnes. On en revient aux propos formulés par Shelagh : il faut disposer des experts et travailler avec les ministères des Finances, car ils ne sont pas habitués de travailler ensemble et d'étudier les finances, les budgets, et cetera, du point de vue de l'égalité entre les sexes. Il s'agit donc de réunir ces types d'experts, puis cela fonctionne vraiment.

Le leadership est important, de mŒme que le long terme et les lois. Je vais vous donner un autre exemple. En ce moment, nous avons présenté en Europe une proposition de directives appelée European Women on Boards, qui concerne l'établissement d'un système de quotas de femmes dans les entreprises cotées en bourse. Dans certains pays, cette directive n'a pas encore été adoptée, mais certains ont pris les devants et ont dit : « Avant que toute directive entre en vigueur, nous allons envisager de mettre en place nos propres lois », ce qui a été le cas de la France. Toute la situation a changé radicalement en un très court laps de temps.

Une fois qu'on a les facteurs qui créent cet environnement habilitant, on peut faire bouger les choses. Je serais heureuse de vous envoyer certains exemples plus précis de bonnes pratiques que nous pouvons recenser dans des régions et des pays divers de l'Europe. Nous serions ravies de vous envoyer cette information plus tard, si cela peut vous être utile.

La sénatrice Ataullahjan : Je serais heureuse si vous pouviez nous envoyer quelque chose parce que vous avez parlé d'un plan, mais je voudrais savoir quels éléments précis de ce plan font en sorte qu'ils fonctionnent. Je voudrais obtenir plus de renseignements à ce sujet.

La sénatrice Hubley : Bienvenue à vous deux. J'allais revenir sur la question de la sénatrice Ataullahjan parce que, quand nous cherchons des façons de faire les choses, s'il y a de l'expertise dans le secteur privé ou dans d'autres pays... ce serait très utile.

Je vais simplement passer très rapidement à une autre question. Le premier ministre a fait parvenir à chaque ministre une lettre de mandat qu'il devait réaliser. Il ne s'agissait probablement pas d'une nouvelle idée, mais l'existence de ces lettres de mandat est maintenant une idée très publique, ici, au Canada. Pour aborder la question du leadership, je me demande s'il s'agirait d'une possibilité et si tout type d'analyse comparative entre les sexes devrait être une priorité dans ces lettres de mandat.

Mme Day : Les lettres de mandat sont merveilleuses parce que, comme vous le dites, elles rendent très publiques les responsabilités précises qui ont été attribuées aux ministres. Il s'agissait d'un geste très positif de la part du gouvernement que de produire ces lettres de mandat et de les rendre publiques de cette manière.

Je conviens également que le fait d'inscrire dans la lettre de mandat de tous les ministres quelque chose pour indiquer la responsabilité du ministre en question à l'égard de l'égalité des sexes dans l'ensemble de ses programmes, services et nouvelles réalisations serait une chose très importante à faire.

Il ne s'agit toutefois pas de la seule chose. Je ne pense pas que cela remplace le fait de rendre obligatoire l'analyse comparative entre les sexes ni celui de s'assurer que, au sommet du gouvernement, il y a une responsabilité globale à l'égard des résultats liés à l'égalité des sexes.

J'ai regardé la lettre de mandat de la ministre Hajdu sur ce sujet particulier, et j'avoue que, quand je l'ai examiné attentivement, j'ai été un peu déçue de la façon dont la formulation est marquée par une certaine prudence. On lui a dit que son objectif fondamental sera de veiller à ce que les politiques, les lois et les règlements du gouvernement « tiennent compte » des diverses répercussions que les décisions peuvent avoir sur les hommes et les femmes.

Eh bien, je ne suis pas certaine que cela lui confère le genre de pouvoirs que nous recherchons aux fins de ce processus. J'ai déjà dit que je ne suis pas certaine qu'elle soit celle à qui le pouvoir devrait être conféré parce que je pense qu'il doit l'être tout au sommet, mais, lorsqu'il est question de pouvoir, je voudrais qu'il soit formulé un peu plus clairement que cela.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Le président : Je pense que Mme Collins a une réponse à votre question, elle aussi.

Mme Collins : Merci. Je veux dire que je suis pleinement favorable à cela. Il s'agit d'une bonne pratique : rédiger une lettre de mandat, la rendre visible et présenter d'emblée ce qui est attendu de la part du mandat. J'entends dire que ce n'est pas suffisant et qu'elle ne remplace pas certaines choses. Je pense que vous avez mis en place un processus et que la responsabilité d'être transparent à son sujet se fait sentir. Il pourrait vous incomber de dire : « Cela figurait dans votre lettre de mandat. Un an plus tard, où en sommes-nous? Qu'avons-nous fait? Et c'est de là que les plans et les priorités pourront ressortir.

Je pense qu'il s'agit d'une très bonne pratique et d'un très bon processus. Cela rend le mandat visible, le présente et l'établit au cour des politiques dès le départ. C'est du bon leadership, mais il doit être maintenu et faire l'objet d'un suivi.

La sénatrice Gagné : Merci infiniment de vos exposés et de vous être présentées à nouveau aujourd'hui.

Madame Collins, vous avez mentionné dans votre exposé la crise des réfugiés et la façon dont les divers gouvernements du monde y réagissent. Quelle est votre opinion en ce qui a trait aux politiques en place afin d'accueillir plus de femmes, d'enfants et de familles?

Mme Collins : Merci. Tout d'abord, je pense que la crise est une catastrophe humanitaire parce que nous voyons tous les jours des milliers de femmes, d'enfants et d'hommes se noyer dans la Méditerranée. À l'échelon européen, une tentative réelle est déployée dans le but d'établir des itinéraires sécuritaires et une politique accueillante, mais cet effort est contré par de nombreuses difficultés causées par certains gouvernements à l'échelon national, ce qui fait vraiment de cette crise humanitaire une catastrophe absolue.

Au Lobby européen des femmes, nous exécutons depuis quelques mois — depuis le début de l'année — un projet appelé Women and Girls' Voices on the Move. Nous menons ce projet avec la Women's Refugee Commission, à New York, où des visites des lieux ont été effectuées dans des camps de transition situés dans divers pays, plus particulièrement autour de la Côte méditerranéenne.

Ce que nous avons observé, et ce que nous avons entendu décrire par les femmes elles-mêmes, c'est une absence totale d'installations sanitaires, par exemple, où les aménagements de base et les services de base ne sont pas mis en place. Les femmes en déplacement — qui arrivent de leur propre pays pour ensuite effectuer une transition dans divers pays européens — sont confrontées à des cas de violence effroyables; par conséquent, nous croyons qu'il n'y a aucune perspective sur l'égalité des sexes dans cette crise humanitaire. Notre projet consiste en partie à exercer des pressions ainsi qu'à nous assurer que des services seront et sont mis en place dans les camps.

Il y a eu des histoires atroces. Je pense qu'en tant que société européenne, il est très honteux de voir ce qui se passe. Dans le cas des femmes, et plus particulièrement des filles... nous avons entendu beaucoup d'histoires et de témoignages de femmes qui ont été dans les camps et qui ont rencontré d'autres femmes. Il y a eu des histoires de jeunes filles qui sont disparues. C'est vraiment horrible.

Une partie de notre réaction à cela consiste aussi à dire que nous devons non seulement établir une perspective sur l'égalité des sexes, mais aussi mettre en place des mesures relativement à la violence faite aux femmes. L'une de nos recommandations, c'est que la Convention d'Istanbul sur la violence à l'égard des femmes soit aussi adoptée par l'Union européenne. À l'intérieur de ce cadre, elle donne des mesures pour contrer la violence faite aux réfugiées ainsi qu'aux femmes qui demandent l'asile. Ainsi, nous étudions cette situation de près, mais il reste encore beaucoup de travail à faire.

Nous surveillons cette situation de très près et travaillons avec nos organisations membres dans les divers pays et au sein des divers organismes afin de nous assurer que les besoins des femmes — non seulement leurs besoins, mais leur point de vue... Elles aussi peuvent façonner leur présent et leur avenir pendant qu'elles effectuent des voyages très dangereux de leur pays natal vers des pays — c'est à espérer — leur offrant la sécurité dans l'Union européenne. J'espère que cela répond à la question.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Day, comment pouvons-nous veiller à ce qu'Ottawa inclue les besoins des femmes et des filles dans sa stratégie nationale en matière de logement promise? La moitié des sans-abri sont des femmes. Elles font face à des problèmes différents de ceux des hommes, comme le harcèlement et la violence sexuels, et leur espérance de vie est plus longue. Si on n'établit pas de stratégie nationale en matière de logement qui tient particulièrement compte des besoins des femmes... très souvent, c'est une question de vie ou de mort pour ces femmes.

Mme Day : Je suis d'accord, et nous savons qu'il y a des besoins propres aux femmes qui sont liés au logement. Certains d'entre eux surviennent au moment de la rupture d'une relation, et cela a toujours été un moment dans la vie des femmes qui, d'une part, est particulièrement dangereux et auquel il est particulièrement difficile de faire face lorsque l'une des choses que de nombreuses femmes doivent faire, c'est trouver un endroit sûr et abordable où leurs enfants et elles peuvent vivre séparés de leur partenaire.

Pour les femmes — je l'ai observé à maintes et maintes reprises, et, au Canada, nous avons vu une multitude de rapports l'affirmer —, le logement est absolument essentiel à leur capacité de s'établir séparément d'un partenaire violent ou abusif à ce moment particulier. Les femmes ont tendance à retourner vers leur partenaire violent et abusif précisément parce qu'elles n'arrivent pas à trouver un logement sûr et abordable pour leurs enfants et elles-mêmes.

Si nous envisageons l'établissement d'une stratégie nationale en matière de logement qui va fonctionner pour les femmes, c'est un exemple, et je ne pense pas que ce soit le seul, mais c'est quelque chose qui doit vraiment être pris en considération. Nous devons nous demander quel genre de logement, où, quand et comment. Pouvons-nous veiller à ce que les femmes qui tentent d'échapper à la violence aient la capacité d'obtenir rapidement un logement sûr et abordable pour leurs enfants et elles-mêmes?

Une partie de ce que, selon moi, nous n'avons pas expliqué assez clairement, c'est le fait que les politiques sociales qui entourent la violence faite aux femmes sont absolument essentielles à notre capacité de protéger les femmes. Parfois, je pense que nous parlons de la violence faite aux femmes comme si c'était principalement une affaire de police et du système judiciaire, alors qu'en fait, cela a tout à voir avec la façon dont nous avons conçu nos politiques sociales connexes — le logement en fait partie — afin de nous assurer que les femmes puissent être en sécurité et s'établir séparément d'un partenaire violent ou abusif. C'est un exemple. Je peux vous en donner d'autres.

Si nous parlons des refuges — par exemple —, qui sont une forme de logement, une des choses que disent les femmes du Canada, c'est qu'il n'y en a pas assez et que les séjours ne sont que pour des périodes limitées. Dès qu'on tente d'effectuer la transition entre un refuge et un logement à long terme — et c'est de cela que je parle —, c'est très difficile parce qu'il y a très peu de ce qu'on appelle des maisons de seconde étape, et il est particulièrement difficile de trouver un logement abordable à ce moment-là.

L'autre chose, en ce qui concerne l'établissement d'une stratégie relative au logement, c'est la prise en compte du fait que le revenu des femmes est inférieur à celui des hommes. La somme que les femmes peuvent consacrer au loyer lorsqu'elles sont âgées ou célibataires, le genre de logement qu'elles peuvent se permettre parce qu'elles ont tout simplement un revenu inférieur, c'est aussi quelque chose qui doit être pris en compte si nous allons établir une stratégie nationale équitable en matière de logement, qui répond aux besoins des femmes et des hommes.

Le président : Merci beaucoup. Notre temps est presque écoulé, mais nous recevons aujourd'hui beaucoup d'éclaircissements sur la question. Cependant, j'étais curieux à propos de notre conversation au sujet de l'intégration de la problématique hommes-femmes, le gender maintreaming, comme on l'appelle en Europe, et des villes comme Vienne... et vous êtes revenue sur Vienne. Je voudrais comprendre ce qui s'est passé et ce qui a fonctionné pour Vienne, ce qui a fait de cette ville un meilleur endroit pour procéder à l'intégration de la problématique hommes-femmes. Je dois aborder ce qui se passe à Vienne, simplement pour clore ce sujet, s'il vous plaît.

Mme Collins : Je vous suggérerais de visiter Vienne, vous aussi, mais, cela dit, ce qui a vraiment changé, c'est tout l'environnement, le transport et les services de garde d'enfants, par exemple. Une tout autre approche a été adoptée relativement à la garde des enfants. Voilà l'une des principales vraies choses qui ont changé au cours des deux ou trois dernières années, mais aussi l'ensemble du réseau de transport, qui offre aussi aux femmes des moyens de transport, des voitures et des wagons sécuritaires. L'éclairage, l'aménagement urbain... tout un tas d'initiatives différentes ont été mises en ouvre.

La chose qui, selon moi, est la plus importante, c'est la propriété liée au fait que les femmes et les hommes sont convaincus — et ressentent — que leur ville leur appartient. Il y a un réel sentiment de façonnement et de propriété de leur propre ville, donc, réellement cela ramène la ville dans la vie des gens. Voilà ce qui a fait toute la différence.

Il y a d'autres choses, et je serais heureuse d'envoyer d'autres renseignements détaillés au sujet d'initiatives précises, mais, au bout du compte, c'est le résultat qui a été obtenu. L'intégration de la problématique hommes-femmes a vraiment ramené la ville dans la vie des femmes et des hommes. Ils ont l'impression qu'elle leur appartient.

Le président : Merci beaucoup. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir envoyer certains de ces renseignements parce qu'il s'agit des types d'exemples qu'on peut utiliser si nous abordons l'analyse comparative entre les sexes et tous ces enjeux, car je pense que beaucoup d'hommes ne comprennent pas. Il est certain que je comprends, et je suis vraiment enthousiaste au sujet de cette étude qui a été menée par la sénatrice Nancy Ruth.

Je veux vous remercier toutes les deux de votre présence aujourd'hui, et je vous remercie, madame Day, d'être revenue. Vous nous avez donné davantage d'information aux fins de notre étude et de nos recommandations. En tant que parlementaires, les droits de la personne des gens relèvent effectivement de nous et nous ferons le suivi de certaines de vos recommandations.

Passons à la prochaine partie de notre ordre du jour; le comité des droits de la personne a publié un rapport Les nombreux oubliés, qui portait sur ce qui se passait en Corée du Nord. Nous ne vous avons pas oubliés.

Audrey Park s'est jointe à nous aujourd'hui pour nous faire part de ses réflexions dans le cadre de notre suivi de la situation relative aux droits de la personne dans la République populaire démocratique de Corée et du traitement des transfuges nord-coréens. Nous voulons remercier la sénatrice Yonah Martin d'avoir été tenace à l'égard de cet enjeu. Quand nous avons produit notre premier rapport à ce sujet, nous avons suscité beaucoup de réactions partout dans le monde chez des organisations de défense des droits de la personne et d'autres qui comprennent vraiment bien ce qui est arrivé et ce qui continue de se passer en Corée du Nord.

Madame Park, vous comparaissez à titre personnel devant notre comité des droits de la personne, et vous avez la parole. Allez-y, s'il vous plaît, puis nous allons avoir quelques questions à vous poser, après que vous aurez fait votre travail. Bienvenue.

Audrey Park, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Bonjour, honorables sénateurs. Merci de m'accueillir aujourd'hui et de me donner cette excellente occasion de vous raconter mon histoire aujourd'hui. Je m'appelle Audrey Park. Je suis née et j'ai grandi en Corée du Nord; je vis actuellement en Corée du Sud. Je fais ma maîtrise à Séoul.

Quand j'avais 6 ans — en 1996 — la grande famine nord-coréenne a commencé, et des millions de gens sont morts de faim et de la fièvre typhoïde. Je me rappelle que ma famille n'avait qu'un repas par jour : un petit bol de maïs et de légumes. J'avais toujours faim, alors je disais à ma mère : « je veux plus de maïs », mais ses réponses étaient toujours les mêmes. Elle me disait : « quand viendra la nouvelle année, tu pourras avoir plus de riz, autant que tu veux. Je te le promets. » Mais je savais qu'elle me mentait parce qu'elle m'avait fait la mŒme promesse l'année précédente et l'autre année avant.

Comme la plupart des Nord-Coréens, mes parents ont tenté de survivre durant la famine, mais la situation en Corée du Nord empirait toujours davantage. Autrefois, la Corée du Nord était dotée d'un réseau de distribution alimentaire, de sorte que les gens obtenaient un approvisionnement quotidien du gouvernement, mais, durant la grande famine, le gouvernement a tout arrêté, mŒme les réseaux d'aqueduc et d'électricité. Ma famille devait boire l'eau de la rivière tous les jours.

Le plus triste, c'est que mes parents ont divorcé le jour de mon huitième anniversaire. J'ai vécu l'anniversaire le plus traumatisant de ma vie.

Après le divorce, ma mère s'est occupée de ma sœur cadette et de moi-même pendant plusieurs mois, mais elle ne pouvait pas trouver assez de nourriture pour subvenir à nos besoins, mŒme si elle travaillait très dur sur le marché noir. Alors, ma mère a décidé de fuir vers la Chine afin d'obtenir de l'aide de sa parenté chinoise et de faire de l'argent en Chine pour subvenir aux besoins de sa famille. Toutefois, elle a dû prendre la décision déchirante de laisser ma sœur cadette avec mon père, puisqu'elle n'avait que six ans et qu'elle était trop petite pour s'évader vers la Chine.

Après avoir franchi le Tumen gelé qui sépare la Corée du Nord de la Chine, ma mère et moi avons finalement rencontré les membres de sa parenté chinoise. J'ai été très heureuse quand ils sont venus nous voir parce que je pensais qu'ils allaient nous emmener en lieu sûr ou nous donner de l'argent.

Mais les cousins de ma mère nous ont présentés à des trafiquants au lieu de nous aider. C'est parce que la police chinoise ne reconnaît pas les Nord-Coréens en tant que réfugiés, alors ma parenté aurait reçu une amende d'environ 10 000 $ une fois que la police nous aurait découvertes ou arrêtées. Voilà pourquoi les cousins de ma mère ne nous ont pas permis de rester chez eux.

Ma mère n'avait pas le choix, alors elle a accepté d'aller avec les courtiers coréens-chinois, mais ils m'ont séparée de ma mère parce qu'ils affirmaient vouloir me vendre à des couples sans enfant. À ce moment-là, je n'avais que 10 ans. Je me rappelle encore que j'étais enfermée dans une vieille maison chinoise, où une dame chinoise, vieille, mais intelligente, me surveillait toute la journée pour s'assurer que je ne m'enfuyais pas. J'avais très peur, alors je pleurais tous les jours et toutes les nuits.

En tant que fillette de 10 ans, je craignais vraiment d'être abandonnée par ma mère. Cependant, ma mère ne m'avait pas abandonnée, mŒme si les courtiers l'avaient forcée à me laisser. Je sais qu'elle a lutté avec eux pendant longtemps jour et nuit. Quand ma mère et moi avons enfin été réunies, elle m'a embrassée et m'a dit : « n'oublie pas que personne ne peut nous séparer ». Elle était aussi forte qu'elle l'avait toujours été.

Ma mère et moi avons vécu en Chine pendant sept ans, mais nous avons été rapatriées en Corée du Nord trois fois par la police chinoise. Le premier rapatriement est arrivé quand j'avais 11 ans. Les agents de police chinois nous ont amenés de l'autre côté du pont qui sépare la Corée du Nord de la Chine. J'avais tellement peur que je me suis presque mise à crier. Je me souvenais d'avoir entendu parler de mes voisins, en Corée du Nord, qui avaient été envoyés dans des camps de concentration lorsqu'ils avaient été rapatriés de la Chine. J'étais tellement horrifiée que je pouvais sentir mes jambes trembler.

À ce moment-là, je voulais vraiment tenir ma mère par la main, mais je ne le pouvais pas parce que nous étions menottées, alors j'ai regardé son visage. Elle ne m'a rien dit, mais je pouvais entendre sa voix dans ma tête : « N'aie pas peur. Reste consciente et reste en vie. »

Une fois que nous avons été rapatriées, nous avons été envoyées dans un camp de travail. Cela a été la période la plus sombre de ma vie. Je me rappelle que nous n'avions que l'enveloppe des épis de maïs et de l'eau salée à manger. Alors, de nombreuses personnes souffraient de malnutrition et étaient atteintes de maladies connexes. Durant la journée, tout le monde était forcé de travailler sur les chantiers de construction et les exploitations agricoles. La nuit, nous étions forcés de mémoriser les paroles du grand chef au nom de la rééducation, encore et encore.

J'ai vu des hommes être battus sauvagement, des femmes être forcées d'avorter leur bébé à moitié chinois, et des enfants comme moi, qui étaient si épuisés que nous nous étendions seulement sur le sol comme une pile d'arbres morts. J'étais trop épuisée... mais ma mère m'encourageait toujours à ne pas abandonner, à rester en vie et à rester concentrée. Je sais que je ne pourrais pas être ici aujourd'hui sans son amour et son encouragement.

Après avoir été rapatriées vers la Corée du Nord trois fois, ma mère et moi en sommes arrivées à la conclusion que la Chine ne pouvait pas être notre refuge, alors nous avons décidé d'aller en Mongolie pour demander l'asile.

Je me souviens très bien du froid glacial qu'il faisait lorsque j'ai traversé le désert de Gobi dans le but de me rendre en Corée du Sud. Le froid était si intense que l'eau dans mon sac à dos était gelée et que mes engelures aux pieds étaient graves au point qu'elles ont mis deux ans à guérir. Il n'y avait rien dans le désert, pas mŒme un oiseau ou un arbre.

Le pire, c'était que nous n'arrivions pas à trouver de soldat mongol, malgré le fait que nous ayons traversé le désert pendant 14 heures. Toutefois, nous avons eu beaucoup de chance, car, après 14 heures, des soldats mongols ont fini par tomber sur nous, et nous sommes enfin parties à destination de la Corée du Sud.

Après avoir obtenu la citoyenneté sud-coréenne, je me suis rendu compte que la liberté avait un prix. J'ai fait face à de nouveaux défis, comme la concurrence, le capitalisme et les problèmes identitaires. L'adaptation à la Corée du Sud n'a pas été facile, et il m'a fallu presque cinq ans pour me sentir en confiance dans mon nouvel environnement.

Je me sentais toujours seule, mais, quand je repense au chemin de ma vie, je n'étais pas du tout seule. Ma mère a été mon rocher, et mon beau-père chinois han se souciait tellement de mon éducation qu'il m'a envoyée à l'école primaire en Chine. En Corée du Sud, mes amis du collège et de l'église m'ont aidée à surmonter mes problèmes d'identité et les obstacles culturels auxquels je faisais face.

Maintenant, je suis au Canada, et je suis entourée de gens formidables qui sont disposés à soutenir les Nord- Coréens. Grâce à leur amour et à leur aide, je peux être ici aujourd'hui.

Le Canada est maintenant renommé chez les Nord-Coréens, et nous sommes nombreux à être disposés à demander l'asile dans ce pays. Toutefois, conformément aux lois en vigueur, les Nord-Coréens n'ont aucun moyen de rester ou d'obtenir l'asile afin de venir au Canada. Par conséquent, j'espère sincèrement que le pays sera une option pour les Nord-Coréens et qu'il pourrait les accepter en tant que réfugiés.

Le dernier message que je voudrais vous laisser, c'est que mon histoire n'est pas spéciale. Je ne suis qu'une des 23 millions de Nord-Coréens vivant aujourd'hui. Il y a encore un grand nombre de mères et de pères, de fils et de filles qui se cachent en Chine, en Russie, en Asie du Sud-Est et à d'autres endroits, qui ont besoin de votre aide et de votre soutien. Je vous prie de ne pas les oublier; ne les abandonnez pas.

Merci de m'accueillir et de m'avoir écoutée.

Le président : Merci, madame Park, du très puissant témoignage que vous avez présenté devant le comité des droits de la personne. Vous êtes manifestement au courant de notre rapport selon lequel nous allons continuer d'exercer le plus de pressions possible. Ayant personnellement effectué deux ou trois voyages en Corée du Nord, j'éprouve beaucoup d'empathie à l'égard de vos propos, et j'ai vraiment une compréhension personnelle de ce que vous nous avez raconté aujourd'hui.

La sénatrice Martin : Je vous remercie, Audrey, de votre témoignage et d'avoir raconté votre histoire de grand courage. Durant le processus de rédaction de notre rapport, l'une des choses que nous avons découvertes, c'est que les femmes sont plus nombreuses à déserter la Corée du Nord ou à s'échapper de ce pays. Vous avez parlé de votre mère et vous et de certains des dangers ou risques et vous affirmez qu'il pouvait y avoir un prix à payer pour avoir trouvé la liberté.

Voudriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ce qui se passe en Corée du Nord et préciser si c'est la Chine ou d'autres endroits qui posent le plus grand risque pour les femmes? Quelles sont ces difficultés pour les femmes?

Nous venons tout juste d'entendre nos témoins précédents parler de ce qui se passe en Europe et de la situation critique des femmes et des enfants vulnérables qui fuient les zones de conflits. Je pense qu'il s'agit d'une région du monde très importante. En Corée du Nord, qu'est-ce qui arrive aux femmes et aux jeunes filles comme vous qui rend la vie très difficile à l'intérieur du pays, et qu'est-ce qui arrive une fois que vous vous êtes échappées?

Mme Park : Merci, sénatrice Martin. La Corée du Nord est une société patriarcale; elle est vraiment dominée par les hommes et axée sur eux. Alors, les hommes peuvent être le chef de famille, mais les femmes ne sont pas promues dans la société, et elles ne sont pas considérées comme des dirigeantes de la société, mŒme si leurs capacités sont meilleures que celles des hommes.

En Corée du Nord, durant la famine, les femmes étaient responsables de l'économie familiale. C'est pourquoi un plus grand nombre de femmes travaillaient sur les marchés noirs et pourquoi elles étaient plus nombreuses à s'évader vers la Chine afin d'obtenir de la nourriture pour leur famille.

En outre, je voudrais mentionner la violence familiale en Corée du Nord. Comme je l'ai mentionné, comme il s'agit d'une société patriarcale, les hommes ne traitent pas les femmes avec dignité. Il y a de nombreux cas où les femmes sont battues par leur époux et par leurs frères.

J'ai été témoin de beaucoup de cas, quand j'étais jeune, à l'époque où j'étais en Corée du Nord. Nous ne savions pas vraiment que ces droits existaient, les droits des femmes. C'est très dur pour les femmes que de vivre en Corée du Nord.

Par ailleurs, une fois qu'elles s'évadent vers la Chine, comme le gouvernement chinois ne nous donne aucun statut juridique ni aucun document, les courtiers tentent de capturer les Nord-Coréennes dans les zones frontalières. Une fois qu'ils nous trouvent, ils tentent de nous emmener à l'intérieur de la Chine — vers la Chine continentale — afin de nous forcer à épouser des Chinois.

Le processus était vraiment inhumain, car les courtiers et ces hommes négocient les prix. Le prix correspond à l'âge. Plus vous êtes jeune, plus vous pouvez être vendue cher. Quand ma mère et moi nous sommes faites vendre, j'avais l'impression que nous étions un produit, comme des vêtements, comme si nous étions dans un marché. C'était vraiment humiliant en tant qu'être humain.

La sénatrice Martin : Vous avez mentionné votre voyage qui vous a menée jusqu'au Canada, et vous êtes ici depuis quelques mois. Vous avez affirmé que les Nord-Coréens apprennent à connaître davantage le Canada. Je voudrais vous demander de quelles manières le Canada peut jouer un rôle très positif pour ce qui est de s'occuper des droits de la personne et des possibilités que les déserteurs nord-coréens puissent être ici, au Canada. Qu'avez-vous constaté au sujet du Canada qui a été très positif et utile?

Mme Park : Tout d'abord, oui, de nombreux Nord-Coréens connaissent le Canada. Je pense que le Canada possède des processus et des programmes d'immigration et de réinstallation des réfugiés bien établis, et un grand nombre d'ONG et de travailleurs du secteur privé sont disposés à aider les réfugiés. Voilà pourquoi je pense que de nombreux Nord-Coréens essaient de venir au Canada afin d'y obtenir l'asile.

Ensuite, officiellement, le Canada n'est pas un ennemi de la Corée du Nord. Quand j'étais en Corée du Nord, je n'ai pas vraiment appris à connaître le Canada, alors le fait de rester au Canada et d'y vivre ne fait pas vraiment de nous des déserteurs de la Corée du Nord. Nous sommes simplement des réfugiés. Les Nord-Coréens se sentent plus en sécurité et plus soulagés. Voilà pourquoi le Canada est un bon endroit pour les Nord-Coréens.

En outre, pour cette raison, j'espère que le gouvernement canadien pourra ouvrir une porte afin d'amener des Nord-Coréens au Canada et d'envoyer des messages. S'il le fait, je pense que non seulement cela aidera des Nord-Coréens à vivre dans un endroit meilleur — un endroit plus sûr — mais aussi que cela enverra un message au gouvernement nord- coréen : cessez d'abuser des droits de la personne. Cessez la violence envers les femmes et les enfants.

Je suis au Canada depuis presque quatre mois. Je pense qu'il s'agit d'un pays gigantesque et beau. Cela signifie que le Canada a plus de capacité de recevoir et de réinstaller des réfugiés.

Par ailleurs, les Canadiens respectent la diversité et la paix. En tant que Nord-Coréenne, ici, j'ai l'impression de vivre en sécurité. Ici, l'endroit où on vient n'a pas vraiment d'importance. Pourvu qu'on travaille dur et qu'on étudie assidûment, les gens nous traitent également et avec respect. Voilà mon impression du Canada.

La sénatrice Ataullahjan : Madame Park, je vous remercie de votre fascinant témoignage. Il rend hommage au courage de votre mère.

Je dois vous demander ce qui est arrivé à votre sœur qui est restée là-bas. Nous avons entendu dire que la famille des déserteurs qui réussissent à traverser la frontière souffre beaucoup. Cela a-t-il été le cas de votre famille aussi?

Je me demande également quelle est la situation alimentaire en Corée du Nord. Nous entendons dire qu'il n'y a pas trop de nourriture accessible. Pouvez-vous nous parler de la distribution alimentaire et des problèmes qui persistent relativement à la nourriture en Corée du Nord?

Mme Park : Merci, madame la sénatrice. Je dirais que la distribution alimentaire est un système de bien-être public dont la plupart des pays communistes étaient dotés avant leur effondrement. Autrefois, nous recevions tout du gouvernement, comme le maïs, l'huile, mŒme les uniformes scolaires. Durant la famine, ce système s'est effondré.

D'après mes souvenirs du processus, mon père — parce qu'il était le chef de famille — obtenait du gouvernement des coupons d'alimentation pour la famille, et les coupons indiquent la quantité de nourriture, le poids en kilogrammes des aliments que nous pouvons obtenir du centre de distribution alimentaire. Alors, ma mère apportait les coupons au centre de distribution afin d'obtenir cette quantité de nourriture. Voilà comment on subvenait à nos besoins. Bien entendu, cette nourriture n'était pas suffisante pour survivre, mais nous avions au moins quelque chose à manger.

Je voudrais dire que ce système n'est pas gratuit. Il ne s'agit pas d'une aide sociale gratuite. C'est un peu comme un salaire. Ainsi, mes parents travaillent pour le gouvernement, et, au lieu de nous donner de l'argent, comme ici, il nous donne des coupons afin que nous puissions obtenir de la nourriture du centre de distribution. Alors, tout est vraiment contrôlé par le gouvernement.

La sénatrice Ataullahjan : Votre sœur?

Mme Park : Ma sœur. Oui, nous l'avons abandonnée, mais, il y a deux ans, nous avons pu la faire venir en Corée du Sud par l'entremise de courtiers, alors, en ce moment, elle vit avec nous. Elle est en sécurité. Elle est heureuse. Merci.

La sénatrice Andreychuk : Merci de votre témoignage. Il nous a montré une perspective que nous n'avions pas eue auparavant.

Nous avons entendu d'autres personnes — certainement dans le cadre de mon propre travail — affirmer qu'une fois que vous partez, vous ne pouvez pas y retourner, mais vous y êtes retournée trois fois. Les courtiers sont là. Ils sont manifestement connus de la Corée du Nord et de la Chine. Avez-vous l'impression que tout le monde sait ce qui se passe et que tout le monde profite de ce système de courtage?

Mme Park : Du système de réseau. Oui, je le pense. Depuis la grande famine... cela fait plus de deux décennies. Des réseaux de traite de personnes ont été établis dans la zone frontalière, mŒme à l'intérieur de la Chine. Je souscris à votre opinion selon laquelle les courtiers profitent de ce système. L'une des raisons de cette situation, c'est le gouvernement chinois. Si le gouvernement chinois nous donnait un statut juridique, ces courtiers n'en profiteraient pas, et nous ne serions pas les victimes de cette situation.

Par ailleurs, nous ne sommes pas retournées volontairement. Nous avons été prises, et nous avons été renvoyées en Corée du Nord.

La sénatrice Andreychuk : Quelles ont été les conséquences de votre retour pour votre famille? Y en a-t-il eu?

Mme Park : Des conséquences, oui. Je dirais qu'avant 2000, le gouvernement nord-coréen considérait tous les déserteurs comme des criminels politiques. Alors, une fois que vous étiez rapatriés, le gouvernement punissait trois générations de votre famille, mŒme vos amis, votre parenté et vos voisins.

Après 2000, ce qui est arrivé, c'est que des millions de Nord-Coréens ont fui vers la Chine parce que la situation n'avait pas changé, alors le gouvernement n'a pas pu punir la famille de tous les déserteurs. Il a commencé à ne punir que la personne. Par « punition », je ne veux pas seulement dire vous garder en détention pendant quelques jours, puis vous laisser partir. Ce n'est pas comme cela. Comme je l'ai mentionné, nous avons été placées dans des camps de travail, et le gouvernement a commencé à nous considérer non pas comme des criminels politiques, mais plutôt comme des criminels économiques. Voilà pourquoi ma famille n'a pas été placée dans des camps.

La sénatrice Andreychuk : Vous avez dit que, quand vous étiez en Corée du Sud, il y avait une certaine discrimination. Pourriez-vous expliquer cette affirmation?

Mme Park : De la discrimination, oui. La Corée du Sud et la Corée du Nord sont séparées depuis plus de 70 ans. La culture que nous avions et l'accent des Nord-Coréens sont totalement différents de ceux des Sud-Coréens. Alors, quand nous parlons avec un accent nord-coréen, les Sud-Coréens découvrent tout de suite que nous venons de la Corée du Nord.

Puisque nous étions des communistes, l'histoire a fait de nous, à cause de la guerre, des alliés de l'ennemi aux yeux des générations plus âgées. Nous vivions dans un pays communiste, c'est pourquoi les générations plus âgées expriment de grandes préoccupations ou de la colère à notre égard. La nouvelle génération n'a pas vraiment connu la guerre. Elle ne comprend pas vraiment ce qui s'est passé pendant cette période. Pour elle, nous sommes simplement des étrangers.

Il y a tellement d'incompréhension entre nous. Par exemple, je n'ai vécu personnellement qu'un petit cas de discrimination. Un jour, j'ai voulu présenter une demande de bourse d'études. On m'avait averti à la dernière minute et j'ai plié ma demande comme cela, mais le document était censé être plat et non plié. Or, je l'ai plié avant de le présenter. L'homme qui a reçu ma demande était âgé. Il a lu sur ma demande que j'étais née en Corée du Nord. Quand il a su que j'étais de la Corée du Nord, il a dit : « Oh, vous ne devriez pas faire cela. Cela ne fait pas partie de notre culture en Corée du Sud. Ici, personne n'aurait plié sa demande comme vous l'avez fait. Vous devriez apprendre à faire comme nous. » Essentiellement, on nous dit qu'on ne comprend pas la culture parce que nous venons de Corée du Nord. C'était un petit exemple de discrimination.

Le sénateur Meredith : Merci de nous avoir présenté votre témoignage. C'était fascinant. J'ai été très touché par ce que vous aviez à dire. Deux ou trois choses m'ont frappé quand vous avez parlé de la façon dont vous étiez traitée en Chine par les trafiquants. Je m'imagine les personnes dans ces maisons d'esclaves qui sont traitées comme des morceaux de viande. J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit à propos de l'âge, à propos du fait que les plus jeunes et les plus forts étaient vendus plus cher.

Votre témoignage nous a émus, mes collègues et moi-même, mais, pour mes collègues et pour les gens qui nous regardent, j'aimerais vous demander de nous parler de la situation que vous avez vécue, vous et d'autres personnes, alors que vous étiez en Chine et que des trafiquants essayaient de vous capturer pour vous vendre à prix élevé, et cetera. Pouvez-vous nous en dire plus?

Ensuite, j'aimerais que nous parlions de la façon dont vous êtes passée en Corée du Sud ainsi que de l'assimilation à cette société. Vous avez mentionné un cas de discrimination que vous avez vécu, mais pouvez-vous nous parler davantage de ce que vous avez vu? Je sais que vous n'aviez que 10 ou 11 ans à l'époque.

Mme Park : Oui. Les gens qui vivent dans la région frontalière sont des Chinois coréens. Cela veut dire qu'ils parlent le coréen comme nous, et que nous pouvons communiquer et interagir avec eux. Quand des Nord-Coréens traversent la frontière, les gens qui vivent là-bas, surtout les hommes, les attendent le long du fleuve Tumen. Ils savent que ce sont des Nord-Coréens qui arrivent.

Ils nous disent : « Voulez-vous qu'on avertisse la police, ou préférez-vous venir avec nous? » Ce n'est pas un choix pour nous. Nous allons être punis si nous sommes rapatriés. Nous n'avons pas le choix de leur répondre que nous allons les accompagner.

Il y a aussi un grand nombre de Chinois coréens, en particulier des femmes, qui se rendent en Corée du Sud pour y travailler ou pour y épouser des hommes de ce pays. Je dirais qu'il y a beaucoup d'hommes d'origine coréenne qui ont besoin d'une femme, parce que beaucoup de femmes partent à l'étranger. Dans un certain sens, nous remplaçons les Chinoises coréennes. Ce sont surtout les jeunes femmes — les adolescentes ou les femmes dans le début de la vingtaine — qui sont vendues comme prostituées ou comme deuxième épouse à des hommes riches. Sans document ayant valeur juridique, il nous est impossible de refuser.

Beaucoup de femmes dans la vingtaine m'ont raconté leur histoire. La plupart d'entre elles avaient été agressées sexuellement, violées et vendues sur le marché de la prostitution. Voilà ce que je sais, d'après ce que j'ai vécu.

Le sénateur Meredith : Quand vous êtes passée en Corée du Sud, vous avez mentionné que votre foi et les services religieux vous avaient aidée. Pouvez-vous nous parler plus en détail de la façon dont cela vous a donné de la force? Que diriez-vous à ces autres femmes qui passent en Corée du Sud ou qui réussissent à fuir dans d'autres pays du monde? Parlez-nous de la force que cela vous a donnée pour surmonter le traumatisme que vous avez vécu.

Mme Park : Oui. Avant d'arriver en Corée du Sud, je n'étais pas chrétienne. Je ne croyais pas vraiment en Dieu. Je n'allais pas à l'église. Je suis allée à l'église en Corée du Sud pour me faire des amis. Je n'en avais pas. Je suis allée à l'église pour m'en faire, pas parce que je croyais en Dieu.

Tout le monde me disait que Dieu nous aime. Mais moi, j'avais de la difficulté à croire que Dieu nous aimait. Je refusais de croire que Dieu se souciait vraiment des Nord-Coréens. S'il nous aimait vraiment, il n'y aurait pas de famine ni autant de gens qui meurent de faim. Il m'était simplement impossible de le croire.

Malgré mon accent nord-coréen et les obstacles culturels entre nous, les gens à l'église — mes amis — m'ont acceptée comme je suis. Je crois que c'est ce qui m'a permis de m'ouvrir à la société sud-coréenne et aux Sud-Coréens.

De toutes mes forces, j'ai demandé à Dieu : « Dieu, si tu nous aimes, comment peux-tu fermer les yeux sur la Corée du Nord? » Je n'ai toujours pas de réponse. Aujourd'hui, je suis chrétienne et je crois que Dieu suit ses propres voies. C'est pourquoi je travaille si fort pour faire connaître mon histoire aux gens et pour inciter davantage de pays à aider la Corée du Nord.

Le sénateur Meredith : Vous méritez qu'on rende hommage à votre courage. La sénatrice Martin vous a demandé de parler du temps que vous avez passé ici au Canada, de l'accueil que vous avez reçu ainsi que des efforts que le Canada devrait déployer. Vous avez mentionné que votre histoire n'a rien d'unique, et qu'il y a des centaines de milliers d'autres personnes qui vivent la mŒme chose.

Pouvez-vous expliquer au comité ce que nous devrions faire maintenant? Il a été question des relations avec la Chine. Nous tenons des discussions sur ce genre de problèmes sur lesquels il faut insister. Comme dernière question — j'espère quand mŒme qu'il y aura assez de temps pour un deuxième tour —, puis-je vous demander de donner deux exemples de mesures que le Canada pourrait prendre maintenant?

Mme Park : Vous voulez dire, qu'est-ce que le Canada devrait faire actuellement? J'espère que le Canada accepte un plus grand nombre de réfugiés nord-coréens et qu'il fasse venir des réfugiés nord-coréens au Canada.

J'espère aussi que le gouvernement canadien va collaborer avec les ONG et les organisations en Chine, en Thaïlande, en Corée du Sud et au Canada qui aident les Nord-Coréens. Même si les transfuges en Chine ne peuvent pas venir au Canada directement, leur situation en Chine est très difficile et oppressive. Nous avons besoin que plus de personnes leur fournissent du soutien et de l'aide. J'espère aussi que le Canada tiendra des dialogues ou des conversations diplomatiques avec le gouvernement chinois pour le convaincre de ne pas nous expulser et de nous donner — s'il vous plaît — un statut juridique en Chine.

Nous ne voulons pas d'argent. Nous ne voulons pas manger gratuitement. Nous sommes prêts à travailler très fort en Chine, mais pour cela il nous faut — s'il vous plaît — un statut juridique.

Le sénateur Meredith : Merci beaucoup. Je vous suis reconnaissant de votre témoignage.

Le président : La parole va ensuite au sénateur Ngo, mais avant, nous venons tout juste de recevoir — c'est intéressant — la réponse du gouvernement à notre rapport du 30 juin. C'est l'avantage de travailler en temps réel. C'est une réponse assez détaillée. Je ne sais pas si c'est celle que nous souhaitions, mais je sais que la sénatrice Martin va donner le ton à notre réaction une fois que nous aurons eu le temps d'examiner le rapport. Le contenu semble favorable, mais je ne sais pas ce qu'il en est par rapport à l'accueil d'un plus grand nombre de réfugiés. Quoi qu'il en soit, le Comité des droits de la personne va poursuivre ses travaux.

Le sénateur Ngo : Je vous remercie de votre témoignage très émouvant. Vous avez mentionné que certains Nord- Coréens se rendent aussi en Russie. Pouvez-vous nous parler de la situation de ces transfuges coréens en Russie? Comment sont-ils traités par le gouvernement russe?

Mme Park : D'après ce que m'ont raconté mes amis en Russie, il semble qu'il existe deux groupes de Nord-Coréens. D'un côté, il y a ceux qui ont franchi volontairement la frontière. Ce sont des transfuges. De l'autre côté, il y a les nombreux travailleurs que le gouvernement nord-coréen a envoyés dans les forêts de la Russie. Ils ne gagnent qu'un salaire de misère. La majeure partie de l'argent est prise par le gouvernement, et les conditions sont très rudes. C'est pourquoi ces travailleurs — ces travailleurs nord-coréens — veulent partir pour un autre pays que la Russie.

J'avais un ami en Russie qui travaillait pour une entreprise russe. Il a choisi de se rendre à l'ambassade de la Corée du Sud en Russie. Il ne pouvait pas passer directement en Corée du Sud, alors il a commencé par se rendre en Allemagne. Une fois là-bas, le gouvernement sud-coréen l'a aidé à passer en Corée du Sud par avion.

Je ne connais pas exactement la position du gouvernement russe en ce qui concerne les Nord-Coréens, mais d'après ce que je sais, le gouvernement de la Russie ne rapatrie aucun transfuge en Corée du Nord.

Le sénateur Ngo : C'est une nouvelle information. Vous n'avez pas mentionné la Russie dans votre témoignage jusqu'ici, et je suis surpris de voir que le sujet a été abordé. Je crois que nous devrions approfondir un peu plus, au cas où on aurait une personne en Corée du Nord et en Russie. Il faudrait mentionner cela et les mesures que nous pouvons prendre dans notre rapport. C'est la première fois que cela est porté à notre attention.

Mme Park : Oui. En Corée du Sud, un grand nombre de personnes ont déjà été travailleurs en Russie.

Le président : La Russie a beaucoup influencé la Corée du Nord. En Corée du Nord, on parle du Juche, l'autosuffisance. À l'époque de Kim Jong-il, la philosophie du gouvernement nord-coréen était que leur chef pouvait tout faire, et ce slogan d'autosuffisance était sur toutes les lèvres en Corée du Nord, mŒme s'il ne s'agissait pas vraiment d'autosuffisance. De fait, la Corée du Nord dépendait du bloc soviétique — l'Allemagne de l'Est et la Russie —, et la Russie avait prédominance sur la Corée du Nord. Avec l'effondrement de certaines parties de l'Union soviétique, il n'est pas étrange de voir apparaître des transfuges russes, j'imagine.

Pour ceux qui regardent la séance du comité, vous pouvez consulter le rapport du Sénat sur le site web de notre comité sénatorial. Vous pouvez le lire d'un bout à l'autre. Il a pour titre Les nombreux oubliés. Nous l'avons publié le 30 juin. La séance d'aujourd'hui y fait suite de façon importante.

J'aimerais vous poser une question qui sera peut-être difficile. Il y a vraiment beaucoup de groupes au Canada qui aimeraient aider la Corée du Nord. Je parle de particuliers, de religieux et d'autres personnes qui se sont rendues en Corée du Nord pour faire le bien. Il y a un groupe dont je fais partie qui songe à aller en Corée du Nord afin d'aider les gens souffrant de déficience intellectuelle ou d'autres problèmes. Il se peut que ce groupe ou d'autres groupes aient l'occasion d'y aller.

Grâce à votre témoignage d'aujourd'hui, je comprends votre position. Est-il souhaitable d'interagir avec la Corée du Nord, peu importe de quoi il s'agit, ou est-ce que cela ne fait que nourrir la propagande menée par le gouvernement, mŒme si ces groupes ne veulent qu'aider les gens, comme le font les programmes qui ont fonctionné ici? Je sais qu'il s'agit du royaume ermite — et qu'on ne l'appelle pas le royaume ermite pour rien —, mais devrait-on fermer la porte de façon permanente? Selon vous, si nous décidons, par compassion, de continuer à aider, est-ce que la Corée du Nord va profiter de nous?

Mme Park : Je crois que nous avons besoin de beaucoup de stratégies si nous voulons changer le gouvernement nord-coréen et réformer la société de la Corée du Nord. D'un côté, nous devons aider les réfugiés nord-coréens et défendre les droits de la personne. Mais d'un autre côté, comment peut-on changer les positions du gouvernement pour l'inciter à s'ouvrir au monde afin qu'il soit disposé à réformer son système?

Je crois qu'il faudrait déployer des efforts relativement aux politiques intérieures de la Corée du Nord, par exemple. Je n'appuie pas le tourisme, parce que les touristes peuvent seulement se rendre à Pyongyang, qui ne ressemble pas à l'endroit où je viens. En outre, j'encourage les Canadiens qui veulent aider les Nord-Coréens à se rendre dans les régions rurales, pas à Pyongyang, la capitale. Il faut aller dans les régions rurales pour voir le vrai visage de la Corée du Nord et pour aider les gens qui s'y trouvent, pour leur donner la force et pour les encourager.

La crise alimentaire n'est pas le seul problème qui pèse sur la Corée du Nord, il y a aussi les droits de la personne. Les Nord-Coréens ne savent pas ce que sont les droits de la personne. Ils ne connaissent pas le genre de droits qu'ils devraient avoir. Les Canadiens devraient se rendre dans ces régions pour éduquer les gens, pour les soutenir et pour leur dire : « Vous avez des droits. » Mais comment y arriver? Il faut discuter davantage des moyens et des mesures que l'on peut prendre, mais si le Canada le peut, je soutiendrais sans hésiter d'aller en Corée du Nord.

Le président : C'est une question très délicate, n'est-ce pas? Aller en Corée du Nord, c'est prendre un risque.

Pour finir, la parole va à la sénatrice Martin.

La sénatrice Martin : J'ai une demande à faire à Audrey. À la lumière de ce que nous venons d'entendre — je savais que vous alliez puiser dans votre expérience personnelle pour votre témoignage —, j'ai l'impression qu'il y a vraiment beaucoup de sujets qui ont piqué notre curiosité et que nous devrions explorer davantage. J'aimerais vous demander de faire suite à votre témoignage d'aujourd'hui en présentant par écrit vos recommandations pour que nous les ajoutions au rapport que nous avons déjà publié.

Nous avons reçu une réponse du gouvernement, mŒme si je ne l'ai pas encore consultée. Ce document sera aussi accessible au public, et je crois qu'il serait important d'avoir votre opinion sur les sujets pour lesquels nous n'avons pas de connaissances approfondies. Vous pourriez peut-être nous éclairer et nous dire : « Voilà une idée. Voilà quelque chose que le Canada pourrait faire. » Vous êtes ici au Canada. Même si vous n'êtes pas Canadienne, nous serions très heureux de recevoir vos recommandations en tant que personne qui a vu ce qui se passait au Canada et qui a vécu à Séoul, en Corée du Nord. Tout le monde veut pouvoir aider.

J'ai l'impression d'avoir un tas d'autres questions à poser sur ce qu'il serait pratique de comprendre. Malgré tout, je vous remercie de votre témoignage très intéressant et de vos réponses aujourd'hui.

Mme Park : Merci, madame la sénatrice. J'aimerais vous aider, cela ne fait aucun doute. S'il y a quelque chose que je peux faire, je vais le faire pour vous aider.

J'ai lu le dernier rapport que le comité sénatorial a publié. J'aimerais y ajouter quelque chose. Il y a un grand nombre d'orphelins en Chine nés d'une mère et d'un père chinois. Pour le gouvernement chinois, ces enfants ne sont pas citoyens de la Chine, alors ils sont nombreux à ne pas avoir la citoyenneté chinoise. Ils ne peuvent pas aller à l'école en Chine. Ils sont pour ainsi dire invisibles.

J'espère que le gouvernement canadien pourra inciter le gouvernement chinois au moins à reconnaître — s'il vous plaît — ces enfants comme étant des citoyens de la Chine. Je m'inquiète de leur avenir, parce que s'ils ne peuvent pas travailler ou aller à l'école en Chine, leur vie sera comme la nôtre une fois qu'ils seront adultes. Ils n'auront pas leur place dans notre univers, alors je voulais ajouter ce point, pour ces enfants.

Le président : Je crois que vous vouliez demander une précision, sénatrice Ataullahjan, avant le départ du témoin?

La sénatrice Ataullahjan : Je voulais vous demander de préciser : les enfants dont vous parlez sont les enfants d'hommes chinois et de femmes nord-coréennes?

Mme Park : De femmes nord-coréennes, oui.

La sénatrice Ataullahjan : Merci.

Le président : Vous avez témoigné seule aujourd'hui, mais vous n'êtes pas la seule voix qui est entendue. Je peux vous en assurer. La grande compassion du Comité des droits de la personne reflète celle du Canada. Nous aimerions vous demander de revenir avec d'autres témoins à un moment donné avec une réponse publique à la réponse du gouvernement à notre rapport. Si vous êtes mécontente, dites-le publiquement. Vous n'avez pas à mettre des gants. Vous pouvez le dire à haute voix. C'est notre façon de faire au Canada.

Nous sommes très honorés de vous avoir accueillie aujourd'hui. Sur ce, merci. La séance est levée.

Mme Park : Merci beaucoup.

(La séance est levée.)

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