Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 12 - Témoignages du 7 décembre 2016
OTTAWA, le mercredi 7 décembre 2016
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 33, pour étudier l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et pour examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement afin que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.
Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite de nouveau la bienvenue au comité sénatorial des droits de la personne. Nous avons parmi nous un invité spécial du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion d'Affaires mondiales Canada. Nous aimons considérer les délibérations du comité comme une conversation, pas comme une inquisition.
Nous allons toutefois commencer par quelques questions d'ordre administratif. Nous avons déposé hier notre rapport sur la réinstallation des réfugiés syriens. Nous sommes très heureux qu'on en ait tant parlé. Nous avons l'impression d'avoir ajouté un autre chapitre à la vie de ceux qui habitent maintenant dans notre pays, qui sont maintenant nos voisins et de nouveaux Canadiens. C'est très important.
Je tiens à remercier tous les sénateurs qui ont participé à la rédaction du rapport, qui est le fruit d'une collaboration. Nous avons pu profiter d'idées novatrices. Nous en sommes certainement très reconnaissants, et nous espérons que le gouvernement donnera suite à certaines des recommandations que nous avons formulées.
La sénatrice Ataullahjan : Je veux également profiter de l'occasion pour remercier le personnel de la bibliothèque, le greffier et les employés de nos trois bureaux : Kelly, Vincent et Lisa. Ils ont travaillé sans relâche. Je veux tous les remercier de leur travail d'équipe.
Le président : La sénatrice Omidvar et la sénatrice Andreychuk ont également avancé d'excellentes idées pour le rapport, ce qui a vraiment contribué à en faire le fruit d'une collaboration, un document exhaustif.
Chers sénateurs, nous avons réfléchi à des idées de nouvelles études pour le mois de février. Notre première étude approfondie portera sur les droits de la personne dans les prisons canadiennes. Cela semble être le choix privilégié. Nous en avons deux autres. Nous allons inclure dans cette étude la question des prisons des femmes proposée par la sénatrice Omidvar. Nous allons aussi étudier de nouveau l'industrie du vêtement. Il y a un troisième sujet d'étude qui ne me revient pas à l'esprit en ce moment. De toute façon, nous allons commencer par l'étude des droits de la personne dans les prisons canadiennes. Nous allons étudier la question en profondeur, et ce sera vraiment fait à point nommé.
Sur ce, nous allons donner la parole à la sénatrice Andreychuk. Elle souhaite nous faire un compte rendu de cinq minutes d'une visite, si j'ai bien compris, du musée des droits de la personne de Buenos Aires, en Argentine.
La sénatrice Andreychuk : Je ne vais pas parler du rapport. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a visité l'Argentine dans le cadre de son étude. À Buenos Aires, nous avons rencontré des défenseurs des droits de la personne et l'homologue provincial de notre secrétaire parlementaire responsable des droits de la personne.
Nous avons visité le musée ESMA, qui se trouve dans ce qui était la plus grande école de la marine. Le complexe en entier est au cœur de Buenos Aires, mais de nombreuses personnes y ont été détenues clandestinement, et c'était un des centres d'extermination utilisés par la dictature militaire argentine entre 1976 et 1983. Le nombre de personnes ayant disparu pendant cette période, qu'on appelle également la « guerre sale », est estimé entre 15 000 et 30 000.
Les victimes et leurs familles ont mis beaucoup de temps à se manifester en raison du traumatisme subi. La plupart des victimes sont passées par le complexe avant d'être larguées en mer à partir d'un avion. D'autres ont été emprisonnées.
Il a fallu attendre longtemps avant qu'on en parle. Le groupe des Grands-Mères de la place de Mai a ensuite commencé à chercher les enfants perdus. Les enfants de certaines femmes avaient parfois été détenus avant d'être adoptés. Dans certains cas, ils ont tout simplement disparu. On a fini par bien connaître les Grands-Mères de la place de Mai au Canada, où de nombreux groupes leur ont prêté main-forte. L'arrivée des tests d'ADN a aidé encore davantage.
Les membres du comité se sont rendus sur les lieux. C'était extrêmement touchant, car pendant très longtemps, les victimes ne pouvaient pas se manifester. On se penche encore sur des cas, car les victimes ont maintenant l'impression de pouvoir en parler grâce à l'évolution de la démocratie.
J'ai trouvé la visite très intéressante. C'était très détaillé, et cette période a d'énormes répercussions sur la situation politique en Argentine. Il est important que notre comité des droits de la personne soit au moins conscient de ce que notre comité a fait. Je pense que ce genre de croisement d'un comité à l'autre est très utile.
La sénatrice Ataullahjan et le sénateur Ngo étaient du voyage. Il a été extrêmement utile que deux membres du comité permanent des droits de la personne soient présents.
Nous avons déposé le rapport factuel auprès du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, et j'ai cru comprendre que vous en avez reçu des exemplaires et qu'une version électronique circule, tout simplement pour indiquer que l'Argentine sort d'une situation politique difficile. Le pays est marqué par son histoire, mais il progresse. En général, on affirme qu'il est maintenant très déterminé à défendre les droits de la personne, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Je pense que le rapport fournit à notre comité de l'information utile pour situer le contexte dans différents dossiers des droits de la personne.
J'espère que d'autres comités apporteront leur contribution à mesure qu'ils prennent connaissance de dossiers fondamentaux en matière de droits de la personne, comme la situation vécue par les Argentins.
Le président : Merci, sénatrice. Tout est interrelié, et il est extrêmement important d'avoir cette information. Nous recommandons évidemment aux gens d'Affaires mondiales Canada de lire eux aussi le rapport.
J'ai oublié de dire un gros merci aux analystes de la bibliothèque, qui ont énormément contribué au rapport sur les réfugiés syriens. De toute évidence, j'aimerais aussi remercier l'équipe des communications. Je tiens personnellement à les remercier publiquement de leur contribution. Sans eux, nous ne pourrions pas faire notre travail.
Je vais demander aux sénateurs de se présenter. Nous allons ensuite présenter les témoins et discuter avec les représentants du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l'Ontario.
La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.
Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l'Ontario.
La sénatrice Nancy Ruth : Nancy Ruth, de l'Ontario.
[Français]
La sénatrice Gagné : Raymonde Gagné, du Manitoba.
[Traduction]
La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l'Ontario.
Le président : Et je suis le sénateur Munson, de l'Ontario.
Ce matin, nos témoins viennent d'Affaires mondiales Canada. Nous avons Richard Arbeiter, qui est directeur général du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion; Patricia Pena, la directrice générale du Développement économique; Giuliana Natale, qui est directrice, Inclusion et liberté de religion, au Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion; et Pamela O'Donnell, directrice et chef adjointe, Programme pour la stabilisation et les opérations de paix, dont l'acronyme est PSOP.
Monsieur Arbeiter, je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire. Je vous remercie de votre patience.
Richard Arbeiter, directeur général, Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux de me présenter devant vous aujourd'hui pour faire le point sur les activités du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, au nom d'Affaires mondiales Canada. Mon intervention portera sur les activités du bureau à ce jour. Mme Pena et Mme O'Donnell pourront vous parler plus en détail des programmes en faveur des droits de la personne, y compris dans les États fragiles et touchés par des conflits. Pour sa part, Mme Natale pourra vous parler des efforts que le Canada continue de déployer en faveur de la liberté de religion ou de croyance.
J'ai cru comprendre que le comité aura l'occasion d'entendre cet après-midi Dr. Andrew Bennett, l'ancien ambassadeur du Canada pour la liberté de religion. Le nouveau bureau met à profit le travail réalisé par l'ancien Bureau de la liberté de religion dirigé par Dr. Bennett. Pendant la mise en place du nouveau bureau, les conseils de Dr. Bennett nous ont été très utiles, et nous lui sommes reconnaissants de bien vouloir poursuivre sa collaboration avec nous dans nos activités.
Le bureau est chargé d'élaborer et de mettre en œuvre les politiques et les initiatives internationales du Canada visant à promouvoir les droits de la personne, le pluralisme, la diversité, l'inclusion et la démocratie.
Conscient que la technologie peut jouer un rôle central, le bureau s'est aussi doté d'une équipe chargée de l'innovation qui se penche sur la façon dont les technologies émergentes et les médias sociaux peuvent aider à la poursuite de la politique étrangère dans ces domaines.
Conformément à l'orientation donnée par le premier ministre, les ministres et le gouvernement, qui consiste à mobiliser la société civile, le bureau est le point de convergence de l'action en faveur des droits de la personne, de la démocratie, de la diversité et de l'inclusion. Au cours des six derniers mois, les membres de l'équipe et moi avons organisé des activités d'information à Montréal, Toronto, Winnipeg, Edmonton, Vancouver et ici, à Ottawa.
D'autres réunions sont prévues bientôt dans l'Est du pays. À cela s'ajoutent de vastes consultations auprès du secteur privé, des municipalités, des provinces, des communautés religieuses, des universités, des jeunes et des autres membres de la société civile afin d'entendre leurs points de vue sur l'inclusion, la diversité, les droits de la personne, y compris la liberté de religion ou de croyance, et la démocratie à l'étranger.
Le bureau et mes collègues présents aujourd'hui ont participé étroitement aux consultations sur la gouvernance et les droits de la personne dans le cadre de l'Examen de l'aide internationale du Canada; ces consultations ont donné lieu à la présentation de près de 900 mémoires. De même, nous avons apporté notre soutien au dialogue de la ministre du Commerce international avec les communautés autochtones.
Le ministre des Affaires étrangères a, quant à lui, organisé des tables rondes sur les droits de la personne, en juin; sur la gouvernance inclusive et responsable, en septembre; et sur la liberté de religion ou de croyance, en octobre. Le bureau continuera à soutenir les efforts du gouvernement visant à consulter régulièrement et étroitement les Canadiens.
[Français]
Dans la poursuite des priorités du gouvernement, trois grands principes guident le nouveau bureau. Premièrement, les droits de la personne commencent chez nous. Le gouvernement a reconnu clairement que des problèmes persistaient au Canada et qu'il était essentiel de s'y attaquer en faisant preuve d'ouverture et de transparence. Bien que les efforts nationaux en ce domaine ne relèvent pas du mandat du bureau, il existe un lien évident entre ceux-ci et nos priorités internationales. Le ministre Dion a souligné à plusieurs reprises que, pour être crédible à l'échelon international, le Canada doit d'abord s'attaquer au problème sur son propre territoire. C'est ainsi que le bureau veille à ce que le Canada respecte mieux ses obligations internationales en matière de droits de la personne.
Ces efforts pourraient déboucher sur la ratification de nouveaux traités, comme les Protocoles facultatifs de la Convention contre la torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ce deuxième projet de ratification a été annoncé le 1er décembre par le ministre Dion et la ministre des Sports et des Personnes handicapées, Madame Carla Qualtrough.
En outre, le bureau collabore étroitement avec des ministères partenaires pour que le Canada respecte ses obligations en matière de droits de la personne. Notre pays doit présenter des rapports sur la mise en œuvre des traités qu'il a ratifiés. Il a également adressé une invitation permanente aux experts mandatés au titre d'une procédure spéciale des Nations Unies. Ces experts indépendants ont pour mandat de rendre compte de la situation en ce qui concerne les enjeux liés aux droits de la personne.
En octobre dernier, le Canada a été l'hôte du Groupe de travail d'experts sur les personnes d'ascendance africaine et, en mai prochain, il se prépare à accueillir le Groupe de travail sur la question des droits de l'homme et des sociétés transnationales. Pour une saine démocratie, cette volonté de se soumettre à des évaluations s'avère essentielle, en plus de montrer que le Canada appuie fermement le système international des droits de la personne.
Notre deuxième grand principe, c'est que le Canada travaille pour renforcer le système international des droits de la personne. Ce système est fait d'un ensemble de traités et d'institutions multilatérales qui ont évolué au fil du temps et qui continuent d'évoluer. Ce système repose sur la conviction que les droits de la personne sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés.
Le Canada s'est fixé pour objectif de renforcer ce système. Dans cette optique, il participe activement aux travaux du Conseil des droits de l'homme et de la Troisième Commission de l'Assemblée générale des Nations Unies — les principales institutions multilatérales mandatées pour se pencher sur les droits de la personne. Cet été, le Canada a pris l'initiative de présenter une résolution sur l'élimination de la violence faite aux femmes au Conseil des droits de l'homme. Cette résolution mettait l'accent sur la prévention de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, la première du genre sur cette question. Cet automne, à l'Assemblée générale, le Canada s'est chargé avec succès de présenter la résolution annuelle sur la situation des droits de la personne en République islamique d'Iran.
Le bureau s'assure également que le Canada est représenté dans les organes onusiens des droits de la personne. Plus tôt cette année, il a été élu à la Commission de la condition de la femme des Nations Unies. En juin, une avocate de Vancouver, Mme Marcia Kran, a été élue au Comité des droits de l'homme des Nations Unies. C'est la première fois depuis plus de 10 ans que le Canada y est représenté.
[Traduction]
Le troisième principe qui guide notre travail consiste évidemment en un effort visant à faire bouger les choses. À propos du travail récent du bureau, il convient de noter, par exemple, que le Canada a été l'un des premiers pays à signer les principes fondateurs de la Equal Rights Coalition, la coalition pour l'égalité des droits, en juillet dernier. Cette nouvelle coalition intergouvernementale cherche à faire avancer les droits des lesbiennes, des gais, des bisexuels, des transgenres et des personnes intersexuées.
Le Canada est également membre fondateur de la Freedom Online Coalition, la coalition pour la liberté en ligne, qui veille à la protection des droits de la personne en ligne. Dans le cadre du Programme pour la stabilisation et les opérations de paix d'Affaires mondiales Canada et en étroite collaboration avec le ministère, le bureau travaille à la prestation de programmes axés sur la protection des droits de la personne.
En septembre, le ministre des Affaires étrangères a annoncé une participation de l'ordre de 1,5 million de dollars au projet Lifeline de Freedom House, qui fournit une aide financière d'urgence aux défenseurs des droits de la personne et aux organismes de la société civile menacés. Le ministre a également annoncé un partenariat avec l'UNESCO et le musée de l'Holocauste des États-Unis pour faire de la sensibilisation visant à prévenir les atrocités, ainsi qu'un projet avec Equitas, une organisation non gouvernementale canadienne vouée aux droits de la personne, pour soutenir les efforts de réconciliation entre les communautés religieuses au Sri Lanka.
Ces initiatives s'inscrivent dans le prolongement de partenariats antérieurs établis par l'ancien Bureau de la liberté de religion. Ils servent aussi de complément à la contribution de 15 millions de dollars au Haut-Commissariat aux droits de l'homme des Nations Unies, annoncée plus tôt cette année.
Le bureau organise des réunions avec ses homologues internationaux pour résoudre des problèmes liés aux droits de la personne. De concert avec les États-Unis, nous continuons de coprésider activement le Groupe de contact international sur la liberté de religion ou de conviction. Depuis la création du bureau, ce groupe s'est déjà réuni à deux reprises; la dernière réunion a eu lieu à la Maison du Canada à Londres.
En septembre, le Canada a été l'hôte, avec Israël, les États-Unis et l'Union européenne, d'un forum de haut niveau sur l'antisémitisme dans le monde, aux Nations Unies. Le forum a attiré quelque 400 participants. En septembre également, le ministre des Affaires étrangères a organisé une discussion de haut niveau sur le pouvoir de l'inclusion et de la diversité aux Nations Unies.
[Français]
Même si j'ai sans doute omis certains détails, j'espère que ce bref exposé vous aura permis de vous faire une idée quant à la portée des efforts que déploie le nouveau bureau afin d'aider le gouvernement à poursuivre son action en faveur des droits de la personne.
Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.
[Traduction]
Le président : Merci, monsieur Arbeiter. Votre déclaration nous donne beaucoup de matière à réflexion, et c'est très important pour notre comité.
Avez-vous déjà comparu à ce sujet devant un comité de la Chambre?
M. Arbeiter : Non, c'est la première fois.
Le président : Donc, le Sénat prend encore une fois les devants en prenant connaissance de l'expertise bureaucratique dans ce dossier. Je pense que c'est important. Je suis heureux que nous vous ayons offert une tribune à cette fin, car je pense que les Canadiens veulent vraiment comprendre le nouveau bureau intégré des droits d'Affaires mondiales Canada, et nous vous remercions d'être ici.
La sénatrice Ataullahjan : Merci de vous être joints à nous ce matin.
Vous parlez de la consultation de communautés religieuses. Pouvez-vous me dire lesquelles?
M. Arbeiter : Nous avons d'abord communiqué avec tous les membres qui avaient travaillé avec l'ancien Bureau de la liberté de religion, ce qui représente un vaste éventail de communautés religieuses, qui ont elles aussi toutes été conviées à la table ronde du ministre.
Je vais demander à ma collègue, Giuliana, de parler plus précisément des différents groupes que nous avons consultés.
Giuliana Natale, directrice, Inclusion et liberté de religion, Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, Affaires mondiales Canada : Pour compléter la réponse de M. Arbeiter, nous avons consulté la communauté sikhe au Canada, la communauté musulmane ahmadiyya ainsi que les représentants de minorités chrétiennes et catholiques en Irak et en Syrie. Nous continuons de communiquer avec la communauté copte au Canada, et je devrais également dire qu'ils continuent de communiquer avec nous. Il s'agit vraiment d'un dialogue bilatéral. Grâce à leur expertise et à leur connaissance des situations vécues dans les pays où ils ont des membres, nous sommes en mesure de mieux comprendre certaines menaces à la liberté de religion et de croyance auxquelles font face ces communautés pour ensuite défendre et promouvoir leurs droits par l'entremise de nos ambassades et de nos missions dans ces pays.
M. Arbeiter : Nous avons également tendu la main aux communautés juive, hindoue et bouddhiste ainsi qu'aux humanistes laïques qui défendent la liberté de religion. Ce n'est peut-être pas une liste exhaustive, mais cela répond en partie à votre question.
La sénatrice Ataullahjan : Donc, vous consultez la communauté ahmadiyya, mais pourquoi pas la communauté sunnite et la communauté chiite? La communauté sunnite est en proie à d'énormes problèmes et à des violations des droits de la personne dans des pays comme l'Iran. Pourquoi choisir un groupe en particulier? Pourquoi ne pas communiquer avec toutes les communautés musulmanes?
Mme Natale : Tout à fait, nous continuons d'élargir nos activités de communication, et nous allons développer notre réseau de communautés.
La sénatrice Ataullahjan : Faites-vous participer des chefs religieux au dialogue, des imams, ou pas encore?
Mme Natale : Nous le faisons. Nous avons communiqué, par exemple, avec l'imam Metwally, qui est le leader de l'association musulmane d'Ottawa. Nous avons également tendu la main à des imams de Toronto et de Mississauga, qui étaient membres de l'ancien conseil consultatif exécutif qui a également travaillé en étroite collaboration avec le Bureau de la liberté de religion.
La sénatrice Ataullahjan : Les musulmans rohingyas — je suis certaine que vous le savez tous — représentent le peuple le plus persécuté au monde. Nous entendons parler de viols, de torture, du meurtre d'hommes et de femmes ainsi que de maisons brûlées. Quel dialogue avez-vous engagé? Avez-vous communiqué avec eux? Avez-vous abordé la question? Qu'avez-vous l'intention de faire pour y donner suite?
M. Arbeiter : Notre rôle au sien du ministère est de donner une idée des obligations internationales que les États doivent respecter en matière de droits de la personne. Nos missions et nos directions géographiques sont chargées de faire un suivi de la situation des droits de la personne dans différents pays.
Nous travaillons étroitement avec notre nouvelle mission au Myanmar et avec notre direction géographique pour suivre la situation vécue par les Rohingyas, et nous avons cerné des possibilités au sein d'instances multilatérales, notamment le Conseil des droits de l'homme à Genève, mais aussi l'Assemblée générale des Nations Unies, pour remédier activement à la situation.
Nous avons tenu de nombreuses conversations avec nos partenaires internationaux sur cette question, y compris avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, et nous continuerons de le faire.
La sénatrice Ataullahjan : Le ministre a-t-il personnellement tenu des conversations à ce sujet? Je sais que vous collaborez avec des partenaires. On nous dit la même chose. Vous discutez avec des pays aux vues similaires. Toutefois, le ministre a-t-il abordé cette question avec le Myanmar, comme l'ancien ministre des Affaires étrangères l'avait fait?
M. Arbeiter : Je suis désolé de ne pas pouvoir vous confirmer exactement ce que le ministre a pu dire. Je crois qu'il s'est rendu au Myanmar au cours des derniers mois, mais nous pourrions vous transmettre cette information ultérieurement.
La sénatrice Ataullahjan : Merci.
Pamela O'Donnell, directrice et chef adjointe, Programme pour la stabilisation et les opérations de paix (PSOP), Affaires mondiales Canada : Tout d'abord, sachez que nous avons mis sur pied des programmes dans ce pays, financés par le Programme pour la stabilisation et les opérations de paix, qui s'inscrivent dans le cadre du processus de paix. Évidemment, nous accordons beaucoup d'importance à l'inclusion de tous les différents groupes religieux et ethniques, car nous voulons qu'ils fassent partie de la démarche, et nous essayons également d'apporter une contribution qui nous permettrait de siéger au conseil qui gère le fonds à l'appui du processus de paix, ce qui nous donnerait plus de poids. Ainsi, l'ambassadeur là-bas aurait son mot à dire sur la façon d'établir un contact avec eux, et cela nous donnerait aussi une possibilité d'exercer une certaine influence.
La sénatrice Ataullahjan : Il faudrait peut-être tenir un dialogue différent.
M. Arbeiter : Ma collègue m'informe qu'en effet, le ministre a soulevé la question des droits de la personne auprès du président et de Mme Aung San Suu Kyi lors de sa visite au Myanmar en avril dernier.
Le président : Comment cela se déroule-t-il? Vous avez énuméré une vingtaine d'organismes dans ce pays. Est-ce que vous communiquez avec eux, ou si c'est plutôt eux qui communiquent avec vous? Comment cela se passe-t-il, et qu'est-ce que vous essayez de faire exactement?
M. Arbeiter : Comme Mme Natale l'a indiqué, il s'agit d'une conversation bidirectionnelle. Nous voulons connaître leurs points de vue sur les affrontements entre communautés religieuses partout dans le monde. Les échos qui nous parviennent de leurs réseaux nous permettent de mieux orienter notre politique et d'avoir une meilleure compréhension de la situation sur le terrain.
À vrai dire, lorsque ce sont eux qui communiquent avec nous, c'est souvent parce qu'ils ont été informés d'une situation plus rapidement, grâce à leurs réseaux familiaux ou à leurs communautés, et ils veulent s'assurer que nous soyons bien au fait de la situation à laquelle une certaine communauté religieuse est confrontée dans un pays donné.
Dans un premier temps, particulièrement lorsqu'on a annoncé la création du bureau, nous avons voulu nous présenter pour tenter de savoir quelles étaient les priorités qu'ils envisageaient pour le Canada à l'étranger. Quels sont les secteurs sur lesquels devrions-nous travailler? Ont-ils besoin de programmes, de soutien financier ou de défense des droits? Qu'est-ce qui fonctionne le mieux? Est-il préférable d'avoir une diplomatie discrète ou des déclarations publiques? Qu'est-ce qui serait le plus logique de faire dans le contexte local?
J'ai parlé des différentes villes où nous nous sommes rendus, et à chaque occasion, nous avons essayé de rencontrer des groupes confessionnels — que ce soit des groupes qui faisaient déjà affaire avec l'ancien bureau ou de nouveaux partenaires —, car nous voulons accroître notre réseau en vue d'obtenir davantage de renseignements et mieux nous acquitter de notre mandat qui est d'agir à titre de point de convergence pour ces groupes confessionnels.
Chaque ville a ses différents groupes. Il n'y a pas nécessairement toujours 25 différents groupes à chaque endroit. Nous considérons cela comme une démarche itérative. Nous essayons de nous mettre à la disposition des Canadiens qui ont des préoccupations, tout en cherchant à établir de nouveaux partenariats et à obtenir de nouvelles collaborations et sources d'information.
Mme Natale : Si je puis me permettre, comme mon collègue l'a dit plus tôt, la démarche comprenait également une table ronde convoquée par le ministre des Affaires étrangères, où étaient réunis des communautés religieuses et des défenseurs des droits de la personne pour y discuter des cas dont ils avaient pris connaissance.
Le sénateur Ngo : On a souvent reproché au gouvernement de ne pas adopter une position suffisamment ferme à l'égard des droits internationaux de la personne. C'est probablement parce que les Canadiens ne savent pas sur la base de quels renseignements le gouvernement agit pour faire avancer les droits de la personne et promouvoir la démocratie dans le cadre de la relation bilatérale. On s'attend à ce que le gouvernement intervienne et fasse respecter les droits de la personne. Alors comment cela se fait-il que ces renseignements ne sont pas publics? Votre bureau pourrait-il aider le gouvernement à nous donner un aperçu des mesures qui ont été prises pour renforcer le respect des droits de la personne?
M. Arbeiter : Il y a beaucoup d'informations qui ont été rendues publiques par le gouvernement jusqu'à maintenant. Il y a eu une série de déclarations sur différents enjeux, que ce soit la liberté de religion ou de croyance — y compris la Journée internationale de la liberté de religion, il y a quelques semaines —, ou des enjeux liés aux droits des femmes, aux droits des enfants ou aux droits de la personne en général. Le gouvernement s'est engagé à être le plus transparent possible, et nous continuons de lui accorder notre soutien afin que ces renseignements soient accessibles aux Canadiens.
Dans certains cas — et j'y ai fait allusion un peu plus tôt —, ce qu'on dit au gouvernement, c'est que la divulgation de ces renseignements ne doit « causer aucun tort dans le contexte local. » Nous ne voudrions surtout pas aggraver la situation ou compromettre la sécurité d'une personne, d'un organisme ou d'une communauté par inadvertance.
Ces décisions sont souvent prises à l'échelle locale sur les conseils de nos chefs de mission à l'étranger, qui évaluent la situation, en collaboration avec nos partenaires internationaux, afin de déterminer ce qui serait utile. Est-ce que le fait de rendre ces renseignements publics s'avérerait utile ou exacerberait inutilement la situation à laquelle on est confronté? Habituellement, ces décisions sont prises au cas par cas, selon l'évaluation du chef de mission et des responsables de l'ambassade ou du Haut-Commissariat sur le terrain, en collaboration et en consultation avec nos partenaires bilatéraux et avec mon équipe et d'autres équipes au sein du ministère.
Le sénateur Ngo : Pourquoi Affaires mondiales Canada ou votre bureau ne produit-il pas de rapports annuels sur les droits de la personne? Avez-vous cela?
M. Arbeiter : Pour répondre à votre question, à ma connaissance, on n'a jamais produit de rapport sur la situation des droits de la personne à l'échelle mondiale.
Le sénateur Ngo : Quels types de conseils donnez-vous à Affaires mondiales Canada au sujet des pays avec qui nous entretenons des relations bilatérales et qui commettent des violations des droits de la personne en vertu de la Déclaration universelle des droits de l'homme et d'autres accords commerciaux internationaux? Faites-vous rapport à cet égard?
M. Arbeiter : Je vous remercie pour votre question. Nous essayons de fonder notre travail sur le système international, sur l'architecture internationale relative aux droits de la personne. En ce qui concerne les traités et les conventions dont vous parlez, sachez qu'il y a de nombreux mécanismes internationaux en place pour veiller à ce que les États s'acquittent de leurs obligations en vertu de ces traités. L'un deux est l'examen périodique universel, l'EPU, où chaque pays doit comparaître à Genève tous les quatre à cinq ans pour y recevoir des recommandations sur les façons d'améliorer la situation des droits de la personne.
Conformément à sa politique, le Canada participe à tous les examens de chaque État membre des Nations Unies. Toutes nos recommandations sont du domaine public. Vous pouvez les consulter en ligne. On y indique quelles sont les obligations de l'État à l'égard des droits de la personne.
Supposons qu'un État s'est engagé à prendre une mesure particulière. Si on évalue que son approche est insatisfaisante parce qu'elle ne lui permet pas de protéger les droits d'une personne ou d'une communauté, on va lui recommander de prendre une autre mesure. Cela varie. C'est donc du cas par cas. On doit évaluer chaque situation particulière, mais on agit de manière universelle et constante.
Nous avons également recours à d'autres mécanismes pour faire respecter les droits de la personne, aussi bien à l'échelle multilatérale que bilatérale.
Multilatéralement, outre l'Examen périodique universel, comme je l'ai dit plus tôt, le Canada pilote la résolution sur la situation des droits de la personne en Iran. Nous le faisons depuis 14 ans. Cette résolution est très précise. Elle renferme des recommandations sur ce que le gouvernement peut et devrait faire pour respecter ses obligations internationales et nationales, conformément à sa propre législation, et ce, dans l'intérêt du peuple iranien.
Dans certains cas, il peut être plus efficace de soulever les questions discrètement. Dans d'autres cas, il vaut mieux le faire au moyen de déclarations publiques qui visent à pointer du doigt les États qui violent les droits de la personne. Parfois, c'est par le biais de programmes, comme ma collègue l'a dit plus tôt. Nous misons sur des partenaires locaux qui ont de grandes connaissances du milieu et qui peuvent rassembler les communautés afin que nous puissions nous attaquer à des questions précises telles que les droits des femmes, des enfants, de la communauté LGBTI et des peuples autochtones, d'une manière qui soit logique dans le contexte.
Ma collègue pourrait vous en dire davantage sur nos programmes axés sur les droits de la personne dans le cadre de notre aide au développement.
Patricia Pena, directrice générale, Développement économique, Affaires mondiales Canada : Pour revenir aux rapports publics, nous devons respecter la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officiel, c'est-à-dire à la LRADO. Cette loi établit certains critères dont il faut tenir compte dans le contexte de notre aide au développement. Il faut notamment s'assurer que notre aide est conforme aux normes internationales en matière de droits de la personne. Un rapport annuel est publié relativement à cette loi, qui confirme que tous nos programmes d'aide au développement respectent ce critère.
Ce sont d'autres renseignements qui sont du domaine public. Évidemment, on ne donne pas tous les détails de chaque projet — par exemple, un projet visant à appuyer une commission des droits de la personne, à aider les jeunes ou à s'attaquer aux problèmes de violence fondée sur le sexe —, mais cela permet d'avoir un bon aperçu.
Le sénateur Ngo : Vous dites que vous ne produisez pas de rapport précis. Avez-vous l'intention de produire des rapports annuels sur les violations des droits de la personne? Vous dites que ce type de rapports n'existe pas.
M. Arbeiter : Je crois qu'il faudrait poser cette question au gouvernement plutôt qu'aux fonctionnaires. Il revient au gouvernement de décider le type de rapports qu'il produit et à quelle fréquence.
Le sénateur Ngo : Vous représentez le Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion. Vous devriez avoir ce rapport à votre bureau. Est-ce que ce serait possible?
M. Arbeiter : Encore une fois, notre responsabilité est de mettre en œuvre les directives du gouvernement. Il revient au gouvernement de décider ce qu'il publie sous forme de rapport annuel. C'est à lui de décider l'information qu'il veut communiquer dans des rapports annuels. Je vois que cela vous intéresse, mais malheureusement, je ne peux pas me prononcer sur ce que fera le gouvernement.
Le président : Nous poserons cette question au ministre. Nous aurons l'occasion de le faire; je pense que nous devons nous montrer justes envers les fonctionnaires. Merci, sénateur Ngo.
La sénatrice Andreychuk : J'aimerais comprendre les activités que vous menez en ce moment au bureau. Lorsqu'il y a une déclaration publique, cela ne vient pas de votre bureau, mais bien du bureau du ministre. Vous recevez donc des directives du bureau du ministre, n'est-ce pas? Vous transmettez ensuite ces directives aux missions à l'étranger, et vous semblez dire que vous avez communiqué avec certaines communautés au Canada qui ont des intérêts dans ces pays. Est-ce la chaîne de commandement au bureau?
Ce que je trouve intéressant, c'est que vous communiquez non seulement avec les Canadiens ordinaires, mais surtout, avec des gens d'autres communautés. Cela me semble être une démarche bureaucratique, mais est-ce que vous comptez uniquement sur les missions pour savoir ce qui se passe sur le terrain ou si vous consultez d'autres groupes qui pourraient être au Canada? Comment arrivez-vous à faire le lien avec les personnes dans ces pays qui peuvent être victimes de violation et d'un génocide imminent?
M. Arbeiter : Merci pour votre question. Lorsque le ministre a annoncé la création du bureau, il a également parlé des nouveaux engagements en matière de rendement de tous les chefs de mission pour nous assurer qu'ils défendent activement les droits de la personne, y compris la liberté de religion ou de croyance, et que ces éléments font partie de leur gestion de rendement.
Le gouvernement a également indiqué que les chefs de mission devront se prononcer sur la place publique aussi souvent que possible.
Dans un premier temps, pour répondre à votre question sur les déclarations publiques au sujet des préoccupations du Canada, il n'y a pas qu'une seule réponse. Dans bien des cas, il pourrait être plus efficace de faire des déclarations ou d'avoir recours à des gazouillis ou à d'autres moyens pour transmettre les messages à l'échelle locale. Il y a donc de nombreux exemples, depuis mai dernier, où les chefs de mission ont pris la parole en public concernant des préoccupations ou des progrès réalisés. Il y a des progrès au chapitre des droits de la personne, et il est important d'en parler également.
Quant aux déclarations faites ici au Canada, elles peuvent être émises par le ministre des Affaires étrangères, seul ou aux côtés du ministre du Développement international et du ministre du Commerce international; cela dépend réellement du sujet de la déclaration. Le premier ministre fait également des déclarations. Par exemple, nous sommes actuellement dans les 16 jours d'activisme contre la violence fondée sur le sexe. Le premier ministre s'est exprimé à ce sujet. Plusieurs ministres se sont aussi prononcés par la suite. Nous allons donc collaborer avec nos collègues du ministère et d'autres ministères pour préparer ces déclarations ministérielles, car elles nous permettent de communiquer, à l'échelle nationale et internationale, les préoccupations du Canada sur une question particulière liée aux droits de la personne.
La sénatrice Andreychuk : J'aurais une question complémentaire. Le public d'ici et d'ailleurs communique avec nous grâce aux modes de communication instantanée. Nous avons des réseaux. Nous faisons partie d'associations parlementaires. Votre réponse me perturbe un peu en ce sens que je veux m'assurer de bien connaître la position du Canada avant de me présenter sur des tribunes internationales. Selon ce que vous me dites, je vais devoir suivre tous les gazouillis de toutes les missions et surveiller tous les ministres, particulièrement le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international, pour savoir ce qu'il en est.
Dans ce cas, comment peut-on connaître la position du Canada? Certains pourraient dire que dans les gouvernements précédents, pas seulement le précédent, mais les deux ou trois précédents, il y avait un point de contact. On pouvait obtenir des réponses. Est-ce que je peux vous appeler pour savoir ce qui se passe, par exemple, au Soudan du Sud en ce moment et quelle est la position du Canada à son égard, ce qu'ont dit les hauts fonctionnaires et qui sont les ONG avec qui vous collaborez, de sorte que lorsque je prendrai la parole, j'appuierai ce que le Canada fait au chapitre des droits de la personne?
M. Arbeiter : Je vais répondre à votre question, mais j'aimerais tout d'abord revenir à votre question concernant nos contacts avec les groupes confessionnels à l'échelle locale et au Canada. Si vous me permettez, lorsque j'ai parlé des nouveaux engagements des chefs de mission en matière de rendement, j'ai omis de dire qu'on s'attend à ce que les fonctionnaires canadiens à l'étranger établissent et entretiennent des réseaux avec les groupes confessionnels reconnus dans leur pays. Naturellement, nous dépendons d'eux pour savoir ce qui se passe à l'échelle locale, mais chose certaine, lorsque les fonctionnaires canadiens se rendent à l'étranger, ils ont souvent l'occasion de rencontrer des leaders d'opinion, autant dans le domaine des droits de la personne que dans d'autres domaines.
Pour ce qui est d'obtenir de l'information sur la politique et la position du Canada, il faut suivre les procédures parlementaires; les députés et les sénateurs peuvent être renseignés sur les questions d'intérêt. Évidemment, dans le cadre de ces procédures, nous pouvons nous mettre à votre disposition pour vous informer sur un sujet ou un pays donné ou une question plus générale.
En effet, il y a beaucoup d'information qui circule, et c'est difficile. Elle vient de multiples sources. Une partie du site web du ministère est consacrée aux droits de la personne. Le ministre a blogué quatre fois au cours des trois derniers mois, sur cette question particulière. Nous essayons constamment d'améliorer la disponibilité et l'accessibilité de l'information sur ce site web, pour que vous et les autres parlementaires et citoyens canadiens en général puissiez facilement trouver l'information voulue.
La sénatrice Andreychuk : J'imagine que parce que vous devez faire tout cela, vous ratez des occasions étant donné que les crises internationales surgissent du jour au lendemain. Si vous attendez, vous ratez une occasion de produire un effet positif. Je trouve cela quelque peu troublant.
Je pense bien que ma dernière question sera la suivante. Si j'ai l'occasion de faire des observations au sujet d'un pays ou d'un problème dans une région en particulier, dites-vous que je devrais communiquer avec votre bureau et obtenir la réponse? Je veux savoir à qui m'adresser pour obtenir assez rapidement une réponse venant du gouvernement. Il ne s'agit pas de remettre en question le gouvernement. Cela peut en faire partie, mais l'autre raison est de m'assurer de savoir exactement ce que le gouvernement a fait et de veiller à ce qu'il n'y ait pas trop de personnes qui se prononcent inutilement.
Il m'arrive de m'opposer au gouvernement et de dire « Je pense que vous n'en avez pas fait assez », entre autres, mais souvent, ce que je veux dire, c'est : « Le gouvernement a fait ceci; que devrions-nous faire d'autre? » C'est alors de la rétroaction, une discussion bilatérale. C'est ainsi que nous allons faire notre travail, comme parlementaires.
M. Arbeiter : Je ne veux pas commettre de bourde, alors nous pouvons faire un suivi plus précis. Je dirai cependant qu'il y a au ministère des gens chargés des affaires parlementaires qui fournissent, en discutant avec le greffier du comité et avec d'autres personnes, des renseignements à d'autres parlementaires. C'est typiquement ainsi que les demandes nous parviennent, mais nous vous transmettrons le nom en particulier.
La sénatrice Andreychuk : Human Rights Watch et de nombreux autres organismes se sont montrés très critiques concernant la composition du Conseil des droits de l'homme, où l'on compte plus d'États ayant commis des crimes que d'États offrant du soutien.
Quelle est la position du Canada concernant son travail au sein du conseil et la composition actuelle du conseil, ainsi que l'attention qu'il porte en particulier sur un pays, soit Israël?
M. Arbeiter : Le Conseil des droits de l'homme, à l'instar de tous les organismes de l'ONU, est le reflet de la composition des Nations Unies. Comme vous êtes nombreux à le savoir, il arrive souvent que des groupes régionaux présentent des candidats qui représentent le groupe régional particulier pendant une période de temps limitée.
Le Canada estime que le Conseil des droits de l'homme est l'instrument multilatéral qui a le mandat international de travailler aux questions de droits de la personne. Nous souhaitons donc beaucoup travailler avec le conseil et par son intermédiaire, dans toute la mesure possible, à toute une série d'enjeux qui relèvent de nos intérêts en matière de politique étrangère.
Parfois, compte tenu de notre propre point de vue, nous aimerions bien entendu qu'on y trouve ceux qui respectent davantage les droits de la personne, au conseil, mais nous ne pouvons pas contrôler ceux qui y sont élus, et nous ne le pourrons jamais. Nous essayons donc de trouver des façons de travailler avec eux — ceux qui sont d'accord avec nous et les autres — afin de garantir que les droits individuels de la personne soient mieux respectés, mieux protégés et mieux soutenus partout dans le monde.
Le Canada continue de condamner de manière concrète et visible l'isolement d'Israël au sein du système des Nations Unies, y compris au Conseil des droits de l'homme. Nous ne participons pas aux débats qui ciblent Israël au Conseil des droits de l'homme, en vertu du point 7. C'est la politique du Canada sur ce point en particulier.
La sénatrice Omidvar : J'aimerais poursuivre sur vos observations relatives aux ambassadeurs. Nous avons 136 porte-parole en matière de droits de la personne, de liberté religieuse et d'inclusion, par opposition à un seul ambassadeur. J'essaie encore de voir ce qui est préférable. Je suis intriguée par la réunion de tous les chefs de missions qui a eu lieu au Canada en juin 2016, et où le premier ministre a dit que les chefs de mission devaient faire rapport en temps réel des questions de droits de la personne, et que leur évaluation du rendement tiendrait compte de leur rendement, de leurs gestes et de leurs efforts pour défendre les droits de la personne.
Est-ce que ces mesures de rendement ont été mises en place? À quelle fréquence l'évaluation se fait-elle? Est-ce une évaluation du rendement annuelle? Obtenez-vous copie de ces évaluations du rendement? Est-ce qu'elles vous aident dans votre travail? Puisque nous avons cette nouvelle structure, il faut que vous ayez de la rétroaction.
M. Arbeiter : Oui, elles ont été mises en place au début de l'exercice financier — en avril et mai — et elles vont jusqu'à la fin de mars, soit l'exercice financier normal.
Vous avez parlé des attentes du premier ministre; on y trouve effectivement par écrit l'attente selon laquelle chaque chef de mission va non seulement faire rapport des situations relatives aux droits de la personne, mais aussi en discuter avec les partenaires.
Le contexte local est tenu en compte. L'engagement est universel, mais il peut avoir un sens différent selon les endroits. Encore une fois, ce qui motive cela, c'est l'effet et l'efficacité plutôt qu'une démarche uniforme dans tous les pays.
La plupart du temps, le Canadien en poste sur le terrain s'adressera à notre bureau pour obtenir du soutien additionnel. Récemment, par exemple, notre mission de Bangkok a parrainé beaucoup de travail accompli au sujet des LGBTI en Thaïlande. Les gens voulaient que nous leur donnions une idée de l'architecture internationale sur ces questions; ils voulaient savoir comment nous aidons les pays de cette région particulière à aborder ces enjeux, et connaître les types de partenariats que nous pouvons établir. Nous allons leur fournir ce soutien.
Les enjeux diffèrent d'un pays à l'autre; ils s'adressent à nous et nous essayons de leur donner le type de soutien qu'il faut sous la forme d'information et de liens. Il est parfois important de lier ce qui se produit dans le pays à ce qui se produit à l'échelle internationale, ou de façon multilatérale, pour trouver les synergies et cerner les divers aspects d'un enjeu particulier.
Dans ma déclaration liminaire, j'ai dit que notre équipe avait un centre d'innovation qui se penche sur l'utilisation de la technologie et des médias sociaux pour faire avancer les droits de la personne. Dans ce cas particulier, les communautés LGBTI font l'objet de menaces en ligne qui sont différentes d'ailleurs. En veillant à ce qu'ils aient l'information technique au sujet de la sûreté et la sécurité des particuliers, on les aide à améliorer la portée et l'efficacité des mesures prises dans cette situation particulière.
Mme O'Donnell : Je peux donner un exemple concret. J'étais chef de mission en Équateur, où surgissaient souvent des enjeux liés aux droits de la personne. Par exemple, nous avons établi des liens avec les femmes autochtones et leur avons offert de la formation sur les droits de la personne. À la suite de cela, de nombreuses femmes ont su comment se porter candidates à des postes de gouvernance locale et se sont présentées pour faire partie d'assemblées locales, entre autres. Elles ont compris leurs droits et se sont lancées en affaires. De très grands bienfaits ont découlé d'un très petit projet réalisé grâce au Fonds canadien d'initiatives locales.
Nous avons ensuite fait beaucoup de pressions concernant des enjeux comme la liberté d'expression, qui était menacée. Nous avons donné une rétroaction positive parce qu'ils ont adopté des règles visant à reconnaître les mêmes droits pour les couples des communautés LGBTI. Nous mettions sur Twitter des commentaires positifs pour les encourager. Ce sont quelques exemples concrets, d'après mon expérience.
La sénatrice Omidvar : Merci beaucoup. J'aime ces exemples. Ils nous donnent du contexte.
Étant donné qu'il s'agit du Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion, pourriez-vous nous préciser si votre travail a une portée nationale, ou s'il se limite à l'étranger? Je suis une personne pratique, et je me demande si des personnes qui vivent dans des maisons de verre devraient lancer des pierres.
M. Arbeiter : Notre mandat est principalement international, mais comme le ministre l'a très souvent dit, le Canada n'est crédible à l'étranger que s'il peut montrer ce qu'il fait à l'intérieur de ses frontières pour résoudre ses propres enjeux — de longue date ou émergents — en matière de droits de la personne.
Revenons sur certaines des déclarations du ministre, tant au Conseil des droits de l'homme qu'à l'Assemblée générale. Il part du principe que le Canada n'est pas parfait. Nous avons de grands défis, d'anciens problèmes et des problèmes émergents. Le Canada accepte que ces problèmes soient scrutés. C'est la raison pour laquelle il est important pour nous de travailler avec le système international des droits de la personne, que ce soit dans le cadre de la visite récente du Groupe de travail d'experts des Nations Unies sur les personnes d'ascendance africaine, afin de comprendre les obstacles particuliers que les Canadiens d'ascendance africaine rencontrent, ou que ce soit au sujet de la situation des Autochtones ou de la condition féminine.
Le ministère des Affaires étrangères n'a pas le mandat de travailler à l'échelle nationale, mais il faut absolument que nous puissions utiliser l'information relative à la situation des droits de la personne au Canada. Nous avons réalisé beaucoup d'activités de sensibilisation afin de mieux comprendre les préoccupations des Canadiens en matière de droits de la personne, non seulement à l'échelle internationale, mais également à l'échelle nationale. Comment le système répond-il? Comment travaillons-nous avec les ministères partenaires, que ce soit le ministère de la Justice, le ministère du Patrimoine canadien, Condition féminine Canada ou Sécurité publique, qui ont généralement la responsabilité de mettre en œuvre à l'échelle nationale les obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne? Comment les aidons-nous et comment travaillons-nous avec eux à l'échelle nationale pour être beaucoup plus crédibles à l'échelle internationale?
Nous ne sommes pas parfaits et nous tirons des leçons de cela. Nous acceptons d'être scrutés, parce que cela nous rend meilleurs. Nous acceptons d'être scrutés non seulement à l'échelle internationale, mais nous acceptons aussi les voix qui, à l'échelle nationale, ont peut-être des points de vue différents.
La sénatrice : Mes questions portent sur la structure de votre bureau. Pouvez-vous me dire combien vous avez d'employés à votre bureau?
M. Arbeiter : Trente-six.
La sénatrice Martin : J'aimerais que vous me fassiez une ventilation de ces 36 employés en fonction de leur sexe et de leur diversité ethnique. Aujourd'hui, je vois la représentation des femmes, mais je suis intriguée par la diversité qu'on retrouve dans votre bureau, étant donné que vous vous penchez sur divers enjeux importants.
M. Arbeiter : Je n'ai pas ces statistiques en ce moment, mais je vais vous les transmettre pour la proportion selon les sexes et la représentation de la diversité.
La sénatrice Martin : Vous avez mentionné les 16 jours d'activisme contre la violence faite aux femmes. Nous avons récemment mené un autre examen sur l'ACS+. Pourriez-vous nous dire si vous appliquez cela à tout ce que vous faites?
Mme Pena : Nous avons une politique sur l'égalité entre les sexes qui s'applique à tous les programmes d'aide au développement international que nous soutenons. Cela oriente donc chacun des projets. Nous appliquons cela de façon générale.
J'ajouterais au sujet des points soulevés précédemment que cela fait partie de notre boîte à outils générale. Nous avons un volet de défense des droits, et nous avons le travail des missions à l'étranger. Les missions sont aussi responsables des programmes de développement et peuvent donc voir comment les projets se réalisent et résoudre les problèmes particuliers qui surgissent.
Comme je l'ai mentionné précédemment, étant donné que la Loi sur la responsabilité en matière d'aide au développement officielle nous oblige à veiller à ce que les droits de la personne soient respectés, nous avons une boucle de rétroaction concernant ces enjeux par le travail que nous accomplissons.
Si nous avons un projet d'une durée de cinq ans qui vise l'aide à une commission des droits de la personne dans un pays donné et qu'à mi-chemin, nous commençons à regarder les types de situations qui surgissent en raison du travail lié à ce projet, cela met en lumière de nouveaux enjeux. Notre ambassade et nos collègues à l'étranger peuvent alors faire le suivi de ces enjeux et y travailler pour les résoudre, comme ma collègue en a donné l'exemple.
La sénatrice Martin : Vous avez mentionné les ambassades. Le titre de « directeur général » par rapport à celui d'« ambassadeur » donne l'impression d'une baisse de niveau, en quelque sorte, et je sais que d'autres sénateurs penseraient la même chose.
Plus précisément, au sein de votre bureau, avec le budget de 50 millions de dollars qui a été annoncé en mai 2016, combien d'argent a été déboursé à ce jour, et comment ces fonds ont-ils été utilisés? Pouvez-vous nous faire une ventilation rapide? Je sais que vous avez 36 employés, et il serait bon de savoir de quelle façon les fonds sont affectés.
M. Arbeiter : Bien sûr.
La sénatrice Andreychuk : Les fonds consacrés aux programmes.
La sénatrice Martin : Oui. Vous pourriez nous envoyer cette information détaillée. Je pense que tous les sénateurs aimeraient savoir ce qui est allé aux programmes, ce qui couvre les frais administratifs, et cetera.
M. Arbeiter : Pourquoi ne pas vous envoyer cela par écrit ultérieurement? Cela nous évitera de consacrer trop de temps à cette question en particulier.
Je précise que les 15 millions de dollars ne sont pas destinés aux frais de fonctionnement ou aux frais administratifs. Pour les frais administratifs, c'est un peu plus de 3 millions de dollars, et c'est distinct des 15 millions mentionnés par le ministre.
La sénatrice Martin : Savez-vous combien d'employés comptait le bureau précédent?
M. Arbeiter : Oui. Il y en avait cinq.
La sénatrice Martin : Oh! Le nombre est passé de 5 à 36. Alors nous voulons vraiment connaître les faits et les détails de ce qui se passe. Merci.
Le président : Nous devons vous donner le titre d'ambassadeur.
M. Arbeiter : Je peux répondre à cette question, si vous le voulez.
[Français]
La sénatrice Gagné : Merci pour votre présentation. Je comprends que votre bureau est relativement nouveau et que vous êtes en train de déterminer la façon dont vous mettrez de l'avant l'orientation que le premier ministre vous a donnée. Dans votre présentation, vous dites que cette orientation consiste à mobiliser la société civile.
Je constate que pour vous faire connaître et être à l'écoute des gens, vous visitez plusieurs villes. Étant originaire d'une communauté francophone du Manitoba, je constate que le visage de la francophonie du Manitoba s'est beaucoup transformé au cours des 15 dernières années. C'est une communauté qui a choisi d'inclure et d'embrasser la diversité, une communauté qui a beaucoup d'histoires à raconter. Elle accueille des gens de partout dans le monde et elle est fière du résultat en termes de diversité.
Vous avez visité des villes comme Montréal, Toronto, Winnipeg, Edmonton, Vancouver et Ottawa, mais j'aimerais savoir si vous faites un effort pour joindre les communautés qui se sont transformées, celles qui ont des histoires à raconter et qui entretiennent encore des liens serrés avec leur pays d'origine.
Comment cela alimente-t-il vos réflexions et vos actions face aux Canadiens et face aux gens sur la scène internationale?
M. Arbeiter : Je vous remercie de votre question. Il y a toujours un danger à avoir une liste et à se limiter à celle qu'on a présentée. C'est pour cette raison qu'on n'est pas nécessairement en mesure de faire des efforts pour joindre toutes ces communautés.
Le Canada est un pays très vaste, et il y a énormément de travail à faire. J'ai pris en note la nécessité et l'opportunité de faire appel à la communauté francophone du Manitoba en particulier. Nous tenterons de le faire prochainement, car nous sommes toujours à la recherche de suggestions de la part des communautés que nous devrions impliquer dans nos efforts.
La sénatrice Gagné : J'aimerais préciser qu'au Manitoba, il y a une université francophone et un bureau d'accueil francophone au sein de la société franco-manitobaine. C'est pourquoi il faut être en mesure de comprendre la dualité linguistique. Il s'agit d'une suggestion.
[Traduction]
Le président : Sénateur Ngo, je vais vous laisser poser une question au deuxième tour. Je veux juste faire quelques observations concernant l'information des associations parlementaires.
Nous recevons de l'information d'Affaires mondiales Canada avant de partir en voyage, mais je pense que votre bureau devrait obligatoirement participer à ces séances d'information pour que nous ayons de l'information à jour, comme l'a dit la sénatrice Andreychuk. Par exemple, l'Association parlementaire Canada-Afrique s'en va en Tunisie et en Égypte. J'aimerais avoir une séance d'information à jour sur les droits de la personne dans ces deux pays, et je pense qu'il est extrêmement important d'inclure cela dans le reste de l'information provenant de votre ministère pour que nous puissions faire notre travail, comme l'a mentionné la sénatrice Andreychuk.
Je suis content de voir que le gouvernement se met à jour. Comme vous le dites dans votre nouveau rapport, cela inclut la ratification possible de nouveaux traités comme les protocoles facultatifs se rapportant à la Convention contre la torture et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Les ministres Qualtrough et Dion sont venus, et j'étais présent à cette annonce. Il est remarquable que vous disiez que « ces efforts pourraient déboucher sur la ratification », car le comité, il y a quatre ans, a recommandé la ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ce « pourrait » vous donne une certaine latitude, n'est-ce pas? Que voulez-vous dire par cela?
M. Arbeiter : La ratification s'accompagne d'obligations pour le gouvernement fédéral, mais aussi pour les provinces et les territoires. L'annonce des ministres Qualtrough et Dion portait sur l'amorce de la consultation auprès des provinces et des territoires. Les traités que nous ratifions relèvent de la compétence du gouvernement fédéral, mais nous voulons aussi faire montre de respect envers nos partenaires provinciaux et territoriaux qui devront assumer en partie la responsabilité de mettre en œuvre les protocoles, si le gouvernement et d'autres autorités décident de les ratifier. J'espère que cela explique la situation.
Le président : C'est important pour nous, car le comité va entreprendre une nouvelle étude sur le contrôle des prisons, l'année prochaine. La convention fait partie du contrôle des prisons. Nous aimerions contribuer aussi à cette discussion.
Sénateur Ngo, vous pouvez poser une question rapide, puis nous allons conclure avec ce groupe.
Le sénateur Ngo : J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit précédemment. Vous avez dit qu'Affaires mondiales a présenté des recommandations lors du processus de l'EPU, à Genève, en 2009, et que cette information est publique. Cependant, le public canadien ne connaît pas du tout les détails de ces recommandations. Par exemple, dans ses recommandations dans le cadre de l'EPU, concernant le Vietnam, en 2009, le Canada encourageait le Vietnam à modifier le processus juridique des articles 79, 88 et 258 pour se conformer aux obligations internationales. Pourquoi les Canadiens ne peuvent-ils pas voir cela? Est-ce simplement en raison de l'EPU à Genève, ou parce qu'ils publient cela sur leur propre site web? Pourquoi le gouvernement canadien ne le fait-il pas? Parce que c'est ce que nous avons fait.
M. Arbeiter : Sachez d'abord que toutes les séances de l'EPU sont diffusées publiquement sur le Web. Les Canadiens intéressés peuvent donc les regarder en temps réel pour prendre connaissance des recommandations que font le Canada et d'autres pays aux divers membres qui participent au processus à ce moment-là.
De plus, les recommandations sont rendues publiques par l'entremise du système des Nations Unies. Je pense que votre question portait sur la publication des renseignements par le gouvernement du Canada, et je prends note de votre question.
Le sénateur Ngo : Ce que vous dites est idéal pour ceux qui veulent écouter les séances à la télévision ou ailleurs, mais le Canadien ordinaire ne le fait pas. Il consulte donc le site web du gouvernement du Canada et constate qu'il n'y a rien. Voilà ce que je demande.
Je vous poserais également la brève question suivante : au cours du mandat du précédent Bureau de la liberté de religion, l'ambassadeur s'est rendu dans un certain nombre de pays étrangers pour faire la promotion de la liberté de religion. Votre Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion entreprendra-t-il des démarches similaires pour promouvoir les droits de la personne à l'étranger?
M. Arbeiter : Je répondrai à votre question en deux temps. Tout d'abord, comme je l'ai souligné précédemment, les ententes de gestion du rendement de tous les chefs de mission canadiens prévoient qu'ils s'occupent non seulement des droits de la personne, mais de la liberté de religion en particulier. À ce que nous sachions, nous sommes le seul pays qui, sur le plan du rendement, veille à ce que tous les ambassadeurs, sans égard à leur pays d'accréditation, s'occupent expressément de cette question. Ils feront donc activement la promotion de la liberté de religion dans le cadre de leur travail quotidien.
Cette innovation ou cette inclusion dans les ententes de gestion du rendement a été remarquée par nos partenaires du Groupe international voué à la liberté de religion ou de conviction, qu'ils considèrent comme une pratique exemplaire que d'autres devraient adopter.
En outre, lors de nos voyages à l'étranger, moi et les membres de notre équipe serons à l'affût d'occasion de travailler aux questions relatives aux droits de la personne, y compris la liberté de religion ou de conviction. Comme nous l'avons indiqué un peu plus tôt, le ministre soulève régulièrement la question lors de ses voyages à l'étranger.
Le président : Merci de cette réponse. Merci beaucoup, à vous, monsieur Arbeiter, et à votre équipe. Comme vous pouvez le constater, nous nous intéressons grandement à votre bureau et à ses rouages. Nous sommes ravis que vous ayez pu le présenter au Comité sénatorial des droits de la personne. Comme on dit, nous reviendrons, et je suis certain que vous reviendrez. Nous vous sommes certainement reconnaissants de nous avoir fourni ces renseignements et nous vous remercions du travail que vous accomplissez.
Nous allons maintenant recevoir M. Bennett pendant la deuxième partie de notre séance sur le Bureau des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion d'Affaires mondiales Canada. Nous venons d'entendre l'équipe qui travaille actuellement pour ce bureau. Nous sommes enchantés. Nous disposerons de 45 minutes, si cela suffit, pour écouter Andrew P.W. Bennett, agrégé supérieur de recherche pour Cardus, qui a en outre été ambassadeur du Canada pour la liberté de religion.
Monsieur Bennett, je crois comprendre que vous avez un exposé à présenter, après quoi nous aurons une bonne conversation, bien entendu. Je suis sûr que la discussion précédente vous a intrigué. Bienvenue devant notre comité.
Andrew P.W. Bennett, agrégé supérieur de recherche, Cardus : C'est pour moi un honneur que de comparaître devant le comité afin de vous donner mon point de vue sur l'approche du Canada en matière de promotion des droits de la personne à l'étranger. Je ferai un exposé d'une dizaine de minutes, si cela vous convient, monsieur le président.
Je témoigne devant vous aujourd'hui en qualité d'agrégé supérieur de recherche à Cardus, le plus important groupe de réflexion sur la foi du Canada, qui est un chef de file dans le domaine. Le comité saura que j'ai auparavant été ambassadeur du Canada pour la liberté de religion. À ce titre, j'ai dirigé le Bureau de la liberté de religion d'Affaires mondiales Canada de février 2013 jusqu'en mars dernier.
Au cours de mon témoignage d'aujourd'hui, je voudrais vous faire part de certaines de mes réflexions quant au Bureau de la liberté de religion, notamment sur la manière dont il a exécuté son mandat. Fort de mon expérience, j'aimerais vous donner mon point de vue sur diverses approches que le gouvernement adopte actuellement pour promouvoir la liberté de religion de par le monde dans le cadre de sa politique globale en matière de droit de la personne.
En février 2013, le gouvernement précédent m'a nommé ambassadeur du Canada pour la liberté de religion pour un mandat de trois ans. Cette nomination n'était pas partisane. Je suis entré en fonction alors que je faisais déjà partie de la fonction publique.
Le mandat qu'on m'a confié consistait à promouvoir et à défendre la liberté de religion sur la scène internationale, un élément central de la politique étrangère fondée sur des principes du Canada. Je l'ai fait en dirigeant un bureau comptant de cinq à sept fonctionnaires dévoués et déterminés à exécuter ce mandat.
Le bureau n'avait pas de mandat au pays, une distinction que j'ai observée dans le cadre de mon travail.
Pendant les années où le bureau était en activité, le Canada s'est fait connaître comme chef de file de la promotion de la liberté de religion dans un monde où, selon le Pew Research Center, 74 p. 100 de la population mondiale vit dans des pays où le gouvernement impose des degrés élevés ou très élevés de restrictions à la liberté de religion et/ou à des endroits où des tensions sociales entraînent des violations de la liberté de religion.
L'attitude de chef de file du Canada a été reconnue par ses alliés des États-Unis et du Royaume-Uni, entre autres, et par les Nations Unies, notamment par son rapporteur spécial sur la liberté de religion.
Depuis la fermeture du bureau en mars 2016, ces alliés se demandent de plus en plus pourquoi le Canada met moins l'accent sur la liberté de religion, d'autant plus qu'il était un chef de file mondial de la défense de ceux qui sont souvent victimes de persécution religieuse brutale, qu'il s'agisse des chrétiens et des yézidis aux mains de Daesh, des musulmans chiites au Pakistan, des rohingyas sunnites en Birmanie, des bouddhistes tibétains en Chine, ou des témoins de Jéhovah et des pentecôtistes en Russie.
J'ai eu, au sein du ministère actuellement appelé Affaires mondiales Canada, une expérience somme toute positive, et j'ai exécuté mon mandat en bénéficiant du soutien de mes collègues.
Jamais je n'ai subi d'influence politique indue de la part du cabinet du ministre. Au contraire, j'ai pu fonctionner dans le cadre de la relation hiérarchique normale du ministère, où je relevais du sous-ministre des Affaires étrangères, et moi et mon équipe avons généralement joui de bonnes relations de travail avec nos collègues de la fonction publique.
Moi et mon équipe avons exécuté notre mandat grâce à un large éventail de politiques, de démarches de défense des droits et d'activités de programme. Une bonne partie de ces renseignements sont déjà du domaine public et figurent dans les annonces effectuées par le bureau, dans l'évaluation ministérielle et la vérification dont le bureau a fait l'objet plus tôt cette année, ainsi que dans le témoignage que j'ai déjà livré devant le Comité des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes. Permettez-moi toutefois de résumer brièvement nos activités.
Aux termes du Fonds pour la liberté de religion, qui a fourni 4,25 des 5 millions de dollars de notre enveloppe, nous avons parrainé plus de 20 projets qui soutenaient des activités, visaient les causes profondes de la persécution religieuse et aidaient les personnes directement persécutées dans plus d'une dizaine de pays. Nous avons instauré, à l'intention des diplomates canadiens, une formation sur la liberté de religion et le rôle de la religion dans les affaires internationales, une composante nécessaire de notre travail.
Nous avons incité nos alliés à défendre la liberté de religion à l'échelle internationale par l'entremise des Nations Unies — nous adressant notamment au Conseil des droits de l'homme —, du rapporteur spécial sur la liberté de religion et de la Troisième Commission de l'Assemblée générale, ainsi que dans le cadre d'une initiative sans pareil que le Bureau de la liberté de religion a lancée, soit le Groupe international voué à la liberté de religion ou de conviction, qui a permis de réunir plus de 20 gouvernements partageant les mêmes vues afin de promouvoir la liberté de religion.
Il ne s'agissait pas seulement de gouvernements qui pensent traditionnellement comme nous. Nous avons aussi mobilisé la Jordanie, le Maroc, la Tunisie, le Cameroun, le Sénégal et l'Indonésie, qui ont exprimé le désir d'améliorer la situation de la liberté de religion dans le monde.
Nous avons aussi eu — et moi en particulier — d'importantes interactions avec des gouvernements et des groupes confessionnels dans des pays où la liberté de religion était menacée et continue de l'être, et j'ai pu demander à des chefs politiques et religieux de rendre compte de leurs actes ou, dans bien des cas, de leur inaction.
Nous avons toujours exécuté notre mandat dans le contexte plus vaste des droits de la personne, admettant que la liberté de religion est nécessairement liée à d'autres libertés fondamentales, comme la liberté d'expression, la liberté de réunion et la liberté d'association. La liberté de religion doit toutefois être considérée comme une liberté distincte.
Prenez, par exemple, le cas de Raif Badawi, le blogueur défendant les droits de la personne en Arabie saoudite, que nombre d'entre vous connaissent bien. Cet homme a été déclaré coupable de diffamation contre l'islam et a été condamné à 10 ans de détention et à la flagellation. Nous avons alors porté l'affaire à l'attention du ministre et nous avons entrepris des démarches auprès de l'ambassadeur et du gouvernement saoudien.
Nombreux sont ceux qui considèrent qu'il s'agit d'une question de liberté d'expression et que la liberté de parole de M. Badawi était menacée, ce qu'elle était d'ailleurs; mais ce qui était en jeu ici, c'était sa liberté de parler de l'islam, de la foi, des attitudes séculières et du libéralisme. Pour exercer sa liberté d'expression, il devait préalablement expliquer ce dont il voulait parler. En ce sens, donc, sa liberté de religion, sa liberté de parler à titre de musulman plus laïc était violée.
Dans la Charte canadienne des droits et libertés et de nombreux autres documents, la liberté de religion est souvent considérée comme une liberté première ou ce qu'on pourrait appeler une liberté fondamentale. Pourquoi? Je pense qu'il va de soi que si nous faisons fi du besoin métaphysique présent en chacun de nous de réfléchir à ce que nous sommes, à notre relation à l'autre et au monde dans lequel nous vivons et à notre rapport à Dieu ou à une philosophie quelconque à laquelle nous choisissons d'adhérer, et du fait que ce besoin métaphysique fait partie intégrante de la liberté de religion, nous ne pouvons exprimer nos croyances — en exerçant notre liberté d'expression —, nous réunir avec d'autres personnes qui partagent ces croyances — en exerçant notre liberté de réunion — ou former des groupes avec d'autres adeptes de nos croyances pour promouvoir le bien commun.
Il est indéfendable d'affirmer que le gouvernement du Canada ne devrait pas accorder la priorité à la liberté de religion quand cette liberté est si gravement menacée dans le monde d'aujourd'hui. Le fait de lui accorder la priorité ne signifie pas qu'on ne porte pas attention à la protection des autres droits de la personne.
Au Canada, par exemple, la ministre de la Condition féminine dirige un ministère qui admet qu'il faut faire plus pour aider les femmes à jouir d'une plus grande égalité en milieu de travail, au sein des conseils d'administration, dans les métiers et dans d'autres domaines. Ce n'est pas parce qu'on accorde la priorité à l'égalité des femmes qu'on s'occupe moins de la promotion des droits juridiques ou de la liberté d'expression ou de réunion au pays. À différents moments de l'histoire, il faut accorder la priorité à certains droits de la personne et les défendre activement et âprement lorsqu'ils sont menacés. Pensez aux droits civils et juridiques des Afro-Américains aux États-Unis dans les années 1960. Il était juste de leur accorder la priorité pour leur conférer les droits civils et juridiques qui leur étaient dus.
Au cours des trois années d'activité du Bureau de la liberté de religion, nous avons souvent réussi à promouvoir la liberté de religion, mais en certaines occasions, nous aurions pu en faire bien plus. J'aurais pu m'élever plus vigoureusement contre certaines situations, comme les atroces violations de la liberté de religion commises par le gouvernement chinois à l'endroit des adeptes du Falun Gong et des bouddhistes tibétains, le grave manquement du Royaume d'Arabie saoudite, qui a échoué à assurer la liberté de religion aux dizaines de milliers de chrétiens vivant et travaillant dans ce royaume, et les restrictions actuellement imposées aux musulmans chiites mises en exergue dans l'affaire tragique de Nimr al-Nimr. Même si j'admets qu'il faut servir le ministre et la politique étrangère du pays, j'aurais pu faire bien plus.
Pour établir un lien avec la défense de la liberté de religion, un droit admis à l'échelle internationale, enchâssé dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et notre propre Charte, et dont les racines dans la civilisation occidentale remontent à l'Édit de Milan, en 313 apr. J.-C., sachez que le concept mal défini et très vague d'inclusion, que certaines de nos sociétés ont adopté, sème la confusion dans l'esprit de bien des membres de groupes confessionnels et nuit à la définition claire du besoin de protéger ceux qui, dans le monde, sont persécutés pour la foi qu'ils pratiquent.
Trop souvent, les Canadiens, à l'instar de nombreux Américains et Européens, adhèrent à un mythe apparu après la période des lumières voulant que la religion soit une affaire purement personnelle et que les croyances et les idées religieuses n'ont que peu ou pas de place dans la sphère publique, et encore moins dans la politique étrangère ou publique.
C'est mal comprendre la séparation de l'Église et de l'État, une doctrine constitutionnelle absente de notre pays, quoique souvent évoquée. Même si nous nous réjouissons d'avoir un gouvernement laïc, notre société n'est pas laïque. Comme de nombreux pays, le Canada comprend plutôt un éventail diversifié de groupes confessionnels qui participent activement à la vie de leur pays.
Trop souvent, nous confondons la liberté de religion avec la liberté d'expression ou de réunion, ou l'associons au concept limitatif de liberté de culte. Cette façon de voir est historiquement erronée et en complet décalage avec le rôle très public que joue la religion dans la vaste majorité des pays aujourd'hui.
Dans bien des pays où nos diplomates sont en poste, la religion et la foi religieuse ne font pas que s'exprimer dans un discours culturel perçu, mais guident plutôt les vies sociale, politique, culturelle et même économique de milliards d'êtres humains. En ne comprenant pas ce rôle, on perpétue une lacune diplomatique criante. Autrement dit, dans nos relations avec les autres pays, nous devons comprendre la religion et son rôle, sinon, nous ne comprendrons jamais et nous ne pourrons pas mobiliser entièrement les gens de manière inclusive en reconnaissant leur dignité humaine inhérente, une dignité qui s'exprime souvent dans leur foi religieuse.
J'espère sincèrement que le gouvernement du Canada et notre service des affaires étrangères entreprendront d'autres efforts de formation en diplomatie, de défense des droits et d'amélioration des programmes relatifs à la liberté de religion et à la religion dans les affaires internationales pour que les Canadiens, particulièrement la majorité qui déclarent leur adhésion à une croyance religieuse, puissent continuer d'être bien servis et pour que la voix du Canada à titre de défenseur des droits de la personne et des personnes persécutées à cause de leur religion demeure forte et confiante.
Le président : Merci, monsieur Bennett. Nous vous sommes reconnaissants de comparaître.
J'accorderai d'abord la parole à la vice-présidente, la sénatrice Ataullahjan.
La sénatrice Ataullahjan : Merci, monsieur Bennett. Je suis ravie de vous revoir. Je pense que la dernière fois où nous nous sommes rencontrés, nous examinions la question des musulmans rohingyas. Je vous remercie d'ailleurs du travail que vous avez accompli dans ce dossier.
Vous avez un budget de 5 millions de dollars, alors que le nouveau bureau dispose de 15 millions de dollars. Pourtant, vous semblez avoir accompli davantage avec 5 millions de dollars. Pour être juste, il faut admettre que le bureau est nouveau et tente en quelque sorte de trouver ses repères.
Je voudrais vous interroger à propos du travail que vous avez fait. Quels sont vos principaux défis et réussites?
M. Bennett : Permettez-moi de commencer par les réussites. Je pense que nous avons pu mieux faire connaître la liberté de religion et faire comprendre qu'il s'agit d'un droit de la personne qui doit être défendu. Lorsque le bureau a été établi en 2013, il n'y avait vraiment que deux ou trois autres pays qui s'occupaient activement de la question : les États-Unis avec leur politique étrangère et l'Office of International Religious Freedom; le Royaume-Uni, qui comptait à l'époque un ministre d'État au sein Foreign and Commonwealth Office on religious freedom; et la Norvège, qui disposait d'un bureau des droits de la personne et d'un ambassadeur expressément responsable de la liberté de religion.
Pendant les trois années d'existence du bureau, nous avons régulièrement et activement évoqué — par l'entremise de l'ONU, comme je l'ai dit, à la faveur de diverses interactions avec nos missions à l'étranger et par mes propres interactions personnelles avec divers pays — la nécessité de nous regrouper pour en faire davantage, parce les nouvelles quotidiennes nous informaient des événements en Irak, en Syrie, au Pakistan, au Nigeria, beaucoup de pays où la liberté religieuse était gravement menacée.
Grâce à l'appui accordé par le gouvernement à cette priorité et à la capacité de notre bureau de parler ouvertement et librement de cette question sur les tribunes consacrées à la politique étrangère, l'une de nos plus grandes réussites est d'avoir pu rallier plus de pays à cette cause.
L'Union européenne a désormais un envoyé spécial chargé de la promotion de la liberté de religion ou de croyance. À l'extérieur de l'Union européenne, un nombre croissant de pays dans le Groupe international de contact est voué à cette cause. Nous avons réussi brillamment la transition d'un rapporteur spécial de l'ONU à nouveau rapporteur spécial, Dr. Shaheed, qui est très efficace dans ce poste et qui a fait un travail particulièrement remarqué en Iran pour le respect des droits de la personne.
Une difficulté importante que nous avons affrontée et que nous continuons d'affronter est l'ignorance relative de la religion chez les praticiens de la politique étrangère, et en général, dans la fonction publique.
Nous avons tous reçu plus ou moins une formation semblable à l'école et à l'université. Cette formation, au fil des décennies, a diminué le rôle de la religion dans notre société, sans réussir à l'expliquer. Il s'ensuit que nous n'avons pas été aussi bien formés et aussi bien formés à nous en soucier quand nous allons dans des pays où elle joue un rôle prédominant, comme beaucoup d'entre vous l'ont appris par leurs voyages et leur travail.
Je ne jette donc pas la pierre au manque de formation mais à notre inaction à cet égard et pour accélérer la formation de nos diplomates et, en général, de nos fonctionnaires, sur le rôle de la foi religieuse.
Nous avons entrepris deux années de formation. Dans la première, donnée par l'entremise de l'Institut canadien du service extérieur, nous avons reçu une journée de formation sur la liberté religieuse, et le nombre d'inscriptions a dépassé les prévisions. Dans la deuxième année, un programme de formation de deux jours a connu le même sort, et nous l'avons prolongé pour parler de liberté religieuse et de religion dans les affaires internationales.
Voilà seulement deux exemples, l'un de succès, l'autre de difficultés entremêlés, mais je pourrais vous en donner beaucoup d'autres.
La sénatrice Ataullahjan : Vous semblez déplorer l'ignorance de la religion. Préconiseriez-vous une sorte de formation religieuse? Je pose toujours des questions sur les sensibilités culturelles, particulièrement à l'étranger; certaines cultures acceptent ce que d'autres rejettent.
Dites-vous que les fonctionnaires et les bureaucrates devraient recevoir une sorte de formation religieuse, seulement pour comprendre ce à quoi ils ont affaire?
M. Bennett : Oui. Absolument. Nous devons nous assurer, par exemple, que nos diplomates à l'étranger comprennent la distinction pas simplement entre, disons, l'Islam sunnite et l'Islam chiite, mais que, par exemple, à l'intérieur de l'Islam sunnite, il faut tenir compte de beaucoup d'écoles juridiques, qui varient d'un pays à l'autre et dont certaines sont prédominantes dans certains pays. Nous devons saisir, à l'intérieur de l'Islam chiite, la diversité des croyances entre le chiisme duodécimain et l'ismaélisme.
Idem chez les chrétiens. Souvent nous croyons bien connaître le christianisme dans notre société, mais, souvent, nos connaissances sont superficielles. Au Moyen-Orient, on risque de tomber sur d'anciennes Églises chrétiennes dont on ignore tout. Comment établir le contact? On ne connaît pas leur histoire. On ne saurait pas distinguer un maronite d'un melkite ou un syrien orthodoxe d'un syrien catholique.
Ce genre de connaissances de base est très important, non seulement parce qu'il permet les contacts, mais il permet au personnel du service extérieur d'être très efficace dans cette région.
Le Canada, manifestement à cause de sa propre diversité, de son multiculturalisme et de sa société multiconfessionnelle, dispose de plusieurs atouts qui favorisent cette formation. Je l'ai préconisée et je continuerai de le faire.
La sénatrice Andreychuk : Merci, monsieur Bennett. Je tiens à vous remercier de votre travail pour le compte du gouvernement du Canada et des Canadiens. Les échos que j'en ai eus, pas par vous ni par des sources canadiennes, mais dans mes voyages à l'étranger, est que vous avez traité de sujets que d'autres avaient évités. J'ai déjà fait partie d'une mission. Je sais de quoi il s'agit; les priorités sont nombreuses. Vous êtes arrivé au bon moment, alors que, comme je pense que vous l'avez dit, nous n'avons pas d'histoire de notre politique étrangère.
La politique étrangère a tellement changé. Je pense que nous l'avons beaucoup considérée comme un concept de développement pour certains pays. Nous avons ensuite adopté un concept plus axé sur la politique étrangère. La complexité augmente désormais, parce que nous devons traiter avec beaucoup de pays où la religion joue un rôle important, qui n'a pas été pris en considération.
En toute justice pour le ministère des Affaires étrangères, ou des Affaires mondiales, comme on l'appelle maintenant, c'est notre évolution qui l'a conduit là où il se trouve et à cet appétit de comprendre la mentalité de l'étranger, pas la nôtre, et de trouver une façon de prendre contact. Je pense que vous avez fait un travail magnifique.
Une partie de votre réussite est attribuable à votre position séparée, à votre rôle d'ambassadeur, à votre capacité de vous charger de ce travail et parce que vous aviez les coudées franches. Le ministre des Affaires étrangères avait la tâche de concilier beaucoup de droits de la personne en concurrence, alors que vous aviez un objectif spécial, que vous pouviez mettre en évidence et qui servait de point de repère dans les efforts de conciliation du gouvernement.
Je crains, maintenant que nous revenons à un mode plus ministériel, que nous perdions cet accent, mais aussi l'équilibre qui se modifie au jour le jour, et ça, c'est au ministre de le faire.
M. Bennett : Très juste. L'ambassadeur est seul de son espèce. Parfois, pour privilégier un enjeu particulier comme la liberté religieuse — ou les enjeux de l'Arctique, l'environnement, les mines antipersonnel — il est bon, parfois, de procéder de façon asymétrique, disons-le comme ça, pour, de diverses manières, donner préséance et une plus grande visibilité à un enjeu particulier.
Beaucoup de pays le font. Les États-Unis, c'est sûr, ne s'en privent pas. Quand j'allais à Washington, c'était pour plusieurs jours, pour rencontrer quatre ou cinq interlocuteurs pour chacune des diverses casquettes que je portais.
Mais, aussi, dans beaucoup d'autres pays, Pays-Bas, France, Allemagne, le gouvernement fixe des priorités particulières et met en branle divers mécanismes : ambassadeur, envoyé spécial ou, encore, un certain nombre de moyens pour faire avancer tel dossier de politique étrangère.
D'après ma propre expérience, je trouve que c'est un outil et une démarche très utiles, qui pourraient servir à choisir un pays comme chef de file, comme pour le traité d'Ottawa sur les mines antipersonnel. Le Canada y a joué un rôle de premier plan. Nous avons fait de même pour le maintien de la paix et dans toute une gamme de domaines où nous percevions un besoin, et le gouvernement y a répondu en orientant ses activités en ce sens.
Encore une fois, ce n'est pas parce qu'on concentre les activités dans un domaine particulier qu'on diminue l'attention portée à d'autres domaines, mais différentes époques engendrent différents besoins dans le monde. Un pays comme le Canada, avec son histoire particulière et sa société multiculturelle et multiconfessionnelle, a souvent la capacité de prendre la parole dans cet espace, alors que d'autres pays ne l'ont pas.
Lorsque j'ai parlé avec mes collègues américains et britanniques de ces nombreux autres enjeux, ils m'ont dit que le Canada était en mesure de parler beaucoup librement, car il n'a pas la même histoire problématique que leur pays dans certaines régions du monde. J'ai certainement observé cela. De plus, les Américains comptent sur nous pour parler de différentes façons à différents pays.
En compagnie de David Saperstein, l'ambassadeur itinérant des États-Unis pour la liberté religieuse internationale, j'ai participé à une mission au Myanmar dans le cadre du Groupe de contact international, et les Américains ont été en mesure d'utiliser leur approche à l'égard des pays qui posent des préoccupations particulières pour cerner les pays où se produisent des violations de la liberté de religion. Certaines sanctions accompagnent ce processus. Le Canada n'utilise pas cette approche. Certaines personnes pourraient faire valoir que nous devrions l'utiliser. Je n'ai jamais cru qu'il s'agissait d'une bonne approche, car étant donné que le Canada n'a pas cette approche de la carotte et du bâton, ses représentants peuvent parler, par exemple, de notions telle la citoyenneté partagée, et dire aux gouvernements de la Birmanie et du Myanmar que s'ils souhaitent poursuivre leur développement sur les plans économique, politique et social, ils doivent reconnaître les diverses confessions et accorder à leurs membres le statut de citoyens du Myanmar. Ils doivent également leur accorder la liberté de religion complète, afin que ces gens puissent participer pleinement à la société. Cela a souvent aidé à équilibrer l'approche un peu plus robuste utilisée par d'autres pays.
Le sénateur Ngo : Je suis heureux de vous revoir. Nous nous sommes rencontrés à New York.
J'aimerais vous poser une question très facile. À titre de premier ambassadeur du Canada pour la liberté de religion, à quels obstacles avez-vous fait face, et selon vous, quels sont les plus grands défis qui se posent lorsqu'il s'agit de veiller au respect de la liberté de religion à l'échelle mondiale?
M. Bennett : Il y a plusieurs façons de répondre à cette question. Je crois que parfois, au sein du ministère, en raison d'un manque de sensibilisation sur l'importance de la religion dans certains contextes internationaux, certaines personnes ne sont pas prêtes à parler de la religion ou à reconnaître qu'il s'agit d'un enjeu. Certaines conversations difficiles ont dû avoir lieu entre les intervenants de mon bureau et d'autres services du ministère. Ces conversations avaient une portée informative, car elles visaient à expliquer à nos collègues les raisons qui sous-tendent la crise liée à la sécurité qui sévit en Irak. C'était après la chute de Mossoul et de Qaraqosh. Il y a une crise humanitaire, car ces gens, les yézidis, les chrétiens, les mandéens, les musulmans chiites et les musulmans sunnites qui refusent d'accepter l'EI... Le problème découle de la persécution religieuse. Nous sommes donc témoins des répercussions humanitaires engendrées par cette persécution, à savoir les migrations forcées, les exécutions et l'esclavage des femmes et des filles. Ce sont tous des produits de la persécution religieuse. Pour être en mesure de comprendre pourquoi cela se produit et pourquoi ces migrations massives sont déclenchées, il faut comprendre l'histoire de l'endroit. Il faut comprendre les dynamiques entre ces différents groupes. Nous avons donc déployé de gros efforts pour surmonter certains des obstacles en place, mais trois ans, ce n'est pas suffisant. Je sais qu'il y a une certaine sensibilisation au sein du ministère. Mes anciens collègues, que vous avez rencontrés dans le groupe de témoins précédent, sont certainement au courant de la situation, mais il faut faire preuve de diligence à cet égard.
Je dirais qu'aucun obstacle précis n'a surgi dans mon travail. On ne m'a jamais dit directement que je ne pouvais pas faire une certaine chose. À certains moments, il a fallu équilibrer différents éléments de notre politique étrangère, et j'ai dû accepter cela. Était-ce parfois frustrant? Bien sûr. Ma propre conscience m'a souvent poussé à dire quelque chose, mais je me suis rendu compte que je devais parler à titre d'ambassadeur et servir le ministre.
Toutefois, ma conscience a très rarement été entièrement mise en doute. Mais je crois que parfois, lorsque nous parlons entre diplomates, à l'occasion, la conscience est mise de côté, et c'est un défi particulier.
Le sénateur Ngo : Vous avez voyagé partout dans le monde, surtout pour faire de la promotion. Quelle région a représenté le plus grand défi, selon vous, pour la promotion de la liberté religieuse?
M. Bennett : Je dirais que les pays se trouvent à différents endroits sur un spectre. Dans certains pays, nous pouvions discuter ouvertement et honnêtement de la liberté de religion, par exemple au Nigeria, où le gouvernement est prêt à avoir ce type de conversations. Ses représentants étaient prêts à collaborer avec nous au sujet des programmes. L'Indonésie est un autre exemple de pays où l'on reconnaît certains des défis qui existent au sein de communautés minoritaires du pays. Nous avons mené un très bon projet en collaboration avec une ONG vouée à la protection des droits de la personne en Indonésie : les intervenants sont allés dans différentes régions de l'archipel, ont documenté des violations de la liberté de religion et nous a transmis des renseignements à cet égard, ainsi qu'au gouvernement indonésien, afin que nous puissions intervenir activement dans ces enjeux.
À l'autre bout du spectre, il y a des pays comme l'Arabie saoudite, l'Iran et la Chine, où aucune discussion n'est possible. J'ai rencontré l'ambassadeur chinois lorsque j'étais moi-même ambassadeur; c'est la seule fois où je l'ai rencontré.
J'ai rencontré Sa Sainteté le Dalaï-Lama en 2014 à Washington, et le ministère a pris la décision d'envoyer un communiqué de presse avec photo, et cetera. Les Chinois n'ont pas très bien réagi à cette rencontre.
Les représentants de l'Arabie saoudite ne sont pas prêts à discuter de la liberté de religion. Il n'y a aucun dialogue sur la question dans ce pays, et on ne parle certainement pas du cas de Raif Badawi. Les autorités saoudiennes m'ont dit que je m'ingérais dans les procédures judiciaires de leur pays.
Au milieu du spectre se trouve probablement une majorité de pays avec lesquels nous avons eu des discussions, et où il y a de graves problèmes liés à la liberté de religion, par exemple le Pakistan, où j'ai eu des rencontres très cordiales avec les représentants du gouvernement à la fin de l'hiver 2014, lorsque je suis allé à Islamabad et à Lahore. Ces réunions étaient très cordiales. Les intervenants nous ont écoutés. Ils ont compris les points que nous avons fait valoir au sujet de la persécution des musulmans ahmadis, des musulmans chiites, des chrétiens, des zoroastriens, des hindous, des sikhs, et cetera, et ils nous ont assurés que des efforts supplémentaires seraient déployés pour tenter de régler le problème de persécution. Toutefois, le Pakistan se trouve toujours dans un état critique.
La Turquie est un autre exemple de pays où il était très difficile d'avoir des conversations avec les représentants du gouvernement. Pour revenir à un point soulevé par le dernier groupe de témoins, j'étais en Turquie en septembre 2013, et j'ai rencontré les membres du Diyanet, le ministère des Affaires religieuses de la Turquie, à Ankara. J'ai soulevé plusieurs questions, par exemple les droits des différentes communautés de récupérer les biens qu'on leur avait confisqués, notamment les syriaques orthodoxes, les chrétiens apostoliques arméniens, la communauté juive, les chrétiens orthodoxes, et j'ai aussi abordé d'autres enjeux. Ils m'ont répondu — n'oubliez pas que c'était en septembre 2013 — qu'ils me remerciaient d'avoir porté ces enjeux à leur attention, et ils m'ont demandé s'ils pouvaient m'aider à résoudre la situation au Québec. À l'époque, la Charte des valeurs du Québec faisait l'objet d'un débat dans la province. Nous devons donc être conscients que nous avons nos propres problèmes et nos propres défis chez nous en ce qui concerne les droits de la personne et la liberté religieuse lorsque nous parlons aux représentants d'autres pays à l'étranger.
Toutefois, il y a une différence importante. Dans des pays tels l'Arabie saoudite et l'Iran, il n'y a aucune capacité institutionnelle ou volonté de soulever des questions liées à la liberté religieuse, alors qu'au Canada, lorsque nous reconnaissons que nous faisons face à des défis liés aux droits de la personne dans notre société, nous avons une discussion ouverte et un débat. Des groupes font appel au Parlement, aux tribunaux et à diverses institutions, et nous sommes en mesure d'offrir un débat public sur la façon d'améliorer les droits de la personne et des collectivités dans notre pays. Cela revient donc, à certains égards, à comparer des pommes et des oranges.
Le sénateur Ngo : Avez-vous eu la chance d'aller au Vietnam?
M. Bennett : Malheureusement, je n'ai jamais été en mesure de me rendre au Vietnam, mais j'avais prévu m'y rendre à la fin de l'automne 2015.
Le président : Je comprends certainement le cas de la Chine, car j'ai vécu dans ce pays pendant cinq ans à la fin des années 1980. Billy Graham est venu. Ils étaient nerveux à l'époque, et ils sont nerveux maintenant.
Avant de donner la parole à la sénatrice Martin et à la sénatrice Omidvar, j'aimerais souligner que les gens ont beaucoup d'admiration pour le travail que vous avez accompli. À votre avis, notre pays devrait-il réfléchir davantage à la question d'avoir un ambassadeur des droits de la personne, des libertés et de l'inclusion? Vous étiez l'ambassadeur de la liberté religieuse, et ce poste est maintenant celui de directeur général. Cela change-t-il l'image projetée par le Canada dans le reste du monde?
M. Bennett : Encore une fois, comme je l'ai dit, monsieur le président, le rôle d'ambassadeur, dans de nombreux contextes différents, peut représenter une plateforme très puissante pour faire la promotion de différents éléments de la politique étrangère du Canada.
Comme je l'ai dit dans mon exposé, je crois que nous devons réfléchir à la façon dont nous pouvons faire progresser certains droits de la personne à l'étranger, par exemple la liberté de religion, qui est toujours menacée. Je laisserai donc les sénateurs déterminer la meilleure façon dont le gouvernement peut y arriver.
La sénatrice Martin : Merci beaucoup, monsieur Bennett. Je crois que la dernière fois que je vous ai vu, c'était au Petit-déjeuner prière national et au forum qui a suivi cet événement. Aujourd'hui, comme à ce moment-là, vos réflexions sont importantes pour éclairer notre discussion dans le cadre de cette étude.
J'aimerais vraiment comprendre ce qui s'est produit pendant la transition entre la fin de votre mandat et la situation actuelle. Même s'il s'agissait d'une nomination de trois ans, les problèmes et les initiatives ne se règlent pas juste à la fin du mandat. Seriez-vous en mesure de parler de la transition entre vos travaux et la situation actuelle? Avez-vous eu de bons rapports avec les membres de la nouvelle équipe? Pendant les trois années où vous avez été ambassadeur, certaines des réflexions et des stratégies dont vous nous parlez aujourd'hui — je les ai prises en note — seraient très importantes pour que le Canada puisse progresser et avoir une plus grande influence dans le monde.
Pourriez-vous nous parler un peu de la transition entre la fermeture du Bureau de la liberté de religion et le processus actuellement en œuvre?
M. Bennett : Certainement. Je vous remercie d'avoir posé la question, sénatrice.
Lorsqu'il est devenu évident que le mandat du bureau ne serait pas renouvelé, et lorsqu'il s'est terminé le 31 mars 2016, on a mené des discussions au sein du ministère. J'ai eu accès à ces discussions, et à ce moment-là, je me suis engagé, peu importe où l'avenir m'amènera, que ce soit dans ce ministère ou dans un autre service du gouvernement ou même à l'extérieur du gouvernement, à rester et à appuyer la transition vers la nouvelle structure mise en œuvre par le gouvernement.
Lorsque M. Arbeiter et Mme Natale se sont joints à l'équipe pour travailler sur les questions liées à la liberté de religion, M. Arbeiter était mon homologue, c'est-à-dire qu'il était directeur général. En effet, mon poste était essentiellement celui de directeur général, et nous avons donc travaillé à la table de gestion pendant plusieurs années. Nous avons établi une très bonne relation dès le départ.
Le nouveau bureau, comme on l'appelle, est tout simplement l'ancien Bureau des droits de la personne, auquel on a ajouté un service de l'inclusion et de la liberté de religion.
C'est le changement fondamental qu'on a apporté. Les activités du Bureau des droits de la personne déjà établi — c'était un bureau parallèle au Bureau de la liberté religieuse — se sont poursuivies. On a tout simplement continué d'exécuter les activités déjà lancées. M. Arbeiter a conservé le poste de directeur général et ensuite, Mme Natale a accepté le poste de directrice pour l'inclusion et la liberté de religion.
C'est donc dans ce contexte que j'ai continué de travailler jusqu'au début du mois de juin 2016. J'ai travaillé avec Mme Natale lorsque le gouvernement a officiellement annoncé la nouvelle structure, en mai dernier. Je me suis engagé à voyager avec elle d'un bout à l'autre du pays. Nous sommes allés à Montréal, à Toronto et à Vancouver pour rencontrer les différentes communautés confessionnelles. Je lui ai présenté les membres de mon réseau de personnes-ressources et je lui ai permis de communiquer avec ces personnes. Nous sommes allés à Washington, où j'ai coprésidé, avec l'ambassadeur Saperstein, la dernière réunion — certainement à titre d'ambassadeur ou de responsable du dossier — du Groupe de contact international du Département d'État des États-Unis. Ensuite, j'ai présenté Mme Natale à l'ambassadeur Saperstein et au personnel du Bureau de la liberté de religion internationale des États-Unis.
Cela signifie également qu'on a régulièrement tenu des réunions sur les activités de notre programme, sur nos travaux stratégiques et sur nos efforts de promotion. Mme Natale et M. Arbeiter ont donc été informés de tous les travaux que nous avions accomplis. Tout avait été prévu.
Malheureusement, je n'ai jamais eu l'occasion d'informer le ministre des travaux du Bureau de la liberté religieuse.
La sénatrice Martin : Vous dites que vous avez joué différents rôles et que vous avez rencontré plusieurs interlocuteurs. Ma prochaine question concerne le fait que je doute de la capacité de ce nouveau bureau élargi d'utiliser ce type d'approche très précise. En effet, je crois que l'ancienne façon de fonctionner présente des avantages. Parfois, il y a un mince écart entre ces deux entités qui ne peuvent pas se chevaucher, et quelqu'un doit combler cet écart. Je vois comment vous avez été en mesure de le faire. Cette observation découle de la question que j'ai posée au sujet des employés et de la diversité au sein du bureau, car dans un grand espace, il est beaucoup plus difficile de maîtriser tous les détails. Vous pouviez le faire plus facilement auparavant et concentrer vos activités.
Dans le cadre de la nouvelle structure, sera-t-il toujours possible d'utiliser certaines stratégies comme vous l'avez fait, ou perdrons-nous peut-être cette capacité de nous concentrer dans certains domaines où le Canada pourrait intervenir?
M. Bennett : Étant donné que je suis à l'extérieur du gouvernement, je préfère ne pas formuler de commentaires sur l'appareil gouvernemental et sur la façon dont on structure les bureaux et les services. Je ne tiens pas non plus à donner mon opinion sur la façon dont on remplit les mandats qui ont été donnés par le ministre. Toutefois, il existe toujours des occasions d'accentuer certains éléments d'un mandat.
Selon mon expérience personnelle, étant donné que j'avais la responsabilité de discuter de la liberté de religion avec des gouvernements étrangers, même s'il n'existait pas de mandat national à cet égard, il y avait un chevauchement à l'échelon national, et j'ai été en mesure de discuter avec les différentes communautés religieuses du pays, dont un grand nombre se trouve en situation de diaspora récente, afin de mieux comprendre ce qui se produit à l'étranger.
J'ai également été chef de la délégation canadienne de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'holocauste, ce qui m'a fourni une excellente occasion d'effectuer des travaux sur la mémoire de l'holocauste et sur la sensibilisation, et cetera. Cela m'a permis d'intégrer cette ligne de pensée et ce domaine d'activité dans des questions sur le génocide des yézidis et des chrétiens qui se déroule actuellement en Irak et d'établir un cadre pour aborder un grand nombre de ces questions.
L'une des initiatives que j'ai lancées à titre d'ambassadeur concernait la demande de la communauté juive. En effet, au sein de la communauté juive, on avait exprimé une préoccupation, à l'échelle internationale et nationale, liée aux persécutions des chrétiens qui se produisaient en Irak et en Syrie.
J'ai communiqué avec les membres de la communauté que je connaissais par l'entremise de mes travaux sur la sensibilisation à l'holocauste et j'ai découvert que même s'ils avaient une très bonne relation, par exemple, avec l'Église catholique et avec les différentes dénominations protestantes, ils ne connaissaient pas les nouvelles Églises chrétiennes orientales venues du Moyen-Orient qui s'étaient établies au Canada. J'ai donc amorcé un dialogue entre la communauté juive et les chrétiens du Moyen-Orient sur la meilleure façon de relever ces défis.
Dans toute structure, il existe de nombreuses façons de faire progresser certaines priorités. Manifestement, je suis limité pendant un an, car je dois demeurer à l'écart des conversations concernant cet enjeu avec mes anciens collègues, mais je m'intéresse toujours au sujet.
La sénatrice Martin : C'est une bonne chose qu'ils puissent profiter de cette expérience.
Vous avez parlé de la persécution des chrétiens. Avez-vous soulevé la question du traitement des chrétiens en Inde? Cela a-t-il été mentionné?
M. Bennett : Ce sujet a été mentionné au cours de conversations internes au ministère. Encore une fois, un voyage en Inde était en préparation et faisait partie des quelques voyages prévus vers la fin du mandat du bureau. La question de la persécution non seulement à l'égard des chrétiens, mais également à l'égard des bouddhistes dans certaines régions du pays chevauche les questions liées aux castes, car un nombre de plus en plus élevé de personnes appartenant à des castes répertoriées se convertissent au christianisme et au bouddhisme, et même à l'islam, et elles sont ensuite persécutées non seulement en raison de leur conversion, mais également en raison de leur caste. La question de l'Inde est très complexe. C'est la nature de ce pays. Mais c'est un sujet qui m'intéresse toujours, et je suis sûr que les intervenants du ministère discutent de cet enjeu.
Le président : Il nous reste environ huit minutes. Prenez tout le temps qu'il vous faut, sénatrice.
La sénatrice Omidvar : Merci. Je vous en suis reconnaissante. Je suis une nouvelle sénatrice. Je n'ai pas eu la chance de siéger au sein de ce comité depuis aussi longtemps que mes collègues. Bon nombre des questions que je souhaitais vous adresser vous ont déjà été posées.
Pour ceux qui ont vécu des situations de persécution religieuse et d'intolérance, comme ce fut mon cas en Iran en raison de mes liens avec la communauté bahaïe, il faut se demander si on ne perd pas un peu de vue le contexte plus général des droits de la personne en considérant les abus perpétrés uniquement sous l'angle de la religion. D'après ce que j'ai pu observer, les instances et les institutions religieuses aspirent souvent au pouvoir politique et perdent ainsi l'occasion de faire partie de la solution — vous savez ce à quoi je fais référence, la situation en Iran et en Irak. Dans toute cette conjoncture, je ne vois pas seulement de l'intolérance religieuse, mais aussi un problème plus généralisé de violation des droits de la personne et d'exercice abusif du pouvoir politique.
Je pense que le nouveau bureau qui a été créé — je ne me souviens plus de son nom au complet, mais il est question de droits de la personne et d'inclusion — adopte une approche plus large qui nous permet d'envisager la problématique des droits de la personne d'une façon sans doute plus pertinente compte tenu de la grande complexité de la situation.
Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez?
M. Bennett : Je tiens à rappeler que le Bureau de la liberté de religion a toujours su maintenir un dialogue quotidien avec celui des droits de la personne qui était dirigé par M. Arbeiter, et qui l'est encore sous sa nouvelle appellation. Nous avons toujours cherché à travailler de façon intégrée. Il reste quand même que vous avez tout à fait raison. Dans bien des situations de persécution religieuse, il y a d'autres actes répréhensibles qui se produisent. Ces autres formes de persécution peuvent notamment être liées à l'appartenance à un groupe ethnique ou à des considérations sexistes. Je vais vous donner un exemple très concret.
En République centrafricaine, des affrontements extrêmement violents opposent depuis plusieurs années les soi-disant milices chrétiennes et les soi-disant milices musulmanes. La situation a dégénéré à un point tel que le grand imam local a dû se réfugier chez l'évêque de Bangui. Celui-ci a offert l'asile à l'imam, et ils ont pu discuter tous les deux de leurs expériences respectives.
En République centrafricaine, des pressions s'exerçaient de toutes parts non seulement au sein du gouvernement, mais aussi en provenance de différents groupes externes de défense des droits de la personne, pour que l'on déclare officiellement qu'il y avait persécution religieuse.
On pouvait toutefois bien voir que, dans les faits, les affrontements avaient bien davantage à voir avec les droits territoriaux, les rivalités tribales de toujours et un large éventail d'autres facteurs. On invoquait toutefois des motifs liés à la religion pour laisser entendre qu'il s'agissait d'un conflit religieux. Si nous nous étions rendus là-bas à titre de représentants du Bureau de la liberté de religion, comme certains l'ont recommandé, pour dénoncer ces actes répréhensibles en soutenant qu'il y avait persécution religieuse, nous aurions vraiment fait fausse route, car nous aurions attiré l'attention sur l'aspect religieux alors même qu'il n'était pas à la base de ce conflit.
Je me souviens d'avoir rencontré ici même à Ottawa l'archevêque catholique romain de Douala au Cameroun qui se rendait régulièrement à Bangui. Je me rappelle lui avoir dit : « Votre Grâce, certains disent qu'il y a persécution religieuse. Est-ce qu'il y a persécution religieuse? » Et il m'a répondu : « Absolument pas. Ces milices se servent du prétexte de la religion pour persécuter les gens pour toutes sortes d'autres raisons. »
Voilà donc de toute évidence un exemple qui confirme que vous aviez tout à fait raison, sénatrice. Nous essayons toujours d'y voir clair malgré la grande complexité des enjeux en cause mais, comme je l'ai indiqué dans mes observations, on semble vouloir éviter depuis longtemps de parler de religion et de traiter de ses différents aspects, aussi bien positifs que négatifs. À titre d'exemple, je pourrais vous citer ces gens qui ne font pas la distinction entre l'islam et l'islamisme, c'est-à-dire entre l'islam, une religion pratiquée par des centaines de milliers de musulmans dans le monde, et l'islamisme, un mouvement politique qui se sert de l'islam de différentes manières pour atteindre certains objectifs bien précis.
Vous avez raison. Nous devons être bien conscients de ces distinctions tout en étant capables de reconnaître que lorsqu'il y a effectivement persécution religieuse, il faut dénoncer la situation et réagir en conséquence.
La sénatrice Omidvar : Nous pouvons observer une montée du nationalisme ethnique partout dans le monde et ses liens avec la religion. Je pense par exemple à l'Inde. Si vous dressiez une liste des pays où la situation est préoccupante, est-ce que l'Inde y figurerait en raison de cette tendance?
M. Bennett : L'Inde serait parmi les cinq pays en tête de liste. Il y a environ un an et demi, j'ai rencontré lors d'une activité organisée à Wilton Park au Royaume-Uni le vice-président du Parti du peuple hindou. Il a alors déclaré publiquement devant de nombreux représentants nationaux et gouvernementaux que l'Inde est une nation hindoue et que les autres religions n'y ont pas de racines historiques.
C'est donc un véritable défi.
Le président : Monsieur Bennett, je vais répéter ce que la sénatrice Andreychuk vient de me chuchoter à l'oreille. Elle me disait que c'est l'une des meilleures séances que nous ayons eues au comité des droits de la personne, et je partage tout à fait son avis. En effet, vous nous avez fait bénéficier de points de vue vraiment intéressants sur la situation des libertés et des droits de la personne partout sur la planète.
Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement du travail que vous avez accompli pour notre pays et pour le ministère en personnifiant l'image d'un Canada compatissant qui essaie de jeter des ponts dans un contexte mondial très complexe. Je veux vous souhaiter la meilleure des chances dans vos nouvelles fonctions avec Cardus. Merci encore une fois pour le travail accompli pour notre pays.
M. Bennett : Merci beaucoup, sénateur, pour ces bons mots qui me touchent vraiment.
(La séance est levée.)