Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 16 - Témoignages du 5 avril 2017
OTTAWA, le mercredi 5 avril 2017
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 34, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.
Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs, et bonjour à nos témoins du Comité des droits de la personne.
Je dois partir dans environ 30 minutes, puis je reviendrai. Je travaille auprès des autistes au sein du pays, et nous avons un petit rassemblement sur la Colline. Je ferai un discours et continuerai de me battre pour la bonne cause auprès des personnes autistes au Canada. Je demanderai à un membre du comité directeur — le sénateur Ngo — de me remplacer. Nous allons poursuivre.
Je voudrais que les sénateurs se présentent, en commençant par ma droite. Ensuite, nous passerons directement à nos questions sur l'étude des droits de la personne des prisonniers dans le système canadien.
Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, de l'Ontario.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice McPhedran : Marilou McPhedran, du Manitoba.
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario.
Le président : Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario.
Nos témoins d'aujourd'hui sont de la Commission des libérations conditionnelles du Canada : Suzanne Brisebois, directrice générale, Politiques et opérations, et Michelle Van De Bogart, directrice générale régionale, Région des Prairies.
Notre deuxième groupe sera aussi très intéressant. Nous aurons des invités de la Société Saint-Léonard du Canada. Ce sera une journée chargée qui, nous l'espérons, éclairera notre étude.
Suzanne, voulez-vous commencer? Bienvenue. Merci beaucoup.
Suzanne Brisebois, directrice générale, Politiques et opérations, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les honorables membres du comité. Je vous remercie d'avoir invité la Commission des libérations conditionnelles du Canada à vous parler aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel. Nous sommes heureux de pouvoir témoigner devant vous et de vous fournir des renseignements concernant notre mandat dans le but d'orienter votre étude.
Comme vous le savez probablement, la Commission des libérations conditionnelles du Canada est un tribunal administratif indépendant responsable de prendre des décisions concernant la libération conditionnelle des délinquants. Le mandat de la commission en matière de mise en liberté sous condition est régi par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ou LSCMLC. Les commissaires sont aussi guidés par des valeurs fondamentales qui respectent la dignité et le potentiel inhérents à toutes les personnes et l'égalité des droits de tous les membres de la société. La LSCMLC fournit le cadre juridique qui régit la composition, les politiques, la formation et les activités de la commission, ainsi que le système correctionnel et le régime de mise en liberté sous condition au Canada.
La commission contribue à la protection de la société en favorisant la réinsertion en temps opportun des délinquants comme citoyens respectueux des lois sous condition d'une permission de sortir, d'une semi-liberté ou d'une libération conditionnelle totale. De plus, la Commission des libérations conditionnelles peut imposer des conditions d'une libération d'office et d'une ordonnance de surveillance de longue durée, et peut faire cesser ou révoquer une libération d'office. Dans des circonstances exceptionnelles, la commission peut aussi ordonner, à la suite d'une recommandation du SCC, que certains délinquants soient maintenus en incarcération ou détenus jusqu'à la date d'expiration de leur mandat.
Les décisions en matière de mise en liberté sous condition sont prises par des commissaires nommés par le gouverneur en conseil, c'est-à-dire par le gouverneur général sur les conseils du Cabinet fédéral. Les commissaires travaillent à partir du bureau national à Ottawa, ainsi qu'à partir des six bureaux répartis dans cinq régions du pays. Ils proviennent de tous les horizons, et leurs origines diverses aident la commission à bien représenter le large spectre des valeurs et opinions collectives du Canada.
Au moment de leur nomination, tous les commissaires reçoivent une formation exhaustive sur l'évaluation du risque et sur les techniques d'entrevue, ainsi que sur les politiques et les lois qui régissent les activités de la commission. Les commissaires reçoivent également de la formation continue dans leurs régions, ainsi qu'une formation annuelle à l'échelon national. La formation comprend entre autres une formation spécialisée concernant les délinquants aux prises avec des problèmes de santé mentale, les délinquants autochtones, les délinquantes, ainsi que la diversité.
La loi prévoit que la protection de la société doit être le critère déterminant de toutes les décisions prises par la commission. La commission doit déterminer si le délinquant ne présentera pas, en récidivant, un risque inacceptable pour la société avant l'expiration de sa peine; et si la libération du délinquant contribuera à la protection de la société en facilitant sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois. De plus, les conditions imposées à la liberté du délinquant doivent être limitées à ce qui est nécessaire et raisonnable afin de protéger la société et aussi pour faciliter la réussite de la réinsertion sociale du délinquant.
Afin de maintenir un processus décisionnel de la plus haute qualité possible, la commission a élaboré un cadre d'évaluation du risque hautement structuré qui permet de fonder toutes ses décisions sur une solide analyse des renseignements pertinents en ce qui a trait au risque. Dans leurs examens, les commissaires évaluent le risque en tenant compte de mesures actuarielles et des éléments pertinents de ce cadre. Ces éléments comprennent les antécédents criminels et les antécédents en matière de libération conditionnelle du délinquant, la nature et la gravité de l'infraction, son comportement en établissement, sa participation à des programmes, son plan de libération, ainsi que tout autre facteur particulier. Les commissaires tiennent également compte des renseignements fournis par les victimes, notamment les déclarations officielles des victimes.
Pour les délinquants autochtones, les commissaires considèrent les principes de l'arrêt Gladue de la Cour suprême du Canada dans le cadre de leur prise de décision. En outre, et pour continuer à répondre aux besoins des délinquants autochtones, la commission offre d'autres types d'audiences de libération conditionnelle, plus particulièrement des audiences tenues avec l'aide d'aînés et de membres de la collectivité, pour tenir compte des valeurs et des traditions culturelles des Autochtones. Cependant, elle applique le même type d'évaluation du risque rigoureuse. Par ailleurs, la commission a établi des politiques et donne une formation spécialisée tenant compte des facteurs sociaux et culturels propres aux délinquants, aux victimes et aux collectivités autochtones.
La commission a également un comité consultatif, appelé le « Cercle autochtone du président », qui lui fournit des conseils stratégiques sur les façons dont elle peut améliorer son efficacité et son efficience dans la réponse aux besoins de cette communauté.
Les politiques de la CLCC respectent également les différences liées au sexe, à l'origine ethnique, à la culture et à la langue des délinquants, et tiennent compte des besoins particuliers des délinquantes et des autres groupes ayant des exigences particulières.
Ceci conclut mon discours d'ouverture, et nous serions heureux de répondre aux questions que pourraient se poser les membres du comité.
Le président : Notre vice-présidente est absente aujourd'hui. Sénateur Ngo, vous siégez au comité directeur. Voudriez-vous poser une question?
Le sénateur Ngo : Je vais laisser la sénatrice Pate le faire.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup de votre présence.
J'ai un certain nombre de questions à poser, alors je serai heureuse, monsieur le président, que vous m'interrompiez à tout moment si quelqu'un d'autre veut poser une question.
Le président : Bien sûr. Dès que je verrai un autre sénateur inscrire son nom.
La sénatrice Pate : Merci.
Je veux revenir sur le commentaire concernant les prisonniers autochtones auxquels les principes de l'arrêt Gladue s'appliquent maintenant. Ce n'est que depuis la décision Twins rendue l'année dernière, car avant cela, la commission, de même que la section d'appel, avait rejeté des arguments où les facteurs énoncés dans Gladue — l'alinéa 718.2e) — avaient été appliqués; est-ce exact?
Mme Brisebois : Nous intégrons la décision Gladue depuis un bon moment, maintenant. Michelle peut expliquer la formation que cette intégration suppose. L'arrêt a été intégré dans nos politiques avant la décision Twins.
Michelle Van De Bogart, directrice générale régionale, Région des Prairies, Commission des libérations conditionnelles du Canada : Une partie de la formation d'orientation que reçoivent nos commissaires — et il s'agit de la formation qu'ils reçoivent avant de rendre des décisions — comprend la compréhension de la façon d'intégrer les antécédents sociaux des Autochtones dans l'évaluation du risque. C'est axé sur la politique 2.1, qui porte non seulement sur l'étude des antécédents de la personne, mais aussi sur la discrimination sociétale, le racisme et peut-être les répercussions passées. C'est prévu dans la politique 2.1 depuis un moment.
L'affaire Twins est récente, et, en réaction à ce procès, nous avons fourni à tous nos commissaires, au cours des derniers mois, une formation nationale sur la façon de s'assurer d'appliquer de façon plus rigoureuse les antécédents sociaux des Autochtones dans l'évaluation du risque et de documenter le plus efficacement possible cette application dans leurs décisions.
La sénatrice Pate : C'est excellent de l'entendre. Je souhaiterais connaître les statistiques dont vous disposez. Comme vous le savez, à l'instar de bien d'autres groupes — la Commission canadienne des droits de la personne et d'autres —, l'enquêteur correctionnel a souvent souligné le fait que le taux de libération des prisonniers autochtones est inférieur à celui des prisonniers non autochtones; la cote de sécurité est plus élevée.
Je suis curieuse de connaître les efforts que vous avez déployés afin de changer cette situation et de prendre connaissance des chiffres réels, à cette étape, du point de vue des taux de libération; se sont-ils améliorés depuis que vous avez pris ces mesures?
Mme Brisebois : Je peux parler des statistiques dans une certaine mesure.
Pardonnez-moi, j'ai oublié de présenter ma collègue. Elle est responsable du portefeuille autochtone de la Commission des libérations conditionnelles du Canada ainsi que de la formation des commissaires.
En ce qui concerne les statistiques, oui, nous sommes conscients du fait que les délinquants autochtones sont surreprésentés dans le système de justice pénale. Ils comparaissent devant la commission à un taux inférieur. Ils tendent à renoncer à leurs examens dans un pourcentage plus élevé, et ils sont moins susceptibles d'obtenir une mise en liberté que les autres groupes de délinquants.
Nous pouvons fournir une version plus détaillée de ces statistiques par rapport à d'autres groupes de délinquants dont vous pourriez vouloir connaître les particularités par rapport aux activités de la commission. Nous pouvons fournir cette information.
Pour ce qui est de ce que nous faisons, je pense que Michelle pourra probablement aborder certaines des activités qui sont en cours à la commission relativement à la sensibilisation externe et interne.
Mme Van De Bogart : Je dirais que notre approche a plusieurs facettes. Ma collègue a mentionné le fait que nous offrons comme option des audiences tenues avec l'aide d'aînés et de membres de la collectivité. Il s'agit d'une forme d'audience adaptée à la culture.
Par ailleurs, nous continuons d'accroître les compétences culturelles de nos commissaires et des membres de notre personnel qui travaillent auprès des délinquants autochtones. La formation que je viens tout juste de mentionner relativement à l'application accrue ou plus rigoureuse des antécédents sociaux des Autochtones fait partie des exemples de formation visant à accroître les compétences culturelles.
Nous nous concentrons également sur notre sensibilisation externe et interne; nous faisons donc de la sensibilisation externe dans les collectivités autochtones, mais la Commission des libérations conditionnelles du Canada se rend dans les établissements, où ses représentants parlent aux membres du personnel du Service correctionnel du Canada ainsi qu'aux délinquants. Nous le faisons dans le but de pouvoir communiquer de l'information au sujet de la liberté conditionnelle et de ce à quoi ils peuvent s'attendre durant une audience de libération conditionnelle. Durant ces séances éducatives, nous donnons la possibilité de communiquer de l'information sur les audiences tenues à l'aide d'aînés et de membres de la collectivité parce que, comme l'a mentionné ma collègue, les délinquants autochtones présentent des demandes de mise en liberté sous condition à un taux inférieur, et ils renoncent à leurs examens prévus par la loi à un taux un peu plus élevé. Ainsi, au moyen de cette sensibilisation à l'intérieur des établissements et de ces discussions avec les délinquants, nous tentons de nous assurer qu'ils obtiennent le plus d'information possible au sujet du processus de libération conditionnelle avant de prendre cette décision.
La sénatrice Pate : C'est très intéressant et encourageant à entendre. Durant mes 35 années à entrer et à sortir des prisons pour hommes et pour femmes, je n'ai observé ce genre d'activité qu'une seule fois. Le comité et moi-même souhaiterions beaucoup connaître le nombre de visites effectuées, le nom des établissements, le nombre de détenus qui ont participé et la nature de cette formation.
Je m'intéresse également au nombre de commissaires actuels qui sont autochtones ainsi qu'à l'expérience de l'ensemble des membres de la commission. Je sais que, pendant un certain temps, nous avions vraiment beaucoup d'anciens agents de police, ce qui était excellent, mais ce nombre ne semblait pas être compensé par des personnes possédant une autre expérience à l'intérieur du système.
Je sais également que de moins en moins de prisonniers demandent la libération conditionnelle. Encore une fois, cette statistique a été documentée par l'enquêteur correctionnel. Nous observons des situations où le Service correctionnel du Canada semble être de moins en moins en mesure de préparer les cas dans les délais nécessaires pour éviter les renonciations; je ne sais pas si on décourage les gens de comparaître ou s'il y a d'autres raisons. Je suis curieuse de connaître le taux de renonciation actuel pour tous les prisonniers : les délinquants, les délinquantes, les délinquants autochtones et non autochtones et d'autres groupes racialisés.
Mme Brisebois : Nous pouvons fournir d'autres statistiques également, mais je peux utiliser l'année dernière en guise d'exemple. Dans le cas de la semi-liberté fédérale, 709 délinquants ont retiré leur demande, et 4 144 ont renoncé à l'examen de leur cas en vue d'une libération conditionnelle totale. Il s'agit d'un nombre important. Vous avez raison, c'est une situation que la commission cherche à régler grâce à la sensibilisation à l'intérieur des établissements et, encore une fois, par le truchement de notre travail auprès du SCC. Nous avons des interactions et tenons diverses réunions, où nous tentons d'étudier des façons dont nous pourrions travailler en collaboration.
En ce qui concerne l'effectif des commissaires, six d'entre eux sont autochtones. Nous comptons actuellement 65 commissaires, au total; dont 6 sont autochtones, 11 sont des femmes et 3 appartiennent à une minorité visible.
Le président : Je vais simplement poser une question, puis, sénatrice Pate, nous vous accorderons un temps de parole durant la deuxième série de questions également. Comme je pars dans 15 minutes, j'estime qu'il est important pour moi de pouvoir poser cette question, en raison du travail que nous faisons tous en ce qui a trait aux personnes atteintes d'un handicap intellectuel.
Tout d'abord, les personnes ayant reçu une peine de ressort fédéral qui sont incapables de communiquer dans l'une ou l'autre des langues officielles du pays ont-elles accès à un interprète? Dans la même veine — ce qui est important, à mes yeux —, la Commission des libérations conditionnelles offre-t-elle du soutien et des mesures d'adaptation aux personnes qui pourraient avoir un handicap intellectuel ou des problèmes de santé mentale?
Mme Brisebois : Nous pouvons aborder notre mandat. Encore une fois, en ce qui concerne le soutien, la gestion de la peine, le SCC est responsable des soins et de la garde des délinquants, mais, en ce qui a trait à notre processus décisionnel, à nos politiques et à notre formation, nous répondons aux besoins systémiques de ces groupes de délinquants spéciaux et examinons leurs besoins.
Comme l'a mentionné Michelle, le paragraphe 151(3) de la loi exige que les politiques de la commission respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu'entre les sexes. Il exige également que la commission tienne compte des besoins propres aux femmes, aux délinquants autochtones et à d'autres délinquants ayant des besoins uniques, ce qui comprend les handicaps cognitifs et les problèmes de santé mentale.
Nos politiques — et c'est à cela que faisait allusion Michelle — exigent également que les commissaires tiennent compte de facteurs systémiques et liés aux antécédents qui pourraient avoir eu pour conséquence la participation du délinquant à une activité criminelle. Une partie de ces facteurs comprend les handicaps cognitifs et la santé mentale.
Michelle peut expliquer les aspects liés à la formation des commissaires et au fait de les aider à comprendre et à gérer les audiences à cet égard.
Le président : La raison pour laquelle je pose la question, c'est que, dans le passé, en Ontario, il y a eu des histoires horribles, et il ne s'agit pas de la nature ou de l'esprit criminels d'une personne qui aboutit en prison et qui obtient ensuite une libération conditionnelle. Dans ce cas, je parle d'un homme qui ne savait pas que ce qu'il faisait était mal, lorsqu'il ne faisait que toucher une personne qui offrait des services de soutien, et qui s'est ensuite retrouvé en prison au lieu de se voir offrir des services de réadaptation pouvant l'aider.
C'est arrivé, et des gens ont abouti à la prison de Penetanguishene. C'est un sujet qui me préoccupe beaucoup, que les personnes atteintes d'un handicap intellectuel soient traitées aussi respectueusement que nous voudrions tous l'être.
Mme Brisebois : Je peux dire que chaque cas est examiné en fonction des facteurs qui lui sont propres, au cas par cas. Chaque délinquant fait l'objet d'une évaluation individuelle. Encore une fois, la commission tient compte de divers facteurs dans l'infrastructure d'évaluation du risque. Encore là, grâce à notre formation, les commissaires sont très bien entraînés à comprendre les divers aspects de ce domaine.
Mme Van De Bogart : Si je puis me permettre, du point de vue de la formation, durant l'orientation, en plus de recevoir une formation sur l'évaluation du risque, les commissaires participent à un module spécialisé sur l'évaluation du risque auprès des délinquants ayant des problèmes de santé mentale.
Nos commissaires en apprennent un peu plus au sujet des besoins en santé mentale, de l'évaluation de ce risque et de la compréhension des soins de suivi — dans la collectivité — dans le cas des délinquants qui se présentent devant eux.
Il y a deux modules supplémentaires qui, selon moi, sont importants. Premièrement, les commissaires reçoivent une formation sur la gestion des audiences et sur les techniques d'entrevue. Une partie de cette formation permet aux commissaires de reconnaître les personnes qui comparaissent devant eux et qui pourraient avoir certains problèmes cognitifs et d'interagir avec ces personnes... peut-être que les degrés de scolarité sont différents; peut-être qu'elles ont des problèmes de santé mentale. Alors, nous donnons cette formation.
Deuxièmement, en plus de la formation d'orientation, nous offrons une formation d'apprentissage continu et de perfectionnement à tous nos commissaires tout au long de leur mandat. Cette formation est offerte aux échelons national et régional. Souvent, ces ateliers et modules permettent aux commissaires d'en apprendre davantage au sujet de la santé mentale en général et de la façon dont nous pouvons appliquer les évaluations du risque, interagir avec les gens et les interroger. Ces éléments font tous partie des ateliers auxquels les commissaires peuvent continuer de participer tout au long de la formation.
Le président : Sénatrice Pate a une question supplémentaire à poser.
La sénatrice Pate : À ce sujet, comment conciliez-vous cette formation et le fait de recourir de plus en plus à la vidéoconférence? J'ai assisté à un certain nombre d'audiences de libération conditionnelle au cours des deux ou trois dernières années qui ont été tenues par vidéoconférence. Comment établissez-vous ce lien interpersonnel si c'est par vidéoconférence?
Mme Brisebois : Encore une fois, le recours à la vidéoconférence est évalué au cas par cas. Il pourrait y avoir des situations où la vidéoconférence ne serait peut-être pas utilisée. Par exemple, vous avez mentionné le recours à des interprètes. La vidéoconférence ne se prête pas bien à l'interprétation, alors, à certaines occasions, les commissaires se présentent sur place, en personne. Dans les cas où les commissaires estiment qu'un handicap cognitif ou tout autre facteur fait en sorte que la vidéoconférence pourrait nuire à la capacité de communiquer ou à la capacité du délinquant de les percevoir, ils en tiennent compte et se présentent sur place.
La sénatrice Pate : De fait, dans le cas d'une audience à laquelle j'ai assisté — tenue selon le processus du cercle avec l'aide d'un aîné —, l'aîné et moi-même étions dans la prison avec la personne et l'équipe de gestion de cas et les commissaires n'y étaient pas. Elle a été tenue par vidéoconférence. Nous avons tous été frappés, car il était particulièrement inhabituel — si je puis m'exprimer ainsi — que cela soit considéré comme une façon légitime de procéder.
Je remarque que la Cour d'appel du Québec a récemment invalidé la décision selon laquelle les audiences en personne étaient légitimes dans le cas des examens postsuspension. De fait, toutes les audiences postsuspension étaient maintenant tenues par vidéoconférence. Certes, la cour a affirmé que cela ne devrait jamais avoir lieu. Je suis curieuse de savoir comment cette situation a changé ou quelle est la justification d'une telle pratique, au-delà des économies de coût.
Mme Brisebois : Votre question comporte deux aspects. Le premier, c'est le recours à la vidéoconférence pour les audiences tenues avec l'aide d'un aîné. En ce qui concerne la commission, nous cherchons à y recourir le moins souvent possible dans les cas d'audiences tenues avec l'aide d'un aîné; par exemple, quand nous avons regardé le nombre d'audiences tenues avec l'aide d'un aîné, on y a eu recours dans 3 p. 100 des cas en raison de délais administratifs ou d'autres circonstances.
La sénatrice Pate : Je suis désolée de vous interrompre. Trois pour cent des audiences tenues avec l'aide d'un aîné ont eu lieu par vidéoconférence?
Mme Brisebois : Oui. Encore une fois, divers facteurs pourraient entrer en ligne de compte.
En ce qui concerne l'affaire que vous avez mentionnée, au Québec, c'est-à-dire Way et Gariépy, oui, vous avez raison, dans le sens que notre loi a été modifiée il y a deux ou trois ans en ce qui concerne les audiences postsuspension liées à une cessation ou à une révocation. La loi a été modifiée afin que ce soit discrétionnaire. La Cour du Québec a invalidé cette décision, alors, au Québec, la commission a dû exiger la tenue d'audiences au lieu d'effectuer des examens en personne. Désolée, au lieu de procéder à des examens du cas par voie d'étude du dossier. Excusez-moi. Au lieu d'un examen du cas par voie d'étude du dossier, la commission devait tenir une audience.
Nos politiques ont récemment été modifiées afin que nous puissions procéder ainsi partout au pays. La commission a modifié sa politique, de sorte que nous tenons maintenant des audiences, sauf si un délinquant y renonce — dans ces types de cas —, donc dans les cas de révocation et de cessation postsuspension. Le changement est entré en vigueur en janvier.
La sénatrice Pate : Je m'excuse de ma confusion. Vous dites qu'au Québec elles sont tenues en personne, mais que, dans le reste du pays, c'est discrétionnaire?
Mme Brisebois : Je serai prudente. Seulement dans le cas du Québec, à la suite de ce procès, en date de l'affaire Way et Gariépy, les causes du Québec qui étaient entendues par la commission devaient faire l'objet d'une audience aux fins de la révocation ou de la cessation postsuspension. Comme il s'agissait d'une décision du Québec, elle ne s'appliquait pas aux autres régions, alors la commission pouvait procéder à des examens de cas par voie d'étude du dossier au lieu de tenir des audiences.
Plus récemment, en conséquence de l'écart entre le Québec et les autres régions, la commission a décidé de procéder à une modification de sa politique afin qu'elle soit uniforme dans l'ensemble du pays. Ainsi, tous les délinquants dans ces types de cas doivent faire l'objet d'une audience, sauf s'ils renoncent à leur droit.
Je veux être prudente. J'ai dit « en personne ». Je m'en excuse. Quand nous disons « audience par vidéoconférence » par rapport à « audience sur place », nous considérons qu'il s'agit du même type d'audience.
La sénatrice Pate : Serait-il possible d'obtenir des chiffres en ce qui a trait au nombre d'audiences en personne qui sont tenues par vidéoconférence par rapport au nombre d'audiences en personne où tout le monde est au même endroit?
Mme Brisebois : Oui, nous pouvons vous remettre une répartition. Généralement, je dirais que 40 p. 100 de nos audiences sont tenues par vidéoconférence. Nous pourrons vous procurer plus de renseignements.
Le président : Je ne m'interpose habituellement pas en tant que président. J'attends jusqu'à la fin. Je pars dans environ sept minutes afin d'aller discuter d'enjeux touchant l'autisme et les personnes atteintes d'un handicap intellectuel et celles qui pourraient enfreindre la loi parce qu'elles ne savaient tout simplement pas. Elles ne comprenaient tout simplement pas. Je vous regarde d'un œil empathique en présumant que la Commission des libérations conditionnelles garde toutes ces questions à l'esprit pendant qu'elle fait son travail.
Au cours de notre conversation, la sénatrice Unger, d'Alberta, est arrivée, ainsi que la sénatrice Martin, de la Colombie-Britannique.
La sénatrice Omidvar : Merci de comparaître devant nous. Je veux mentionner le jugement rendu par la Cour fédérale en janvier dernier; il est donc très récent. La cour a conclu que la Commission des libérations conditionnelles du Canada avait omis de s'acquitter de son obligation d'équité procédurale dans une affaire appelée DeMaria c. Procureur général du Canada. Pourriez-vous nous présenter certains éléments contextuels relatifs à ce jugement et — question plus importante — nous décrire quelles mesures vous avez prises afin d'assurer l'équité procédurale?
Mme Brisebois : Je suis réticente à aborder cette affaire précisément parce que je ne représente pas le ministère de la Justice. Il s'agit selon moi de quelque chose qu'un représentant du ministère pourrait peut-être aborder en ce qui a trait à l'interprétation de ce jugement particulier.
La commission a établi un certain nombre de garanties procédurales dans le cadre de son travail auprès des délinquants. Certaines d'entre elles sont prévues dans la Charte — le devoir d'agir équitablement —, mais aussi dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Nous avons l'obligation de fournir à l'avance d'un examen les renseignements que la commission utilise pour rendre ses décisions. Il y a des délais à respecter. Nous présentons également les motifs de nos décisions aux délinquants. Ils reçoivent des copies de nos décisions.
Encore une fois, comme vous l'avez mentionné, leur audience peut avoir lieu dans l'une ou l'autre des langues officielles, et, s'ils sont incapables de parler l'anglais ou le français, nous leur fournissons un interprète.
Aux audiences, les délinquants ont le droit d'être accompagnés d'une personne qui les aide, et je pense qu'il s'agit d'un élément important, surtout pour les personnes atteintes d'un handicap cognitif ou celles qui ont de la difficulté, peut-être, à fonctionner et à pouvoir répondre aux commissaires, dans ce qui est probablement une situation très difficile. La personne qui aide le délinquant peut lui fournir du soutien durant une audience. Elle peut lui donner des conseils. Durant l'audience, elle peut s'entretenir avec le délinquant en privé et adresser des observations à la commission en son nom. Je pense que cette personne est très importante.
Les délinquants peuvent également interjeter appel dans les deux mois qui suivent la décision. Nous avons un processus d'appel interne auquel adhère la commission.
J'ai oublié de mentionner le droit à l'information et le droit d'être représenté. Ils ont aussi le droit de présenter des observations par eux-mêmes, par écrit ou dans le cadre d'une audience. Ils ont le droit d'avoir un assistant, et, bien évidemment, la décision leur est communiquée. Ils ont le droit d'interjeter appel et beaucoup d'autres choses, mais ceux que j'ai mentionnés sont évidemment les principaux éléments.
La sénatrice Omidvar : J'ai une autre question à ce sujet. On dirait que vous avez un système et des processus assez bien définis pour vous assurer que l'équité procédurale est respectée, et pourtant les tribunaux ont tout de même relevé des lacunes.
Je sais que vous ne pouvez rien dire à propos de ce cas en particulier, j'en suis consciente, mais pouvez-vous nous parler des améliorations ou des changements qui ont été apportés depuis le 17 janvier? J'imagine que si le tribunal a conclu que votre équité procédurale était déficiente, alors la commission doit prendre des mesures en conséquence. Pouvez-vous nous parler de ces mesures?
Mme Brisebois : Je ne peux rien dire, encore une fois, à propos des mesures particulières, parce que cela concerne ce cas en particulier. Je ne suis pas certaine si cette conclusion concernait précisément ce cas. Il arrive que ce genre de garanties procédurales ou ces mesures soient liées à une affaire en particulier.
Je ne sais pas si elles étaient globales ou non.
Quand il y a des cas comme l'affaire Way et Gariépy que Mme Pate a mentionnée, le genre de cas universel qui peut s'appliquer à tous les délinquants, nous devons évaluer la situation en fonction des autres cas.
Pour répondre précisément à votre question, je vais devoir me renseigner. Je suis désolée.
La sénatrice Omidvar : Je peux comprendre.
La sénatrice Hartling : Je vous remercie d'être ici, et merci d'avoir posé cette question. C'était justement un point sur lequel je m'interrogeais, et je suis très heureuse que vous l'ayez posée. Cela va me permettre de poser une autre question.
Quels sont les critères auxquels doivent satisfaire les détenus sous responsabilité fédérale pour obtenir leur libération conditionnelle? Pouvez-vous nous donner des exemples d'obstacles ou de raisons pour lesquelles leur libération conditionnelle serait refusée?
Mme Brisebois : Les dates d'admissibilité sont établies dans la loi. La commission doit procéder à l'examen d'un délinquant en vue de la libération conditionnelle après que celui-ci a purgé le tiers de sa peine. Les délinquants peuvent présenter une demande de semi-liberté. Cela explique la différence entre les statistiques, parce que certains délinquants ne présentent pas de demande même si la commission va procéder à l'examen du cas prévu par la loi. Encore une fois, certains délinquants vont renoncer à leur droit à cet examen. Les variations entre les chiffres peuvent donc s'expliquer. Cela est particulièrement vrai pour les populations autochtones; c'est un sujet d'intérêt dans le cadre de votre étude.
En ce qui concerne les critères, la loi est surtout axée sur le risque de récidive que pose le délinquant. Il y a aussi l'objectif de favoriser la réussite de leur réinsertion sociale; c'est pourquoi il y a deux volets aux critères concernant la libération conditionnelle dans la loi. Je simplifie la chose, mais, essentiellement, tout repose sur le risque et sur la question de savoir si la libération du délinquant va favoriser sa réinsertion sociale.
Pour ce qui est des obstacles, je le répète, le Service correctionnel pourrait probablement vous parler de ce qui est pris en considération lorsqu'il s'agit d'aborder ces questions dans les programmes. Il peut toutefois y avoir d'autres choses, relativement aux délinquants ayant des besoins spéciaux — par exemple des ressources, des programmes ou des traitements dans la collectivité — qui peuvent être des facteurs.
La sénatrice Pate : Comme vous le savez, la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a été modifiée. Désormais, il n'est plus obligatoire de procéder à un réexamen du cas tous les deux ans suivant le refus de la libération conditionnelle pour certaines catégories d'infractions. Le nouveau délai est de cinq ans, comme vous le savez. Je serais curieuse de voir les statistiques recueillies à propos du nombre de détenus qui ont été touchés par ce changement rétrograde. Avez-vous des statistiques sur le nombre de détenus à qui on a refusé la libération conditionnelle ou qui n'ont même pas pu présenter une demande? J'aimerais aussi comparer le nombre de détenus qui ont obtenu une libération d'office au cours de cette période par rapport à la période avant l'amendement de la loi.
Mme Brisebois : Nous commençons à voir les effets, dans une certaine mesure, du projet de loi C-479 auquel vous faites allusion. Je peux demander à notre personnel si nous pouvons vous fournir des statistiques à ce sujet.
La sénatrice Pate : Je vous en saurais gré.
Mme Brisebois : La différence entre une période de deux ans et une période de cinq ans est encore assez nouvelle pour nous. Nous savons que les délinquants peuvent présenter une demande de libération conditionnelle, que ce soit une demande de semi-liberté ou de libération conditionnelle totale, dans les délais prévus. Donc, nous savons qu'ils peuvent présenter une demande, mais nous ne savons pas s'ils le font. Je peux vérifier si l'information existe.
La sénatrice Pate : Je vais attendre, s'il y a d'autres intervenants. J'ai une autre question.
Le sénateur Ngo (président suppléant) occupe le fauteuil.
Le président suppléant : Allez-y.
La sénatrice Pate : La loi a aussi été modifiée afin de répartir de nouveau les pouvoirs entre le SCC et la Commission des libérations conditionnelles relativement aux absences temporaires pour les détenus qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité, et je sais que certaines personnes ont déclaré, officieusement et, je crois, officiellement dans au moins une région, que cela a engendré une très grande incertitude. Dans le cadre de mes fonctions, j'ai eu le privilège de rencontrer certains détenus qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité, et je sais que c'est vrai en ce qui est les concerne. On dirait qu'il y a aussi un peu de confusion quant à ce qui se passe avec les gens qui pourraient être de bons candidats. Pouvez-vous vous exprimer à ce sujet? Comment les statistiques ont-elles changé depuis que la Commission des libérations conditionnelles est censée prendre des décisions qui étaient auparavant la responsabilité du directeur de l'établissement?
Mme Brisebois : Je n'ai pas ces statistiques à portée de main, mais je pourrai certainement vous les fournir. En ce qui concerne nos activités, il y a, bien sûr, beaucoup de mise en œuvre à faire à cause du nouvel amendement de la loi, et cela soulève parfois des difficultés. Il y a eu de nombreuses modifications législatives. Je ne suis pas en mesure de me prononcer sur cet amendement de la loi en particulier.
La sénatrice Pate : Ces statistiques nous seraient vraiment utiles.
Mme Brisebois : Nous pouvons vous fournir ces statistiques, assurément. Mais, encore une fois, vous soulevez un point intéressant; vous avez raison à propos du fait que le SCC pouvait auparavant décider d'accorder des permissions de sortir avec escorte à certains délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité lorsqu'ils ont atteint la date d'admissibilité à la semi-liberté, tandis que désormais, cette décision doit être prise par la commission. Le libellé diffère légèrement en ce qui concerne les permissions de sortir avec escorte; il y a une différence entre « autorisée » et « approuvée ». Il y a des nuances dans la loi.
La sénatrice Pate : Et, en conséquence, l'approbation de certaines demandes a été retardée?
Mme Brisebois : Je n'en suis pas sûre; je ne sais pas.
La sénatrice Pate : Si vous avez des statistiques à ce sujet, ce serait vraiment bien que vous nous les fassiez parvenir.
Le président suppléant : Avant de donner la parole à la sénatrice Omidvar, j'aimerais approfondir la question que le sénateur Munson a posée à propos des gens souffrant de problèmes de santé mentale. Certains groupes, comme les personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou les Autochtones, ont-ils plus de difficulté à obtenir leur libération conditionnelle que d'autres, et si oui, pourquoi?
Mme Brisebois : En ce qui concerne les délinquants autochtones, nous avons des statistiques très claires pour ce groupe, et je peux dire que oui, la commission ne rencontre pas aussi souvent les délinquants autochtones que les autres délinquants parce qu'ils sont plus susceptibles que les autres de renoncer à leur droit à une audience; en conséquence, ils obtiennent leur libération conditionnelle moins souvent que les autres délinquants. Il y a aussi bien sûr d'autres facteurs qui concernent les délinquants autochtones, et nous avons mis en œuvre des activités de sensibilisation à l'interne et à l'externe afin d'encourager un plus grand nombre de délinquants autochtones à présenter une demande à la commission.
Pour ce qui est des délinquants souffrant de problèmes de santé mentale, il est plus difficile de recueillir des statistiques à ce sujet, puisque l'état de santé mentale d'un délinquant n'est pas nécessairement communiqué à la commission, sauf si cela peut jouer sur la décision de mise en liberté et sur la mise en liberté elle-même. Dans certains cas, les problèmes de santé mentale ne sont que temporaires. Donc, nous n'avons pas de statistiques précises concernant la santé mentale, par exemple combien de délinquants souffrant de problèmes de santé mentale présentent une demande à la commission par rapport à ceux qui s'en abstiennent, ou combien de libérations conditionnelles sont révoquées ou réussies, parce que nous ne pouvons pas faire le suivi de ces délinquants aussi facilement qu'on le peut avec un délinquant qui s'auto-identifie comme Autochtone.
Le président suppléant : Pouvez-vous nous parler davantage des critères pour les délinquants autochtones?
Mme Brisebois : Par critères, vous voulez dire...
Le président suppléant : Les critères pour obtenir la libération conditionnelle.
Mme Brisebois : Il s'agit des mêmes critères pour tous les délinquants. Les critères prévus dans la loi s'appliquent à tous les délinquants. Il s'agit du risque que pose le délinquant pour la collectivité; et la commission doit déterminer si le délinquant pose un risque dans la collectivité et si la mise en liberté favoriserait la réinsertion sociale du délinquant en toute sécurité. Donc, les critères pour ces délinquants sont les mêmes que ceux qui s'appliquent à tous les délinquants.
La sénatrice Omidvar : Je vous remercie de toutes ces précisions que vous nous avez données, dans votre mémoire et dans vos réponses, au sujet de la formation des commissaires. Ils doivent prendre des décisions très importantes. J'aimerais toutefois regarder l'envers de la médaille : quel genre de formation ou de soutien les détenus reçoivent-ils? C'est un moment important pour eux, une décision très importante, et c'est pourquoi j'aimerais savoir comment ils se préparent à leur audience de libération conditionnelle. Les aidez-vous, ou laissez-vous le Service correctionnel du Canada s'en charger?
Mme Brisebois : Le Service correctionnel du Canada s'occupe de la gestion de l'appel du détenu; il dispose d'agents de libération conditionnelle, d'agents de programme, d'équipes de gestion des cas, de psychologues et de psychiatres. Le Service correctionnel va se charger de préparer le délinquant, de le recevoir en entrevue et de l'aider à comprendre ce processus. C'est vraiment du ressort du Service correctionnel du Canada. Notre rôle est de prendre les décisions. Ce que font les commissaires, c'est examiner et évaluer l'information.
La sénatrice Omidvar : Je sais que vous êtes les décideurs, mais, dans toute l'histoire de la commission, avez-vous formulé des observations à propos de la préparation des détenus ainsi que des recommandations à l'intention du Service correctionnel du Canada pour lui dire que le système dans son ensemble serait avantagé par un processus en cinq étapes? Avez-vous déjà fait quelque chose de ce genre?
Mme Brisebois : Bien sûr, nous travaillons en étroite collaboration avec le Service correctionnel du Canada; c'est pourquoi nous faisons l'effort de cerner les domaines et les éléments sous-jacents sur lesquels nous pouvons coopérer. Nous devons toutefois faire preuve de prudence en ce qui concerne notre rôle, parce que nos mandats ne sont pas les mêmes. Parallèlement, relativement à la préparation des délinquants, je crois néanmoins que les activités de sensibilisation faites à l'interne aident vraiment les délinquants à comprendre le fonctionnement de la commission.
Mme Van De Bogart : J'aimerais intervenir. En plus de ce que nous faisons en établissement, nous avons également préparé de la documentation supplémentaire. Nous avons une vidéo pour préparer les délinquants aux audiences tenues avec l'aide d'un aîné; on montre le déroulement du processus. Nous avons aussi de la documentation concernant ce à quoi peuvent s'attendre les délinquants pendant leur libération conditionnelle.
Nous confions ces documents aux établissements et nous les diffusons afin que les délinquants qui ont des questions à propos des audiences tenues avec l'aide d'un aîné puissent voir comment ça se passe.
La commission veut s'assurer, entre autres, que les délinquants ont accès à des renseignements sur leurs droits à la libération conditionnelle lorsqu'ils choisissent de présenter une demande ou de renoncer à leurs droits. Les activités de sensibilisation à l'interne que j'ai mentionnées plus tôt sont axées, en partie, là-dessus.
La sénatrice Omidvar : Je me suis mal exprimée quand j'ai dit « détenu ». J'aurais dû dire « délinquant ». Les vieilles habitudes ont la vie dure. Je suis désolée. À l'avenir, je vais toujours utiliser le mot « délinquant ». Le terme « détenu » est correct? Je suis désolée. Je ne sais plus où j'en suis.
La sénatrice Pate : Vous avez trop travaillé.
La sénatrice McPhedran : Bienvenue. Ma question est en trois parties. Je vais commencer par établir le contexte. Selon la perception du public, les personnes qui purgent des peines d'emprisonnement à perpétuité sont des criminels endurcis, les pires de la société, et cetera. Il y a toutes sortes de stéréotypes associés aux personnes qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité. Cependant, selon vos propres statistiques, ces délinquants sont parmi ceux qui présentent le risque de récidive le plus faible.
Je veux donc savoir, premièrement, si vous examinez un à un les cas des condamnés à perpétuité afin de réduire le nombre de conditions imposées ou afin de déterminer si c'est approprié. Deuxièmement, combien y a-t-il de personnes, condamnées à perpétuité ou non, qui ont obtenu, actuellement, une libération conditionnelle mitigée? Finalement, combien de fois la commission a-t-elle exempté ces personnes des obligations rattachées à la libération conditionnelle?
Mme Brisebois : Pour ce qui est des conditions imposées aux condamnés à perpétuité — et ce que je dis s'applique à tous les délinquants pour lesquels la commission a imposé une condition spéciale en raison d'un risque donné que présente le délinquant — dans le cadre du processus de gestion des cas, disons que le délinquant a obtenu sa libération conditionnelle totale. Il est libéré dans la collectivité depuis un certain nombre d'années. On lui a peut-être imposé une condition. À un certain moment, il se peut que l'agent de libération conditionnelle détermine que la condition n'est plus nécessaire. Dans ce cas, on demanderait à la commission de modifier ou de lever la condition; dans d'autres circonstances, il se peut qu'une condition soit imposée. L'agent de libération conditionnelle qui est chargé du cas dans la collectivité doit s'occuper de tout cela.
En ce qui concerne les cas de libération conditionnelle mitigés, nous avons effectivement des statistiques que je pourrais vous fournir — même si je ne les ai pas à portée de main présentement —, et je pourrais aussi vous fournir de l'information sur l'exemption des obligations. Je crois que vous faites allusion à la prérogative royale de clémence, ou est-ce plutôt à la clémence de la commission?
La sénatrice McPhedran : J'aimerais qu'on aborde les deux; les données devraient être ventilées selon le scénario.
Mme Brisebois : D'accord.
La sénatrice McPhedran : Je veux savoir combien de fois cela a lieu, dans un scénario comme dans l'autre.
Mme Brisebois : D'accord. Encore une fois, je n'ai pas les statistiques avec moi, mais je vous les ferai parvenir.
La sénatrice Hartling : Je m'intéresse au nombre de cas dont s'occupent les agents de libération conditionnelle. Combien de cas ont-ils? Y a-t-il une différence entre les délinquants et les délinquantes? Le nombre est-il similaire d'un bout à l'autre du pays?
Mme Brisebois : Encore une fois, les agents de libération conditionnelle sont la responsabilité du Service correctionnel du Canada, et ils travaillent directement avec le SCC. Je n'ai pas l'information concernant le nombre de cas qui leur sont assignés. Je ne sais pas vraiment exactement de combien de cas ils s'occupent actuellement. C'est une question que vous devez poser au SCC, parce que la commission est seulement chargée de prendre des décisions par l'intermédiaire de ses commissaires.
La sénatrice Hartling : Serait-on en mesure de nous dire si le nombre diffère entre les délinquants et les délinquantes au Canada?
Mme Brisebois : Le Service correctionnel du Canada pourrait certainement vous fournir ce renseignement.
La sénatrice Pate : L'un des grands sujets de préoccupation est la nature et le nombre des conditions imposées, les conditions particulières et le fait qu'on a de plus en plus recours à l'obligation de se présenter pour les délinquants en liberté conditionnelle. Je serais très intéressée à voir les statistiques ou les chiffres. Vous ne les avez peut-être pas à portée de main, mais si vous pouviez les faire parvenir au comité, en particulier en ce qui concerne le nombre et la nature des conditions, surtout les conditions particulières, je vous en serais reconnaissante. J'aimerais voir, par exemple, le lien qui existe entre ces données et leur ventilation selon le sexe et la race; il y a aussi les conditions d'interdiction d'établir des contacts ainsi que toutes les autres conditions particulières qui peuvent être imposées, mais je m'intéresse en particulier à celles-là. Je ne sais pas si vous pouvez commenter le sujet présentement, mais si vous pouviez nous faire parvenir l'information, ça nous serait très utile. J'aimerais aussi savoir comment les chiffres ont évolué.
Je crois savoir que vous avez aussi des données sur les tendances. Si vous pouviez nous les faire parvenir également, ça nous serait très utile.
Mme Brisebois : Nous avons effectivement des données sur les conditions particulières. J'aimerais préciser qu'il peut être difficile d'extraire des détails précis relativement aux catégories ou aux groupes à partir des données elles-mêmes. Je vais vérifier comment nous pourrions répondre le mieux possible à votre question.
On peut imposer des conditions à différents moments dans la peine d'un délinquant donné, mais à cause de la façon dont notre système fonctionne, il peut être très difficile de déterminer si une condition a été imposée dans le cadre de la semi-liberté avant que le détenu n'obtienne sa libération conditionnelle totale, ou d'autres choses de ce genre. Nous allons étudier vos questions et nous allons voir comment nous pouvons ventiler les données pour vous répondre.
La sénatrice Pate : Vous m'en voyez ravie. Plus les données peuvent être ventilées, mieux ce sera. D'après ce que j'en sais, c'est plus facile de faire cela maintenant grâce à l'informatique. Il y a 10 ou 15 ans — j'occupais d'autres fonctions à l'époque —, j'ai demandé qu'on me fasse parvenir cette information, et on m'a répondu qu'il faudrait cinq ans pour la trouver; j'en conclus qu'il y a vraiment beaucoup de conditions particulières. Il nous serait pratique d'avoir ces données à notre disposition, alors merci de faire parvenir au comité de l'information sur l'incidence que cela a sur la mise en liberté.
Mon autre question concerne Option-Vie; je m'y intéresse surtout à cause de nos prochains témoins. Le programme Option-Vie éprouve des difficultés financières depuis un certain temps déjà, essentiellement parce que le Service correctionnel du Canada a cessé de le financer. À dire vrai, selon de nombreuses personnes, y compris un certain nombre de commissaires avec qui j'ai eu le privilège de discuter, ce programme fournissait du soutien par les pairs incroyable et, en outre, des interventions professionnelles pour les détenus purgeant des peines d'emprisonnement à perpétuité ou de longues peines d'emprisonnement. Malgré le peu de fonds requis pour ce programme, le SCC a refusé depuis un certain nombre d'années de le financer.
Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, ou avez-vous entendu quelque chose de la part d'autres commissaires à propos de la valeur ajoutée par les personnes qui ont terminé leur libération conditionnelle et qui maintenant aident d'autres personnes, en particulier les personnes qui travaillent au programme Option-Vie? A-t-on parlé de la valeur de ce programme et du soutien pour les personnes qui veulent présenter une demande de libération conditionnelle? Je sais que je regarde en votre direction, madame Brisebois, mais ma question s'adresse à vous deux.
Mme Brisebois : J'ai entendu des gens en parler, mais, à nouveau, il n'est pas du ressort de la commission, ni du mien, de faire des commentaires sur ce programme. Cependant, je suis consciente des divers avantages évoqués par les personnes qui ont parlé de ce programme.
Mme Van De Bogart : Je n'ai rien à ajouter.
La sénatrice McPhedran : Je suis une sénatrice indépendante du Manitoba. C'est pourquoi j'espère que vous serez en mesure de faire la lumière sur ce qui est probablement l'un des cas les plus troublants qui soient survenus au Manitoba depuis très longtemps. À l'échelon de la collectivité, on nourrit encore beaucoup de préoccupations, même si on ne comprend pas nécessairement les motifs profonds de la décision. Je parle du cas du jeune homme qui a été assassiné dans un autobus au Manitoba. Son corps a été mutilé. Il est clair que des problèmes de santé mentale ont joué un rôle dans l'affaire. D'après ce que j'en sais, le détenu a obtenu sa mise en liberté tout récemment. Du point de vue de la collectivité, d'un grand nombre de membres de la collectivité, il est impossible de savoir s'il va y avoir une régression; ceux qui ont pris cette décision ne rendent aucun compte.
Ma question n'est pas nécessairement critique. Ce que je veux vraiment savoir, c'est ce qui arrive dans les cas comme celui-là où il y a un très haut niveau d'émotions d'une grande intensité, de la peur et des regrets, tout ce qui est habituel dans un cas comme celui-ci. Une fois qu'on prend une décision, que la personne est mise en liberté dans la collectivité — et dans ce cas, avec un nouveau nom —, y a-t-il une façon de faire le suivi d'une décision prise auprès de la Commission des libérations conditionnelles s'il advient que le détenu commet...
Mme Brisebois : Je veux préciser quelque chose. Dans le cas que vous avez mentionné, le délinquant n'a pas été tenu criminellement responsable. Cela veut dire que le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada n'ont pas la responsabilité de prendre des décisions à son égard. Il revient à une commission d'examen psychiatrique distincte d'évaluer ce délinquant.
Lorsqu'un délinquant n'est pas tenu criminellement responsable, il est complètement sorti du système correctionnel. Je n'ai pas de commentaires à faire sur ce cas en particulier, mais je tiens à vous informer du fait qu'il y a une différence entre les délinquants qui ne sont pas tenus criminellement responsables et les délinquants qui purgent une peine pour violation d'une loi provinciale ou fédérale.
La sénatrice McPhedran : Je sais, mais j'essayais de situer ma question du point de vue de la collectivité, de personnes qui ne font pas ce genre de distinctions.
Donc, pour résumer votre réponse, il y a deux systèmes complètement distincts et parallèles. Il n'y a aucun lien entre eux. Le processus décisionnel de la Commission des libérations conditionnelles n'a absolument rien à voir avec ce cas.
Mme Brisebois : Non.
À propos, le processus de la commission est transparent; tout membre du public peut assister aux séances et demander des copies de documents relatifs aux délinquants ou aux décisions. Nous sommes très transparents, et tous ont accès à nos décisions. Comme on peut souvent le voir dans les médias, nos cas font l'objet de reportages, et l'information à propos de cas en particulier est publiée.
La sénatrice Martin : Je sais comment il est complexe de prendre soin d'une personne souffrant de problèmes de santé mentale et à quel point il est important de surveiller la prise des médicaments. Ainsi, je comprends pourquoi il y a deux sphères distinctes et pourquoi vous ne pouvez pas outrepasser votre compétence.
Entre les sphères, il y a souvent des flous qui se forment naturellement. Existe-t-il un tiers qui fournit des services de transition? Que se passe-t-il entre les deux sphères lorsqu'un cas n'est plus sous votre responsabilité, mais qu'il y aura manifestement des problèmes s'il n'y a pas de transition très claire ni de surveillance? La commission intervient-elle auprès de ces tiers?
Je suppose qu'il pourrait s'agir de l'organisation mentionnée par la sénatrice Pate, ou alors ce pourrait être la société civile. En tant que sénatrice, je suis préoccupée par ce qu'ont révélé la multitude d'études que nous avons entreprises : nous savons qu'il y a des gens incroyables qui travaillent très dur, comme vous et d'autres, pour la commission. Mais dès qu'un cas n'est plus sous votre responsabilité, cela ne veut pas dire qu'une autre partie va immédiatement reprendre le flambeau là où vous l'aviez laissé. Ce sont les flous dont je parlais. Je suis simplement préoccupée par ce que j'entends; communiquez-vous avec les tiers ou intervenez-vous auprès d'eux afin de favoriser la transition? En tant que membre du public et sénatrice siégeant à ce comité, je suis très préoccupée par ces systèmes cloisonnés.
Mme Brisebois : Je peux vous parler de notre compétence. Même s'il serait merveilleux pour le Service correctionnel du Canada ou peut-être même pour la commission — je n'en suis pas sûre — de fournir du soutien et de l'aide dans certains domaines, cela dépasse notre compétence d'intervenir dans des cas où la personne n'est pas tenue criminellement responsable et ne purge pas une peine sous responsabilité fédérale.
Il revient au tribunal de décider s'il convient d'imposer une sanction pénale à un délinquant et de l'incarcérer ou de ne pas le tenir criminellement responsable. C'est au niveau des tribunaux qu'on décide si un délinquant n'est pas tenu responsable aux yeux du droit criminel.
Je suis consciente qu'il y a des lacunes, vu le nombre de délinquants que nous voyons. Je peux seulement formuler des commentaires anecdotiques, parce qu'à nouveau, je n'ai pas de statistiques avec moi, mais nous savons, selon ce que nous avons entendu du SCC, que de nombreux délinquants ont des problèmes de santé mentale très importants. Même si nos organisations doivent collaborer, nous sommes uniquement responsables de notre mandat, et notre compétence est établie et décrite de façon très précise dans la loi.
La sénatrice Martin : Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cette question. Je comprends que votre compétence a ses limites, et que vous ne pouvez pas aller plus loin que ce qui est prescrit dans votre mandat. Y aurait-il une organisation qui pourrait se charger de la surveillance ou trouver une façon de combler ces lacunes?
Comment pourrait-on y arriver? Peut-être, madame la sénatrice, que vous le savez. Je comprends que les choses se font de façon cloisonnée, parce que c'est votre mandat et que la loi vous donne des indications très précises sur vos activités, mais je crois que ces lacunes posent un très grand danger. C'est davantage une observation qu'une question.
La sénatrice Pate : Selon le point de vue que vous adoptez, la barre est placée très haut ou très bas en ce qui concerne la non-responsabilité au criminel, et la supervision dans le système de santé mentale est très serrée, rien qu'en ce qui concerne les personnes qui sont surveillées et les examens. Il y a aussi un mécanisme pour mettre en œuvre d'autres initiatives, par exemple les engagements de ne pas troubler l'ordre public, si c'est une préoccupation permanente. D'après ce que j'en sais, la police continue effectivement de surveiller les personnes lorsque cela est justifié. Voilà une chose.
Au sein même du système carcéral, nombre de personnes qui ne respectent pas le critère déterminant selon lequel une personne n'est pas criminellement responsable, mais qui éprouvent clairement des problèmes de santé mentale importants ne sont pas transférées en vertu de l'article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et finissent par recevoir une cote de sécurité trop élevée.
J'aimerais vous offrir l'occasion de commenter ce que mes collègues ont soulevé, ce qui arrive aux personnes qui, en raison de leurs problèmes de santé mentale, finissent par recevoir une cote plus élevée et leurs chances d'obtenir une libération conditionnelle, selon votre point de vue et de votre expérience.
Certainement, un des obstacles à l'obtention d'une libération conditionnelle tient à la réduction de la cote de sécurité. Si vous n'êtes pas en mesure de respecter les processus des services correctionnels, vous aurez tendance à ne pas voir votre cote de sécurité réduite. Nous finissons donc par voir un plus grand nombre de personnes qui demeurent sous garde pendant de longues périodes. Je suis curieuse de savoir si vous avez suivi le nombre de personnes ayant des problèmes importants de santé mentale qui ont encore une cote de sécurité élevée en raison de leur adaptation au milieu carcéral et de leurs problèmes de santé mentale qui obtiennent en réalité leur libération conditionnelle?
Mme Brisebois : La cote de sécurité des délinquants est déterminée par le SCC. Nous n'avons pas les chiffres concernant ces aspects.
Pour ce qui est du point de vue de la commission, nous examinons différents programmes, plans de mise en liberté et facteurs qui joueraient un rôle pour soutenir ces délinquants dans la collectivité, et les commissaires évaluent les risques et cherchent à savoir si un soutien des délinquants pendant la mise en liberté faciliterait une réinsertion sociale sécuritaire. Souvent, grâce au soutien d'une maison de transition ou de programmes dans la collectivité, ces délinquants peuvent être en mesure de bien s'en tirer.
La sénatrice Pate : Enfin, si vous pouviez inclure aux statistiques et à l'information que vous allez fournir au comité le nombre de personnes ayant obtenu une mise en liberté sous condition selon les différentes cotes de sécurité, ce serait utile parce que cela nous donnerait une certaine indication.
Mme Brisebois : C'est le Service correctionnel du Canada qui devrait fournir cette information parce qu'il possède les données précises sur les cotes de sécurité.
La sénatrice Pate : Merci beaucoup.
La sénatrice Omidvar : La sénatrice McPhedran me rappelle toujours les questions à poser. Elle a mentionné la collectivité, et je vais parler de votre plus récente décision concernant la mise en liberté d'Inderjit Singh Reyat, qui était dans une maison de transition, mais qui sera dorénavant chez lui en Colombie-Britannique et devra respecter des conditions spéciales en vigueur jusqu'en 2018. Pouvez-vous décrire ces conditions spéciales et nous dire qui les supervise?
Il y a plus de 1,6 million d'Asiatiques du Sud au Canada. Nous nous souvenons tous de l'attentat contre Air India. C'est l'acte terroriste le plus important perpétré contre des citoyens canadiens de notre histoire. Nous voulons savoir quelles sont ces conditions de mise en liberté et qui est responsable de s'assurer qu'elles sont respectées.
Mme Brisebois : Je n'ai pas le droit de parler de ce cas et de ses circonstances en particulier, mais je peux parler de manière plus générale des mises en liberté.
Il existe différents types de mise en liberté. Il y a la semi-liberté et la libération conditionnelle totale, dont l'octroi relève de la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Quant à la libération d'office, qui est une mise en liberté légiférée automatique, la commission n'aurait pas nécessairement à rendre une décision concernant la mise en liberté du délinquant, mais elle peut imposer des conditions spéciales, dont vous avez parlé, qui comprendraient le fait de résider dans un établissement particulier ou de respecter certains types de conditions que l'agent de libération conditionnelle serait responsable de suivre et de surveiller.
La sénatrice Omidvar : Cela relève donc de l'agent de libération conditionnelle.
Mme Brisebois : Oui.
La sénatrice Omidvar : Merci de cette précision.
Le président suppléant : Merci beaucoup, mesdames Brisebois et Van De Bogart. Vous pouvez voir que la question que nous étudions ici est très importante à nos yeux. Nous vous inviterons à témoigner de nouveau devant le comité, au besoin.
Pour notre deuxième groupe de témoins, nous accueillons Anita Desai, directrice exécutive de la Société Saint- Léonard du Canada, et Rick Sauvé, intervenant-accompagnateur d'Option-Vie.
Madame Desai, allez-y.
Anita Desai, directrice exécutive, Société Saint-Léonard du Canada : Merci beaucoup de votre invitation, monsieur le président et mesdames et messieurs. J'aimerais consacrer mon temps à examiner les droits de la personne des détenus du point de vue de l'amélioration du bien-être au sein des établissements canadiens.
En tant qu'organisation qui défend les services correctionnels communautaires sécuritaires et efficaces, la Société Saint-Léonard croit que les pratiques au sein des établissements qui favorisent le mieux-être finiront par améliorer la possibilité de bien-être dans la collectivité. Ces pratiques contribuent à tous nos objectifs mutuels généraux au chapitre de l'amélioration de la sécurité publique.
J'ai avec moi aujourd'hui mon collègue Rick Sauvé, dont l'histoire est inspirante. Rick et d'autres comme lui font partie de la famille de la Société Saint-Léonard depuis plus de 20 ans. Même si Rick vous donnera son point de vue dans un moment, j'aimerais, en guise d'introduction à son exposé, mentionner que nous, la Société Saint-Léonard, connaissons très bien l'importance de bénéficier de l'influence de pairs au sein de nos établissements et que l'expérience vécue et communiquée favorise le mieux-être dans les divers groupes de personnes vulnérables que le comité examine.
On ne devrait pas sous-estimer l'importance de l'influence des pairs. Il s'agit d'une approche rentable qui améliore la réinsertion sociale et les processus de réadaptation et qui peut être utilisée pour renforcer la capacité des détenus de subvenir à leurs besoins, de même que celle de soutenir les autres. Nous recommandons de prendre sérieusement en considération l'encadrement mutuel en tant qu'initiative qui devrait s'étendre à tous les établissements afin de soutenir les détenus ayant certains des plus grands besoins en matière de réinsertion sociale.
Je sais que vous avez entendu parler des défis liés à l'obtention d'un accès adéquat à des soins de santé au sein des établissements. Du point de vue des services correctionnels communautaires, cela se reflète dans les maisons de transition de la Société Saint-Léonard, lesquelles ont relevé des défis considérables à mesure qu'elles tentent de répondre aux besoins de leurs résidents en matière de santé. Nous avons relevé une augmentation importante des besoins des détenus vieillissants et âgés bénéficiant d'une libération conditionnelle et de ceux ayant des problèmes de santé mentale et souffrant d'une maladie mentale; il ne faut pas oublier le défi toujours présent de soutenir les personnes ayant des antécédents de toxicomanie.
En plus de l'encadrement mutuel, je laisserais entendre que le moment est parfait pour explorer des options de rechange relativement à la prestation de soins de santé dans nos établissements. Nous voyons actuellement, en Alberta et en Nouvelle-Écosse, de bons exemples de cas où les provinces ont commencé à fournir des soins de santé en établissements. Même si nous reconnaissons qu'il existe des défis liés à la compétence entre les systèmes provinciaux et fédéral, il est probable que ce type de changements favoriserait grandement des transitions plus saines vers la collectivité, et nous sommes en train de nous faire une idée plus précise de leur fonctionnement.
Une autre chose que nous aimerions souligner, c'est la possibilité d'utiliser quelque chose de similaire à la planification de la mise en liberté en vertu de l'article 84 qui pourrait être appliqué aux détenus vieillissants et âgés, particulièrement à ceux considérés comme présentant un risque faible, dans un souci de répondre à leurs besoins en matière de soins de santé et de réduire la pression exercée sur les systèmes existants. Des organismes offrant des services correctionnels communautaires sont prêts et disposés à être des partenaires actifs dans le cadre du processus de planification de la mise en liberté de telles personnes. Par exemple, un organisme du secteur bénévole a collaboré avec une équipe de recherche multidisciplinaire afin d'élaborer des modules qui ont été présentés au SCC et sont prêts à être utilisés pour améliorer le mieux-être.
On m'a demandé de présenter des recommandations précises de changement dans le domaine des services correctionnels communautaires. À ce propos, je ferais la suggestion suivante : il doit y avoir un soutien plus efficace de la part du SCC afin que les pratiques de réinsertion sociale soient efficaces à l'échelon communautaire. Nous suggérons que le SCC examine ses procédures contractuelles afin d'assurer une meilleure efficacité et de tenir davantage de discussions avec les partenaires contractants pour que le SCC puisse réagir de manière plus efficace aux préoccupations et aux besoins actuels. Les partenaires communautaires devraient avoir la possibilité de renégocier leurs contrats de rémunération à l'acte afin d'être en mesure de mieux répondre aux préoccupations à l'échelon communautaire. En outre, il serait intéressant de faciliter un dialogue continu à propos de la rapidité des contrats.
Enfin, je crois qu'il est important pour le SCC de reconnaître que, même si de nombreux bénévoles fournissent un excellent soutien au sein des établissements, ils ne remplacent pas le besoin de personnel formé et expérimenté. Comme vous en avez sans doute déjà entendu parler au cours de vos recherches, les questions complexes ne manquent pas au sein de nos établissements. Le fait d'utiliser du personnel issu des services communautaires pour offrir des services d'extension permet d'assurer une transition améliorée plus harmonieuse et d'augmenter le nombre de réinsertions sociales efficaces. Comme la vaste majorité des détenus finiront par se retrouver dans la collectivité, il est donc logique que les gens travaillant dans la collectivité fassent partie des composantes fiables du processus de planification de la mise en liberté.
Avant de conclure, je précise qu'on m'a aussi demandé de fournir des recommandations concrètes et précises relativement aux changements de politiques fédérales qui amélioreraient le respect des droits de la personne. J'aimerais encourager le comité à reconnaître l'expertise et l'expérience du secteur des ONG sous le régime de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, par exemple, en utilisant l'accord avec le secteur bénévole comme point de départ. Ainsi, cela légitimerait l'accès accru aux services communautaires, ce qui permettrait de soutenir les droits de la personne au sein des établissements.
Au fil de vos travaux sur ce sujet, j'aimerais vous demander de ne pas oublier que lorsque des citoyens deviennent des détenus, nous avons la responsabilité de les aider à se remettre sur le bon chemin. Le fait de cerner les droits de la personne des détenus et de maintenir ces droits fait partie intégrante de ce processus.
Au nom de la Société Saint-Léonard du Canada, j'aimerais vous remercier de vous pencher sur ces questions importantes et de m'avoir offert la possibilité de vous parler aujourd'hui. J'ai hâte de répondre à vos questions. Si la Société Saint-Léonard peut mettre quoi que ce soit à votre disposition, n'hésitez pas à me le demander.
Le président suppléant : Merci.
Monsieur Sauvé.
Rick Sauvé, intervenant-accompagnateur du programme Option-Vie, Société Saint-Léonard du Canada : Merci. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. Je suis détenu depuis 38 ans.
J'ai purgé plus de 17 années de ma peine en commençant dans un établissement à sécurité maximale pour finir dans un établissement à sécurité minimale. Je bénéficie d'une libération conditionnelle totale depuis 1995.
Peu de temps après ma mise en liberté, j'ai travaillé à Toronto avec des jeunes de quartiers défavorisés pour un organisme appelé Boys' Home. Nombre d'entre eux pratiquaient une culture de gangs. Ensuite, à la fin de 1998, on m'a embauché pour travailler comme intervenant-accompagnateur d'Option-Vie parrainé par la Société Saint-Léonard du Canada. Il s'agissait d'une entente tripartite conclue entre la Commission des libérations conditionnelles, le Service correctionnel du Canada et des organisations communautaires indépendantes. J'ai continué à faire ce travail, même après la fin du financement en 2012. Je vais communiquer mes expériences dans ce contexte et j'espère pouvoir répondre à vos questions.
J'ai assisté ou participé à plus de 400 audiences de libération conditionnelle. Il est quelque peu unique qu'une personne qui purge encore une peine d'emprisonnement à perpétuité fasse ce type de travail. Nous offrons un service qui consiste à faciliter la réinsertion sociale de personnes dans la collectivité et à les accompagner. Après la fin du financement, j'ai eu la possibilité et le privilège, en réalité, de voir une commissaire de l'Ontario de la Commission des libérations conditionnelles donner mon nom afin que je puisse participer à une partie de la formation offerte aux commissaires à Ottawa. Lorsqu'elle m'en a parlé, elle m'a dit : « Nous commençons à voir des gens qui retournent dans la collectivité ou qui comparaissent devant nous qui ont purgé une peine d'emprisonnement de 20, de 25, de 30 et de 35 ans ou parfois même des peines plus longues. Nous ne connaissons pas les défis auxquels ils font face. Nous croyons, avec votre propre expérience et le travail que vous faites, que vous pourriez nous éclairer à cet égard. » Pour moi, c'était un privilège.
On m'a souvent demandé comment c'était de ne plus être incarcéré, et la réalité, c'est que je le suis toujours. Je retourne encore régulièrement à l'établissement. J'ai des flashbacks, et je me revois derrière les barreaux. J'ai souligné à la Commission des libérations conditionnelles et au Service correctionnel que lorsque des personnes retournent dans la collectivité après une si longue période, nombre d'entre eux vivent un stress post-traumatique, et c'est un problème qui n'a pas été abordé, à mon avis, de manière adéquate. Alors je continue à faire ce travail.
Récemment, on a commencé quelque chose de nouveau dans les établissements à sécurité moyenne. Nous avons mis en place un programme dans le cadre duquel on travaille auprès d'hommes qui ont fait partie de gangs. Un condamné à perpétuité sur huit à s'être retrouvés derrière les verrous au cours des dernières années a indiqué que ses crimes étaient associés à la culture des gangs. Il n'y a pas de programme offert par les services correctionnels pour composer avec ce problème, alors nous avons élaboré ce programme et nous en assurons la prestation. Nous espérons pouvoir faire le même genre de travail dans la collectivité.
Il a été mentionné que nous avons perdu notre financement. Les organismes communautaires de la Société Saint- Léonard ont réuni des ressources pour en assurer la survie. Lorsque Option-Vie a été annulée, je me suis dit, eh bien, je n'ai maintenant plus à retourner en prison. Un des membres de la collectivité a dit : « Nous avons une responsabilité morale de savoir qui revient dans notre collectivité, et, selon nous, votre organisation est une des mieux placées pour le faire. Voulez-vous continuer à le faire? » J'ai dit oui.
Voilà qui termine ma déclaration préliminaire. Merci.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup à vous deux. Les petits rires ne signifient en aucun cas que nous n'avons pas apprécié votre exposé. Nous avons simplement l'habitude de nous livrer à une compétition amicale pour savoir qui aura la parole en premier.
Je m'adresse principalement à vous, Anita, mais, monsieur Sauvé, n'hésitez pas à prendre la parole si vous avez quelque chose à ajouter. Je pose cette question simplement afin que nous puissions un peu mieux comprendre ce que fait la Société Saint-Léonard relativement à certains aspects précis. C'est une question à plusieurs volets. La première concerne les options.
Je crois que la meilleure façon de donner le ton à mon intervention ou d'en véhiculer le thème général, ce serait de vous demander si nous pouvons vraiment envisager une société démocratique inclusive très performante sans prisons? Voilà pour le thème, mais en sachant qu'il y a une diversité d'étapes qui mèneraient à cette possibilité. Évidemment, vous devez composer avec beaucoup de lois, de programmes et de procédures.
Donc, pour commencer, il y a la question de la santé mentale et des diverses options que vous avez, soit mises au point, soit envisagées, quant à ce qui est nécessaire et ce qui n'est pas encore en place. Ne nous en faisons pas avec les montants et ce que toutes ces choses pourraient coûter pour l'instant. Réfléchissons seulement à la façon d'optimiser ce que nous avons actuellement et demandons-nous si cela peut nous mener à un monde meilleur.
Il y a la question des gens qui ont des problèmes de santé mentale. Il y a aussi la notion de prison dans la collectivité et, dans ce cas-ci, on pourrait probablement entamer la discussion en parlant de l'article 81. Puis, il y a les mises en liberté sous condition dans la collectivité, qui sont liées aux considérations associées à l'article 84. Pouvez-vous, s'il vous plaît, lorsque c'est approprié, nous fournir des renseignements un peu plus précis au sujet des prisonniers d'origine autochtone ou des prisonniers qui ont des problèmes mentaux.
Mme Desai : Bien sûr. Pour ce qui est de la question de la santé mentale, je crois devoir vous fournir une réponse en deux volets.
Le travail que nous avons fait visait à empêcher que des gens qui ont des problèmes de santé mentale et des maladies mentales aient des démêlés avec le système de justice pénale d'entrée de jeu. Nous avons réalisé certaines recherches dans ce domaine. Je serai heureuse de les fournir au comité, si vous voulez. C'est l'une des composantes sur lesquelles nous nous sommes penchés. L'autre composante, c'est la prévention tertiaire et la façon de s'assurer que ceux qui sont libérés de prison — qui ont des problèmes de santé mentale ou des maladies mentales et qui sont libérés dans des maisons de transition — reçoivent un meilleur soutien dans la collectivité.
Dans ma déclaration préliminaire, j'ai parlé entre autres du défi lié aux contrats et aux besoins de s'assurer d'avoir les bons genres d'employés et le bon financement en place pour compter sur du personnel pouvant soutenir les gens qui ont des besoins en matière de santé mentale et qui sont libérés dans la collectivité, de façon à ce qu'on leur fournisse les soins de santé mentale dont ils ont besoin dans la collectivité et qu'on facilite la transition de la prison à la collectivité. Je crois que cela exige beaucoup de professionnels formés qui peuvent travailler en collaboration avec le milieu des maisons de transition afin d'assurer la sécurité et le bien-être de ces personnes.
Selon moi, il faut tenir compte de ces deux aspects. Que pouvons-nous faire pour que ces personnes ne se retrouvent pas derrière les barreaux? Il y a de bons exemples d'initiatives réalisées un peu partout au pays qui réfléchissent à cette question et qui créent certaines occasions uniques dans différentes collectivités. Habituellement, on parle ici de programmes individuels que les services de police mettent en place et de la créativité avec laquelle ils peuvent exercer leurs options et utiliser leurs réseaux.
Pour ce qui est de la population autochtone, la Société Saint-Léonard n'affirme pas avoir une expertise précise dans ce domaine, mais un certain nombre de nos organismes réalisent des activités d'extension dans leurs régions locales ou tentent d'inviter les collectivités autochtones à s'adresser à eux lorsqu'elles savent qu'un groupe de personnes ayant été incarcérées reviendront dans leur collectivité et qu'elles tentent d'adopter une approche globale en matière de soins. De quelle façon la Société Saint-Léonard peut-elle leur venir en aide dans la collectivité? Nous voyons ce genre de partenariats se conclure.
Je crois qu'il est important que nos organismes n'affirment pas être des experts, mais veuillent travailler en collaboration et éliminer — comme quelqu'un l'a dit plus tôt — certains cloisonnements associés à ces enjeux.
La sénatrice McPhedran : Pour ce qui est de la mise en liberté dans la collectivité, pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?
Mme Desai : J'essaie simplement de comprendre. Voulez-vous des idées liées à l'abolition?
La sénatrice McPhedran : Oui, la vision à long terme, mais aussi ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas actuellement, vu les paramètres actuels avec lesquels vous devez composer.
Mme Desai : Bien sûr. Je vais laisser Rick parler de la mise en liberté sous condition.
M. Sauvé : Les prisons sont nécessaires, mais je crois que nous misons trop sur les prisons. Il y a beaucoup de personnes en prison qu'on pourrait facilement gérer dans la collectivité. Je sais qu'il y a beaucoup de personnes en prison dont les dates sont passées depuis longtemps et qu'on pourrait gérer efficacement dans la collectivité.
Pour ce qui est de la population autochtone — je peux surtout vous parler de l'Ontario —, il n'y a pas assez de ressources communautaires consacrées aux maisons de transition spécialisées ni de ressources communautaires consacrées à ces questions.
Selon moi, bien sûr, si quelqu'un représente un risque dans la collectivité, il faut le garder en prison par tous les moyens, mais si le risque peut être géré dans la collectivité, il est plus logique, puisque les prisonniers finiront par revenir dans la collectivité, et parce que la société dans son ensemble serait mieux servie si ces personnes purgeaient leur peine dans la collectivité.
Mme Desai : Et particulièrement au sujet du niveau de risque, il est assez clair que les personnes qui sont considérées comme représentant un risque faible peuvent être gérées efficacement dans la collectivité, si on affecte les bonnes ressources aux bons endroits. Je ne voudrais pas voir une augmentation de l'accès aux semi-libertés. Nous savons que la libération progressive est une pratique exemplaire et qu'il est préférable de ne pas garder les gens en prison jusqu'à la date de leur libération d'office pour ensuite les libérer tout simplement dans la collectivité. Ce n'est évidemment pas une procédure idéale, car elle ne permet pas de bien préparer les délinquants à leur retour dans la collectivité.
Il faut tenter d'accroître l'accès — et mieux informer les gens afin qu'ils puissent avoir accès — aux options de semi- liberté et de permission de sortir avec escorte ainsi que toutes les options qui sont prévues, sur papier... Il faut essayer de mettre en œuvre ces options afin de réussir à faire participer les gens au processus de libération progressive afin qu'ils soient connectés avec les services communautaires et qu'ils puissent commencer leur cheminement sain vers le bien-être dans la collectivité.
La sénatrice McPhedran : Vous m'avez probablement entendu dire que je suis une sénatrice indépendante du Manitoba. Jusqu'à ce que j'entre au Sénat, j'avais un engagement assez profond au niveau communautaire, même si j'ai travaillé dans un contexte universitaire. Je suis vraiment frappée par l'aspect de la réponse qui concerne la prévention et aussi certaines des références au besoin de composer avec les réalités concrètes de l'attrait des gangs et de la perpétuation de cette culture.
Si je vous ai bien comprise, l'un des principaux points que vous avez soulevés concernait l'importance et le caractère essentiel du bon financement des services de police communautaires, car ce ne sont pas seulement les ressources qui sont importantes, c'est aussi le lien avec la collectivité.
Je pense à un chef de police qui a récemment pris sa retraite, à Winnipeg, Devon Clunis; son successeur, Danny Smyth, si je ne m'abuse, a poursuivi sur la lancée du premier... Le premier a mis en place un imposant système de consultation communautaire dans les quartiers du centre-ville et les zones où la culture des gangs est évidemment la plus florissante. Je ne connais pas suffisamment l'initiative en détail pour dire qu'il s'agit évidemment d'une pratique exemplaire. Ma question est de nature plus générale. Du point de vue de l'endroit où chacun de vous travaille, quelles sont les caractéristiques des services de police communautaire ou des services de police qui créent des liens avec la collectivité que vous avez trouvés les plus efficaces pour lutter contre les activités de recrutement des gangs et, ensuite, la culture des gangs?
M. Sauvé : Pour ce qui est de la prévention du crime et de la lutte pour empêcher les jeunes de participer à la culture des gangs, je ne crois pas qu'assez de ressources soient consacrées aux autres organisations communautaires pour qu'elles puissent faire ce travail. Il y avait dans le passé certains programmes à Toronto... par exemple, un service de médiation des conflits de Downsview fournissait des services dans la région de Jane et Finch. Je sais que ce programme n'existe plus.
On devrait mettre davantage l'accent sur les partenariats entre les organisations communautaires et les services de police. C'est ma vision des choses.
Lorsque je pense à la lutte contre le crime, je pense à la prévention du crime. Par conséquent, si nous pouvons offrir des programmes dans les écoles pour essayer d'encourager les jeunes à rester à l'école, à devenir des membres actifs et à part entière de leur collectivité, alors ils ne se retrouveront pas en prison. Bon nombre des jeunes hommes avec lesquels j'ai travaillé en prison et qui faisaient partie d'un gang ont dit qu'ils n'avaient pas l'impression d'avoir leur place dans la collectivité, ils n'avaient nulle part où aller.
C'est là que nous avons besoin des ressources pour créer des partenariats avec des organisations communautaires de façon à nous assurer que les gens restent loin de ce genre de mode de vie. Nous espérons pouvoir utiliser certaines des personnes qui auront réussi le programme en établissement et les encourager à travailler auprès des jeunes dans la collectivité. Nous voulons produire un film, qu'ils pourront présenter dans les collectivités et qu'ils pourront utiliser afin de parler aux jeunes là-bas et leur dire : « Hey, je n'avais jamais imaginé que je me retrouverais dans une cellule en train de purger une peine d'emprisonnement à perpétuité. Personne ne m'en a jamais parlé. » C'est le genre de choses que nous voulons faire.
Oui, vous pouvez créer des partenariats avec les services de police communautaire. Lorsque je travaillais à l'Établissement Frontenac, le chef de police de Carleton Place est venu à l'établissement, car il venait tout juste d'être nommé chef de police, et il m'a demandé si j'accepterais de travailler en partenariat avec lui pour aller dans les écoles secondaires. Nous avons donc organisé une assemblée. C'était il y a un certain nombre d'années, mais nous l'avons fait, et l'initiative a été très bien reçue.
Le problème des prisons, c'est qu'il y a des clôtures pour que les gens ne sortent pas, mais cela empêche aussi les membres de la collectivité de venir. Pour encourager des idées novatrices dans les prisons, il faut encourager les gens de la collectivité à venir. Au cours des dernières années, on a éliminé beaucoup d'activités qu'on réalisait avant pour encourager les membres de la collectivité à venir travailler avec les hommes et les femmes en prison.
La sénatrice Pate : Merci d'être là. Je suis heureuse que vous soyez là, surtout quelqu'un comme M. Sauvé, que je connais depuis près de 40 ans.
J'ai une question liée à la Société Saint-Léonard, mais j'aimerais commencer par M. Sauvé.
Une des choses qu'il serait utile pour nous d'entendre, c'est la mesure dans laquelle vous avez réussi ou échoué au moment de tenter de remettre en question la politique sur les services correctionnels lorsqu'elle empiète sur la loi. Pour revenir à la question de ma collègue, la sénatrice McPhedran a parlé des articles 81 et 84, mais aussi de l'article 29, par la bande, lorsqu'elle a mentionné de la santé mentale et la façon dont tout cela a fonctionné lorsque vous avez essayé de remettre en question la politique sur les services correctionnels quand celle-ci nuisait à l'objectif de la législation. Je vais vous laisser y réfléchir pendant une minute.
Rick, vous avez commencé à en parler il y a quelques minutes, et je vous invite à nous en dire plus sur la façon dont les choses ont changé au cours des décennies durant lesquelles vous avez travaillé à favoriser l'accès à la collectivité, comme la capacité des gens de sortir de prison et de recommencer une nouvelle vie. Je pense tout particulièrement à toutes les restrictions qui ont été imposées aux condamnés à perpétuité qui, parfois, n'ont pas eu à se présenter nulle part depuis 20 ans et qui, soudainement, doivent commencer à le faire régulièrement. Toute l'information que vous avez sur ces expériences serait utile. Je connais un peu certaines expériences, mais je ne les connais pas toutes, alors je serais heureuse que vous nous en disiez plus à ce sujet.
M. Sauvé : Pour ce qui est des problèmes que posaient les politiques associées aux services correctionnels, c'est difficile pour les gens qui purgent une peine à perpétuité, mais nous tentons de sensibiliser les gens. L'une des choses qui ont tendance à se produire, c'est que beaucoup de personnes ne sont pas aiguillées vers les programmes offerts dans les établissements, qui n'ont pas un accès complet aux programmes. De plus, les programmes changent très souvent.
Bon nombre des hommes avec lesquels j'ai travaillé dans le cadre de notre programme ont été écartés des programmes.
Avant, nous réalisions beaucoup d'activités de collecte de fonds et beaucoup de travail dans la collectivité. Il y a un certain nombre d'années, nous organisions un événement, une « marche des détenus », en collaboration avec l'Association de la dystrophie musculaire. On avait l'habitude de commencer sur les marches à l'avant de la Colline du Parlement, et nous revêtions d'anciens uniformes de prisonniers. C'est là que nous commencions notre activité de collecte de fonds, et, en quatre ans, nous avons recueilli 120 000 $.
Il y a eu les Jeux olympiques spéciaux à Collins Bay, où des personnes souffrant de troubles de développement venaient et travaillaient en collaboration avec les hommes. Nous faisions aussi venir certaines femmes de la Prison des femmes, lorsque cet établissement était encore ouvert. C'est donc ce genre d'engagement auprès de la collectivité qui avait lieu. Ça aidait non seulement les prisonniers; cela aidait la collectivité à comprendre ce qui se passait derrière les murs. Quasiment toutes ces activités ont été abandonnées.
Pour ce qui est des défis liés aux politiques, vu le facteur de coûts applicable aux prisonniers, parce qu'ils doivent payer pour le gîte et le couvert et qu'ils doivent maintenant payer pour leurs médicaments en vente libre, bon nombre de prisonniers ne peuvent pas se permettre d'utiliser leurs permissions de sortir. Ils n'ont pas les fonds nécessaires pour le faire. Pour ce qui est d'une bonne partie des programmes d'éducation qui étaient offerts, j'ai étudié par moi-même lorsque j'étais en prison, et j'ai payé la majeure partie de mes études, et il était normal que ce soit ainsi. Mais j'avais un peu de revenus disponibles en prison. Maintenant, les hommes et les femmes en prison n'ont pas ce genre de revenus disponibles. J'ai vu des prisonniers être de retour dans la collectivité avec 80 $ dans leurs poches après avoir passé des décennies en prison.
Par conséquent, quelques-uns des problèmes liés au fait de revenir dans la collectivité tiennent à certaines des politiques dont nous tentons de parler aux responsables des services correctionnels. Cependant, pour ce qui est de s'asseoir et de remettre en question certaines de ces politiques, je ne crois pas que nous soyons les mieux placés pour le faire.
La sénatrice Pate : Je ne crois pas que ce soit nous non plus, mais, assurément, nous sommes en mesure, grâce à la présente étude, de formuler des recommandations. Quelles sont certaines des principales recommandations que, selon vous, nous devrions formuler au sujet des droits de la personne des détenus libérés dans la collectivité, mais aussi des personnes emprisonnées?
M. Sauvé : L'une des choses qui me viennent à l'esprit, c'est que, lorsque les gens sont prêts à revenir dans la collectivité, il faudrait les encourager à le faire. À un moment donné, on peut garder une personne trop longtemps en prison. Il y a un seuil à partir duquel on garde une personne trop longtemps en prison, et elle peut commencer à perdre espoir. Une fois que c'est le cas, alors ses chances de réinsertion sociale réussie diminuent dans une certaine mesure.
L'une des choses, c'est notre programme Option-Vie. Récemment, j'ai accompagné un vieil homme de Toronto durant sa première PSSE. C'est un septuagénaire, et je crois qu'il affiche un début de démence. Il s'est effondré. Il n'aurait jamais été capable de prendre l'autobus, et c'était l'option qui s'offrait : soit qu'il prenait l'autobus, soit que je lui fournissais le transport. Je l'ai donc amené à Toronto, et, lorsque nous sommes arrivés dans le stationnement du bureau des libérations conditionnelles, il s'est effondré. Il n'était physiquement pas capable de se rendre au bureau des libérations conditionnelles. Je l'ai donc transporté à la maison de transition, et j'ai appelé les responsables du bureau de libération conditionnelle pour leur dire : « Je ne peux pas l'amener là-bas, il est à la maison de transition. » Par conséquent, le personnel de la maison de transition et moi nous sommes assurés qu'il allait bien, et nous lui avons demandé s'il voulait aller à l'hôpital. Puis, l'agent de libération conditionnelle est venu. Cependant, je me demande ce qui serait arrivé s'il avait pris l'autobus et que la même situation s'était produite. Tout ce qu'il avait, c'était son laissez-passer et sa carte d'identité. Il ne maîtrise pas bien l'anglais. Il était resté emprisonné bien après sa date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale. Et donc, qu'est-ce qui lui serait arrivé? Quelqu'un aurait appelé la police, et comment les policiers auraient-ils réagi? Par conséquent, dans le cadre de notre programme Option-Vie, le genre de choses que nous faisions pouvait aider les délinquants dans le cadre de leur réinsertion sociale. Nous avions l'habitude de travailler avec les gens dès les premières étapes de leur peine et jusqu'à leur retour dans la collectivité.
Lorsqu'un prisonnier était envoyé en isolement, l'une des premières choses que nous faisions, c'était de nous rendre dans l'unité d'isolement pour voir le prisonnier qui était au trou. C'est ainsi qu'on appelait cet endroit. C'était le trou. Pour commencer, nous nous assurions qu'il allait bien. Nous avions une ligne d'aide, afin qu'il puisse appeler et parler à quelqu'un, parce que, dans un premier temps, nous voulions le garder en vie, pour ensuite essayer de les ramener au sein de la population générale. Au fil des ans, beaucoup de directeurs m'ont demandé et ont demandé à certains de mes collègues d'aller voir des gens en isolement, pour nous assurer qu'ils allaient bien, les convaincre d'arrêter une grève de la faim ou de commencer à prendre leurs médicaments. C'était ce soutien par les pairs qui était si important. Voilà certaines des choses que nous pouvions faire.
Rapidement, une autre chose : je viens de participer à une audience de libération conditionnelle avec un jeune homme dont la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale est passée depuis quelques années. Il se trouve dans une unité opérationnelle à sécurité minimale et il est seulement admissible à une libération conditionnelle totale en vue de son expulsion. Il s'est présenté devant la commission, et il s'est fait dire : « Désolé, pour l'instant, nous ne pouvons pas vous accorder une libération conditionnelle pour expulsion », parce qu'il ne pourrait pas être supervisé dans un autre pays. Quelle autre possibilité s'offre à lui? Rester en prison jusqu'à ce qu'il meure?
Beaucoup de prisonniers se trouvent dans la même situation. On laisse aux prisonniers la tâche de préparer un plan de libération dans un autre pays. Certains de ces prisonniers ont grandi ici, au Canada, mais ils seront expulsés. C'est donc à eux d'essayer de préparer un plan de libération dans un autre pays. Puis, lorsqu'ils se présentent devant la commission, c'est à elle de déterminer si, oui ou non, le plan de libération sera viable. Ce sont certaines des politiques sur lesquelles il faudrait se pencher.
C'était malheureux. Lorsque le jeune homme a dit : « Quelles sont mes options? » la réponse, c'était : « Tu ne sortiras peut-être jamais de prison. » Je me suis assis avec lui dans la salle des visites après pour m'assurer qu'il allait bien, mais dire à quelqu'un... c'est très traumatisant pour quelqu'un de se faire dire qu'il n'aura peut-être jamais la possibilité de sortir de prison.
La sénatrice Pate : Vous avez souligné, Rick, deux ou trois choses — et le dernier exemple que vous avez donné est très bon —, des situations où la Commission des libérations conditionnelles outrepasse sa compétence. Je dirais que c'est un domaine où le comité pourrait formuler certaines recommandations : la détermination de la surveillance à l'étranger n'est pas une compétence qui devrait revenir à la Commission des libérations conditionnelles. Son mandat, c'est de déterminer le risque au Canada pour le public canadien. Ce qui me frappe, c'est que c'est ce scénario que nous devrions examiner.
Je constate aussi que certaines des autres choses dont vous avez parlé concernent des restrictions découlant de politiques et non de la loi. Il y a des domaines où la loi a changé, et un autre domaine dont j'aimerais que vous nous parliez — et une fois qu'Anita aura dit ce qu'elle a à dire —, c'est toute la question de l'utilisation des vidéoconférences pour les audiences de libération conditionnelle et l'incidence que cela a sur les gens ainsi que le nombre d'hommes et de femmes autochtones — et en particulier ceux qui purgent des peines à perpétuité —, que vous avez vus réellement sortir du système et les meilleures façons d'y arriver. Je vous remercie donc d'avoir soulevé ces enjeux.
La sénatrice Martin : Je vous écoute, et j'apprends beaucoup de choses. Je tiens à vous remercier, monsieur Sauvé, de votre témoignage parce que vous nous dites des choses que, sinon, nous n'aurions pas entendues. Je crois que c'est très utile.
Je tiens à préciser à la sénatrice Pate, au sujet des recommandations dont nous discutions, que c'est quelque chose que nous pourrions envisager en tant que comité. Je ne veux tromper nos témoins d'aucune façon. En ce qui a trait aux recommandations, nous allons toutes les examiner et nous en discuterons pleinement avec tous les membres du comité.
La sénatrice Pate : Toutes mes excuses, j'ai exagéré.
La sénatrice Martin : Non, c'est simplement une précision que je tenais à faire.
La sénatrice Hartling : Merci beaucoup d'être là, et merci, monsieur Sauvé, de nous avoir raconté votre histoire. Je trouve toujours que cela donne un caractère concret à ce que nous étudions. Merci de votre travail, madame Desai.
Je viens du milieu communautaire et j'apprécie vraiment les services communautaires. Je connais les risques liés au financement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l'origine de votre financement et ce qui se produit relativement à votre financement de base? J'en connais la valeur, parce que lorsqu'on n'a pas de financement, on ne peut pas faire tout le bon travail qu'on veut. Pouvez-vous nous dire certaines choses à ce sujet?
Mme Desai : Le financement d'Option-Vie a pris fin en 2012. Quelques organismes ont pris le relais et ont fourni un peu d'argent pour que nous puissions continuer de faire une petite portion de ce que nous faisions avant. Rick a aussi participé à tout ça. Il est un des travailleurs d'approche qui continuent à faire ce travail. Nous disons en plaisantant que le programme est sur le respirateur artificiel, et on attend qu'il soit revigoré d'une façon ou d'une autre.
Je sais que la sénatrice Pate a posé certaines questions au sujet des politiques et de la santé mentale. Je crois pouvoir parler un peu des deux, ici. Ne croyez pas que, en tant que partenaires communautaires qui tentent de composer avec les politiques liées à la santé mentale, nous avons la vie plus facile que Rick. Parfois, c'est un peu difficile pour nous. Cependant, le point que j'aimerais soulever précisément au sujet des activités d'approche, c'est que les gens croient à tort que le travail est réalisé par des bénévoles depuis la fin des travaux. Franchement, ce n'est pas vrai. Le secteur des ONG a essayé de trouver des façons un peu partout de nous maintenir en vie. Dans certains endroits, les efforts n'ont pas fonctionné au cours des cinq dernières années, et je crois donc que c'est vraiment néfaste pour notre système correctionnel.
Je crois qu'il est important de reconnaître que, même si beaucoup de bénévoles fournissent un excellent soutien dans nos prisons, ils n'éliminent pas le besoin de devoir compter sur des employés d'expérience et qualifiés pour faire le travail. À la lumière des histoires que Rick vous raconte, vous comprendrez tout l'effort, le temps et le dévouement dont il fait preuve à l'égard de son travail. C'est quelque chose qui lie les gens. C'est ce que j'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire lorsque je parlais d'expériences vécues et partagées, c'est-à-dire la capacité de tisser un lien avec quelqu'un qui a vécu une expérience similaire. Le fait de former une telle personne afin qu'elle travaille en collaboration avec des partenaires communautaires de façon très structurée est une approche bien connue dans le milieu des services correctionnels en tant que moyen de s'attaquer à des problèmes dans les prisons, ce qui permet aussi d'améliorer la transition dans la collectivité. C'est l'une de ces choses qui s'imbriquent bien les unes dans les autres. Nous avons eu certains problèmes du point de vue des politiques pour obtenir un genre de soutien du SCC afin de promouvoir l'efficacité du mentorat par les pairs dans nos établissements.
La sénatrice Hartling : Et d'où est venu le financement dans le passé?
Mme Desai : Le financement venait du Service correctionnel du Canada. Les contrats étaient passés avec des organismes communautaires. C'était un des critères. Les personnes devaient avoir passé un minimum de cinq ans en libération conditionnelle dans la collectivité et afficher des qualités positives en tant que modèle. Elles étaient ensuite embauchées par les organismes communautaires pour remplir des contrats. Puis, les gars se présentaient, faisaient leur travail et étaient rémunérés. Leurs coûts de déplacement étaient payés. Les organismes retenaient un peu d'argent pour les dépenses administratives afin d'administrer le programme et de travailler avec les personnes qui l'offraient. C'était un cadre assez abordable.
La sénatrice Hartling : Avez-vous l'impression que vous risquez actuellement de continuer à avoir de la difficulté à obtenir du financement?
Mme Desai : Absolument.
La sénatrice Hartling : À combien évalueriez-vous le risque, à 90 p. 100?
Mme Desai : C'est risqué à 100 p. 100. Je dirais que nous courons le risque de perdre le programme dans la prochaine année.
Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.
Le président : Pour ne pas créer de la confusion chez le public, je participais à un rassemblement pour l'autisme sur la Colline, et je jouais là un rôle très important de défense des droits dans le milieu de la déficience intellectuelle. J'étais ici au début du témoignage de la Commission des libérations conditionnelles. Je vous souhaite de nouveau la bienvenue. J'ai entendu dire que c'était un témoignage fascinant.
La sénatrice McPhedran : Sommes-nous télévisés?
Le président : Oui.
La sénatrice McPhedran : Ne devrait-on pas afficher le panneau pour qu'on le sache?
Le président : C'est un peu ce que ça dit.
La sénatrice McPhedran : Il n'y a rien, non?
Le président : Il devrait être allumé. La réunion sera diffusée les samedis soir pour toujours.
La sénatrice McPhedran : Si vous me permettez de soumettre une demande, ce serait très bien qu'on nous le dise.
Le président : Habituellement, c'est allumé.
La sénatrice McPhedran : Eh bien, il ne l'est pas.
Le président : Eh bien, nous allons parler à quelqu'un à ce sujet.
Le sénateur Ngo : J'aimerais revenir sur les derniers commentaires de M. Sauvé. Dans ce cas-là, croyez-vous que les procédures d'audience de la Commission des libérations conditionnelles ne sont pas équitables? Et si elles ne le sont pas, de quelle façon peut-on les améliorer?
M. Sauvé : Comment améliorer la Commission des libérations conditionnelles? La structure est un peu similaire à celle d'un tribunal, alors il y a plus de questions que de réponses. Dans le cas des audiences tenues à l'aide d'un cercle — et j'ai participé à de telles audiences —, tous les participants au cercle ont l'occasion de parler. Parfois, je suis un assistant dans le cadre de l'audience, mais il peut y avoir des observateurs ou des personnes qui sont là pour assurer un soutien qui, selon moi, pourraient avoir des choses importantes à dire à la commission. Certaines de ces personnes offriront le soutien nécessaire pour que la personne reste dans la collectivité, pour l'aider, et je crois donc qu'elles pourraient participer de façon utile. Je crois que l'idée des audiences tenues avec l'aide d'un cercle pourrait être élargie et englober les autres types d'audience aussi.
J'écoutais des choses sur la façon dont les prisonniers se préparent en vue d'une audience de libération conditionnelle. Je ne prépare pas vraiment des gens à de telles audiences, je les prépare à la libération conditionnelle perpétuelle. C'est le genre de choses que je fais. J'encourage les gens à voir la procédure comme une conversation et à comprendre que, pour ce qui est du crime qu'ils ont commis, ce sont eux les mieux placés pour en parler et qu'ils doivent donc être honnêtes et ouverts.
Je vais avoir l'air de critiquer les renseignements au dossier, mais je pourrais lire tous ces dossiers — et j'en ai des piles et des boîtes, j'ai tout conservé — et n'avoir aucune idée de ce que je lis. Parfois, on s'appuie trop sur les dossiers, et parfois, il y a de mauvais renseignements qui s'y trouvent. C'est difficile de faire corriger les renseignements erronés. Très souvent, l'agent des libérations conditionnelles ou le travailleur social dira : « Ce n'est pas moi qui l'ai écrit, alors je ne peux rien changer. Vous devez faire apporter ces changements vous-même. » Parfois, on s'appuie trop sur les renseignements au dossier, et ce n'est peut-être pas exact. C'est là — lorsque la commission évalue les risques — qu'il y a une occasion pour la commission d'entendre les gens qui fourniront un soutien de pouvoir parler et préciser le genre de soutien qu'ils offriront plutôt que de tout simplement lire ce qui figure au dossier.
J'ai beaucoup de respect pour la commission. C'est difficile. Les commissaires peuvent lire les dossiers, mais ils ont peut-être une heure ou deux d'audience pour évaluer si la personne représentera un risque dans la collectivité. Ce sera mon voisin. Le vôtre. Lorsque je travaille avec des gens, je n'essaie pas nécessairement de les préparer en vue de l'audience. Je leur explique les règles, mais je les prépare à passer toute leur vie en libération conditionnelle et à réussir. Je disais à beaucoup de personnes avec qui je travaille : « Ça m'est égal si tu obtiens la libération conditionnelle. Ce qui est important pour moi, c'est que tu restes en liberté et que tu ne sois pas un risque pour la collectivité. »
Le président : Vous avez dit une heure? C'est surprenant.
M. Sauvé : Les audiences de libération conditionnelle durent habituellement une ou deux heures — au maximum deux heures et demie —, une bonne partie du temps est consacrée à des questions procédurales, donc les commissaires n'ont pas beaucoup de temps pour procéder à ce genre d'évaluation. Oui, ils lisent les dossiers, mais les dossiers ne sont peut-être pas toujours exacts. Ils ont très peu de temps, et c'est la raison pour laquelle il faudrait permettre aux personnes qui offriront un soutien de participer davantage. Très souvent, j'ai vu des membres de la famille qui accueilleront la personne chez eux ne pas avoir l'occasion de parler. Les victimes auront l'occasion de lire leur déclaration de la victime, et c'est un aspect important, parce que les victimes sont souvent, dans de nombreux cas — dans la plupart des cas — encore traumatisées, mais elles n'ont pas nécessairement l'occasion de participer pleinement à l'audience. On peut donc faire beaucoup mieux.
La sénatrice McPhedran : Pour revenir sur ce que vous venez de dire — j'aurai peut-être l'air de parler de toute autre chose, mais il y a selon moi un lien — j'ai beaucoup œuvré au fil des ans dans le domaine du droit administratif lié aux divers tribunaux et structures décisionnelles. Et c'est vraiment similaire à ce dont vous parlez. Je veux appuyer votre observation selon laquelle le processus décisionnel peut seulement être fondé sur les éléments de preuve présentés aux décideurs. Souvent, l'interprétation étroite de l'identité des parties à une décision — souvent, il s'agit du demandeur et des membres officiels de la commission — limite beaucoup les renseignements auxquels les commissaires peuvent avoir accès pour prendre leur décision. Pour les membres de la collectivité, les victimes, l'ensemble des personnes qui sont en cause, si on ne leur permet pas de formuler certains commentaires pour participer au processus décisionnel, y compris ceux qui fourniront un soutien au demandeur, alors je tiens seulement à me faire l'écho de vos commentaires. Les décisions ne s'appuient pas sur les meilleurs éléments de preuve disponibles qui pourraient être fournis à ceux qui prennent les décisions.
Mme Desai : J'aimerais moi aussi ajouter quelque chose, ici. Le défi tient aussi en partie — d'après ce que nous entendons — au fait qu'il est parfois difficile d'un point de vue stratégique d'avoir accès aux agents des libérations conditionnelles en établissement et aux dossiers d'un prisonnier. Souvent, les gens n'ont pas tous les renseignements — ou ils n'en ont aucun — et le fait d'essayer d'avoir accès aux agents des libérations conditionnelles en établissement afin d'enclencher le processus contribue, au bout du compte, beaucoup aux problèmes dont on entend parler; il est difficile d'accorder une libération conditionnelle aux gens à leur première date d'admissibilité. Ça semble être la source des problèmes que nous constatons.
La sénatrice Martin : J'aimerais poser une question complémentaire à la question du sénateur Ngo. Lorsque vous dites que les dossiers peuvent contenir beaucoup de mauvais renseignements, j'aurais aimé que vous nous fournissiez un exemple précis, afin que nous puissions comprendre. Ensuite, de quelle façon pourrait-on réduire au minimum la mauvaise information? Que faut-il faire pour réduire au minimum la présence de renseignements qui n'aideraient pas nécessairement la personne à obtenir une libération conditionnelle lorsque ce moment arrive?
Je sais que, pour ce qui est des dossiers liés à la santé, aux études, lorsque les dossiers sont assez étoffés et que tout est en format papier plutôt qu'en version électronique, il peut être difficile de faire le tri entre tous ces différents renseignements. Est-ce que les dossiers sont seulement accessibles sur support papier? Y a-t-il une combinaison de dossiers électroniques et de documents sur support papier? J'aimerais aussi savoir de quelle façon l'information est transmise à ceux qui ont besoin de la consulter.
M. Sauvé : Les dossiers sont accessibles sur support électronique et papier. À une époque, on avait seulement les documents sur support papier, mais les prisonniers n'ont pas accès à leur dossier électronique et n'ont pas accès à un ordinateur pour consulter le tout.
Dans de nombreux cas, ils doivent présenter des demandes liées à l'accès à l'information pour obtenir leur dossier.
Je vais vous parler de mon exemple précis. J'étais dans l'Établissement Frontenac et je me préparais en vue d'une audience. Lorsque j'ai consulté mes dossiers, il était indiqué que j'étais en prison à l'Établissement de Joyceville en même temps que je faisais un vol de banque. J'ai dit : « Ce ne peut pas être moi. Il faut enlever cette information. Je dois aller devant la commission. » Ils ont dit : « Tu dois t'arranger »; j'ai laissé les choses comme elles étaient parce que c'était un exemple flagrant de renseignements erronés.
Beaucoup de prisonniers peuvent ne pas comprendre le contenu de leur dossier. Ils ne maîtrisent peut-être pas bien l'anglais. Ils ne sont peut-être pas suffisamment capables de lire et d'écrire pour bien passer en revue leur dossier. Que lisez-vous? Que présentez-vous? Ils peuvent être tellement dépassés que la tâche devient trop difficile pour eux.
Très souvent, lorsque je travaille avec quelqu'un, que je prends la parole devant la commission, je parle de la personne, parce que, très souvent, j'ai interagi avec elle à différents niveaux. Je parle de la personne, du fait qu'elle a changé, de sa moralité, et de la façon dont elle a établi son plan. La façon dont nous présentons la situation à la commission est différente de ce que ferait un avocat. Les avocats ont tendance à parler des renseignements au dossier, tandis que nous parlons de la personne.
La sénatrice Martin : Pour ce qui est du besoin de réduire au minimum les mauvais renseignements ou les possibles erreurs, c'est en raison de la nature du processus qu'il est difficile de réduire le nombre d'erreurs pouvant être commises? Est-il possible de corriger le tir?
M. Sauvé : Eh bien, s'il y avait un processus en vertu duquel on pourrait remettre en question certains des renseignements erronés... mais les commissaires lisent le dossier le jour avant l'audience et, donc, ils n'ont pas accès au dossier durant toute la peine. Ils lisent les dossiers le jour avant l'audience. S'ils participent à trois ou quatre audiences durant une journée, ils doivent lire tous les renseignements au dossier le jour avant. On parle de beaucoup d'information à lire. Par conséquent, je crois qu'il y a un certain nombre d'améliorations qu'on pourrait apporter.
Selon moi, les vidéoconférences ont été une erreur parce que la communication, c'est bien plus que les mots. J'ai assisté à de nombreuses audiences où il faut regarder un écran, la qualité de l'image fluctue, et on perd parfois le son. C'est tout simplement trop difficile, surtout pour les gens de certaines cultures; c'est totalement étranger pour eux.
Je veux aborder rapidement la question des Autochtones. Lorsque j'ai commencé à travailler pour Option-Vie, je me suis rendu à l'Établissement Fenbrook, à Gravenhurst. C'est l'établissement où sont emprisonnés les détenus inuits. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi ils transportaient les prisonniers inuits jusqu'à Gravenhurst.
Je vais vous raconter rapidement une histoire. J'ai représenté un jeune homme devant la commission; on lui avait accordé des PSSE. Je partais pour Ottawa avec lui en vertu d'un laissez-passer, et dans le cadre de nos discussions, je lui ai demandé ce qu'il faisait au Nunavut. Il m'a dit qu'il était un tailleur de pierres et un chasseur. Nous roulions donc sur la route 7 et j'ai vu un cerf. J'ai dit : « Regarde, là-bas, un cerf. » Il a dit : « Je ne le vois pas. » Plus tard, j'ai vu un grand-duc d'Amérique. J'ai dit : « Regarde, il y a un grand-duc d'Amérique en haut. » Il a dit : « Je ne le vois pas. » J'ai dit : « Je croyais que tu avais dit que tu étais un chasseur. » Il a répondu : « Je ne vois rien à cause des arbres. »
C'est un de ces moments où j'ai pensé : je dois changer la façon dont je vois les choses. Il était là, retiré de sa culture, de sa collectivité, de ses soutiens, de son mode de vie et d'alimentation et il a été transporté ici. Je n'arrêtais pas de me dire : j'espère qu'il n'emboutira pas un arbre lorsqu'il arrivera à Ottawa. Il avait des difficultés. Il avait fait l'aller- retour entre la prison et la liberté. Je ne pouvais m'empêcher de penser que, s'il n'était pas ici, il aurait de bien meilleures chances de réussir sa réinsertion sociale dans la collectivité. Il y a beaucoup trop d'arbres ici pour lui. Il y a trop de problèmes dans la région, où il est séparé de sa communauté.
C'est un des groupes de nos citoyens qui, selon moi, n'est pas traité équitablement. On les retire de chez eux. Comment peut-il avoir des visites? Je sais ce qu'il en coûtait aux membres de ma famille pour venir me visiter de ma ville natale jusqu'à Kingston. C'est difficile pour les Autochtones de visiter leur famille et d'offrir du soutien. Et ce sont ces soutiens qui permettent au délinquant de ne pas retourner en prison.
Le président : Merci beaucoup. C'est extrêmement important, parce que nous allons vraiment mettre l'accent sur les femmes autochtones en prison et sur la question de la surpopulation. Les points que vous avez soulevés aujourd'hui sont très importants pour nous.
La sénatrice Pate : Merci de nous avoir donné un certain nombre d'exemples précis de politiques et de pratiques qui interfèrent avec la loi, parce que les renseignements figurant dans les dossiers ne sont qu'un exemple. Comme vous le savez, non seulement les prisonniers n'ont pas accès à des ordinateurs, ni, souvent, à leur dossier, mais lorsqu'ils tentent de faire corriger des renseignements — et je remercie la sénatrice Martin d'avoir posé la question —, souvent, ils ne peuvent pas le faire et doivent même parfois se présenter devant un tribunal, même si cela crée beaucoup de difficultés.
J'aimerais savoir combien de fois vous avez vu des gens être capables de faire corriger les renseignements figurant dans leur dossier. Il y a déjà eu des témoignages et des discussions à ce sujet devant le comité. L'un des exemples les plus connus, c'est ce qui est arrivé à Ashley Smith. Ce n'est qu'après son décès que tous ses dossiers sont devenus assez publics, mais il est clair que la description qu'on faisait d'elle dans le dossier ne représentait aucunement la façon dont elle était perçue par le personnel et les autres prisonnières. J'aimerais savoir combien de fois vous avez vu des délinquants réussir à faire corriger des erreurs dans leur dossier, à part ceux qui ont dû se présenter devant un tribunal?
M. Sauvé : C'est rare. Je connais seulement un très petit nombre de prisonniers qui ont réussi à faire corriger des renseignements dans leur dossier. Souvent, quelque chose est mentionné durant une audience de libération conditionnelle et, très souvent, c'est la première fois qu'un prisonnier apprend qu'il y a des erreurs dans son dossier. On lui posera des questions au sujet d'accusations ou de quelque chose qui est arrivé à l'établissement, et il dira : « Eh bien, je n'en sais rien. » Je ne critique pas ici la commission. La commission s'appuie sur les renseignements qu'elle a sous les yeux. Les commissaires diront : « eh bien, c'est dans votre dossier. Ne l'avez-vous pas lu avant? » Très souvent, les délinquants n'ont pas accès aux renseignements figurant dans leur dossier.
Mme Desai : De plus, il y a deux aspects à soulever en ce qui a trait aux recommandations formulées. Accroître l'accès qu'ont les prisonniers aux renseignements figurant dans leur propre dossier sera une première étape. Je crois que le comité a aussi entendu d'autres personnes parler de la possibilité de prévoir un cadre d'évaluation indépendant des choses qui se produisent en prison, de façon à ce que, si quelque chose est remis en question, la situation pourra être examinée de façon indépendante. C'est là aussi quelque chose que nous soutiendrions.
La sénatrice Pate : Je suis curieuse. Plutôt que de réfléchir à la question de la surveillance qui est, soit contrôlée, soit indépendante des services correctionnels, je me demande si vous avez réfléchi à des choses comme le Protocole facultatif à la Convention contre la torture ou d'autres modèles du genre relativement à la surveillance judiciaire des services correctionnels?
Mme Desai : Je crois que c'est un dossier sur lequel la Société Saint-Léonard aimerait se pencher à l'avenir. En tant qu'organisation, notre direction a mis surtout l'accent sur la transition vers les services correctionnels communautaires et la promotion de cette transition, mais c'est quelque chose qui relèverait de notre mandat, selon moi. Ce n'est pas quelque chose que nous avons fait jusqu'à présent.
Le président : Merci beaucoup. Nous aimerions bien vous recevoir à nouveau. C'est tellement important pour nous. Je vais lire la transcription de la portion de la réunion que j'ai manquée. Vos recommandations ont été bien notées, ici, aujourd'hui, tandis que nous poursuivons notre étude. Il faudra un certain temps pour mener l'étude à bien, mais nous espérons produire un rapport provisoire et effectuer du travail en temps réel. Vous avez parlé des enjeux qui se produisent concrètement et en temps réel pour de nombreux prisonniers. Monsieur Sauvé et madame Desai, nous vous remercions du travail que vous faites à la Société Saint-Léonard du Canada.
Cela dit, la séance est levée. Merci beaucoup à vous deux.
(La séance est levée.)