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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 17 - Témoignages du 10 mai 2017


OTTAWA, le mercredi 10 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien, se réunit aujourd'hui à 11 h 32 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Avant d'amorcer les travaux, j'invite les sénateurs à se présenter. Je remarque la présence de nouveaux visages et de remplaçants, et il est merveilleux que nous soyons au complet. Commençons par la vice- présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Ogilvie : Kelvin Ogilvie, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Bovey : Patricia Bovey, du Manitoba.

Le président : Merci aux sénateurs. Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario. Mon cœur est resté au Nouveau- Brunswick, mais nous sommes ici. Nous avons une question d'ordre administratif à régler ce matin. Je voudrais qu'un membre du comité propose une motion :

Que, nonobstant la motion adoptée au comité le 11 décembre 2015, le quorum réduit nécessaire pour entendre des témoins du 15 au 19 mai soit trois membres du comité.

Cette proposition n'est peut-être pas sans lien avec nos déplacements de la semaine prochaine, portant sur les droits des prisonniers dans les services correctionnels du Canada.

La sénatrice Ataullahjan propose la motion.

Tout ira bien maintenant, je crois. Nous avons été très occupés et les sénateurs siègent également à d'autres comités, mais ils nous reviendront la semaine prochaine, étant rentrés pour les travaux du Comité des affaires autochtones.

[Français]

Aujourd'hui, nous commençons notre étude du projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien.

[Traduction]

Nous sommes enchantés d'accueillir trois témoins qui nous parleront du projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien. Ce sont la sénatrice Frum, marraine du projet de loi, Shimon Fogel, président-directeur général du Centre consultatif des relations juives et israéliennes, et Michael Mostyn, chef de la direction de B'Nai Brith Canada.

Je présume que nous entendrons d'abord la sénatrice Frum. Lorsque nous aurons terminé, ce matin, nous ferons une brève pause, après quoi nous étudierons le projet de loi article par article.

Bienvenue, sénatrice Frum. Vous avez la parole.

L'honorable Linda Frum, marraine du projet de loi : Merci au président et aux sénateurs de cette occasion de témoigner en faveur du projet de loi d'intérêt public S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien.

C'est certainement la première fois que je prends place de ce côté-ci de la table des audiences. J'ai dû me retenir pour ne pas me présenter lorsque les membres du comité l'ont fait. Je suis tout de même heureuse de prendre la parole pour appuyer un projet de loi qui a déjà reçu un soutien très solide au Sénat. Le projet de loi est l'aboutissement d'un effort des deux partis et des deux chambres visant à désigner par voie législative un moment de l'année où nous célébrerons les contributions que la communauté juive a apportées au Canada.

Je tiens à saluer les efforts de Michael Levitt, député de York-Centre, qui a pris l'initiative du projet de loi. Je veux aussi signaler le soutien qu'ont apporté les députés Randall Garrison et Peter Kent et les sénateurs Wetston, Fraser, Jaffer et Gold et les en remercier.

Bien que la sénatrice Jaffer soit officiellement désignée comme la critique du projet de loi, l'appui éloquent qu'elle lui a donné à l'étape de la deuxième lecture a été particulièrement émouvant et bien senti. Il tombe bien que le projet de loi soit étudié au Sénat en mai, car ce mois revêt une grande signification pour la communauté juive du monde entier. C'est le mois de mai que les États-Unis ont choisi pour célébrer les contributions de la communauté juive américaine. Ils l'ont fait en 2006, année où le président George W. Bush et le Congrès ont pris une résolution en ce sens.

S'exprimant à l'occasion du Mois du patrimoine juif américain, en 2010, le président Obama a déclaré :

Ce mois-ci, les Américains de toutes les confessions ont l'occasion de prendre conscience des contributions de la communauté juive tout au long de leur histoire, souvent en dépit d'une discrimination et d'une adversité indescriptibles. Pendant des centaines d'années, les Américains juifs se sont battus de façon héroïque dans les combats et ils nous ont incités à rechercher la paix. Ils ont bâti nos villes et guéri nos malades. Ils ont fait œuvre de pionniers dans le domaine des sciences, en politique, dans les arts. Ils sont toujours au nombre de nos dirigeants, de nos enseignants, de nos voisins et de nos amis.

Dans l'ensemble des États-Unis, de très nombreuses activités soulignent le Mois du patrimoine juif américain : conférences à la Bibliothèque du Congrès et aux Archives nationales, cours de cuisine, concerts de musique klezmer dans des villes des quatre coins du pays.

En Ontario, le Mois du patrimoine juif a été établi en 2012, et c'est le mois de mai qui a été choisi là aussi. Depuis sa création, il reçoit un large soutien parmi les citoyens, dans les organisations communautaires et dans des administrations locales de toute la province.

Par exemple, une exposition de photographies illustrant la vie juive au Canada est proposée à l'hôtel de ville de Vaughan pendant tout le mois. À Toronto, le festival annuel de cinéma juif coïncide avec le Mois du patrimoine juif et permet de célébrer la cinématographie juive du monde entier et de l'apprécier.

C'est également en mai qu'Israël célèbre une de ses fêtes les plus joyeuses, le Yom Haatzmaout, ou Jour de l'Indépendance.

Nous espérons que bientôt, grâce à l'adoption du projet de loi S-232, le Canada aura également son mois national du patrimoine juif. En légiférant pour instituer le Mois du patrimoine juif, le Parlement donne un caractère officiel à cette célébration annuelle, ce qui est important, étant donné le rapport que B'Nai Brith Canada a publié hier et dont nous entendrons davantage parler sous peu : l'an dernier, les actes antisémites ont atteint un niveau record. Cette reconnaissance officielle de la communauté et de la culture juives par les Canadiens ne peut qu'aider à promouvoir la tolérance, l'acceptation et l'intégration.

L'institution officielle de ce mois par voie législative présente un autre avantage : les organisations communautaires auront le temps voulu pour préparer des activités. L'Association européenne pour la préservation et la promotion de la culture est l'hôte de la Semaine du patrimoine juif chaque année dans toute l'Europe, manifestation qui attire plus de 120 000 visiteurs qui viennent participer à des activités dans diverses villes européennes. L'une des clés de ce succès, c'est la planification de la semaine et la communication de l'information aux intéressés très longtemps à l'avance.

J'espère que, une fois promulguée la loi sur le Mois du patrimoine juif, les organisations communautaires au Canada auront, elles aussi, la possibilité de prévoir les activités très à l'avance. Il sera d'autant plus utile d'avoir ces délais qu'il y a beaucoup de choses à célébrer et à souligner, si on songe aux réalisations et aux contributions de la communauté juive au Canada.

Les premiers arrivants juifs sont venus au Canada en 1768, mais ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que les juifs sont arrivés ici en nombre assez important. La plupart des réfugiés juifs sont venus au Canada sans rien d'autre qu'un désir sincère de bâtir un avenir plus sûr, plus prospère, pour leurs enfants et d'adopter le pays qui les avait généreusement adoptés.

Fuyant les pogroms et l'antisémitisme, surtout en Russie et en Europe de l'Est, les exilés juifs se sont installés un peu partout au Canada, d'un océan à l'autre. En fait, les deux synagogues les plus anciennes au Canada se trouvent à Sydney, en Nouvelle-Écosse, et à Victoria, en Colombie-Britannique.

Une autre vague importante de réfugiés juifs est arrivée au Canada après la Seconde Guerre mondiale. C'est alors que Montréal est devenu le troisième centre au monde pour le nombre des réfugiés qui avaient échappé à l'Holocauste. Le Canada a accueilli 40 000 survivants de l'Holocauste. Aujourd'hui, le Canada compte près de 400 000 Juifs, ce qui représente la quatrième population juive au monde, après celles d'Israël, des États-Unis et de la France.

Pour mesurer correctement les contributions immenses et variées que les Juifs canadiens ont apportées à la société, il faudrait passer en revue presque tous les aspects de l'entreprise humaine : vie universitaire, droit, politique, médecine, affaires, philanthropie, sciences, arts, divertissement et même alimentation. J'espère que, grâce à l'institution du Mois du patrimoine juif canadien, tous les Canadiens, juifs et autres, auront la possibilité de mieux comprendre la culture et l'histoire des Juifs canadiens et de célébrer le rôle essentiel que la communauté juive a joué pour amener le Canada à s'intégrer à l'un des meilleurs courants qui se manifestent dans le monde où nous vivons. Ces célébrations prendront la forme d'expositions, de concerts, de salons du livre, d'assemblées scolaires et de beaucoup d'autres initiatives de création.

Moi qui suis une sénatrice conservatrice, je manquerais à mon devoir si je ne faisais pas remarquer que la promulgation de la loi proposée n'entraînerait aucun coût, aucun effort de financement. Les seules dépenses prévisibles seront celles qui seront engagées dans les activités auxquelles le gouvernement décidera de participer; ce qui se passe en Ontario, toutefois, c'est que, le plus souvent, les organisations juives sont les hôtes des manifestations et invitent la société en général à y participer.

Je suis heureuse que, jusqu'à maintenant, le projet de loi ait recueilli un appui unanime. J'ai hâte de répondre aux questions que vous pourriez avoir à poser.

Le président : Merci, madame la sénatrice Frum. Messieurs, voudriez-vous intervenir avant que nous ne posions des questions? Vous y êtes chaleureusement invités.

Shimon Fogel, président-directeur général, Centre consultatif des relations juives et israéliennes : On me permettra une observation ou deux, mais je tiens au préalable à reconnaître le rôle de premier plan que la sénatrice Frum et son collègue de l'autre endroit, Michael Levitt, ont joué dans la promotion de cette initiative.

On a parfois l'impression que le Canada est l'un des derniers bastions du multiculturalisme. Nous y célébrons la diversité et faisons valoir avec fierté les contributions d'une multitude de communautés confessionnelles et ethniques à l'édification de notre beau pays. Pourtant, même chez nous, nous devons affronter un niveau choquant de haine et de discrimination qui visent un grand nombre de groupes, dont la communauté juive n'est pas la moindre. Je m'en tiendrai là sur la question pour l'instant, car je crois savoir que Michael Mostyn abordera ce sujet.

Nous avons mis en place différentes mesures et différents moyens afin de nous protéger contre ces manifestations de haine. Depuis peu, le Parlement étudie un projet de loi qui vise à renforcer la protection des centres confessionnels et ethniques et à élargir les protections déjà accordées aux lieux de culte. Tout cela est bien. Mais pour l'essentiel, il s'agit d'initiatives qui constituent des réactions après coup, et elles visent à protéger et à renforcer la sûreté et la sécurité des plus vulnérables.

L'idée des mois du patrimoine est celle d'une approche proactive qui vise à faire reculer l'ignorance qui est au fond la source de l'intolérance que nous voudrions tous réprimer et éradiquer. C'est dans ce contexte que les mois du patrimoine jouent un rôle important, à mon sens, pour aider les autres Canadiens à prendre conscience des valeurs communes de communautés particulières, en l'espèce de celle à laquelle je suis fier d'appartenir. Ils atténuent la méfiance et l'hostilité qui découlent de l'ignorance où nous sommes des autres communautés confessionnelles.

Une dernière observation qui me semble importante : nous devons aussi comprendre que les mois du patrimoine représentent une autre grande valeur, cette fois pour les communautés elles-mêmes. D'une part, nous ne devons pas oublier qu'un mois du patrimoine est l'occasion de démasquer les faussetés et les appréhensions au sujet d'une communauté donnée. D'autre part, nous devons nous souvenir que toute cette entreprise est ancrée dans la contribution d'une communauté donnée à l'ensemble de la société canadienne.

Ainsi, nous faisons comprendre à ces communautés que nous attachons de la valeur à ce qu'ils apportent au Canada, mais aussi que nous voulons qu'elles s'intègrent dans un contexte qui renforce les valeurs canadiennes fondamentales et enrichit la vie de tous les Canadiens et de la société canadienne. Lorsque nous songeons à instituer un mois du patrimoine, nous espérons que cette initiative sera bénéfique pour la société canadienne, mais aussi pour la communauté en cause, notamment lorsqu'il s'agit de communautés installées depuis moins longtemps au Canada, car il faut les aider à comprendre qu'elles ont la possibilité d'apporter une vraie contribution à la société et que cela renforcera toute la société canadienne.

Je suis très reconnaissant du soutien qui s'est exprimé en faveur d'un Mois du patrimoine juif canadien, et je réitère mes remerciements à la sénatrice Frum et à Michael Levitt, qui ont su porter cette initiative.

Le président : Merci beaucoup.

Michael Mostyn, chef de la direction, B'Nai Brith Canada : Merci et bonjour, honorables sénateurs. Qu'on me permette tout d'abord de remercier de nouveau la sénatrice Frum d'avoir été le fer de lance du projet de loi S-232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien. Je salue et remercie également Michael Levitt, de l'autre endroit, qui est parmi nous aujourd'hui. Il est un solide représentant de la communauté juive et de la population de York-Centre.

La loi proposée est tout à fait la bienvenue. Elle reconnaîtra les nombreuses réalisations de la communauté juive canadienne, dont les membres ont dû surmonter maints obstacles dès les premières années du Canada comme colonie et qui ont malgré tout apporté une importante contribution au tissu de la société canadienne. En dépit du racisme systémique qui les visait, les membres de notre communauté ne se sont jamais considérés comme des victimes, préférant voir dans les embûches des occasions d'agir plutôt que des obstacles. C'est grâce à notre persévérance et à notre volonté d'affronter l'adversité et de nous améliorer que la communauté juive a pu aider à construire le Canada, même si elle était peu nombreuse.

La première immigrante juive au Canada a été Esther Brandeau, de France, qui est arrivée en 1738. Pour pouvoir se faire admettre au Canada, elle a été contrainte de cacher sa confession juive. Femme de principe, elle a tenu bon, lorsque sa religion a été révélée, et a refusé de céder aux pressions sociales et gouvernementales et de se convertir, ce qui a fini par entraîner son expulsion du Canada.

C'est là l'exemple par excellence illustrant l'antisémitisme qui sévissait pendant cette première période de la culture canadienne : on pouvait être victime de discrimination du simple fait qu'on était juif. Ce fut une dure réalité à vivre pour beaucoup de Canadiens, y compris l'officier commissaire Aaron Hart, qui s'est installé dans le Québec moderne de 1761. À la différence de bien des membres de la communauté qui craignaient d'afficher leurs convictions religieuses, Aaron Hart a ouvertement fait connaître sa religion en fondant la synagogue Shearith Israel à Montréal en 1768.

L'engagement politique de notre communauté a débuté avec le fils de Hart, Ézéchiel, qui a suscité la controverse en se faisant élire à l'Assemblée législative du Bas-Canada en 1807 et en prêtant serment sur la Bible hébraïque plutôt que sur la Bible chrétienne. Hart a été un pionnier, et ce sont des gens comme lui qui témoignent de la vigueur et de la résilience de notre communauté.

Il y a aussi des gens comme David Arnold Croll, qui a été élu à la Chambre des communes du Canada en 1945 et est devenu le premier sénateur canadien juif en 1955. On songe encore à Nathan Phillips, ancien président de la B'Nai Brith Upper Canada Lodge, qui a été élu pour la première fois au conseil municipal de Toronto en 1926 et a été maire de la ville de 1955 à 1962. Le maire Phillips a interrompu la succession des maires protestants qui avaient dirigé la ville pendant plus d'un siècle, ce qui a marqué la naissance du Canada diversifié et multiculturel dont nous sommes tous fiers aujourd'hui.

Toutefois, il n'y a pas que des juifs isolés qui ont aidé à renforcer et à développer le Canada. Des membres de notre communauté se sont souvent coalisés autour d'initiatives importantes lorsqu'ils étaient en bute à la discrimination raciale. Ainsi, certains des centres de santé les plus réputés au Canada ont été au départ des établissements médicaux juifs créés après que des médecins juifs se furent trouvés dans l'impossibilité d'exercer leur profession à cause de contingentements qui limitaient le nombre d'étudiants juifs admis en médecine dans les universités canadiennes. Devant cette discrimination antisémite, des Juifs se sont réunis pour créer des hôpitaux comme le Mount Sinai, à Toronto, l'Hôpital général juif, au Québec, et le Louis Brier Home and Hospital de Vancouver. Même s'ils ont été fondés à cause de l'antisémitisme, ces centres sont aujourd'hui ouverts à tous les Canadiens sans distinction de race, de religion ou de croyance.

La communauté juive a derrière elle une longue tradition qui accorde une grande importance à l'éducation et à son soutien. L'expérience négative que les juifs ont vécue dans le domaine médical, ils l'ont aussi connue dans les écoles publiques où ils étaient souvent victimes de préjugés. Notre réaction a été de bâtir nos propres écoles non seulement pour éviter ces problèmes, mais aussi pour pouvoir élaborer des programmes d'études qui inculquent des valeurs religieuses et culturelles juives importantes, enseignements qui, à ce jour, revêtent toujours un caractère sacré à nos yeux.

Beaucoup d'entrepreneurs juifs ont aussi réussi au Canada en créant des entreprises qui ont su prospérer. Il n'y a pas si longtemps, les membres de notre communauté qui obtenaient leur diplôme en droit ne pouvaient trouver un emploi à cause d'un antisémitisme profondément ancré. Bora Laskin, ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada, a obtenu son diplôme de droit et, même s'il avait décroché la médaille d'or à l'Université de Toronto et à Harvard, il n'arrivait pas à se faire engager par un cabinet d'avocats canadiens. L'Université de Toronto a fini par l'engager comme professeur à cause de son sens exceptionnel du droit. Des avocats juifs ont bien saisi cette tendance, mais au lieu d'accepter ces pratiques d'embauche racistes, ils ont entrepris d'établir leurs propres cabinets, où ils pouvaient librement pratiquer le droit et engager non seulement d'autres Juifs, mais aussi des membres d'autres minorités pour leur donner la possibilité d'exercer leur profession.

Les réalisations et les progrès qu'on doit depuis longtemps à notre communauté ne sont pas le fruit du hasard. Ils sont le produit d'un travail acharné et du dévouement de gens comme Irwin Cotler, juriste, professeur et homme politique qui a contribué aux efforts de lutte contre la discrimination au Canada et ailleurs dans le monde et qui a travaillé avec l'équipe juridique de Nelson Mandela, en Afrique du Sud, à la demande de cette équipe. Cotler n'est qu'un des nombreux avocats canadiens juifs qui ont enrichi le paysage juridique du Canada tel que nous le connaissons aujourd'hui.

Et puis, il y a une légion d'artistes juifs qui ont contribué à la vie artistique canadienne de façon innovatrice et dont certains se sont sentis obligés de dissimuler leur identité religieuse pour faire reconnaître leur légitimité. Des Canadiens comme Abraham Moses Klein, Leonard Cohen, Frank Gehry, Geddy Lee, Mordecai Richler, Eugene Levy, Paul Shaffer et beaucoup d'autres continuent de nous donner des œuvres splendides qui exerceront une influence et seront une source d'inspiration pendant des années.

Les contributions des Juifs canadiens dans les sphères sociale, politique et culturelle sont indispensables à la compréhension de l'histoire du Canada. Et même si nous sommes toujours la cible d'attaques aujourd'hui, comme le montre la vérification annuelle des incidents antisémites publiée par B'Nai Brith Canada, nous n'avons pas laissé l'antisémitisme nous définir ni nous intimider. Au contraire, c'est notre foi, notre culture, notre patrimoine qui nous animent, ainsi que notre amour d'Israël, patrie du peuple juif. Des organisations comme B'nai Brith Canada donnent en retour au Canada depuis 1875, et même s'il faut toujours se porter à la défense des Juifs canadiens, tandis que nous poursuivons la lutte contre des formes modernes d'antisémitisme, comme le BDS Movement, nous avons accompli beaucoup de choses dont nous pouvons être fiers.

Il est vrai que notre communauté est toujours minoritaire, mais l'histoire de notre réussite, c'est l'histoire d'un triomphe sur les obstacles du passé et d'aujourd'hui. En soulignant en mai le Mois du patrimoine juif canadien, nous célébrerons votre aptitude à surmonter ces obstacles et les contributions et réalisations diverses de notre communauté en faveur du Canada, notre grand pays. Notre énergie nous a toujours permis de renverser ces obstacles les uns après les autres en mettant l'accent sur les moyens de nous prendre en charge nous-mêmes et, ensuite, d'aider ceux qui nous entourent. Au lieu d'être des victimes, nous sommes devenus un groupe dynamique de personnes passionnées, énergiques et compatissantes. Comme le disait Hillel l'Ancien : « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? »

La communauté juive a souscrit à cette notion pour surmonter les restrictions qui lui ont été imposées par le passé et s'entraider afin de créer un Canada diversifié et accueillant pour tous les Canadiens, venus de tous les horizons.

Le président : Merci de votre convaincant témoignage. Nous commencerons par les questions de la vice-présidente.

La sénatrice Ataullahjan : Merci d'être parmi nous ce matin. Y a-t-il des différences entre le texte à l'étude et la loi que l'Ontario a fait adopter en 2012?

M. Fogel : Sauf erreur, la réponse brève est la suivante : aucune différence importante. La sénatrice Frum pourra peut-être donner une réponse plus précise, mais je crois que le projet de loi s'inspire du libellé et de l'approche que l'Ontario a retenus en proposant, au niveau provincial, un mois du patrimoine.

La sénatrice Frum : La formulation du projet de loi ontarien et celle du nôtre sont à peu près identiques.

La sénatrice Ataullahjan : Vous venez de parler de la montée de l'antisémitisme. Il en était aussi question dans les informations hier. Croyez-vous que l'adoption du projet de loi aiderait à combattre l'antisémitisme au Canada? Comment expliquons-nous cette montée récente de l'antisémitisme? Quel changement est-il survenu pour que les incidents se fassent plus nombreux?

M. Mostyn : Merci beaucoup de cette question. Hélas, ce que nous avons observé, et ce que les données longitudinales de B'Nai Brith Canada ont montré, c'est qu'il existe un niveau constant d'antisémitisme. Je conviens cependant qu'un plus grand nombre d'incidents sont signalés dans les médias, ce qui est positif. La lumière du soleil est le meilleur désinfectant. S'il existe du racisme, notre société doit le savoir. Si nous n'en parlons pas, nous ne pouvons pas le combattre. La sensibilisation est la clé. La clé, c'est qu'un groupe donné puisse comprendre l'humanité fondamentale d'un autre groupe.

Les mois du patrimoine comme celui qui est proposé ici braquent les projecteurs sur l'humanité de différentes communautés, sur les réalisations et sur nos moyens de travailler ensemble pour bâtir un meilleur pays, ce qui sera très utile pour combattre cette tendance, je l'espère.

Le président : Heureux que vous soyez de retour, madame la sénatrice Eaton. Bienvenue.

La sénatrice Eaton : Madame la sénatrice Frum, cela tient peut-être de l'évidence, mais pourquoi mai est-il un mois spécial pour le peuple juif?

La sénatrice Frum : Comme je l'ai dit, mai revêt une importance particulière à cause d'Israël, la patrie du peuple juif; C'est le mois de l'indépendance d'Israël. Mais si nous avons choisi le mois de mai pour souligner le mois fédéral ou national du patrimoine, c'est par souci d'harmonisation avec l'Ontario et les États-Unis. Ce mois du patrimoine sera célébré partout en même temps...

La sénatrice Eaton : À cause du Jour de l'indépendance en Israël.

La sénatrice Frum : C'est effectivement le mois du Jour de l'indépendance en Israël, le Jewish American Heritage Month et le mois ontarien du patrimoine. Il est logique que le mois canadien corresponde au mois ontarien, et je crois que mai a été choisi par l'Ontario parce que c'était celui retenu aux États-Unis.

La sénatrice Eaton : Les Américains ont choisi ce mois à cause de la fête de l'indépendance israélienne.

La sénatrice Frum : J'ignore si c'est la raison précise, mais c'est probablement une bonne explication.

M. Fogel : Il existe aussi un lien avec des faits essentiels, pendant la Seconde Guerre mondiale et l'Holocauste. Ce n'est pas un effet du hasard, même si l'ONU a choisi le 27 janvier pour la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l'Holocauste. Pour certaines raisons historiques, on accorde beaucoup d'attention à certaines dates en mai qui constituent des étapes, pour peu qu'on puisse employer ce terme, relativement à l'Holocauste. Selon moi, le mois du patrimoine marque le rejet le plus puissant et le plus éloquent de ce qui a mené à l'Holocauste. Il met l'accent sur la contribution à la communauté, la capacité d'être accueilli et intégré. Le mois de mai a donc une résonnance particulière.

La sénatrice Martin : Merci de vos témoignages. Je ne savais pas que la synagogue la plus ancienne se trouvait à Victoria. Il faudra que j'y aille un jour.

Vous avez dit que, par sa taille, la communauté juive du Canada était au quatrième rang par ordre d'importance. Évidemment, les États-Unis célèbrent ce mois du patrimoine. La France a-t-elle également un mois du patrimoine juif?

M. Fogel : En Europe, comme pour bien des choses, surtout maintenant, après les élections en France, on fait les choses de façon plus intégrée. Il existe une organisation cadre représentant de nombreux pays de la communauté européenne qui sont les hôtes ou les parrains de diverses activités liées au patrimoine. Ces activités ont lieu à différents moments de l'année, mais chose certaine, la France y participe, ainsi que l'Espagne et le Portugal. Il y a même une certaine participation en Europe de l'Est. Il existe là-bas une approche collective coordonnée de ce type de manifestation.

La sénatrice Martin : Je sais que, en Amérique du Nord, nous observons souvent cette approche commune de la commémoration ou de la célébration. Je sais que les États-Unis ont aussi un mois du patrimoine asiatique, que nous célébrons.

Savez-vous s'il y a une certaine coordination, des activités synergiques, aux États-Unis, car il s'agit de remémorer l'histoire d'immigrants et de rappeler leur contribution? Je me demande s'il y a des choses qui se font là-bas. Nous pourrions peut-être les étudier et nous assurer de nous épauler les uns les autres pour toutes ces différentes célébrations.

M. Fogel : Je ne suis au courant d'aucune programmation coordonnée, mais je dirais qu'une grande partie des activités réussies du mois du patrimoine, si on se place sur le plan générique, se déroulent au niveau local. On trouve là un partenariat et une collaboration beaucoup plus immédiats entre différentes communautés. Ce pourrait être là un des défis qui nous attendent : rendre l'expérience plus signifiante en faisant intervenir d'autres communautés, en partageant l'expérience avec d'autres communautés qui ont une histoire semblable à raconter au sujet de l'épanouissement de leur identité canadienne.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup, madame la sénatrice Frum, d'avoir parrainé le projet de loi, et de comparaître aujourd'hui pour nous renseigner un peu plus sur votre culture. Je suis favorable à l'idée de prévoir une certaine période pour honorer votre communauté.

Je suis issue d'une petite communauté, à Moncton, au Nouveau-Brunswick, où la population juive est présente, mais très peu nombreuse. L'un des mes bénévoles favoris était une femme qui travaillait très fort avec moi dans les débuts d'une organisation que j'ai créée.

Ma question porte sur la place des femmes dans la culture et le patrimoine juifs et sur les contributions qu'elles ont apportées au Canada. Je voudrais aussi savoir si, pendant le mois du patrimoine, il y aurait une façon de souligner l'apport des femmes. N'importe lequel des témoins peut répondre.

La sénatrice Frum : D'une certaine façon, je vais me reporter à la réponse que Shimon a donnée à la dernière question : oui, il y a un nombre infini d'activités qui sont possibles et il n'y a aucune restriction sur la façon de s'y prendre. La question de la sénatrice Martin et la vôtre montrent que, quand on réfléchit à la façon de célébrer correctement le patrimoine et la culture, on mobilise la créativité pour définir la bonne façon de s'y prendre, qu'il s'agisse de coparrainer des activités avec d'autres communautés ou de choisir de mettre l'accent sur un segment de la communauté, comme les femmes et leur contribution.

Je présume que, de nous trois, je suis le seul témoin qui puisse le dire, mais les femmes juives sont bien connues comme une force qui compte dans notre communauté. Je ne peux imaginer qu'on célèbre ce mois sans tenir compte de ce fait. Ce serait un problème, si on ne le faisait pas.

Chose certaine, je ne peux pas envisager un mois du patrimoine juif qui ne soulignerait pas les contributions des femmes.

Il y a beaucoup d'organisations féminines juives qui voudront saisir l'occasion de célébrer les héroïnes de leur mouvement et de s'assurer que les jeunes femmes juives demeurent très engagées dans leur communauté. À Toronto, je m'occupe d'associations qui œuvrent en ce sens.

La sénatrice Hartling : Vous êtes probablement l'une de ces femmes.

La sénatrice Frum : Je connais beaucoup de ces femmes.

La sénatrice Bovey : Je vous remercie de ce projet de loi très important. Moi qui ai passé ma vie professionnelle à Winnipeg et à Victoria, je dois souligner l'énorme contribution de la communauté juive, notamment artistique, à la vitalité de ces villes. Vous avez parlé, monsieur Mostyn, de certains des artistes en cause. Nous serions ici pour le reste de la semaine si nous énumérions tous les grands artistes canadiens d'ascendance juive.

Cela ne relève probablement pas de nous, mais j'ai une observation à faire. Je voudrais qu'on parle davantage des contributions passées et actuelles des membres de la communauté juive dans nos programmes d'études un peu partout au Canada. Si nous voulons tuer dans l'œuf la haine et le racisme, nous devons trouver un moyen collectif d'amener les jeunes à se réjouir des réalisations passées. Puisse ce mois du patrimoine nous y aider.

La sénatrice Bernard : Merci à vous tous de vos témoignages, que j'ai trouvés très émouvants.

Commençons par situer le contexte. Je suis tout à fait d'accord pour qu'on propose et adopte le projet de loi. Mais je suis aussi très consciente du fait que, tout comme l'antisémitisme, le racisme contre les noirs est à la hausse au Canada. Chez nos voisins, les États-Unis, l'African American History Month est célébré depuis 1926, alors qu'un mois semblable est célébré depuis le début des années 1950 chez nous. En 1995, la Chambre des communes a adopté le Mois de l'histoire des Noirs, et le Sénat a fait la même chose en 2008, à l'instigation du sénateur Oliver. Nous avons donc chaque année des célébrations très dynamiques. Bien des gens ont hâte à ces célébrations, mais ils ne font pas grand- chose pour lutter vraiment contre le racisme, notamment le racisme systémique.

Que pensez-vous de la façon dont le projet de loi peut aider à renforcer un peu la lutte contre l'antisémitisme et le racisme?

M. Fogel : J'accepte la prémisse de votre observation et j'en reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure.

Ce qui permettra de renverser beaucoup d'obstacles et de sensibiliser l'opinion aux difficultés que doivent surmonter beaucoup de communautés, c'est de faire reculer la suspicion et l'hostilité, c'est de connaître l'autre d'une manière que ne permet pas notre tendance à vivre chacun dans son petit monde, chacun pour soi.

À mon sens, l'aspect le plus important du mois du patrimoine est qu'il fournit aux membres d'un groupe donné l'occasion de se lier plus directement, plus profondément avec les autres. D'après ma propre expérience, en tout cas, les gens découvrent alors ce qu'ils ont en commun, comprennent les difficultés que l'autre doit surmonter et acquièrent la volonté de travailler ensemble.

Nous avons aujourd'hui des mécanismes, une technologie et une capacité que la génération précédente ne possédait pas pour communiquer entre nous. Nous tenons là l'occasion d'accélérer vraiment la connaissance de l'autre. Si nous pouvons y arriver, il en découlera naturellement une volonté commune d'améliorer les choses. Nous avons dans la tradition juive une notion, le Tikkun Olam, à laquelle d'autres ont largement fait appel, et cela veut dire réparer ce qu'il y a de brisé dans le monde. Si nous pouvons utiliser ces manifestations comme des bases pour pouvoir nous engager et nous rejoindre vraiment les uns les autres, nous pourrons créer une impulsion pour mobiliser ces contacts et servir le bien collectif.

M. Mostyn : Puis-je ajouter un mot? Je suis d'accord sur tout ce que Shimon vient de dire, mais il n'y a aucun intérêt à ce qu'une communauté tienne des célébrations toute seule. Nous faisons tous partie du Canada et l'essentiel de toute journée du patrimoine, c'est de faire connaître les contributions d'une communauté donnée aux autres communautés pour qu'elles puissent comprendre.

Si les diverses communautés commencent à faire preuve d'un peu plus de créativité que par le passé et à sortir des sentiers battus, nous trouverons des moyens plus éclairés. En fait, il s'agit d'une occasion perdue. S'il s'agit d'une simple célébration, fort bien : nous sommes au Canada depuis un certain temps, nous avons vaincu des obstacles et nous avons réalisé de grandes choses au Canada. Bien d'autres groupes peuvent en dire autant. Parallèlement, si nous tenons compte de la vraie réalité du monde d'aujourd'hui, il est probable que chaque communauté devrait s'efforcer de voir comment s'appuyer sur cette base et sur ses expériences pour agir tous ensemble.

Le sénateur Ogilvie : En écoutant les arguments très convaincants invoqués en faveur du projet de loi, je me suis dit que j'avais un exemple qui illustrait ce sur quoi vous avez tous les trois insisté dans vos déclarations : l'intégration de la communauté juive à la société, sa façon de se joindre à d'autres communautés.

Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse, et je sais fort bien que, en général, la communauté originaire du Cap-Breton a eu un impact marqué dans le Canada atlantique, le plus souvent sans aucune référence culturelle ni religieuse, grâce à une intégration totale à la société.

Mon premier étudiant diplômé, lorsque j'ai pris mon premier poste à l'Université du Manitoba, où a débuté ma carrière professionnelle, était Louis Slotin, dont l'oncle a participé à des expériences nucléaires aux États-Unis. Cette seule participation à un développement formidable dont le grand impact est habituellement reconnu, mais qui peut toujours avoir d'incroyables retombées pour l'humanité, témoigne d'un incroyable héroïsme et d'un grand brio scientifique.

La plupart des gens de mon âge savent que l'expérience de pile atomique a échappé à la maîtrise des scientifiques à un moment donné. L'un d'eux s'est précipité dans la pile. C'était l'oncle de Louis. Il savait ce qui se passait et savait aussi ce qu'il adviendrait de lui. Il a fait cette intervention cruciale pour freiner une réaction qui s'emballait, sauvant ainsi d'innombrables vies. Cela a finalement et directement mené à une contribution extraordinaire à la connaissance de cette source d'énergie incroyable.

C'est un exemple de réflexion instinctive sur la contribution apportée par des gens d'une communauté à la société plus large.

Le président : Merci beaucoup. Si aucun autre sénateur ne souhaite intervenir, je voudrais faire une observation personnelle, puisqu'il a été question de l'Hôpital général juif de Montréal. N'eût été de cet établissement... Mon beau- frère y a reçu des soins incroyables. Je m'en tiendrai à cela. Il vit bel et bien et il est heureux des soins reçus. C'est là une note strictement personnelle.

Quant à l'autre question, je rappelle que nous sommes le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, et vous avez employé le terme « intégration » et parlé de l'humanité de chacun et de la sensibilisation. Nous venons de réaliser une étude sur les réfugiés syriens. Ce qu'il y a de merveilleux dans tout cela, qu'il s'agisse de l'Église unie ou de la communauté juive, c'est que beaucoup de réfugiés ont été renversés d'apprendre que c'était la communauté juive ou d'autres communautés qui les accueillaient. Si quelque chose se fait en mai 2018, ce serait un cadre merveilleux pour établir un lien. Vous dites que vous ne pouvez pas mener des célébrations seuls; ce serait un geste merveilleux envers le monde musulman et le reste du monde, et il témoignerait de ce que nous faisons, de ce que fait le Canada.

Pour conclure, je dirai que je suis profondément convaincu de la valeur des projets de loi d'initiative parlementaire. Il faut parfois beaucoup de temps pour les faire aboutir, mais le Comité des affaires sociales du sénateur Ogilvie a adopté mon projet de loi sur le monde de l'autisme. Il a fallu passablement de temps, mais en ce sens, le 2 avril est désormais une date qui galvanise cette communauté. Dans l'ensemble du Canada, on brandit des drapeaux et on discute. C'est plus que de la simple sensibilisation, c'est plus que se demander pourquoi on le fait durant cette journée, cette semaine, ce mois; c'est bien plus que cela.

J'admire ce que vous faites.

La sénatrice Pate : Une des questions que je me pose concerne le défi, un défi constructif... Étant donné les violations des droits de la personne dont les juifs ont été victimes si souvent et depuis si longtemps dans le monde entier, il serait merveilleux d'essayer de voir s'il est possible d'associer, comme d'autres l'ont proposé, des façons de mettre en évidence les cas où les violations des droits de la personne n'ont pas visé que les juifs et n'ont pas eu lieu que pendant l'Holocauste, mais où il y a eu une dénigration de minorités, de groupes vulnérables ou marginalisés. Ma question est la suivante : avez-vous des idées de cet ordre? Dans l'affirmative, comment d'autres personnes pourraient-elles participer?

M. Fogel : Votre programme est chargé, et je ne veux pas prendre trop de temps. Ces idées ne sont pas intégrées à la notion de mois du patrimoine, mais il existe une longue et fière tradition de cet ordre dans les organisations communautaires juives. Le président a parlé de l'expérience récente des réfugiés de Syrie et du Moyen-Orient qui ont été accueillis au Canada, et l'effort de parrainage de la communauté juive de tout le Canada n'a pas été le moindre. Mais les juifs se sont engagés dans des dossiers comme ceux du Darfour, du Soudan du Sud et une foule d'autres dossiers, même celui de l'Ukraine ces dernières années... Cela montre que la communauté juive prend à cœur ses propres leçons amères pour se faire le champion de questions de justice sociale et qu'elle puise dans sa propre expérience pour en aider d'autres à affronter les violences et la discrimination, par exemple, aussi bien au Canada qu'à l'étranger.

Je prends acte de votre point de vue : c'est là une chose dont il faudrait tenir compte lorsque nous parlons de l'histoire de la communauté juive au Canada et de ses contributions, mais il ne faut pas se limiter à raconter le passé. Nous mettons l'accent sur ce qui peut être, avec l'aide et la participation de la communauté juive. Qu'il s'agisse de questions de justice sociale qui se posent chez nous, au Canada, ou qui surgissent ailleurs dans le monde, nous sommes au premier rang lorsqu'il s'agit de promouvoir la justice sociale, les droits de la personne et les autres valeurs du même ordre.

M. Mostyn : J'ajouterai simplement que nos deux organisations ont au Canada une longue et fière tradition d'intervention jusqu'au niveau de la Cour suprême du Canada pour défendre les intérêts d'autres groupes en matière de justice sociale et de droits de la personne. Cela fait partie de notre patrimoine et de notre tradition. Nous allons tous persévérer dans la même voie à l'avenir. C'est important pour nous tous.

La sénatrice Frum : Le Sénat a adopté récemment un projet de loi sur la discrimination génétique et il en étudie maintenant un autre sur les droits des personnes transgenre. Le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, dont Shimon est président-directeur général, a été un des groupes de lobbying les plus actifs dans ces deux dossiers. Je le sais, puisqu'il a fait des démarches auprès de moi. Il cherche à protéger les minorités et ceux qui, par le passé, ont été victimes de discrimination.

C'est un élément qui fait partie de notre patrimoine et de notre culture. Votre question nous donne l'occasion d'en parler, tout comme le Mois du patrimoine juif canadien nous offrira la possibilité de parler de ce que nous faisons.

M. Fogel : Qu'on me permette de conclure en rappelant la deuxième partie de la citation d'Hillel l'Ancien dont M. Mostyn a évoqué la première partie tout à l'heure : « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera? » Voici la deuxième : « Et si je ne suis que pour moi, qui suis-je? » La communauté juive est restée fidèle à cet enseignement, depuis deux millénaires que ce sage a défini ce double défi qui concerne notre responsabilité envers autrui.

Le président : C'est ainsi que le Comité des droits de la personne fonctionne : ensemble. Les interventions que nous venons tous deux de faire en ont suscité d'autres.

La sénatrice Andreychuk : Nous voulons tous dire clairement que la communauté dont les représentants comparaissent est l'une des plus organisées, l'une des plus engagées qui soient, et elle a beaucoup travaillé pour le Canada et pour elle-même. Plus tôt nous adopterons le projet de loi — car cette communauté est bien en avance sur nous —, plus tôt elle pourra organiser la célébration de ce mois.

Merci à la sénatrice Frum, qui est une grande porte-parole pour sa communauté tant au Sénat que dans le monde entier. J'ai travaillé pendant de longues années avec MM. Fogel et Mostyn. Cette communauté est bien organisée et elle est plus avancée que nous. D'autres communautés se sont inspirées d'elle et continuent de travailler avec elle.

Adoptons le projet de loi.

La sénatrice Ataullahjan : Comme musulmane, je dois vous exprimer ma gratitude. Vous êtes les premiers à intervenir et à défendre les musulmans lorsqu'ils sont victimes de discrimination. J'ignore si vous recevez ce message de la communauté musulmane, mais elle est très reconnaissante. Nous sommes honorés que vous parliez au nom de nous tous. La sénatrice Frum sait que j'appuie fermement le projet de loi. Merci du travail que vous accomplissez.

La sénatrice Martin : Je dirai brièvement que cela est inspirant. Je tiens à dire à quel point j'appuie le projet de loi et apprécie ce que la communauté juive a fait. Votre communauté est un modèle pour d'autres groupes qui cherchent à devenir des communautés plus solides dans la mosaïque canadienne. J'appuie à fond le projet de loi.

La sénatrice Eaton : À titre de présidente de l'Institut pontifical de Toronto, et il n'y a que quatre de ces instituts dans le monde, je tiens à dire que je rappelle sans cesse que le judaïsme, le christianisme et l'islam sont autant de religions rattachées à Abraham. Nous avons tous la même origine. Nous devrions tous nous faire connaître les uns aux autres, car nous sommes les membres d'une même famille. Nous sommes des chapitres différents d'un même livre.

Le président : Un mot de conclusion. Je viens des Maritimes, et je comprends tous mes amis du Cap-Breton. Nous devrions prendre exemple sur ce qui s'est passé à Sydney, en Nouvelle-Écosse, avec tous mes amis du Cap-Breton. Il est important que vous ayez comparu tous les trois aujourd'hui. Merci beaucoup de vos exposés.

S'il n'y a pas d'autres questions, est-ce d'accord pour que nous passions à l'étude article par article du projet de loi S- 232, Loi instituant le Mois du patrimoine juif canadien?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le préambule est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il reporté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 1, qui contient le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le préambule est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le comité souhaite-t-il ajouter des observations au rapport?

Des voix : Non.

Le président : Est-ce d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi au Sénat?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est ce que je ferai. Merci beaucoup. La séance est levée.

(La séance est levée.)

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