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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 19 - Témoignages du 31 mai 2017


OTTAWA, le mercredi 31 mai 2017

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 11 h 31, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel.

Le sénateur Jim Munson (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. Pendant que deux sénatrices prennent place, j'aimerais mentionner, dans l'intérêt du public, que le présent comité s'est déplacé dans le cadre de son étude des droits de la personne des prisonniers dans notre système correctionnel. Il y a deux semaines, nous avons recueilli des témoignages convaincants dans divers établissements au pays, y compris Millhaven, Joyceville, Collins Bay, Bath et Ste-Anne-des-Plaines. Cette confrontation avec la réalité nous sera extrêmement utile. Nous avons aussi visité un centre de ressourcement à Québec et un établissement pour femmes à Joliette. Cette expérience a certainement été enrichissante et contribuera à rehausser la valeur de notre étude et de notre rapport.

Je demanderais maintenant aux sénatrices de se présenter.

La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l'Ontario.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Eaton : Nicky Eaton, de l'Ontario.

La sénatrice Andreychuk : Raynell Andreychuk, de la Saskatchewan.

La sénatrice Hubley : Elizabeth Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard.

La sénatrice Pate : Kim Pate, de l'Ontario.

La sénatrice Bernard : Wanda Thomas Bernard, de la Nouvelle-Écosse.

Le président : Je suis le sénateur Munson, de l'Ontario.

[Français]

Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur les droits de la personne des délinquants sous responsabilité fédérale dans le système correctionnel canadien.

[Traduction]

Nous recevons aujourd'hui, au nom du Congrès des peuples autochtones, Kim Beaudin, chef adjoint national, par vidéoconférence, ainsi que Shane Partridge, à titre personnel, qui accompagne M. Beaudin. Nous avons aussi parmi nous aujourd'hui Michelle Mann-Rempel, avocate et consultante. Nous sommes impatients d'entendre vos témoignages.

Nous allons commencer par M. Beaudin. Vous avez la parole. Après vos présentations, des questions vous seront posées.

Kim Beaudin, chef adjoint national, Congrès des peuples autochtones : Honorables sénateurs, je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui, sur le territoire traditionnel algonquin de la merveilleuse ville d'Ottawa, notre capitale nationale. Notre chef national nouvellement élu, Robert Bertrand, m'a demandé de faire cette présentation parce que, toute ma vie, je me suis préoccupé des questions de justice et de sécurité publique pour les populations autochtones. Je vis à Saskatoon, où l'on retrouve l'une des populations urbaines autochtones les plus importantes au pays. J'ai été juge de paix pour la province de la Saskatchewan pendant cinq ans et je travaille actuellement à temps partiel au sein de STR8 UP, l'un des seuls programmes de réhabilitation destinés aux membres de gangs autochtones au Canada. Par ailleurs, j'ai présidé la Coalition of Indigenous Peoples of Saskatchewan pendant sept ans.

J'aimerais féliciter le comité pour son étude sur les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel canadien. Le système correctionnel est un lieu hostile au chapitre du respect des droits de la personne. La surreprésentation des Autochtones parmi les personnes incarcérées atteint des niveaux épidémiques au Canada. Cette triste réalité est le résultat des relations historiques entre l'État et les Autochtones.

Aujourd'hui, il existe des lacunes en ce qui a trait à la participation utile des organisations autochtones à l'examen de ces questions, ainsi que dans la confiance quant à l'engagement de l'État de les résoudre. Même pour un observateur de l'extérieur, il est évident que quelque chose cloche dans le système de justice pénale, ce qui entraîne l'incarcération d'un nombre aussi élevé d'Autochtones. La surreprésentation des Autochtones dans le système correctionnel canadien soulève des problèmes d'équité en matière de procédure et de droit substantiel, y compris en ce qui a trait à des voies de recours justes et équitables en cas de violation des droits de la personne.

Nous saluons les efforts du gouvernement actuel en vue de moderniser et d'améliorer l'efficience et l'efficacité du système de justice pénale. Il s'agit d'une tâche énorme, et nous aimerions y participer.

Je suis d'accord avec les conclusions de l'Institut Macdonald-Laurier dans son étude concernant le système de justice. Le Canada a un système inefficace et coûteux, dans lequel la reddition de comptes fait largement défaut. Selon l'institut, en Saskatchewan, les lacunes du système de justice touchent particulièrement les Métis. Je crois que cette situation se retrouve partout au pays. Il a été révélateur d'apprendre qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas d'évaluation objective de la performance de ce système de justice complexe. Il n'y a pas d'évaluation analytique régulière de contrôle, non plus que de transparence et de processus de reddition de comptes.

Il faut tout d'abord comprendre que peu de ressources sont consacrées à ces questions. Le niveau d'engagement ou de confiance est très faible au ministère de la Justice. De nombreux rapports et études font état des mauvais résultats du système de justice au Canada, et peu de progrès sont réalisés.

Par exemple, en Saskatchewan, une étude a été menée en 2004 pour examiner les taux élevés d'incarcération, les taux élevés de criminalité et les conflits entre la police et les Autochtones et, 13 ans plus tard, on constate que la situation a peu changé. Elle a peut-être même empiré.

Le Canada doit accorder une attention particulière à ce qui se passe dans les pays nordiques, par exemple. En 2014, un moins grand nombre de personnes ont été incarcérées en Suède que toutes les années qui ont précédé, depuis les années 1950. Selon les nouveaux chiffres des services correctionnels et de probation de la Suède, ces derniers ont mis au point des compétences et des méthodes en matière de services communautaires, de supervision, de surveillance électronique et de probation. Alors que la Suède a réalisé des progrès, le Canada reste aux prises avec un système dysfonctionnel et inefficace.

L'accès à la justice est essentiel pour la protection et la promotion des droits de la personne. Le système de justice doit garantir les droits constitutionnels des accusés, y compris le droit à un procès juste et impartial, en vertu de l'article 11d) de la Charte. L'accès à la justice ne peut pas être considéré de façon isolée, sans tenir compte des droits de la personne, y compris la discrimination structurelle, la pauvreté, le manque d'accès aux soins de santé et à l'éducation, ainsi que l'absence de reconnaissance de nos droits concernant la culture, les territoires, les terres et les ressources.

Vous avez entendu d'autres intervenants dire que le Code criminel est de plus en plus complexe, désorganisé et lourd, et qu'il est nécessaire de le raffermir et de le rationaliser.

En 1999, la Cour suprême, dans l'arrêt Gladue, a statué que les tribunaux devaient accorder une attention particulière aux origines autochtones d'un accusé au moment de juger de sa sentence. Parmi les facteurs à prendre en compte figurent la discrimination, les mauvais traitements, l'absence de liens culturels ou familiaux et l'abus d'alcool ou de drogue.

En ce qui a trait à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, il est important que le comité souligne l'importance de sa mise en œuvre, étant donné qu'il s'agit d'un instrument essentiel pour assurer le respect des droits de la personne. Nous appuyons le point de vue de Paul Joffe, conseiller principal des Cris, selon qui la déclaration des Nations Unies représente l'instrument le plus complet, universel et international en matière de droits de la personne, portant explicitement sur les droits des Autochtones. Elle aborde les droits économiques, sociaux, culturels, politiques, spirituels et environnementaux des Autochtones. Les comités des droits de la personne ont appelé le Canada à améliorer la situation dans ses prisons, à réduire le surpeuplement et l'isolement, ainsi qu'à assurer le traitement des prisonniers ayant des problèmes de santé mentale. Le mauvais bilan du Canada à ce chapitre ne correspond pas à la façon dont les Canadiens se perçoivent.

Dans l'arrêt Daniels, il a été reconnu que nos droits autochtones inhérents n'ont pas été respectés au Canada, et cet échec comporte un lien étroit avec les enjeux abordés par ce comité. En 1972, Gérard Pelletier, alors secrétaire d'État, signalait dans un mémoire au Cabinet que les Métis et les Indiens non inscrits étaient beaucoup plus exposés à la discrimination et à d'autres écueils sociaux et figuraient parmi les Canadiens les plus désavantagés. En 2014, la situation était la même. Le surpeuplement et les injustices historiques de longue date nécessitent de l'argent, du temps et de la patience.

Il a fallu 17 ans et des millions de dollars pour que soit reconnue la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral à l'endroit des Métis et des Indiens non inscrits, en vertu de l'article 91.24 de la Loi constitutionnelle de 1867.

Au cours des 31 dernières années, le Canada s'est justifié de ne pas fournir de services aux Métis et aux Indiens non inscrits en disant qu'ils relevaient des provinces. Cette compétence n'existe plus. Lorsque la décision Daniels a été rendue, en avril 2016, elle a suscité de grands espoirs et attentes quant à l'amélioration des programmes et des services, y compris ceux touchant les droits de la personne. Cela semblait aller de soi, mais il est maintenant clair que le gouvernement fédéral devrait s'aligner et faire en sorte que nos politiques permettent de corriger ces désavantages historiques.

Ce que nous avons compris, c'est le fait qu'il n'existe pas d'obligation légale pour le gouvernement de prendre des mesures précises. Lorsque l'on traite des répercussions pratiques, légales et stratégiques liées aux droits des délinquants autochtones, on doit les associer à des questions plus larges, y compris l'autodétermination.

En conclusion, je crois qu'il est important que le comité comprenne les problèmes systémiques qui se posent avec le système de justice canadien et en rende compte, et reconnaisse qu'il faudra des efforts majeurs pour que des changements se produisent. À l'heure actuelle, il y a un nombre croissant de personnes accusées en détention, en attente de leur procès, d'Autochtones qui comparaissent en cour sans représentation, et le racisme et la discrimination continuent de prévaloir dans les services de police, les tribunaux et les établissements pénitentiaires. Les prisonniers autochtones ont une connaissance limitée des recours qui s'offrent à eux et y ont peu accès, et ils sont victimes de racisme et de discrimination. Le nœud du problème est qu'il est difficile de faire confiance à un système dont les caractéristiques fondamentales manquent de vision et de responsabilité.

J'attends avec impatience votre rapport.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Beaudin.

Madame Mann-Rempel, nous procédons ainsi maintenant parce qu'il arrive parfois que nous perdions le signal de la vidéoconférence, et qu'il serait très dommage que cela se produise. Nous allons maintenant donner la parole à M. Partridge, qui comparaît en même temps que le représentant du CPA, mais à titre individuel. Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur, à ce comité. Nous sommes heureux de vous avoir parmi nous.

Shane Partridge, à titre personnel : Merci beaucoup. Je suis aussi heureux d'être parmi vous. J'aimerais vous remercier au nom de tous les citoyens de Saskatoon, sur le territoire du traité no 6, le berceau des Métis.

Je suis membre de STR8 UP, une organisation qui aide les jeunes hommes et femmes à prendre leur destinée en main en les libérant des gangs de rue violents et du mode de vie des criminels de rue. Je suis membre de STR8 UP depuis environ cinq ans. J'y reviendrai plus tard.

J'aimerais commencer par vous donner quelques éléments de réflexion pendant que j'explique en quoi consiste STR8 UP. Aujourd'hui, par exemple, pour faire un appel téléphonique en prison, il en coûte 2,50 $. Pour une personne dans cette situation, il faut deux jours et demi de travail pour un appel téléphonique de 20 minutes. Les personnes incarcérées doivent être en contact avec leur avocat. Elles travaillent essentiellement pour pouvoir faire ces appels, et ce sont la famille et les enfants qui en souffrent.

Faisons maintenant un peu l'historique de STR8 UP. Cette initiative a vu le jour sans vision, intention, ni planification préalable. Elle n'est pas le fait de la collaboration, de la compréhension ou de l'initiative d'organismes, d'institutions et d'organisations communautaires. Elle est le résultat de la démarche de membres de gangs actifs qui souhaitaient obtenir de l'aide et du soutien pour améliorer leur confiance en eux, et bénéficier de réseaux de soutien pour les aider dans leur désir de quitter une organisation devenue pour eux abusive, destructive, dysfonctionnelle et aliénante.

Au milieu des années 1990, le phénomène des gangs est devenu une réalité discrète, mais de plus en plus importante, à Saskatoon. Le recrutement dans la rue, ainsi qu'au Centre correctionnel de Saskatoon, était omniprésent. Le père André, qui agissait comme aumônier coordonnateur au Centre correctionnel de Saskatoon à cette époque, a présenté un programme à deux volets à SCC, au centre correctionnel, en vue de résoudre ce problème croissant. Les détenus admissibles à une PS et ayant manifesté une attitude et des valeurs positives pourraient se porter volontaires pour participer à des causeries, ateliers et présentations, à l'extérieur de SCC, dans des écoles, des centres de traitement et divers groupes de jeunes et organisations communautaires, afin de raconter leur histoire et leur expérience.

Le deuxième segment de ce programme prévoyait la participation des détenus qui n'étaient pas admissibles à une PS, en leur permettant de s'exprimer en public et d'aider l'aumônier pour accueillir les organisations communautaires qui souhaitaient visiter le Centre correctionnel de Saskatoon. Ces détenus agissent comme guides, fournissent de l'information et répondent aux questions des visiteurs. De 1997 à 2017, plus de 300 détenus incarcérés, ex-délinquants et ex-membres de gangs ont participé, d'une façon ou d'une autre, à ce programme.

Nous utilisons le modèle du cercle d'influence des Premières Nations. Celui-ci a permis aux détenus et aux participants de déterminer les sources de leur dysfonction, ainsi que de leur délinquance et de leur dépendance, qui les ont amenés à un mode de vie néfaste, à la criminalité et à la participation à des gangs.

Au moment où le père André travaillait au Centre correctionnel, il a été approché par deux membres de gangs, qui participaient aux ateliers et aux présentations du centre et qui lui avaient confié leur désir de se sortir de leur gang respectif. L'un d'eux avait vu son partenaire poignardé à mort par un gang hostile, tandis que l'autre avait deux jeunes frères qui avaient suivi ses traces. Les deux étaient très désillusionnés en ce qui a trait au gangstérisme et étaient à la recherche d'une façon de s'en sortir. Ils ont fini par quitter leur gang et sont maintenant des citoyens productifs. Cela a marqué la mise sur pied d'un groupe de jeunes hommes et jeunes femmes qui ont fini par se désigner sous le nom de STR8 UP.

De nombreux centres de traitement, écoles du centre-ville, réserves, églises et organismes communautaires ont entendu parler de STR8 UP et ont invité à de nombreuses reprises ses membres à s'adresser à leurs auditoires respectifs. Depuis 1997, des membres de STR8 UP ont présenté environ 1 500 exposés, un peu partout en Saskatchewan. À l'heure actuelle, nombre de nos membres sont retournés à l'école, se sont inscrits à divers programmes de métiers, ont fréquenté des centres de traitement, ont participé à des cours d'éducation parentale et ont contribué à l'établissement et au maintien de choix de relations et de modes de vie sains.

J'aimerais aussi parler de l'un de nos membres, qui a récemment obtenu son diplôme en travail social autochtone. Il est titulaire d'un diplôme de travailleur social. Il s'agit de moi, qui suis passé de la rue et de la noirceur la plus totale à un intérêt pour la politique et à une démarche en vue de m'épanouir et de travailler dans la communauté. Je siège maintenant à de nombreux conseils partout en ville. Lorsque je ne collabore pas activement à STR8 UP, je fais du bénévolat dans la communauté. Maintenant que j'ai retrouvé la santé, je tente de redonner aux autres ce que j'ai reçu. Il ne s'agit pas seulement d'aider les autres, mais de redonner pour l'amélioration de notre société.

Les membres de STR8 UP se caractérisent par le travail qu'ils font auprès de personnes et de familles provenant de nombreux horizons. Toutefois, la majorité d'entre eux sont des descendants des Premières Nations ou des Métis. Ils proviennent de diverses villes et communautés de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Manitoba, mais vivent maintenant dans la région de Saskatoon. Nombre de nos membres n'ont pas réussi à se scolariser, ont une expérience de travail limitée et résident dans des secteurs de Saskatoon qui sont reconnus pour avoir des taux élevés de pauvreté, de consommation de drogue et d'activités de gangs. Nombre d'entre eux ont grandi dans des ménages marqués par la violence. Certains sont aux prises avec des problèmes de santé mentale, comme le TSPT, la schizophrénie, le trouble bipolaire, l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale et le TDAH, notamment. Nombreux sont ceux qui ont des problèmes de santé, comme l'hépatite C, le VIH ou des complications à long terme liées à la violence qu'ils ont subie par le passé et à la consommation de drogue. Du fait de leur origine raciale et de leur situation économique, nombre d'entre eux ont connu des expériences négatives dans le contexte des systèmes sociaux conçus à la base pour les appuyer.

Je pourrais parler longuement des aspects négatifs, mais je vais me concentrer davantage sur les côtés positifs, par exemple, le fait que les membres de STR8 UP sont des personnes extrêmement fières. Nous sommes fiers de notre peuple, de notre culture et de notre identité. Nous sommes extrêmement loyaux à l'endroit de nos amis, des membres de notre famille et de nos employeurs. Nous avons des rêves, des visions, des désirs, des idées, un courage sans borne, de la force et de la résistance. Nous possédons des valeurs solides. Nous sommes généreux et respectueux envers les anciens et les enfants. Notre sens de l'humour à toute épreuve est contagieux. Nous ne jugeons jamais. Nous sommes toujours prêts à essayer de comprendre la situation actuelle, passée et future. L'appartenance à un gang nous a tous rendus forts et résilients, ainsi que capables d'accepter les défis auxquels nous faisons face. Les membres se soutiennent activement les uns les autres en établissant une communauté de personnes qui mettent tous leurs efforts en commun pour changer de vie.

Les termes que nous utilisons à STR8 UP pour définir la guérison d'une personne peuvent se percevoir dans deux contextes distincts de prévention et d'intervention. Il s'agit d'un cadre holistique qui repose sur une approche intégrée axée sur la prévention et la réduction des activités et des comportements liés aux gangs.

Je tiens à mentionner cela, parce que le modèle qu'utilise actuellement notre société est basé sur l'oppression et ne fonctionne pas du tout. Nos taux d'incarcération sont en hausse. L'appartenance à des gangs atteint des niveaux insensés et alarmants dans nos établissements fédéraux à l'heure actuelle. À Saskatoon, on retrouve la population de jeunes membres de gangs la plus élevée au Canada par habitant. Tout ça dans une ancienne petite bourgade agricole.

La population de délinquantes autochtones a augmenté de près de 90 p. 100 depuis 2000, et il s'agit du groupe de délinquants de compétence fédérale qui connaît la croissance la plus rapide. Au total, une détenue sur trois purgeant une peine fédérale est d'origine autochtone, même si les femmes autochtones ne représentent que 3 p. 100 de la population de sexe féminin au Canada. En 2016, dans notre journal, The StarPhoenix, on indiquait que Saskatoon avait le taux de criminalité global le plus élevé par habitant parmi les 33 principales villes au Canada pour la deuxième année d'affilée, et que 76,6 p. 100 de toutes les délinquantes autochtones étaient détenues pour un crime violent, comparativement à 46,8 p. 100 des délinquantes non autochtones.

À l'échelle provinciale, l'indice de gravité de la criminalité, notamment celle des jeunes, est l'un des plus élevés parmi les provinces. De 2000 à 2010, la population autochtone incarcérée dans des prisons fédérales a augmenté de 28,1 p. 100. Les Autochtones représentent actuellement environ 15 p. 100 de la population de la Saskatchewan, mais ils sont surreprésentés de façon significative dans le système de justice, de 70 à 80 p. 100 des détenus étant autochtones. En 2015, on comptait 45 Autochtones parmi les 64 délinquants dangereux en Saskatchewan, soit 70 p. 100, selon nos statistiques. La moyenne nationale de délinquants autochtones dangereux se situe à environ 29 p. 100, et les Autochtones sont sept fois plus susceptibles de se retrouver en prison que les non-Autochtones dans notre province, la Saskatchewan.

J'aimerais mentionner qu'au cours des derniers mois, soit depuis décembre, nous avons constaté, à STR8 UP, que quelque chose doit être fait. Le pénitencier fédéral de la Saskatchewan se trouve à Prince Albert. Nous sommes à Saskatoon, et nous avons notamment la population de membres de gangs la plus élevée. Des proches de nos membres purgent une peine au pénitencier, mais il est à peu près impossible pour les familles de s'y rendre pour les visiter. Cela est encore plus difficile s'ils sont étiquetés comme étant membres d'un gang.

L'approche que nous proposons, au sein de STR8 UP, a fait l'objet de pourparlers à l'échelle provinciale. Croyez-le ou non, mais le ministre Ralph Goodale n'a pas hésité à venir s'asseoir avec nous, dans le sous-sol de notre bureau, pour discuter d'une stratégie provinciale de lutte contre les gangs pouvant être mise en œuvre dans nos établissements, villes et communautés de la province, avec comme objectif d'en faire un programme fédéral, à la fin du projet pilote de cinq ans. Je vous exhorte à y jeter un coup d'œil. Je sais que notre proposition de stratégie de lutte contre les gangs circule et que vous y avez accès. Prenez le temps d'y jeter un coup d'œil.

En fait, je ne vais même pas essayer de vous l'expliquer. Je vais plutôt vous donner l'exemple d'un jeune qui vient de devenir membre de STR8 UP. Ce jeune homme a vécu en isolement, en unité d'isolement, pendant neuf mois. Pendant qu'il était là, ce garçon, qui a été derrière les barreaux pendant toute sa vie et n'a jamais vécu en société, ni eu un emploi ou autre chose, a essayé de dire aux gardiens : « Je vous le dis, il y a des choses qui se passent dans ma tête. J'ai des problèmes de santé mentale. J'ai besoin d'aide. Je dois sortir d'ici. J'ai besoin de quelque chose. » Personne ne l'a écouté. Les mois et les semaines ont passé. Les gardiens se moquaient en lui disant par exemple : « Nous avons mis quelque chose de très spécial dans ta nourriture aujourd'hui », au point où ce jeune homme a cessé de manger pendant toute une semaine, de crainte qu'il y ait quelque chose de mauvais dans le peu de nourriture qu'il recevait. Ce jeune répétait sans cesse que quelque chose allait arriver. Pendant une crise, il a fini par se couper le nez. Pas très sympathique. Pas très juste. Comment pouvons-nous, comme société, nous regarder dans le miroir en sachant que nous ignorons les appels à l'aide des prisonniers qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance?

J'en sais quelque chose, ayant moi-même connu des problèmes de santé mentale et ayant été incarcéré. Je me suis tiré d'affaire pendant de nombreuses années, mais la dernière fois que je suis allé en prison, il y avait certains médicaments que je devais prendre. Je ne prendrai pas de détour en vous donnant cet exemple. Il s'agit de médicaments à libération prolongée. J'étais en prison. Je comprends qu'ils doivent utiliser des comprimés plutôt que des capsules, mais ils m'ont donné un comprimé qui avait la même force que la capsule à libération prolongée, ce qui m'a complètement assommé. J'étais complètement drogué et assommé, ce qui n'aidait pas pour ma santé mentale. Personne ne s'en est préoccupé, et on m'a rapidement jeté dans ma cellule. Je me trouvais aussi dans une unité de garde en milieu fermé. Ce genre de situation doit cesser.

Je sais que tout le monde parle de santé mentale, des problèmes de santé mentale dans notre système correctionnel et de la prise en compte de tous les facteurs qui mènent à un comportement criminel, comme les dépendances et la santé mentale, mais agissons. Nous avons suffisamment parlé.

Ici dans la province, nous avions un ombudsman qui a produit un rapport très coûteux pour les contribuables, que notre premier ministre a décidé de laisser de côté, parce qu'il n'était pas d'accord, agissant de la même manière qu'avec nombre de nos sociétés d'État. Le public indigné a demandé qu'elles ne soient pas vendues. Toutefois, il a choisi quand même d'aller de l'avant.

Le président : Monsieur Partridge, votre témoignage est très éclairant et nous l'apprécions beaucoup, mais nous avons un autre témoin ici que nous voulons entendre. Nous avons beaucoup de questions pour vous. Nous allons donc poursuivre cette conversation plus tard.

J'aimerais savoir ce que vous voulez dire par PS.

La sénatrice Pate : Permission de sortir.

Le président : Permission de sortir. Merci. Je voulais juste préciser.

Nous allons revenir à vous. Nous apprécions beaucoup votre témoignage.

C'est maintenant au tour de Mme Mann-Rempel. Bienvenue au comité. Nous avons un peu plus de temps aujourd'hui parce que nous n'avons pas de témoins secondaires. Nous ne sommes pas pressés. Merci d'être parmi nous.

Michelle Mann-Rempel, avocate/consultante, à titre personnel : Bonjour mesdames et monsieur les sénateurs, et merci de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.

J'aimerais commencer en soulignant que nous nous trouvons en territoire traditionnel algonquin non cédé.

Aujourd'hui, j'aimerais explorer brièvement le recoupement entre la santé mentale des Autochtones, les principes Gladue et les services correctionnels, et faire certaines observations sur l'isolement préventif. Je vais vous soumettre mes observations dans la perspective d'une avocate qui a pratiqué le droit autochtone et qui se spécialise dans la justice pénale autochtone depuis 20 ans.

Comme l'a clairement indiqué le monsieur qui m'a précédé, l'une des façons dont se manifeste la discrimination systémique dans notre système de justice pénale est par la surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels. Même si vous croulez probablement sous les statistiques, je crois que je vais en ajouter quelques-unes qui sont indispensables.

Nous savons qu'en 2015, 21,9 p. 100 des délinquants incarcérés dans des établissements fédéraux étaient autochtones alors que, selon l'Enquête auprès des ménages de 2011 de Statistique Canada, les Autochtones ne représentaient que 4,3 p. 100 de la population canadienne. On parle donc de 4,3 p. 100 de la population, mais de 21,9 p. 100 des détenus fédéraux. Il s'agit de toute évidence d'une indication d'une surreprésentation exagérément disproportionnée.

Nous savons aussi que les délinquants autochtones sont surreprésentés parmi les détenus en isolement préventif dans les services correctionnels fédéraux. À l'échelle fédérale, 660 délinquants étaient en isolement préventif ou non disciplinaire à la fin de l'exercice 2014-2015. Parmi eux, 195 étaient autochtones. C'est donc dire que même si les délinquants autochtones représentaient 21,9 p. 100 des détenus fédéraux, ils constituaient environ 29,5 p. 100 de ceux en isolement préventif. Encore une fois, en se basant sur le pourcentage de détenus autochtones, on remarque qu'ils étaient encore une fois surreprésentés parmi ceux en isolement préventif.

Nous savons que les délinquants autochtones sont plus susceptibles d'être admis dans le système correctionnel avec des antécédents de toxicomanie, de dépendance et de problèmes de santé mentale. Ils sont plus susceptibles d'être classés comme présentant des risques plus élevés et comme ayant des besoins plus grands lorsqu'ils entrent dans le système correctionnel.

La surreprésentation des Autochtones dans les établissements correctionnels et en isolement devrait être envisagée en tenant compte de plusieurs causes profondes propres aux Autochtones ou sui generis, ce qui signifie uniques ou spéciales, y compris les répercussions de la colonisation et des disparités socioéconomiques. Ce que cela signifie essentiellement, et je crois que Jonathan Rudin l'a déjà dit, c'est que les Autochtones possèdent davantage de ce qui n'est pas souhaitable et moins de ce qui est souhaitable en matière socioéconomique. Il y a aussi des problèmes de différence culturelle et de discrimination systémique à l'intérieur du système de justice pénale et dans la société en général. Cela a été déterminé par la Cour suprême du Canada à plusieurs reprises. Il est donc reconnu qu'il existe de la discrimination systémique à l'intérieur du système de justice pénale.

En ce qui a trait au colonialisme et aux tentatives d'assimilation forcée, j'espère que nous sommes tous familiers avec les répercussions qu'ont eues, par exemple, les pensionnats autochtones, et que nous savons tous qu'ils ont donné lieu à une négation des droits, à une fragmentation des communautés et à la rupture. Ces causes profondes comprennent aussi une vaste gamme de diktats coloniaux à l'endroit des Autochtones, y compris, sans s'y limiter, les effets de la Loi sur les Indiens et de la rupture des traités, ainsi que comme la Cour suprême du Canada l'avait mentionné je crois, en 1990, les traités avec les Autochtones qui ont été bafoués.

Quand on pense au manque de reconnaissance des droits des Autochtones et de ceux prévus dans les traités, on pense aussi à la rafle des années 1960, aux pensionnats indiens et aux effets permanents des pratiques répandues de déplacement des enfants, notamment.

Ces causes profondes uniques de la criminalité autochtone sont désignées sous le nom de facteurs Gladue, en raison de la décision de la Cour suprême du Canada dans R. c. Gladue. Je n'ai pas le temps ce matin de vous expliquer les répercussions complètes de l'arrêt Gladue, mais ses principes découlent de l'interprétation par la Cour suprême de l'alinéa 718(2)e) du Code criminel, une disposition concernant la détermination de la peine, qui oblige le juge qui détermine la peine à examiner :

Toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

Cette disposition du Code criminel a fait l'objet d'interprétations à maintes reprises et au moins trois fois aussi par la Cour suprême du Canada, mais je vais essayer de vous la résumer.

Qu'est-ce que cela signifie en pratique dans les services correctionnels? Dans le contexte correctionnel, selon ma compréhension, l'application des principes Gladue permet, d'une part, une meilleure contextualisation et compréhension des détenus autochtones et de leur comportement, grâce à la prise en compte des facteurs systémiques et contextuels qui les affectent, et d'autre part, la réhabilitation et l'atténuation des risques, grâce à l'utilisation de procédures ou de sanctions respectant les réalités culturelles, qui ont une résonnance chez les détenus autochtones.

Il ne fait aucun doute que les règles et les politiques de Service correctionnel Canada font intervenir les principes Gladue dans la prise de décisions. Les termes que l'on voit fréquemment, particulièrement dans les Directives du commissaire, ou DC, sont antécédents sociaux des Autochtones. C'est en ces termes que Service correctionnel Canada interprète Gladue.

Cela a été intégré dans les décisions correctionnelles prises en vertu à la fois de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et de nombreuses directives du commissaire, y compris des directives concernant les décisions d'isolement.

Comment interprétons-nous alors les problèmes de santé mentale des délinquants autochtones dans les services correctionnels dans l'optique de Gladue? Les problèmes de santé mentale et de bien-être des Autochtones résultent des facteurs systémiques Gladue qui nécessitent des approches axées sur les compétences culturelles. Cela demeure, même lorsqu'interviennent des psychiatres et des psychologues.

Le personnel correctionnel et les équipes de santé mentale doivent avoir la capacité de contextualiser les préoccupations en matière de santé mentale des délinquants autochtones au moyen des facteurs Gladue, et être en mesure d'évaluer des options de rechange axées sur les compétences culturelles pour leur traitement.

Les facteurs systémiques et contextuels qui ont des répercussions sur la santé mentale des Autochtones dans les services correctionnels comprennent la pauvreté et l'itinérance, les faibles taux de scolarité et d'emploi, les désavantages historiques, l'isolement géographique et social, la rupture de la famille et la perte de culture et d'identité.

De façon plus particulière, la santé mentale des Autochtones dans les services correctionnels peut être étroitement liée à leurs antécédents de colonisation et d'assimilation, qui donnent souvent lieu à la privation de droits, à la fragmentation des communautés et à la rupture. Le syndrome des pensionnats autochtones a été reconnu comme un type unique de trouble de stress post-traumatique lié à la culture.

Les problèmes de santé mentale des Autochtones dans les services correctionnels comprennent la toxicomanie, les traumatismes liés aux pensionnats, l'automutilation, la dépression et l'anxiété, le suicide, ainsi que les incapacités secondaires découlant de l'ensemble des troubles causés par l'alcoolisation fœtale.

Ils devraient être mis en contexte en utilisant les causes profondes sous-jacentes sui generis, et devraient être résolus grâce à des approches axées sur les compétences culturelles.

En outre, compte tenu des causes uniques de la criminalité chez les Autochtones, il se peut que le temps passé en isolement soit particulièrement nuisible, compte tenu de son inadaptation aux réalités culturelles, des antécédents de pensionnats autochtones et des problèmes de santé mentale sous-jacents des Autochtones. Il a été déterminé que le placement en isolement constitue pour tous les délinquants un facteur indépendant d'augmentation des risques de suicide, particulièrement en raison de la prévalence des problèmes de santé mentale chez cette population de délinquants. Les délinquants autochtones continuent d'afficher les séjours moyens les plus longs en isolement comparativement à d'autres groupes.

L'isolement préventif ne devrait pas être la panacée pour la gestion de tous les problèmes de comportement et de santé mentale, y compris les problèmes d'automutilation chronique. Comme l'a noté le Bureau de l'enquêteur correctionnel, les comportements liés à la maladie mentale peuvent souvent être résolus au moyen d'une solution axée sur la sécurité, plutôt que d'une solution thérapeutique ou en santé mentale. Les délinquants autochtones sont disproportionnellement visés par les interventions forcées liées à l'automutilation en prison.

Une recherche récente de Service correctionnel Canada a déterminé que des programmes respectant les réalités culturelles jouent un rôle de premier plan pour résoudre les traumatismes passés et mettre fin à l'automutilation chez les délinquants autochtones.

La prise en compte des problèmes de santé mentale des Autochtones à l'intérieur des services correctionnels, dans l'optique de Gladue, n'empêche évidemment pas la mise en œuvre de traitements courants en santé mentale, comme les soins psychiatriques et les médicaments, au besoin. Un plan de traitement pourrait comprendre à la fois des éléments des approches traditionnelles et des approches respectant les réalités culturelles.

En conclusion, chaque fois que les intérêts au chapitre de la liberté d'un délinquant autochtone sont en jeu dans le système correctionnel, il faut tenir compte des facteurs systémiques et des antécédents de ce délinquant, y compris ceux ayant des répercussions sur sa santé mentale.

La prise en compte active des répercussions de ces facteurs sur la santé mentale des délinquants et sur leur bien-être général permet de contextualiser leur comportement et d'établir un pont avec une approche réparatrice respectueuse des réalités culturelles, comme il est recommandé dans Gladue. La mise en œuvre de mesures de réhabilitation et de réintégration respectant les réalités culturelles nous permettra de contribuer à la réduction de la surreprésentation des délinquants autochtones dans les services correctionnels.

SCC, Service correctionnel Canada, a adopté et intégré l'approche Gladue dans ses règles et politiques et a commencé à la mettre en œuvre. Il s'agit de mesures prometteuses, mais en mettant cet accent important et croissant sur la santé mentale dans les services correctionnels, nous devons veiller à ce que cette optique Gladue ne soit pas négligée lorsque les délinquants autochtones présentent des problèmes de santé mentale. L'application ciblée et rigoureuse de l'approche Gladue aux problèmes de santé mentale des Autochtones dans les services correctionnels nécessitera des experts en santé mentale holistique, ainsi que des plans et approches de traitement respectant les réalités culturelles pour les détenus autochtones.

Merci beaucoup. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup pour cette information. Elle est importante pour nous. Nous avons une liste des personnes qui souhaitent poser des questions aux trois témoins aujourd'hui. Nous allons commencer par la sénatrice Eaton.

La sénatrice Eaton : Merci, madame Mann-Rempel. Votre exposé était fascinant et très intéressant. À quelle fréquence les problèmes de santé mentale ou de dépendance, parce que les deux vont parfois de pair, passent-ils inaperçus ou sont-ils mal diagnostiqués ou ignorés dans le système correctionnel?

Mme Mann-Rempel : Je n'ai pas de statistiques à ce sujet. Par suite de discussions et de conversations que j'ai eues, je sais que les problèmes de santé mentale comme la dépression et l'anxiété, et je ne veux pas dire par là qu'ils sont moins graves, n'étant pas moi-même psychiatre, sont plus difficiles à diagnostiquer et passent souvent inaperçus. De toute évidence, des outils de dépistage sont utilisés au moment de l'admission en prison. J'ai songé à parler des outils de dépistage aujourd'hui, mais il s'agit d'un tout autre sujet. Des questions légitimes se posent en ce qui a trait au caractère approprié des outils de dépistage et à leur efficacité pour dépister les problèmes de santé mentale au moment de l'admission.

La sénatrice Eaton : Vous avez parlé principalement de la population autochtone dans le système correctionnel. Vous nous avez fourni des pourcentages qui montrent bien que le nombre d'Autochtones en isolement est beaucoup plus élevé, mais la question des problèmes de santé mentale qui sont mal diagnostiqués ou qui passent inaperçus s'applique-t-elle aussi à la population générale?

Mme Mann-Rempel : Si nous prenons une définition large de la santé mentale, je crois que le pourcentage de délinquants qui présentent des problèmes de santé mentale est probablement impressionnant. Nous savons particulièrement, en ce qui a trait à la toxicomanie, que des gens s'automédicamentent souvent pour la dépression ou l'anxiété, et finissent par abuser des drogues et par développer des dépendances. Si nous utilisons une définition exhaustive de la santé mentale, nous pouvons dire qu'un pourcentage important de la population présente ces problèmes.

Nous devons aussi être prudents. Il arrive parfois que ce que l'on appelle des problèmes de comportement soient des problèmes de santé mentale qui sont étiquetés par SCC comme des problèmes de comportement. Il s'agit aussi d'un point important à considérer dans le contexte des problèmes de santé mentale. Quel doit être le niveau d'exhaustivité de la définition? Il arrive souvent que des personnes soient mises en isolement préventif pour des problèmes de comportement. En quoi consiste réellement un problème de comportement et qu'est-ce qui le sous-tend? Je dirais, sans trop risquer de me tromper, qu'il s'agit d'un problème de santé mentale.

La sénatrice Eaton : Il me semble que l'an dernier, mais je n'ai pas les chiffres ici parce que je ne dispose pas des documents du comité des finances, Service correctionnel Canada a affecté 20 millions de dollars à des services respectant les réalités culturelles, des huttes de sudation, si je me rappelle bien, dans certaines prisons. Avez-vous entendu parler de mesures que Service correctionnel Canada a tenté de prendre pour mieux tenir compte des besoins des clients autochtones, notamment au niveau culturel?

Mme Mann-Rempel : Ces dernières années, je sais qu'on a adopté le Modèle de programme correctionnel intégré, le MPCI, en réponse en partie aux critiques selon lesquelles les programmes n'étaient pas mis suffisamment rapidement à la disposition des détenus admis dans le système, ce programme comportant un volet destiné aux délinquants autochtones. Je crois qu'un projet pilote s'est tenu il y a deux ans, peut-être trois. Je ne travaille pas pour Service correctionnel Canada. Malheureusement, lorsque vous êtes de l'extérieur, il est difficile de savoir, en ce qui a trait aux évaluations, si les programmes fonctionnent. Je sais que les programmes sont appliqués plus rapidement, mais pour ce qui est de leur pertinence et de leur efficacité pour répondre aux besoins culturels, je ne sais pas, honnêtement.

La sénatrice Eaton : Eh bien, je vais soulever la question à nouveau cette année. Je vais leur demander lorsqu'ils comparaîtront devant nous.

Le président : Monsieur Beaudin, j'ai remarqué que vous hochiez la tête et que vous preniez des notes au sujet de cette question. Avez-vous une observation?

M. Beaudin : Oui. En ce qui a trait au respect des réalités culturelles, je sais que des anciens, par exemple, sont disponibles dans les services correctionnels, de façon limitée toutefois. Il se peut qu'un ancien soit affecté à un certain nombre de détenus, par exemple, à Prince Albert, le pénitencier fédéral de la Saskatchewan. Les ressources sont tout simplement insuffisantes. Je ne crois pas que l'on accorde beaucoup d'attention à cette question des réalités culturelles, particulièrement en ce qui a trait aux Autochtones. Davantage de travail doit être fait à ce sujet.

Il existe aussi un autre élément de premier plan en ce qui a trait aux problèmes de santé mentale, à savoir les services de police. Peu importe le service de police au Canada, les policiers ne sont pas équipés pour traiter les problèmes de santé mentale. Ils n'ont certainement pas la formation pour le faire non plus. L'un des problèmes les plus importants dont j'entends souvent parler a trait aux personnes sous médication. Certaines personnes n'ont tout simplement pas accès à des médicaments. Certaines sont des semaines sans prendre leurs médicaments, ce qui n'est pas bon du tout. Même au début du processus, au moment du contact avec les services de police et de l'admission dans le système correctionnel, il existe un certain nombre d'obstacles, c'est pourquoi je hochais la tête.

Le président : Merci de vos commentaires. Monsieur Partridge, voulez-vous ajouter quelque chose? Les questions seront nombreuses.

M. Partridge : Je crois que Kim a assez bien couvert le sujet. Merci de me poser la question.

Le président : Merci beaucoup.

La sénatrice Andreychuk : Madame Mann-Rempel, vous avez parlé du syndrome d'alcoolisme fœtal, et je me demande si vous pouvez nous donner de plus amples informations. Lorsque ce syndrome est apparu, nous avons mis l'accent sur la prévention prénatale et sur des mesures pour aider ces jeunes au cours de leur vie. Il s'agit d'une situation très difficile.

Disposez-vous de statistiques ou d'études qui démontrent que les enfants ayant souffert du SAF représentent une plus grande partie de la population carcérale? En d'autres termes, nous avons identifié et examiné le problème et nous avons essayé d'aider ces jeunes, mais en plus de tous les autres problèmes, le SAF pose de sérieuses difficultés. Existe-t- il des renseignements quant à leur nombre dans la population carcérale?

Mme Mann-Rempel : En fait, j'ai effectué des recherches sur le trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale lors de mes études de maîtrise en droit. Je n'ai pas de statistiques devant moi, et je ne crois pas qu'il y ait de chiffres fiables quant à l'incidence ou à la prévalence du TSAF, parce que nous n'avons pas de tests fiables et uniformes à l'échelle du pays. Par ailleurs, et notamment du côté de la population autochtone, la question des statistiques et des pourcentages est épineuse, étant donné qu'on court le risque d'associer des stéréotypes à la maternité autochtone.

Je crois que j'étais dans la tribune du Sénat lorsque j'ai entendu Don Head dire que les détenus ayant souffert de TSAF sont surreprésentés dans le système carcéral fédéral. À mon avis, personne ne doute que le pourcentage des détenus fédéraux ayant souffert de TSAF dépasse celui de la population en général. Il s'agit certainement d'un facteur de risque de criminalité.

Je n'ai pas de chiffres avec moi. Comme je l'ai dit dans l'étude que j'ai réalisée en 2012, il existe peu de statistiques fiables en raison des questions entourant les populations que l'on sonde. Si on sonde la communauté autochtone, le nombre peut être plus élevé. Toutefois, si on sonde une communauté non autochtone à faible revenu, s'agit-il d'une équivalence? Le prélèvement de ces statistiques soulève de nombreuses préoccupations d'ordre éthique.

Il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un enjeu important pour les services policiers et, évidemment, pour les services correctionnels. Dans nombre de causes portées devant les tribunaux au fil des ans, les juges ont même tenté d'imposer aux accusés des tests de dépistage du TSAF, étant donné que ceux-ci manifestaient des problèmes de fonctionnement. Il n'existe pas de ressources pour le genre d'examen dont ont besoin les personnes qui passent devant les tribunaux et ceux qui se retrouvent, évidemment, dans les prisons et les pénitenciers.

Même passé sous silence, il s'agit à mon avis d'un enjeu très important. Nous n'avons vraiment pas les outils pour faire ce calcul, notamment pour ce qui est de la partie inférieure du spectre. Je présume que tout le monde sait que le trouble du spectre de l'alcoolisation fœtale se mesure selon une échelle. Or, à l'extrémité, on retrouve le véritable TSAF, où la personne manifeste souvent des anomalies faciales, et de sérieux troubles de comportement qui sont probablement faciles à identifier. Toutefois, la personne qui se situe dans la partie inférieure du spectre peut ressembler à tout le monde; le cas échéant, le problème n'est pas facile à identifier. Nous savons que ces personnes éprouvent des problèmes en particulier. Par ailleurs, notons l'exemple de personnes libérées sous caution ou en liberté conditionnelle. Si leur TSAF n'est pas identifié, et si nous ignorons qu'un grand nombre de conditions s'applique à eux, et qu'ils ont de la difficulté à orienter leur vie, à se rendre à certains endroits, à respecter les heures de rendez-vous, alors nous savons certainement qu'ils auront des problèmes en termes de manquement aux conditions de libération et de libération sous caution.

La sénatrice Andreychuk : Mes questions s'adressent à M. Beaudin et à M. Partridge. Je passe beaucoup de temps à Saskatoon, et je suis consciente du problème des gangs. Pouvez-vous nous donner de plus amples renseignements? Les gangs étaient plutôt rares à Saskatoon il y a 30 ans, et il semble que leur attrait pour les jeunes soit devenu un sérieux problème presque du jour au lendemain. J'ai lu des statistiques quant aux gangs venus d'outre province qui infiltrent la Saskatchewan et qui font des pressions énormes sur les jeunes, sans que la communauté ne s'y oppose.

Quelle est la composition des gangs maintenant? Se trouvent-ils en Saskatchewan? S'agit-il de gangs locaux, ou sont- ils associés à d'autres groupes à l'échelle du pays? Est-ce qu'ils visent des personnes de plus en plus jeunes, comme on me l'a signalé?

M. Partridge : Tout à fait, et non, les gangs d'ici sont définitivement d'origine locale. L'Indian Posse est un gang qui a vu le jour ici dans les Prairies. De plus, le nombre de gangs a augmenté avec l'émergence du Terror Squad et du Native Syndicate. Et puis, les Warriors sont actifs au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta.

L'une des choses à propos des gangs et de nos jeunes, en particulier les jeunes Autochtones, c'est qu'ils quittent leurs communautés nordiques ou éloignées pour venir s'installer dans les centres urbains comme Saskatoon. Ils ne connaissent personne. Ils ont pour ainsi dire de mauvaises fréquentations, ils tombent dans la drogue, l'alcool et la violence. Ces jeunes sont la proie des gangs parce qu'ils sont sans reproches et sans casiers judiciaires. Personne ne les surveille. Ces jeunes attrapent des maladies comme l'hépatite et le VIH. Et ceux qui échappent à la violence inhérente aux gangs dans notre ville ces jours-ci développent d'étonnantes toxicomanies.

Par la suite, ils retournent dans leur réserve avec fierté. Ils ne veulent pas admettre qu'ils reviennent avec des maladies, des toxicomanies et un casier judiciaire. Ils portent un masque, pour ainsi dire, et ils disent à leurs amis : « Oh, vous savez, j'ai fait partie de ce gang. J'ai fait tout cet argent. Nous étions dans une bonne passe et tout allait si bien », étant donné qu'ils ne peuvent admettre la vérité sur ces gangs.

Cela fait aussi partie des activités de l'organisme STR8 UP. Nous allons dans ces communautés d'un bout à l'autre de la province pour les sensibiliser aux activités du STR8 UP, pour leur expliquer ce que sont les gangs et ce que font nos membres. Or, je crois qu'il s'agit de l'élément essentiel : tendre la main aux jeunes de notre province dans le but de les renseigner au sujet des gangs et des choses, afin qu'ils n'aient pas à les apprendre d'eux-mêmes, pour ainsi dire, ce qui leur évitera de passer le reste de leur vie dans notre système correctionnel.

M. Beaudin : Je désire ajouter quelques mots aussi. Au début des années 2000, j'étais employé de la Ville de Saskatoon et je m'occupais des programmes récréatifs et de loisirs destinés aux Autochtones. Nous savions, à ce moment-là, que les gangs s'activaient à Saskatoon. Nous avons approché les gestionnaires municipaux pour les avertir, mais ils ne nous ont pas pris au sérieux. Nous leur avons dit à plusieurs reprises que des personnes se faisaient embrigader. Originaires de Winnipeg, les membres de ces gangs venaient à Saskatoon pour recruter les jeunes Autochtones. Et ils se sont implantés par la suite.

Aujourd'hui, bien sûr, le budget des services policiers de la Ville de Saskatoon explose, dépassant les 100 millions de dollars. Une large part de ce budget est consacrée aux armes à feu et aux gangs, ce qui est un peu étonnant. Je compare cette situation à un homme qui sait que sa voiture a un problème mécanique. Il sait que sa voiture va le lâcher, que le moteur va flancher parce qu'il n'y a pas mis d'huile, et finalement il flanche. En gros, nous avons dit aux dirigeants de la ville que le moteur allait flancher, mais ils nous ont ignorés. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. C'est regrettable.

Nous avons beaucoup de pain sur la planche. Par exemple, je sais que le budget consacré au système de justice a atteint près de 1 milliard de dollars dans la seule Saskatchewan, et qu'il ne cesse d'augmenter. À mon avis, la branche va casser. Les contribuables n'ont pas l'argent pour éponger ces déficits sur une base habituelle, et nous devons examiner de nouvelles façons de procéder. Nous avons, en effet, beaucoup de pain sur la planche.

M. Partridge : Je voudrais ajouter une chose rapidement, au sujet des gangs et de leur arrivée ici à Saskatoon. Les gangs ont fait leur apparition lorsque j'étais enfant. L'Indian Posse est arrivé ici, alors que nous étions des gamins qui couraient dans tous les sens. Enfant, j'avais des problèmes de santé mentale, et, à l'insu de tous ceux qui m'entouraient, on m'avait exposé à l'alcool dès ma plus petite enfance. Or, j'étais alcoolique dès l'enfance, et je l'ai été tout au long du secondaire. Nous courrions dans tous les sens. Nous n'avions nulle part où aller, où nous intégrer; or, nous avons créé ces gangs et fait des choses.

J'ai habité en Colombie-Britannique pour une brève période, et je suis revenu avec toute cette violence et les problèmes que l'on rapporte des grandes villes. Tous ces gangs ont définitivement pris naissance ici, et cela a commencé avec des enfants qui s'étaient en quelque sorte égarés.

Le président : Je vous remercie. C'est l'un des objets de notre étude. Il faut agir avant qu'ils aboutissent en prison — très longtemps au préalable — et nous espérons examiner cette question dans le cadre de nos travaux.

La sénatrice Hubley : Je vous remercie tous les deux pour vos présentations ce matin.

L'appel à l'action no 32 de la Commission de la vérité et réconciliation incite le gouvernement fédéral à modifier le Code criminel afin de permettre aux juges de première instance, avec motifs à l'appui, de déroger à l'imposition des peines minimales obligatoires de même qu'aux restrictions concernant le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis.

Je crois que ce programme permet aux Autochtones de purger leur peine dans leurs communautés d'origine. S'agit-il d'un programme actif, fonctionne-t-il, et est-ce que les efforts visant à aider les jeunes Autochtones à renouer avec leurs communautés ont été porteurs d'avantages qui pourraient avoir été ignorés par le passé?

J'aimerais probablement avoir la réaction de M. Beaudin et peut-être celle de M. Partridge.

M. Beaudin : Encore une fois, c'est une question de ressources. Je crois simplement que nous n'y avons pas consacré les ressources nécessaires. Par ailleurs, certains sont d'avis qu'il s'agit uniquement d'argent. À titre d'exemple, je sais que beaucoup de jeunes se sentent perdus quant à leur identité, à leur culture, à leur communauté d'origine, et qu'ils ont l'impression d'être déconnectés de leurs communautés et de leurs familles.

On a soulevé la question du TSAF, et j'aimerais signaler que j'ai les statistiques devant moi. Ils proviennent du Réseau canadien de recherche sur l'ETCAF. Selon ces chiffres, 10 p. 100 des personnes dans les établissements correctionnels canadiens ont un diagnostic de TSAF, et on soupçonne qu'un autre 18 p. 100 en souffre également.

Si on revient à la question de l'incidence sur les jeunes lorsqu'ils entrent dans le système judiciaire, par exemple — quelqu'un en a parlé plus tôt — on ne peut pas vraiment connaître la condition d'un individu à moins qu'il n'ait reçu un diagnostic. Une personne ne peut pas faire son propre diagnostic, et le système de justice pénale et les tribunaux ne sont pas en mesure de résoudre ce problème. Plusieurs personnes ignorent pourquoi elles se retrouvent dans cette situation, ou ce qu'elles ont fait, en raison de leurs troubles cognitifs. C'est pourquoi elles se retrouvent dans le système judiciaire. En outre, elles ont du mal à comprendre les concepts et les déclarations juridiques, à communiquer, à recevoir les instructions des spécialistes juridiques, à comprendre les incidences propres aux procédures et à l'enregistrement d'un plaidoyer.

Et les policiers, qui se trouvent en première ligne, ne sont pas équipés pour répondre à cette situation. Ils ne comprennent pas ce problème. Ils font tout simplement leur travail. Lorsqu'une personne viole la loi, ils ne sont pas équipés pour gérer ce problème. Il s'agit d'un enjeu complexe.

J'espère avoir répondu à votre question. J'aurais dû prendre des notes lorsque vous l'avez posée, mais je ne savais pas à qui s'adressait votre question.

M. Partridge : Auriez-vous l'obligeance de répéter cette question?

La sénatrice Hubley : Je parlerai d'abord d'une approche qui est en quelque sorte pertinente sur le plan culturel. Vous avez dit que le système judiciaire offre ce programme aux jeunes Autochtones ou aux Autochtones; il s'agit d'un système où le juge peut leur permettre de purger une partie de leur peine dans leur communauté, ce qui est une bonne chose à mon avis. Mais applique-t-on cette approche et fonctionne-t-elle?

M. Partridge : À mon avis, cette approche fonctionne véritablement lorsqu'on l'applique, pour ainsi dire. Mais on ne l'applique pas aussi souvent qu'on le devrait.

L'un des problèmes touchant la population carcérale, notamment les détenus autochtones, est que neuf de ces personnes sur dix ont perdu contact avec leur culture pour de nombreuses raisons, systémiques et autres. En purgeant leur peine dans la communauté, ils sont en mesure de renouer avec leur culture et de s'y ressourcer, ce qui a une valeur inestimable pour nous chez STR8 UP. Quant au ressourcement de nos membres, STR8 UP est d'avis qu'il faut toujours remonter à la conception pour savoir ce qui leur est arrivé en cours de chemin et pourquoi ils se trouvent dans leur situation. Voilà les éléments essentiels qui mèneront à leur guérison.

Il serait toujours avantageux pour une personne d'être à proximité de sa communauté d'origine et d'y purger sa peine. À titre d'exemple, il est très difficile pour un jeune Autochtone de la Saskatchewan de purger sa peine au Québec, où la culture crie est presque complètement absente. Cela répond-il un tant soit peu à votre question?

La sénatrice Hubley : Je crois que oui. Michelle, avez-vous des commentaires à formuler à cet égard?

Mme Mann-Rempel : Certainement. Je prendrai plutôt une approche juridique parce que vous avez soulevé la question des peines minimales obligatoires. Je dirai d'emblée que j'y suis opposée, étant donné que j'appuie le principe du pouvoir discrétionnaire des juges. Dans toutes les causes, seule une personne examine les faits, et c'est le juge qui est saisi des faits particuliers relatifs à tous les accusés et à toutes les infractions.

Certes, en ce qui concerne la disposition du Code criminel qui prévoit la contrainte et l'emprisonnement des Autochtones, et lorsqu'il s'agit d'une peine minimale obligatoire, celle-ci doit être minimale, de sorte qu'aucune peine conditionnelle ne peut être purgée dans la communauté dans ces circonstances. Il ne fait aucun doute que les peines minimales obligatoires minent la capacité des juges à utiliser leur discrétion dans les cas particuliers, ainsi que leur pouvoir d'imposer une peine qui sera purgée dans la communauté.

Toutefois, le second volet de cet argument, tel que l'ont souligné ces messieurs, est tout à fait exact. C'est-à-dire, si nous demandons à un juge d'imposer une peine avec sursis à une personne, au lieu de l'incarcérer, le juge doit être en mesure de savoir si la communauté dispose des ressources nécessaires. Cela soulève la question des ressources. Si on demande au juge d'imposer une peine avec sursis, il ne pourra l'accorder en l'absence de telles ressources. Il faut prendre en considération la loi, qui prévoit des peines minimales obligatoires, les ressources et la communauté.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup.

Le président : Nous n'avons pas un deuxième groupe de témoins, et je crois que notre séance pourrait se poursuivre jusqu'aux alentours de 13 heures. Il s'agit de témoignages convaincants, et il nous faudrait en entendre davantage.

La sénatrice Bernard : Je tiens à remercier tous les intervenants aujourd'hui.

Ma première question s'adresse à M. Partridge. J'ai peut-être manqué la partie de votre exposé où il s'agissait de STR8 UP. Vous venez d'en parler un peu plus. Recevez-vous des fonds pour ce programme? Je m'interrogeais quant à son fonctionnement. S'agit-il d'un programme communautaire de bénévolat auquel les gens ont un réel accès?

M. Partridge : Oui. STR8 UP est un programme local et communautaire créé par un prêtre catholique, le père André, qui est l'aumônier de notre centre correctionnel. Pendant plusieurs années, le centre des opérations de cet organisme a été la camionnette qu'utilisait le père André pour sillonner les rues et les ruelles de Saskatoon à la rencontre des membres de gangs qui voulaient en sortir sans trop savoir comment. Lorsqu'on vit dans ce monde, les figures d'autorité, comme les policiers et ainsi de suite — j'ignore comment le dire autrement — sont perçus comme ennemis, si vous voyez ce que je veux dire.

Or, les gens se confiaient au père André. Soudain, il y avait cet homme qui était disposé à écouter les jeunes et à travailler avec ceux qui voulaient sortir du monde dans lequel ils étaient coincés, sans trop savoir comment. Il s'agit du seul monde qu'ils aient connu. Ils ont compris qu'il y avait un autre mode de vie; toutefois, il nous faut leur donner cette orientation.

Nous sommes un organisme communautaire, et nos activités sont un combat de tous les jours. Nos liens avec le gouvernement de notre province sont récents; ils existent depuis Noël dernier. Comme je l'ai signalé, le STR8 UP utilise un modèle qui privilégie la prévention et l'intervention plutôt que la répression dans le traitement des membres de gangs. Il s'agit d'une méthode proactive sur le plan de la santé mentale, des dépendances, des dynamiques familiales, et ce genre de choses. Une méthode plus holistique, pour ainsi dire.

Notre relation avec le gouvernement n'existe que depuis peu de temps, depuis qu'il a déclaré que la répression est un échec. À l'heure actuelle, notre système s'en tient à abriter 1 000 membres de gangs dans le même édifice, où ils prolifèrent et encouragent la création d'un plus grand nombre des leurs. Car, lorsqu'on entre dans ce milieu, on est plus nombreux que vous, et il vous faut devenir membre d'un gang.

Aujourd'hui, toutefois, le STR8 UP se trouve devant un obstacle. Tous les jours, nous luttons bec et ongles pour trouver le financement qui nous permettra de maintenir nos activités et offrir des programmes et des services à nos membres. Nous avons une programmation quotidienne. Nos membres y participent. Nous avons fait équipe avec un autre organisme, Homeboy Industries, situé à Los Angeles. Il s'agit d'un organisme qui gère plusieurs millions de dollars, qui accomplit de grandes choses là-bas et qui nous oriente en quelque sorte. Nous éprouvons de grands besoins tous les jours, alors que d'autres personnes veulent se joindre à STR8 UP pour sortir de ce milieu, ne sachant pas comment s'y prendre.

Jusqu'à maintenant, dans le système correctionnel, cela se fait par le bouche-à-oreille parmi les détenus. Au début, à la création de STR8 UP, tu passais pour un traître ou autre chose en prison, car les gens ne savaient pas vraiment ce que c'était. Ils croyaient qu'en sortant d'un gang, tu allais écraser tous ses membres ou les dénoncer.

Avec le temps, les gens en sont venus à respecter le fait que, quand tu te joins à STR8 UP, tu essaies d'être meilleur pour tes enfants et pour ta famille. STR8 UP est devenu un organisme respecté, mais nous ne pouvons pas nous implanter dans des institutions comme le pénitencier de Prince Albert. Nous y rendre coûte tellement cher que ça taxe nos programmes destinés à nos membres à l'extérieur des établissements.

C'est là où nous en sommes dans notre demande de partenariat.

La sénatrice Bernard : Merci. Votre programme semble très semblable à un programme de la Nouvelle-Écosse ciblant la communauté noire. Il s'appelle CeaseFire, c'est un projet pilote. En avez-vous entendu parler?

M. Beaudin : Oui.

La sénatrice Bernard : Une évaluation à mi-parcours vient tout juste d'être faite. Il pourrait être utile que vous communiquiez avec les responsables du projet pour voir ce qu'ils font et pour connaître le modèle qu'ils utilisent.

M. Beaudin : Je voudrais ajouter qu'en ce qui concerne STR8 UP, nous pouvons faire parvenir au comité l'information concernant le programme lui-même. Vous pourrez ainsi mieux comprendre ce que nous tentons de faire.

C'est un programme unique, cela ne fait aucun doute. Pour le programme lui-même, nous avons travaillé sur une approche en quatre étapes. Nous croyons qu'il y a quatre étapes à franchir quand on décide de quitter le milieu des gangs, on doit passer à travers ces étapes.

C'est un document unique, et je crois que ce serait une lecture intéressante pour les membres du comité pour que vous preniez connaissance du programme également. Nous pouvons certainement vous le faire parvenir.

La sénatrice Bernard : Merci.

Le président : Merci. Nous vous serions reconnaissants de nous le faire parvenir.

La sénatrice Bernard : Madame Mann-Rempel, au sujet des principes Gladue, j'ai entendu des commentaires de personnes travaillant à divers niveaux du système de justice qui disent que les principes Gladue sont là, mais qu'ils ne sont pas vraiment appliqués de manière aussi proactive et énergique qu'ils pourraient l'être et, peut-être, qu'ils étaient censés l'être. Pourriez-vous nous faire part de vos réflexions à ce sujet? Je sais qu'il y a des intervenants dans les communautés ethnoculturelles qui se tournent vers les principes Gladue pour obtenir des réponses, mais, d'après certains commentaires, les principes Gladue ne sont peut-être pas exactement ce que vous voulez, car ils ne fonctionnent pas très bien.

Mme Mann-Rempel : Il ne fait aucun doute qu'ils n'ont pas été appliqués intégralement, ni même à moitié, d'après ce que j'en comprends.

Personnellement, je continue de penser que si nous acquérons une profonde compréhension de ceux-ci et si nous les mettons en application, je les ai vus faire une différence dans la vie des gens. Ultimement, pour ce qui est de réduire cette surreprésentation, cela se fait une personne à la fois.

Je crois donc qu'ils ont un potentiel, mais je ne crois pas qu'ils sont la solution à tous les problèmes : ils ne constituent qu'un élément d'une approche juridique. Il y a évidemment les revendications territoriales, la prévention des crimes, l'autonomie gouvernementale et toutes sortes d'autres questions qui doivent être traitées.

Les principes Gladue n'ont pas été pleinement appliqués, ni même partiellement, au sein des services correctionnels. Ce n'est pas quelque chose que l'on peut simplement ajouter. Ils impliquent un changement dans la façon de faire au sein des services correctionnels. Il s'agit d'une réorientation fondamentale du paradigme ou de l'approche. On les considère parfois un peu trop comme un ajout plutôt que comme un changement fondamental dans notre façon d'envisager les choses.

Je crois également que le SCC est réticent à prendre des risques. J'ai donné, pendant trois ans, une formation sur l'application des principes Gladue au sein du Service correctionnel du Canada. De 2011 à 2013, j'ai parcouru le pays pour former principalement des agents de libération conditionnelle sur la façon d'appliquer les principes Gladue. Nous n'avons joint qu'un nombre limité de gens, car je ne formais que des groupes de 20 personnes. Mais il m'est apparu clairement que c'est un environnement réfractaire au risque. Chaque fois, c'était la principale préoccupation formulée.

Dans un tel environnement, où l'on a inculqué au personnel que sa principale préoccupation doit être d'éviter les risques, cela n'est rien de moins qu'un changement fondamental dans la façon d'aborder la question des services correctionnels. Il s'agit d'une partie du problème.

C'est principalement un changement institutionnel qui doit se faire. On parle d'initiatives plus vastes et des ressources disponibles. Fait intéressant : quand je parcourais le pays pour former des agents de libération conditionnelle, je leur disais que c'est le genre de choses qu'il faut soumettre à la Commission des libérations conditionnelles. Développer une compréhension de ces facteurs systémiques et historiques et examiner également les autres solutions culturelles offertes dans la communauté pour tenter de répondre aux préoccupations de la Commission des libérations conditionnelles. On m'a souvent répondu que ces approches n'existaient pas dans la communauté, et on me demandait pourquoi je leur donnais une formation sur des approches inexistantes.

Une fois de plus, on en revient aux ressources. Je peux comprendre qu'ils trouvaient cela inutile que je leur demande de faire cette analyse, quand, en fin de compte, cela n'aboutirait à rien.

La sénatrice Martin : Sur ce point, concernant le recours aux principes Gladue, vous avez dit que nous pourrions peut- être adopter une approche plus large. Prenons les causes fondamentales dans les principes Gladue. Si nous considérons les choses dans une perspective aussi large, je me demande si la mise en application ne sera pas difficile en raison de son étendue.

Pouvez-vous nous donner un exemple de ce à quoi cela peut ressembler lorsqu'on les applique efficacement? S'ils sont appliqués de manière plus large, alors ils rejettent une certaine responsabilité sur l'autre comparativement peut- être aux mesures qui ont été prises par le contrevenant. J'essaie de comprendre comment ils peuvent être appliqués d'une manière plus large tout en étant très efficaces dans leur application.

Mme Mann-Rempel : Quand j'ai dit « de manière plus large », je parlais du genre de compréhension que j'en ai. J'ai pratiqué le droit autochtone dans le passé et je me suis spécialisée en justice pénale. Je connais les traités, les droits à l'autonomie gouvernementale et les droits des Autochtones ainsi que l'histoire de la colonisation — ce genre de compréhension plus large, plus vaste.

Je peux donner un bon exemple concret. Pendant quelques années, j'ai été avocate des services juridiques, en matière criminelle, engagée à la journée ici, à Ottawa. Je me suis occupée de beaucoup de cas de libérations sous caution. J'ai défendu une audience de libération sous caution contestée pour un contrevenant autochtone, produit de la rafle des années 1960. Il présentait un grand nombre de ce que j'appellerais les facteurs Gladue classiques. Il avait un problème de toxicomanie et avait purgé une peine dans un établissement fédéral. Il était itinérant et n'avait aucun lien.

Essentiellement, la Couronne avançait deux motifs pour tenter de le placer en détention. Le premier motif était le motif principal : on craignait qu'il ne se présente pas devant le tribunal. « C'est un sans-abri, il n'a aucun lien dans la communauté, aucune famille, aucun garant, ni aucune personne respectable qui est prête à le surveiller. » Le second motif avancé était la sécurité publique : « Regardez son casier judiciaire. »

J'ai réussi à obtenir sa libération. Je suis tombée sur un juge de paix qui était prêt à entendre ce que j'avais à dire : « Nous devons comprendre que nous avons affaire à un cas d'itinérance et d'absence de lien communautaire. » J'ai expliqué au juge de paix que cela était lié à la rafle des années 1960 et au fait que cet homme avait été placé dans de nombreuses familles d'accueil et vivait dans la rue depuis son adolescence. En ce qui avait trait à la question de savoir s'il se présenterait ou non devant le tribunal, j'ai pu contextualiser ces facteurs d'apparence négative en faisant comprendre au juge d'où ils venaient.

Vint ensuite la question de son casier judiciaire. Beaucoup des crimes qu'il avait commis étaient ce que j'appelle des délits de survie d'une personne toxicomane et itinérante. J'ai tenté de les replacer dans le contexte de la vie de cet homme. Puis, j'ai abordé ce second volet, soit les solutions de rechange culturellement appropriées, en m'assurant que cet homme aurait accès aux programmes du centre de santé Wabano. J'ai obtenu que l'aide judiciaire autochtone s'implique dans son dossier. En réunissant tous ces éléments, j'ai réussi à convaincre le juge d'examiner les choses sous un autre angle. Cet homme était toujours un itinérant et n'avait aucun lien dans la communauté, c'était des faits, mais il s'agit de regarder les choses sous un éclairage différent et de comprendre d'où viennent ces faits.

La sénatrice Martin : Est-ce que le droit autochtone est un domaine dans lequel on se spécialise beaucoup plus tard au cours de ses études ou est-ce qu'il peut être offert à tous les étudiants de première année, surtout lorsque l'on tient compte de la population autochtone partout au Canada et de la surreprésentation? Ce que vous avez fait constitue, pour quiconque pratique le droit, l'ordre parfait pour acquérir une compréhension approfondie.

Mme Mann-Rempel : Je suis vraiment vieille. J'ai terminé mes études de droit il y a très longtemps. À mon époque, il n'y avait aucun cours de droit autochtone obligatoire. Je crois qu'il y en a maintenant dans certaines facultés de droit. Je sais que c'était une recommandation de la Commission de vérité et réconciliation, je crois, que les facultés de droit enseignent le droit autochtone. Je pense qu'il y a un fort mouvement en ce sens, ce qui est une bonne chose. Certes, dans mon cas, ce n'était pas requis, mais, comme je l'ai dit, c'était il y a longtemps.

La sénatrice Martin : Vous paraissez très jeune. Merci.

La sénatrice Omidvar : J'ai trois questions, mais si vous voulez lever la séance avant une heure, je ne devrais peut- être pas commencer maintenant.

Le président : Non, nous pouvons y aller rapidement.

La sénatrice Omidvar : Ma première question est pour M. Beaudin, du Congrès des peuples autochtones. Merci d'être parmi nous. Je suppose que le congrès a des liens, des échanges et des négociations suivies avec le Service correctionnel du Canada. Quels sont certains des changements que vous pouvez envisager en vue d'améliorer les relations entre votre congrès, les peuples autochtones et le Service correctionnel du Canada?

M. Beaudin : Nous voulons être tenus au courant, par exemple, de toute modification des politiques au sein du ministère. Ce serait la première chose. L'autre problème, c'est la communication. Elle est vraiment importante. Une relation continue avec le ministère et les services correctionnels serait très importante pour nous également.

Aussi, en ce qui a trait aux ressources, par exemple, notre organisation n'a pas beaucoup de ressources pour les problèmes auxquels nous sommes confrontés, par exemple, avec les services correctionnels ou avec le système de justice lui- même à l'échelon fédéral. Nous avons différents organismes provinciaux et territoriaux un peu partout au pays qui représentent les organisations provinciales. Ils ont également des difficultés du point de vue des ressources pour les personnes qui, malheureusement, ont des démêlés avec le système correctionnel. Nous souhaitons améliorer notre relation avec les services correctionnels.

La sénatrice Omidvar : D'après ce que j'entends, vous dites que ce n'est en aucune façon une relation durable. Vous semblez dire qu'elle est ponctuelle. Est-ce le cas?

M. Beaudin : Je dirais qu'elle est ponctuelle. J'ai une rencontre lundi prochain, à Ottawa, avec le Service correctionnel du Canada. C'est le genre de démarches que je fais. J'ai également établi d'autres liens, notamment avec l'enquêteur correctionnel, M. Ivan Zinger. C'est un lien sur lequel nous avons commencé à travailler. L'autre, c'est avec la Commission canadienne des droits de la personne. Nous avons fait des démarches en ce sens. Nous avons beaucoup de travail à faire.

La sénatrice Omidvar : Eux aussi ont beaucoup de travail à faire.

M. Beaudin : Oui.

La sénatrice Omidvar : Ma prochaine question s'adresse à M. Partridge de STR8 UP. J'ai navigué un peu sur votre site web et j'ai remarqué que vous avez un programme de détatouage. Dites-moi si j'en exagère l'importance, mais est-ce que cela fait partie des quatre étapes de votre programme, d'effacer les tatouages lorsque la personne est prête à s'engager sur une nouvelle voie et veut tourner la page sur son passé?

M. Partridge : Le programme ou processus de détatouage que nous avons est offert en partenariat avec une entreprise locale qui est prête à faire le détatouage au laser des tatouages spécifiques à un gang sur les mains ou sur le visage. C'est tout ce que nous faisons. Habituellement, lorsque quelqu'un quitte un gang ou abandonne ses couleurs, comme nous le disons dans notre jargon, il devra faire enlever tous les tatouages qui y sont associés, car il risque, dans les cas extrêmes, d'être tué.

La sénatrice Omidvar : Vous nous avez raconté votre histoire, que j'ai trouvée très émouvante. Lorsque vous étiez dans le système correctionnel, aviez-vous des interactions avec votre communauté? Est-ce que cela aurait aidé? Est-ce que cela vous aurait aidé en particulier? Quelles leçons pouvez-vous nous transmettre, en vous fondant sur votre expérience, qui pourraient nous aider dans notre travail?

M. Partridge : Cela fait des années, heureusement, que j'ai eu des démêlés avec les services correctionnels, mais je vais vous raconter ma dernière expérience avec la justice.

J'étais accusé de méfaits et d'avoir proféré des menaces. On m'a amené dans notre centre correctionnel. On m'a remis nos vêtements oranges en me disant : « Ne le prends pas mal, ce n'est pas personnel », et on m'a envoyé dans l'unité de garde en milieu fermé. On ne m'a rien expliqué. Je ne savais pas ce qui se passait. On m'a mis dans une cellule tellement sale que je ne voulais toucher à rien, car j'avais peur. Je ne savais pas qui avait possédé les affaires qui traînaient encore là. J'ai réussi à faire le ménage de ma propre cellule. J'ai survécu là-dedans ce jour-là.

Dans cette unité de garde en milieu fermé, chaque cellule a une heure déterminée pour les loisirs, ou pour sortir de la cellule. Lorsque mon heure approchait, on me changeait de cellule. Personne ne me disait pourquoi, mais on me mettait dans une autre cellule sale. À l'époque, je souffrais d'un problème de santé mentale, j'avais un TOC et d'autres problèmes. Pour moi, me retrouver dans une cellule sale était une véritable torture. Cela a duré trois jours avant qu'on me transfère à un endroit où je pouvais sortir de ma cellule.

En plus, au cours de ces trois jours, je devais prendre des médicaments et d'autres trucs. On me les donnait uniquement lorsque cela convenait aux gardiens ou quand ils en avaient le temps, et non selon l'horaire prescrit. Et, comme je l'ai mentionné plus tôt, certains de mes médicaments ont été remplacés. Brusquement, leur efficacité a été modifiée, et les nouveaux médicaments ne ciblaient pas les troubles pour lesquels on m'avait prescrit les autres médicaments. Certains médicaments pour les problèmes de santé mentale ou psychiatriques doivent être pris dans un format particulier pour qu'ils soient efficaces, et certains ont un usage spécifique pour différents troubles. C'est la même chose pour les autres médicaments. Il faut un certain temps pour qu'ils s'accumulent dans votre corps avant d'être efficaces. Lorsqu'on les retire, vous passez par une période de sevrage. Puis on commence à jouer avec l'horaire de votre prise de médicaments.

Lors de mes derniers démêlés avec la justice, j'étais littéralement à la merci de mes gardiens. On me déplaçait d'un endroit à l'autre et personne ne me disait ce qui se passait, jusqu'à ce que, soudainement, je me retrouve devant le tribunal et qu'on me libère sous mon propre cautionnement. C'est à ce moment que j'ai pu commencer à m'occuper de ma cause et à tenter de la régler de manière proactive. Voilà, c'était mes derniers démêlés avec la justice.

La sénatrice Omidvar : Merci de votre témoignage.

Ma dernière question est pour Mme Mann-Rempel. Elle porte sur ce que je vois et sur ce que j'entends au sujet des efforts déployés pour institutionnaliser les principes Gladue. Quel est le pourcentage de juges prononçant les peines qui ont accès à un rapport Gladue? Le savez-vous?

Mme Mann-Rempel : Je ne peux pas donner de chiffres, mais je peux dire qu'il n'y en a certainement pas assez. Je sais qu'en Ontario, les personnes dans un certain secteur géographique ont accès aux rapports Gladue par l'entremise d'Aboriginal Legal Services Toronto. Récemment, ils ont élargi leur portée. Ils sont financés par Aide juridique Ontario pour le faire. Il y a eu un élargissement en Ontario, à l'extérieur de Toronto et de ses environs, pour inclure certaines villes avoisinantes comme Brampton et cette région. Vous devrez faire des recherches pour avoir plus de détails. Je ne sais pas quelles sont les autres villes.

La sénatrice Omidvar : Mais vous diriez que ce n'est pas très répandu? Pas encore?

Mme Mann-Rempel : Il y a deux ans, lorsque je m'occupais de libérations sous caution à Ottawa, nous n'avions pas de rédacteur de rapports Gladue. Puis, ils en ont eu un, mais il n'était plus là au bout d'un an. Vous pouvez toujours essayer d'obtenir un financement de l'aide juridique et demander à Aboriginal Legal Services Toronto de le faire, ou vous pouvez essayer de le faire faire par un particulier.

Par exemple, lorsque je formais les agents de SCC dans les Prairies — et c'est un problème dont il faut être conscient — même quand il y a des rapports Gladue, ils ne se rendent pas jusqu'au système correctionnel. C'est quelque chose qui me fâche depuis des années. Je ne sais pas pourquoi c'est comme ça. Je ne sais pas s'ils ont besoin d'un protocole d'entente. Je l'ai même constaté en Ontario, lorsque je formais des agents de libération conditionnelle : aucun d'eux n'a accès aux rapports Gladue qui auraient dû faire partie du dossier de la Cour pénale.

La sénatrice Omidvar : Que faut-il faire pour que cela se fasse? Faut-il une loi? Une politique? Une réglementation?

Mme Mann-Rempel : Je ne le sais pas, mais cela pourrait être une sorte de protocole d'entente veillant à ce que les documents juridiques provinciaux soient transférés aux services correctionnels fédéraux. C'est certainement un problème. Et, comme je l'ai mentionné, même en Ontario ils disent : « Non, nous n'avons jamais de rapports Gladue. » Ils ne sont pas disponibles partout en Ontario, mais je crois qu'ils y sont plus accessibles que dans n'importe quelle autre province. Certains sont disponibles en Colombie-Britannique depuis Vancouver. Certains sont disponibles en Alberta. Mais, assurément, les rapports Gladue eux-mêmes ne sont pas largement disponibles partout au pays.

Ainsi, un rapport présentenciel est rédigé pour tous les contrevenants, mais il se transforme parfois en analyse de l'affaire Gladue. Ce rapport a toutefois une fonction différente et les agents de probation qui rédigent ces rapports ne sont pas formés. Je sais que, selon le point de vue des rapports des services de probation, le contenu relatif à l'affaire Gladue n'est habituellement pas utile et que, parfois, il est même nuisible s'il n'est pas traité de la bonne façon.

Il y a encore beaucoup de régions au pays qui n'ont pas accès au rapport Gladue.

La sénatrice Pate : Merci à tous d'être ici. Messieurs Beaudin et Partridge, je connais assez bien le dossier en raison de mon expérience dans le cadre de l'initiative STR8 UP en Saskatchewan. J'ai beaucoup de questions. Lorsque j'y étais, j'ai travaillé beaucoup avec des femmes qui faisaient partie de STR8 UP. On-t-elles créé un groupe distinct? Je sais qu'il y avait de très sérieux problèmes similaires à ceux vécus par les hommes qui quittent les gangs de rue, mais les femmes aussi étaient aux prises avec des problèmes particuliers. Je ne sais pas s'il y a eu des progrès depuis mon départ il y a deux ans. Vous faites un travail extraordinaire. Je ne veux pas dire le contraire. Je suis seulement curieuse de savoir si les choses ont changé.

M. Partridge : Les femmes ont un cercle de sœurs qui est réservé aux femmes de STR8 UP et qui est un cercle culturel de soutien et de guérison. Mais sinon, elles font encore partie de STR8 UP.

Cela me rappelle une chose dont je voulais parler. Certains organismes défendent les droits des femmes en prison, mais pas ceux des hommes. La Société John Howard ne défend pas le droit des hommes tandis que la Société Elizabeth Fry, oui. Un des membres de STR8 UP collabore assez étroitement avec la Société Elizabeth Fry afin que les femmes qui sont membres aient accès à cette relation et à ces ressources.

La sénatrice Pate : Merci pour ces précisions.

Monsieur Beaudin, l'un des problèmes sur lesquels nous nous sommes penchés concerne les articles 80, 81 et 84. Ces articles de la loi fédérale sont censés obliger les services correctionnels à collaborer avec les communautés autochtones, en particulier, pour offrir des solutions dans les communautés non seulement pour les personnes en probation, mais également pour les personnes qui purgent leur peine dans la collectivité. Je suis curieuse de savoir si votre organisme collabore avec les services correctionnels. Il est important que nous le sachions s'ils ne collaborent pas. Le cas échéant, s'ils collaborent, quelles sont les difficultés? Je pense que vous en avez parlé un peu, mais si vous le pouvez, pourriez-vous nous parler de ces articles en particulier?

M. Beaudin : Je dois assister à une réunion lundi qui sera ma première relative au Service correctionnel du Canada. Je l'attendais avec impatience. Nous voulons tisser des liens avec ce ministère en particulier et collaborer avec lui pour certains des enjeux que vous venez de souligner. C'est important que nous le fassions.

Le Congrès des peuples autochtones est un organisme national. Nous voulons donc savoir quels programmes, initiatives et autres activités sont mis en branle partout au Canada. Nous souhaitons mettre la main à la pâte. Cela ne fait aucun doute, nous voulons participer.

La majorité des peuples autochtones habitent en milieu urbain. Ils proviennent de ce milieu. Il semble qu'un nouveau programme ait été annoncé aujourd'hui. Dans un communiqué sur la Sécurité de la vieillesse, le gouvernement libéral a annoncé une nouvelle stratégie. C'est sorti aujourd'hui dans un communiqué. Le gouvernement reconnaît que la majorité des peuples autochtones habite en milieu urbain. Il y aura également d'autres questions à régler sur le plan de la justice. C'est ce que nous souhaitons faire.

Je ne sais pas si nous aurons du temps pour parler à la fin. J'aurais aimé porter quelques éléments à l'attention du comité sénatorial.

La sénatrice Pate : Madame Mann-Rempel, nous nous connaissons depuis longtemps. Vous avez abattu énormément de travail avec les services correctionnels ainsi qu'avec la Sécurité publique. J'espère que les progrès seront encore plus grands avec la Commission des libérations conditionnelles.

Je crois savoir qu'il y a quelque temps vous avez produit un article d'opinion pour la Sécurité publique dans lequel vous mentionniez la manière dont le ministère transgresse ses obligations légales et fiduciaires envers les prisonniers autochtones. Maintenez-vous cet avis? Par ailleurs, en ce qui concerne les articles 81 et 84, la loi est très vaste. Elle laisse donc place à beaucoup de créativité quant aux options qui peuvent être offertes aux prisonniers autochtones. Or, beaucoup croient qu'il faut donner un nouvel élan à ces dispositions.

Par exemple, selon la loi actuelle, ces dispositions s'appliquent aux prisonniers de la catégorie dite à sécurité minimale. Toutefois, en vertu de la loi, elles pourraient s'appliquer aux prisonniers de toutes les catégories. De plus, comme vous l'avez mentionné, nous sommes conscients de la surclassification des prisonniers autochtones. Êtes-vous en mesure de nous dire où le service correctionnel en est rendu à cet égard?

Pour faire suite à la question de la sénatrice Omidvar au sujet des rapports Gladue, la loi exige que les juges et, maintenant, les services correctionnels tiennent compte, en fonction de la jurisprudence, des facteurs décrits à l'alinéa 718.2e). La loi a été modifiée depuis et précise à chacune des étapes.

Une de mes préoccupations — sur laquelle je souhaiterais que vous apportiez des précisions — est que si les services correctionnels adoptent une politique à cet égard et que cela diminue leur responsabilité actuellement prévue par la loi, cela serait, selon moi, conforme au libellé actuel des articles 81 et 84. J'aimerais également savoir si, selon vous, cette mesure remettrait encore plus en cause la transgression de leurs obligations légales et fiduciaires, et ce, surtout envers les prisonniers autochtones.

Mme Mann-Rempel : Permettez-moi de commencer par les articles 81 et 84.

La sénatrice Pate : Ce serait formidable.

Mme Mann-Rempel : En 2009, lorsque j'ai produit un rapport pour le Bureau de l'enquêteur correctionnel, ils étaient sous-utilisés. Ils le sont encore certainement aujourd'hui. Or, nous voyons également des lits vides, ce qui est anormal. Je crois que, lorsqu'au moment de faire des études ponctuelles, il y a parfois des lits vides. Pourquoi y a-t-il des lits vides dans les pavillons de ressourcement établis au titre de l'article 81, en particulier dans les sections réservées aux hommes? Cela s'explique, en partie, parce que ces pavillons sont restreints aux prisonniers de la catégorie dite à sécurité minimale. C'est également parce que les délinquants autochtones sont classés dans des catégories de sécurité supérieures. Idéalement, il faudrait au moins que l'on s'efforce de les classer dans des catégories de sécurité inférieures. Cela se produit moins souvent que l'on pourrait le croire. Il faudrait peut-être commencer par passer de la catégorie dite à sécurité maximale à la catégorie dite à sécurité moyenne pour ensuite passer de la sécurité moyenne à la sécurité minimale.

Dans un volet de la formation que j'ai donnée, nous avons travaillé sur des dossiers de contrevenants. On utilise des outils puis donne des chiffres qui sont utilisés pour déterminer la classification de sécurité d'un prisonnier. Pour certaines valeurs numériques, il est possible d'annuler la décision. Une chose que j'ai tenté d'enseigner aux participants à ma formation est que, bien que le système puisse classer un délinquant autochtone dans la catégorie dite à sécurité moyenne, vous pouvez examiner le dossier et, si vous le jugez utile, vous pouvez déterminer qu'il pourrait être opportun de le mettre dans un pavillon de ressourcement. Alors, comment appliquer les principes de l'affaire Gladue pour faire usage de son pouvoir discrétionnaire et faire passer un délinquant de la catégorie dite à sécurité moyenne à la catégorie minimale et le placer dans un pavillon de ressourcement.

Certes, si cette situation se produisait plus souvent, nous verrions plus de contrevenants dans les pavillons de ressourcement. De plus, si — bien entendu — nous offrons cette possibilité au moins à certains délinquants qui sont classés dans la catégorie dite à sécurité moyenne, il y aurait plus de clients dans les pavillons de ressourcement.

Certes, il n'en existe pas beaucoup et la plupart sont des pavillons de ressourcement administrés par le gouvernement. Et pourquoi cela? Je pense que cela dépend si nous les voyons comme une approche complémentaire ou comme une approche transformatrice. Les articles 81 et 84 ont peut-être été vus comme une approche complémentaire plutôt que comme une approche potentiellement transformatrice.

Cela est vrai en particulier pour l'article 84; je ne suis même pas certaine que les communautés savent que c'est une option dont elles peuvent se prévaloir. J'ai souvent songé que le Service correctionnel du Canada devrait avoir des guides et un intervenant qui fait le tour des organismes nationaux et des communautés pour parler des possibilités offertes par l'article 84 afin que les collectivités connaissent les options qui s'offrent à elles et qu'elles y soient préparées.

J'ai justement assisté à une audience de la Commission des libérations conditionnelles à Collins Bay il y a quatre ou cinq ans. Pour la première fois, une communauté s'est levée et a dit : « Nous voulons superviser cette personne. » Il s'agissait d'une réserve. L'audience a été suspendue. L'audience a été reportée, car essentiellement personne ne savait quoi proposer à la commission. Personne ne savait ce que la commission demanderait à la communauté. En toute impartialité, la commission a demandé : Des programmes ont-ils été mis en place dans la communauté? Quelle approche sera adoptée? Est- ce que le conseil de bande en sera responsable? Le conseil de bande a-t-il adopté une résolution? L'audience a donc été suspendue pour permettre à la communauté de rassembler les éléments. Par contre, il me semble que les communautés devraient pouvoir avoir accès à ce genre de renseignements avant l'audience. Il faudrait peut-être les aviser que le délinquant comparaîtra devant la commission et leur demander si elles veulent participer au processus et sur quels plans.

Bien entendu, il faudra prendre en considération l'aspect culturel. Dans une petite communauté, il ne faut pas s'attendre à ce qu'il y ait un programme perfectionné pour les toxicomanes. J'ai entendu dire que, dans certaines communautés, le programme pour les toxicomanes était en fait un aîné qui fait une visite quotidienne pour discuter avec la personne concernée. Il faut également être ouvert et conscient que l'approche sera différente dans chaque communauté.

Il se peut que les communications et la sensibilisation du public au sujet de l'article 84 aient été déficientes. Je ne sais pas combien de communautés en connaissent l'existence.

Certaines communautés manquent de ressources, alors elles pourraient ne pas être intéressées. Elles n'ont peut-être pas les capacités financières ou autres. Par ailleurs, la supervision des délinquants en libération conditionnelle pourrait ne pas figurer sur la liste des priorités de certaines communautés. Voilà certains des problèmes auxquels on doit faire face.

Le potentiel de transformation est réel. Au début de ma carrière, en 2000, je participais en tant qu'avocate aux négociations sur l'autonomie gouvernementale dans le domaine de l'administration de la justice. Je représentais donc le ministère de la Justice — le gouvernement fédéral — à différentes tables de négociations sur l'autonomie gouvernementale quant à l'administration de la justice. De ce point de vue, les articles 81 et 84 offrent certainement la possibilité de renforcer les capacités et de faire progresser l'autonomie gouvernementale dans les différentes communautés. Je pense que cette possibilité a été vue comme une approche complémentaire plutôt que comme une approche fondamentalement transformatrice. Voilà ce que je répondrais.

Rappelez-moi quelle était la seconde partie de votre question.

La sénatrice Pate : Vous l'avez sans aucun doute abordé. Conformément à l'article 81, ce n'est pas obligatoire que ce soit un établissement correctionnel.

Mme Mann-Rempel : Exact.

La sénatrice Pate : Cependant, les politiques des services correctionnels ont fini par faire passer cette option par les établissements correctionnels, dont bon nombre sont administrées par les services correctionnels ou selon une entente contractuelle, comme celle que nous avons vue il y a deux semaines.

Nous avons également les obligations légales et fiduciaires imposées aux services correctionnels — comme organisme gouvernemental — envers les Autochtones et selon lesquelles ils doivent donner un nouvel élan aux dispositions de manière à adopter une approche — j'ai aimé le terme que vous avez utilisé — plus transformatrice que complémentaire. Quel est votre avis à ce sujet?

Mme Mann-Rempel : Je ne suis pas certaine si je suis prête à parler de l'aspect fiduciaire sans faire d'autres recherches. J'ai beaucoup étudié la relation fiduciaire et les responsabilités ainsi que les obligations fiduciaires, mais je ne suis pas certaine d'être à l'aise d'en parler. J'aimerais pouvoir y réfléchir, car je ne voudrais pas me tromper.

La sénatrice Pate : D'accord, merci.

Le président : Merci, sénatrice Pate.

Mesdames et messieurs, passons brièvement aux conclusions. Avez-vous quelque chose à ajouter pour conclure?

Madame Mann-Rempel, vous pouvez dire quelques mots et ensuite nous conclurons. Cette séance a été très instructive.

M. Beaudin : Permettez-moi de conclure en parlant de la Charte canadienne des droits et libertés. Je crois que le Congrès des peuples autochtones estime que la Charte doit être appliquée aux personnes incarcérées soit dans un établissement fédéral ou provincial. Je sais que les prisonniers peuvent voter, alors je me demande pourquoi elle ne s'appliquerait pas.

Par ailleurs, les travaux qu'entreprendra le comité me préoccupent. Par exemple, Affaires autochtones et du Nord Canada... Je ne sais pas si vous avez entendu parler des projets de loi C-31, C-3 et S-3 concernant les droits de la personne des Autochtones au titre de la Loi sur les Indiens et relativement à l'inscription au registre des Indiens. Le ministère est contre ces projets de loi. Il est assez intéressant de voir que le gouvernement appuyait les modifications législatives lorsqu'il était dans l'opposition et que maintenant il s'y oppose. Il ne semble pas vouloir y donner suite.

Je suis donc inquiet que vous fassiez les travaux, que vous formuliez des recommandations et que le gouvernement ne donne pas suite sur le plan des droits de la personne des prisonniers. Je crois que c'est ce qui pourrait se produire. Nous habitons au Canada et sommes en 2017. Je crois que nous pouvons améliorer la façon dont nous traitons nos gens en tant que pays. Nous parlons d'êtres humains ici.

Il y a aussi la question de l'isolement. Vous avez probablement déjà entendu l'expression « hors de vue, hors de l'esprit ». Nous nous inquiétons donc du fait qu'il y ait actuellement des gens incarcérés dont nous ne sommes pas au courant. Nous ne savons pas s'ils sont là ou s'ils ont disparu. Adam Capay est un bon exemple. Ses droits de la personne n'ont pas été respectés pendant les cinq années où il a été en isolement. Voilà le genre de situations qui nous préoccupent.

Une autre situation concerne nos enfants. Nous avons un très gros système de services sociaux qui prend en charge un nombre record de nos jeunes. C'est extrêmement préoccupant, selon nous, sur le plan des droits de la personne.

Je crois que nous avons beaucoup de travail à faire. Les travaux du comité me donnent espoir et j'espère que nous aurons l'occasion d'exprimer notre point de vue.

Je ne sais pas si vous accepteriez, mais je voulais vous le demander. Il y a quelqu'un ici avec moi de l'autre côté. Il est un ancien prisonnier. Serait-il possible que d'autres anciens prisonniers soumettent leur opinion ou soient entendus par le comité? Je ne sais pas s'ils voudront, mais j'ai l'impression que oui. Ils souhaitent probablement que leur voix soit entendue. Je souhaitais seulement soumettre l'idée.

Je vous remercie de m'avoir invité.

Le président : Nous avons déjà entendu des anciens prisonniers dans le cadre de nos travaux et nous souhaitons en entendre beaucoup d'autres. Il ne s'agit pas d'une étude ponctuelle. Nous souhaitons produire en septembre un rapport préliminaire sur ce que nous avons entendu, qui renfermera essentiellement des observations. Néanmoins, le comité poursuivra ses travaux pendant au moins une année. Nous veillerons à interroger d'autres anciens prisonniers. Vous avez ma parole. Soyez assuré que nous avons pris bonne note de ce que vous nous avez dit.

Monsieur Partridge, souhaitez-vous conclure brièvement?

M. Partridge : Absolument. Je tiens à vous remercier en mon nom personnel et au nom des membres de STR8 UP de m'avoir permis de participer à cette importante discussion. Merci également de votre ouverture. Je sais qu'il est parfois plus facile de laisser les prisonniers en prison et de les oublier que de s'interroger sur leurs droits et encore plus de les défendre. Nous, comme membres de STR8 UP, vous en sommes reconnaissants. Je vous remercie encore une fois de cette occasion et de votre temps.

Le président : Merci à vous. Certes, nous n'oublierons pas ce que nous avons entendu et vu au cours des deux dernières semaines dans les établissements de l'Est lorsque nous irons dans l'Ouest puis plus loin dans l'Est. Je suppose que nous sommes au centre actuellement.

Madame Mann-Rempel, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Mann-Rempel : Je vous remercie de m'avoir invitée. Je souhaite mentionner une dernière chose. On a beaucoup parlé des gangs. Je siège au conseil d'administration de Prévention du crime Ottawa. Je vous invite à consulter la stratégie de sortie des gangs que nous avons mise en place il y a environ deux ans en collaboration avec le service de police d'Ottawa. Elle est manifestement différente du modèle organique dont ils ont parlé, mais elle innove, car elle est un programme municipal qui ne vise pas seulement l'élimination des gangs, mais la sortie des membres. Nous avons collaboré avec la Société John Howard ainsi qu'avec d'autres fournisseurs de services sociaux dans la collectivité. Cette initiative permet de rassembler différentes ressources pour aider les gens à se sortir des gangs. Il s'agit de Prévention du crime Ottawa et des forces policières de la ville.

Le président : Pourriez-vous nous envoyer un message à ce sujet pour ne pas que nous oubliions? C'est très important.

Mme Mann-Rempel : Bien sûr.

Le président : Merci beaucoup. La semaine prochaine, honorables sénatrices, la sénatrice Ataullahjan présidera la séance. Je dois participer aux travaux du Sénat, mais je reviendrai.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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