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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 39 - Témoignages du 20 février 2019


OTTAWA, le mercredi 20 février 2019

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 11 h 30, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel, et à huis clos, pour étudier l’évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.

La sénatrice Wanda Elaine Thomas Bernard (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue. J’aimerais d’abord souligner, au nom de la réconciliation, que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.

Je m’appelle Wanda Thomas Bernard et je viens de East Preston, en Nouvelle-Écosse. J’ai l’honneur et le privilège de présider le comité. J’invite maintenant mes collègues à se présenter.

La sénatrice Cordy : Je m’appelle Jane Cordy et je représente la Nouvelle-Écosse. Je suis également vice-présidente du comité.

La sénatrice Martin : Yonah Martin, de la Colombie-Britannique. Soyez les bienvenus.

La sénatrice Hartling : Bonjour. Je m’appelle Nancy Hartling et je représente le Nouveau-Brunswick.

[Français]

Le sénateur Brazeau : Bonjour. Patrick Brazeau, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.

La sénatrice Pate : Je m’appelle Kim Pate et je représente l’Ontario.

La présidente : Je vous remercie, chers collègues.

Notre comité étudie les droits de la personne des prisonniers dans les établissements correctionnels fédéraux. Au cours de cette étude, le comité a tenu des audiences publiques à Ottawa ainsi que dans diverses régions du pays et il a effectué des visites d’information dans 29 établissements.

Notre étude tire à sa fin, et nous nous concentrons maintenant sur des sujets qui n’ont pas été examinés à fond lors de nos séances précédentes. Nos premiers témoins représentent des organismes nationaux qui travaillent avec des prisonniers.

Permettez-moi de vous présenter Mitch Taillon, président de l’Association dentaire canadienne, et Ajay Pandhi, vice-président de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, qui est accompagné par Fred Phelps, directeur général.

Je tiens à mentionner que le président de l’Association canadienne des policiers devait être notre troisième témoin aujourd’hui, mais que, malheureusement, il est malade.

Chaque témoin fera un bref exposé, et ensuite, nous allons passer aux questions des sénateurs. Monsieur Taillon, la parole est à vous.

Mitch Taillon, président, Association dentaire canadienne : Merci, madame la présidente. Bonjour. Je m’appelle Mitch Taillon et je suis président de l’Association dentaire canadienne. Je suis également dentiste à Assiniboia, en Saskatchewan. Je remercie le comité de me donner l’occasion de comparaître aujourd’hui dans le cadre de l’étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers.

Au fil des ans, les problèmes concernant les soins aux prisonniers dans les établissements correctionnels fédéraux ont été portés à l’attention de l’Association dentaire canadienne. Aucune recherche n’a été menée sur la santé buccodentaire des personnes incarcérées, alors nous nous fions à l’information que nous fournissent les dentistes qui assurent des soins dans ces établissements.

Les soins sont fournis par des dentistes contractuels en conformité avec le Cadre national des services de santé essentiels. Ce cadre stipule que les soins dentaires essentiels sont axés sur le soulagement de la douleur, le traitement des infections, la gestion des maladies et l’éducation en matière d’hygiène buccale préventive. Ces soins dentaires visent à soulager la douleur, à traiter les infections, à rétablir des fonctions, particulièrement la capacité de mastiquer, et à gérer les maladies buccodentaires sérieuses et chroniques.

La majorité des services autorisés par le Service correctionnel du Canada sont des services d’urgence, notamment l’extraction de dents et le drainage d’infections. Des services préventifs, comme des nettoyages, nécessitent une autorisation spéciale.

Les dentistes nous disent que le travail dans ces établissements constitue un défi de taille, car il y a des listes d’attente pour des services et la population carcérale est en augmentation. En particulier, un certain nombre de dentistes nous ont dit en 2014 que les changements apportés au programme et les compressions budgétaires ont fondamentalement modifié la façon dont les dentistes peuvent travailler dans les prisons. Les compressions budgétaires visant le programme sont survenues au même moment que celles effectuées à l’échelle du gouvernement dans le cadre du Plan d’action pour la réduction du déficit.

Les modifications au contrat des dentistes qui travaillent dans les prisons ont fait en sorte qu’on est passé de plusieurs visites par semaine à une visite par mois dans certains cas. Cela n’a servi qu’à aggraver les problèmes existants concernant les temps d’attente.

Les compressions ont eu pour effet de réduire considérablement les visites des dentistes dans les établissements. Lorsque les visites sont moins fréquentes, cela signifie que seuls les cas les plus sérieux sont traités et que certains problèmes dentaires persistants se retrouvent au bas de la liste des priorités.

Les compressions signifient également que des services de prévention de base, qui pourraient contribuer au bout du compte à réduire le nombre de visites pour des cas sérieux, sont très rarement offerts. Ces services peuvent être fournis avec l’approbation du Service correctionnel du Canada, mais certains dentistes se sont fait dire d’emblée qu’ils ne seraient pas approuvés.

Nous savons que la prestation de soins de santé dans les établissements correctionnels fédéraux pose de nombreux défis. La préoccupation que nous entendons, c’est que la réduction des ressources, combinée à la capacité restreinte de fournir des soins de base aux prisonniers, risque d’accroître certains des problèmes de santé buccodentaire qu’on observe dans les pénitenciers au Canada.

Les dentistes qui travaillent dans des établissements correctionnels fédéraux fournissent un service important, et ils le font parce qu’ils ont véritablement à cœur la santé de ces patients. Ils estiment toutefois de plus en plus que les changements visant la façon dont ils fournissent des soins sont arbitraires et ne respectent pas leurs connaissances professionnelles ou leur dévouement à l’égard des détenus.

Je vous remercie de m’avoir écouté. Je serai ravi de répondre à vos questions.

Ajay Pandhi, vice-président, Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux : Bonjour et merci d’avoir invité les travailleurs sociaux à exprimer leur point de vue dans le cadre de cette importante consultation. À titre de vice-président de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, mes observations représentent la perspective collective de notre profession, mais elles sont aussi fondées sur mon expérience professionnelle à titre de travailleur social autorisé ayant plus de 20 ans de pratique, ce qui comprend mon rôle actuel à titre de spécialiste des traumatismes au Centre correctionnel Fort Saskatchewan. J’ai également une clinique privée gratuite, où je m’occupe des besoins en santé mentale de personnes qui ont des antécédents criminels.

Aujourd’hui, je vais parler des façons de rendre le système de justice plus juste pour tout le monde et mieux adapté à l’atteinte de son objectif de réhabilitation.

La première question soulevée par le comité portait sur les facteurs qui mènent au contact avec le système de justice pénale. Je pense toutefois qu’il est important de prendre le temps de reformuler la question : quels facteurs empêchent de nombreuses personnes de se retrouver dans le système de justice pénale?

J’aimerais que nous examinions les nombreux facteurs qui empêchent une personne d’avoir des démêlés avec le système de justice pénale : l’accès à une éducation de qualité; l’emploi et la sécurité du revenu; un logement stable et culturellement adapté dans un milieu aidant et chaleureux; l’accès aux soins de santé et aux services de soutien; un accès constant à des aliments nutritifs et à de l’eau potable, pour n’en nommer que quelques-uns.

En tant que travailleurs sociaux, nous considérons qu’il est important, pour créer des communautés et des conditions qui permettent aux gens d’être heureux et en santé le plus possible, de s’attaquer aux déterminants sociaux de la santé et d’adopter une approche axée sur la santé publique.

Nous portons également un grand intérêt au bien-être global des gens et nous savons que les étiquettes engendrent la honte et ont des répercussions sur les plans social et économique. Qualifier les gens de criminels n’est pas productif. Cela ne mène pas seulement à une stigmatisation coûteuse sur les plans social et financier, comme nous le savons, mais cela nous empêche aussi d’avoir une pleine reconnaissance et une entière confiance à l’égard du vécu et du milieu uniques d’une personne.

Premièrement, puisque nous savons que la toxicomanie n’est pas un problème de criminalité, mais de santé, l’ACTS est favorable aux sites d’injection supervisée et aux approches de réduction des méfaits, et demande la décriminalisation de l’utilisation de substances psychoactives à des fins personnelles. La citation suivante m’interpelle réellement : « La toxicomanie n’est pas un problème; c’est une solution pour composer avec un traumatisme ou pour l’éviter. »

Nous savons aussi que les personnes qui ont des problèmes de toxicomanie sont moins susceptibles de récidiver lorsqu’on leur offre des traitements en milieu communautaire. Des pays comme le Portugal ont réussi à intégrer une démarche de santé publique à l’égard de l’usage de substances, démontrant ainsi que la décriminalisation est possible et permet la réduction des taux d’incarcération et du nombre de décès par surdose.

Nous avons donc un modèle qui appuie les gens et sauve des vies.

Deuxièmement, nous sommes favorables à l’élimination des peines minimales obligatoires, conformément à l’appel à l’action no 32 de la CVR. Ce serait la meilleure façon de faciliter l’utilisation des rapports Gladue et d’encourager l’élaboration de plans personnalisés pour tous.

L’ACTS reconnaît que le système de justice pénale est ancré dans un modèle colonial, à l’instar d’autres systèmes, notamment le système de protection de la jeunesse. La surreprésentation des peuples autochtones dans le système de justice pénale, tant sur les plans de la victimisation que de l’incarcération, est invariablement liée aux politiques et aux pratiques discriminatoires issues de l’histoire coloniale du Canada, ce qui inclut le système de pensionnats.

Plutôt que nous concentrer sur les causes de la surreprésentation considérable des peuples autochtones dans le système de justice pénale, il est impératif de se demander ce qui ne va pas dans le système de justice pénale pour que les peuples autochtones aient tant de démêlés avec la justice. Nous appuyons le principe « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous » et nous considérons que, dans notre cheminement vers la réconciliation, des approches autochtones en matière de justice pénale sont essentielles. Nous préconisons un financement continu pour des programmes holistiques qui reconnaissent et honorent les cultures et la diversité des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Fondamentalement, nous appuyons l’autodétermination et nous estimons que les services destinés aux Autochtones doivent préférablement être créés et fournis par les communautés autochtones, avec le financement et le soutien requis.

Enfin, nous croyons que la continuité des soins facilite une réintégration réussie dans la société. Les personnes incarcérées ont le droit d’être rémunérées pour leur travail et devraient avoir l’occasion de poursuivre des études et d’obtenir une certification professionnelle pendant leur incarcération afin de les préparer à réintégrer la société. Les établissements correctionnels et les organismes de services communautaires devraient collaborer à la mise en œuvre de plans de réinsertion sociale visant à s’attaquer aux déterminants sociaux de la santé, notamment l’accès au logement, l’aide au revenu, les soins de santé et l’emploi.

Plus précisément, les recherches ont démontré que l’accès à des programmes de traitement est bénéfique pour les détenus atteints de maladies mentales et réduit le risque de récidive. Il faut donc, évidemment, faire de l’accès aux services en santé mentale une priorité. La participation à un programme communautaire axé sur l’acquisition de compétences visant à accroître le capital social peut renforcer le réseau de soutien d’une personne et réduire le risque de récidive.

Cela me ramène au début de ma déclaration. Si vous-même ou un proche deviez recommencer à zéro, sur quelles mesures d’aide aimeriez-vous pouvoir compter?

Merci encore d’avoir invité l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux à participer à cette étude. C’est avec plaisir que je répondrai aux questions.

La présidente : Je vous remercie beaucoup. Nous allons maintenant passer aux questions des sénateurs.

La sénatrice Cordy : Je vous remercie beaucoup. Il est important que les Canadiens comprennent le rôle que l’Association dentaire canadienne et l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux jouent et devraient jouer dans notre système de justice pénale.

J’ai participé ce matin à une réunion libre du caucus sur la crise des opioïdes. On nous a dit — et je n’étais pas étonnée — qu’un grand nombre des personnes incarcérées ont un problème de toxicomanie. Pour qu’elles puissent réussir leur réinsertion sociale, il faut s’occuper de ce problème pendant l’incarcération, et lorsqu’elles réintègrent la société, il faut qu’elles bénéficient de services de soutien. Comment faire tout cela?

Il est clair que les toxicomanes sont stigmatisés. On le voit bien lorsque des communautés essaient de mettre sur pied des sites d’injection supervisée. Les gens lancent des pétitions, car ils n’en veulent pas. C’est le syndrome du « pas dans ma cour », car les gens ont tendance à croire que les toxicomanes appartiennent à une certaine classe de la société, ce qui est absolument faux. Ils sont issus de toutes les classes de la société. Le niveau d’éducation, le revenu, notamment, n’ont pas d’importance.

Notre comité a visité bien des prisons, et il semble que certains des programmes qui y sont offerts ne sont pas très efficaces. Vous avez parlé des compressions budgétaires qui se sont produites en 2014. C’est peut-être vous, monsieur Taillon. C’est la même chose. Comment faire valoir au Service correctionnel du Canada que, si nous ne nous attaquons pas à ce genre de problème, les prisons seront simplement des portes tournantes, que les gens en sortiront, puis y reviendront?

M. Pandhi : Je vous remercie de votre question. En ce qui concerne la population carcérale, je dirais qu’on réduirait grandement le nombre de détenus dans les établissements correctionnels fédéraux et provinciaux si nous en retirions les personnes qui souffrent d’une dépendance, de pauvreté et de problèmes de santé mentale. Décriminaliser la toxicomanie au lieu de la criminaliser constituerait un grand pas en avant, à mon avis.

Gabor Maté, un spécialiste des traumatismes en Colombie-Britannique, est d’avis que nous ne posons pas la bonne question. Nous nous demandons pourquoi des gens deviennent des toxicomanes. Nous devrions plutôt nous demander : « Pourquoi souffrent-ils? » Si nous ne nous penchons pas sur la cause profonde de la toxicomanie — je dirais qu’il s’agit d’une solution pour soulager la souffrance ou éviter de la ressentir —, nous tournons en rond et nous offrons des solutions temporaires.

Les établissements correctionnels actuels ne voient pas l’importance d’un programme de transition, d’après ce que j’ai pu observer. Une fois que les détenus sont libérés, que se passe-t-il? Un grand nombre d’entre eux vont recourir de nouveau aux moyens qu’ils connaissent pour comprendre leur identité, ce qui signifie qu’ils vont notamment retomber dans la toxicomanie.

La véritable question est celle-ci : qu’est-ce que la toxicomanie leur procure? Elle stimule la dopamine et l’endorphine, ce qui leur permet de se sentir normal, d’avoir de la motivation, de trouver l’équilibre nécessaire pour fonctionner dans une société qui les a stigmatisés et d’éviter de faire face aux traumatismes graves qu’un grand nombre d’entre eux ont vécus à un jeune âge.

J’ai travaillé dans des écoles en tant que spécialiste en santé mentale, et j’ai pu constater personnellement que la vaste majorité des jeunes que je rencontrais vivaient des problèmes à la maison, notamment l’éclatement de leur famille. Je ne dis pas que le fait de vivre dans une famille éclatée entraîne une toxicomanie, je dis seulement que ce que j’ai remarqué surtout, c’est que les problèmes de santé mentale à la maison qui n’étaient pas traités entraînaient des problèmes de santé mentale chez les jeunes eux-mêmes, ce qui, plus tard, les amenait à vivre dans un milieu exempt de soutien, à subir possiblement des traumatismes de nature sexuelle, physique ou psychologique, et ensuite à tomber dans la toxicomanie pour affronter ces problèmes et combler un vide.

Je pense que nos prisons doivent favoriser davantage la réhabilitation. Il faut se pencher sur la décriminalisation. La justice réparatrice est une solution utilisée dans de nombreux pays, et elle pourrait l’être au Canada. Il faut arrêter de couvrir de honte ces personnes et de les culpabiliser. Il faut les traiter davantage comme des personnes normales et cesser de les traiter comme des gens qui ont fait quelque chose de mal, et il faut déterminer comment appuyer le système.

M. Taillon : Dans les prisons, les dentistes fournissent des soins buccodentaires, qui, selon nous, contribuent de manière essentielle à la santé globale. Le fait d’offrir des soins buccodentaires de base dans ces milieux contribue largement à la santé générale, y compris la santé mentale, et au traitement des toxicomanies et des problèmes de ce genre. Lorsque les gens dans la société ou dans les milieux carcéraux sont aux prises avec des problèmes de santé buccodentaire, ils doivent avoir accès à des soins dentaires. Dans les établissements correctionnels, dont nous parlons aujourd’hui, nous devons être en mesure de leur offrir cet accès, car, très souvent, la seule solution qui existe pour eux, s’ils n’ont pas accès à des soins dentaires, ce sont les médicaments d’ordonnance, et nous parlons justement du problème des opioïdes. Les médicaments d’ordonnance ne constituent pas une solution à un problème de santé buccodentaire. La solution à ce problème réside dans un accès à des soins dentaires en temps opportun.

La sénatrice Cordy : Vous avez notamment mentionné qu’une bonne santé buccodentaire va de pair avec une bonne santé globale. Si votre santé buccodentaire se détériore, cela signifie souvent que votre santé en général se détériore également. Lorsque nous avons visité des prisons, l’une des principales préoccupations exprimées par les détenus était, en effet, les rares visites des dentistes, qui, selon eux, venaient seulement pour s’occuper de cas urgents, seulement pour extraire une dent, et non pour la réparer. Est-ce que cela a toujours été le cas, ou est-ce que la situation s’est dégradée après les compressions budgétaires de 2014?

M. Taillon : Eh bien, lorsque je me suis entretenu avec les dentistes qui fournissent des soins dans les établissements correctionnels, ils m’ont expliqué qu’il y a toujours eu une demande importante au sein de la population carcérale. Ils répondaient à la demande du mieux qu’ils le pouvaient. Ensuite, il y a eu les compressions budgétaires, ce qui a considérablement réduit le nombre de visites dans les établissements. J’ai donné l’exemple d’un établissement où ils allaient auparavant deux ou trois fois par semaine, et ensuite, ils n’y allaient qu’une fois par mois. Cette visite mensuelle, selon leurs dires, ne servait qu’à s’occuper des cas urgents. C’est tout ce qu’ils étaient en mesure de faire.

D’abord et avant tout, les dentistes fournissent des soins de santé. C’est ce qu’ils font. Ce qui les préoccupe le plus, c’est que, lorsqu’il y a une urgence après cette visite mensuelle, la personne concernée doive attendre ou recevoir des soins d’un médecin ou d’une infirmière et prendre des médicaments d’ordonnance, qu’il s’agisse d’antibiotiques ou d’analgésiques, qui ne contribuent pas à régler le problème en question. Cette situation leur brise le cœur, parce qu’ils savent que s’ils pouvaient être là pour fournir les soins nécessaires, ils pourraient soulager la douleur et traiter l’infection.

Je suis certain que vous savez tous très bien que la douleur et l’infection ont une grande incidence sur la santé d’une personne, sur la façon dont elle se perçoit, sur son niveau de confort, sur son sommeil, sur son alimentation et sur ses relations sociales. C’est ce qui fait que nous essayons d’offrir des soins aux détenus.

Si nous pouvons améliorer leur santé buccodentaire, très souvent, les détenus vont mieux s’alimenter. S’ils s’alimentent mieux, ils vont se sentir mieux. S’ils se sentent mieux, ils vont mieux dormir. S’ils dorment mieux, peut-être qu’ils accepteront des traitements en santé mentale et d’autres services. Tout est tellement interrelié qu’il faut vraiment adopter une approche globale axée sur le bien-être, qui fait appel à des travailleurs sociaux et à des spécialistes d’autres domaines de la santé qui peuvent jouer un rôle dans ces milieux, à mon avis.

La sénatrice Boyer : Ma question suivante s’adresse à vous, docteur Taillon. Vous avez dressé un tableau plutôt sombre de la situation entourant la santé dentaire dans le système carcéral. Nous savons que lorsqu’on souffre d’un mal de dents, tout s’arrête. Ce que vous dites, c’est que c’est étroitement lié à la santé générale et au bien-être.

Vous avez aussi déclaré que le système correctionnel était en mesure d’améliorer les services préventifs, mais qu’il ne le faisait pas. Savez-vous pourquoi? Aussi, d’après vous, comment pourrait-on fournir des soins dentaires adéquats dans le système carcéral?

M. Taillon : Merci de la question, sénatrice.

D’abord, ce qui aiderait la personne qui souffre d’un mal de dents, ce serait de pouvoir consulter un dentiste rapidement; il faudrait donc offrir des services dentaires plus souvent et plus longtemps.

Vous avez aussi demandé comment on pourrait incorporer les services préventifs. D’après moi, cette question comporte deux aspects. La majorité du reste de la population a déjà reçu des services préventifs de santé buccodentaire. Nous aimerions offrir un niveau de service semblable à la population carcérale, car c’est une bonne façon de favoriser la santé buccodentaire.

Le problème, c’est que, lorsque vous arrivez dans un milieu que vous n’avez pas visité depuis un mois, vous voulez peut-être offrir des services préventifs de santé buccodentaire, mais vous devez d’abord traiter les problèmes urgents qui ont émergé depuis votre dernière visite.

La solution comporte deux volets : il faut plus de temps, et il faut mettre en place un processus d’approbation adéquat pour faire en sorte qu’on puisse non seulement fournir des soins d’urgence, mais aussi établir un programme préventif de soins de santé buccodentaire. Il faudrait que l’établissement s’occupe de l’organisation et du système de soutien. Je ne suis pas spécialiste du milieu qu’on retrouve à l’intérieur des établissements correctionnels. Je pense qu’il faudrait mener beaucoup plus de recherches auprès des gens qui fournissent des services de santé dans ce milieu.

L’autre chose que les dentistes m’ont dite, c’est que, pour améliorer le système de soins de santé buccodentaire à l’intérieur des prisons, il faut consulter les dentistes.

La sénatrice Boyer : Ne présumez pas que vous savez ce qui est préférable?

M. Taillon : Pardon?

La sénatrice Boyer : Ce que vous dites, c’est que le Service correctionnel du Canada doit consulter les dentistes pour savoir comment améliorer les soins?

M. Taillon : Je suis certain que ce sont des personnes bien informées et hautement qualifiées, mais franchement, la prestation de services de soins de santé buccodentaire est notre spécialité, et on nous consulte très peu à ce sujet.

La sénatrice Boyer : Merci.

La sénatrice Pate : Merci à vous tous d’être ici aujourd’hui. Ma question comprend deux parties, comme c’est souvent le cas. Je demanderais à chacun d’y répondre, si vous le voulez bien.

Le personnel et les détenus de prisons que nous avons visitées nous ont fait part de préoccupations relatives aux soins de santé et aux services de travail social, ainsi qu’à l’impossibilité de recevoir des soins préventifs. Cela étaye certainement les témoignages que vous avez présentés aujourd’hui.

Nous avons aussi eu des conversations avec des professionnels qui nous ont dit que dans le milieu du Service correctionnel du Canada, ils devaient couramment enfreindre les normes professionnelles et les codes de déontologie qu’ils sont censés respecter en leur qualité de dentistes, de médecins ou de travailleurs sociaux. J’aimerais vous entendre là-dessus, en fonction de vos spécialités respectives. Comment les dentistes et les travailleurs sociaux gèrent-ils cette situation? On m’a aussi dit que signaler ce fait pouvait entraîner la perte d’un contrat. Avez-vous de l’information à ce sujet ou pourriez-vous en obtenir pour nous?

La deuxième partie de ma question revient sur la réponse que vous venez de donner à la question de la sénatrice Boyer. À quelle fréquence vous consulte-t-on au sujet des politiques qui auraient une incidence sur le travail que vos membres professionnels accomplissent à l’intérieur des prisons? Si l’on vous consulte, à quelle fréquence vos conseils sont-ils suivis? Aussi, quelle connaissance vos membres ont-ils des dispositions de la loi actuelle sur le système correctionnel en vertu desquelles ils pourraient référer une personne vers des services offerts dans la communauté, conformément à l’article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, ou à d’autres articles pour des domaines particuliers? Merci.

M. Taillon : Les exigences professionnelles... La plupart d’entre nous — ou plutôt tout le monde au Canada — doivent satisfaire à des exigences relatives aux permis qui comprennent des obligations prévues par la loi provinciale. La majorité de ces exigences sont semblables d’un océan à l’autre; elles ne sont pas identiques, mais elles se ressemblent beaucoup. Les exigences relatives à la prestation de soins de santé buccodentaire sont de plus en plus prescriptives, peu importe le patient et le milieu. Cela n’a pas d’importance. Le rôle du dentiste est de satisfaire aux exigences prévues par la loi en vertu de laquelle il a obtenu son permis.

Pour les quelques dentistes à qui j’ai parlé et qui travaillent dans des établissements du Service correctionnel du Canada, c’est une préoccupation. Ils sont inquiets parce que, pour le dire franchement, ils ne sont pas convaincus que le milieu, la structure et les mécanismes qui se trouvent à l’intérieur des établissements carcéraux dans lesquels ils travaillent sont conformes aux normes. On ne m’a rien dit d’autre qui pourrait confirmer cette affirmation; je n’ai pas d’exemples précis ou quoi que ce soit. Il faudrait mener une enquête ou une étude à ce sujet. Toutefois, c’est une préoccupation parce qu’au bout du compte, la responsabilité revient aux dentistes autorisés. Ils se sentent donc vulnérables, ce qui n’est pas une bonne situation dans laquelle se trouver.

Votre deuxième question concernait ce qui arriverait à un contrat si la situation était signalée. Personne ne m’a parlé de cela; je ne peux donc rien dire à ce sujet puisque je ne sais pas si ce problème existe ou non.

À quelle fréquence sont-ils consultés? Rarement. Une personne à qui j’ai parlé sentait qu’elle recevait du soutien de la part de son supérieur immédiat à l’intérieur de l’établissement, mais beaucoup moins de la part du reste de l’établissement. Une autre personne était d’avis que les dentistes étaient beaucoup trop peu consultés, et lorsqu’ils l’étaient, leurs conseils n’étaient pas suivis.

En ce qui concerne la possibilité de renvoyer des personnes à des services externes ou à des fournisseurs externes de soins de santé, nous n’avons pas non plus abordé cette question. Je ne connais donc pas leur avis à ce sujet. J’ai entendu que c’était une option, mais je ne sais pas à quel point c’est pratique. Je ne peux rien dire là-dessus.

M. Pandhi : Merci de la question, sénatrice. À bien des égards... De temps en temps, les médias rapportent des violations, et je sais que vous défendez ces causes partout au pays. Je répéterais ce que j’ai déjà dit. À mon avis, le système même perpétue les injustices. Ainsi, si nous considérons les incidents isolément, nous allons continuer à répéter le cycle. Il continuera d'y avoir des incidents tant et aussi longtemps que nous ne nous pencherons pas sur les changements qui doivent être apportés à l’intérieur du système pour mettre fin à ce genre d’interaction entre le personnel et les détenus, les clients ou les citoyens, selon votre point de vue.

Je sais que nous, les travailleurs sociaux, de même que les psychologues dans le milieu et les dentistes, sommes tenus de respecter un code d’éthique et des normes de pratique. Conformément à notre code d’éthique et à nos normes de pratique, nous devons signaler et dénoncer toute forme d’injustice. Bon nombre de détenus sont en prison en raison de problèmes de santé mentale et de la pauvreté, et ce sont probablement les personnes qui sont les plus stigmatisées et les plus ostracisées et qui subissent le plus de discrimination dans notre société. La Route des pleurs et les femmes autochtones assassinées et disparues sont des éléments qui sont liés à cette population. Cela accroît encore plus notre responsabilité de nous assurer d’avoir un système de justice éthique et un système correctionnel éthique qui visent vraiment la réhabilitation, et non la mise en œuvre de mesures punitives.

Je répète que, à mon avis, c’est une grande question que la société canadienne doit se poser. Que voulons-nous en tant que société? Voulons-nous mettre des gens marginalisés dans des établissements carcéraux, les abandonner à leur sort, ne pas en prendre soin après coup et ne pas leur fournir de services — nous avons constaté une importante réduction dans les services au fil des ans — en nous attendant que, à leur sortie de prison, ils ne retomberont pas dans la criminalité, la drogue et tout le reste? Je crois que c’est une manière très irréaliste de voir la réhabilitation.

Comme je l’ai mentionné, nous pourrions regarder ce qui se fait au sud de la frontière, et mon intention n’est pas de faire des reproches par rapport à ce qui se fait ici. Les États-Unis ont un système correctionnel très efficace, mais cela dépend du type de système que vous voulez et des données que vous examinez. Leur immense population carcérale est en pleine croissance. Toutefois, si nous regardons, par exemple, un autre système de l’autre côté, nous constatons que les populations carcérales diminuent, que les autorités réussissent à obtenir de meilleurs résultats en santé mentale et que le système est plus humain. Nous avons donc des exemples. Dans le système canadien, nous pouvons suivre cet exemple.

Dans notre cas, pour répondre à votre question, l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux n’a pas été directement consultée. Nous collaborons davantage avec les Associations nationales intéressées à la justice criminelle. Sénatrice Pate, vous les connaissez.

Je répète que, pour nous, je crois que c’est important. Personnellement, je suis témoin de certaines violations ici et là. Toutefois, je trouve très frustrant que cela se perpétue, et je suis persuadé que bon nombre de sénateurs ici pensent la même chose. La conséquence est que nous n’avons pas le bon système et que nous répétons les mêmes erreurs encore et toujours. Cependant, je reprends l’espoir lorsque je vois des personnes respectables comme vous qui contribuent à l’avancement du Canada.

Fred est directeur général de l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux. Aimeriez-vous ajouter quelque chose?

Fred Phelps, directeur général, Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux : La seule chose que j’aimerais ajouter au sujet de la santé mentale et de la dépendance, c’est que nous n’avons pas été directement consultés à titre de professionnels sur la meilleure manière de s’attaquer à ces problèmes dans le milieu carcéral.

La sénatrice Pate : Bref, vous n’avez pas été consultés. Vos membres sont-ils au courant de l’article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui leur permet de demander le transfèrement d’une personne? Avez-vous déjà eu recours à cette disposition?

M. Pandhi : Y avons-nous déjà eu recours?

M. Phelps : Pas à ma connaissance.

M. Pandhi : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Pate : Merci.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup d’être là et de nous parler de vos professions et de ce que vous faites. Je suis une ancienne travailleuse sociale. Je suis donc certainement à même de comprendre ce que vous dites.

L’une des choses que notre étude et nos visites dans des établissements carcéraux m’ont apprises, c’est que beaucoup de détenus ont vécu des expériences négatives pendant l’enfance. À ce sujet, j’ai deux éléments. Premièrement, j’aimerais vous entendre sur la question des soins dentaires, et je crois que bon nombre de détenus ne sont probablement jamais allés chez le dentiste ou que leur expérience a peut-être été terrifiante. Je me dis que la manière rapide est souvent de simplement extraire la dent au lieu de faire un plombage. Lorsque les dentistes vont dans un établissement, qu’apportent-ils? Ont-ils une petite trousse? Comment arrivent-ils à faire ce qu’ils doivent faire? Pouvez-vous nous expliquer la façon dont se déroulerait une visite normale dans un établissement correctionnel? Qu’est-ce que les dentistes apportent et comment procèdent-ils?

M. Taillon : Je crois comprendre que la majorité de ces établissements ont une unité dentaire qui est mise à leur disposition. Les dentistes apportent leurs compétences à titre de dentistes autorisés à exercer leur profession, et ils sont accompagnés d’un membre de leur personnel, qui est normalement un aide-dentiste. L’établissement leur fournit toutes les autres ressources.

La sénatrice Hartling : Les dentistes auraient-ils donc accès aux outils pour extraire une dent ou faire un plombage, par exemple?

M. Taillon : Oui.

La sénatrice Hartling : Qu’en est-il pour ce qui est du nettoyage? Les dentistes nettoient-ils les dents?

M. Taillon : Comme je vous l’ai mentionné plus tôt, les besoins de cette population en matière de santé buccodentaire sont importants. Les maladies buccodentaires sont très répandues dans ces établissements. Si nous ajoutons à cela la fréquence réduite des visites dans ces établissements pour offrir de tels soins, il faut pratiquement procéder à un triage pour traiter les cas les plus urgents cette journée-là. Bref, les patients que vous verrez pendant que vous êtes là seront ceux qui ont une dent infectée, une dent douloureuse, divers problèmes semblables ou une combinaison de ces problèmes.

Si vous donniez des soins à ces personnes dans un cabinet de dentiste, vous leur expliqueriez qu’il y a diverses options pour traiter ce problème. Cela concerne partiellement l’obligation professionnelle des dentistes autorisées à exercer leur profession dans une province ou un territoire. Nous sommes obligés d’offrir des options de traitement aux patients qui nous consultent. Les options de traitement pour une dent infectée sont l’extraction, la prescription de médicaments qui ne sont pas vraiment efficaces ou un traitement endodontique, ou un traitement de canal, pour essayer de conserver la dent.

Lorsque vous offrez ces types de traitement, un certain nombre de visites sont nécessaires pour donner ces soins. Un traitement de canal nécessite deux ou trois visites. Si vous êtes là une fois par mois, cela vous prendra deux ou trois mois, et ce n’est pas vraiment pratique.

Voici un autre exemple que m’a raconté un collègue qui a installé un dentier à un détenu. Le dentiste doit attendre un mois pour revoir le patient et évaluer son état. Eh bien, normalement, pour une telle procédure, le patient reviendrait me voir le lendemain, la semaine suivante et dans deux semaines pour que je l’aide à se sentir à l’aise avec les soins et la prothèse. Ce n’est pas possible de le faire si vous n’êtes pas là assez souvent.

Bref, cela commence à limiter les traitements possibles. Lorsque vous dites que nous ne ferons qu’extraire la dent, la décision revient ultimement au patient, même si c’est un détenu. Les patients ont toujours le droit de choisir le traitement qu’ils souhaitent en tenant compte du milieu dans lequel ils se trouvent. Si le patient choisit d’avoir un traitement de canal, il doit être conscient des conséquences. Il doit comprendre que cela prendra trois mois et qu’il devra composer avec ceci et cela.

Bref, voilà le milieu dans lequel travaillent ces dentistes et avec lequel ils doivent composer pour offrir des soins de qualité comparables à ceux dont jouissent la majorité d’entre nous.

La présidente : Avant de poursuivre, la sénatrice Pate a une question complémentaire.

La sénatrice Pate : Merci beaucoup de vos commentaires. Je ne veux pas laisser sous-entendre qu’un traitement de canal, un plombage et un nettoyage sont en fait des options également offertes aux patients en milieu carcéral au lieu de l’extraction d’une dent. Selon ce que j’en comprends, même si le dentiste recommande ces options de traitement, l’établissement peut ne pas les approuver. Si elles le sont, il est entendu que le détenu devra peut-être payer de sa poche pour les soins. Normalement, dans le cas certainement d’un abcès ou d’un autre problème qui pourrait autrement nécessiter un traitement de canal, l’extraction de la dent est la première option qui est payée et offerte par l’établissement.

M. Taillon : Oui. Si nous prenons le guide des services — c’est un document que j’ai examiné et auquel j’ai fait référence dans mon exposé —, il y a une bonne gamme de soins buccodentaires qui permet d’offrir de bons soins à la majorité des patients. Ce n’est pas le problème. Le problème, c’est que nous n’avons pas physiquement assez de temps pour faire ces choses durant le temps imparti. En discutant avec un fournisseur de services, il m’a confirmé qu’il faisait des plombages, des extractions, des dentiers et tout le reste. Cependant, dans un tel milieu, il est toujours conscient que, lorsqu’il se présente une fois par mois dans l’établissement, il offrira seulement de tels services après avoir traité les nouveaux problèmes qui sont apparus depuis sa dernière visite. Bref, même si les détenus ont accès à ces services, nous n’avons pas nécessairement le temps de les offrir.

La sénatrice Pate : Donc, ce que j’entends, c’est que les services sont offerts sur papier, mais ne le sont pas nécessairement dans les faits. Est-ce exact?

M. Taillon : Oui. C’est ce qui m’a été raconté.

La sénatrice Pate : Si vous pouviez nous fournir des renseignements à ce sujet, ce serait excellent.

Je regarde du côté de notre merveilleuse greffière et de notre merveilleux analyste, et nous pourrions aussi demander au Service correctionnel du Canada de nous faire parvenir à l’avance des données sur le nombre de reprises où chaque procédure est effectuée au pays et sur la source du financement.

M. Taillon : Nous n’avons pas de données ou d’information, outre les renseignements que nous ont communiqués les dentistes qui travaillent dans ce milieu. La collecte de ces renseignements nous prendrait beaucoup de temps et d’énergie. Ce n’est pas que nous ne voulons pas le faire, mais ce serait probablement plus efficace d’avoir accès à ces données de manière électronique à partir d’une banque de données.

La sénatrice Pate : Je crois que ce serait préférable d’obtenir ces renseignements du Service correctionnel du Canada.

M. Taillon : Nous serions ravis de collaborer avec vous en la matière, et nous sommes toujours heureux de participer à des consultations et d’améliorer la santé buccodentaire de cette population et de tous les autres Canadiens.

La sénatrice Hartling : Je vous remercie encore une fois de votre présence ici.

Combien de membres notre association nationale compte-t-elle? Quel est le pourcentage des membres qui travaillent en milieu carcéral? Arrivons-nous à recruter des Autochtones, des Noirs et d’autres personnes qui souhaitent travailler en milieu carcéral? Le savez-vous?

M. Phelps : C’est difficile à dire. Depuis 2005, nous n’avons pas réalisé d’étude sectorielle sur les travailleurs sociaux et les endroits où travaillent nos membres. Malheureusement, après que les travailleurs sociaux obtiennent leur diplôme de premier ou de deuxième cycle en travail social, nous n’avons pas de système national de suivi en collaboration avec le système d’éducation sur les endroits où ces diplômés se trouvent du travail. Divers organismes de réglementation provinciaux peuvent avoir l’information lorsqu’ils posent la question aux gens qui s’inscrivent pour exercer leur profession, mais ce n’est pas quelque chose qui se fait à l’échelle nationale. Il faudrait donc obtenir l’information pour chaque province. Je ne peux malheureusement pas vous donner le nombre précis de travailleurs sociaux qui travaillent en milieu carcéral dans les établissements fédéraux et provinciaux.

La sénatrice Hartling : Savez-vous si nous arrivons à attirer plus d’Autochtones, de Noirs ou d’autres personnes dans notre profession? Est-ce une donnée qui fait l’objet d’un suivi?

M. Phelps : Je répète que la dernière étude sectorielle a été financée par l’Institut canadien d’information sur la santé. Ce serait donc une bonne idée de refaire l’exercice pour la profession en vue d’avoir un portrait de la situation.

Je crois que la Commission de vérité et réconciliation a clairement dit dans ses recommandations que les établissements qui offrent un programme en travail social doivent favoriser la réconciliation en ce qui touche l’enseignement de l’histoire de la colonisation autochtone au Canada et le recrutement d’étudiants de couleur et d’étudiants autochtones dans les programmes. Je crois qu’il y a eu un effort concerté en ce sens des établissements qui offrent un programme en travail social, mais il n’y a pas eu de coordination nationale à ce chapitre.

M. Pandhi : Je crois que cela dépend souvent de l’employeur. Nous pouvons recommander, à titre d’association, de veiller à avoir plus de travailleurs autochtones pour que cela corresponde aux données démographiques en milieu carcéral — il y en a beaucoup —, mais c’est à l’employeur que revient ultimement la décision pour ce qui est des services de santé et des services correctionnels. Je dirais qu’il faut en avoir plus que le nombre que nous avons actuellement. Nous avons un très petit nombre de personnes dans le milieu pour une très grande population, et nous ne répondons assurément pas aux besoins de ces détenus.

Le sénateur Brazeau : Bonjour, messieurs. Merci de témoigner devant le comité.

Je vous pose ma question essentiellement à titre d’information, et ma question s’adresse à vous, monsieur Taillon. En ce qui concerne la population carcérale, y a-t-il des médicaments, d’anciens problèmes de dépendance ou des substances précises qui peuvent mener à une mauvaise santé buccodentaire?

M. Taillon : Je vous remercie de poser la question. Les professionnels du secteur de la dentisterie savent, à tout le moins, que certains médicaments peuvent être néfastes pour la santé dentaire, qu’il s’agisse de médicaments d’ordonnance ou en vente libre ou de drogues. Cela nuit et continue de nuire considérablement à la santé buccodentaire des Canadiens, et notamment des détenus.

L’exemple le plus classique qui me vient à l’esprit est ce qu’on appelle la bouche meth. Ceux qui consomment du crack ont habituellement, après très peu de temps, beaucoup de problèmes buccodentaires, et il en va de même pour beaucoup d’autres médicaments. Tout ce qui vient déranger l’équilibre normal dans la bouche causera rapidement du tort aux dents et aux gencives.

Le problème, c’est que, une fois la détérioration commencée, il n’y a pas de solutions faciles ou de solutions miracles. Il faut souvent procéder à des travaux dentaires considérables pour ramener la dentition à un état confortable, pour que la personne puisse mastiquer et manger. Au bout du compte, la bouche est très importante pour beaucoup de choses, mais si on ne peut pas manger et manger avec aise, le reste de la santé se détériore rapidement, la santé mentale, la santé physique, la santé en général. Tout cela se détériore.

Le sénateur Brazeau : Merci.

La sénatrice Martin : La sénatrice Hartling a posé quelques questions que je voulais poser au sujet des travailleurs sociaux dans le système, car vous mentionnez dans votre mémoire qu’il est important que les services offerts aux Autochtones le soient par des membres de la communauté, et qu’il y ait une sensibilisation aux réalités culturelles. Vous avez dit qu’il n’y a pas de données et qu’on ne sait pas si on incite plus de gens à se tourner vers cette profession et s’ils sont embauchés après leur formation.

Que ce soit le cas ou non, je suis curieuse de savoir quel genre de formation il faudrait suivre pour travailler avec les groupes marginalisés et vulnérables au sein du système correctionnel fédéral. Pensez-vous que la formation et les programmes offerts permettent aux travailleurs sociaux de tous les horizons de faire un bon travail dans le système? Pourriez-vous nous en parler un peu?

M. Pandhi : Je peux sans doute répondre. Fred, vous pourrez intervenir également.

Je pense que, parmi les écoles de formation de travailleurs sociaux, il n’y a pas que des écoles non autochtones. On s’efforce depuis un bon moment d’intégrer la sensibilisation aux réalités culturelles, car la population est en grande partie autochtone. Nous examinons les pratiques non oppressives. Nous examinons les façons d’intégrer les Autochtones et les membres des Premières Nations dans ce que nous faisons.

Il y a également des écoles uniques qui sont principalement autochtones, alors elles apportent leur propre vision, et les travailleurs sociaux autochtones qui en sortent travaillent parfois dans les réserves et hors des réserves.

Je pense encore une fois, du point de vue du travail social, qu’il est très important pour nous de travailler avec nos frères et sœurs autochtones dans un but de réconciliation et de les aider de la manière qu’ils souhaitent que nous les aidions.

Les choses sont différentes pour les employeurs. Je ne sais pas s’ils ont un pourcentage obligatoire à respecter pour assurer l’équité. Si c’est le cas, je ne crois pas que cet objectif soit pleinement atteint.

Pour moi, la question devient vraiment la suivante : ajoutons-nous du personnel à l’intérieur des centres, ou transformons-nous les centres pour ne pas avoir à le faire en aidant les gens à l’extérieur et en allégeant le fardeau du système de justice pénale, un fardeau financièrement et émotionnellement lourd pour toutes les personnes concernées?

La sénatrice Martin : C’est une bonne question. J’aurais dû commencer par dire que j’avais le plus grand respect pour les travailleurs sociaux. J’ai été témoin du rôle central qu’ils jouent, pas celui de coordonner, mais plutôt celui de vraiment faire le pont entre les très nombreux secteurs concernés. Le système de santé est très, très complexe, et je sais que le système correctionnel l’est tout autant. Vous jouez un rôle très important et très intégré dans le système. On pourrait apporter des changements, car vous jouez un rôle très central. C’est simplement ce que j’ai pu observer dans le système de soins de santé, et je dirais que, dans toutes les situations de crise qui concernent des gens, les travailleurs sociaux jouent un rôle positif.

M. Pandhi : Merci beaucoup. Nous le pensons également.

La sénatrice Martin : Merci.

La présidente : Chers collègues, nous n’aurons pas le temps pour une autre série de questions, et j’en suis désolée, mais, à titre de présidente, j’ai une question que je vais glisser en douce.

Monsieur Pandhi, vous avez beaucoup parlé de la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de la criminalité, et j’aimerais savoir si vous avez une recommandation précise et globale à nous faire.

M. Pandhi : Je vous remercie de poser la question. Je me dis toujours que, si on s’intéresse uniquement aux feuilles et aux branches quand on regarde un arbre, on rate la cible. Il faut s’intéresser aux causes profondes des toxicomanies.

Il y a la crise du fentanyl qui sévit actuellement. C’est difficile d’imaginer qu’une personne puisse vouloir prendre du fentanyl quand on sait à quel point son effet est brutal sur le système. Souvent, il est sûr — eh bien, ce n’est pas sûr, mais ce l’est presque — que la personne fera une overdose et qu’elle court le risque de mourir.

Beaucoup de gens qui ont pris du fentanyl m’ont dit que c’est la possibilité de recommencer encore une fois. C’est ce qui les pousse à en prendre. On prend une dose de Narcan, on se stimule, on est en vie pendant 10 ou 15 minutes, puis on reprend une dose de Narcan. Je me demande pourquoi les gens décident de s’infliger cela, et d’infliger cela à leur corps. Je ne le ferais pas. Je suis certain que tous les gens dans cette salle ne le feraient pas. Certains le feraient peut-être, mais la grande majorité des gens qui vivent dans un environnement sain, et dont les déterminants sociaux sont satisfaits, ne feraient pas cela et ne sentiraient pas le besoin de recommencer, encore et encore.

Je pense que la santé mentale, partout au Canada, n’a jamais reçu l’attention qu’elle mérite, et on revient à un sujet dont on parle depuis des années. Si vous prenez les femmes avec qui je travaille, pour vous donner un chiffre — ne citez pas cela, s’il vous plaît —, je dirais qu’environ 90 p. 100 des femmes ont été opprimées sexuellement et physiquement à un jeune âge, et on constate de plus en plus que c’est également le cas des hommes. Plusieurs en parlent maintenant. Nous devons donc avoir plus de gens qui sont en mesure de les aider à composer avec les peines et les souffrances de leur passé. Les traumatismes ont cette capacité de se perpétuer. C’est comme une masse collante qui vous suit partout, qui accumule de plus en plus de traumatismes, et il faut ensuite composer avec la colère, la douleur, les rejets et la souffrance. Ce sont des mécanismes de défense qui font surface, que les gens utilisent contre eux-mêmes ou contre les autres. Nous avons besoin de plus de fonds et de ressources pour mener le combat.

La sénatrice Pate : Pour poursuivre dans cette veine, j’aimerais savoir si un ou l’autre de vos organismes s’est penché sur des initiatives comme le revenu de subsistance garanti, le programme national d’assurance-médicaments, les soins dentaires, et cetera, et, si c’est le cas, pourriez-vous nous faire parvenir l’information ou nous fournir des recommandations à ce sujet?

M. Phelps : Oui, en ce qui nous concerne, l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux s’est prononcée en faveur d’un revenu de base universel pour donner à tous les Canadiens une fondation solide. Il s’agit là d’un des déterminants sociaux fondamentaux de la santé. C’est une recommandation que nous voulons vous faire également.

Nous avons proposé d’adopter une loi sur les soins sociaux, similaire à la Loi sur la santé, pour qu’il y ait un examen du transfert social et une reddition de comptes. À l’heure actuelle, les fonds sont versés aux provinces et aux territoires sans qu’on sache où est dépensé l’argent, alors nous aimerions qu’il y ait une reddition de comptes.

À l’autre bout du spectre, Ajay a mentionné la décriminalisation de toutes les substances psychotropes, et nous prônons fermement l’élimination des peines minimales obligatoires, en particulier pour la possession de drogues.

Le présent gouvernement a commencé à mettre en place une approche de santé publique, et la sénatrice Cordy a parlé de la stigmatisation des toxicomanes. À court terme, un approvisionnement en drogues propres et la décriminalisation des substances psychotropes feront épargner de l’argent. En éliminant les peines minimales obligatoires, on évitera aux gens d’aller en prison et on s’engagera dans une approche de santé publique à l’égard de l’alcool et de la drogue qui permettra aux gens de s’occuper de leurs problèmes de santé.

J’aimerais simplement ajouter un élément, pour lequel nous n’aurons de cesse de nous battre, et c’est l’idée d’une loi sur la parité en santé mentale, à savoir qu’il faut que la santé physique et la santé mentale soient traitées et financées sur un pied d’égalité au Canada, et qu’il faut que les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral investissent autant en santé mentale qu’en santé physique.

M. Taillon : Depuis plusieurs années, les professionnels du secteur de la dentisterie recommandent de financer de manière ciblée et durable les programmes publics de santé buccodentaire. Des programmes de ce genre existent d’un océan à l’autre. La plupart sont financés par les provinces, quelques-uns sont imposés par le gouvernement fédéral, mais ils doivent être financés de manière durable pour répondre aux besoins fondamentaux des populations qu’on s’efforce de servir.

La grande majorité des Canadiens ont accès à des soins dentaires et les utilisent. Ce qu’il faut essentiellement, c’est combler le vide pour ceux qui n’y ont pas accès, et il existe plusieurs groupes vulnérables. Il faut vraiment qu’il y ait un effort collectif pour répondre à leurs besoins. Il faut que les collectivités, les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral et les professionnels du secteur de la dentisterie locaux se donnent la main pour répondre à leurs besoins. C’est notre point de vue.

La présidente : Merci beaucoup.

Chers collègues, je vous rappelle que, si vous n’avez pas eu la chance de poser vos questions aux témoins, vous pouvez me les acheminer et les réponses que nous recevrons feront partie de notre rapport.

Merci beaucoup du temps que vous nous avez consacré aujourd’hui. Nous vous sommes reconnaissants de vos témoignages.

Notre prochain témoin est Mme Dianne Grenier, avocate et partenaire d’un ancien prisonnier. Mme Grenier a travaillé 20 ans comme avocate de la défense en droit criminel en pratique privée et a travaillé aussi pendant 13 ans à Aide juridique Ontario.

Madame Grenier, nous allons entendre votre déclaration liminaire dès que la technologie sera fonctionnelle. C’est notre première séance dans cette salle dans le nouvel édifice du Sénat du Canada.

Dianne Grenier, avocate et partenaire d’un ancien prisonnier, à titre personnel : Merci. Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs et les invités.

Je vous remercie de cette belle occasion qui m’est donnée de prendre la parole devant le comité au nom des membres des familles. Je remercie également les témoins qui m’ont précédée. Ils m’ont fourni de l’information très utile.

Je suis avocate depuis 34 ans, et je travaille dans le domaine du droit criminel et du droit de la famille. J’ai été brutalement attaquée par mon partenaire, et c’est ainsi qu’a commencé ma véritable expérience des prisons fédérales. Après avoir décidé que je devais rendre visite à Rich pour continuer à me rétablir, j’ai découvert la nature cruelle des prisons et des gardiens qui les contrôlent. Nos prisons ne reflètent en aucune façon les valeurs canadiennes. Personne, en fait, n’y trouve son compte.

La Charte canadienne des droits et libertés, en particulier l’article 7, cesse totalement de s’appliquer à la porte d’une prison. Les violations de l’article 7 se produisent à l’abri de la surveillance des tribunaux, lorsque les gardiens prennent des décisions et se conduisent à l’égard des détenus et de leurs familles de manière arbitraire et suivant leur caractère. Des gardiens m’ont prise pour cible, se sont moqués de moi et m’ont ridiculisée tant à la prison de Warkworth qu’à celle de Bath.

À titre d’avocate, je suis auxiliaire de la justice et j’ai consacré toute ma carrière au respect de la loi. Le rapport que je voulais réfuter à l’audience de libération conditionnelle mentionnait que le chien avait détecté de la drogue sur moi. En fait, le chien a sauté sur moi. Le gardien qui le tenait en laisse a fait un faux rapport. Il s’agit du même gardien qui a récemment fait les manchettes pour avoir trafiqué le cellulaire d’un membre d’une autre famille, et qui a également fait l’objet d’une enquête pour avoir poussé un père handicapé, Paul Saliba, qui m’a donné la permission de mentionner son nom.

À mon arrivée à la prison pour rendre visite à Rich le jour de son anniversaire, deux gardes beaucoup plus grands que moi m’ont dit, sur un ton agressif et intimidant, et ce, devant au moins six autres visiteurs qui attendaient, que j’avais « une seconde pour déguerpir ». J’ai reçu une lettre d’excuses par la suite, mais comment se fait-il que quelqu’un soit traité ainsi? On applique une loi aussi complexe que celle qui régit le Service correctionnel du Canada sans reddition de comptes, avec un trop grand pouvoir discrétionnaire et sans formation adéquate.

De plus, les procédures de grief ne fonctionnent pas. On a donné suite au grief concernant le chien de garde 7 bons mois après la libération d’office de Rich, et 20 mois après l’incident. La loi prévoit un échéancier de 30 à 90 jours pour le règlement des griefs.

Ce genre de traitement qui est réservé aux membres de la famille et aux autres visiteurs est si négatif qu’il effraie littéralement les familles. Paul est un de ceux qui m’en ont fait part. Le ratio de visites par rapport à la population carcérale est en baisse, ce qui est assez éloquent. Pour ma part, j’ai rendu visite à mon partenaire pendant 16 mois, soit jusqu’à ce que le traitement intimidant des gardes s’aggrave et aboutisse à de fausses accusations, et que je me rende compte que je risquais fort d’être faussement accusée.

Rich a beaucoup souffert de ne pas pouvoir faire davantage pour défendre ma bonne nature. Il a ri au nez du sous-directeur adjoint lorsqu’on lui a dit qu’on avait trouvé de la drogue sur moi. Vous avez là un bref aperçu de mon expérience et des conséquences que cela a eu pour moi.

J’espère que vous êtes conscients de la violence émotionnelle et psychologique qu’on fait subir aux détenus en traitant les membres de leurs familles de cette façon, car ils sont impuissants à les aider. Les gardiens blessent les détenus lorsqu’ils blessent un membre de leur famille. Les détenus doivent se trouver dans un lieu où on leur montre du respect pour qu’ils apprennent à en faire autant. Respecter totalement l’humanité des gens fait ressortir ce qu’il y a de meilleur en eux — il faut de la solidarité humaine, plutôt que le « nous » et le « eux » qui séparent les gardiens des détenus.

Regroupement canadien d’aide aux familles des détenu(e)s est le seul organisme national au Canada qui vient en aide aux familles, et tous les enjeux font partie de notre site web.

Il est crucial que tous sachent et se rappellent que lorsqu’un juge condamne un délinquant, la perte de liberté, l’article 7 de la Charte, est sa peine, et pas les violences physiques, psychologiques et émotionnelles qui lui sont infligées par ceux qui détiennent les clés de la prison. Ce n’est pas comme cela qu’on crée des rues sûres. On crée des rues sûres quand les gens qui sortent de prison sont de meilleures personnes qu’au moment d’y entrer.

Le Canada a besoin d’un système basé sur un modèle d’apprentissage, accompagné d’une refonte totale de la formation des gardiens, qui vise à établir des relations positives avec les détenus, à les renforcer, et à répondre aux besoins des victimes grâce à la justice réparatrice. Il devrait y avoir des unités de soins pour les délinquants qui ont des problèmes de santé mentale. Le Canada devrait être connu pour avoir des centres de réhabilitation de cette nature. Nous pouvons faire mieux. Je pense que les travaux de votre comité peuvent mener à ce genre de refonte.

Je vous remercie de m’avoir donné cette occasion de vous parler. Il n’est pas facile de venir témoigner, et je vous suis reconnaissante de m’avoir donné cette chance.

La présidente : Merci, madame Grenier, de votre déclaration liminaire.

La sénatrice Cordy : Madame Grenier, je vous remercie beaucoup d’être parmi nous. Nous vous en sommes reconnaissants. Après notre tournée de diverses prisons, nous avons malheureusement entendu beaucoup d’histoires comme la vôtre. Il vous faut beaucoup de courage pour témoigner publiquement. Merci.

Mme Grenier : Merci.

La sénatrice Cordy : Vous êtes avocate, vous êtes instruite et vous vous exprimez très bien, mais qu’en est-il des partenaires qui ne sont pas instruits et qui ne veulent pas venir témoigner devant un comité du Sénat, ou parler à leur député, ou parler à quiconque de leurs histoires publiquement? Qu’en est-il d’eux? Ils savaient que vous étiez en mesure de faire valoir votre point de vue clairement et publiquement.

Mme Grenier : Parce que j’ai rencontré un certain nombre de familles par l’intermédiaire du Regroupement canadien d’aide aux familles des détenu(e)s et de leurs réunions, ainsi que dans la salle d’attente du pénitencier lorsque je m’y rends et dans l’aire des visites, j’ai tendance à être... Maintenant, je suis redevenue moi-même. Bien sûr, j’ai suivi tout un cheminement. Je vais vers les gens, je les salue et je leur parle. C’est étrange, en quelque sorte, car les gens ne se parlent pas lorsqu’ils font la queue ou se trouvent dans l’aire des visites.

J’ai rencontré d’autres membres des familles, je les ai vus et je leur ai parlé. Je crains pour les personnes qui n’ont pas mon bagage, qui sont peut-être traitées plus mal que je l’ai été, qui n’ont certainement aucun recours et qui ne savent pas comment gérer la situation, si bien qu’elles rentrent simplement à la maison. C’est la raison pour laquelle elles ne reviennent pas.

Je n’avais aucun recours moi non plus. Mon niveau d’éducation et d’éloquence ne m’ont été d’aucune utilité en prison. La première fois que le détecteur ionique s’est déclenché au contact de mes lunettes, je n’avais aucune expérience. Je ne connaissais même pas le Regroupement canadien d’aide aux familles des détenu(e)s. Je ne savais rien du détecteur ionique. On m’a emmenée à l’écart. J’avais vu la même chose arriver à une autre jeune femme, une jeune femme noire, et elle était furieuse. J’ai pensé qu’elle était colérique. C’était ma première visite dans une prison. Maintenant, c’était mon tour. Cela m’est arrivé à ma deuxième visite. Lorsque j’ai posé des questions, lorsque j’ai commencé à répondre et à réagir, on m’a dit que je perdais mon temps et que je n’étais pas autorisée à répondre à leurs questions. Comment peut-on être accusé, après avoir déclenché le détecteur, d’être en possession de quelconques stupéfiants, mais ne pas être autorisé à se défendre?

La sénatrice Cordy : Quelle recommandation pouvons-nous faire? Vous n’êtes pas la première à nous relater ce type d’expérience. Nombre de gardiens font un travail remarquable, et les détenus nous l’ont dit, mais il suffit qu’il y en ait deux qui se comportent mal.

Mme Grenier : En fait, Rich, mon partenaire, a une recommandation très précise, soit que le SCC ne soit pas responsable des visites ou des visiteurs. Personnellement, je pense que les gardiens ne devraient pas s’approcher de nous. Rich a fait valoir qu’il préférerait que les Forces armées canadiennes s’en chargent plutôt que le SCC. Un organisme indépendant — et les forces armées, si cela est possible — pourrait gérer les approbations, les allées et venues, et les visites. Je peux vous assurer que je n’ai jamais représenté un danger pour quiconque et que je n’en représenterai jamais un, certainement pas pour un établissement pénal. Les visites ne sont pas si difficiles à surveiller. Un organisme indépendant est vraiment la seule solution. Avec la mentalité qui existe, si j’en juge par mon expérience personnelle, je ne vois pas la situation changer de sitôt. Un nouvel organisme doit prendre cette responsabilité en charge.

La sénatrice Cordy : Vous parlez aussi de la santé mentale des personnes incarcérées et avez suggéré qu’il y ait des unités de soins. Je me souviens d’être entrée dans une prison en Saskatchewan pour les personnes souffrant de problèmes de santé mentale et de m’être demandé ce que ces personnes faisaient derrière les barreaux. Ce n’est pas là qu’elles devraient être. Comment envisagez-vous une unité de soins pour les personnes souffrant de troubles de santé mentale? Est-ce qu’elle devrait se trouver en contexte carcéral, comme ce que j’ai vu? J’ai toujours à l’esprit l’image que j’ai vue quand je suis entrée.

Mme Grenier : Non. Vous pourriez en arriver à la conclusion que je ne fais aucunement confiance aux gardiens ou au système du SCC. Non, il ne devrait pas se trouver en milieu carcéral, mais bien dans des établissements indépendants comme des hôpitaux qui ont pour mandat d’aider les gens aux prises avec des problèmes de santé mentale, car si c’est contre cela que se protègent les gardiens... Si on pense aux décès qui surviennent dans les prisons et les pénitenciers, je ne sais pas comment il est possible de le justifier dans une société libre et démocratique.

À une occasion, on m’a fait attendre pendant une heure, seule, dans l’aire des visites. Je souffre d’un état de stress post-traumatique. Je suis bien avancée dans mon traitement mais, à l’époque, mon problème était relativement marqué. Je suis allée au guichet — la bulle, comme ils se plaisent à l’appeler — pas moins de quatre fois pour leur demander : « Où est-il? » et me faire répondre : « Nous ne le savons pas. » Je leur ai dit que, comme il s’agissait d’un établissement fédéral, j’espérais qu’ils savaient où il se trouvait.

Alors oui, ces unités doivent être pour des personnes qui souffrent de problèmes de santé mentale. Les intervenants précédents — qui m’ont fait tout un effet, alors je suis ravie d’avoir été là pour les entendre — ont dit que les travailleurs sociaux et les psychologues devraient élaborer et gérer les programmes nécessaires aux personnes incarcérées et condamnées à purger une peine.

La sénatrice Cordy : Parce que nous ne voulons pas de portes tournantes; nous voulons que les personnes soient vraiment réhabilitées. C’est ce que nous devrions viser, non?

Mme Grenier : Tout à fait. C’est la seule chose que nous devrions viser, étant donné que la punition est la perte de liberté et rien d’autre. Je crains que bien des bons Canadiens ne comprennent pas pleinement ce concept, car ils n’ont jamais eu le moindre contact avec le système de justice pénale. J’ai eu la chance d’avoir des parents fantastiques. J’ai eu une enfance extraordinaire. Je suis devenue avocate parce que mes parents ont dit que nous pouvions faire tout ce que nous voulions, et je les ai crus. Je n’ai aucun antécédent à cet égard. Je sais qu’une bonne partie des difficultés que vivent les gens résultent de problèmes sociaux.

En gros, les bons Canadiens pensent souvent qu’il faille enfermer les délinquants et jeter la clé. C’est en raison d’un manque de sensibilisation et de compréhension. Ils ne veulent de mal à personne, mais ils ne comprennent pas que la perte de liberté, l’incarcération, est la peine. Tout ce qui survient après devrait être dans l’intérêt de la société canadienne et dans l’intérêt, honnêtement, de ces bons Canadiens qui pourraient être leurs voisins ou, encore plus tragiquement, un membre de la famille d’une personne incarcérée.

Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais cru un jour rendre visite à quelqu’un que j’aime dans un pénitencier fédéral ou venir ici pour vous en parler. Ces choses-là arrivent, et parfois, vous êtes pris par surprise. J’ai parlé à des mères et à des grands-mères qui ont le cœur brisé parce que leurs fils ou leurs petits-fils sont en prison. Elles n’arrivent pas à le comprendre, parce que les circonstances qui ont mené à l’incarcération de ces personnes ont peut-être découlé d’un incident unique et soudain, comme dans mon cas.

Je vis aussi avec les statistiques concernant la violence conjugale, alors je me fais lancer plein de regards en biais. Il faut 16 fois avant qu’une victime porte plainte. Personnellement, je n’aime pas le terme « victime », une personne victime de violence conjugale. Ce n’est pas mon cas. C’est arrivé une fois, et une fois seulement. C’est une de ces situations qu’on ne peut jamais vraiment expliquer.

La sénatrice Cordy : Merci beaucoup.

La sénatrice Pate : Merci d’avoir témoigné.

Je veux d’abord enchaîner sur ce que la sénatrice Cordy vous a demandé. Lorsqu’on fait passer quelqu’un au détecteur ionique, on est censé suivre une procédure d’évaluation des risques ou de la menace. Vous êtes censé être soumis à deux tests différents. Si vous présentez toujours un risque pour la sécurité de l’établissement, le Service correctionnel est supposé procéder à une évaluation des risques ou de la menace et vous en faire ensuite part. A-t-on déjà suivi cette procédure lors d’une de vos visites? À votre connaissance, a-t-on déjà suivi cette procédure avec une des personnes que vous avez vues lors d’une de vos visites?

Mme Grenier : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Pate : Merci.

Vous avez suggéré que les prisons soient dotées de centres de santé mentale. Nous avons entendu des témoignages et clairement vu bien des exemples, comme la sénatrice Cordy l’a indiqué, de situations où les services de soins de santé mentale en milieu carcéral sont toujours... Le personnel qui y travaille affirme que la sécurité l’emporte toujours sur les interventions thérapeutiques ou que, dans presque tous les cas, la sécurité l’emporte sur les besoins thérapeutiques.

Une des recommandations que certaines personnes ont formulées est que nous envisagions d’utiliser des dispositions comme l’article 29 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui permet aux gens d’être transférés dans des centres de santé et de santé mentale appropriés. Si c’était possible et si on se servait de cette disposition, suggéreriez-vous toujours qu’on offre plus de services dans les prisons, ou recommanderiez-vous plutôt que nous misions davantage sur ces services à l’externe?

Mme Grenier : Premièrement, j’estime que les prisons devraient être abolies, alors je pense que tout devrait se passer à l’extérieur de celles-ci. Même si on se sert de l’article 29 pour transférer les personnes vers la collectivité pour leur venir en aide, ce qui se passe à l’intérieur des prisons ne peut pas être rectifié, alors il faut une unité sécurisée et distincte à l’extérieur du pénitencier.

Pour ce qui est de la question de la sécurité qui l’emporte sur les besoins thérapeutiques, en fait, la sécurité l’emporte sur tout : sur l’article 7, sur votre droit en tant que personne — le concept de la sécurité l’emporte sur tout. Le problème, c’est le comportement des gardiens et la façon dont ils traitent les gens. Ils les déshumanisent. Richard se faisait parler avec condescendance. Il était mal traité. D’autres personnes l’étaient encore plus que lui. Elles ne peuvent pas s’attendre à être en sécurité. Bien sûr, elles vivent constamment dans la crainte. Elles savent comment les gardiens traitent les détenus et connaissent l’environnement qu’ils ont créé. Je ne pense pas qu’on ait le même problème en Norvège.

La sénatrice Pate : Vous avez mentionné que vous alliez dans la prison tant comme victime que comme membre de la famille. En tant que victime, comment avez-vous été traitée par le Service correctionnel du Canada?

Mme Grenier : Ils savaient que j’avais été victime d’un crime, parce que c’est en fonction de cela que mon statut de visiteuse a été approuvé, et ce, bien sûr, à l’issue de tout un processus. Ils savaient que c’était la raison pour laquelle je me rendais en prison et que Rich était l’agresseur dans ma situation.

De manière aussi irrespectueuse que possible, ils se sont moqués de moi. Ils m’ont souri d’un air méprisant. Pendant un des passages dans la salle des visites — bien sûr, la salle où se trouvaient les autres familles —, un gardien s’est approché le plus possible de moi sans me toucher. Ils portent des gilets pare-balles. Il a dit : « J’en ai vraiment ras-le-bol de te surveiller. » Il était très agressif et méprisant.

J’avoue qu’il y a de bonnes personnes qui travaillent pour le SCC, mais je n’en ai rencontré qu’une seule lors de mes visites. C’était un homme convenable qui a soulevé une question auprès de moi. J’étais vraiment sur la défensive en raison de la façon dont j’avais été traitée précédemment, mais nous avons tout réglé. Ce fut mon expérience.

J’y suis allée pendant 16 mois un week-end sur deux. Ensuite, j’y suis allée pendant deux jours un week-end sur deux. Au début, je n’y allais qu’une seule journée. Vous pouvez additionner le nombre de fois où je suis allée d’abord à l’établissement de Warkworth, et ensuite de Bath.

Ma première visite a été traumatisante. Même le bâtiment est intimidant — les barbelés, les barrières, les portes. Je suis en état de stress post-traumatique. J’allais voir mon partenaire pour la première fois. La première visite était avec séparation, derrière une vitre, alors le simple fait de décider d’y aller et de le faire était stressant. Ils savaient que j’étais une victime, et pourtant, ils m’ont enfermée dans une pièce semblable à celle dans laquelle il se trouvait, avec une porte en verre épais. J’étais enfermée dans une autre cellule, en fait. C’est à ce moment-là qu’ils sont passés, ont regardé par la fenêtre et ont ri de moi parce que j’étais, à ce stade, très émue par le simple fait d’être là et de voir mon partenaire. C’était manifestement le contraire de ce à quoi je m’attendais.

De plus, ils savaient aussi que j’étais avocate, alors j’ai pensé, je suppose, qu’on m’accorderait un quelconque respect professionnel, mais cela a semblé être le contraire. Il semble qu’ils éprouvent un plus grand dédain pour les avocats et les victimes de crimes que...

J’ai rencontré de nombreuses femmes qui se rendaient en prison — surtout des femmes, car nous allions dans un pénitencier pour hommes — dont les allées et venues se passaient sans heurt. J’étais donc tout à fait consciente d’être ciblée.

La sénatrice Pate : Merci.

La présidente : Il n’y a plus de sénateurs sur la liste, mais j’aimerais poser une question.

Pendant nos visites d’étude dans les prisons, on nous a dit à un certain nombre d’occasions que le SCC annule les visites familiales pour une gamme de raisons, notamment des mesures disciplinaires, des confinements ou des questions de sécurité. Je me demande si vous avez une opinion sur la façon dont l’annulation des visites familiales affecte les personnes qui purgent des peines fédérales et les membres de leur famille.

Mme Grenier : Par exemple, en ce qui concerne l’incident où je me suis présentée à la prison et me suis fait dire que j’avais une minute pour sortir, j’avais fait quatre heures de route. J’ai été chassée en une minute, sans aucune justification. Il n’y avait aucune raison de me faire partir. J’ai dû faire quatre heures de route pour rentrer chez moi.

Bien entendu, mon partenaire ne sait pas ce qui s’est passé. Il sait qu’une visite est prévue. Il attend et attend. Il me verrait arriver parce qu’il serait dans la cour spécialement pour cela. Ensuite, il partirait parce qu’il aurait une grande distance à marcher pour retourner dans la salle des visites et pour ne pas me faire attendre. Ensuite, on ne lui dirait rien. Il ne saurait rien. Il apprendrait ce qui s’est passé quand il appellerait des heures plus tard. C’est à ce moment-là qu’il serait mis au courant. Et il comprendrait ce qui s’est passé quand on ne l’appellerait pas pour qu’il descende.

Cela a un effet difficile à décrire sur notre santé mentale et émotionnelle à tous les deux. Je peux vous dire que j’ai consulté et que je consulte toujours un psychologue, et j’ai passé nombre d’heures en thérapie simplement pour composer avec ce que j’ai vécu dans ces situations avec le SCC.

Donc, le détenu se trouve à l’intérieur, parfois sans savoir ce qui s’est passé et où en est sa visite. On déduit que la visite a été annulée. Des deux côtés, on s’attend à cette visite et on s’attend tous les deux à se voir. C’est une visite sans séparation, si bien qu’on peut s’étreindre, se faire la bise, s’asseoir ensemble et se regarder dans les yeux. Lorsqu’il fait beau, on marche à l’extérieur. Nous passions beaucoup de temps à discuter de certains détails, ce qu’on ne peut pas faire au téléphone, pour que j’arrive à me remettre de ce qui était arrivé, de ce qu’il m’avait fait, et c’est important de vivre ces moments et de les comprendre personnellement, ensemble.

Donc, le fait d’avoir hâte de voir un être cher et de travailler ensemble à régler des problèmes — à ce stade, nous avions fait des progrès, évidemment — et de ne pas pouvoir le faire est, encore une fois, très destructeur sur les plans mental et émotionnel. Inutile de dire que je ne suis pas allée bien loin en auto avant de devoir m’arrêter, parce que je pleurais et qu’il m’était impossible de conduire ainsi.

Je dois dire que ma personne-ressource, mon agente communautaire au sein du SCC, était la meilleure personne que je puisse rencontrer pendant ce cheminement. Je lui ai souvent téléphoné pour lui parler des divers traitements que je suivais et lui dire ce qui se passait. Elle n’était pas avec le SCC, pardon; c’était plutôt une personne-ressource de la Commission des libérations conditionnelles qu’on m’avait assignée en tant que victime lorsque je me suis inscrite à leur programme. Elle était presque toujours là au téléphone pour me parler et m’aider à traverser cette expérience. En fait, elle m’a écoutée à de nombreuses reprises.

J’espère que cela répond à votre question.

La présidente : Oui, merci.

Madame Grenier, au nom du comité, je tiens à vous remercier d’être venue et de nous avoir fait part de votre expérience en public. Nous vous savons gré de ce que vous avez partagé avec nous aujourd’hui. Merci pour le temps que vous nous avez accordé.

Mme Grenier : Merci.

La présidente : Mesdames et messieurs les membres du comité, il y a des questions administratives dont nous devons discuter. Vous plaît-il que nous poursuivions nos travaux à huis clos?

Des voix : D’accord.

La présidente : D’accord.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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