Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule nº 40 - Témoignages du 20 mars 2019
OTTAWA, le mercredi 20 mars 2019
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 11 h 30, pour étudier les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel, et à huis clos, pour étudier une ébauche de rapport.
La sénatrice Wanda Elaine Thomas Bernard (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue.
J’aimerais d’abord souligner, au nom de la réconciliation, que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin. Je m’appelle Wanda Thomas Bernard, et je suis une sénatrice de la Nouvelle-Écosse. C’est un honneur et un privilège pour moi de présider le comité.
J’invite maintenant mes collègues à se présenter.
La sénatrice Ataullahjan : Salma Ataullahjan, de l’Ontario.
La sénatrice Pate : Kim Pate, de l’Ontario.
La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, de l’Ontario.
Le sénateur Wells : David Wells, de Terre-Neuve-et-Labrador.
La présidente : Notre comité étudie les droits de la personne des prisonniers dans les établissements correctionnels fédéraux. Au cours de cette étude, le comité a tenu des audiences publiques à Ottawa ainsi que dans diverses régions du pays, et il a effectué des visites d’information dans 29 établissements.
Alors que notre étude tire à sa fin, nous entendrons des témoins que nous avons rencontrés au début de notre étude. Lors de la première heure, nous entendrons de nouveau le témoignage de l’Union of Canadian Correctional Officers/Syndicat des agents correctionnels du Canada/Confédération des syndicats nationaux (UCCO-SACC-CSN). Permettez-moi de vous présenter le président national de ce syndicat, Jason Godin, et son vice-président national, Éric Thibault.
Le sénateur Ngo vient de se joindre à nous. Bienvenue, sénateur.
Je vous souhaite de nouveau la bienvenue, monsieur Godin. Vous avez la parole.
Jason Godin, président national, UCCO-SACC-CSN : Je remercie le comité de nous avoir invités. Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour parler d’un certain nombre de questions. Aujourd’hui, je mettrai l’accent surtout sur le projet de loi C-83. À la demande du comité, j’ai aussi soumis des mémoires sur l’échange de seringues dans les prisons, ainsi que sur la proposition d'une stratégie pour les détenues à haut risque qui a été déposée en 2005. Je m’en tiendrai au projet de loi C-83, mais je serai certes prêt à répondre à toute question ensuite.
Le Syndicat des agents correctionnels du Canada représente plus de 7 300 agents correctionnels fédéraux travaillant dans les établissements carcéraux dans tout le pays. En tant qu’agents du maintien de l’ordre, nous formons une composante cruciale du Service correctionnel du Canada, ou SCC, car nous lui permettons de remplir son mandat de sécurité publique 24 heures par jour, 365 jours par année. Récemment, on s’est beaucoup intéressé au rôle que l’isolement joue dans le système correctionnel du Canada, tant au niveau provincial que fédéral. La question de l’isolement a été examinée avec soin, et ses conséquences ont été analysées et débattues tant par les universitaires que par les détracteurs des systèmes de justice à l’échelle mondiale.
La récente présentation du projet de loi C-83 forcera le SCC à changer considérablement la façon dont il gère la population de délinquants. L’adoption du projet de loi C-83 se traduira par des changements aux politiques opérationnelles, qui influeront sensiblement sur le fonctionnement de nos pénitenciers fédéraux et auront des répercussions sur leur personnel et leurs détenus.
Par conséquent, l’UCCO-SACC-CSN, dont les membres sont d’importants partenaires dans la prestation de services correctionnels efficaces, souhaite prendre part aux discussions sur ces changements. L’objectif de l’ébauche de rapport est de décrire les répercussions possibles de ces changements du point de vue d’un agent correctionnel.
Si le projet de loi C-83 est adopté, le SCC sera forcé de mettre en œuvre une politique qui modifiera radicalement la façon dont les segments les plus difficiles de sa population sont gérés. Comme nous l’avons vu avec les récentes modifications apportées à la politique du SCC par la DC 709, où le recours à l’isolement a été remplacé par les unités d’intervention structurée, le SCC aura encore plus de difficulté à réaliser son mandat, soit exercer une surveillance sécuritaire et humaine sur les populations carcérales.
Nous sommes préoccupés par ces révisions, car elles semblent réduire la possibilité de recourir à l’isolement pour assurer la sécurité d’un détenu ou celle du personnel, comme il est prévu à l’article 37.3. Nous ne voulons en aucun cas insinuer que le projet de loi C-83 est sans mérite. En effet, il prévoit des outils, comme des détecteurs à balayage corporel, qui amélioreront la capacité des agents correctionnels de réduire les diverses formes de contrebande qui mettent en péril la sécurité des gens qui travaillent et vivent dans des établissements fédéraux. Cependant, afin de mettre en œuvre avec succès le projet de loi dans son ensemble, un engagement beaucoup plus grand sera requis de la part du gouvernement fédéral.
Bien que le projet de loi vise à modifier plusieurs composantes clés de la structure du SCC, la plus importante en ce qui concerne les opérations de sécurité est peut-être l’élimination des unités d’isolement au sein des établissements fédéraux. Même si l’UCCO-SACC-CSN reconnaît que l’efficacité d’un système correctionnel repose sur sa capacité d’adaptation, ses membres ont aussi la tâche d’assurer la sécurité de tous les détenus et les employés dans les pénitenciers. Si on élimine l’isolement préventif et disciplinaire, la capacité de garder le contrôle des diverses populations sera substantiellement touchée. Nous comprenons que le recours trop fréquent à l’isolement comme mesure disciplinaire peut avoir un résultat négatif. II y a néanmoins des situations où une réponse rapide et immédiate à un comportement dangereux est nécessaire.
En 2017, nous avons été témoins des répercussions imprévues des changements à la politique correctionnelle, nommément la DC 709, Isolement préventif, et la DC 843, Interventions pour préserver la vie et prévenir les blessures corporelles graves. Ces politiques ont considérablement réduit la possibilité du SCC de gérer ses établissements à l’aide de l’isolement. Quoiqu’ils étaient bien intentionnés, ces changements ont mené à une hausse marquée de la violence dans les milieux carcéraux fédéraux. Les données préliminaires publiées par le Bureau de l’enquêteur correctionnel sur les répercussions de ces modifications donnent quelques indications sur les conséquences opérationnelles de ces changements. L’analyse révèle une nette corrélation entre la réintégration des détenus dans la population carcérale générale et les incidents violents. Le nombre de détenus réintégrés est passé de 5 501 en 2012 à 4 025 en 2017, tandis que le nombre de détenus qui ont quitté l’isolement et ont été impliqués dans une agression est passé de 244 à 321.
En outre, l’enquêteur correctionnel Ivan Zinger affirme que la nouvelle stratégie consistant à limiter l’isolement prolongé a eu la conséquence inattendue d’engendrer davantage d’attaques violentes derrière les barreaux. Il implore le Service correctionnel du Canada de renforcer l’évaluation des risques afin d’améliorer la sécurité des détenus. Alors que M. Zinger suggère que ces changements ont eu des conséquences inattendues, la position de l’UCCO-SACC-CSN a toujours été catégorique quant au résultat à prévoir. Au cours des deux dernières années, nous avons observé que des établissements ont été le siège de plus en plus de violence, malgré des baisses de population, à cause de la réduction organisationnelle des mesures de contrôle, d’où le lien avec la hausse des agressions. L’UCCO-SACC-CSN ne préconise pas l’isolement inutile des détenus, mais cherche plutôt à maintenir sa disponibilité comme outil de gestion des populations sans restrictions stratégiques déraisonnables ni sa suppression complète.
II faut également considérer la nature transitoire du projet de loi C-83. S’il est adopté, tous les détenus assujettis à l’isolement disciplinaire ne le seront plus, aux termes des articles 39 et 40. Sa mise en œuvre entraînera des changements immédiats à la gestion des délinquants violents dans les populations carcérales, sans égard apparent à la façon dont ils seront dorénavant gérés.
Le projet de loi vise à remplacer l’isolement par des unités d’intervention structurée, dont les détails sont encore vagues. Ce projet de loi autoriserait le commissaire à désigner, à titre d’unité d’intervention structurée, tout pénitencier ou tout secteur de pénitencier pour les fins de l’incarcération des détenus qui ne peuvent demeurer au sein de la population carcérale régulière pour des raisons de sécurité ou autres, aux termes de l’article 31.
De plus, dans le projet de loi C-83, les références à l’isolement ont été effacées et remplacées par les termes « unités d’intervention structurée ». À ce stade-ci, l’UCCO-SACC-CSN est d’avis que les seules unités appropriées pour gérer les détenus qui ne peuvent séjourner avec la population carcérale régulière pour des raisons de sécurité ou autres sont les unités d’isolement existantes du SCC. Reste à savoir si ce projet de loi va engendrer la fermeture d’unités d’isolement ou, plus simplement, une nouvelle dénomination plus politiquement correcte.
Indépendamment de l’endroit où sont situées les unités d’intervention structurée dans les établissements fédéraux, le projet de loi C-83 vise aussi à modifier la manière dont est géré le segment le plus difficile de la population carcérale. Les détenus vivant dans les unités d’intervention structurée auront l’occasion d’interagir avec les autres détenus pendant au moins deux heures, ainsi que le droit de passer quatre heures à l’extérieur de leur cellule. Malgré les bonnes intentions qui inspirent ces changements, ces derniers ne sont pas réalisables avec le nombre actuel d’employés et les infrastructures existantes.
Bon nombre des détenus actuellement placés en isolement le sont pour leur propre protection puisqu’ils sont extrêmement vulnérables. Si on veut leur assurer le degré d’interaction exigé dans le projet de loi, il faudra qu’un nombre déjà limité d’agents correctionnels exercent sur ces détenus une surveillance directe et constante. Inversement, l’incapacité de gérer des détenus incompatibles mènera à des tragédies comme celles vécues dans l’établissement Archambault et l’établissement de Millhaven, où des détenus ont été assassinés, lors d’incidents distincts, au début de 2018.
De façon générale, si le modèle des unités d’intervention structurée remplace les unités d’isolement, nous espérons que ces changements seront mis en œuvre graduellement afin qu’ils puissent être adéquatement évalués et corrigés, si nécessaire. Il est encourageant de noter que, au titre de l’article 37.4 du projet de loi, le commissaire conserve le pouvoir discrétionnaire de prolonger au-delà de 30 jours le statut d’unités d’intervention structurée, ce qui permet aux agents correctionnels de gérer les délinquants à risque élevé, instables ou se mutilant sans être limités par des délais contraignants.
Avec la mise en place des unités d’intervention structurée, la possibilité pour le SCC de restructurer les installations existantes pour respecter les critères établis dans le projet de loi C-83 demeure incertaine. Les changements découlant de l’adoption de ce projet de loi vont limiter la capacité d’un établissement de répondre aux besoins de certains détenus et de ceux de la population carcérale en général, de respecter son mandat et de fournir un environnement de travail sécuritaire à ses employés. Si ces changements sont adoptés, l’implantation de changements structurels significatifs au sein des établissements sera nécessaire pour continuer à se conformer aux priorités stratégiques cruciales.
Les modifications proposées dans le projet de loi permettraient au commissaire d’attribuer à tout pénitencier ou secteur d’un pénitencier une cote de sécurité « sécurité minimale », « sécurité moyenne », « sécurité maximale », « niveaux de sécurité multiples » ou toute autre cote de sécurité réglementaire. Il s'agit de l’article 29.
Du point de vue du fonctionnement, cette formulation semble plutôt vague. Historiquement, les établissements de Service correctionnel Canada ont été construits en fonction d’une norme de sécurité. Tenter de modifier rétroactivement la cote de sécurité d’un établissement ou d’un secteur d’un établissement ne semble pas concorder avec la vision initiale associée à ceux-ci. Cela compliquerait considérablement les stratégies de gestion de la population.
On élargit également les pouvoirs du commissaire relativement au transfèrement de détenus entre les divers niveaux de sécurité d’un établissement donné. Cela renforcera le pouvoir du commissaire de transférer un détenu à un niveau de sécurité différent; par exemple, le transfèrement d’un détenu d’un secteur à sécurité maximale vers un secteur à sécurité moyenne. Vu les implications de ces transfèrements sur le plan de la sécurité, nous estimons qu’il est prudent de solliciter l’avis des agents correctionnels avant de prendre une telle décision, puisque c’est nous qui avons la meilleure connaissance du comportement du détenu et la meilleure idée des résultats potentiels.
De plus, l’UCCO-SACC-CSN réclame depuis 2005 la création d’une unité spéciale de détention pour les délinquantes. Malgré tous les efforts déployés, certaines détenues manifestent des comportements qui ne peuvent tout simplement pas être maîtrisés de manière sécuritaire dans des établissements réguliers sans le modèle d’infrastructure actuel. Dans les cas semblables impliquant un détenu de sexe masculin, Service correctionnel Canada peut transférer les détenus autrement ingérables à l’unité spéciale de détention au Québec.
Historiquement, à défaut d'autres solutions, cela menait au placement de détenues en isolement pour des périodes excessivement longues. Toutefois, en vertu des nouvelles lignes directrices prévues dans le projet de loi C-83, Service correctionnel Canada pourrait être forcé de transférer involontairement ces détenues de manière fréquente et continue afin de se conformer à la loi. Le même ensemble de circonstances qui a caractérisé l’incarcération d’Ashley Smith deviendra encore plus courant. Cela ne servira ni la détenue ni le mandat légal de Service correctionnel Canada. D’ici à ce que des changements soient apportés à l’infrastructure existante, ce sera une réalité nécessaire.
L’élimination de l’outil d’isolement forcera Service correctionnel Canada à gérer certains groupes de détenus par la création de sous-populations. En réalité, cela revient à séparer les détenus sans recourir physiquement à l’isolement, ce qui se produit déjà dans le cadre de l’utilisation d’un éventail de mesures de rechange. Par exemple, les détenus sont de plus en plus restreints à leur cellule ou rangée de cellules le jour. En outre, les restrictions quant aux aires de loisirs extérieurs que peuvent utiliser différents groupes de détenus deviendront plus courantes.
Bien que ces options soient certainement viables, elles dépendent entièrement de l’existence d’une infrastructure physique qui les appuie. Le recours à ces options dans des espaces physiques qui n’ont jamais été conçus à de telles fins augmente les risques et met inutilement de la pression sur le personnel et les détenus qui vivent dans ces unités.
En plus du problème relatif aux infrastructures, mentionnons l’incapacité actuelle de Service correctionnel Canada de gérer les détenus ayant de graves troubles psychologiques. La capacité de gérer les cas de problème de santé mentale grave en dehors des centres psychiatriques régionaux était déjà grandement limitée avant les modifications présentées dans le projet de loi C-83. Dans un rapport de 2008, l’UCCO-SACC-CSN prévoyait une hausse de 32 p. 100 des attaques à l’endroit du personnel concordant avec une diminution de 15 p. 100 de l’utilisation des lits isolés au cours de la même période.
Plus précisément, Service correctionnel Canada prévoit également une hausse des attaques à l’endroit du personnel à la fois au Centre régional de traitement de Millhaven et au Centre psychiatrique régional des Prairies, lesquels représentent, statistiquement, deux des établissements les plus dangereux au pays. La réduction de notre capacité de gérer de manière sécuritaire les cas les plus difficiles au moyen de l’isolement lorsque cela est nécessaire ne fera qu’exacerber la situation dans les milieux de travail déjà dangereux pour les agents correctionnels. J’ai mentionné plus tôt que deux détenus ont été tués en 2018 dans des centres de traitement. Je n’ai rien vu de tel en 27 ans.
Comme nous l’avons vu par le passé, les difficultés à gérer efficacement les populations diversifiées en raison de l’absence d’une infrastructure appropriée peuvent rapidement mener à des événements tragiques. Les cas d’Ashley Smith et de Marlene Carter font ressortir la difficulté de superviser les détenus ayant de graves troubles de santé mentale et les conséquences possibles lorsque les politiques en vigueur et l’infrastructure existante ne répondent pas aux besoins des détenus et du personnel qui les supervise.
Alors que les ressources des hôpitaux psychiatriques provinciaux continuent de diminuer, tout comme la capacité de Service correctionnel Canada d’y aiguiller des cas, les pénitenciers fédéraux partout au pays seront de plus en plus appelés à absorber ces personnes dans un système mal préparé pour gérer les problèmes de santé complexes. Cette réalité, combinée à l’élimination de l’isolement préventif, obligera Service correctionnel Canada à régler de manière proactive les problèmes relatifs à la gestion de la population. Vu les modifications qui ont déjà été apportées aux directives du commissaire DC 843 et DC 709 et qui découleront bientôt de l’adoption du projet de loi C-83, nous sommes convaincus que Service correctionnel Canada aura du mal à financer les changements nécessaires au chapitre des infrastructures pour gérer ces cas complexes de délinquants.
Voilà maintenant de nombreuses années que l’UCCO-SACC-CSN fait pression auprès de Service correctionnel Canada pour qu’il s’engage à satisfaire davantage les besoins en matière de soins de santé et de soins de santé mentale. Le projet de loi C-83 reconnaît l’importance des professionnels de la santé dans la gestion des détenus en ce sens que leurs recommandations sont prises en compte dans le processus d’évaluation relatif aux unités d’intervention structurée, tout en maintenant le directeur de l’établissement à titre de décideur final. Cela se trouve aux articles 37.2 et 37.3.
Malheureusement, bien que le projet de loi C-83 reconnaisse l’importance du personnel de soins de santé dans le processus de gestion des détenus dans les unités d’intervention structurée, il ne prévoit pas de services de soins de santé 24 heures par jour. Or, nous réclamons cela depuis des années. Cette lacune place souvent le fardeau de ces responsabilités spécialisées sur les épaules des agents correctionnels de première ligne. D’ici à ce que les recommandations visant la prestation de soins 24 heures sur 24 formulées par diverses commissions d’enquête parlementaires et par l’UCCO-SACC-CSN soient mises en œuvre, Service correctionnel Canada ne s’acquittera pas de ses responsabilités et continuera de placer les agents correctionnels dans des situations précaires.
En ce qui a trait aux membres de l’UCCO-SACC-CSN, bien que les agents correctionnels soient formés à titre de premiers répondants pour les situations d’urgence médicale, nous n’avons toujours pas accès au curriculum nécessaire pour être considérés très compétents lorsqu’il s’agit d’intervenir auprès de personnes en état de crise de santé mentale. Service correctionnel Canada s’est engagé à élargir la formation pour remédier à ces lacunes. Toutefois, les agents de première ligne n’ont toujours pas constaté de modification importante de nos normes nationales de formation.
Lors d’une intervention auprès d’une personne en état de crise de santé mentale, le but premier pour les agents correctionnels est toujours de désamorcer la situation. Cependant, l’évaluation des risques révèle parfois que cela est impossible. Une résolution immédiate du conflit est alors requise. En dépit d’avoir, parmi les options d’intervention, le recours à la force, dont le contrôle physique ou l’emploi d’agents chimiques, nous n’avons pas accès aux contraintes chimiques qui sont à la disposition des hôpitaux psychiatriques pour gérer les patients dont le comportement se compare directement à celui de détenus de Service correctionnel Canada. Même si le recours à des contraintes chimiques n’est pas nécessairement idéal et qu’on ne doit pas le considérer comme la seule option, son inclusion parmi les options d’intervention pourrait prévenir le recours à la force physique, permettant ainsi une résolution plus sécuritaire pour le personnel et les détenus.
Au chapitre de la sécurité préventive, nous sommes encouragés de voir l’inclusion des détecteurs à balayage corporel. J’ai mentionné cela tout à l’heure. Encore une fois, nous appuyons cela depuis le début.
Il existe amplement de preuves des effets néfastes de l’isolement à long terme sur les détenus. Certains détenus ont parfois des problèmes de santé au préalable qui risquent d’être exacerbés par un placement en isolement. Bien que l’UCCO-SACC-CSN reconnaisse ces études et leurs conclusions, nos membres travaillent dans un environnement où les troubles de santé mentale et l’automutilation sont excessivement communs. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel estime que les problèmes de santé mentale sont de deux à trois fois plus courants dans les établissements fédéraux qu’au sein de la population générale.
Si l’on souhaite que nous nous acquittions de notre mandat en matière de sûreté, de sécurité et de réadaptation, on ne peut nous laisser fonctionner dans un état d’ambiguïté. Si le projet de loi C-83 est adopté, nous espérons sincèrement que sa mise en œuvre fera l’objet d’une mûre réflexion. Comme nous l’avons vu récemment, imposer trop rapidement un volume trop élevé de changements sans tenir compte des répercussions sur notre environnement risque de mener à des situations où des personnes sont gravement blessées, voire pis encore.
Voici nos recommandations. Nous réclamons : une évaluation plus robuste des modifications de politiques qui influeront sur le projet de loi C-83; la mise en œuvre d’un système plus robuste de surveillance des incidents afin de mieux comprendre les incidences de ces modifications sur le fonctionnement; l’élimination du libellé qui, à l’heure actuelle, recommande que les options d’intervention soient le moins restrictives possible pour revenir au libellé précédent, qui recommandait qu’elles soient les plus appropriées; l’engagement à compléter l’infrastructure existante au sein des établissements fédéraux afin de remédier aux incidences de l’élimination de l’isolement préventif et disciplinaire; un examen et une amélioration du régime disciplinaire avant l’élimination de l’isolement disciplinaire afin d’intervenir efficacement auprès des détenus manifestant les comportements les plus difficiles; l’engagement à rendre les professionnels de la santé disponibles 24 heures par jour au sein de tous les établissements de Service correctionnel Canada; l’élargissement des options d’intervention de rechange pour y inclure, notamment, les contraintes chimiques telles que celles utilisées dans les hôpitaux psychiatriques provinciaux; l'élargissement de la formation existante et la mise en œuvre de nouvelles formations pour fournir aux agents correctionnels des outils supplémentaires afin qu’ils puissent répondre de manière sécuritaire aux divers besoins de la population de détenus. Une formation sur les façons de désamorcer les conflits serait très utile, tout comme une inclusion accrue de l’UCCO-SACC-CSN dans les futures discussions concernant les unités d’intervention structurée. Nous réclamons également : la reconnaissance des agents correctionnels en tant que partenaires et experts en la matière; une explication plus détaillée des unités d’intervention structurée et des lignes directrices de fonctionnement proposées; le maintien de la disponibilité des unités d’isolement existantes jusqu’à ce qu’il soit mutuellement convenu de passer aux autres unités.
En terminant, l’UCCO-SACC-CSN reconnaît que la modification des priorités stratégiques ainsi que l’adaptation aux nouvelles tendances en matière de politiques correctionnelles et de fonctionnement font partie des réalités de notre travail. Toutefois, il est essentiel de faire participer nos membres dans les dialogues entourant ces changements avant leur mise en œuvre afin d’en assurer l’efficacité.
Service correctionnel Canada, ainsi que le gouvernement qui lui confie ses mandats doivent comprendre que la modification de ces politiques peut accroître de manière considérable le risque de situations explosives dans les établissements fédéraux, ce qui aura une incidence directe sur la sécurité du personnel et des détenus. Ainsi, nous espérons que vous tiendrez compte de nos préoccupations et que vous nous permettrez dorénavant de travailler à titre de partenaires de manière à assurer l’atteinte des meilleurs résultats possible.
La présidente : Je vous remercie de vos observations préliminaires. Vous avez dépassé le temps prévu, mais je vous ai laissé un peu de latitude.
M. Godin : Je m’excuse. J’avais beaucoup de points à soulever.
La présidente : Nous avions convenu lors de la dernière réunion que chaque sénateur disposerait d’un temps de parole égal. C’est ce que nous allons faire. La liste est longue. Chaque sénateur aura six minutes. Nous demandons aux sénateurs de poser des questions concises et aux témoins de donner des réponses concises.
La sénatrice Ataullahjan : J’ai une question à deux volets. Lorsque l’enquêteur correctionnel du Canada a comparu devant le comité, il a dit que le recours à l’isolement préventif au cours des dernières années avait diminué.
Pourriez-vous nous dire si cette réduction a eu un effet sur le taux de violence entre les personnes purgeant une peine fédérale et les agents correctionnels? Si c’est le cas, pourriez-vous nous dire quel genre d’effet cela a eu? Pourriez-vous également nous dire quel impact cela a eu sur les questions, comme celle de la sécurité institutionnelle et du recours aux interventions forcées?
M. Godin : Absolument. Il y a un lien direct, ou une corrélation, entre la baisse du recours à l’isolement préventif et celle des incidents violents au sein de la population générale. Les données statistiques du Bureau de l’enquêteur correctionnel, tout comme celles du Service correctionnel du Canada, appuient ces constats.
Nous assistons actuellement à une montée en flèche des incidents violents dans les centres de traitement, ce qui est très inquiétant, car ils ont été conçus pour traiter les détenus qui souffrent de problèmes de santé mentale. C’en est l’objectif, mais malheureusement, les deux centres que nous avons sont les établissements les plus violents au pays. Je peux vous fournir un rapport du Service correctionnel du Canada sur le nombre d’agressions qui y ont lieu.
Je vais vous donner un exemple. En moins de 12 mois, plus de 100 agressions ont été commises contre le personnel correctionnel du centre psychiatrique régional de Saskatoon. Ces chiffres sont stupéfiants. Les données statistiques du Service correctionnel du Canada prévoient que le nombre d’agressions continuera d’augmenter. Certains détenus ont des problèmes de comportement. Certains souffrent de problèmes de santé mentale. Au fur et à mesure que nous diminuons le recours à l’isolement préventif, les personnes atteintes de problèmes de comportement se retrouvent dans les unités et les établissements de santé mentale. Ce n’est pas ce que nous voulons étant donné que ce sont des personnes perturbatrices et agressives.
Il faut trouver une autre solution, car nous souhaitons veiller à ce que les détenus dans les centres de traitement en santé mentale puissent obtenir l’aide dont ils ont besoin. Nous ne voulons pas que les détenus ayant des problèmes de comportement entraînent des perturbations et qu’ils agressent d’autres détenus ou des membres du personnel. C’est l’un des plus grands problèmes que nous avons.
Selon certaines données statistiques, le recours à la force aurait diminué, mais ce n’est pas ce que nous constatons sur le terrain. Elles ne prennent pas tout en compte. Il se peut qu’on ait à séparer deux détenus. Il se peut que nous ayons recours à ce genre d’intervention. Nous continuons de croire que le recours à la force est à la hausse, mais toutes les interventions ne sont pas forcément prises en compte. Selon les données du Service correctionnel du Canada, les agressions contre les agents correctionnels et les détenus sont à la hausse. Ce n’est pas ce que nous voulons.
J’ai mentionné plus tôt que malheureusement deux détenus avaient été tués dans des centres de traitements en 2018. Mes collègues et moi convenons que c’est inacceptable. Je n’ai jamais été témoin de ce genre de choses en 27 ans de carrière. Toutefois, cela montre bien que l’on place des détenus dans des centres de traitement qui ne devraient pas l’être. Nous devons trouver une autre solution pour les détenus violents à haut risque.
Il faut reconnaître que 72 p. 100 des détenus souffrent d’une maladie mentale. Nous le savons. Il est important de les traiter, mais il est également important de reconnaître que 28 p. 100 des détenus ne souffrent pas forcément d’une maladie mentale. Il se peut qu’ils soient impliqués dans le crime organisé, qu’ils fassent de l’intimidation et qu’ils organisent ces agressions. Il faut être conscient de ces 28 p. 100 de détenus. Nous avons non seulement besoin d’une solution pour les détenus qui souffrent d’une maladie mentale, mais également pour les détenus perturbateurs.
J’espère que cela répond à votre question, sénatrice.
La sénatrice Ataullahjan : Quand vous dites qu’il faut une solution, avez-vous une idée du genre de solution qu’il faudrait avoir?
M. Godin : Je sais que certains sénateurs sont au courant de ce que nous demandons parce que nous avons parlé la dernière fois d’une unité pour les femmes détenues violentes à haut risque. Nous tentons de veiller à ce que ces détenues ne perturbent pas celles qui participent activement à ces programmes.
Il ne s’agit pas de les punir ou de les isoler. Il s’agit de veiller à ce que les personnes à haut risque soient placées dans des zones où il est possible pour nous de mener des interventions à haut risque et de leur assurer un traitement. Voilà la solution que nous proposons. C’est ce qui existe déjà du côté des hommes. Nous pouvons envoyer les cas violents les plus graves à l’unité spéciale de détention au Québec, mais l’option n’existe pas pour l’instant dans les établissements pour femmes. Il ne s’agit pas de les enfermer et de les isoler. Il s’agit de veiller à ce que les personnes perturbatrices ne perturbent pas les autres et obtiennent l’aide dont elles ont besoin.
Nous voulons un système à deux niveaux afin de gérer adéquatement les groupes qui ont des problèmes de comportement. Nous voulons veiller à ce que les détenus placés dans les centres de traitement soient ceux qui en ont le plus besoin et qu’ils reçoivent l’aide dont ils ont besoin pour le bien de tout le personnel, notamment pour éviter les blessures. Nous aimerions avoir deux options.
La sénatrice Pate : Je vous remercie d’être ici parmi nous et du travail que vos membres et vous faites en permanence, au quotidien, tous les jours de l’année. Nous avons eu le privilège de rencontrer un bon nombre de vos membres lorsque nous étions en déplacement partout au pays. Évidemment, j’ai également été amenée à rencontrer beaucoup d’entre eux dans le cadre du travail que je faisais auparavant.
Beaucoup d’enjeux ont été soulevés. Vous nous avez donné un point de vue un peu différent sur certaines des questions que vous avez soulevées aujourd’hui. Pour commencer avec la dernière question que vous avez soulevée, le syndicat UCCO-SACC-CSN précédent, lorsque le Syndicat des employé-e-s de la Sécurité et de la Justice représentait les agents correctionnels, avait fait la même recommandation concernant la situation des femmes en 1994. Après la commission Arbour et le Groupe de travail sur les femmes purgeant une peine fédérale, il avait été reconnu qu’il serait mieux d’adopter l’approche recommandée dans le rapport La création de choix, soit une sécurité plus dynamique et moins statique. En fait, c’est ce qui est favorisé.
Comme nous l’avons entendu durant les témoignages, les femmes qui sont dans ce genre d’unités ont l’occasion de bénéficier d’une sécurité plus dynamique et de soutiens thérapeutiques externes. Elles réussissent bien dans la communauté par la suite. Elles ont un comportement complètement différent de celui qu’elles avaient en prison.
Je suis heureuse de vous avoir entendu parler des événements qui ont eu lieu dans les établissements d’Archambault et de Millhaven. Tous les rapports relatifs à ces incidents révèlent qu’il y avait eu un renforcement de la sécurité, une accentuation de la sécurité statique et une perte de possibilités pour les détenus de sortir et de participer aux programmes au moyen de laissez-passer. Cela avait mené à une augmentation du nombre d’incidents de sécurité, et bien sûr, des situations problématiques, comme les émeutes et ce genre de choses.
Des recommandations successives, y compris celles du rapport de l’enquêteur correctionnel dont vous avez parlé, font le lien entre l’augmentation du nombre d’agressions, de signalements, de mises en accusation et de recours à la force, et l’élimination de l’isolement préventif ainsi que l’accroissement de l’utilisation de la sécurité statique qui en découle. Je trouve cela étonnant que vous n’ayez pas dit ce que beaucoup de vos membres nous ont dit partout au pays, soit que vous voulez que des approches plus dynamiques soient mises en place. On nous a donné l’exemple du programme Breakaway, un projet pilote qui n’est pas financé par les services correctionnels de l’établissement de Collins Bay, qui vise à aider les détenus qui ont été membres de gangs. D’autres ont été chercher des thérapeutes externes et ont eu recours aux accords convenus en vertu de l’article 29 pour obtenir les ressources externes nécessaires.
Pourriez-vous nous parler du travail qui doit être fait sur ces questions? Évidemment, cela fait partie de votre mandat de représentant syndical de vous occuper de la sécurité. Cela a été utile de vous entendre parler des soins de santé offerts 24 heures sur 24, mais que pense le syndicat en ce qui concerne les recommandations et les résultats positifs de certaines mesures qui ont été prises?
M. Godin : Honnêtement, sénatrice, il faut comprendre que notre rôle consiste clairement à assurer sur la sécurité statique. J’ai dit plus tôt ce qui nous est important. Nous demandons d’avoir les ressources en santé nécessaires. C’est à nous de veiller à ce que le genre de programmes dont vous parlez soient offerts.
Il ne s’agit pas forcément d’une surutilisation des mesures de sécurité. Il s’agit de veiller à ce que nous puissions répondre aux besoins opérationnels des programmes offerts aux détenus et assurer un environnement sécuritaire pour le personnel et les détenus. Notre rôle est principalement axé sur la sécurité statique. Quand des interventions ont lieu, c’est à nous d’assurer que les mesures de sécurité adéquates sont en place afin d’éviter qu’aucun détenu ne perturbe ces programmes ou ne cause de problèmes dans les rangs.
Malheureusement, encore une fois, c’est une question de ressources. Au bout du compte, nous ne voulons pas nécessairement plus de ressources en matière de sécurité. Nous avons besoin de plus de professionnels de la santé au sein des unités psychiatriques. Je ne peux pas parler pour tout le monde, mais vous conviendrez, sénatrice, qu’il est important que des soins de santé soient offerts 24 heures sur 24, de sorte qu’on puisse compter sur la présence de thérapeutes en santé mentale lorsqu’on procède à ces interventions. Ainsi, on aurait moins recours aux mesures de sécurité. Nous pourrions quand même assurer la sécurité de ces interventions, mais à tout le moins, des professionnels de la santé mentale seraient à nos côtés. C’est vraiment notre objectif. Nous ne voulons pas ralentir le processus ni nuire aux interventions. Nous voulons nous assurer que le personnel est en sécurité, y compris les thérapeutes ou les personnes responsables du programme.
Les agents correctionnels qui travaillent dans les centres de traitement forment un groupe unique. Certains d’entre eux sont extrêmement doués pour les interventions. J’en connais un en particulier. Ses interventions lui ont d’ailleurs valu l’une des plus hautes distinctions décernées dans les services correctionnels. Cet homme était incroyable.
Nous menons des milliers d’interventions. Nous essayons de complémenter le personnel de santé, mais nous avons besoin de lui 24 heures sur 24. Après une certaine heure, que ce soit à 23 heures ou à 16 heures, lorsque le personnel de santé est parti, il ne reste que nous. Nous aimerions beaucoup avoir ces gens à nos côtés durant les interventions. Nous pourrions contribuer à ce que cela se concrétise.
La sénatrice Pate : Je suis consciente que je n’ai que six minutes. On nous a parlé d’une initiative, mise en place à l’Établissement de Stony Mountain et à d’autres établissements, où l’on a recours à des groupes de soutien par les pairs pour désamorcer diverses situations. Vous avez indiqué qu’il y avait très peu de formation offerte au personnel sur les techniques de désamorçage. Vous encouragez d’ailleurs le personnel à prendre des mesures de sécurité active plutôt que passive. Lorsque l’enquêteur correctionnel a comparu devant nous la dernière fois, j’ai été étonnée d’apprendre qu’à peine 2 p. 100 du budget des services correctionnels était consacré aux programmes.
Quels sont les programmes, comme le programme Breakaway et l’initiative de Stony Mountain, qui se sont avérés les plus efficaces?
M. Godin : Pour être franc avec vous, sénatrice Pate, je ne suis pas un expert en la matière. Personne ici ne va se prononcer là-dessus; il reste que nous continuons de défendre ces programmes. Plus nous aurons de programmes, le mieux ce sera. Par contre, je ne suis pas le mieux placé pour vous dire quel programme est meilleur qu’un autre, par exemple.
J’apprécie la formation sur le désamorçage. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il serait bénéfique d’offrir plus de formation aux agents correctionnels. Nous avons beaucoup parlé de la formation sur le désamorçage. Nous recevons une formation de base, mais nous aimerions avoir cette formation plus poussée. Nous sommes plutôt habiles pour désamorcer un grand nombre de situations. C’est ce que nous faisons au quotidien. Cette formation nous aiderait à désamorcer ces situations en collaboration avec les professionnels de la santé. J’espère que vous préconisez cette initiative autant que nous parce que nous sommes du même avis. Mieux les agents correctionnels seront formés, particulièrement sur le désamorçage, mieux ils seront en mesure de faire face à des enjeux de première ligne.
Le collègue dont j’ai parlé tout à l’heure pourrait enseigner ce programme. C’est le plus doué que j’ai rencontré et il n’a jamais reçu de formation officielle. Cela aiderait nos agents correctionnels d’avoir ce genre de formation. Si vous pouviez intervenir à cet égard, je vous serais très reconnaissant puisque nous sommes sur la même longueur d’onde, vous et moi.
Le sénateur Ngo : Trop de témoins nous disent que de nombreux détenus fédéraux sont maltraités ou placés en isolement pour des raisons de sécurité et ainsi de suite.
Premièrement, selon vous, que faut-il faire pour cesser d’avoir recours à l’isolement pour des raisons de sécurité internationale? On invoque constamment la sécurité comme motif pour placer un détenu en isolement.
Deuxièmement, que fait le syndicat pour défendre les droits de la personne des détenus fédéraux ?
M. Godin : Nous devons procéder à une évaluation minutieuse des risques lorsque nous plaçons un détenu en isolement. Il faut interagir avec le délinquant directement. Parfois, le délinquant va nous dire : « J’ai des dettes. Je ne peux pas retourner dans la population générale. J’ai besoin d’un moment de calme à l’écart. » Parfois, les délinquants aiment s’éloigner de la population générale.
Je vais faire attention à ce que je vais dire, car il y a une enquête en cours. Récemment, j’ai su qu’un délinquant voulait rester en isolement. Malheureusement, il a été libéré et a été assassiné. Voilà pourquoi nous devons mener des évaluations très rigoureuses pour empêcher ce genre de situations de se produire.
La sénatrice Pate : De quel établissement s’agit-il?
M. Godin : Je n’ai pas le droit de le dire. On en reparlera après, sénatrice Pate. Je ne connais pas tous les détails, mais je ne veux pas faire de commentaires parce qu’une enquête est en cours. De tels cas se sont produits. Nous avons des détenus qui disent : « J’aimerais être mis en isolement. » Ils ne se retrouvent pas en isolement et finissent malheureusement par se faire agresser ou risquent d’être blessés ou tués dans la rangée.
En ce qui concerne les droits de la personne, nous avons examiné les données statistiques du Bureau de l’enquêteur correctionnel. Au cours d’une période de neuf ans, 441 plaintes de discrimination ont été examinées par l’enquêteur correctionnel. Beaucoup d’entre elles sont anecdotiques. Elles ne sont pas nécessairement vraies ou fiables et, souvent, elles ne sont pas prouvées. J’ai également vérifié les statistiques du Service correctionnel du Canada. Nous avons en fait reçu trois griefs de discrimination de la part de détenus. Encore une fois, nous ne savons pas ce qu’il en est advenu parce que des mesures disciplinaires ne sont pas prises.
Pour ce qui est de ce que nous faisons, nous examinons les chiffres. Nous faisons de la formation sur la sensibilisation culturelle. Nous donnons toutes sortes de formations. Parfois, les politiques du SCC sont perçues comme discriminatoires. Cela ne vise pas nécessairement les agents correctionnels. Si je dis à un détenu qu’il n’y a que certaines heures de la journée où il est permis de participer à un programme, cela peut être considéré comme discriminatoire. Il arrive que les politiques du SCC aient une incidence à cet égard.
Je suis agent correctionnel depuis 27 ans. Je peux vous dire, en toute honnêteté, que la dernière chose qu’un agent correctionnel veut dans une unité ou un établissement, c’est de la discrimination. Nous devons y travailler. Nous ne voulons pas de ce genre de tension; nous n’en avons pas besoin.
Que faisons-nous à ce sujet ? Il y a plus de sensibilisation. En tant que collègues, nous nous assurons de parler entre nous si nous voyons quelque chose se produire, mais nous n’avons pas beaucoup de données indiquant qu’il y a beaucoup de difficultés. Nous en sommes constamment conscients. Nous recevons une certaine formation et il arrive souvent qu’un syndicat préconise de la formation.
Je pourrais peut-être donner un exemple. Il y a plusieurs années, nous avons dû transférer un groupe de détenus autochtones de Drumheller. Nous avons reçu une formation de sensibilisation culturelle sur les Autochtones, les Premières Nations et les peuples autochtones. Malheureusement, les agents en Ontario n’avaient pas la même compréhension ou connaissance des besoins et des droits des Autochtones que ceux dans la région des Prairies. Nous avons recommandé vivement qu’une formation spécifique soit dispensée. À l’époque, nous hébergions un groupe de détenus qui venaient des Prairies. C’est principalement de là que viennent la plupart des détenus autochtones.
Nous faisons certaines choses. Nous intervenons quand il le faut. Nous l’avons fait depuis le tout début et nous continuerons certainement de le faire.
Le sénateur Ngo : Vous avez parlé de 440. C’est beaucoup.
M. Godin : Sur une période de neuf ans, oui. Je vais vous donner la moyenne exacte. Elle est de 41 par an. Les chiffres proviennent du Bureau de l’enquêteur correctionnel. J’ai parlé personnellement à M. Zinger, qui m’a dit que la plupart des plaintes étaient anecdotiques et non prouvées. Elles sont infondées. En gros, ce sont des cas évidents. Il y en a se rapportant à la politique, mais elles ne sont pas nécessairement prouvées.
Je suis retourné vérifier les chiffres du Service correctionnel du Canada. Une moyenne de 41 par an n’est pas inhabituelle. Comme agent correctionnel, je me suis trouvé dans des situations où j’ai dû ordonner à un détenu de faire quelque chose et, le lendemain, il y a eu une plainte de discrimination contre moi. Ce n’est pas parce que je fais de la discrimination contre le détenu. C’est parce que j’applique les politiques et les règles du Service correctionnel du Canada. Malheureusement, les dossiers de discrimination montrent que seulement trois de ces griefs déposés par des détenus ont été entendus.
Le système de recours que nous avons pour les détenus de même que pour le personnel est assez vaste. Dans la fonction publique fédérale, il y a toutes sortes de recours, par comparaison à d’autres pays du monde, pour les agents correctionnels et les détenus. Dans ces cas, j’encourage le recours au système de réparation, mais je ne suis actuellement saisi d’aucune affaire disciplinaire concernant de la discrimination contre des détenus.
Le sénateur Wells : Merci, messieurs Godin et Thibault, d’être venus témoigner devant notre comité. Vous avez mentionné les risques plus élevés auxquels font face les agents correctionnels en raison de la présence de seringues dans le système carcéral. Pourriez-vous revenir rapidement sur ces risques et me dire si certains d’entre eux sont atténués ou couverts par le projet de loi C-83 ?
M. Godin : Malheureusement, ces risques ne sont pas couverts dans le projet de loi. Il y a tout un point de vue sur l’échange de seringues en prison. Je tiens à préciser que nous ne sommes pas contre les stratégies de réduction des méfaits. Premièrement, nous devons assurer notre sécurité et celle des détenus. Nous proposons une solution de rechange à ce que fait actuellement le Service correctionnel du Canada pour la distribution de seringues dans les cellules. Nous croyons que le programme d’échange de seringues en prison est un problème relevant des soins de santé.
Nous avons parlé à plusieurs députés. Je peux vous donner une liste de députés. Ils s’entendent tous pour dire qu’il s’agit d’une question de soins de santé. Nous suggérons qu’elle devrait être traitée au niveau des soins de santé et non des cellules. Cela éliminerait les risques pour nous et pour les autres détenus, croyez-le ou non. Par exemple, des aiguilles peuvent disparaître. On peut tenter de m’intimider pour une aiguille. C’est déjà arrivé dans le cadre du programme actuel. Cela respecte également la vie privée des détenus. Si nous retirons les aiguilles des cellules pour les fournir dans le cadre de soins de santé, comme il se doit, cela évitera tout d’abord le partage des seringues. Deuxièmement, cela protégera la vie privée des détenus.
Je vais vous dire ce qui nous préoccupe. Selon les statistiques, que je peux fournir au comité, 79 p. 100 des surdoses se produisent dans les cellules. Il serait plus logique que les aiguilles soient retirées des cellules et fournies dans le cadre de soins de santé, comme il se doit, dans des conditions sûres, par des professionnels de la santé. De cette façon, si le détenu faisait une surdose, ce serait en présence d’un professionnel de la santé.
Je tiens à préciser que nous ne sommes pas contre les stratégies de réduction des méfaits. Au début, nous nous y sommes opposés pour de nombreuses raisons parce que, en même temps, on nous demandait d’élaborer des stratégies d’interdiction de la drogue. Nous sommes en conflit d’intérêts ici. Nous constatons que ce n’est pas ainsi que cela fonctionne dans les pays européens. Je vous ai fourni beaucoup d’information à ce sujet.
Notre objectif est la sécurité des agents correctionnels et la sécurité des détenus.
Le sénateur Wells : Je déduis de votre exposé et des données fournies que la consommation de drogue est courante, mais d’après votre expérience, nuit-elle ou contribue-t-elle aux objectifs de réadaptation dans les prisons ?
M. Godin : C’est une question difficile. Comme agents correctionnels, il est évidemment de notre responsabilité de dissuader les détenus de consommer de la drogue dans nos établissements. On me pose souvent la question, et j’adore y répondre ouvertement. Les gens disent : « Monsieur Godin, vous ne faites pas votre travail. Comment la drogue est-elle introduite dans les prisons? » Je peux énumérer une centaine de moyens par lesquels de la drogue est introduite dans les prisons.
Les détenus qui se droguent, ce n’est pas une bonne chose. Ce n’est pas une bonne chose pour les autres détenus. Ce n’est pas une bonne chose pour les agents correctionnels et les autres employés. À l’heure actuelle, notre mandat est d’empêcher l’introduction de drogues. C’est très difficile. De nos jours, les drones peuvent localiser avec précision une fenêtre de cellule. Cela nous complique la tâche.
Est-ce que cela contribue à la réadaptation? Dans le cas des stratégies de réduction des méfaits, par exemple, l’une des choses préoccupantes — et il s’agit de données statistiques; je ne suis pas un expert en la matière — c’est que les détenus qui participent au programme actuel d’échange de seringues n’ont pas à en parler devant une commission des libérations conditionnelles. Le public canadien a probablement intérêt à le savoir, car de 80 à 90 p. 100 des délinquants ont habituellement commis leurs crimes sous l’influence de la drogue ou de l’alcool alors qu’ils étaient dans la collectivité.
Je ne prétends pas être l’expert. Y a-t-il des choses que nous pouvons faire pour empêcher les drogues d’entrer ? Bien sûr qu’il y en a. Nous allons introduire les scanners corporels, qui offrent un moyen non intrusif de détecter la contrebande. Nous avons un problème majeur avec les drones. Ils sont incontrôlables. Nous avons de 7 à 10 livraisons par semaine. Je peux vous montrer des photos. J’en avais une hier. C’est incroyable à quel point ces choses sont sophistiquées. Cela crée beaucoup de difficultés pour les agents correctionnels.
Il n’y a pas de solution facile à ce problème. Nous en cherchons parce que notre but est que les détenus ne prennent plus de drogue. Nous voulons qu’ils réussissent lorsqu’ils retournent dans la collectivité. Nous ne voulons pas qu’ils commettent des crimes pour financer une consommation de drogues. C’est ce que nous essayons de faire. C’est très compliqué d’empêcher cela. Nous continuons de faire tout ce que nous pouvons. Nous essayons d’empêcher la consommation de drogue. Cela fait partie de notre mandat comme agents correctionnels.
Le sénateur Wells : Il me semble que certains préconisent l’injection contrôlée dans un centre de santé dans les prisons. C’est comme cela que ça s’appelle?
M. Godin : On parlerait de consommation supervisée. On utilise différents mots à la mode maintenant. Nous allons mettre un tel centre à l’essai dans le cadre d’un projet pilote.
Le sénateur Wells : Les drogues sont interdites en prison, mais, de toute évidence, elles y entrent. Vous approuvez un centre de consommation supervisée où on ne restreindrait pas la consommation. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’elle est encouragée, mais elle est facilitée. On espère que les prisonniers puissent réintégrer la société grâce à un genre de programme de réadaptation. Je ne sais pas quel terme employer.
Nous laissons revenir dans la société des détenus qui consomment des drogues, parfois avec l’aide de programmes d’échange de seringues ou de centre de santé, et nous espérons que cela fonctionne. Ai-je tort de voir les choses ainsi?
M. Godin : Je suppose. Je n’ai pas l’expertise pour tirer ce genre de conclusions. Signalons toutefois qu’il existe toute sorte de drogues synthétiques sur le marché. Elles peuvent remplacer les drogues illicites, lesquelles présentent un réel danger. D’après mes propres recherches, et je répète que je ne suis pas un spécialiste, Santé Canada a approuvé plus d’un millier de médicaments qui peuvent servir de substitut à ce genre de drogues.
Nous prônons l’essai de drogues synthétiques en tant que substitut afin d’atténuer les problèmes liés au trafic de drogues illicites. La crise des opioïdes n’a jamais été aussi aiguë et elle nous préoccupe beaucoup. Nous sommes aux prises avec plusieurs surdoses de drogues par semaine. Nous sommes des agents correctionnels. À ma connaissance, nous sommes les seuls agents de la paix à être responsables en cas de décès d’un détenu. Le service de police de Vancouver ne répond même plus aux appels pour les surdoses de drogue. C’est injuste pour nous. En Europe, là où il y a des programmes d’échange de seringues, on n’intervient pas non plus dans les cas de surdoses.
Nous soutenons que ce problème relève des spécialistes des services de santé.
Le sénateur Wells : Vous dites que cela ne fait pas partie de votre mandat.
M. Godin : C’est à peu près cela, oui.
La sénatrice Boyer : Votre travail semble très difficile. Ma question porte sur les relations. Au cours des travaux du comité, nous avons entendu durant des entretiens confidentiels avec des agents et du personnel des services correctionnels que certains d’entre eux craignent des représailles lorsqu’ils signalent des gestes inacceptables commis envers d’autres agents correctionnels, des membres du personnel ou des prisonniers.
Primo, pouvez-vous expliquer les systèmes qui existent pour protéger les dénonciateurs? Secundo, y a-t-il des mesures en place pour favoriser une ambiance de travail positive entre les agents correctionnels? Vous avez mentionné des recours, mais j’aimerais vous entendre en dire davantage sur le sujet.
M. Godin : Absolument. Je suis heureux que vous posiez la question. Nous sommes très proactifs en ce moment et avons lancé quelques initiatives. Pensons à la situation survenue à Edmonton. Je ne peux pas parler en détail parce qu’une enquête est en cours, mais je dirai que c’est le syndicat qui a attiré l’attention du Service correctionnel du Canada sur Edmonton. En fait, nous avons déployé des efforts en ce sens pendant des mois. C’est nous qui avons indiqué qu’il fallait se pencher sur la situation, que les difficultés étaient graves et qu’une unité ne se conformait pas aux politiques administratives en matière d’isolement préventif.
Nous avons insisté et le Service correctionnel du Canada est enfin passé à l’action. Il a accepté la tenue d’une enquête externe par un tiers. Un rapport a conclu à un milieu de travail toxique que je partagerai volontiers avec le comité. Le rapport a été rendu public. C’est nous qui avons demandé qu’il soit publié. Nous avons fait de fréquentes visites à Edmonton et rencontré tout le personnel. Je m’y suis moi-même rendu six ou sept fois et j’ai encouragé les employés à me parler s’ils avaient été témoins de comportements inacceptables. À l’heure actuelle, nous représentons six de nos membres qui ont déposé des plaintes concernant des droits de la personne. Nous avons toujours eu une politique en matière de harcèlement. Nous l’avons améliorée en y ajoutant de nouvelles dispositions. Nous collaborons avec le Service correctionnel du Canada pour la mise en œuvre des recommandations du rapport sur le milieu de travail toxique.
Je suggère fortement au comité de jeter un coup d’œil à ces recommandations que nous demandons à voir mises en œuvre et qu’il nous appuie en ce sens. Les syndicats locaux déploient des efforts et font connaître les modifications qui doivent être apportées afin d’éviter que ce genre de situation se reproduise.
En outre, nous avons eu de nombreuses discussions avec le comité de l’éthique du Service correctionnel du Canada sur la création d’une ligne téléphonique où on pourra faire un signalement. Évidemment, nous encourageons nos membres à s’adresser à nous, parce que nous ne voulons pas de ce genre de milieu de travail. J’ai beaucoup d’expérience et je peux affirmer que la plupart des agents correctionnels n’en veulent pas non plus.
Par ailleurs, la formation est essentielle. Nous l’affirmons continuellement. Nous sommes conscients qu’il existe différents programmes de formation correctionnelle, mais nous pensons qu’il est peut-être temps d’offrir une formation de recyclage. Le Service correctionnel du Canada s’en charge. Nous sommes à réviser la formation en éthique pour qu’elle réponde à nos besoins.
Nous avons accompli beaucoup de travail. J’ai l’intention de retourner à Edmonton. Je veux suivre les progrès liés au rapport. Nous avons rencontré beaucoup de membres. Il y avait un problème. Encore une fois, il m’est impossible de parler personnellement de cette affaire parce qu’elle est en cours. Je souligne toutefois que nous représentons des membres dans six cas de plaintes concernant les droits de la personne.
Nous avons pris beaucoup de mesures. La situation est délicate, car, selon la loi, nous avons aussi l’obligation de représenter les membres qui sont dans la situation inverse. Vous comprendrez le dilemme dans lequel nous nous trouvons. Nous avons un mécanisme en place pour traiter ce genre de choses. La représentation des deux parties est assumée par des représentants différents.
Une fois mises en œuvre les recommandations du rapport d’Edmonton, il s’agira d’être présents pour appuyer le personnel. Il est très important de comprendre que le personnel d’Edmonton est excellent. Beaucoup d’employés qui travaillent à cet établissement sont fiers de leur travail. Une fois que l’affaire sera chose du passé, nous voulons faire en sorte qu’ils se sentent soutenus, confiants et à l’aise de se rendre à l’établissement et d’accomplir leurs tâches. Nous encourageons nos membres à signaler immédiatement toute inconduite, auprès de nous et du Service correctionnel du Canada. Il existe toutes sortes de recours et de mécanismes. Diverses lignes téléphoniques ont été créées. Nous appuyons beaucoup de ces mesures. Je vous recommande fortement de vous pencher là-dessus. Je vous transmettrai le rapport, s’il vous intéresse.
La sénatrice Boyer : Il me tarde d’en prendre connaissance. Merci.
M. Godin : C’est un plaisir.
La sénatrice Hartling : Les questions que j’avais préparées sont semblables à celles qui viennent d’être posées. Je souligne que, dans votre mot d’ouverture, vous avez beaucoup parlé de sécurité et de santé mentale. Ce sont là des facteurs qui s’appliquent non seulement aux prisonniers, mais aussi aux employés. Beaucoup de membres du personnel que nous avons rencontrés se sont dits préoccupés par ce qui se passe dans leur milieu de travail. Je me réjouis que vous étudiiez ces questions. Il est particulièrement troublant d’entendre que des femmes se font attaquer par des collègues de travail.
Dans le cadre du processus des plaintes, les gens qui font un signalement se sentent-ils en sécurité? Comment s’y prend-on? Vous avez abordé la question, mais pourriez-vous nous en dire davantage? Comment se déroule le processus?
M. Godin : Honnêtement, sénatrice, il s’agit simplement de parler à la personne et prendre le temps de la mettre à l’aise. Comme je l’ai mentionné, nous représentons six agents correctionnels dans des affaires concernant les droits de la personne. Nous traitons ces dossiers avec le plus grand sérieux. Nous ne prenons pas la chose à la légère.
Il s’agit de mettre les gens à l’aise. Sans donner de détails, je dirais que nous avons passé beaucoup de temps à discuter avec les membres et à les encourager à faire un signalement, ce que nous n’hésitons pas à faire. Nous voulons que le milieu de travail soit exempt de harcèlement et qu’il soit sécuritaire, y compris pour nos collègues. La seule façon d’y arriver, c’est d’être très présent. Notre syndicat a fait du très bon travail à cet égard. Nous avons consacré des heures et des heures à discuter avec les gens et à les encourager, ce qui a donné d’assez bons résultats. Nous avons eu de bonnes conversations avec certaines personnes directement touchées par les événements qui ont eu lieu. C’est une question de confiance. Il s’agit de s’asseoir avec la personne, lui parler et de l’amener à s’ouvrir. Nous faisons de notre mieux.
Selon moi, les entretiens en personne y sont pour beaucoup. Le fait qu’il existe une ligne téléphonique spéciale est rassurant pour les membres. Il est rassurant que le syndicat soit disponible pour les représenter en cas de problème. Comme je l’ai mentionné, nous avons deux groupes de membres à gérer. Il faut s’y prendre avec doigté parce que la loi nous oblige à représenter les deux parties: l’agresseur allégué et la victime. Je ne donnerai pas de détail parce que l’affaire est en cours, mais nous pourrons en parler davantage lorsqu’elle sera classée.
La sénatrice Hartling : Est-ce que les femmes ont la possibilité de se confier à une femme?
M. Godin : Oui, absolument.
La sénatrice Hartling : Les employées noires ou autochtones ont-elles la possibilité de parler à une personne de leur propre culture?
M. Godin : Oui. Si vous regardez la structure du syndicat, vous verrez que nous avons des représentants à la condition féminine à l’échelle locale et régionale. Voici un exemple qui pourrait être utile. La question des détenus transgenres pose certains défis. Il faut garder à l’esprit que des membres du syndicat peuvent avoir subi des agressions par le passé. Nous avons un mécanisme en place s’il y a, par exemple, une évaluation de risque concernant un détenu qui a commis de nombreuses infractions sexuelles et se conduit de façon inappropriée et qui, à son arrivée dans un établissement, déclare être une femme, a toujours des organes génitaux masculins et fait des avances à des employés. Nous devons actuellement composer avec des problèmes de ce genre, notamment dans la région du Pacifique. Bref, pour revenir à votre question, nous avons des gens disponibles.
De nos jours, les origines ethniques des agents correctionnels sont très diversifiées. C’est absolument essentiel. Voici un exemple. À l’Établissement Warkworth, une bonne partie des agents correctionnels sont autochtones. Cela dit, il y a quelques années, l’enquêteur correctionnel a malheureusement déclaré, en généralisant, qu’il existait du racisme systémique dans cet établissement. Je peux vous dire que les trois agents mêlés à la situation, tous trois autochtones, en ont été très offusqués. Bill Gonzalez, que je connais depuis des années, avait 30 ans d’expérience à l’époque et ces propos l’ont indigné. Il a dit : « Nous n’avons pas de racisme systémique ici. Je travaille ici depuis 30 ans. Je suis un agent correctionnel autochtone. Nous faisons notre travail. »
Le service correctionnel a beaucoup évolué depuis mes débuts. La composition du personnel a immensément changé en 27 ans, et c’est un changement positif. Pour revenir à votre question : oui, nous avons des représentantes auxquelles les membres peuvent s’adresser au besoin.
La sénatrice Pate : Parmi les choses qui ont changé figurent les cotes de sécurité que doivent obtenir les organismes externes. J’étais ravie de vous entendre dire que vous souhaitez voir davantage de programmes et d’autres initiatives dans les établissements. L’un des défis c’est que, comme on exige des cotes de sécurité plus élevées, l’accès est plus restreint et moins de gens de la communauté se rendent dans les établissements. Dans le contexte du projet de loi C-83, la plupart des ressources serviront à augmenter le nombre d’agents correctionnels, si j’ai bien compris.
Selon vous, quel sera l’effet du projet de loi C-83 sur la possibilité d’offrir davantage de programmes dans les prisons? Le syndicat a-t-il adopté une position à propos des cotes de sécurité plus élevées que doivent avoir les visiteurs, les membres de la société civile, les organisations non gouvernementales et ainsi de suite?
M. Godin : Ce n’est pas vraiment de notre ressort. Il ne nous revient pas vraiment d’approuver les visites de personnes de l’extérieur. Nous ne les décourageons pas, je tiens à le dire. C’est une question qui relève du Service correctionnel du Canada. Si les nouvelles exigences vous semblent problématiques, je vous inviterais à en parler avec le SCC.
Le projet de loi C-83 entraînera une augmentation considérable du personnel infirmier et des ressources thérapeutiques. C’est encourageant. Nous devons nous assurer d’être en mesure d’offrir la sécurité dont ce personnel a besoin pour accomplir son travail. Cela suppose qu’il faudra également augmenter les ressources consacrées à la sécurité, du moins légèrement. Je ne crois pas qu’une immense augmentation soit nécessaire pour le moment, mais nous savons qu’il nous faudra plus de ressources pour accomplir les tâches requises.
Il faut tenir compte du nombre de personnes en jeu. Voici un exemple. Supposons que nous avons une unité de 75 détenus à qui on souhaite offrir 4 heures par jour en dehors des cellules, pour des interventions thérapeutiques et d’autres activités du genre. Il nous faudra des ressources, car 75 détenus, c’est beaucoup de monde. On parle donc d’environ quatre heures par jour à l’extérieur des cellules, en plus des douches, des appels téléphoniques et tout ça. Nous avons donc besoin de ressources. D’après la proposition, ces quatre heures à l’extérieur des cellules seront axées sur des soins de santé thérapeutiques. C’est intéressant. C’est décidément une amélioration.
Vous considérez peut-être que c’est insuffisant. Dans ce cas, je vous encourage à militer pour obtenir davantage. Pour notre part, nous tenons avant tout à être en mesure de gérer ces activités de façon sécuritaire. Dans les petites unités, il faudra moins de ressources. Les unités ne comptent pas toutes 75 détenus. Si nous n’avons pas les ressources nécessaires, il sera pratiquement impossible d’offrir quatre heures par jour à l’extérieur des cellules. Ce sera peut-être un peu plus facile dans les petites unités. Nous n’avons rien contre les programmes ni contre le fait que des gens viennent de l’extérieur pour les offrir. Nous devons toutefois nous assurer de pouvoir fournir la sécurité nécessaire. Ainsi, les intervenants disposeront du temps dont ils ont besoin pour interagir avec un détenu.
La sénatrice Pate : Quand l’enquêteur correctionnel a témoigné devant le comité, il a souligné qu’à son avis, les ressources et le plan prévus ne permettraient pas d’atteindre les objectifs du projet de loi C-83. Êtes-vous en désaccord avec lui?
M. Godin : Je suis plutôt d’accord. Quand j’ai témoigné devant le Parlement, j’ai dit qu’il faudrait beaucoup de ressources pour concrétiser le but visé. Il est très clair, pour nous, que ce n’est pas une mince affaire. Vous ne nous entendrez pas soutenir le contraire. En fait, vous avez probablement entendu certaines de mes déclarations publiques. Les bonnes intentions ne suffiront pas : vous devrez investir l’argent nécessaire. Il faudra de l’argent pour concrétiser le scénario souhaité.
Il existe d’autres difficultés dont vous devez tenir compte. L’un de nos défis, c’est que nous avons du mal à recruter des professionnels de la santé. Nos défis ne découlent donc pas nécessairement de la difficulté de faire entrer des gens dans les établissements, notamment pour offrir des programmes. Le recrutement pose problème. Le Service correctionnel du Canada n’a pas la tâche facile, j’en suis conscient. Nous avons eu des discussions à ce sujet la semaine dernière. Il est très difficile de recruter des professionnels de la santé pour le service correctionnel si on ne leur offre pas un salaire approprié. Un psychiatre ou un psychologue gagne davantage à l’extérieur des institutions fédérales. C’est l’un de nos défis.
Nous militons afin d’obtenir le plus de ressources possible, et je sais que vos demandes sont à l’unisson des nôtres.
Le sénateur Ngo : J’aimerais revenir à l’idée du sénateur Wells. Pourriez-vous me dire comment vous réussissez à gérer à la fois la stratégie antidrogue et le programme d’échange de seringues dans les prisons? Vous devez composer avec la stratégie antidrogue d’un côté et les aiguilles de l’autre.
M. Godin : Je dois vous dire, en toute honnêteté, que c’est très compliqué. Voici dans quelle situation se trouvent les agents correctionnels. On nous demande d’empêcher que la contrebande entre dans les prisons, ce que nous considérons comme notre priorité. En parallèle, on nous demande d’accepter d’avoir à donner une aiguille à un détenu dans une cellule. Les agents correctionnels se posent tous la même question. Quand le programme a été mis en place, des centaines de nos membres m’ont demandé : « Que faut-il faire, Jason? »
Je tiens à vous rappeler que nous ne voulons pas donner l’impression de cibler un détenu. Si je sais que le détenu a une aiguille dans sa cellule, mon subconscient en tire des conclusions. À titre de comparaison, imaginez un conducteur qui se fait intercepter par un policier et s’arrête sur le bas-côté de l’autoroute. Si le policier voit une aiguille sur le siège du passager, il aura un motif raisonnable et probable de procéder à une fouille du véhicule. Maintenant, imaginez un scénario semblable dans le contexte carcéral : je sais maintenant que le détenu a une aiguille. Je devrais donc avoir un motif raisonnable et probable de fouiller sa cellule, mais on nous dit qu’une telle fouille serait discriminatoire. Même si l’aiguille se trouve sur le bureau et qu’elle contient des résidus de drogue, nous ne pouvons rien faire. Bref, nous souhaitons, nous aussi, plus de clarté autour de ces enjeux.
Pour ce qui est des autres stratégies, nous continuons d’utiliser nos méthodes habituelles. Nous avons recours à des chiens détecteurs de drogue. Quand des détenus passent par un poste de contrôle central, nous les soumettons à un détecteur et à une fouille par palpation. Nous prenons donc les mesures habituelles, mais ce nouveau programme complique les choses. Des agents correctionnels nous disent : « Attendez un peu. Je suis censé empêcher que des drogues entrent ici. Toutefois, si un détenu fait une surdose, je devrai maintenant me précipiter dans une zone verrouillée pour le sauver. » Il s’agit d’un véritable conflit d’intérêts pour les agents correctionnels. C’est très difficile pour nous. C’est pourquoi nous proposons, dans l’intérêt de tous, de confier cette responsabilité au secteur des soins de santé.
La vie privée des détenus serait protégée. S’ils se rendent à un centre d’injection supervisée, nous continuerons de faire notre travail, tout simplement. Nous ne saurons pas pourquoi ils vont au service de santé, de toute façon. Les détenus peuvent demander de voir un professionnel de la santé et nous n’avons pas de détails, puisque ce sont des renseignements privés. Donnez-nous les moyens de protéger tout le monde; c’est ce que nous vous demandons. Retirez cette responsabilité des mains des agents correctionnels. Nous continuerons de mettre en œuvre nos stratégies antidrogue, tandis que le recours aux services de santé protégera les détenus et nous protégera. Soulignons que, bien que certaines personnes soutiennent qu’il n’y a pas eu d’attaque à l’aiguille, il y en a bel et bien eu, croyez-le ou non. Nous sommes d’avis que les professionnels de la santé sont les mieux placés pour s’occuper des aiguilles. La situation actuelle nous place devant un énorme conflit d’intérêts. C’est terriblement difficile.
Si vous prenez le document que je vous ai envoyé avant la réunion, vous constaterez qu’en Suisse, par exemple, il n’y a aucune stratégie d’interdiction des drogues. À sa discrétion, le gardien peut fournir des aiguilles aux détenus en vue d’une injection sécuritaire. Par contre, lorsqu’un détenu fait une surdose, ce n’est pas eux qui s’en occupent. Ils ne sont pas responsables. Ils n’ont pas de chiens détecteurs de drogue. Ils n’utilisent pas les mêmes stratégies d’interdiction des drogues que nous. Cela nous a surpris, parce que, comme vous le savez, la Suisse est le pays où se trouvent les Nations Unies. Ils n’appliquent pas les Règles Nelson Mandela et n’ont recours à aucune stratégie d’interdiction des drogues. Le contraste est intéressant. Nous nous sommes rendus là-bas pour comprendre comment cela se passe concrètement. Nous avons fait beaucoup de recherches. Éric Thibault s’est rendu sur place. Je l’ai envoyé en compagnie d’une équipe pour étudier la situation.
Les agents correctionnels se retrouvent en quelque sorte en situation de conflit d’intérêts ou devant une question éthique ou morale. Nous voulons faire notre travail, mais nous ne voulons pas qu’on pense que nous faisons de la discrimination contre le détenu qui a une aiguille dans sa cellule. Je dois quand même faire mon travail et appliquer les stratégies et les politiques d’interdiction des drogues. Je ne sais pas si j’ai répondu à votre question. C’est une situation très complexe et difficile.
Le sénateur Wells : Quelles sont les deux principales drogues consommées dans le système carcéral?
M. Godin : Je vous réfère au rapport. Je l’ai avec moi. Je suis pas mal certain que la crise des opioïdes se trouve en tête de liste en ce moment.
La sénatrice Pate : Et le tabac?
M. Godin : Le tabac en tant qu’objet interdit, probablement, mais je croyais que la question portait seulement sur les drogues. Je vais revérifier dans le rapport, mais je peux vous le remettre. Les opioïdes font partie du problème. L’héroïne n’est pas nécessairement la drogue la plus populaire ces temps-ci, alors c’est une autre raison pour laquelle l’échange d’aiguilles est difficile.
Le sénateur Wells : Les deux détenus qui ont été assassinés dans des centres de traitement, comment ont-ils été tués?
M. Godin : D’un coup de stylo dans le cou.
Le sénateur Wells : Les deux?
M. Godin : Ironiquement, les deux. C’est très intrigant.
La sénatrice Pate : S’agissait-il d’hommes ou de femmes?
M. Godin : Il s’agissait de deux établissements pour hommes, les établissements d’Archambault et de Millhaven. Vous pourriez probablement avoir accès à ces rapports par l’entremise du Service correctionnel. Je ne peux pas vous les remettre, car il s’agit de documents Protégé B.
Le sénateur Wells : Est-ce que les agents correctionnels ont un rôle à jouer dans le processus de libération conditionnelle, dans la communication de renseignements en vue de l’audience, et cetera?
M. Godin : Pas vraiment; nous sommes chargés de la sécurité lors des audiences de libération conditionnelle. Notre contribution se limite à ce que nous communiquons aux CX-2 ou aux agents de libération conditionnelle. Nous ne savons jamais vraiment si ce que nous leur confions sera communiqué à la commission des libérations conditionnelles. Nous espérons que cela se rende. Nous rédigeons des rapports et nous tenons des registres des interventions, mais ils ne sont pas nécessairement transmis à la commission. Habituellement, ils ne le sont pas. En général, notre rôle se limite à assurer la sécurité physique pendant la tenue de l’audience.
La sénatrice Pate : Est-ce que les rapports de sécurité et les évaluations en vue d’une décision sont transmis?
M. Godin : Je crois que oui, sénatrice Pate, mais ce n’est pas de notre ressort. Pour être honnête, je ne sais pas ce qui est communiqué ou non.
Le sénateur Brazeau : Il est question des drogues qui pénètrent dans les prisons et des nouvelles technologies et autres moyens qui sont employés pour le faire. Je ne veux pas faire de sensationalisme, mais plein de films et de documentaires ont été tournés à ce sujet.
Est-il possible que des gardiens des établissements correctionnels soient ceux qui font entrer une partie de ces drogues, peu importe les motifs? Peut-être que certains sont contraints de le faire ou menacés, et cetera, parce que certains détenus sont membres de gangs et ont accès à des renseignements. Est-ce possible? Si c’est le cas, quel est le rôle du syndicat à ce sujet auprès des agents correctionnels?
M. Godin : Je ne prétendrai pas que cela n’arrive jamais. Je ne pointerais cependant pas du doigt les agents correctionnels, parce que, croyez-le ou non, c’est rarement eux. Malheureusement, c’est ce que nous présente Hollywood. Je suis content que vous y ayez fait référence, parce qu’on nous fait certainement croire que tous les agents correctionnels agissent de la sorte, alors que, dans le milieu, il s’agit de cas exceptionnels. C’est très rare.
C’est la pire chose qu’un agent correctionnel puisse apprendre. Habituellement, on finit par l’apprendre et on confronte la personne concernée. C’est vraiment la meilleure solution. Nous ne voulons pas que cela se produise. Les articles de contrebande qui pénètrent dans les prisons menacent notre sécurité. Je peux vous dire que, lorsque je marche dans la rangée, la dernière chose que je veux avoir en tête est qu’un de mes collègues participe aux activités de contrebande. Cela arrive. Cependant, c’est plutôt rare. Nous faisons tout en notre pouvoir pour empêcher que des drogues entrent dans l’établissement. Les agents correctionnels font de bons salaires de nos jours, alors ils n’ont pas vraiment intérêt à prendre part à de telles activités.
Il peut arriver qu’il y ait de l’intimidation. Il y a plusieurs années, nous avons suivi une formation. Nous avons même participé à une commission sur la justice à Québec il y a quelque temps, au sujet de l’intimidation des représentants du système de justice, des agents correctionnels aux juges. Nous avions présenté de nombreuses solutions. Par exemple, nous avions suggéré de ramener des formations semblables à celle intitulée Anatomy of a set up, qui portait sur les pièges qui peuvent être mis en place. C’est le genre de chose dont nous avons discuté.
Il y a eu des cas où des détenus ont ciblé directement des employés des établissements carcéraux en vue de les intimider. Ces gens n’ont pas fait entrer de drogue. Lorsque c’est arrivé, ils ont levé la main pour dire : « Untel cherche à m’intimider. » Comme ce genre de situations arrive, nous disons aux agents correctionnels que, s’ils se font intimider par le crime organisé dans l’établissement ou par des délinquants, ils doivent immédiatement le rapporter. C’est ce qu’ils font dans la plupart des cas.
Encore une fois, personne n’est parfait. Que ce soit chez les médecins, les avocats ou les enseignants, je crois qu’il arrive à l’occasion des situations semblables dans toutes les professions. Dans notre domaine, c’est rare, car tout le monde est conscient des dangers que cela peu causer à l’intérieur des établissements.
Le sénateur Brazeau : Heureux d’apprendre que ce sont des cas exceptionnels. Heureux aussi que vous ayez pu répondre à tout le sensationnalisme qui existe à ce sujet. Cela dit, même si c’est rare, avez-vous des preuves ou des données réelles ou anecdotiques concernant des cas où cela se serait produit?
M. Godin : Je n’ai pas de données à portée de main. C’est difficile, parce qu’il s’agit de questions confidentielles. Les mesures disciplinaires sont confidentielles et les démissions peuvent être confidentielles. Honnêtement, je n’ai pas de données avec moi.
Le sénateur Brazeau : Lorsque cela arrive, c’est géré à l’interne.
M. Godin : Oui, c’est géré à l’interne. Il arrive que nous soyons obligés de représenter nos membres; il s’agit d’une obligation légale. Nous le faisons. Nous examinons l’ensemble du processus d’enquête. Je ne crois pas que nous ayons de tels dossiers en cours à l'heure actuelle. Habituellement, lorsqu’une personne a ce genre de problème, elle vient nous voir. Je n’ai pas de données statistiques à portée de main pour dire si nous traitons actuellement des dossiers du genre.
La présidente : Dans vos interventions, vous avez parlé du projet de loi C-83 et du fait qu’il y aura du soutien thérapeutique. Savez-vous s’il y a eu des discussions visant à assurer la pertinence et l’adaptation culturelles du soutien thérapeutique? Des efforts sont-ils déployés pour s’en assurer?
M. Godin : Je ne sais pas s’il y a de telles initiatives, mais je serais tout à fait pour qu’il y en ait. Assurément, vous pourriez contribuer à ce que cela arrive. Je ne suis au courant d’aucune discussion à ce sujet. Chose certaine, il y a beaucoup de discussions au sujet de la venue de représentants autochtones dans les établissements pour aider dans les situations d’isolement et de l’accroissement des droits de visite et d’accès aux délinquants autochtones. Je crois que c’est important. Je ne suis au courant d’aucune discussion en ce moment, mises à part celles concernant les groupes autochtones. Peut-être pourriez-vous en faire la suggestion.
La présidente : Qu’en pensez-vous? Croyez-vous qu’il faudrait que ces discussions ciblent d’autres groupes en plus de la population autochtone?
M. Godin : Évidemment, plus il y aura de groupes ciblés, mieux ce sera. Assurément, nous ne nous opposerions pas à cela.
Comme je l’ai dit, il y a des agents de différentes origines ethniques. Peut-être qu’ils comprendraient mieux comment gérer cela. Assurément, nous ne nous y opposerions pas. Encore une fois, d’après l’orientation qu’on donne au projet de loi, c’est certainement une des choses que le Sénat pourrait peut-être recommander. Nous ne nous y opposerions pas, c’est clair.
La présidente : Je vous remercie tous les deux de vos réponses aux questions et des renseignements que vous nous avez communiqués.
Vous avez parlé de différents documents que vous pourriez nous transmettre. J’aimerais que ce soit inscrit au compte rendu et que vous nous les fassiez parvenir. Il y en avait un sur les principales drogues. Je crois que nous devrions élargir la question aux principaux articles de contrebande. Peut-être pourriez-vous nous transmettre ces informations. Vous avez aussi parlé de statistiques concernant les surdoses. Il serait également utile d’obtenir ces données.
M. Godin : Oui, sans problème.
La sénatrice Pate : Vous avez parlé de la nature des plaintes concernant les droits de la personne.
M. Godin : Encore là, je ne peux pas donner de détails au sujet des plaintes concernant les droits de la personne, parce qu’il s’agit de dossiers en cours. Nous représentons les parties impliquées, alors je ne peux rien divulguer.
La sénatrice Pate : Vous n’avez pas à entrer dans les détails privés. Tant du côté des hommes que de celui des femmes, quelle est la nature des plaintes concernant des violations alléguées des droits de la personne?
M. Godin : Oui, je sais, mais je dois aussi penser aux victimes. Je me ferai un plaisir de discuter avec vous après la réunion, sénatrice Pate.
La présidente : Je ne parle pas des plaintes actuelles — nous savons qu’elles n’ont pas encore été rendues publiques — mais plutôt de plaintes précédentes.
M. Godin : Honnêtement, je n’ai pas accès aux plaintes antérieures à moins qu’elles aient été portées à mon attention. Parfois, les plaintes ne nous sont pas signalées. Nous pensons déjà aux mesures à prendre pour améliorer cette situation, surtout en raison du contexte actuel. Je n’ai pas de statistiques précises à vous présenter, mais je me ferai un plaisir de m’entretenir brièvement avec vous après la réunion, sans trop entrer dans les détails. Je n’ai aucun problème avec cela. Madame la présidente, je vous fournirai les documents que vous m’avez demandés.
La présidente : Vous avez aussi parlé du rapport sur les milieux de travail toxiques.
M. Godin : Oui.
La présidente : Nous aimerions en avoir une copie.
M. Godin : Oui, aucun problème, c’est un rapport public. Nous examinons actuellement toutes les recommandations qui y sont présentées.
La présidente : Vous dites que c’est un rapport public, mais nous avons essayé de le trouver et n’avons pas réussi.
M. Godin : Madame la présidente, je m’en occupe. Je vais m’assurer qu’une copie vous est transmise, aucun problème.
La présidente : Nous vous remercions de votre intervention.
Chers membres du comité, nous devons discuter de questions d’ordre administratif. Les membres sont-ils d’accord pour que la réunion se poursuive à huis clos?
Des voix : D’accord.
(La séance se poursuit à huis clos.)