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RIDR - Comité permanent

Droits de la personne

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule nº 40 - Témoignages du 3 avril 2019


OTTAWA, le mercredi 3 avril 2019

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd’hui, à 11 h 30, pour étudier et surveiller l’évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.

La sénatrice Jane Cordy (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : Bonjour et bienvenue tout le monde. J’aimerais tout d’abord souligner que nous sommes réunis sur le territoire traditionnel non cédé du peuple algonquin.

Je m’appelle Jane Cordy. Je viens de la Nouvelle-Écosse et je suis une des vice-présidentes du comité. J’invite maintenant mes collègues à se présenter.

La sénatrice Boyer : Yvonne Boyer, Ontario.

La sénatrice Hartling : Nancy Hartling, Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Pate : Kim Pate, Ontario.

La vice-présidente : Aujourd’hui, conformément à l’ordre de renvoi du comité, nous étudions la stérilisation forcée de personnes au Canada, en particulier de femmes autochtones. Compte tenu du temps limité dont nous disposons d’ici la fin de la 42e législature, notre comité lance une étude préliminaire pour révéler l’ampleur du problème et déterminer si d’autres personnes ont été touchées par la stérilisation forcée. Nous nous attendons à publier un bref rapport contenant des recommandations pour une étude plus approfondie ce printemps.

Au cours de la première heure, nous entendrons le témoignage de Mme Alisa Lombard, avocate et associée à Semaganis Worme Lombard. Elle agit à titre d’avocate principale dans un recours collectif au nom de femmes de la Saskatchewan qui ont été stérilisées de force.

Nous accueillons également Mme Karen Stote, écrivaine et professeure adjointe au Programme d’études des femmes et de genre à l’Université Wilfrid Laurier. Elle est l’auteure du livre intitulé An Act of Genocide: Colonialism and the Sterilization of Aboriginal Women.

On a demandé à chaque témoin de faire une déclaration préliminaire de cinq minutes. Nous leur poserons des questions par la suite. Madame Lombard, c’est vous qui commencez.

Alisa Lombard, avocate et associée, Semaganis Worme Lombard, à titre personnel : Je vous remercie de m’avoir invitée à témoigner au nom de mes clientes. Je veux rendre hommage au territoire sur lequel nous sommes réunis et exprimer ma gratitude à la nation anishinaabe et à vous, honorables sénatrices, pour votre accueil, pour l’attention que vous portez à cette question importante, pour votre ouverture d’esprit et pour l’attention que vous prêtez aux femmes qui ont survécu à la stérilisation forcée, en gardant à l’esprit que des femmes sont décédées.

Je représente des femmes autochtones dans un recours collectif en Saskatchewan et d’autres femmes autochtones dans d’autres provinces qui auraient vécu une expérience similaire. Des dizaines de femmes ont communiqué avec nous; elles ont signalé avoir subi une stérilisation forcée dans des hôpitaux financés et administrés par le secteur public. Lorsque le sujet reçoit une grande attention du public, plus de femmes se manifestent.

Tout d’abord, aucun mot ne peut exprimer les souffrances auxquelles mes clientes ont survécu. On leur a volé la possibilité de donner la vie, de prendre soin d’un enfant, de lui transmettre leurs connaissances et leur culture et de voir leur enfant — ou leurs enfants, selon leur choix — grandir et devenir parent. Pour mes clientes, il est important que vous, honorables sénatrices, placiez leur expérience au cœur de votre étude.

Pour mes clientes, la richesse, c’est la vie, les enfants, la famille et la culture. On leur a volé la possibilité d’acquérir cette richesse et nous devons tous nous en souvenir dans notre travail.

Bon nombre des femmes qui se sont exprimées ne savaient pas qu’elles avaient des droits ou qu’elles avaient le choix. Certaines ignoraient que conformément aux lois canadiennes, les médecins, les infirmières et le gouvernement n’avaient pas le droit de prendre des décisions concernant leur fertilité à leur place. Elles ne savaient pas qu’elles ont un contrôle complet sur leur corps pour toute décision qui concerne des interventions touchant leurs capacités de reproduction. Il est extrêmement important que les femmes connaissent leurs droits.

Au cours des quelques minutes dont je dispose, je vais vous raconter ce qu’ont vécu certaines femmes, et je le fais avec leur consentement. J’ai résumé leurs histoires le mieux possible sans exclure des renseignements essentiels.

Liz est une Ojibwa du Nord de l’Ontario. Elle raconte qu’à la fin des années 1970, lorsqu’elle était enceinte de son troisième enfant, à l’âge d’environ 20 ans, les services à l’enfance et à la famille lui ont dit, et je la cite : « Vous seriez aussi bien de vous faire avorter, car si vous accouchez, nous allons vous enlever le bébé de toute façon ». Après avoir subi un avortement tardif, elle a subi une stérilisation sans avoir donné son consentement en connaissance de cause. Son corps est à jamais marqué par les cicatrices physiques d’un avortement et d’une stérilisation non souhaités.

Morningstar est une Dénée qui déclare avoir subi une interruption de grossesse au troisième trimestre à l’âge de 14 ans, ce qui a également mené, comme elle l’a découvert plus tard, au retrait de sa trompe de Fallope et de son ovaire droit. Deux ou trois années plus tard, elle a accouché d’un garçon, mais une grossesse tubaire, à l’âge de 19 ans, l’a rendue infertile. Ce qui la préoccupe avant tout, c’est ce qu’on a fait à l’enfant qu’on lui a enlevé et le fait que cela lui est arrivé lorsqu’elle était mineure. Plus de 40 ans plus tard, cette expérience a encore des répercussions sur sa vie de tous les jours. Elle défend vigoureusement la criminalisation de la stérilisation forcée.

S.A.T. est une Crie qui a accouché de son sixième enfant par voie basse en 2001, à Saskatoon. Elle dit que lorsqu’on lui a remis un formulaire de consentement pour sa stérilisation, elle a entendu son défunt mari s’écrier, et je cite : « Je ne signerai pas cela — (juron) » et, avant qu’il sorte de l’hôpital en trombe, elle a été conduite jusqu’à la salle d’opération, malgré ses protestations. Elle a essayé de sortir de la salle, mais le médecin l’y a ramenée. Elle répétait : « Je ne veux pas » en pleurant, pendant que les infirmières lui administraient l’épidurale. Dans la salle d’opération, elle ne cessait de demander au médecin s’il avait terminé. Il a fini par dire : « Oui, c’est coupé, attaché et brûlé; voilà, plus rien ne sortira de là », S.A.T. défend elle aussi vigoureusement la criminalisation de la stérilisation forcée.

Une autre femme raconte qu’une personne du travail social tenait son bébé qui venait de naître dans ses bras pendant qu’on exerçait des pressions sur la nouvelle mère pour qu’elle subisse une ligature des trompes. La femme affirme que la personne se dirigeait peu à peu vers la porte de la salle de l’hôpital lorsqu’elle a dit qu’elle ne voulait pas subir l’intervention. Elle a fini par abandonner.

D.D.S. est une membre de la nation nakota âgée de 30 ans. Elle devait accoucher de son troisième enfant par césarienne en décembre dernier, soit il y a un peu moins de quatre mois, dans un hôpital de Moose Jaw, en Saskatchewan. Son médecin habituel n’était pas disponible et on l’a orientée vers un collègue, qui procéderait à la césarienne. Elle a rencontré ce médecin pour la première fois deux semaines avant son opération dans une salle d’urgence où elle s’était rendue pour se faire examiner parce qu’elle avait fait une chute ce jour-là. Elle déclare avoir eu de la difficulté à comprendre le médecin en raison de son accent prononcé. Elle voulait d’autres enfants et ne se rappelle pas avoir parlé d’une ligature des trompes à ce moment-là, soit le 29 novembre 2018. Elle n’avait pas posé de question là-dessus et ne voulait pas subir une ligature. Elle voulait avoir d’autres enfants.

Le 13 décembre 2018, et juste avant qu’on lui administre l’épidurale, le médecin traitant a interrompu la discussion qu’elle avait avec l’anesthésiologiste de façon abrupte et agressive. D.D.S. et son partenaire, qui était présent, disent que c’est de cette façon qu’il lui a demandé de signer un formulaire de consentement pour l’opération. D.D.S. a remarqué que dans le formulaire, il était aussi question d’une ligature des trompes à ce moment-là, ce que le médecin n’avait pas mentionné. Il est resté très proche d’elle pendant tout le temps où il attendait qu’elle signe le formulaire. Elle croyait ne pas avoir d’autres choix que de le signer. Elle ne savait rien des risques, des conséquences, et des autres options de contrôle des naissances qui étaient à sa disposition, car le médecin ne lui en avait jamais parlé. Il disait qu’elle avait besoin de subir une ligature des trompes au moment où elle allait accoucher de son bébé et où on lui administrait un médicament.

D.D.S. croit que c’était la première fois qu’on lui parlait d’une ligature des trompes. Elle souhaitait avoir d’autres enfants, mais on l’a néanmoins stérilisée immédiatement après la venue au monde de son bébé. Elle était dévastée, et elle l’est toujours, et elle a immédiatement commencé à chercher des moyens de renverser l’opération alors qu’elle était encore dans son lit d’hôpital avant d’obtenir son congé. Son partenaire dit que le médecin était très agressif durant la césarienne. Dans un examen de ses dossiers médicaux, créé par un certain nombre de professionnels de la santé, on mentionne à répétition sa race, le nombre d’enfants qu’elle avait, le nombre de grossesses en parlant de fausses couches qui étaient qualifiées d’avortements, son emploi et son état civil.

C’est arrivé il y a moins de quatre mois. Sa jolie petite fille n’a pas encore commencé à faire ses dents et D.D.S. ne s’est pas encore remise physiquement du traitement qu’elle a subi.

Honorables sénatrices, D.D.S. a été stérilisée sans l’obtention de consentement éclairé après que le Comité des Nations Unies contre la torture a formulé ses recommandations sur le Canada et plus d’un an après qu’une déclaration a été déposée dans ce dossier. La stérilisation forcée de D.D.S. était prévisible et évitable. Les gens qui étaient en mesure d’apporter un changement et qui avaient été avisés de cette pratique odieuse, mais qui ont pourtant choisi de ne rien faire sont complètement responsables de la stérilisation non voulue de D.D.S.

En vous penchant sur la stérilisation forcée de femmes autochtones, honorables sénatrices, souvenez-vous de ces femmes et de ce qu’elles ont vécu. Nous vous demandons en toute déférence de les placer au centre de vos analyses et des solutions que vous proposerez. Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Lombard. Je veux dire aux gens que vous êtes mère d’un bébé de sept semaines. Vous êtes très courageuse et forte de témoigner devant notre comité aujourd’hui. Je vous en remercie.

Karen Stote, écrivaine et professeure adjointe, Programme d’études des femmes et de genre, Université Wilfrid Laurier, à titre personnel : Je vous remercie de me recevoir aujourd’hui, et merci de l’attention que vous portez à cette question. Je me présente ici avec environ 10 ans de recherches et de réflexion sur la stérilisation forcée de femmes autochtones au Canada. Je trouve encourageant que les expériences autochtones soient reconnues peu à peu, notamment par ce comité, et je vous en remercie.

Bien que je doive nuancer ce constat, j’affiche un optimisme prudent et cette prudence est suggérée par ma connaissance de l’histoire et le bilan des gouvernements précédents qui ont eu l’occasion d’agir, mais qui ont plutôt cherché à minimiser les allégations pour éviter de rendre des comptes au lieu d’aborder cette question avec l’ouverture et l’honnêteté nécessaires.

La stérilisation forcée de femmes autochtones se fait depuis les années 1930 sous des lois dites eugéniques. Toutefois, la stérilisation a aussi été pratiquée en dehors de ce cadre législatif, notamment dans des hôpitaux fédéraux pour les Indiens partout au Canada. Les documents que j’ai consultés indiquent que plus de 1 000 femmes autochtones ont été stérilisées sur une période de 10 ans s’achevant au début des années 1970. Bien que ces documents ne soient pas complets, ils font état d’un assouplissement des directives relatives aux stérilisations autorisées; ils indiquent que les formulaires de consentement étaient inadéquats; et révèlent que l’on n’avait pas toujours recours à des interprètes. Ils font également état d’attitudes racistes et paternalistes voulant que la stérilisation soit dans l’intérêt des femmes.

Cette tendance se poursuit depuis les années 1970, au nom de la planification familiale. Comme l’a dit Alisa, des dizaines de femmes ont déclaré avoir subi des mesures de coercition et des expressions de racisme systémique ayant débouché sur leur stérilisation sans l’obtention de leur plein consentement, donné librement et en connaissance de cause, pas plus loin qu’en 2018.

D’autres personnes ont subi la stérilisation forcée au Canada, mais l’expérience autochtone doit être comprise dans son contexte particulier, et des mesures spéciales sont nécessaires pour résoudre ce problème. Cela pourrait comporter la mise en œuvre immédiate de politiques concrètes définissant les grandes lignes de la prestation de services et les conséquences claires découlant du non-respect de ces politiques, ainsi que des mesures de soutien culturellement adaptées pour aider les femmes autochtones qui tentent de s’y retrouver dans le processus décisionnel des établissements médicaux occidentaux. Toutes mes recommandations sont dans mon mémoire.

Pour le moment, je veux souligner qu’il faut aussi, en ce qui concerne les peuples autochtones, que des changements systémiques soient apportés aux relations qui déterminent fondamentalement tous les rapports que les femmes autochtones ont avec des établissements canadiens. Il ne faut pas oublier que la stérilisation forcée de femmes autochtones est liée au colonialisme et figure parmi les nombreuses formes de violence dont ont été victimes les femmes autochtones au Canada. La stérilisation forcée correspond aussi à la façon dont d’autres services médicaux sont mis à la disposition des peuples autochtones parfois, comme des tentatives de contrôler leurs corps tout en criminalisant les pratiques de santé et de reproduction autochtones. Pour que les femmes autochtones puissent choisir librement parmi des solutions médicales occidentales, il faut des solutions de rechange viables, créées et contrôlées par les peuples autochtones, bénéficiant d’un soutien complet.

La stérilisation forcée brise les liens entre les femmes autochtones et leurs peuples tout en réduisant le nombre de personnes à l’égard desquelles le gouvernement fédéral a des obligations. Elle met un terme définitif à la perpétuation de la descendance légitime qui pourrait revendiquer des droits des autochtones ou issus de traités et des titres concernant des terres. Dans ce contexte, la stérilisation forcée est non seulement une violation des droits de la personne, mais aussi un acte de génocide. Par conséquent, cela m’amène à poser certaines questions. Je vous en donne des exemples. Existe-t-il des traces écrites internes, notamment des documents du Cabinet, qui pourraient confirmer ou réfuter cette accusation? Dans quelle mesure le gouvernement était-il ou est-il au courant de la stérilisation forcée de femmes autochtones? Qui a pratiqué ces opérations et qui les a approuvées? Où se trouvent ces documents et ces données? Où se trouvent les personnes criminellement responsables, soit directement ou indirectement? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas donné suite à cette information jusqu’à aujourd’hui?

Les femmes qui ont subi une stérilisation forcée méritent que l’on mette à leur disposition un financement ouvert pour les aider à faire face à cette violation et aux répercussions sur leur vie qui se font sentir encore aujourd’hui. Toutefois, je tiens à préciser que le recensement des expériences de ces femmes ne fournira pas les réponses à ces questions plus générales. Donc, bien respectueusement, je tiens à réaffirmer que la question ne sera pas réglée à moins que le gouvernement ne fasse preuve de la transparence et de l’humilité requises pour mener une enquête approfondie, que les conditions du colonialisme soient abolies, que les terres et les ressources des peuples autochtones leur soient rendues et qu’ils jouissent de la liberté de répondre à leurs besoins à leur façon sans condition.

J’ose espérer que l’on ne demandera pas aux femmes autochtones de raconter encore une fois leurs expériences de violence sans mettre en œuvre ces changements systémiques en retour.

Je vous remercie beaucoup de votre attention.

La vice-présidente : J’aimerais remercier les deux témoins de leurs excellents exposés.

La sénatrice Boyer : Je trouve qu’il est absolument consternant qu’on stérilise encore aujourd’hui des personnes sans leur consentement au Canada, surtout que les Nations Unies ont exprimé une opinion claire sur cette question. On en parle à la Chambre des communes et aux nouvelles depuis des mois, et même des années, et je trouve particulièrement consternant que nous venions d’entendre parler d’une autre jeune femme qui a été stérilisée contre son gré.

J’aimerais remercier les deux témoins de leur travail dans ce domaine. Je les remercie également de comparaître aujourd’hui pour formuler certaines recommandations et suggérer des pistes de solutions.

Madame Lombard, j’aimerais vous poser une question. Vous avez milité pour la criminalisation de la stérilisation forcée et obligatoire. Pourquoi croyez-vous qu’une telle mesure permettra de résoudre un problème systémique comme celui-ci, surtout lorsqu’on tient compte du fait que les Autochtones ne font pas confiance au système? Avez-vous d’autres recommandations législatives qui pourraient être utiles, selon vous, dans ce domaine?

Mme Lombard : Je vous remercie de votre question. Nos efforts pour promouvoir la criminalisation de la stérilisation forcée ont réellement commencé chez nos clientes. Après avoir vécu leur expérience, ces femmes nous demandaient chaque fois pourquoi personne n’avait été puni. Elles voulaient savoir pourquoi elles devaient vivre avec les conséquences, alors que l’individu qui leur avait fait cela ne faisait face à aucune répercussion.

Tout d’abord, en général, si nous faisons la promotion de la criminalisation, c’est parce que les femmes le demandent. Ensuite, je crois sincèrement que cela aura au moins un effet dissuasif immédiat.

Donc, oui, le Code criminel contient des dispositions sur les voies de fait et les voies de fait graves, et cetera. Le problème, c’est que nous n’avons pas pu trouver un seul cas dans lequel un médecin, un membre du personnel infirmier ou une personne qui avait participé à cette pratique avait été accusée, et encore moins condamnée. Il semble visiblement que ces dispositions ne sont pas suffisamment précises.

Dans le droit international, c’est l’une des recommandations les plus importantes, et je crois que le Comité des Nations Unies contre la torture a recommandé que le Canada envisage la criminalisation explicite de la stérilisation forcée précisément pour empêcher qu’on se livre à cette pratique.

Cela permettra-t-il d’enrayer cette pratique? Non, je ne le pense pas. Je ne crois pas que cela permettra de résoudre le problème. Je pense plutôt qu’il s’agit d’un outil parmi de nombreux autres que nous devons envisager d’utiliser pour résoudre ce problème systémique. Manifestement, les problèmes systémiques exigent des solutions systémiques et, de concert avec nos clientes, nous utilisons la criminalisation explicite comme composante de ce changement systémique.

La sénatrice Boyer : Nous avons récemment entendu aux nouvelles que la GRC avait fouillé dans ses dossiers pour trouver une ou des plaintes enregistrées liées à la stérilisation forcée ou contre le gré d’une personne, mais elle n’a rien trouvé. Cela vous surprend-il et, si oui, pourquoi?

Mme Lombard : Cela ne me surprend pas, car les plaintes sont habituellement déposées au service de police local. Je peux confirmer que l’une de mes clientes a déposé une plainte à un service de police local il y a quelques mois. Il y a donc visiblement un manque de communication entre la GRC et les services de police locaux.

Je ne connais pas l’état de cette plainte, mais je peux vous confirmer que cette plainte a été faite par écrit et qu’elle a été déposée avant l’été, si je me souviens bien.

Le sénateur Wells : Je vous remercie toutes les deux d’être ici aujourd’hui. Je dois admettre que je suis consterné que ce genre de chose se produise encore de nos jours. Je suis consterné que cela se soit déjà produit, mais je suis abasourdi que cela se produise encore. Je vous remercie du travail que vous faites dans ce dossier.

De plus, j’aimerais remercier la sénatrice Boyer du travail important qu’elle effectue dans ce dossier.

J’ai quelques questions, car j’admets que je ne connais pas ce sujet de façon approfondie.

Madame Lombard, vous avez mentionné le consentement libre et éclairé. On laisse entendre que quelque chose a été dit, mais que ce n’était pas de façon libre et éclairée. Pourriez-vous me décrire à quoi devrait ressembler le consentement libre et éclairé ou me dire ce que c’est?

Mme Lombard : Selon moi, et selon la loi, je crois, le consentement libre et éclairé repose sur quatre piliers. Le premier est la capacité. La personne visée par cette pratique doit être capable de donner son consentement. Elle ne doit pas être soumise à un nombre trop élevé de facteurs de stress. Cette personne ne doit pas être sous l’effet de médicaments, par exemple. Nous pouvons dire aussi que l’accouchement et la période qui suit l’épidurale et l’accouchement actif — et même les semaines précédant l’accouchement actif — ne représentent pas une situation habituelle pour ces femmes.

Le deuxième pilier exige une divulgation complète des risques, des conséquences et des autres méthodes de contraception possibles. Le médecin a l’obligation de divulguer ces renseignements et je ne crois pas — mais il faudrait que je vérifie pour en être absolument certaine — que cette obligation peut être transférée ou déléguée à une autre entité, personne ou professionnel.

Troisièmement, on doit donner à la patiente suffisamment de temps, dans un environnement approprié, pour examiner les renseignements qui lui ont été fournis. Les patientes doivent pouvoir réfléchir, poser des questions, revenir sur le sujet plus tard et participer à une conversation.

Quatrièmement, le consentement libre et éclairé signifie qu’il n’y a aucune coercition. Cela signifie qu’on ne favorise aucune option de contraception, par exemple, au détriment d’une autre. On se contente simplement de présenter les différentes options.

Cela ne signifie pas qu’aucune option n’est conseillée ou déconseillée sur le plan médical, mais le consentement libre et éclairé, en vertu de nos lois, signifie que si une personne risque, par exemple, de mourir si elle a un autre enfant, si elle choisit d’avoir un autre enfant, c’est son choix de s’exposer à ce risque. Est-ce un risque que tout le monde prendrait? Bien sûr que non, mais certaines personnes pourraient le prendre, et c’est leur choix.

Le consentement libre et éclairé repose donc sur ces quatre piliers.

Le sénateur Wells : Pouvez-vous me renseigner un peu plus? Cette procédure — en l’absence du consentement libre et éclairé — se fait-elle souvent lors de l’accouchement?

Mme Lombard : Dans la plupart des cas.

Le sénateur Wells : Il me semble qu’il soit presque impossible de se livrer à une seconde réflexion objective pendant et après un accouchement. J’imagine que c’est souvent une période pendant laquelle la patiente ne se livre pas à ce type de réflexion, car elle a d’autres préoccupations.

Mme Lombard : Merci, sénateur Wells. C’est l’un des principaux points que nous faisons valoir.

Le sénateur Wells : J’aimerais poser une autre question. Lorsqu’on propose cette intervention — si nous présumons qu’elle est proposée —, que dit-on pour se retrouver sous le niveau du consentement libre et éclairé? Que dit-on habituellement aux patientes? Leur dit-on simplement qu’on pratiquera l’intervention ou ne dit-on rien du tout?

Mme Lombard : Cela varie selon les circonstances. Presque 100 femmes ont communiqué avec nous, et les évènements ne se déroulent donc pas toujours de la même façon. Si vous prenez les cinq exemples que je vous ai fournis, dans certains cas, on n’a pas divulgué les risques, les conséquences et les autres options, et aucun formulaire de consentement n’a été signé. On a essentiellement dit à la patiente que cette intervention serait pratiquée qu’elle le veuille ou non. Dans d’autres cas, on tente de convaincre la patiente qu’elle doit accepter l’intervention, car c’est le meilleur choix pour elle ou on lui dit que le médecin ne veut pas la laisser partir avant qu’elle subisse l’intervention. On lui dit aussi qu’elle a suffisamment d’enfants et qu’elle devrait envisager de subir l’intervention, car selon le personnel médical, c’est une bonne idée.

Dans d’autres cas, on dit à la patiente que l’intervention est réversible et que si elle change d’avis plus tard et que sa situation est différente, il sera possible d’envisager de le faire. J’ai entendu cela comme si c’était une négociation, mais ce n’est pas le cas.

Le sénateur Wells : C’est très intéressant. Cette pratique est-elle généralement utilisée au sein des populations au statut socioéconomique inférieur — les Premières Nations, les habitants des milieux ruraux et les personnes qui souffrent de troubles de santé mentale? Est-il possible de cerner des catégories après les faits et de déterminer qu’une population est clairement « ciblée », faute d’un qualificatif plus approprié?

Mme Lombard : Les personnes qui ont communiqué avec nous sont surtout des femmes autochtones, en grande partie des femmes des Premières Nations et quelques Métisses. Un examen des dossiers et des pratiques historiques liées à cet enjeu révélerait que cette pratique était prévalente dans les communautés inuites du Nord, et que c’est peut-être toujours le cas aujourd’hui.

Je dirais que la grande majorité des personnes touchées par cette pratique sont autochtones.

Le sénateur Wells : Merci.

Enfin, les mesures législatives ou juridiques atténuantes seraient-elles fédérales ou provinciales?

Mme Lombard : C’est une question intéressante. Je crois qu’une combinaison des deux serait nécessaire.

La vice-présidente : Je vais ajouter votre nom aux intervenants de la deuxième série de questions, sénateur Wells.

Le sénateur Wells : Je sais que nous pouvons apporter des changements par voie législative, mais nous pouvons également apporter des changements en exposant une situation, comme nous le faisons maintenant.

La sénatrice Pate : Merci, sénatrice Boyer, d’avoir proposé cette importante étude. Je suis d’accord avec la recommandation du sénateur Wells. J’aimerais également remercier les deux témoins de tout le travail qu’elles accomplissent.

J’ai une question à plusieurs volets à laquelle j’aimerais que les deux témoins répondent, même si certains volets concerneront davantage l’une que l’autre.

En ce qui concerne les nombres, vous venez de dire qu’à ce jour, environ 100 femmes s’étaient manifestées dans le cadre du recours collectif. Pour faire suite à la question du sénateur Wells, avez-vous une idée de l’ampleur de cette situation? En plus des femmes autochtones, d’autres femmes se manifestent-elles? Grâce à l’attention que les médias accordent à cet enjeu, nous entendons parler davantage des femmes incarcérées, d’autres femmes racialisées et des femmes vivant dans la pauvreté. Avez-vous une idée de l’ampleur de cette situation?

De plus, comme vous l’avez mentionné, nous savons qu’il existe des lois à cet égard en Colombie-Britannique et en Alberta. D’autres provinces avaient-elles aussi des lois qui autorisaient spécifiquement ce type d’eugénisme? Si oui, à quel moment ont-elles été abrogées?

Pour faire suite encore une fois à la question du sénateur Wells, quelles recommandations précises formuleriez-vous aux législateurs provinciaux et territoriaux? Une partie de cet enjeu concerne les soins de santé, mais une autre partie concerne la responsabilité du gouvernement fédéral en matière de droit criminel.

Mme Stote : Je laisserai à Alisa Lombard le soin de vous parler de cas plus récents. Une grande partie de mon travail se concentre sur l’aspect historique et les documents d’archives. Je lui laisserai le soin de vous parler des groupes spécifiques qui se manifestent aujourd’hui ou de vous dire s’il existe des indications que de tels groupes se précisent.

Pour répondre à votre deuxième question sur le fait d’autoriser ce qu’on appelle souvent la « stérilisation eugénique », l’Alberta et la Colombie-Britannique avaient de telles lois. En Ontario, on avait apporté des modifications à la Loi médicale pour permettre aux médecins de procéder à la stérilisation sans être tenus responsables. En effet, avant 1969, on ne pouvait pas procéder à la stérilisation à des fins non thérapeutiques, par exemple comme moyen de contraception pour empêcher la reproduction. À ma connaissance, il n’y a pas d’autres provinces qui ont adopté des lois, dans un sens ou dans l’autre, sur la stérilisation eugénique.

En 1969, les modifications apportées au Code criminel qui ont décriminalisé les contraceptifs ont fait augmenter la probabilité qu’on procède à la stérilisation à des fins non thérapeutiques et à des fins contraceptives.

Une partie des mes travaux servent à démontrer que le gouvernement fédéral a une responsabilité première dans ce cas-ci, car il a établi les paramètres nécessaires et il a créé, par voie législative, un contexte dans lequel on permet aux médecins praticiens de procéder à la stérilisation à des fins de planification familiale, que ce soit pour la contraception, l’avortement ou la stérilisation. Puisque le gouvernement fédéral a créé le contexte qui a permis aux médecins praticiens de procéder à la stérilisation plus librement dans le cadre de leurs fonctions, je pense qu’il doit en assumer la responsabilité principale.

Cela répond-il à votre question?

La sénatrice Pate : Oui. En ce qui concerne les endroits où on procédait à ces stérilisations, je suis certainement au courant, par l’entremise de travaux précédents, des problèmes liés aux hôpitaux psychiatriques, ainsi qu’aux prisons, mais j’aimerais connaître les autres endroits et les segments de la population visés. Nous parlons des femmes.

Mme Stote : Dans les documents historiques que j’ai examinés, il s’agissait parfois, mais pas toujours, de personnes qui avaient été placées en milieu institutionnel. Il s’agissait aussi de personnes qui avaient été mises en contact avec des travailleurs sociaux et des médecins en raison d’autres problèmes. Elles avaient peut-être accouché dans un hôpital du sud du pays, où elles ont été assujetties à un racisme et à un paternalisme qui a entraîné leur stérilisation sans leur consentement.

Je n’ai aucun document qui fait référence aux... Cela ne signifie pas que ce n’est pas arrivé, mais je n’ai aucun document qui fait référence aux prisons et à leurs populations.

La sénatrice Pate : Avez-vous une idée de l’ampleur du problème? Combien de femmes ont été touchées?

Mme Stote : Je peux seulement parler des documents historiques que j’ai consultés. Ils concernent des femmes qui vivaient dans le Nord du Canada ou des femmes qui ont été traitées dans des hôpitaux indiens gérés par le gouvernement fédéral, ainsi que des femmes qui ont été envoyées dans des hôpitaux provinciaux ou dans d’autres établissements de services de santé provinciaux, car le gouvernement fédéral ne souhaitait pas qu’on procède à ces stérilisations dans les hôpitaux indiens qu’il gérait.

L’ensemble des documents que j’ai consultés indiquent, selon la méthode de calcul utilisée, qu’environ 1 150 femmes autochtones ont été stérilisées. Il y a également 50 autres cas pour lesquels le sexe de la personne stérilisée n’est pas mentionné. Ce sont les documents que j’ai consultés.

Mme Lombard : La première question concernait l’ampleur du problème. Nous avons seulement le nombre et l’emplacement géographique des femmes qui ont communiqué avec nous. Je peux vous communiquer ces renseignements. Il s’agit d’environ 100 femmes au total. Voici les chiffres exacts : 10 en Alberta, 5 en Colombie-Britannique, 12 au Manitoba, 1 aux Territoires du Nord-Ouest, 4 en Ontario, 2 au Québec, 64 en Saskatchewan et 2 en Oklahoma, aux États-Unis. Les expériences vécues qu’ont signalées ces femmes représentent le seul indicateur de l’ampleur du problème dont je dispose.

En ce qui concerne la question sur les recommandations, en février 2018, nous avons dressé une longue liste de recommandations spécifiques pour la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Les recommandations liées à la coopération entre le gouvernement fédéral et les provinces ou aux rajustements à apporter au cadre législatif concernent notamment la réglementation des professionnels de la santé, c’est-à-dire les médecins, le personnel infirmier, et cetera, pour veiller à ce que les autorisations dépendent, du moins en partie, d’un degré précis de compétence culturelle et de respect de l’autonomie corporelle. Manifestement, dans le cas de la stérilisation, cela devrait être assujetti à la criminalisation explicite.

Nous avons découvert l’existence d’un identifiant racial au recto des cartes d’assurance-maladie de la Saskatchewan, un « R » en relief, qui révèle que le détenteur est un Indien inscrit. Autant que nous sachions, il est en usage depuis la fin des années 1950. Personne ne peut en expliquer la raison d’être. Je peux toutefois affirmer avec une certitude absolue que, aujourd’hui, les Indiens inscrits qui demandent cette carte dans cette province sont tenus de divulguer leur statut et leur numéro de carte de statut, et ce « R » en relief figure à côté du numéro de bénéficiaire ou de famille, sur la carte qu’ils reçoivent.

Est-ce que tous en connaissent la signification? Peut-être pas, mais l’information subsiste, et sa divulgation reste obligatoire. D’après nous, c’est problématique.

En ce qui concerne les autres types de lois, je pense que nous pouvons faire apparaître un cadre. En l’occurrence, celui qui répond le plus exactement aux quatre conditions est celui de l’aide à mourir. C’est la raison pour laquelle, bien que, apparemment, ça puisse sembler extrêmement différent, ce ne l’est pas dans son effet. La personne qui envisage l’aide médicale à mourir ne peut pas revenir sur sa décision ni, dans la plupart des cas, celle qui envisage la stérilisation permanente. L’une veut mettre fin à sa vie; l’autre, à la faculté de créer une vie. D’après nous, ces deux conséquences exigent la même diligence dans le cadre de consentement. Nous citerions cet exemple comme un exemple de cadre.

Je serai heureuse de vous communiquer par écrit d’autres recommandations très précises. Elles remplissent environ deux pages et j’ai l’impression que le temps nous manquerait pour en parler.

La vice-présidente : Merci beaucoup.

La sénatrice Hartling : Je vous remercie d’être ici. Que de renseignements! J’ai appris l’existence de ce problème par la sénatrice Boyer le printemps dernier. Tout comme le sénateur Wells, je suis scandalisée d’entendre qu’il persiste.

Madame Lombard, merci de nous donner un aperçu d’expériences vécues. Il est toujours important d’entendre la voix des femmes. En prévision de l’avenir ou simplement en sachant ce que vous savez pour leur avoir parlé, quels sont certains des traumatismes à long terme qu’elles subissent, particulièrement en ce qui concerne le lien spirituel avec le don de la vie? Avez-vous une idée de certaines des expériences qu’elles vivent actuellement, pour affronter ce traumatisme qui leur a été imposé contre leur gré?

Mme Lombard : Merci de votre question, qui est très profonde. Je ne crois pas qu’on puisse y répondre comme elle le mérite. La réponse de chaque femme serait peut-être différente.

En ce qui concerne leur vécu, j’ignore si l’un de vous connaît une femme qui éprouve des problèmes de fertilité. C’est très difficile pour les familles, pour les femmes et pour leur santé mentale, pour leur notion de famille, quand leur culture tient la fécondité en très haute estime, comme beaucoup de cultures, parce que, franchement, c’est l’essence de notre raison-d’être à tous. C’est ce processus qui nous a tous conduits ici. C’est ce qu’il y a de plus essentiel à toutes nos existences. Les difficultés sont nombreuses — problèmes de santé mentale, certainement; dépression, l’anxiété, et cetera.

Les liens culturels font ressortir beaucoup de sentiments d’impuissance, d’incapacité d’accomplir son rôle de femme. J’entends souvent : « Je ne me sens plus femme. » Le qualifier est une tâche impossible, gargantuesque. Je ne peux pas en dire plus.

La sénatrice Hartling : Oui, c’est beaucoup. Ces femmes ont-elles aussi des appuis? D’après vous, y a-t-il des endroits où elles peuvent recevoir de l’aide ou parler de leur situation?

Mme Lombard : L’aide est insuffisante. Je crois qu’il y a des problèmes de confiance. Il faut se rappeler qu’elles devraient se rendre dans les établissements qui les ont maltraitées. L’obtention de ces services de santé pose un problème de confiance.

Certaines de ces femmes ne sont jamais retournées voir un médecin et, parfois, si elles l’ont fait, ce n’est qu’au bout de plusieurs décennies. Nous savons tous ce que ça signifie en matière de prévention et pour les problèmes de santé féminine.

La sénatrice Hartling : Merci.

Merci d’être ici, madame Stote. Je connais vos parents; ce lien avec le Nouveau-Brunswick est vraiment formidable.

Votre livre semble intéressant. Je voudrais le lire. Par curiosité, je voudrais savoir ce qui a inspiré votre recherche. Vous avez aussi dit que vous étiez curieusement optimiste. Quel est votre prochain projet, et qu’espérez-vous nous offrir ensuite?

Mme Stote : Merci pour la question. Ce qui m’a poussée à la recherche a été les peuples autochtones et mon engagement auprès d’eux. Ces événements, d’après les Autochtones que je connais et avec qui j’ai communiqué, se produisent dans leurs communautés depuis longtemps. Ils ne remontent pas aux années 1970. Ils remontent à beaucoup plus longtemps. Au Canada, il n’existait rien, il n’y avait rien à lire sur le sujet, et c’est ce qui m’a inspirée.

Je suis désolée, mais la deuxième partie de votre question, c’est vers où croyons-nous que ça devrait se diriger?

La sénatrice Hartling : Oui.

Mme Stote : Voilà pourquoi je suis optimiste tout en étant prudente, dans la mesure où je consacre beaucoup de temps à lire ce qu’écrivent les sénateurs, les députés, les élus et les fonctionnaires. Les générations antérieures de fonctionnaires étaient au courant du problème et elles ont constamment répondu de manière à minimiser leurs responsabilités ou à éviter d’être tenues pour responsables du problème. Voilà pourquoi je suis optimiste, mais prudente. J’ai très bon espoir que, compte tenu de la bonté des personnes ici présentes, nous réaliserons de bonnes choses et provoquerons les changements nécessaires. Il faut faire attention, compte tenu des longs antécédents qui vous ont été révélés à tous, de gouvernements qui ont essayé de se soustraire à leurs responsabilités et qui ont essayé de minimiser ces problèmes.

L’autre jour, j’ai lu dans mes archives la déclaration d’un élu selon qui ces allégations de contraintes s’étaient révélées infondées. Voilà en partie d’où vient ma prudence.

Je tiens à répéter que les Autochtones ont les mêmes réserves non seulement à l’égard de la médecine occidentale, qui a servi, dans toute l’histoire, d’outil au colonialisme, mais aussi à l’égard de leurs interactions avec les gouvernements, la justice pénale, le système de protection de l’enfance et les tentatives pour comprendre les conséquences néfastes des stérilisations. Les dommages éprouvés par les Autochtones à cause des stérilisations forcées n’existent pas isolément de ceux qu’on a perpétués contre les Autochtones dans tous les autres aspects de la société. Il est très difficile de chiffrer ou même de qualifier ces dommages. C’est la raison pour laquelle je tiens à insister sur l’impossibilité de considérer la stérilisation forcée et les remèdes à y apporter isolément du contexte général. Il faut changer le système.

Nous devons communiquer avec les peuples autochtones considérés comme des nations. Ils ont aussi le droit de reconstruire leurs pratiques d’hygiène et de médecine. À mon avis, il ne suffit pas de leur prodiguer des soins adaptés à leur culture dans des établissements occidentaux, bien que ce soit important. Il faut aussi leur donner la chance de reconstruire leurs propres pratiques.

Je donne des cours sur la justice en matière de reproduction et sur les problèmes de consentement éclairé. Peut-on donner son consentement librement et en connaissance de cause quand on vit dans l’oppression? À quoi ressemble le consentement éclairé d’Autochtones vivant dans un régime colonialiste? C’est la question centrale à retenir pendant que nous creuserons ces problèmes. Merci.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup.

La vice-présidente : Avant d’entamer notre deuxième tour, je tiens à préciser que, avant de parler à la sénatrice Boyer, je croyais à tort, comme mes collègues, les sénateurs Wells et Hartling, que la stérilisation forcée avait cessé après les années 1960 et 1970, parce que je n’en entendais pas parler.

Devant vos témoignages sur l’oppression, le consentement donné librement et en connaissance de cause et la présentation, à une femme en travail, d’un formulaire de consentement à signer — et comme toutes celles qui ont connu les douleurs de l’enfantement le savent, elles signeraient tout ce qu’un tiers leur présenterait, en risquant, lui, de se faire arracher le bras —, ce consentement ne serait certainement pas en connaissance de cause.

Vous dites que les femmes ont raconté leur histoire tellement de fois et que, pourtant, ça ne donne rien. De l’enquête de la GRC qui a eu lieu, pour laquelle elles ont témoigné, aucune trace écrite ne subsiste; les plaintes ne semblent pas avoir été enregistrées; ou, encore, la GRC a enquêté sur les allégations, et elles ne reposent sur rien.

Comment cette chape de silence a-t-elle réussi à étouffer ces témoignages? Comment convaincre ces femmes qui ont raconté et répété leur histoire — ce qui, chaque fois, a dû leur arracher le cœur — de continuer de le faire pour notre comité, par exemple, dans l’espoir, et avec l’optimisme prudent de Mme Stote, de faire changer des choses qui doivent changer?

Mme Stote : Est-ce une question?

La vice-présidente : Comment a-t-on réussi à le cacher pendant tellement d’années? Trois d’entre nous qui sont ici pensaient que c’était une chose du passé — pour moi, c’était dans les années 1960 et 1970 — mais un passé enterré.

Mme Lombard : Très honnêtement, si vous permettez, les communications entre les Autochtones et les non-Autochtones du Canada ne sont pas très fréquentes. Il y a beaucoup de silence, faute de confiance. Divers processus, notamment la Commission de vérité et de réconciliation et les témoignages devant la Commission d’enquête sur les femmes disparues et assassinées, ont ressassé ces témoignages. C’est que personne ne croit les témoignages des femmes. On les rejette. On leur dit que des personnes plus importantes qu’elles en savent plus qu’elles sur ce qui est bon pour elles. Voilà pourquoi elles ne se manifestent pas.

Elles se présentent à des personnes comme moi ou comme Mme Stote, en qui elles ont confiance, parce que nous les écoutons et parce que nous faisons tout notre possible pour trouver une solution. Elles se présentent à des personnes comme la sénatrice Yvonne Boyer pour les mêmes motifs. Nos efforts inspirent la confiance. Nous essayons de trouver une solution. Nous les écoutons et nous les croyons. Il est important de les croire.

Quand des femmes révèlent l’une de leurs pires expériences, une expérience qui peut altérer le bonheur d’enfanter, que j’ai connu il y a quelques semaines, ça risque d’effacer ce bonheur. La révélation ne se fait pas à la légère. Elle ne se fait pas à l’heure du thé, et on ne frappe pas à la porte de la GRC pour lui demander si elle croit que quelque chose ne va pas. C’est particulièrement vrai s’il faut consulter le médecin dans six semaines pour un bilan de santé.

Ici, le déséquilibre des forces est considérable. Cela exige des freins et des contrepoids, de la dissuasion et des obligations de rendre compte, pour les personnes en position d’autorité et en position d’abuser de cette autorité.

La vice-présidente : Commençons maintenant la deuxième série de questions.

La sénatrice Boyer : Mme Stote a fait l’exposé du cadre historique et des répercussions qui expliquent pourquoi ce n’est pas terminé. Madame Lombard, pourquoi n’est-ce pas terminé? Quelle aide pouvons-nous apporter tout de suite? Croyez-vous que l’adoption du projet de loi C-262, relatif à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, avec la notion de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, aidera ces femmes à sensibiliser un peu plus les Canadiens au fait que consentement signifie « préalable, donné librement et en connaissance de cause »?

Mme Lombard : Je vais répondre à chaque sous-question. Pourquoi est-ce que cela se produit encore? Je pense que c’est parce que rien n’a été fait pour l’empêcher, pour le dire très nettement. Nous savons que ça se produit encore. Nous savons que ça s’est produit il y a moins de quatre mois. Cela ne fait aucun doute.

Un jour, un sage m’a dit que, pour que rien ne change, il suffisait que nous ne fassions rien. Ici, nous proposons d’agir.

L’adoption du projet de loi C-262 est une évolution, et c’est merveilleux. L’enjeu, ici, et la contradiction — encore une fois, je parle franchement — est que la loi, le droit civil, de toute façon, protègent ces femmes. Le problème est que les femmes autochtones n’y ont pas accès de manière égale. Les femmes, donc, dans cet ensemble de circonstances, pour je ne sais quelle raison — celles qui ont subi cette opération — ne peuvent pas accéder à ce cadre de consentement donné librement et en connaissance de cause. Ce qu’elles ont vécu aux mains du système de santé et d’autres institutions canadiennes, si vous me permettez de ne pas faire dans la nuance, n’est pas ce qu’ont vécu les autres femmes. C’est attribuable à divers facteurs que nous connaissons, mais appellons-les par leur nom : c’est du racisme.

Les victimes, disons-le, sont des femmes métisses, des femmes sans statut, des femmes ici et là, et, quant aux détails, il ne faut rien en cacher. Les femmes qui se sont manifestées à nous ont la peau brune. Cela arrive à des femmes autochtones à la peau foncée ou à des femmes qui s’expriment comme des Autochtones, des femmes qu’on peut reconnaître comme Autochtones.

Le racisme ne s’embarrasse pas beaucoup du statut juridique, n’est-ce pas? Je pense que nous devons le dire franchement. C’est le problème, si nous allons trouver une solution digne de ce nom.

Mon espoir est que l’adoption du projet de loi aidera à mieux comprendre, mais le droit canadien continue de défendre la proposition claire selon laquelle le consentement donné librement et en connaissance de cause signifie les quatre conditions que j’ai décrites. Pour je ne sais quelle raison, les professionnels et les autres acteurs des établissements canadiens publiquement financés et administrés enfreignent impunément ces conditions. Pourquoi?

La sénatrice Boyer : Merci. Je voulais seulement faire une petite observation pour remercier les femmes courageuses qui se sont avancées et qui surveillent ce qui se passe ici. Merci à vous deux.

La vice-présidente : Votre mot de la fin était vraiment formidable.

La sénatrice Pate : Madame Lombard, vous avez peut-être déjà répondu à cette question, mais j’essaie d’examiner toutes les possibilités.

Combien de personnes avec qui vous travaillez ou, madame Stote, à qui vous avez parlé — une partie du problème de capacités touche des jeunes, des personnes malades mentales, intellectuellement handicapées — et combien, aussi, ont aussi été victimes de violence sexuelle? Sans doute en raison de mes travaux, il me semble parfois que les stérilisations ont également été imposées par des membres de la famille, particulièrement dans des situations de violence sexuelle. Avez-vous des renseignements à ce sujet et sur l’importance relative de cet élément dans le cadre du problème? Ce n’est pas soustraire le corps médical à ses responsabilités que, dans tous ces cas, d’examiner toutes les circonstances.

Mme Stote : Je ne peux parler, sur le plan historique, que du travail que je fais. Depuis les années 1970, notamment, dès que le Canada a modifié ses lois et mis sur pied un programme de planification familiale, on ne cesse de cibler les jeunes femmes autochtones souvent mères célibataires. Après la modification de la loi, en 1969, et la mise en œuvre de la politique de planification familiale, les modifications se sont étendues à l’échelon provincial. Si on lit les rapports sur la planification familiale des années 1970, qui font partie de la matière que j’étudie actuellement, ils ciblent constamment les jeunes, les populations rurales, les populations du Nord; mais, notamment, les jeunes mères célibataires. Les documents parlent de « promiscuité sexuelle ». On finit ainsi par cibler les femmes autochtones. Je ne dis pas uniquement elles, mais, d’après les documents que je consulte, c’est indéniablement une priorité qui, historiquement, a influé sur cette pratique.

Mme Lombard : Concernant ce qui se passe de nos jours, je pense qu’il faudrait que nous examinions les catégories que vous avez données et que nous nous penchions sur la représentation disproportionnée des femmes autochtones dans ces catégories afin de comprendre ce qui se passe. Je devrais aussi mentionner que quelqu’un a communiqué avec moi au nom d’une personne qui a été incarcérée. C’est arrivé.

Quant aux problèmes de santé mentale, c’est difficile à dire. De tels événements peuvent donner lieu à des problèmes de santé mentale. On ne peut pas savoir si les problèmes sont apparus avant la stérilisation forcée ou après. C’est difficile à dire. Et s’ils sont apparus avant, cela n’a pas d’importance. Le fait qu’une personne ait un problème de santé physique ou mentale temporaire ou permanent n’a pas pour effet d’annuler l’obligation du médecin d’obtenir de la personne un consentement donné librement et en connaissance de cause.

Quant au statut socioéconomique, entre autres, oui, c’est habituellement un problème, mais pas toujours. Certaines des femmes qui ont communiqué avec nous sont des mères très responsables qui prennent soin de leurs enfants et qui font leur possible, même si elles sont des survivantes des pensionnats autochtones ou de la rafle des années 1960. Elles font de leur mieux pour subvenir aux besoins de leurs enfants, même si elles le font différemment.

Je ne crois pas que nous puissions envisager les choses en les cloisonnant. Je peux dire que généralement, les femmes qui communiquent avec nous sont manifestement des Autochtones, car cela se voit ou s’entend. Cela ne fait aucun doute.

La sénatrice Pate : Avez-vous de l’information sur les antécédents de violence subie?

Mme Lombard : Non, pas toujours. Bien entendu, je devinerais probablement, mais ce ne serait qu’une supposition éclairée.

La sénatrice Pate : Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Lombard et madame Stote. Vous vous êtes montrées très ouvertes. Vous nous avez donné beaucoup d’information et beaucoup de sujets de réflexion. Vous avez été formidables comme premier groupe de témoins pour cette étude que nous amorçons. Merci infiniment de votre présence aujourd’hui.

Pour la deuxième partie de notre réunion d’aujourd’hui sur la stérilisation forcée de femmes au Canada, nous allons discuter des obligations internationales du Canada avec les représentants de deux organismes.

Nous accueillons Jackie Hansen, responsable de la campagne pour les droits des femmes d’Amnistie internationale Canada, ainsi que Sandeep Prasad, directeur exécutif d’Action Canada pour la santé et les droits sexuels.

Chacune de ces organisations a été invitée à présenter un exposé de cinq minutes, après quoi nous aurons des questions.

Jackie Hansen, responsable de la campagne pour les droits des femmes, Amnistie internationale : Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup de me permettre de comparaître devant vous aujourd’hui en territoire algonquin non cédé.

Amnistie internationale veut s’assurer, en tant qu’organisme mondial de défense des droits de la personne, que ces droits sont respectés, protégés et réalisés partout et pour tout le monde. Amnistie internationale a documenté des cas de stérilisation contrainte et forcée dans un certain nombre de pays, et nous sommes profondément préoccupés de voir qu’au Canada, des femmes sont soumises à la torture sous la forme de stérilisation sans consentement. Pour situer la question dans un contexte international, je vais vous raconter l’histoire de Michelle, de l’État de Veracruz, au Mexique.

Michelle, qui est âgée de 26 ans, est mère de deux enfants. Elle était enceinte quand elle a découvert qu’elle était séropositive. Le gynécologue lui a dit qu’elle devrait être opérée pour ne pas avoir d’autres enfants. Il lui a dit : « Qu’est-ce que vous attendez? Vous avez le VIH et vous êtes sur le point de mettre au monde un enfant malade. Pourquoi voudriez-vous être encore enceinte? » Elle lui a répondu qu’elle voulait une méthode de contraception non permanente, mais il a insisté auprès d’elle et de sa mère pour qu’elle soit stérilisée.

Quand elle a donné naissance à son bébé, Michelle a été très mal traitée à l’hôpital parce qu’elle était séropositive. Le personnel a accroché à son lit une grosse affiche sur laquelle on pouvait lire « VIH », et elle a été obligée de nettoyer elle-même son sang après avoir fait une hémorragie.

Elle a découvert à son réveil, après une césarienne, qu’on l’avait stérilisée sans son consentement. Elle a déclaré à Amnistie internationale qu’elle en avait beaucoup souffert, et que c’était une blessure qu’elle porterait toute sa vie, car ce n’était pas sa décision et qu’on lui avait fait cela de force.

La discrimination était au cœur du traitement infligé à Michelle. On lui a nié son droit aux mêmes services de santé génésique auxquels toutes les femmes ont droit en vertu des normes internationales en matière de droits de la personne. D’après ces normes, des contraceptifs doivent être disponibles et abordables, et les femmes doivent avoir le droit de choisir librement ou de rejeter les services de planification familiale, y compris la stérilisation.

Le Mexique n’est pas le seul pays où l’on trouve des cas recensés de stérilisation forcée. Nous en avons au Chili, en Chine et au Pérou, entre autres. Environ 200 000 Péruviennes, principalement des paysannes autochtones à faible revenu de langue maternelle quechua, ont été stérilisées dans le cadre d’un programme de planification familiale dans les années 1990.

En 2014, la Commission interaméricaine des droits de l’homme a conclu que la Bolivie avait violé le droit de ne pas être soumis à la torture ou aux mauvais traitements d’une réfugiée péruvienne qui avait été stérilisée dans un hôpital public après une césarienne. La cour a également accepté d’entendre le cas d’une femme séropositive qui a été stérilisée de force au Chili. La Cour européenne des droits de l’homme a statué que la stérilisation forcée de femmes roms en Slovaquie constituait une violation de l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Je vous donne ces exemples étrangers pour montrer les similitudes frappantes avec les cas exposés dans le témoignage d’Alisa Lombard, il y a une heure seulement.

Tous les cas documentés par Amnistie internationale concernent des femmes membres de communautés marginalisées qui subissent de nombreuses formes de discrimination. Cela fait ressortir l’importance pour le gouvernement d’adopter, par rapport aux stérilisations sans consentement, des mesures qui tiennent compte du fait que des formes multiples et croisées de discrimination exposent sans doute certains groupes de femmes à un risque accru d’être stérilisées sans leur consentement.

En décembre, le Comité contre la torture de l’ONU a affirmé que la stérilisation contrainte et forcée de femmes au Canada est une forme de torture et a demandé au Canada de veiller à ce que toutes les allégations de stérilisation contrainte ou forcée fassent l’objet d’enquêtes impartiales, que les personnes responsables répondent de leurs actes et que les victimes obtiennent une réparation adéquate.

Quand on parle de torture, beaucoup pensent automatiquement à l’image hollywoodienne du prisonnier politique auquel on inflige des décharges électriques. J’ai constaté, dans le cadre du travail que nous réalisons sur ces questions au Canada, que je dois réexpliquer ce qu’on entend par « torture », à cause des idées préconçues qui sont courantes. La torture peut prendre de nombreuses formes et elle est très sexospécifique. Je vais donc réitérer les raisons pour lesquelles la stérilisation sans consentement répond à la définition de « torture ».

Conformément à l’article premier de la Convention contre la torture, le terme « torture » désigne tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales sont intentionnellement infligées à une personne, par des représentants de l’État, directement ou indirectement, pour des raisons précises, y compris « pour tout autre motif fondé sur une forme de discrimination, quelle qu’elle soit ». La stérilisation de femmes autochtones au Canada répond à tous ces éléments de la définition.

L’approche du gouvernement fédéral par rapport à la stérilisation sans consentement consiste à mettre l’accent sur la nécessité de soins de santé adaptés à la réalité culturelle, et nous dirions qu’en effet, bien sûr, c’est important et c’est ce que nous préconisons. Cependant, une telle approche doit englober une position claire sur l’absolue nécessité du consentement et s’appuyer sur cette position.

Qu’une femme autochtone accouche avec l’aide d’une sage-femme traditionnelle dans une région rurale ou d’un médecin dans un hôpital urbain, son consentement libre et éclairé doit être obtenu avant tout acte médical.

Nous continuons de demander au gouvernement fédéral de mener une enquête approfondie sur toute allégation de stérilisation contrainte ou forcée de femmes autochtones au Canada, de mettre en place dans tout le Canada des politiques et des mécanismes de responsabilisation qui fournissent des directives claires afin qu’il ne soit procédé à des stérilisations qu’avec le consentement libre et éclairé des intéressées et, ce qui est crucial, de faire en sorte que les survivantes et leurs familles aient accès à la justice.

Je vous invite à consulter le mémoire que nous avons soumis au comité pour obtenir plus de détails, et je serai vraiment ravie de répondre à vos questions. Merci.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Hansen.

Sandeep Prasad, directeur exécutif, Action Canada pour la santé et les droits sexuels : Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par souligner que nous nous trouvons en territoire algonquin non cédé, et je tiens à remercier le comité d’avoir entrepris de se pencher sur cette question urgente.

Action Canada pour la santé et les droits sexuels est l’organisation nationale de la santé sexuelle et génésique et des droits connexes au Canada. Nous sommes l’une des parties prenantes à avoir soulevé cet enjeu auprès du Comité contre la torture de l’ONU en novembre 2018. Le mois suivant, Action Canada, nos collègues qui sont présents aujourd’hui et l’Association des femmes autochtones du Canada avons rédigé un appel à l’action conjoint qui a été signé par près de 80 organismes de la société civile, organismes autochtones et experts au Canada. Je vais répéter dans mon exposé plusieurs de ces recommandations.

Depuis, nous sommes préoccupés par l’inaction relative du gouvernement fédéral sur ce front, compte tenu de l’ampleur et de l’importance de ce problème dont je dirais qu’il s’agit d’une réalité systématique et importante de violations des droits de la personne.

La stérilisation forcée est une forme de violation des droits sexuels et génésiques. Il s’agit d’actes de torture et d’outils génocidaires. Cela a été observé au fil du temps, et nous constatons jour après jour que les Autochtones, les personnes handicapées et les personnes marginalisées sont touchées de façon disproportionnée dans le système de santé canadien dont la responsabilité est partagée entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux. En tant que partie à de nombreux traités internationaux sur les droits de la personne, le gouvernement fédéral a l’obligation légale de mettre fin à la stérilisation forcée dans l’ensemble des secteurs de compétence.

La consultation qui s’est déroulée derrière des portes closes avec Services aux Autochtones Canada, il y a plusieurs mois, ne respectait absolument pas les critères relatifs à l’obligation du gouvernement en matière de consultation. Il n’y a pas eu de transparence non plus dans l’approche adoptée et les résultats obtenus. Le groupe de travail fédéral-provincial-territorial qui a été formé a également manqué de transparence à notre égard et n’a pas inclus de nombreux intervenants experts, à notre connaissance. Le mandat et l’ordre du jour de cette réunion ne sont pas clairs, et même avant de déterminer ce qu’il doit accomplir, ce groupe de travail doit consulter avec transparence les survivantes, les experts et autres intervenants.

Il ne fait aucun doute que le racisme systématique est un facteur majeur de ces violations, mais il ne convient pas au premier ministre et à d’autres personnes de déduire que c’est un problème qu’on pourra résoudre en augmentant les services adaptés à la culture des peuples autochtones. Même le nom donné à ce groupe de travail fédéral-provincial-territorial créé pour s’attaquer à ce problème parle de compétence culturelle au sein du système de santé, ce qui est contradictoire. La stérilisation forcée n’a rien à voir avec la compréhension de la culture d’une personne. C’est une violation de son droit de décider d’elle-même ce qui arrive à son propre corps. Il faut effectivement des services adaptés à la culture, mais le système de santé doit, à tous les niveaux, adopter une approche globale concernant les droits sexuels et génésiques et veiller ce que chacun sache établir et obtenir un consentement éclairé de la part de toutes les personnes rencontrées.

Que faut-il faire pour que le Canada veille à ce que de telles violations des droits de la personne ne se répètent pas? Comment veillons-nous à mettre en œuvre la reddition de comptes de sorte que cela ne se répète pas?

Premièrement, il faut une enquête. Nous ne comprenons pas encore toute la portée et l’ampleur de ce problème en ce moment, concernant les survivantes autochtones de telles pratiques. Et nous ne savons pas non plus dans quelle mesure d’autres femmes ont été soumises à de telles pratiques, par exemple les femmes handicapées.

Il y a plusieurs mesures essentielles à prendre initialement, dont celle de mener une enquête nationale officielle sur la stérilisation forcée afin de comprendre la portée et l’ampleur de cette pratique néfaste, ainsi que de garantir aux victimes des mesures de réparation efficaces. Dans le cadre de cette enquête, le gouvernement devrait nommer un représentant spécial qui rencontrerait les survivantes et leurs familles et qui entendrait leurs demandes de justice et de réparation.

Au moment d’envisager les sanctions à imposer aux professionnels de la santé qui ont perpétré des stérilisations forcées, il est important de recourir à des sanctions criminelles dans les cas où il est justifié de le faire, mais aussi de veiller à l’utilisation complète et efficace d’autres processus de responsabilisation, par exemple des mesures disciplinaires professionnelles et des recours civils, notamment devant les tribunaux des droits de la personne, et de soutenir les survivantes qui entament de telles procédures.

Un élément important n’a pas encore été abordé dans le discours public, et c’est que nous devons veiller à ce que les sanctions pénales n’aient pas d’effet paralysant sur la disponibilité de services de santé sexuelle et génésique de grande qualité qui se fondent sur un consentement libre et éclairé, en particulier pour les personnes souvent stigmatisées et victimes de discrimination dans le secteur de la santé. Les personnes marginalisées, entre autres, les Autochtones, sont souvent ciblées de façon disproportionnée par la police et sont donc les moins susceptibles de demander la protection de la police. On ne peut résoudre ce problème sans changement approfondi au sein du système de santé.

Pour terminer, Santé Canada, sous la direction de la ministre de la Santé, doit assumer la responsabilité du système de santé et créer un plan d’action national qui va s’attaquer directement à ce problème en garantissant, premièrement, que les normes de pratique sont éclaircies en matière de consentement dans les pratiques médicales; deuxièmement, qu’une formation obligatoire est donnée aux professionnels de la santé concernant ces normes et les enjeux clés que sont le racisme et les autres formes de discrimination et de stigmatisation; troisièmement, qu’on réalise un changement culturel parmi les professions de la santé; et quatrièmement, qu’on renforce la responsabilisation relative à ces violations des droits de la personne.

La vice-présidente : Je vous remercie beaucoup tous les deux de vos exposés. La première personne à poser des questions est celle qui nous a apporté toute cette information et qui nous a convaincus de mener cette étude.

La sénatrice Boyer : Merci, madame la présidente. Je vous remercie beaucoup tous les deux de vos exposés et de tout le travail que vous faites dans ce domaine. C’est phénoménal.

J’ai vraiment aimé les recommandations dont vous avez parlé, monsieur Prasad. Vous aviez suggéré que le gouvernement mette en place quelque chose pour rencontrer les survivantes et les entendre. S’il est une chose que j’ai constatée avec le rapport, c’est la protection absolument essentielle de ces femmes, car, même à nous entendre aujourd’hui parler de cela, ces femmes peuvent avoir une réaction émotive terrible. J’aimerais que vous nous disiez comment cela peut se faire à l’intérieur des paramètres que vous avez déjà établis pour nous en gardant à l’esprit que la sécurité des femmes est primordiale.

M. Prasad : Absolument. Je pense qu’il y a diverses façons de réaliser cela. Sénatrice Boyer, permettez-moi d’abord de vous remercier de votre leadership sur cette question. C’est une question vraiment importante.

Il est primordial de veiller à la protection des renseignements personnels, à la confidentialité et à la sécurité dans le cadre de toute enquête, pour ce qui concerne la façon de conserver les comptes rendus des conversations et des entrevues avec les survivantes, la façon de les aborder, et les personnes qui sont là pour les défendre et les soutenir dans ce processus.

Il faut aussi que ce soit volontaire. Il faut que les survivantes veuillent venir parler à tout représentant spécial qui est nommé pour exécuter la tâche de rencontrer les survivantes et leur famille. Je crois qu’il est essentiel d’offrir ce choix et d’offrir différentes façons de garantir la protection de la vie privée, la confidentialité et le soutien pendant le processus. Ce serait crucial.

La sénatrice Boyer : Selon vous, est-ce que ce sont les femmes qui ont été touchées qui devraient décider de ce qui convient pour leur propre protection?

M. Prasad : Je crois que ce serait excellent, à n’en pas douter. C’est crucial. Quant à une approche axée sur les droits de la personne, vous devez tout centrer sur les personnes les plus touchées par cet enjeu de sorte que leurs besoins à ce moment-là et dans le cadre de ce processus soient prioritaires.

La sénatrice Boyer : Madame Hansen, auriez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Mme Hansen : J’ajouterais à cela qu’il appartient vraiment aux femmes, selon moi, de définir les mesures de soutien qui leur seraient utiles, aussi bien pendant le processus qu’après, et qu’il est important de bien réfléchir à la façon de structurer et de rationaliser les processus de sorte que les survivantes ne soient pas tenues de comparaître à répétition, étant donné les nouveaux traumatismes que cela pourrait causer. Il est vraiment crucial d’être sensibilisé au traumatisme et de comprendre la culture.

La sénatrice Boyer : Je vous remercie beaucoup. Ce sont d’excellentes suggestions de solutions et de recommandations positives qui contribueraient à résoudre certaines de ces difficultés. Merci.

La sénatrice Pate : Merci à vous deux et à vos organisations pour le travail que vous accomplissez.

Dans le mémoire présenté par Action Canada au Comité des Nations Unies contre la torture, vous avez indiqué que des femmes autochtones ont probablement été stérilisées en prison. J’aimerais savoir si vous avez une idée de l’ampleur de cette problématique, à l’étranger comme au Canada, surtout en ce qui concerne les femmes qui sont institutionnalisées, y compris celles qui sont incarcérées.

Je crois que vous étiez ici lorsque j’ai posé une question tout à l’heure pour savoir si la discrimination s’accompagnait souvent d’autres formes d’oppression, comme des mauvais traitements de toutes sortes. Il arrive en effet que ceux qui sont responsables de ces abus aient un rôle à jouer dans la stérilisation forcée.

J’aurais une autre question, juste au cas où nous n’aurions pas le temps pour un second tour. Vous avez mentionné tous les deux l’importance de la criminalisation bien que vos organisations respectives ne se soient pas nécessairement prononcées à ce sujet. J’aimerais que vous nous parliez du rôle que peut jouer la loi en établissant des normes de comportement et que vous nous indiquiez si c’est l’un des éléments qui vous ont amenés à en arriver à cette conclusion.

La vice-présidente : Sénatrice Pate, vous n’avez pas votre pareil pour poser trois ou quatre questions en même temps.

La sénatrice Pate : Je suis désolée.

M. Prasad : Merci, sénatrice Pate. J’espère pouvoir répondre à toutes vos questions, mais n’hésitez pas à revenir à la charge si jamais j’en oublie.

Comme nous l’indiquions dans notre mémoire présenté au Comité des Nations Unies contre la torture, je pense que notre recommandation principale à votre intention serait la suivante. Nous avons appris de différents intervenants que c’est une pratique qui avait cours dans leur communauté, qu’il s’agisse des détenues autochtones ou de femmes vivant avec certains handicaps. Nous obtenons ces renseignements en travaillant en partenariat dans différents dossiers avec des organisations comme le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada et l’Association des femmes autochtones du Canada.

Il nous apparaît essentiel de pouvoir, au départ, bien saisir toute l’ampleur que prend actuellement cette pratique au Canada. À mes yeux, une enquête nationale détaillée est nécessaire pour en arriver à bien cerner la problématique.

Il faut en outre que le gouvernement fédéral assume pleinement ses responsabilités à l’égard du recours à de telles pratiques dans notre système de santé. Il faut que l’on soit prêt à se pencher sur chaque cas pour déterminer ce qui a mal tourné et qui est responsable, qu’il s’agisse d’un individu, d’un professionnel de la santé, d’un établissement ou du régime dans son ensemble. À qui incombe la responsabilité? Que faut-il faire pour éviter que la situation se reproduise? Il est primordial selon moi de trouver des pistes de solution en reconnaissant qu’elles pourront varier d’une situation à l’autre compte tenu des différentes normes qui entrent en jeu en matière de droits de la personne.

Il va de soi qu’il serait bénéfique d’adopter une loi dénonçant certains comportements et prévoyant des sanctions avec le soutien du système de justice pénale. Il ne fait aucun doute que des sanctions pénales ou autres sont de mise dans bon nombre de ces cas. Il faut s’assurer de mener les enquêtes nécessaires et de prévoir un éventail complet de mesures, y compris des sanctions disciplinaires pour les professionnels, afin que les coupables répondent vraiment de leurs actes. Il est primordial de pouvoir ainsi compter sur une panoplie complète d’outils de reddition de comptes pour assurer le respect des droits de la personne.

Je pense que différentes options doivent être envisagées, y compris la création d’une infraction criminelle distincte. Il faut toutefois également s’assurer que l’on n’hésite pas à recourir aux infractions criminelles existantes. Pourquoi ne nous servons-nous pas de ces outils à notre disposition? Quels sont les obstacles systémiques qui empêchent de porter des accusations de voies de fait dans ces situations? Il faut donc examiner les différentes avenues qui s’offrent à nous.

Il convient également, madame la sénatrice, de ne pas oublier que le recours au droit pénal est l’outil le plus puissant à la disposition de l’État, et qu’il convient donc de s’en prévaloir en essayant d’éviter tout effet d’intimidation ou de dissuasion qui pourrait compromettre l’accès aux services de santé en matière de sexualité et de procréation.

Mme Hansen : Si j’ai voulu mettre en lumière le cas de cette femme séropositive vivant au Mexique, c’est justement pour illustrer la diversité des contextes dans lesquels on a recours à cette pratique ailleurs dans le monde.

Nos recherches indiquent que le problème touche surtout les femmes pauvres, celles qui vivent en milieu rural, les femmes autochtones, les femmes séropositives et les autres femmes marginalisées. Nous n’avons pas effectué de recherches portant expressément sur les femmes ayant subi une stérilisation forcée dans une prison ou un autre établissement ou après avoir été victimes de mauvais traitements. Cependant, étant donné les exemples que nous avons au niveau international, il faudrait vraiment qu’une éventuelle enquête menée au Canada tienne compte du fait que les femmes autochtones ne sont pas nécessairement les seules à être touchées de façon disproportionnée par cette pratique.

Pour ce qui est de la criminalisation, nous voudrions mettre l’accent sur les mécanismes de prévention afin d’éviter que des situations semblables puissent se reproduire. Il faut voir comment on peut mettre en valeur le rôle des pourvoyeurs de soins à titre de défenseurs des droits de la personne de telle sorte que chacun sache bien comment on doit s’y prendre pour obtenir un plein consentement, donné librement et en connaissance de cause. Il ne suffit pas de le faire, car on doit aussi bien préciser les attentes en la matière en agissant à l’échelon fédéral pour assurer une démarche uniforme dans l’ensemble du Canada.

Lorsqu’une telle pratique devient assimilable à une forme de torture, nous sommes conscients que les coupables doivent répondre de leurs actes. Nous voulons axer nos efforts sur la prévention, mais reste quand même que les mécanismes de reddition de comptes sont nécessaires pour les cas où de telles choses se reproduiraient. Il peut s’agir en partie de mécanismes judiciaires ou de mesures d’indemnisation, par exemple.

Pour ce qui est des mécanismes judiciaires, nous préconisons l’application des dispositions existantes à l’encontre des voies de fait graves et de la torture lorsque la situation le justifie. Il est assurément important de pouvoir compter sur un tel moyen de dissuasion qui fait en sorte que les coupables ont vraiment des comptes à rendre. Étant donné que certains outils déjà à notre disposition ne sont pas utilisés, nous pensons qu’il vaudrait la peine de chercher à déterminer s’il est nécessaire d’ajouter une nouvelle disposition au Code criminel interdisant la stérilisation forcée, ce qui permettrait à la fois de braquer les projecteurs sur cette problématique et de faciliter l’imposition de sanctions en la matière.

La sénatrice Pate : J’ai une question complémentaire.

Vos réponses à tous les deux m’ont inspiré une nouvelle question en lien avec une autre étude menée par notre comité. La plupart des recherches révèlent que les mesures de dissuasion ne sont efficaces que si l’individu a la quasi-certitude d’être démasqué et poursuivi. À la lumière de ce que les témoins précédents et vous-même nous avez dit, j’ai bien l’impression que les chances que cela se produise sont plutôt minces, compte tenu de ce que nous avons pu observer jusqu’à maintenant. Disons que c’était davantage une observation qu’une question.

Si je fais le lien avec cette autre étude que nous menons sur la situation des prisonniers, je me demande quelles sont les probabilités que l’on puisse satisfaire au critère du caractère volontaire en milieu carcéral. Certains témoins que nous avons reçus dans le cadre de cette autre étude, et notamment les gens de l’association des infirmières et infirmiers, nous ont indiqué que deux gardiens doivent toujours être présents lorsqu’une détenue placée en isolement reçoit des soins de santé. Pouvez-vous nous dire d’un point de vue juridique comment il est possible dans ce contexte que cela se fasse de manière volontaire?

Mme Hansen : Vous voulez savoir dans quelle mesure il est possible qu’une femme donne librement, dans ces circonstances, son plein consentement en toute connaissance de cause?

La sénatrice Pate : Est-ce possible avec la présence de deux gardiens?

Mme Hansen : Cela crée assurément un important déséquilibre des pouvoirs.

M. Prasad : Je pense qu’il serait très difficile d’établir qu’il y a eu un tel consentement. Le déséquilibre des pouvoirs est effectivement vraiment marqué. Il faut considérer que le contexte revêt une importance capitale lorsqu’il s’agit de déterminer s’il y a eu consentement éclairé, et il nous faut agir en conséquence.

La sénatrice Pate : Je présume que vous considéreriez qu’un tel consentement serait également moins probable dans le cas d’une femme qui est amenée de la prison à l’hôpital en étant accompagnée de deux gardiens et toujours menottée.

Mme Hansen : C’est justement pour cette raison que nous souhaiterions obtenir des directives plus claires de Santé Canada quant aux conditions exactes à remplir pour qu’il y ait plein consentement, donné librement et en connaissance de cause. Nous pourrions ainsi mieux savoir à quoi nous en tenir dans différentes situations en sachant clairement quelles conditions doivent être respectées pour qu’il y ait effectivement consentement.

La sénatrice Pate : Merci. Je pense aussi à certains exemples que vous nous avez donnés en me demandant ce qui peut arriver lorsqu’une détenue est victime d’une agression sexuelle et que l’un des agents qui l’accompagnent à l’hôpital est impliqué.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup de votre présence aujourd’hui. C’est la première séance que nous consacrons à cette étude, mais elle soulève déjà un grand nombre de questions auxquelles il nous sera difficile de répondre dans le peu de temps à notre disposition. Comme vous le savez, il s’agit d’une étude qui ne durera que quelques semaines, mais si l’on présume qu’il sera possible de la poursuivre à l’automne en élargissant la portée de notre examen — compte tenu de ces nouvelles questions qui ont été soulevées —, pourriez-vous nous faire quelques suggestions quant aux aspects que nous pourrions analyser, aux recommandations que nous pourrions faire ou aux lacunes que nous pourrions chercher à combler par rapport aux recherches déjà menées à ce sujet?

M. Prasad : Merci de cette question, madame la sénatrice. Le travail des parlementaires comporte de nombreux avantages et privilèges. Vous disposez des ressources nécessaires et vous avez des comptes à rendre à l’égard d’un travail que vous effectuez en toute transparence et de manière non partisane. Je pense que vous avez tout à fait raison. L’étude que vous entreprenez aujourd’hui n’est que le début d’un processus important et il convient d’en faire davantage, même au niveau du Parlement, pour en arriver à une meilleure compréhension de cette crise.

Je souhaiterais pour ma part que l’on puisse même aller jusqu’à mettre en place un sous-comité mixte spécial formé de parlementaires membres des comités de la santé, des droits de la personne et des affaires autochtones afin d’approfondir cette étude. Je crois qu’il y a différents aspects sur lesquels un sous-comité semblable pourrait se pencher.

Mme Hansen : Nous sommes également favorables à la création d’un sous-comité mixte, car ce serait sans doute l’instance la mieux appropriée pour approfondir ces questions.

Pour aller davantage au fonds des choses, nous pourrions notamment puiser à même les données déjà existantes, sans qu’elles n’indiquent nécessairement s’il y a eu ou non consentement libre et éclairé. On pourrait sans doute par exemple obtenir de l’Institut canadien d’information sur la santé des renseignements quant aux endroits où l’on pratique la stérilisation au Canada. En mettant ces chiffres en parallèle avec certains facteurs d’identification, on pourrait voir si certains éléments sont particulièrement frappants. Peut-être nous rendrions-nous soudainement compte que la stérilisation est très fréquente dans une certaine région du pays, par exemple. Que faut-il en conclure? Quelles autres questions cela nous amène à poser? Qu’apprenons-nous de plus en superposant ces chiffres à des facteurs d’identification?

Il faudrait donc mettre à contribution les données existantes pour commencer à mieux comprendre l’ampleur de cette problématique, même sans nécessairement savoir s’il y a eu consentement ou non. Je pense que nous serions ainsi mieux à même de cibler quelques autres enjeux d’intérêt pour la poursuite de votre étude à l’automne.

M. Prasad : Je crois qu’il est également important de se demander quels éléments de la culture des professionnels de la santé font en sorte que ces pratiques puissent avoir cours. Est-ce que les pourvoyeurs de soins ont l’impression pour une raison ou une autre d’être mieux équipés pour prendre une telle décision que les patientes devant eux? Je pense que c’est un élément du problème dont on peut observer des manifestations distinctes dans le cadre d’autres formes d’interactions entre pourvoyeurs de soins et patients à l’extérieur du cadre strict de la stérilisation.

Il m’apparaît primordial d’éradiquer une telle attitude en se demandant d’où elle origine dans la culture de ces pourvoyeurs de soins et comment nous pouvons la changer. Quel genre d’éducation reçoivent ces professionnels relativement aux problèmes de racisme, de colonialisme ou de discrimination fondée sur la capacité physique ou la classe sociale? Je pense que ce serait des facteurs importants à examiner également dans le cadre de cette étude.

La sénatrice Hartling : Merci beaucoup de vos réponses à tous les deux.

La vice-présidente : Vous avez parlé du rôle que pourraient jouer deux ministères et peut-être davantage. Ceux de la Santé et de la Justice viennent tout de suite à l’esprit. Je crois que l’un de vous deux a indiqué espérer que l’on en vienne à apporter ces changements sans y être contraint, mais il arrive que la force dissuasive des lois soit nécessaire pour que les gens rendent compte de leurs actes.

Au Canada, bien évidemment, il y a également un problème de partage des compétences entre les provinces et le fédéral qui entre en jeu pour notre système de soins de santé. Je présume que le gouvernement fédéral pourrait sans doute prendre l’initiative en la matière, mais j’aimerais savoir comment nous pourrions mobiliser de concert les 3 territoires, les 10 provinces et le fédéral afin que tous comprennent la gravité de cette problématique qui a été vraiment camouflée pendant si longtemps.

Mme Hansen : Je pense qu’il faut notamment que le gouvernement fédéral exerce son leadership avec toute la fermeté voulue en montrant bien que cet enjeu figure au rang de ses priorités de telle sorte que les autres gouvernements n’aient d’autre choix que de lui emboîter le pas en vue d’une concertation dans ce dossier.

Lorsque le Comité des Nations Unies contre la torture a fait part de ses recommandations en décembre dernier, il a indiqué très clairement qu’il laissait un maximum d’une année au Canada pour faire rapport des mesures prises pour y donner suite. L’échéance est donc fixée à décembre prochain. Il va de soi que le Canada doit assumer les responsabilités découlant du traité et assurer la coordination des efforts déployés pour donner suite à ces recommandations.

Il faut éviter ce manque de transparence entourant le groupe de travail qui a été créé, comme l’indiquait Sandeep, pour plutôt tabler sur le leadership bien senti d’un gouvernement fédéral qui accepte la responsabilité de ce qui est arrivé, et admet que des changements s’imposent et qu’une concertation est nécessaire. C’est ainsi que l’on pourra obtenir la contribution de tous les ordres de gouvernement.

Non seulement le gouvernement fédéral doit-il exercer son leadership, mais il nous faut aussi une réponse très claire de Santé Canada de manière à éviter une mosaïque de solutions différentes à la grandeur du pays. Il ne faut pas que la réponse que vous allez recevoir du gouvernement et des autorités sanitaires varie suivant l’endroit où se fait la stérilisation. Nous voulons nous assurer que la marche à suivre pour obtenir un plein consentement, donné librement et en connaissance de cause soit la même au sein des systèmes de santé de toutes les régions du Canada.

Il n’y a aucun doute que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer. C’est en priorisant comme il se doit cet enjeu qu’il incitera les autres ordres de gouvernement à apporter une contribution significative dans la recherche de solutions.

M. Prasad : Je suis tout à fait d’accord avec la réponse que ma collègue vient de vous donner, sénatrice Cordy.

J’ajouterais qu’en plus d’exercer son leadership, le gouvernement fédéral doit s’approprier la responsabilité du système de santé au Canada. Il est essentiel que le gouvernement fédéral et Santé Canada reconnaissent le rôle important qu’ils ont à jouer dans l’établissement de normes et de lignes directrices permettant, comme le disait Mme Hansen, de connaître dans le cas qui nous intéresse les conditions à remplir pour obtenir un consentement libre et éclairé toutes les fois qu’un pourvoyeur de soins interagit avec une patiente. Il faut en outre que tout cela soit très clair dans l’ensemble du pays, ce qui exige la mise en œuvre d’un plan d’action national avec l’adhésion et le soutien des provinces et des territoires.

La vice-présidente : Madame Hansen, vous nous avez donné des exemples de femmes non autochtones qui ont été stérilisées et nous savons que cela arrive au Canada également. Reste quand même, à la lumière de tout ce que j’ai pu lire et des témoignages que nous avons entendus tout à l’heure, que les femmes autochtones sont certes très à risque et que le gouvernement fédéral est responsable de la santé des Autochtones. Bien qu’il y ait une certaine forme de délégation au bénéfice des provinces, le fédéral demeure responsable au bout du compte, comme il l’est également pour le système carcéral, pour revenir aux questions posées tout à l’heure par la sénatrice Pate. Le fédéral est le principal responsable dans ces deux secteurs.

La sénatrice Boyer : J’aimerais que l’on parle à nouveau de l’ampleur du problème. Je veux revenir au Comité des Nations Unies contre la torture. Vous avez indiqué qu’au Canada les femmes d’ascendance africaine, les immigrantes, les femmes autochtones, les femmes pauvres et les femmes aux mœurs légères font partie de celles qui ont été considérées faibles d’esprit et par conséquent stérilisées. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Nous avons appris que des femmes autochtones avaient été stérilisées il y a quatre mois à peine, et cette pratique a probablement toujours cours au moment où l’on se parle. Croyez-vous que les femmes de ces groupes sont encore stérilisées de force et, si tel est le cas, pour quelle raison?

Mme Hansen : C’était votre mémoire.

La sénatrice Boyer : J’essaie simplement de cerner un peu mieux la portée du problème.

M. Prasad : Nous nous sommes fondés en grande partie sur l’historique des groupes disproportionnellement ciblés en matière de stérilisation forcée. À notre avis, les cas qui ont fait les manchettes au cours des derniers mois ne représentent que la pointe de l’iceberg par rapport à l’idée que l’on peut se faire de l’ampleur véritable du problème lorsqu’on commence à interroger les détentrices de droits concernant leurs expériences dans ce contexte.

Mme Hansen : Nous avons également pu observer dans d’autres pays qu’outre les femmes autochtones, il y a également celles d’autres groupes, victimes de différentes formes de marginalisation et de discrimination, qui peuvent être ciblées de façon disproportionnée. J’estime qu’il est important de garder à l’esprit ces expériences vécues par les femmes ailleurs dans le monde lorsque vient le temps d’enquêter sur la situation dans le contexte canadien.

Il semble que le problème touche de façon disproportionnée les femmes autochtones. Il ne faut toutefois pas en conclure qu’il n’y a pas d’autres Canadiennes qui ont été victimes de cette pratique.

La sénatrice Boyer : Diriez-vous que le dénominateur commun est la pauvreté?

Mme Hansen : Je dirais que c’est la marginalisation.

La sénatrice Boyer : D’accord. Merci.

La sénatrice Bernard : Je m’excuse de n’avoir pas pu être ici avant. Je participais à l’événement L’autisme sur la Colline, un autre enjeu d’importance nationale sur lequel nous n’en faisons pas assez. Pardonnez-moi si vous avez déjà répondu à la question que je m’apprête à vous poser.

Quand ce sujet a été présenté au comité pour la première fois, l’accent a été mis sur les femmes autochtones, et nous avons évidemment entendu parler du grave problème de la stérilisation forcée de femmes autochtones. Cette étude m’a rappelé les conclusions d’un projet de recherche que j’ai mené pendant mon ancienne carrière universitaire. Quelques collègues et moi avons mené une recherche entre 2002 et 2007 sur les femmes néo-écossaises d’origine africaine vivant dans les régions rurales et leur expérience des soins de santé, leur accès aux soins de santé.

Je me suis rappelé l’une des conclusions que beaucoup de membres de l’équipe avaient trouvée troublante, c’est-à-dire que la majorité des femmes néo-écossaises d’origine africaine d’une petite ville rurale en particulier avaient subi une hystérectomie. Dans une même famille, la mère et ses trois ou quatre filles avaient subi une hystérectomie. Quand nous avons essayé d’en comprendre les raisons, les femmes directement touchées, qui avaient subi ces hystérectomies, ne savaient pas pourquoi elles les avaient subies, ce qui peut porter à croire qu’il y avait là un problème de consentement non éclairé.

Pouvez-vous nous orienter un peu et nous dire si vous croyez que la portée de cette étude nationale nous permettra de découvrir d’autres pratiques du genre au pays? Si nous devions les examiner, auriez-vous des angles d’approche à nous suggérer?

Mme Hansen : Je pense que l’exemple que vous venez de nous donner illustre parfaitement pourquoi nous avons tellement besoin d’enquêter davantage. Je pense qu’il met aussi vraiment en évidence la nécessité d’adopter une approche axée sur les survivantes et de tenir compte des traumatismes vécus. C’est le genre de contexte où il faut avoir une idée des personnes susceptibles d’être les plus touchées par le problème pour savoir où chercher, quelles questions poser, qui est le mieux placé pour faire le travail et comment faire en sorte qu’il soit vraiment axé sur les personnes les plus probablement touchées.

En ce moment, nous sommes tous en train de rassembler l’information tirée des divers travaux réalisés sur le sujet pour déterminer comment nous pouvons procéder pour étudier la question de façon systématique, mais en étant sensibles aux traumatismes et pour comprendre toutes les nuances et les complexités de ce phénomène au Canada, sans nous concentrer sur seulement un groupe en particulier.

Je ne suis pas étonnée que ce soit arrivé, mais je n’ai jamais lu sur le sujet et je ne suis pas très au courant non plus. Je soupçonne qu’il y a beaucoup d’histoires comme celles que vous venez de raconter au Canada. Je pense qu’il faudra réfléchir attentivement à la structure à donner à l’enquête pour que ces personnes se sentent assez en confiance pour nous faire part de leur vérité.

M. Prasad : Sénatrice Bernard, pour ajouter à la réponse de ma collègue, je pense qu’une partie de l’enquête devra vraiment consister à nous demander, dans chaque cas, ce qui aurait pu être fait différemment pour que cela n’arrive pas. Quand on aura compilé toute l’information, il y aura probablement toute une série de réponses législatives et politiques nécessaires pour que l’histoire ne se répète pas. Il faudra aussi probablement mieux définir la norme entourant le consentement éclairé et trouver une façon de veiller à ce que les fournisseurs la respectent dans tous les cas. Cela devra assurément faire partie d’un plan d’action national.

La sénatrice Bernard : Merci. Je présume que la question des personnes handicapées, des femmes en particulier, se pose aussi et que ces femmes sont surreprésentées parmi celles à avoir été stérilisées sans y avoir donné leur plein consentement éclairé. Est-ce qu’on en a déjà parlé?

La vice-présidente : Le groupe de témoins précédent en a parlé brièvement.

La sénatrice Bernard : Merci.

La sénatrice Boyer : Madame Hansen, j’ai une question pour vous. Nous avons effleuré le sujet à la séance précédente. Pouvez-vous nous donner des exemples de stérilisation forcée ou coercitive ailleurs dans le monde, où à votre avis, des mesures de réparation adéquates ont été prises? Pouvez-vous nous les décrire un peu, nous expliquer comment elles ont été mises en place et où en sont les femmes touchées maintenant?

Mme Hansen : Je pense que le meilleur exemple serait celui du Pérou, qui a touché des centaines de milliers de femmes dans le cadre d’un programme de planification des naissances administré par l’État pendant une dizaine d’années.

J’encouragerais le comité à entendre Maria Ysabel Cedano Garcia, de DEMUS, une organisation péruvienne. C’est l’une des principales défenseures des survivantes qui les accompagne sur la voie de la justice. Elle sera à Ottawa du 29 avril au 1er mai. Si vous avez l’occasion de l’inviter à comparaître devant le comité, je sais qu’elle serait prête à le faire.

Je ne pourrais absolument pas vous décrire ce travail comme elle le ferait elle-même, mais je suis convaincue que nous pourrions beaucoup apprendre de l’expérience péruvienne, de toutes les bonnes choses qui ont été faites comme des difficultés que le pays a connues.

L’un des défis les plus énormes dans cette affaire, au Pérou, c’est d’en tenir responsables les stratèges à l’origine de ce programme de planification des naissances. On attend depuis déjà 15 ans que les personnes qui ont imaginé ce programme soient tenues responsables de leurs actes, mais nous n’y sommes pas encore tout à fait. Il y a des avancées, mais c’est l’un des plus grands défis.

L’un des éléments positifs, d’une certaine façon, c’est qu’on a mis en place un registre des survivantes, pour qu’elles puissent s’enregistrer. Il y a différentes mesures qui ont été mises en place, et le registre leur donne accès à tout cela. L’une des difficultés est la communication avec les femmes autochtones des communautés rurales et éloignées susceptibles de parler la langue quechua plutôt que l’espagnol, par exemple, pour qu’elles soient au courant des services de soutien et des indemnités auxquelles elles pourraient avoir droit.

Je pense qu’il y a de bonnes et de mauvaises leçons à tirer de l’expérience péruvienne, qu’il serait utile d’étudier. Je pense que c’est le pays à avoir abordé la chose de la façon la plus systématique. Je rappelle que cette histoire n’est pas terminée et qu’elle est loin d’être parfaite, mais elle pourrait nous inspirer des pistes de solution pour le Canada.

La sénatrice Boyer : Cette affaire a-t-elle touché d’autres femmes que des femmes autochtones? A-t-elle fait d’autres victimes?

Mme Hansen : Ce sont surtout des femmes autochtones qui en ont été victimes, mais il y a aussi d’autres femmes pauvres des régions rurales, des campesinas, qui ont été stérilisées sans leur consentement, de même que quelques hommes.

La sénatrice Boyer : Des personnes transgenres?

Mme Hansen : Bonne question. Pas à ma connaissance. Je ne connais pas la réponse à cela, mais nous savons que dans bien des pays, y compris dans certains pays de l’Europe du Nord, la stérilisation est obligatoire pour beaucoup de personnes transgenres désireuses de modifier leurs pièces d’identité, et c’est une chose contre laquelle nous nous élevons.

La sénatrice Boyer : Y a-t-il un film qui a été produit et diffusé sur le sujet?

Mme Hansen : Tout à fait. Il y a un film intitulé Ama qui est sorti en décembre. Il a été produit par des réalisateurs et des centres britanniques, qui y racontent l’histoire de survivantes aux États-Unis, principalement de femmes navajo. Je dois admettre que quand j’ai regardé ce documentaire, j’ai trouvé que leurs histoires correspondaient exactement à celles qu’Alisa entend des clientes qu’elle représente. Elles ne sont pas très différentes. Il est connu que c’était une pratique répandue aux États-Unis, qui a probablement toujours cours, et qui ne reçoit pas l’attention qu’elle mériterait dans ce pays.

La sénatrice Boyer : Merci.

La vice-présidente : J’aimerais vous remercier d’être venus vous entretenir avec nous, madame Hansen et monsieur Prasad. Vous avez donné une couleur internationale à notre discussion, mais en même temps, vous avez su mettre l’accent sur ce qu’il faut faire au Canada pour améliorer et changer les choses. Vous avez tous contribué à enrichir nos connaissances aujourd’hui. Je vous remercie infiniment d’avoir passé ce temps avec nous.

Honorables sénateurs, avant de lever la séance, j’aimerais mentionner que mercredi prochain, le 10 avril, notre comité poursuivra son étude sur la coercition et la stérilisation forcée, puis que nous entendrons le témoignage de représentantes de trois organisations de femmes autochtones et inuites, donc ce devrait être très intéressant.

(La séance est levée.)

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