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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 1 - Témoignages du 2 février 2016


OTTAWA, le mardi 2 février 2016

Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 33, pour étudier une ébauche de rapport, conformément à l'article 12-26(2) du Règlement, et pour étudier un projet d'ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour à tous et bienvenue. C'est notre première réunion depuis les fêtes de fin d'année. J'espère que vous avez tous passé de très belles fêtes, et que vous avez pu vous reposer et recharger vos batteries.

Il y a deux articles à l'ordre du jour : d'abord, l'étude d'une ébauche de rapport.

[Traduction]

Est-ce que tous les membres du comité ont ce rapport? Vous l'avez?

C'est un rapport sur nos dépenses extravagantes au cours de la deuxième session de la quarante-et-unième législature : 1 910 $.

Le sénateur D. Smith en propose l'adoption. Êtes-vous tous d'accord?

Des voix : D'accord.

La présidente : Contre? Des abstentions?

Adopté.

Faut-il que je demande une motion pour en faire rapport? Le sénateur Joyal propose que je fasse rapport de ce rapport au Sénat. Adopté?

Des voix : Oui.

La présidente : Adopté.

Le sénateur Tkachuk : Est-ce que c'est tout?

La présidente : Presque. Nous devons examiner un projet d'ordre du jour. La vie serait beaucoup moins compliquée si nous savions à quel moment nous serions saisis d'une question de privilège. Le Président du Sénat a rendu sa décision sur la question de privilège de la sénatrice Hervieux-Payette. C'est maintenant une question de privilège, et elle a déposé devant le Sénat une motion pour en saisir notre comité. Dès que cela sera fait, nous devons écrire au vérificateur général qui, au cours de la dernière session, en réponse à une question du sénateur White, s'est dit tout à fait prêt à coopérer et à venir nous informer sur le sort du rapport dans son bureau. Dès que nous aurons obtenu cela, je vous demanderai l'autorisation de répondre au vérificateur général, mais nous n'en sommes pas là encore.

La sénatrice Hervieux-Payette prévoit de parler de sa motion demain après-midi. Sauf s'il y a des ajournements sans fin, je m'attends à ce que nous en soyons saisis d'ici notre séance de la semaine prochaine.

Le sénateur White : Je suis d'accord. C'est probablement ce que nous aurons à faire. Il faut que chacun de nous soit muni d'un exemplaire du rapport provisoire concernant le privilège parlementaire.

La présidente : C'est le prochain point sous la rubrique « Étude d'un projet d'ordre du jour ». La question de privilège, si nous en sommes saisis, aura préséance sur tout le reste.

Il y a quelques autres motions.

Le sénateur D. Smith : En ce qui concerne la dernière, aurons-nous besoin d'embaucher un détective privé tout à fait indépendant pour aller au fond des choses?

La présidente : Proposez-vous M. Binnie ou quelqu'un comme lui?

Le sénateur D. Smith : Je me demande si vous êtes convaincue que nous...

La présidente : Mais cela entraînerait des dépenses, et nous avons une si belle réputation pour les dépenses évitées.

Le sénateur D. Smith : Eh bien, si ce sont vos priorités. Pour ma part, je préférerais la vérité.

La présidente : Tout comme nous tous.

Le sénateur Tkachuk : Quand nous avons eu le problème des fuites avec la Régie interne, et il y en avait beaucoup, on a fait appel à la Sécurité.

La présidente : Je me rappelle que ses agents sont venus enquêter, qu'ils ont fait des interrogatoires détaillés et qu'ils ont demandé à voir comment vous sécurisiez les documents, mais qu'en est-il sorti?

Le sénateur D. Smith : Sommes-nous convaincus que nous trouverons la vérité?

La présidente : Comme le dit le sénateur Tkachuk, nous découvrons rarement la vérité sur les fuites, mais nous pouvons agir, et si le comité est d'accord, nous pouvons faire rapport de notre travail à la Chambre. C'est bien connu que les fuites, c'est sérieux. Il est seulement très difficile d'en trouver les responsables, mais nous ne devrions pas fermer les yeux et minimiser leur importance.

Le sénateur D. Smith : Je suis d'accord. Nous devrions nous rappeler la maxime : la vérité rend libre.

Le sénateur Tkachuk : Si le destinataire des fuites croit qu'il a le droit conféré par Dieu de les recevoir et de n'en parler à personne, il ne dira rien, même devant le juge. La Sécurité ne pourra lui tirer les vers du nez.

Dommage que le supplice de la planche n'existe plus : ce serait bien plus facile.

La présidente : Je l'ignore. Mon ex-collègue dans l'art de...

Le sénateur Tkachuk : Néanmoins, il est très difficile de connaître la vérité. Je suis sénateur depuis longtemps, c'est arrivé je ne sais combien de fois, et ce n'est jamais personne.

La présidente : On ne sait jamais.

Le sénateur Tkachuk : Tout le monde sait, mais personne ne sait vraiment.

La présidente : J'ai toujours cru que le coupable était l'auteur de la fuite et non celui qui recevait les renseignements. Je ne peux en vouloir au journaliste à qui on fournit de bons renseignements.

Le sénateur Tkachuk : Je ne me plains pas. Je dis seulement ce qu'il en est.

La présidente : On nous posera presque certainement cette question et je proposerais que nous commencions ce travail par l'audition du vérificateur général ou de ses adjoints.

Le deuxième point, c'est le rapport provisoire, le document de travail, sur la question de privilège, cher au sénateur White. Vous vous rappellerez que nous avons demandé à la Bibliothèque d'en faire un résumé, pour nos mémoires défaillantes. Le travail est fait, et si vous n'en avez pas déjà le résultat, vous l'aurez très bientôt.

Faute d'une question de privilège et de toute autre demande à notre programme et vu que le comité de direction était d'avis qu'il conviendrait de revoir cette étude, le document de travail, je proposerais que nous y travaillions ici, en comité, encore une fois, pour nous mettre d'accord. Nous verrons ensuite. J'aimerais entendre des idées sur les premiers témoins que les membres du comité voudraient entendre sur la question.

On a laissé entendre que les membres ou que le président du sous-comité pourrait livrer le premier témoignage, encore une fois pour nous mettre au niveau. J'aimerais entendre d'autres propositions pour les deuxième et troisième témoins.

Le sénateur White : Je pense que le sénateur Furey ferait une excellente entrée en matière, et nous pourrions peut- être lui accorder la plus grande partie de la séance pour qu'il explique le sujet des discussions. Le sénateur Joyal aussi, bien sûr. Ce serait un point de départ pour le travail à venir. Ensuite, nous pourrions examiner une liste de témoins et peut-être des éléments d'information provenant de Nouvelle-Zélande. Je sais que le greffier a eu des discussions avec les Néo-Zélandais. Peut-être pourrait-il nous aider dans une partie du dialogue à venir. La question se pose là-bas depuis cinq ou six ans, je pense. Une partie de leur travail nous sera utile après que nous aurons entendu le sénateur Furey.

La présidente : Je pense qu'il nous serait peut-être utile d'entendre les représentants d'autres parlements, mais je sais que vous avez absolument raison quand vous dites que la Nouvelle-Zélande a fait diligence sur cette question.

Finalement, le comité devra envisager des modifications au Règlement du Sénat, vu l'éventuelle croissance du nombre de sénateurs indépendants et l'absence supposée, autant que nous le sachions, d'un leader du gouvernement au Sénat. Le règlement lui attribue des tâches précises, à lui ou à son adjoint ou, encore, au caucus du gouvernement. Selon les conditions dans lesquelles nous devrons finalement travailler, nous aurons du pain sur la planche. Une partie devrait probablement attendre la mise en marche du Comité de la modernisation du Sénat. Une partie risque d'être plus urgente et peut devoir être expédiée, pour que le Sénat puisse continuer à fonctionner.

L'un des exemples que j'aime citer est que c'est probablement le leader du gouvernement seulement qui peut déposer des propositions de frais d'utilisation, lesquelles ne peuvent ne pas parvenir au greffier par des moyens détournés parce qu'elles doivent aller au Sénat. Si on avait besoin de nouveaux frais d'utilisation, nous pouvons chercher à obtenir l'autorisation du Sénat pour les adopter, malgré telle ou telle règle. Il serait bon de nous appliquer à mettre les choses en ordre.

La sénatrice Cools : Je voudrais soulever une question qui me semble importante, sur les leaders du gouvernement. Nous avons utilisé de manière interchangeable « leader du gouvernement » et « ministre » jusqu'à ce que, il y a quelques années, pour des raisons qui me semblent mystérieuses, le leader du gouvernement, à la dernière session, à peu près, cesse d'être un ministre. Il faut, à la Chambre, la présence d'un ministre pour faire de n'importe quel sujet une question intéressant le gouvernement. Peut-être devrions-nous examiner un peu ce problème, vu la confusion à ce sujet. Il faut la présence d'un ministre — et je pourrais en disserter poétiquement pendant des heures —, je ne crois donc pas que nous puissions négliger plus longtemps l'étude de cette question.

La présidente : Cet argument, que vous avez présenté dans la salle du Sénat, me stimule et m'inspire.

La sénatrice Cools : Nous avons eu un ministre pendant tellement d'années.

La présidente : Nous n'avons encore aucune idée, vu que le comité de la modernisation du Sénat n'existe pas encore, des points communs et des différences entre ce comité et le nôtre. Je pense qu'une partie de ce dont vous parlez pourra relever aussi du mandat du nouveau comité. La Loi sur le Parlement du Canada devrait mentionner à ce sujet un ministre, mais comme ce n'est pas le cas, cela nous cause quelques problèmes. En effet, elle parle plutôt d'un leader du gouvernement.

La sénatrice Cools : Tout cela a été débattu il y a longtemps.

La présidente : Je sais, mais nous en sommes là — il y a une loi.

La sénatrice Cools : Beaucoup ne voulaient pas que les règles parlent de ces pratiques, parce qu'elles sont anciennes et antérieures à toutes les règles. Vous devez savoir que, en 1991, quand les règles ont été rédigées, en grande partie telles que nous les connaissons maintenant, on a beaucoup discuté de certaines de ces pratiques, et elles ont soulevé beaucoup d'opposition aussi. Nous essayons maintenant de changer les règles pour les adapter à la réalité; mais c'est la réalité qui devrait prévaloir.

Qu'on parle de modernisation du Sénat, je trouve cela intéressant. Certaines de ces pratiques sont aussi vieilles que Mathusalem, alors je ne comprends pas pourquoi on a utilisé le mot « modernisation ».

Des pratiques anciennes, n'est-ce pas, monsieur le sénateur Tkachuk — vous vous rappelez de certaines très bien. Vous êtes presque aussi ancien que moi.

Le sénateur Tkachuk : Je me sens vieux jusqu'à ce que j'entende la sénatrice Cools.

La sénatrice Cools : Vous vous sentez alors jeune et plein de vie, peut-être.

Le sénateur Tkachuk : Ce qui me dérange, c'est que j'ai toujours pensé que nous étions responsables de notre maison.

La présidente : Nous le sommes.

Le sénateur Tkachuk : Actuellement, il me semble que non.

J'essaie de rester le plus apolitique qu'il m'est possible de l'être, mais il me semble que si le premier ministre veut des politiques différentes de celles que nous avons maintenant pour l'administration de la seconde chambre, tout en respectant notre autonomie, alors c'est ce que nous devrions faire; autrement dit, nommer un leader du gouvernement. Quelqu'un pourrait se présenter ici, le leader à la Chambre ou le premier ministre lui-même, comme le faisait son prédécesseur, quand il venait nous présenter un projet de loi à adopter. Il se présentait devant le Sénat, expliquait ses intentions et nous l'étudiions.

Je pense que le premier ministre ou le leader à la Chambre devrait se présenter devant le comité et lui annoncer ses intentions, son plan, que nous examinerions. On suivrait un certain ordre. Autrement dit, le leader à la Chambre serait en place. Nous ferions ce que nous avons à faire. Les projets de loi arriveront bientôt. Mais, en ce moment même, il nomme quelqu'un qui n'existe pas. Il nomme un représentant du gouvernement, mais nous n'en avons pas.

Je suis franchement confus et un peu préoccupé au sujet de notre indépendance. J'ignore comment nous pouvons résoudre cela, mais j'aimerais sûrement entendre l'opinion de votre groupe, de même que des opinions dans le nôtre. Je le vois ainsi. Je trouve le gâchis actuel inacceptable. Le sort actuel de la seconde chambre indépendante, c'est franchement de la foutaise et c'est à peu près tout ce que je peux dire de sensé sur cette question.

La présidente : C'est bien dit, en effet.

Le sénateur D. Smith : Pour faire suite à cette conversation, nous devrions élaborer une liste de sujets éventuels pour l'ordre du jour, et cette question devrait se trouver près du début de la liste sinon au début. Autrement dit, nous avons besoin d'être éclairés sur le contexte, l'environnement inédit qui nous entoure, d'être éclairés sur certaines suppositions que nous avons toujours faites sur des points essentiels et que nous avons toujours tenues comme allant de soi.

Le sénateur Tkachuk : Ce sont nos règles.

La présidente : Ce sont nos règles, mais des règles qui remontent à une époque où les sénateurs indépendants étaient rares.

Je n'ai eu de discussions avec personne au gouvernement, mais j'ai remarqué que, à maintes reprises, dans ses conférences de presse, M. LeBlanc a dit que la décision revenait au Sénat. Cependant, deux organismes sénatoriaux se mettront au travail : notre comité, et le comité de la modernisation qui, pourtant, n'existe pas encore.

Sénateur Tkachuk, je ne conteste absolument pas votre point de vue. Pour le moment, je suis allée aussi loin que là où j'étais prête à aller.

Le sénateur Tkachuk : Je pense que la notion de sénateur indépendant et l'idée de ne pas siéger ensemble dans un caucus national ne rendent personne indépendant. Cela opère simplement des clivages, mais sans rien enlever à ce qu'on est. Vous êtes des sénateurs libéraux, sauf que vous ne faites pas partie du caucus national. Il n'y a rien là d'inhabituel. En fait, nous avons discuté de notre participation au caucus national, mais certainement sans cesser de nous considérer comme des conservateurs. J'ai entendu l'autre jour, à la télévision, le leader à la Chambre dire qu'il espérait nommer des progressistes. Et bien pardon! Je ne suis pas le dernier des imbéciles, mais de quoi parlait-il?

Il y aura des sénateurs qui représentent le gouvernement ou qui ne le représentent pas. C'est ainsi. Qu'ils se qualifient de conservateurs ou de libéraux ne les rend pas indépendants. Cela en fait seulement des libéraux et des conservateurs qui, dans un cas, n'appartiennent pas à un caucus national, et qui, dans l'autre, y appartiennent. C'est tout.

La sénatrice Batters : Simplement pour revenir à ce que vient de soulever le sénateur Tkachuk, on verra d'abord en quoi consiste la nouvelle réalité. Nous ignorons vraiment ce qu'elle sera. Elle semble changer presque toutes les semaines. Le nouveau gouvernement libéral choisit de suivre une certaine ligne de conduite. Il apprendra tout simplement ce que sont nos règles, et nous verrons, après qu'il aura imposé cette nouvelle réalité, s'il nous faut les changer. Il se peut aussi que, simplement parce qu'il veut que nous changions nos règles, ce ne soit pas nécessairement une bonne raison pour nous de le faire.

Dernièrement, le ministre LeBlanc a aussi répété dans la presse, que le Sénat devra changer ses règles. Eh bien, je ne pense pas que c'est à lui de nous faire la leçon. Nous verrons bien. Ensuite, nous choisirons la marche à suivre.

Le sénateur White : Dans la même ligne de pensée, on discute même comment on proposera les noms des futurs sénateurs, sur la recommandation, je pense, d'universités et d'organismes sans but lucratif, qui me disent qu'ils ne sont pas indépendants. En fait, quelqu'un, quelque part, fait déjà des recommandations. Il serait bon de faire venir ici un ministre, à un moment donné, pour qu'il nous explique la procédure, puisqu'elle influera sur nos travaux à venir. Cela reste officieux, mais, pourtant, nous savons que nous en subirons tout l'impact dans quelques semaines. Ça ferait aussi un bon sujet de discussion.

La présidente : À titre indicatif, j'ai lu la dernière déclaration du ministre hier ou ce matin. Il précisait très clairement que l'exigence selon laquelle les nouveaux sénateurs devront être proposés par une organisation ne s'applique qu'au premier groupe, après quoi les candidats pourront poser leur candidature par les voies normales.

Le sénateur White : Des sénateurs, et des sénateurs différents, qui sont progressistes et rétrogrades.

La sénatrice Batters : Voilà d'où viendra le leader.

Le sénateur White : Je m'entendrai probablement bien avec ceux qui sont rétrogrades.

Le sénateur Joyal : J'aimerais que nous abordions les points dans l'ordre, si possible. Nous pourrions commencer par discuter de la question du privilège et tenter de voir s'il y a un consensus à ce sujet entre les membres du comité. Nous pourrons ensuite passer aux autres points, et j'aurai alors quelques propositions.

Pour ce qui est du privilège, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a eu un rapport. Lorsque nous l'avons déposé, si ma mémoire est bonne — le sénateur Tkachuk pourra me corriger —, nous avions envisagé de le soumettre à l'étude d'un comité plénier, puisque la question touche à la fois chaque sénateur et l'ensemble de l'institution. Même si je n'ai aucune objection à ce que le président du sous-comité et le sénateur White viennent nous rafraîchir la mémoire à chacun, je pense que l'objectif était d'échanger avec l'ensemble de nos collègues. Je ne vois pas pourquoi le sénateur Furey ne pourrait pas présenter son résumé ou les points importants au Sénat en entier. Il y a une question de partage de l'information dans le rapport qui est nécessaire.

Je le répète : j'étais tout à fait d'accord avec la proposition du sénateur Tkachuk à ce moment-là, d'autant plus que notre programme législatif n'est pas très chargé, et il va sans dire que nous pourrons prendre une heure de l'horaire du Sénat dans les jours et les semaines à venir pour faire connaître la teneur du rapport à l'ensemble de nos collègues. J'aimerais que notre comité repense à cette ligne de conduite, qui pourrait nous être utile à tous.

J'essayais de me rafraîchir la mémoire pendant que les sénateurs s'exprimaient — je tiens à être respectueux envers mes collègues —, de sorte que nous puissions reprendre là où nous nous étions arrêtés lorsque nous avons clos nos discussions sous la présidence du sénateur White.

La présidente : Il est vrai que la séance pourrait durer une heure; les comités pléniers durent rarement bien plus longtemps. Pensez-vous qu'il pourrait y avoir d'autres délibérations par la suite?

Le sénateur Joyal : Justement. Les membres du sous-comité étaient le sénateur White, le sénateur Nolin et moi. Le sénateur Furey en assurait la présidence, mais ceux parmi nous qui en étaient membres peuvent certainement aider nos collègues qui souhaitent poser des questions, en plus de leur donner de l'information. Nous pourrions ensuite lancer un débat plus approfondi puisque nous commencerions alors avec plus ou moins la même information tirée du rapport. Nous pourrions probablement déterminer la suite des choses par la suite.

Je crois qu'il est très important que la prochaine étape soit de procéder par comité plénier à ce sujet. Comme je l'ai dit, il faut informer nos collègues qui n'ont pas eu la chance de participer à l'étude ayant donné lieu au rapport sur ces enjeux. Comme vous le savez, c'est un rapport exhaustif qui ne compte pas que trois pages.

La présidente : Non, non.

Le sénateur Joyal : La question est plus complexe que cela.

La présidente : C'est un rapport dense qui contient énormément d'information.

Le sénateur Joyal : Les répercussions sont nombreuses.

Voilà donc ce que je propose à ce sujet.

La présidente : Il faudra bien sûr soumettre la proposition à nos caucus et à nos chefs, de même qu'au Président et à tout le monde.

Le sénateur Joyal : Mais au moins, nous commençons quelque part.

La présidente : C'est ce que nous allons faire; nous allons en faire la proposition.

Le sénateur Joyal : C'était mon premier point. J'ignore si vous voulez en discuter davantage avant que nous passions au prochain point que je souhaite aborder.

La présidente : La sénatrice Martin aimerait en discuter, après quoi nous reviendrons à vous.

La sénatrice Martin : Sénateur Joyal, je suis tout à fait d'accord quant à votre proposition d'examiner la question en comité plénier, et je sais que le sénateur Tkachuk l'a proposé. En fait, je pense que cela se rapporte à ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant à propos de l'institution et de la Chambre haute. Voilà qui nous rappellerait clairement les fondements sur lesquels l'institution est basée. Il serait bon que nous nous en souvenions tous. En fait, un tel rappel pourrait même nous préparer aux nouvelles situations qui pourraient se présenter à nous.

Comme la sénatrice Batters l'a dit, il incombe au Sénat de décider ce que nous allons changer au Règlement du Sénat, de même que ce que nous devons modifier pour éventuellement répondre aux changements imposés et nous y adapter. Notre Règlement est clair. Lorsque les gens de l'extérieur observent ce qui se passe en chambre sans en comprendre le Règlement, voilà qui peut être déroutant pour eux, mais notre institution comprend; je sais que maintenant, j'apprécie vraiment le travail que nous réalisons.

Si les changements s'opèrent bel et bien, nous en discuterons en profondeur. Nous pouvons délibérer en long et en large au sein de notre Comité du règlement, mais nous nous en remettons ensuite à la chambre. Certains rapports peuvent y demeurer si la chambre estime que le moment est mal choisi pour un tel changement.

Je pense qu'il est bon de soumettre la question au comité plénier, ce qui nous rappellera très clairement les fondements de notre institution; ce sera un bon exercice pour nous, alors que nous nous préparons à l'arrivée de nouveaux collègues au Sénat.

La présidente : Sénatrice Cools, vous pouvez intervenir sur le sujet.

La sénatrice Cools : Le comité plénier joue un rôle essentiel, et je suis tout à fait d'accord avec la proposition. Je crois toutefois qu'il doit être bien clair que si nous choisissons cette voie, nous ne nous limiterons pas à une réunion de comité plénier organisée un jour donné, après quoi il n'y aurait plus rien.

Je serai ravie d'appuyer la proposition si nous tenons une série de comités pléniers, qui peuvent être ajournés et repris. C'est ce que nous avons fait lors des grandes discussions sur le lac Meech. Je pense que le sénateur Tkachuk s'en souviendra.

Vous en souvenez-vous? Les rencontres se poursuivaient sans cesse.

Le sénateur Tkachuk : Oui. Je suis arrivé au Parlement après le lac Meech, mais j'en ai entendu parler.

La sénatrice Cools : Quoi qu'il en soit, je pense que c'est une grande question. Bien franchement, je crois que les sénateurs ont besoin de temps pour étudier ces enjeux. C'est probablement l'affaire la plus vaste que nous pouvions étudier, et les sénateurs auront besoin de temps pour s'en faire une idée.

Il faut clairement indiquer qu'il ne s'agira pas d'une seule réunion d'une heure tenue un jour donné, puis plus rien, après quoi une personne forcerait le vote et proposerait une question. Les délibérations doivent être approfondies et prendre le temps nécessaire que la question mérite.

Je ne voudrais pas soulever une question de privilège devant vous si les choses ne se passent pas ainsi. Nous tournerions alors en rond. L'étude nous reviendrait ensuite, et nous recommencerions du début.

La présidente : J'aimerais expliquer aux membres du comité pourquoi je propose que nous recevions quelques témoins avant de soumettre la question à la chambre. L'objectif est simplement de mettre tout le monde au courant, car nos confrères compteront sur nous. En revanche, je suis tout à fait d'accord avec tous ceux qui sont présents sur le fait qu'au bout du compte, et avant longtemps, c'est le Sénat et non pas notre comité qui doit trancher.

Le sénateur Joyal : Avons-nous terminé ce point?

La présidente : Nous avons fait le tour de la question du comité plénier.

Le sénateur Joyal : Je crois que nous devrions procéder dans l'ordre pour obtenir un consensus.

La présidente : Je ne vois pas d'autre intervention sur la question.

Je pense que nous comprenons votre point, sénatrice Cools.

La sénatrice Cools : Je crois aussi qu'il doit être bien clair que peu de gens s'attardent à la question. Je n'en compte pas dix au pays, et peut-être même pas cinq, alors que c'est probablement l'affaire la plus importante dont nous serons jamais saisis. Je pense que nous devons y accorder l'attention que le sujet requiert et mérite. J'ai beaucoup de documents pour les sénateurs qui n'en ont pas.

La présidente : Sénateur Joyal, veuillez présenter votre deuxième point.

Le sénateur Joyal : Mon deuxième point se rapporte à la question soulevée par le sénateur Wallace, par certains sénateurs indépendants et par d'autres sénateurs.

À ce stade-ci, je pense qu'il serait prématuré de se prononcer sur la position des sénateurs indépendants avant que le Président n'ait rendu sa décision. C'est ce que je pense, avec respect envers le Président. J'ai une opinion sur la question, et je l'ai soumise au Sénat lorsque le sujet a été abordé. En fait, notre comité devrait attendre que le Président se prononce sur la question puisque sa décision pourrait influencer notre façon d'aborder celle-ci.

Si le Président détermine qu'il y a une question de privilège, il pourrait nous incomber de passer à l'étape suivante. Si le Président estime que ce n'est pas le cas, nous pourrions tout de même être saisis de la question.

J'aimerais répondre aux remarques de la sénatrice Batters, que je trouve tout à fait justes. Devrions-nous attendre l'arrivée de nouveaux sénateurs afin de connaître leur position? Pour l'instant, je trouve les règles plutôt claires. Il s'agit de sénateurs candidats qui appartiennent à un parti enregistré, aux termes de la Loi électorale. C'est ainsi que nous pouvons reconnaître les libéraux au sein du Sénat.

Nous verrons au courant de l'année où décideront d'aller les nouveaux sénateurs qui pourraient arriver — plus de 22. S'ils demeurent « indépendants », et je suis convaincu qu'un certain nombre d'entre eux le seront, en plus de ceux qui sont déjà en poste, près du tiers du Sénat pourrait désormais être « indépendant ». Dans cette optique, la question devra assurément être abordée d'une manière ou d'une autre.

Permettez-moi de revenir sur votre point. Devrions-nous attendre leur arrivée ou non avant d'examiner la situation? Voilà selon moi la question qu'il faut se poser.

Il va sans dire que si nous revoyons leur position, des modifications au Règlement pourraient être nécessaires, ce qui passerait par notre comité. Le Comité sur la modernisation pourrait s'attarder à la nature des changements sur le plan politique. Comme vous pouvez le comprendre — et j'ai abordé la question devant le Sénat —, si le groupe devient aussi important et compte plus de 30 membres, y compris les sénateurs déjà en poste, comment pourrons-nous gérer le Sénat? Où s'assoiront-ils? Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'emplacement de leur siège symbolise leur rôle au sein de la chambre. Aussi, comment s'organiseront-ils, étant donné tout ce qui entre en ligne de compte?

Le sénateur Tkachuk : Ils sont indépendants. Ils ne s'organisent pas.

Le sénateur Joyal : Je tiens simplement à dire que nous devrions vérifier comment la Chambre des lords traite ses membres indépendants. Les indépendants ne sont pas attachés là-bas. Il y a le gouvernement, de même que l'opposition, formée des libéraux démocrates et d'autres partis reconnus, puis les indépendants. Nous devrions donc examiner leur façon de faire en guise de réflexion préalable.

La présidente : Sénateur Joyal, le comité de direction s'est dit que quelqu'un pourrait s'intéresser à la question. Nous avons donc demandé à la bibliothèque de nous préparer un document sur le traitement des indépendants, un sujet qui nécessite bien sûr beaucoup de recherches. Les employés n'ont pas pu nous le soumettre du jour au lendemain. Lorsque nous le recevrons, je pense comme vous qu'il y aura lieu d'aller de l'avant, même si nous en sommes toujours aux stades préliminaires.

Le sénateur Joyal : Oui, nous commençons tout juste à essayer de comprendre le système. J'aimerais savoir comment les indépendants de la Chambre des lords s'organisent. Comme mon ami le sénateur Tkachuk l'a mentionné, ils sont censés être indépendants, mais ils ont un responsable. Autrement dit, je ne vais pas employer le mot « chef », mais une personne désignée parmi eux les représente.

Le sénateur Tkachuk : Mais il y a un gouvernement et une opposition. Ici, nous n'avons pas de gouvernement.

Le sénateur Joyal : Oui, c'est vrai.

Le sénateur Tkachuk : C'est une grande différence. Les indépendants formeront le gouvernement.

Le sénateur Joyal : Je pense que vous avez bien fait valoir mon point. Voilà pourquoi je veux que nous comprenions comment ils s'organisent dans un contexte donné, et comment nous devons nous y ajuster. Je commencerais par examiner cette question.

Je suis ravi que la bibliothèque prépare un tel document, car il y a « indépendant » et « indépendant ». Bien des éléments entrent en ligne de compte. Lorsque nous fonctionnons par parti, comme vous le savez, si un sénateur n'assiste pas à une réunion de comité, il ou elle peut être remplacé par le whip de son parti pour que le comité atteigne le quorum. Mais en théorie, disons que je suis indépendant. Si je ne me présente pas à la réunion du comité demain matin et que je vous envoie promener, personne n'a la responsabilité de me remplacer.

Devons-nous déterminer si un indépendant qui ne se présente pas devra trouver un remplaçant pour que la séance du comité puisse avoir lieu? C'est une réalité. C'est la réalité pure et dure quant à la façon dont nous voulons que le système fonctionne; nous devons assurer le fonctionnement du système.

Il y a donc bien des choses qui entrent en ligne de compte et auxquelles nous devrons peut-être nous attarder à un moment donné.

Je reviens à la première question de la sénatrice Batters, qui est tout à fait pertinente. Devrions-nous attendre qu'ils aient été nommés, pour voir comment ils se positionnent suivant le Règlement actuel, après quoi nous devrons revoir les règles? Ou devrions-nous commencer à nous demander quelles répercussions l'arrivée au Sénat d'un groupe d'indépendants pourrait avoir sur les règles? Nous pouvons faire l'exercice. Vous et moi pouvons commencer à lire le Règlement et à relever les éléments qui pourraient être touchés. Quiconque peut le faire dans le confort de sa bibliothèque, de son salon, de la cuisine ou de son bureau, mais le fait est que nous pouvons déjà commencer l'exercice. Il pourrait être utile de demander à la bibliothèque de le faire pour nous. Nous voulons savoir quelles dispositions du Règlement seront touchées advenant l'arrivée d'un important groupe de sénateurs indépendants. Voilà une autre façon d'y réfléchir.

Il y a selon moi un autre enjeu fort important, et c'est une question constitutionnelle. Il s'agit de déterminer en quoi consiste la résidence par rapport à la Constitution.

Je peux vous exprimer franchement mes préoccupations. Lorsque j'ai lu le communiqué du ministre de la Réforme démocratique et du leader du gouvernement de l'autre côté du Sénat, j'ai constaté qu'ils interprétaient le concept de résidence au sein de la Constitution. À la lecture, on remarque une interprétation, puisqu'ils disent ce que le mot « résidence » signifie selon eux.

En tant qu'avocat, et comme je m'intéresse à la Constitution, j'étais mécontent, parce qu'ils prenaient position sur une question qui nous appartient. C'est à nous de déterminer ce que nous entendons par « résidence ». Dans le passé, c'est le BCP qui en faisait l'interprétation. Personne au Sénat n'a jamais rien décidé à cet égard.

Je crois qu'avec ce que nous savons de la notion de résidence — et je ne tiens pas à ouvrir la boîte de Pandore ni à revenir sur la façon dont cette notion a été interprétée dans le passé —, il semble évident que le Sénat doit maintenant établir une définition claire du terme et que c'est à lui de déterminer comment tout cela va s'appliquer. Si les dernières années nous ont appris quelque chose, c'est qu'il faut privilégier des termes simples, sans allusion possible.

J'étais contrarié quand j'ai lu leur interprétation de la Constitution par rapport à nous, un privilège qui revient au Sénat, et je pense que notre comité devrait être saisi de la question.

La présidente : Sénatrice Cools, attendons que le sénateur Joyal ait terminé.

La sénatrice Cools : J'aimerais simplement avoir le nom du document aux fins du compte rendu.

Le sénateur Joyal : Je parle du communiqué de presse qui a été émis par le ministre de la Réforme démocratique et le leader du gouvernement — c'était un document officiel. J'aurais dû l'apporter ce matin.

La présidente : Nous allons envoyer le lien.

Le sénateur Joyal : Je crois que vous l'avez.

Il y a cela, et une autre question qui est encore plus politique que la première, c'est-à-dire le travail du Comité de sélection.

La présidente : Juste avant de passer au Comité de sélection, vous avez soulevé une question de taille, celle de la résidence. Je crois qu'il vaudrait la peine de voir si nos collègues ont des commentaires à formuler à ce sujet.

Sénateur Tkachuk, le Comité de régie interne a souvent abordé la question de la résidence.

Le sénateur Tkachuk : Nous en avons beaucoup parlé, mais seulement en raison du scandale qui a éclaté. Nous n'avons jamais cru que c'était à nous d'arriver à une interprétation, mais plutôt à votre comité. Nous n'avons donc jamais étudié la question à fond. Nous avons demandé conseil de temps à autre, et nous avons demandé l'avis du greffier à l'occasion, mais notre comité n'a jamais étudié la question. Nous étions d'avis que cela vous revenait. C'est tout ce que nous avons fait.

Le sénateur White : Je crois qu'il s'agit surtout de savoir qui établit nos règles, et selon moi, ce n'est pas au ministre ni à l'autre chambre de le faire. Nous devons reprendre les rênes et affirmer que nous allons nous en charger.

Ce n'est pas la première fois qu'on en discute. Jamais des ministres ne sont venus aux réunions du Comité de régie interne pour nous dicter ce que nous devrions faire ou non à propos des règles, y compris celle sur la résidence. C'est à cela que cela se résume pour moi; ce pouvoir nous revient puisqu'il s'agit de notre responsabilité.

Le sénateur Tkachuk : Madame la présidente, j'aurais une précision à apporter. Je n'ai pas soulevé le point suivant, et j'aurais dû.

Deux choses : il y a le volet constitutionnel de la notion de résidence, que nous avons tenté d'éviter le plus possible, car nous pensions qu'il vous revenait, et il y a le volet des dépenses relatives à la notion de résidence. Pour cela, nous avons jugé que c'était notre responsabilité, et nous avons traité la question en conséquence.

Le sénateur Joyal : Je fais clairement la distinction entre la notion de résidence aux fins des dépenses de déplacement ou de réinstallation admissibles et, bien sûr, la question constitutionnelle. Je parle de la question constitutionnelle.

Le sénateur Tkachuk : C'est ce que je croyais.

Le sénateur Joyal : Selon la Constitution, la question nous appartient. C'est le privilège du Sénat de le déterminer.

La présidente : Si je me souviens bien, le fameux communiqué de presse établissait en quelque sorte une troisième catégorie, car je ne pense pas qu'il faisait référence à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il disait seulement qu'on ne recommanderait pas un sénateur qui ne satisfait pas à ces critères. Il y a donc le volet Constitution, le volet traitement des dépenses, et maintenant le volet recommandation du premier ministre.

Vous avez raison; il y a du travail à faire.

La sénatrice Cools : Merci aux sénateurs Joyal et Tkachuk, et à vous, sénatrice Fraser, d'avoir soulevé ces points.

Nous devons reprendre le contrôle du volet constitutionnel de la notion de résidence. Il faut se rendre à l'évidence, la création d'une politique fondée sur les principes de résidence principale et de résidence secondaire était loin d'être l'idée du siècle, et nous devrions nous en éloigner le plus possible.

Je m'étais farouchement opposée à l'adoption de cette politique il y a quelques années. Rappelez-vous, tous les sénateurs et députés disposaient d'un montant maximal chaque mois; pas de dépenses, pas de bureaucratie. Puis ils ont changé les règles pour une question de transparence, soit dit en passant. C'était la marotte du jour : la transparence.

À l'époque, j'avais fait valoir que ce n'était qu'une question de temps avant que quelqu'un se mette à compter le nombre de nuits passées ici et là pour finalement conclure — peu importe qui c'était — qu'il ne s'agissait pas là de la résidence principale, mais de la résidence secondaire. À mon avis, c'était totalement prévisible et carrément tragique.

Cela m'a brisé le cœur, chers collègues. J'étais vraiment peinée d'apprendre que les dossiers des neuf sénateurs avaient été remis à la police. Je ne comprends pas pourquoi les sénateurs et le Sénat ont accepté cela. Nous n'aurions jamais dû l'accepter, mais ça, c'est une autre histoire.

Ce que je peux vous dire, et j'ai lu énormément sur le sujet, c'est que pendant 150 ans, les députés et les sénateurs arrivaient de partout au pays et il était entendu que le temps qu'ils passaient à Ottawa pour leurs activités officielles ne pouvait jamais servir à faire de comparaison avec le temps passé dans leur province de résidence. C'était le principe de base.

R.B. Bennett avait l'habitude de venir en ville. À l'époque, il n'y avait pas autant de logements qu'aujourd'hui. Quand un homme de la trempe de R.B. Bennett venait passer trois mois à Ottawa, personne n'osait croire que c'était pour s'y installer.

Quelque chose a changé en cours de route. C'est une calamité, ou ce n'était en tout cas pas une bonne idée que le vérificateur général détermine dans son rapport que la résidence principale des sénateurs n'était pas celle qu'ils prétendaient.

Le sénateur Tkachuk : Il avait tort.

La sénatrice Cools : Et Dieu seul sait sur quoi il s'est fondé et de quel droit il s'est permis de faire cette détermination, mais je pourrais tergiverser longtemps sur la question.

Je pense que nous devons prendre les choses en main. Nous devrions faire disparaître le terme « résidence secondaire » de nos règles et politiques, et appeler les choses par leur nom, c'est-à-dire « frais de subsistance à Ottawa ». C'est d'ailleurs le terme qu'on employait avant. Je crois que nous devrions éliminer cela de notre vocabulaire, si nous le pouvons, car cela n'a fait que fournir des armes aux détracteurs.

Nous devrions soumettre la question, car je veux encore savoir quels pouvoirs...

La présidente : Il nous reste encore au moins un autre sujet à aborder.

La sénatrice Cools : ...parce que j'aimerais encore savoir en vertu de quels pouvoirs le vérificateur général s'est permis ces commentaires, parce qu'il n'avait pas cette autorité. Mais c'est une autre histoire.

Le sénateur Tkachuk : Le vérificateur général a passé beaucoup de temps à déterminer le lieu de résidence en vérifiant combien d'aller-retour avaient été faits...

La sénatrice Cools : C'est exact.

Le sénateur Tkachuk : ...un moyen que le Comité de la régie interne utilisait seulement pour corroborer certaines choses. Jamais on ne s'est servi de cela pour déterminer la résidence. C'est pourtant ce qu'il a fait, et je crois qu'il était totalement dans l'erreur.

Pour que les choses soient claires concernant le montant de 10 000 $ et la façon dont les demandes de remboursement sont présentées, quand je suis arrivé en 1993, nous recevions des indemnités non imposables. À l'époque, je crois que les députés disposaient de 24 000 $, et les sénateurs de 10 000 ou 11 000 $, ou quelque chose comme cela.

Mais le premier ministre Chrétien, l'astucieux, voulait augmenter les salaires des députés après 1997, et une commission a été mise sur pied. J'oublie le nom. Le premier ministre en parlait de temps en temps, « Oh, vous savez... », et les médias en sont venus à dire que cela faisait partie de notre salaire, alors tout le monde a cru que je gagnais à l'époque 69 000 $ plus les indemnités de 10 000 $, non imposables. Il a déclaré que ce montant devrait être imposable.

Alors il a continué à en parler, et au bout du compte, ce montant a été ajouté aux salaires. Il s'agissait probablement de la plus importante augmentation de salaire de l'histoire pour les parlementaires. Les députés ont eu droit à 24 000 $ fois deux, et les sénateurs à 10 000 $ ou 11 000 $ fois deux. Il y a ensuite eu des négociations pour garantir que le seuil de 25 000 $ soit toujours atteint, de façon à ce que ces gains soient imposables. Et puis, évidemment, il y a eu le remboursement des dépenses.

Le problème, c'est que les gens avaient des résidences, des maisons, et que ces montants de 10 000 $ et de 24 000 $ les aidaient à payer leurs dépenses quand ils étaient à Ottawa. Ils avaient un condo, ou peu importe. Pour les appartements et les hôtels, il était facile d'appliquer un nouveau système de facturation. Je ne sais pas si on s'en servait avant l'adoption de l'indemnité non imposable de 10 000 $, mais cela a compliqué les choses pour les propriétaires de maison.

Il y a alors eu beaucoup de discussions sur le montant à accorder, et la façon de traiter les dépenses quand il s'agit d'une résidence principale ou secondaire. De là est arrivé le montant de 20 $ par jour, ou à peu près, fois 30, soit 600 $ par mois. Et on facturait les indemnités journalières. C'est ce qui est arrivé.

C'est donc un problème qui date d'une quinzaine d'années, mais rien n'a été défini. Nous avons essentiellement emprunté des règles de la Chambre et les avons appliquées au Sénat, et cela a compliqué les choses davantage. C'est ainsi que tout cela a commencé.

Ce serait bien si nous pouvions en débattre et trouver une solution, sans y mêler la question des dépenses, qui pose encore problème, selon moi.

La présidente : Je crois que le Comité de direction a compris que les membres du comité aimeraient que nous examinions la question de la résidence.

Le sénateur Tkachuk : C'est compliqué.

La présidente : D'autres commentaires au sujet de la résidence avant que nous passions au troisième point du sénateur Joyal?

La sénatrice Batters : J'ai un bref commentaire à faire au sujet de la résidence.

Nous devons évidemment tenir compte du fait qu'une cause est actuellement entendue par la cour pénale et que la question de la résidence y est omniprésente. Donc, tout ce que le comité dira à ce sujet aura assurément des répercussions. Je tenais à le souligner. Pas que cela empêche quoi que ce soit, mais nous devons le garder à l'esprit.

La présidente : Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire? Je crois que les témoignages ont tous été entendus. L'affaire est maintenant entre les mains du juge.

La sénatrice Batters : Oui, on attend les plaidoyers finaux, en fait. Ils n'ont pas encore été présentés.

Le sénateur Tkachuk : Une autre cause doit bientôt être entendue.

La présidente : En effet, une autre cause sera entendue.

Nous allons faire preuve de la plus grande prudence, mais le sujet préoccupe bien des gens, comme en témoigne ce qui a été dit ici ce matin.

La parole est au sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal : L'autre point que j'aimerais soulever est le processus de sélection des sénateurs.

La présidente : Des sénateurs ou des comités?

Le sénateur Joyal : Non, je ne veux pas parler du Comité de sélection du Sénat, mais du processus de sélection des nouveaux sénateurs.

Je suis entièrement d'accord avec le sénateur Tkachuk. Le gouvernement précédent avait clairement fait connaître son point de vue à ce sujet et avait proposé un projet de loi. Vous vous souviendrez des discussions que nous avions eues là-dessus. Je crois qu'il s'agissait d'une méthode équitable, car elle avait le mérite d'être claire; nous savions à quoi nous en tenir.

Ce qui m'inquiète dans le contexte actuel, c'est que le Sénat est une institution que nous connaissons bien, de l'intérieur. Nous la connaissons parce que nous y sommes quotidiennement, nous participons à ses délibérations et aux travaux de ses comités, nous sommes assujettis à ses règles, à ses obligations et à son code moral, et à tout ce qui entoure le travail que nous faisons ici.

Je vois qu'on s'en remettra à un groupe de Canadiens hautement respectés qui, pour la plupart, ne connaissent pas l'institution, du moins, pas à ce que je sache. Autrement dit, ils n'ont que rarement témoigné devant le Sénat. En fait, si ma mémoire est bonne, la plupart d'entre eux n'ont jamais témoigné devant le Sénat. Ils ont probablement une connaissance très générale de l'institution, et c'est à eux qu'on confiera la tâche d'évaluer les candidats et de faire des recommandations au premier ministre, qui recommandera à son tour des candidats au gouverneur général.

Je crois que c'est à nous d'indiquer ce dont nous avons besoin pour agir en sénateurs responsables et efficaces. Après 17 années passées entre les murs du Sénat, je crois avoir une idée de ce qu'on attend d'un sénateur, de ce que devrait être sa contribution à l'institution.

Je trouve inquiétant qu'un tel groupe soit maintenant chargé de déterminer selon quels critères — lesquels, je ne le sais pas vraiment — recommander les meilleurs candidats. Je ne veux pas qu'on lui enlève cette responsabilité. Seulement, je me demande quels critères ces personnes vont appliquer aux milliers des candidatures qu'elles vont recevoir. Nous le saurons quand le gong aura sonné. Tous les Canadiens pourront proposer le candidat de leur choix.

Pour nous qui allons accueillir de nouveaux collègues, ce serait bien que ces nouveaux collègues sachent à quoi s'en tenir dès le départ. Il est à souhaiter qu'ils se poseront les questions suivantes : « Que vais-je faire? Qu'attend-on de moi? Quelle est la contribution attendue? » Autrement dit, tout ce que notre expérience ici nous a appris.

Ce que je n'aime pas, c'est d'avoir l'impression d'être planté sur le trottoir à regarder la parade passer; et on s'attend à ce que nous nous contentions de dire merci, sans avoir eu un mot à dire au sujet des nominations. C'est ainsi que les choses se déroulent.

Eh bien, l'ère est au changement. Et si c'est le cas, je pense qu'il serait sage d'en discuter et de proposer en toute sincérité ce qui nous semble...

[Français]

— je vais utiliser l'expression en français — les exigences, tout en veillant à ce qu'elles soient dans l'esprit —

[Traduction]

...dans l'esprit des membres du Comité sénatorial de sélection, car nous connaissons le travail à faire.

Inversons les rôles. Il y a un parallèle à faire avec la nomination des juges. La sélection des candidats se fait par un comité formé de juges, d'avocats, de parties prenantes, et de représentants des forces de l'ordre et du grand public, de façon à ce que les personnes chargées de choisir les candidats comprennent ce qui est attendu d'eux.

Dans notre cas, il ne semble pas important que la personne qui sélectionne un candidat soit au fait de ce qui se passe au Sénat, de la teneur de notre mandat et des tâches que nous devons accomplir. Ainsi, on pourrait très bien rassurer un candidat en lui disant que ce n'est qu'une semaine de travail de trois jours et qu'il aura encore congé les lundis et vendredis, alors que nous savons pertinemment que nous devons sans cesse maintenir le contact et nous tenir au fait des dossiers. Comment pouvons-nous nous attendre à ce que les membres du comité consultatif comprennent notre réalité si on ne leur explique pas tout cela de façon structurée? C'est ce qui m'inquiète.

Je suis très honnête avec vous. Je n'ai pas l'intention d'en faire tout un plat, mais comme l'ancien gouvernement a très bien précisé ses attentes, je crois que nous devrions nous aussi, à la lumière de notre précieuse expérience, exposer clairement nos souhaits quant aux futures nominations au Sénat.

La sénatrice Frum : Ceci dit très respectueusement, je me demande où veut en venir mon collègue en affirmant qu'il ne remet pas en cause les responsabilités confiées au comité consultatif. Je ne crois pas que l'on puisse aborder la question sans s'interroger sur ces responsabilités qui leur ont été attribuées en se demandant si cela était vraiment justifié pour les motifs mêmes que vous venez de mettre en évidence.

C'est une question de reddition de comptes. Si les membres de ce comité consultatif s'acquittent de leur mandat sans être vraiment capables de déterminer quel genre de personne il faut sélectionner, alors il y a tout lieu de s'interroger. Comment allons-nous pouvoir demander des comptes à ce comité et pourquoi permettons-nous la mise en place d'un système en vertu duquel le premier ministre n'est plus responsable de ces nominations?

Tout cela pour vous dire que si nous devons discuter de ces questions, et je pense que cela va de soi, il convient de nous demander d'abord et avant tout si le processus est légitime.

Le sénateur Joyal : Est-ce que je dois répondre?

La présidente : Peut-être pourriez-vous répondre après les interventions des autres sénateurs.

Le sénateur White : Je suis un peu du même avis. Il y a des choses qui nous échappent et on nous demande pourtant de nous poser en juges de la situation. C'est aussi simple que cela.

Il serait très bénéfique que nous puissions recevoir la ministre pour qu'elle nous explique tout cela, plutôt que de devoir nous contenter d'un simple communiqué, des reportages dans les médias ou des courriels que nous recevons de gens qui souhaitent que l'on recommande leur nomination. Je ne comprends même pas comment le processus fonctionne.

J'apprécierais beaucoup que la ministre puisse venir en discuter avec nous de telle sorte que nous puissions par la suite indiquer au Sénat si nous sommes favorables ou non, ou si nous préférons ne pas prendre parti. Nous aurions ainsi tout au moins l'occasion d'en débattre véritablement, plutôt que d'apprendre ce qui se passe via les journaux.

Et, soit dit en passant, cela n'a rien à voir avec la politique.

Le sénateur D. Smith : Pas plus tard qu'hier, j'étais invité à dîner dans un club sélect de Toronto où j'ai subi un interrogatoire en règle sur les particularités de la vie de sénateur. Au bout de cinq minutes à peine, j'avais saisi le but de l'invitation. C'était tout de même fort intéressant. Il s'agissait d'une personne dotée d'excellentes aptitudes, mais je ne vous en dirai pas davantage à son sujet.

Peut-être pourrions-nous réserver une séance ou deux à la question dans le but d'en arriver à des observations sur les critères à remplir ou les compétences recherchées pour les futurs sénateurs. Ce ne serait que de simples observations. Il arrive que nous accueillions des sénateurs qui apportent avec eux un bagage bien différent, mais il serait tout de même bon que nous nous penchions sur cet aspect. Nos observations n'auront pas nécessairement d'utilité concrète, mais elles pourraient ouvrir la voie à des réflexions plus approfondies sur ces questions et sur l'équilibre souhaité en fonction des différents critères qui pourraient être établis. Je ne vais pas vous parler du rapport final, car je ne serai plus là bien longtemps encore.

Une analyse plus approfondie du dossier est sans doute souhaitable. Nous avons discuté longuement de la situation de résidence de certains sénateurs, alors que la loi est pourtant très claire : « ... devra être domicilié dans... » À mon avis, c'est un critère qui n'a pas été respecté dans plusieurs cas, mais qui aurait dû l'être comme la loi l'exige.

Il s'agissait donc de simples observations concernant d'éventuelles observations que nous pouvions formuler.

Le sénateur McInnis : C'est intéressant, mais j'arrive mal à voir en quoi le processus actuel se distingue de ce qui se faisait auparavant. Mon nom aurait fort bien pu être proposé par des organisations, des particuliers ou peu importe, puis recommandé par le premier ministre au gouverneur général pour qu'il procède à ma nomination. Je ne vois tout simplement pas la différence.

Mais je crois que le sénateur propose en fait — et il me corrigera si j'ai tort — la mise en place d'un nouveau système. Vous avez notamment mentionné l'excellente façon de procéder pour la nomination des juges où l'on fait appel à différentes parties intéressées comme le sous-ministre de la Justice, un juge de la Cour suprême et des représentants des forces de l'ordre. Est-ce que vous proposez un système semblable qui verrait un groupe bien au fait du fonctionnement du Sénat sélectionner ou recommander des candidats connaissant bien notre institution et ses rouages? C'est un concept intéressant qui serait sans doute beaucoup plus efficace pour intégrer dans nos rangs des sénateurs vraiment compétents.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le sénateur D. Smith : Il faut faire la différence entre observations et règles. En formulant des observations sur quelques-unes de ces questions, nous pourrions alimenter des discussions plus approfondies sur ces sujets. Je ne préconise pas un mécanisme semblable à celui utilisé pour la nomination des juges. Compte tenu des fonctions occupées par mon épouse, c'est un système que je connais sous toutes ses coutures.

Il est préférable que les intéressés en apprennent le plus possible sur notre réalité et les atouts que certains d'entre nous peuvent juger souhaitables, et ce, à la lumière de nos observations, plutôt que de règles que nous pourrions établir. Il y a lieu d'apporter des éclaircissements à certaines règles, comme celles concernant la résidence, mais je pense que des observations sont suffisantes en l'espèce pour favoriser un débat plus approfondi et mieux ciblé sur ces questions. En fin de compte, il faut espérer qu'il sera ainsi possible d'accueillir au Sénat des gens encore plus compétents.

La sénatrice Batters : Je voulais aussi signaler que le Hill Times rapportait dans son édition d'hier les propos de Mme Labelle, présidente du comité consultatif, relativement aux sujets abordés lors de la première réunion de ce comité :

Mme Labelle a indiqué que tous les membres étaient présents à la première réunion tenue le 21 janvier pour discuter du rôle du Sénat, des critères d'admissibilité, du processus de recommandation et des moyens à mettre en œuvre pour consulter les Canadiens.

Je suis d'accord avec l'avenue que semble privilégier mon estimé collègue, le sénateur Joyal. Peut-être devrions-nous en effet convier les membres du comité consultatif à comparaître devant nous pour savoir exactement comment ce processus se déroule, et le plus tôt sera le mieux.

La sénatrice Cools : J'aimerais rappeler à mes collègues la façon dont les sénateurs ont été choisis jusqu'à maintenant. J'ai moi-même été sélectionnée suivant cette méthode fortement axée sur le concept de caucus. Je ne sais pas s'il y a encore des ministres responsables des différentes régions, mais je peux vous assurer que toutes les fois qu'un poste devenait vacant au Sénat, vous pouviez voir tous les députés de la région s'accrocher aux basques du ministre responsable pour qu'il appuie leur protégé.

Le phénomène se répétait dans toutes les régions du pays chaque fois qu'un poste devenait disponible. À titre d'exemple, j'étais moi-même un choix personnel de M. Trudeau, mais j'ai aussi rencontré le ministre responsable pour la région de Toronto. Cette façon de faire les choses était efficace parce que les députés avaient la possibilité d'approcher leur ministre régional. Celui-ci n'avait d'autre choix que de les écouter, car ils étaient des députés de sa région. C'était un système bien pensé qui était également bien considéré.

Je ne crois pas que les choses se passent encore de cette manière. Je pense que les députés n'ont plus leur mot à dire à l'égard de ces nominations.

On procédait de la même façon pour le choix des juges. Le ministre responsable avait le dernier mot quant aux candidats à proposer au premier ministre. Celui-ci pouvait alors décider de les accepter ou non. Encore là, soyez assurés que lorsqu'un juge devait être nommé dans une région, tous les députés régionaux, sans compter les sénateurs dans certains cas, ne manquaient pas de s'adresser au ministre responsable qui transmettait les propositions au premier ministre. Le processus était donc beaucoup plus démocratique. M. Harper a lui-même apporté de nombreux changements à cet égard mais, jusqu'à tout récemment, les ministres responsables des différentes régions faisaient encore l'objet de nombreuses pressions de la part de leurs députés.

Je ne vais pas vous révéler de secrets, mais je me souviens d'une nomination effectuée à Montréal. Nous étions trois membres du caucus à appuyer vivement la candidature d'une personne, et nous avons coincé le ministre qui a cédé en promettant d'agir le jour même.

Le système en place nous a toujours permis de régler ces questions de façon juste et équilibrée du fait que toutes les personnes en cause allaient devenir des collègues de travail. C'est un aspect primordial. C'était un simple rappel pour mes collègues qui ne connaissent pas bien le processus ou qui l'auraient oublié.

Le sénateur Joyal : Relativement à tous les aspects qui ont été soulevés, je dirais à mon estimée collègue, la sénatrice Frum, qu'elle pourrait trouver réponse à sa question en se demandant sur quelles bases constitutionnelles s'appuie le travail de ce comité. C'est la première chose qu'il nous faut déterminer. Vous vous souviendrez que lors de la dernière campagne électorale, M. Mulcair s'était inscrit en faux contre les affirmations du premier ministre voulant qu'il n'existe pas de fondement constitutionnel et que la Cour suprême a déjà établi que c'était la prérogative du premier ministre.

Pour nous aider à y voir plus clair, il n'y a pas meilleur témoin que la ministre elle-même. Je suggère donc que nous invitions la ministre responsable de la réforme démocratique, comme nous l'avons fait avec son prédécesseur lorsque le premier ministre souhaitait soumettre un projet de loi au Sénat. Comme j'estime appropriée cette démarche entreprise par le gouvernement, nous devrions, si la chose est possible, inviter la présidente ou un autre représentant du comité consultatif à comparaître devant nous. Si ces gens-là nous répondent qu'ils n'ont de compte à rendre qu'au premier ministre, nous devrons revoir nos options.

Il faut d'abord inviter la ministre de manière à apprendre directement de la personne responsable quelles sont les intentions visées, les bases juridiques, les attentes, et la façon dont nous pourrons exprimer nos points de vue dans ce contexte. Comme nous sommes directement touchés par cette décision, il n'est qu'équitable que nous sachions ce que le gouvernement a en tête. Il est d'ailleurs possible que nous ayons à modifier la façon de procéder à la suite de la nomination d'une trentaine de sénateurs indépendants.

Il serait plus juste pour nous que nous puissions bien comprendre le processus, plutôt que de devoir lire les journaux pour décrypter les messages en lisant entre les lignes.

C'est la raison pour laquelle je propose que nous invitions la ministre. Certains documents ont déjà été rendus publics et peuvent nous servir de base pour la préparation de nos questions. On n'en est plus aux simples supputations. Des documents sont rendus accessibles et il y en a même eu de nouveaux pas plus tard qu'hier.

Le sénateur Tkachuk : Comme le disait la sénatrice Cools, il y avait déjà un processus en place. Lorsque l'on a procédé à ma nomination, j'ai pu discuter avec le ministre responsable de ma province. Je suis persuadé que si le ministre responsable ou le chef de notre parti, qui n'était pas alors premier ministre, s'était opposé à ma nomination, je ne serais pas des vôtres aujourd'hui. Selon moi, la plupart des premiers ministres s'assuraient de consulter un large éventail de personnes avant de procéder à une nomination. Il a pu arriver à l'occasion qu'il s'agisse d'un très bon ami ou d'un ministre avec lequel ils avaient travaillé. Maintenant, nous ne savons plus comment les choses fonctionnent. C'était au premier ministre en poste de déterminer la façon dont il souhaitait se faire conseiller, et voilà que celui qui vient d'être élu a opté pour une méthode différente. Je n'ai pas l'impression que les Canadiens savent vraiment à quoi s'attendre.

Je crois que le comité va recevoir une grande quantité de curriculum vitae. Il y en aura sans doute des milliers. S'il n'y a qu'un poste à combler, combien de temps faudra-t-il pour traiter tout cela? Est-ce que tous les candidats seront reçus en entrevue? Le processus apparaît plutôt simple, mais je peux vous assurer qu'il est vraiment complexe.

Et qu'adviendra-t-il si, par exemple, le chef du Parti libéral en Saskatchewan déclare que tel ou tel candidat est un imbécile et qu'il n'en veut pas. Ce sont des êtres humains qui sont en cause de part et d'autre, et ce n'est pas si facile. Selon moi, ce sera très complexe. Je ne lui souhaite toutefois aucun malheur et je lui dis bonne chance. Je ne peux pas vous en dire davantage.

La présidente : Ce n'est pas un sous-comité. C'est un comité sur les nominations ou quelque chose du genre.

Le sénateur Joyal : C'est un comité consultatif sur la sélection des candidats pour les nominations au Sénat.

La présidente : Un sous-comité exerce des pouvoirs délégués par une entité plus importante. Il faut s'assurer d'utiliser la bonne terminologie.

D'autres commentaires?

Le sénateur Joyal : J'ai déjà assez parlé pour aujourd'hui.

La sénatrice Frum : À mon sens, c'est la reddition de comptes qui importe surtout. Quel que soit le système utilisé par le passé, il relevait de la prérogative du premier ministre en poste. En dernière analyse, il convient surtout de savoir si le premier ministre est bel et bien responsable des nominations qu'il effectue. La différence réside maintenant dans le fait que le premier ministre actuel ne souhaite pas être tenu responsable des nominations auxquelles il compte procéder. Qui sera responsable alors? Est-ce que ce sera le comité consultatif? Et à qui devra-t-il rendre des comptes? Nous ne devrions jamais perdre de vue cet aspect, car il revêt une importance fondamentale pour la reddition de comptes dans un contexte démocratique. À mon humble avis, c'est « la » question importante.

Le sénateur Wells : Merci, madame la présidente.

La sénatrice Cools : J'aimerais faire une suggestion.

La présidente : Ne pourrions-nous pas d'abord laisser la parole au sénateur Wells qui n'a pas encore dit un mot aujourd'hui?

Le sénateur Wells : Ce n'est pas tant le processus mis en place par le premier ministre qui me préoccupe. En effet, chacun de ses prédécesseurs a lui-même élaboré son propre système pour recueillir des propositions comme c'était, bien évidemment, sa prérogative. Dans le communiqué publié il y a quelques jours, on prend la peine de mentionner que c'est toujours le gouverneur général qui procède aux nominations en suivant les recommandations du premier ministre. C'est tout ce qui se passe avant qui peut varier.

Je m'inquiète surtout en fait de l'ajout d'un nouveau critère que l'on vient tout juste d'annoncer. Il s'agit essentiellement de prévoir des places au Sénat pour les représentants de groupes d'intérêt, pour les cinq premières nominations tout au moins. Nous avons toujours eu un Sénat formé de personnes indépendantes d'esprit qui se définissaient pour la plupart en fonction de leur appartenance à un caucus. Voilà maintenant que suivant le processus mis en place par le premier ministre, des sénateurs seront nommés en fonction des recommandations formulées par des groupes d'intérêt, comme les Premières Nations. Cette façon de faire me préoccupe grandement, car l'existence même du Sénat repose sur cet exercice de l'indépendance d'esprit. Nous verrons peut-être arriver un nouveau sénateur recommandé par un groupe d'intérêt, une association autochtone ou un groupe linguistique. Je m'interroge beaucoup sur les conséquences de ce nouveau pouvoir que le processus officiel du premier ministre confère aux groupes d'intérêt relativement au Sénat.

Le sénateur D. Smith : Nous avons pu aujourd'hui discuter librement et ratisser très large. Madame la présidente, il serait bon que vous puissiez, comme vous savez si bien le faire, fixer des balises et faire ressortir certains arguments de telle sorte que nos discussions de la semaine prochaine soient mieux structurées. Nous devrions peut-être nous entendre sur la suite des choses. Nos échanges ont été intéressants, mais il faudrait un peu plus de discipline et de structure dans nos débats à venir. En catégorisant de façon plus précise les sujets à l'étude qui semblent faire consensus, il sera plus aisé d'en faire une analyse qui, nous l'espérons, aboutira à des recommandations.

La présidente : En abordant ainsi des sujets très variés, nous souhaitions que les membres du comité puissent y aller d'une vaste gamme de suggestions, ce qui a certes été le cas. Chose certaine, notre comité directeur a amplement matière à réflexion.

La sénatrice Cools : C'est simplement une suggestion, mais peut-être pourrions-nous offrir à la ministre la possibilité de témoigner à huis clos, de manière à lui faciliter les choses dans toute la mesure du possible.

La sénatrice Batters : Nous sommes censés le faire en séance publique.

La sénatrice Cools : Dans ce cas, il est possible que cela ne donne rien. C'est un comité. Il faut tout de même une structure.

La présidente : Chers collègues, comme je vous le disais, notre comité directeur a beaucoup de pain sur la planche.

Il n'y a pas nécessairement urgence dans tous les cas, mais nous avons discuté aujourd'hui du rapport sur le privilège parlementaire, des critères de résidence, des différentes versions et modulations possibles du processus de nomination proposé, et de la question des sénateurs indépendants et des mesures à prendre quand leur nombre viendra à augmenter, notamment par rapport à la situation de ces indépendants que l'on appelle les cross-benchers à la Chambre des lords.

Je crois avoir pu comprendre que les membres du comité souhaiteraient que nous convoquions la ministre le plus rapidement possible. Il va de soi que le comité de direction va en discuter. J'ai eu l'impression que c'était l'élément le plus pressant dans l'esprit de la plupart d'entre vous. Il y a aussi la question du rapport sur le privilège.

L'enjeu des critères de résidence est extrêmement important, mais peut-être pas nécessairement aussi urgent.

La question des sénateurs indépendants exige une intervention un peu plus rapide que celle des exigences de résidence, mais pas nécessairement dans l'immédiat, car ces indépendants nous arriveront en vagues successives. Notre institution ne sera pas totalement transformée d'ici Pâques, ce qui nous laisse un peu de temps pour analyser le tout.

Si vous voulez bien laisser votre comité de direction se charger de ces questions, je peux vous assurer que nous ferons de notre mieux. Tous les enjeux soulevés aujourd'hui ont une importance capitale, et notre comité n'a jamais reculé devant pareille tâche.

La semaine prochaine, il y a une pause dans l'activité parlementaire. Notre prochaine réunion se tiendra ici même le mardi 16 février à 9 h 30.

(Le comité s'ajourne.)

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