Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement
Fascicule 1 - Témoignages du 24 février 2016
OTTAWA, le mercredi 24 février 2016
Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 18 h 46, pour examiner le nouveau processus des nominations au Sénat et ses implications.
La sénatrice Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les sénateurs qui se joignent à nous pour cette rencontre du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.
[Traduction]
Nous sommes ravis d'accueillir deux ministres fédéraux ce soir. La présence de si nombreux sénateurs à la réunion témoigne de l'intérêt que nous portons tous au sujet que les ministres sont venus pour aborder.
[Français]
Nous examinerons le nouveau processus des nominations au Sénat et ses implications. Les deux ministres que nous accueillons ce soir sont l'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, leader du gouvernement à la Chambre des communes —
[Traduction]
— et l'honorable Maryam Monsef, C.P., députée, ministre des Institutions démocratiques.
Je crois comprendre, madame et monsieur les ministres, que vous avez des remarques liminaires à prononcer. Nous les écouterons, bien sûr, avec grand intérêt. Ensuite, compte tenu de ce taux de participation extraordinaire et du fait que le temps dont disposent les ministres est nécessairement toujours limité, je demanderais à tout le monde d'être brefs dans leurs questions.
Madame et monsieur les ministres, nous voulons que vous nous disiez des choses intéressantes, mais si vous pouviez le faire de façon aussi concise que possible, cela nous serait utile à tous.
Je crois que la ministre Monsef commencera. La parole est à vous.
L'honorable Maryam Monsef, C.P., députée, ministre des Institutions démocratiques : Merci, madame la présidente. J'aimerais d'abord souligner le fait que nous nous trouvons dans une pièce superbe décorée de magnifiques œuvres d'art, certaines d'artistes connus et bien d'autres d'artistes inconnus. Nous sommes réunis ici sur le territoire traditionnel des peuples algonquins, et quel grand privilège c'est pour moi de me trouver parmi vous aujourd'hui. J'ai rencontré un certain nombre d'entre vous, dont certains lorsque je marchais avec des béquilles, et j'ai lu à votre sujet à tous. C'est un grand honneur pour moi d'être en compagnie de Dominic LeBlanc pour vous informer des travaux que nous avons entrepris, et je me réjouis à la perspective de continuer à travailler avec vous tous.
Mes remarques porteront sur les principaux éléments du processus consultatif, et je crois comprendre que le ministre LeBlanc parlera des implications du processus parlementaire pour le Sénat.
Il va sans dire que le Sénat joue un rôle important dans notre Parlement, et l'un des principaux objectifs du gouvernement était de faire en sorte que le nouveau processus de nomination respecte le rôle du Sénat et que les sénateurs puissent continuer à faire leur bon travail.
Un des principes clés fondamentaux de ce nouveau système est le respect du rôle fondamental du Sénat de jeter un second regard objectif et d'assurer la représentation des régions et des minorités. Ce principe sous-tend tous les éléments du nouveau processus. La connaissance du Sénat et du rôle qu'il joue dans notre Parlement est l'un des facteurs tant dans la composition du conseil consultatif que dans l'évaluation des candidats.
En outre, le processus prend appui sur un certain nombre d'autres principes importants. Il respecte le cadre constitutionnel en maintenant le pouvoir du gouverneur général de nommer les sénateurs sur recommandation du premier ministre. Il promeut la transparence et la responsabilité par le truchement de critères fondés sur le mérite et publiés pour les candidats au Sénat, le mandat public du conseil consultatif et la présentation de rapports publics sur le processus en tant que tel. Il vise à faire en sorte que les candidats aient la capacité de mener leurs activités au Sénat de façon indépendante et non partisane.
Le conseil consultatif a pour mandat de formuler des recommandations non contraignantes fondées sur le mérite et donnera au premier ministre une courte liste de cinq candidats pour chaque siège vacant. La nature non contraignante du conseil est primordiale pour assurer la constitutionnalité du processus.
Le conseil consultatif évaluera les candidats potentiels en fonction de critères transparents fondés sur le mérite, y compris ceux-ci : les candidats doivent avoir des réalisations à leur actif et avoir fait preuve de leadership au service de leur collectivité, du public ou de leur domaine ou profession.
Les candidats devront montrer qu'ils comprennent les concepts de la vie publique, de l'éthique et de l'intégrité et qu'ils possèdent les qualités personnelles qui s'y rapportent.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, on s'attendra des candidats qu'ils soient capables d'offrir aux travaux du Sénat une perspective qui soit clairement indépendante et non partisane, et qu'ils comprennent les travaux et le rôle du Sénat dans le cadre institutionnel et constitutionnel.
Ces critères s'appliqueront d'une façon qui respecte l'importance de l'équilibre entre les sexes et de la diversité du Canada dans le processus de sélection.
Comme vous le savez peut-être, ce nouveau processus se fera en deux phases. Dans la phase transitoire, le conseil consultatif fournira au premier ministre une courte liste pour pourvoir les sièges vacants dans trois provinces : deux au Manitoba, deux en Ontario et un au Québec.
Le conseil consultatif a eu pour consigne de tenir de vastes consultations afin de veiller à ce que la candidature d'une gamme de personnes riches de diverses expériences et connaissances du Sénat soit soumise à son examen.
Le processus permanent commencera après la fin de la phase transitoire et la nomination des cinq premiers sénateurs. Pendant la phase permanente, les sièges vacants des sept autres provinces seront pourvus.
Une différence principale au cours de la phase permanente sera l'instauration d'un processus de demande ouvert qui permettra aux Canadiens de présenter une demande de nomination au Sénat.
Après la phase transitoire et chaque processus de nomination subséquent, le conseil consultatif présentera au premier ministre un rapport public qui décrit les mesures qu'il a prises pour honorer son mandat.
En terminant, je tiens à insister sur le fait qu'aucun élément du nouveau processus ne vise à diminuer de quelque façon que ce soit le bon travail des sénateurs d'hier ou d'aujourd'hui, non seulement dans le cadre du processus parlementaire, mais aussi des travaux importants qu'ils accomplissent dans le cadre d'études stratégiques et des travaux qu'ils ont menés au fil des ans.
Le nouveau processus de nomination respecte les rôles traditionnels du Sénat, y compris la représentation des régions et des minorités, et il constitue un élément clé de notre vision plus générale du changement démocratique, afin de moderniser et de rehausser la confiance du public dans nos institutions démocratiques.
Je crois sincèrement qu'en éliminant l'élément partisan et en faisant en sorte que les intérêts des Canadiens passent avant les liens politiques, nous rehausserons l'indépendance et l'efficacité du Sénat.
Sur une note personnelle, je suis profondément touchée d'être ici. Mon but comme ministre des Institutions démocratiques est de veiller à ce que les Canadiens comprennent mieux les travaux que vous faites ainsi que ceux de tous les sénateurs qui vous ont précédés.
Il y a, sur ces murs, les œuvres d'artistes dont nous ne connaîtrons jamais les noms et l'histoire, et c'est tragique. Je travaille avec vous pour m'assurer que les Canadiens comprennent votre histoire et l'important travail que vous faites pour améliorer leur vie ainsi que celle de leurs enfants et petits-enfants.
Je vous remercie une fois de plus de me donner l'occasion de m'adresser à vous. Je me réjouis à la perspective de collaborer avec vous tous.
Sur ce, madame la présidente, je vous rends la parole.
La présidente : Merci, madame la ministre.
Monsieur le ministre.
[Français]
L'honorable Dominic LeBlanc, C.P., député, leader du gouvernement à la Chambre des communes : Je vous remercie, madame la présidente, pour votre généreuse invitation de témoigner devant votre comité. Je l'apprécie énormément. C'est toujours un privilège d'être à la même table que mon amie et collègue, la ministre Monsef. Nous travaillons en commun, comme elle l'a dit, sur différents aspects d'un dossier qui vous intéresse énormément, et c'est un privilège d'être ici avec ma collègue.
[Traduction]
Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est la première fois que je témoigne devant un comité sénatorial. J'ai suivi les délibérations de certains de vos comités. Un certain nombre d'amis de longue date prennent place autour de cette table, des gens avec qui j'ai travaillé à des projets conjoints et des gens que j'admire et dont l'amitié m'est précieuse.
À l'instar de Maryam, c'est pour moi une occasion, mais aussi un honneur d'être invité à témoigner devant le Comité du Règlement du Sénat. Je crois comprendre le rôle de premier plan que joue votre comité au sein de l'institution. Je taquinais certains de vos collègues en leur disant que pareille participation à une réunion est un très bon ou très mauvais signe pour Maryam et moi. Nous le saurons dans les 50 prochaines minutes.
[Français]
Je voudrais aussi, juste avant d'aborder un commentaire plus précis, saluer les services des sénateurs Joyal, Seidman et Cowan.
[Traduction]
Un certain nombre de vos collègues ont siégé au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. J'ai entendu des personnes autour de la table et des collègues de la Chambre des communes dire que l'expérience avait été très positive. Nos collègues de la Chambre des communes l'ont appréciée. Ils ont appris de leurs collègues au Sénat. Je pense que le comité a accompli énormément de travail sur un sujet très délicat. Le rapport sera publié demain.
Le Parlement devrait être très fier de cet exercice. Vos collègues au Sénat qui y ont contribué devraient l'être aussi. Je sais que nos collègues de la Chambre le sont. Je pense qu'il donne un bon exemple aux Canadiens et je salue le travail de votre comité et le leadership dont il a fait preuve. Je tiens à vous assurer que lorsque le gouvernement rédige une mesure législative, celle-ci tiendra compte à la fois des recommandations de votre comité ainsi que de son rapport et du travail que vous avez accompli.
Madame la présidente, pour enchaîner sur ce que ma collègue a dit, à titre de leader du gouvernement à la Chambre des communes, je m'intéresse surtout au fonctionnement efficace du processus parlementaire et je veux m'assurer que le gouvernement du Canada est en mesure d'honorer les engagements importants que nous avons pris au plan législatif à l'égard des Canadiens.
[Français]
Le Sénat, sans aucun doute, joue un rôle clé au sein du processus parlementaire en effectuant un second examen objectif des projets de loi proposés ou débattus à la Chambre des communes. Le nouveau processus de nomination, comme ma collègue l'a bien décrit, a été conçu de façon à respecter le rôle fondamental que joue le Sénat en termes de révision législative, et de représentation des régions, des provinces et des territoires, ainsi que des groupes minoritaires — et vous allez comprendre qu'en tant qu'Acadien, c'est une chose à laquelle je tiens énormément.
J'aimerais également souligner le rôle important que joue le Sénat en ce qui a trait au développement de politiques qui sont d'une grande importance pour la population canadienne. Ma collègue l'a déjà mentionné, historiquement, vos comités ont joué un rôle essentiel dans l'élaboration des politiques publiques au Canada, et je suis convaincu qu'ils continueront de jouer ce rôle à l'avenir.
[Traduction]
Comme mon collègue l'a annoncé, le gouvernement a l'intention de donner suite à un nouveau processus de nomination. On a parlé publiquement des cinq premières nominations que le premier ministre recommanderait au gouverneur général au cours des prochaines semaines. Nous ne savons pas encore exactement quand cela se produira. Les comités consultatifs et le processus prennent quelques semaines de plus que ce que nous avions espéré, mais c'est pour bientôt.
Comme je l'ai mentionné à certains de vos collègues hier soir, j'espère qu'il sera prêt avant que d'importantes mesures législatives arrivent au Sénat. Je n'ai aucune raison de penser que ce ne sera pas le cas.
Nous nommerons un représentant du gouvernement parmi les cinq premiers sénateurs indépendants nommés dans le cadre de ce nouveau processus. Ce sénateur fera office de représentant du gouvernement à la Chambre haute pour faciliter, par exemple, le dépôt de projets de loi émanant du gouvernement. Cependant, contrairement à un leader du gouvernement traditionnel, la personne nommée n'aura ni liens avec un parti ni liens politiques, comme ce fut le cas par le passé.
Cette question a provoqué une certaine confusion. Dans la Loi sur le Parlement du Canada, et je crois savoir que c'est la même chose dans nombre de vos règlements, le poste est celui de « leader du gouvernement » au Sénat. Alors nous nommerons un leader du gouvernement au Sénat qui aura le titre de représentant du gouvernement. Cela n'a rien de mystérieux.
Afin que cette personne soit en mesure de bien suivre votre règlement, tel que nous le comprenons, mais aussi au sens de la Loi sur le Parlement du Canada, qui reste en vigueur, le leader du gouvernement aura le titre de représentant du gouvernement, mais aux fins du règlement et de l'exigence législative, cette personne sera le leader du gouvernement.
Comme mon collègue l'a mentionné, un des objectifs du nouveau processus de nomination est d'essayer de transformer l'institution pour qu'elle soit moins partisane de façon à pouvoir assurer l'examen législatif et apporter efficacement les modifications.
Je tiens aussi à dire ceci aux collègues et aux sénateurs : nos collègues du cabinet ont reçu comme consigne de voir d'un bon œil les amendements que vos comités apporteront à des projets de loi émanant du gouvernement lorsque vous les examinerez dans l'intérêt de les renforcer ou de les améliorer. Nous ne voyons pas comme une défaite, un problème ou une crise les modifications que le Sénat apporte à un projet de loi émanant du gouvernement pour l'améliorer, le corriger ou le renforcer, mais plutôt comme la preuve que l'institution remplit son rôle important. À titre de ministres, nous nous réjouissons à la perspective de collaborer avec vos comités à des projets de loi lorsqu'ils vous seront renvoyés. Mes collègues seront très ouverts lorsqu'ils viendront aux réunions des comités. Ils seront en mesure de témoigner devant vous, et je sais qu'un certain nombre d'entre eux ont bien aimé participer à votre période des questions.
[Français]
L'un des défis importants pour atteindre cet objectif est la tradition du Sénat de diviser la Chambre entre le gouvernement et l'opposition, tel que stipulé, comme je l'ai dit, dans la Loi sur le Parlement du Canada, qui fait également référence au rôle du leader du gouvernement et du chef de l'opposition au Sénat.
[Traduction]
C'était en reconnaissance de ce défi que j'ai écrit, au nom du gouvernement, au président du Sénat ainsi qu'aux sénateurs Carignan et Cowan en décembre. Dans cette lettre, j'ai offert toute l'aide que le gouvernement pouvait offrir au Sénat s'il voulait envisager d'apporter à la Loi sur le Parlement du Canada des modifications qui influeraient sur le Sénat et qui seraient nécessaires au bon fonctionnement, à l'efficacité et à l'efficience de votre Chambre ou de ses comités. Je présenterai des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada, dont je suis responsable à titre de ministre à la Chambre des communes, afin de m'occuper de notre Bureau de régie interne pour faire du directeur parlementaire du budget un agent vraiment indépendant du Parlement ayant le même statut que les autres agents du Parlement et veiller à ce qu'il ne soit pas enterré à la Bibliothèque du Parlement.
Le premier ministre m'a investi du mandat de rouvrir la Loi sur le Parlement du Canada. Je serais disposé à entendre les suggestions des sénateurs ou à connaître le processus que vous, madame la présidente, ou vos collègues jugez approprié. Je préférerais que nous puissions apporter ensemble à la Loi sur le Parlement du Canada des modifications qui refléteraient vos priorités, celles de la Chambre des communes et celles dont m'a chargé le premier ministre, pour pouvoir ensuite adopter, avec efficacité et efficience, une mesure législative qui répondrait aux objectifs à la fois de la Chambre des communes et du Sénat.
J'ai mentionné la période des questions au Sénat. Je vais terminer là-dessus parce que je sais que mes collègues ont des questions. C'est, selon moi, un exemple très positif d'une nouvelle relation entre le gouvernement et le Sénat. C'est très bien que des ministres élus puissent, dans l'enceinte du Sénat, répondre à des questions — je sais que ç'a été le cas pour Maryam et mes collègues. Notre collègue, le ministre de la Défense, a dit aujourd'hui qu'il avait vraiment aimé venir témoigner devant vous. Il a trouvé l'expérience très positive et utile. Nos collègues se réjouissent à la perspective de revenir quand leur horaire le leur permettra et que le Sénat aura décidé que c'est important pour vous; nous continuerons donc à travailler sous votre gouverne et à faire en sorte, dans la mesure du possible, que des ministres puissent témoigner devant vous. Du moment que vous trouvez l'exercice utile et intéressant, nos collègues du cabinet pensent aussi qu'il est très valable. Nous proposerions de continuer à le faire.
[Français]
Sur ce, madame la présidente, je vous remercie de votre patience. Je vous remercie encore une fois de votre invitation. Je sais que ma collègue et moi avons hâte de répondre à vos questions.
La présidente : Tant mieux, parce que la liste est longue.
[Traduction]
Chers collègues, nous avons déjà quelque chose comme 16 noms sur la liste, et je vous demanderais une fois de plus de poser des questions brèves et concises.
Du moins pendant cette série, si nous pouvions éviter les questions supplémentaires qui ne sont pas absolument essentielles à la clarification d'un point, cela nous aiderait aussi. Nous voulons donner à tous les collègues une chance égale. Les ministres ont dit qu'ils partiraient dans 40 minutes. Quarante divisé par 16 nous donne deux minutes et demie. J'aimerais vous demander s'il vous serait possible de rester un peu plus longtemps, madame et monsieur les ministres.
Nous allons commencer par le vice-président du comité, le sénateur White. Il sera suivi du sénateur Cowan.
Le sénateur White : Merci beaucoup. Ma question sera brève. J'espère que la réponse le sera aussi.
Le poste de représentant ou de leader du gouvernement a-t-il déjà été offert, madame la ministre?
Mme Monsef : Merci d'avoir posé la question. Non, pas encore.
Le sénateur White : Si vous me le permettez, quand pouvons-nous nous attendre de connaître le nom de la personne pour pouvoir poursuivre nos travaux?
Mme Monsef : Je peux comprendre votre désir de connaître vos nouveaux collègues. J'ai assez hâte moi aussi. Nous avons nommé un groupe de Canadiens éminents qui s'engagent à respecter des normes très élevées.
Le sénateur White : Je comprends.
Mme Monsef : Nous les avons investis d'une tâche assez imposante. Nous leur donnons le temps dont ils ont besoin pour faire preuve de diligence raisonnable et fournir au premier ministre une liste dont il pourra se servir pour exercer ses responsabilités constitutionnelles et choisir un représentant du gouvernement.
Le sénateur White : Merci.
Le sénateur Cowan : Bienvenue, madame et monsieur les ministres. Je vous sais gré d'être venus ce soir.
Monsieur le ministre, vous avez mentionné que le représentant du gouvernement ne serait pas lié à un parti, mais qu'il — je ne veux pas utiliser ce terme — faciliterait la gestion des affaires du gouvernement. Ce représentant devra-t-il rendre des comptes aux sénateurs au nom du gouvernement comme les leaders du gouvernement devaient le faire par le passé?
M. LeBlanc : Sénateur Cowan, je ne pense pas que nous en soyons arrivés à une conclusion finale sur ce point. Je crois que c'est un point dont le premier ministre discutera avec cette personne une fois qu'il aura arrêté son choix. Nous aimerions entendre vos commentaires à ce sujet en ce sens que — je ne veux pas parler au nom du Sénat, manifestement — nous estimons que cette personne devrait jouer un rôle clé pour ce qui est de gérer le programme législatif de façon collégiale et, bien sûr, constructive.
Du point de vue du gouvernement, nous dirions qu'envoyer des ministres élus est une formule que nous trouvons intéressante et certainement constructive. Y aurait-il une formule hybride qui permettrait de faire les deux? Nous sommes ouverts à cela.
Je voudrais m'entretenir avec cette personne, une fois qu'elle est nommée et, je le répète franchement, sénateur, bénéficier de votre point de vue et de celui de vos collègues.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Cowan.
Je comprends de votre réponse, monsieur le ministre LeBlanc, que si le leader du gouvernement ou le représentant du gouvernement ne peut pas répondre aux questions, selon la discussion tenue avec le premier ministre, vous seriez prêt à envoyer un ministre répondre aux questions posées par les sénateurs lors de la période des questions de chaque séance du Sénat?
Vous savez que la période des questions est un élément extrêmement important, puisque le gouvernement doit être imputable devant le Sénat et répondre aux questions des sénateurs. C'est ce que je faisais tous les jours à titre de leader du gouvernement. C'est une tâche difficile, mais importante pour le Sénat.
Est-ce que votre gouvernement est prêt à désigner un ministre différent tous les jours?
M. LeBlanc : Nous pourrons tenir cette discussion avec la personne qui sera désignée comme leader du gouvernement lorsqu'elle sera nommée. Toutefois, sénateur, vous connaissez l'horaire chargé des ministres lorsque la Chambre des communes et ses comités siègent. Je ne peux pas promettre que vous pourrez accueillir un ministre désigné tous les jours au Sénat, car l'horaire ne le permet pas. C'est la raison pour laquelle, lorsque j'ai répondu à la question du sénateur Cowan, je lui ai dit qu'il y aurait peut-être une façon hybride de désigner le leader du gouvernement comme représentant pour certaines tâches, y compris, peut-être, pour répondre aux questions. Nous sommes légitimement ouverts, mais je ne veux pas donner l'impression qu'il sera possible d'avoir tous les jours un ministre, parce que nous sommes dans l'obligation de répondre aux questions. Nous sommes imputables devant la Chambre des communes en premier lieu, mais nous allons nous rendre disponibles avec énormément de plaisir lorsque les horaires le permettront.
Le sénateur Carignan : Ma prochaine question s'adresse à la ministre Monsef. Vous êtes tous les deux très élogieux à l'égard du Sénat, de ses travaux et de la qualité exceptionnelle des sénateurs. Alors, je m'interroge sur ce qui ne fonctionne pas et en quoi le processus que vous mettrez en place permettra de réparer ce qui, d'après vous, ne fonctionne pas?
[Traduction]
Mme Monsef : Merci.
Comme je l'ai dit, ce processus ne vise pas du tout à rabaisser l'excellent travail passé et présent des sénateurs, mais malgré l'excellent travail, le Sénat souffre de la perception de forte partisannerie qu'en a le public. Cette image négative étouffe malheureusement quelquefois la vraie nature du travail accompli par les sénateurs.
Je crois fermement que si nous éliminons la partisannerie du processus de nomination, les Canadiens retrouveront la confiance qu'ils devraient avoir dans cette institution très importante.
La sénatrice Martin : Merci d'être ici, monsieur et madame les ministres.
Vous parlez de rétablir la confiance en éliminant la partisannerie du processus de nomination. Je m'interroge toutefois sur la sélection des membres du comité consultatif indépendant et sur les moyens de faire en sorte qu'aucune partisannerie n'y soit associée.
Je m'interroge surtout au sujet des membres spéciaux. En effet, je suis sénatrice de la Colombie-Britannique et je sais que ma première ministre a affirmé ne pas approuver ce processus. Je m'interroge donc sur la nomination de membres spéciaux lorsqu'une province n'y participe pas. Quel a été le mode de sélection des membres spéciaux au Manitoba, par exemple?
Je m'interroge sur le processus global qui garantirait à tous l'absence de partisanerie et la transparence.
Mme Monsef : Merci, je vous sais gré de la question.
Les neuf Canadiens qui travaillent avec nous pour pourvoir aux cinq premiers postes vacants sont du plus haut calibre. Ce sont des Canadiens comme vous qui ont travaillé dur pour servir la population de ce pays. En effet, ils se sont distingués par le service qu'ils ont offert au pays et, en fait, au monde entier.
Huguette Labelle est présidente du comité consultatif. Elle détient 13 grades honorifiques et elle est reconnue pour son service au public. Nous avons Indira Samarasekera, dont les travaux de recherche et les travaux universitaires sont tout à fait remarquables et ont été largement salués.
Nous avons des gens du plus haut calibre qui, comme je l'ai dit, s'astreignent aux normes les plus rigoureuses. Nous leur avons demandé d'évaluer les candidats selon des critères rendus publics. Cette liste de critères est très importante, car non seulement elle leur permet d'avoir un cadre, mais elle permet aux Canadiens de nous demander des comptes par rapport au nouveau processus.
Nous sommes donc certains que les gens auxquels est confié ce processus très important rendront justice à la portée et à l'importance de ce travail.
Pour ce qui est des membres spéciaux des divers territoires et provinces, il s'agit d'un des éléments clés du nouveau processus. Pour la première fois, nous invitons les provinces et les territoires à prendre part au processus de nomination, en espérant qu'ils en verront la valeur.
Comme me l'a demandé la présidente, je vais aller un peu plus vite.
Si une province ou un territoire n'est pas en mesure de participer, nous ferons appel à des Canadiens distingués prêts à assumer cette énorme responsabilité. C'est ce que nous avons fait au Manitoba. Nous avons eu de la part des dirigeants manitobains des commentaires positifs sur le choix des femmes qui ont accepté les fonctions de membre spécial.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, monsieur et madame les ministres. J'ai trois questions à vous poser. Je vous les poserai d'affilée pour que vous puissiez répondre, je l'espère, à chacune d'entre elles.
La première concerne la sélection des Canadiens éminents qui siégeront au comité de sélection. En prenant connaissance de leur nom, j'ai été surpris de constater qu'aucun d'entre eux n'a d'expérience dans le processus parlementaire. Or, ce sont eux qui seront appelés à vérifier que les candidats eux-mêmes ont cette expérience. J'aurais pensé qu'au moins un des neuf aurait une expérience parlementaire, par exemple un sénateur à la retraite et aux services éminents. Je pense notamment au sénateur Lowell Murray, ancien Président du Sénat. Un candidat ayant une expérience du processus parlementaire, de la constitution du Canada et ainsi de suite, aurait certainement, à mon avis, apporté au groupe des neuf la connaissance approfondie nécessaire pour évaluer un candidat.
Ma deuxième question porte sur les cinq critères énumérés. Est-ce que le candidat doit répondre aux cinq critères? Par exemple, vous pouvez être une vedette du sport, mais ne rien connaître au processus parlementaire et cela n'a pas d'importance. Comme vous êtes une vedette du sport, on vous aime.
Est-ce que ces cinq qualités doivent toutes se retrouver dans une certaine mesure chez un candidat de façon à ce que, lorsque les noms sont annoncés, le public puisse vérifier si les critères sont satisfaits?
Ma dernière question porte sur le facteur de la résidence, que vous expliquez dans votre communiqué. Je vous le dis, madame la ministre, je trouve cela problématique. En effet, je ne pense pas qu'il revienne au gouvernement de déterminer, en ce qui concerne le Sénat, la définition de résidence par rapport à la Constitution du Canada. La résidence est un critère en vertu de l'article 23, et en vertu de l'article 33, il revient au Sénat de déterminer si un sénateur remplit — ou continue de remplir — ce critère. En conséquence, je vous dis humblement que c'est au Sénat à déterminer la résidence et à faire en sorte que chaque sénateur assume cette obligation. En ce qui concerne la résidence, j'estime que vous outrepassez votre responsabilité en regard de la Constitution du Canada.
Mme Monsef : Merci, sénateur. Je remarque que vous avez contribué à ces travaux et je vous en remercie. Cela ajoute certainement à l'ambiance.
Pour répondre à votre question, je reviens sur les antécédents impressionnants de la présidente du comité consultatif, Huguette Labelle. Huguette a été pendant 19 ans sous-ministre de divers ministères du gouvernement canadien, dont le Secrétariat d'État, Transports Canada, la Commission de la fonction publique et l'Agence canadienne de développement international.
Nous devrions tous pouvoir reconnaître les contributions importantes que les représentants de la fonction publique apportent au travail que nous accomplissons en tant que représentants élus ainsi qu'à celui que vous tous accomplissez. Nous sommes convaincus que l'expertise d'Huguette sera un complément à l'expérience significative des huit autres candidats. Ces gens proviennent de législatures provinciales. Nous croyons par ailleurs qu'Huguette apporte à elle seule une vaste expérience et un grand savoir-faire dans ce domaine particulier.
Pour répondre à votre deuxième question concernant les critères, oui, les candidats qui serviront en votre compagnie devront tous remplir les critères.
Pour répondre à votre troisième question au sujet de la résidence, nous avons estimé nécessaire d'en clarifier la définition. Nous sommes persuadés de nous conformer au cadre législatif qui s'applique et de respecter les exigences constitutionnelles.
Cela dit, la division du processus en deux phases n'est pas sans raison. La phase de transition devait nous permettre non seulement de pourvoir les postes de façon urgente pour assurer la représentation régionale dans les provinces où il y avait le plus grand nombre de sièges vacants, mais aussi de tirer les leçons de cette première phase, avant d'entamer la seconde. À cette fin, si vous avez des idées sur les moyens de renforcer le processus, je vous invite à les faire connaître. Je vous en serais très reconnaissante.
Le sénateur Ogilvie : Monsieur LeBlanc, vous avez abordé une question que je voulais justement vous poser.
Au sujet des changements que vous envisagez, de ceux que vous avez déjà adoptés et des répercussions qu'ils ont sur le Règlement du Sénat, sur son fonctionnement et sur les autres modifications qu'il faudrait y apporter pour qu'ils s'alignent sur la vision du gouvernement, vous avez indiqué le changement de nom. Vous allez essayer d'adapter certains de ses éléments afin qu'ils correspondent au nom du poste de leader. Toutefois, cela ne couvre pas toutes les fonctions du poste. Il y a bien d'autres aspects, touchant notamment les leaders adjoints. Le Règlement est fondé sur le principe d'un gouvernement et d'une opposition officielle, et d'autres aspects du genre, que vous êtes prêts à adapter par voie législative.
Après avoir étudié la question, avez-vous une idée du nombre d'articles du Règlement du Sénat qui doivent être encore modifiés de cette façon?
M. LeBlanc : Merci de la question, sénateur.
Vous comprendrez que ce n'est pas à un député de la Chambre des communes de dire aux sénateurs de quelle façon changer ou adapter leur propre règlement. Comme je l'ai dit, nous serions disposés à discuter du statut et de la Loi sur le Parlement du Canada, dont sont évidemment responsables les deux chambres, puisqu'ils régissent leur fonctionnement et font partie de l'équation parlementaire. Je serais donc heureux de travailler de façon collective ou collégiale pour faire en sorte que, si le gouvernement propose un projet de loi visant à modifier la Loi sur le Parlement du Canada, nous puissions en même temps corriger, amender ou mettre à jour de façon efficace et dans un seul projet de loi gouvernemental tous les éléments que vous et vos collègues jugez importants.
Toutefois, j'accueillerai de façon favorable tout changement à votre propre règlement jugé par vous approprié. Nous n'avons aucune idée de la façon dont vous devriez changer votre propre règlement. Nous disons simplement — étant donné que je ne suis pas expert en la matière — que nous nommerons un leader du gouvernement qui deviendra représentant du gouvernement. Il y a des gens ici présents qui ont beaucoup plus d'expérience que moi des règles parlementaires, et certainement des règles du Sénat. Nous estimons que, pour assumer ses responsabilités en matière de processus législatif, cette personne doit occuper cette fonction.
Une fois encore, je ne fais qu'exprimer mon opinion. Je ne crois pas que nous en arriverons à une conclusion définitive tant que nous n'aurons pas désigné cette personne. Après m'être entretenu avec bon nombre d'entre vous, j'ai l'impression qu'il y aurait avantage à nommer un leader adjoint du gouvernement ou un représentant adjoint du gouvernement. Nous voudrions évidemment que ce représentant du gouvernement rencontre des collègues et qu'il recommande ensuite au premier ministre le candidat le mieux placé pour remplir cette fonction. Nous serions disposés à nommer cette personne, après la nomination d'un représentant du gouvernement.
La fonction de whip est elle aussi prévue par la loi, mais nous ne dirigeons pas les votes au Sénat. Nous voulons que les sénateurs soient libres de voter dans l'intérêt de leur région ou en fonction de circonstances particulières. A priori, nous ne nommerions probablement pas de whip, mais, je le répète, tout cela dépendrait des conversations tenues avec le nouveau représentant du gouvernement. Je ne fais qu'exprimer mon point de vue, mais je souhaiterais bien franchement que cette personne puisse s'entretenir avec le plus grand nombre possible d'entre vous.
La sénatrice Batters : Madame la ministre, je déduis des réponses qu'a données le ministre LeBlanc que le gouvernement Trudeau nommera un leader du gouvernement au Sénat, qui se conformera au Règlement du Sénat et à la Loi sur le Parlement du Canada.
Voilà maintenant 12 jours que nous siégeons au Sénat sans avoir pu demander des comptes à votre gouvernement libéral. Or, nous en avons eu trois fois l'occasion avec des ministres. J'ai été choquée d'apprendre hier que, selon vos dires, la situation pourrait encore durer plusieurs semaines.
Il n'y a actuellement à la Chambre des communes aucun membre de l'opposition représentant le Canada atlantique, les territoires du Nord, la région du Grand Toronto, Montréal ou Vancouver. Personne de ces régions pour poser des questions difficiles à votre gouvernement libéral. Or, dans cette chambre, nous avons des sénateurs représentant toutes ces régions.
Je pense que c'est compromettre la démocratie que de ne pas nous autoriser à poser au nom des Canadiens des questions difficiles, de façon à demander des comptes au gouvernement Trudeau dans le cadre de la période des questions au Sénat.
Madame la ministre, est-ce que la personne choisie pendant cette période répondra aux questions des sénateurs au nom du gouvernement Trudeau?
Mme Monsef : Merci de la question, sénatrice.
Moi aussi, j'ai hâte de rencontrer les cinq Canadiens qui se joindront à vous. Hier, tout comme aujourd'hui, j'ai espéré trop vite l'arrivée du printemps.
J'aimerais préciser qu'au 29e jour de son entrée en fonction, le gouvernement a annoncé ce nouveau processus. Nous avons travaillé le plus diligemment et le plus rapidement possible pour mettre au point le cadre approprié en tournant à plein régime.
À propos des gens que nous avons associés au processus, nous leur avons confié une tâche énorme, qui est sans précédent. À l'instar de tous les Canadiens, nous les suivons en respectant le besoin qu'ils ressentent de faire bien les choses et le prendre leur temps, car il est important de concilier justesse et efficacité.
Des ministres se sont mis à votre disposition pour répondre à vos questions. Et ils continueront de le faire. Je vous dirais que, lorsque la possibilité s'est présentée aux réunions du Cabinet, chaque fois que l'un de nos collègues du Cabinet se prépare à se présenter devant vous, on ressent un mélange de nervosité et d'enthousiasme à l'idée d'écrire une page de l'histoire.
Comme mon collègue l'a mentionné, les règles, la flexibilité, le mode d'évolution et les modèles hybrides qui ont été proposés, tout cela découle de vos besoins et de votre rétroaction. Le leader du gouvernement, le représentant du gouvernement qui sera nommé fera partie du processus de responsabilisation, pas seulement devant le Sénat, mais devant tous les Canadiens.
Pour conclure, je crois fermement que nous rendons un grand service aux Canadiens et au processus démocratique, et je me réjouis à la perspective de collaborer avec vous tous pour en faire la preuve à tous les Canadiens.
La présidente : Merci, madame la ministre. Nous sommes tous ravis de votre enthousiasme, même si j'aurais souhaité qu'il s'exprime plus brièvement dans certaines de vos réponses.
Mme Monsef : Je suis nerveuse, madame la présidente.
La sénatrice Cools : Je tiens à remercier les ministres d'être venus témoigner et des efforts sincères qu'ils déploient pour améliorer ce qui, à leur avis, doit l'être.
Je n'utilise pas les expressions du genre « gouvernement démocratique ». Notre système n'est pas un gouvernement démocratique, c'est un gouvernement parlementaire. Il y a une différence. Cela signifie que le roi choisit ses ministres parmi les députés de la Chambre des communes qui, à leur tour, sont eux-mêmes responsables devant la Chambre.
Je vous souhaite vraiment de réussir. Au risque de froisser mes amis conservateurs, je ne peux pas vous dire à quel point des millions de Canadiens sont heureux de revoir les libéraux au pouvoir. Et je le dis en toute sincérité. C'est la réalité.
Le Canada va habituellement bien lorsque les libéraux sont au pouvoir, et...
La présidente : Avez-vous une question, sénatrice Cools?
La sénatrice Cools : J'y viens.
M. LeBlanc : Ne coupez pas la sénatrice, madame la présidente, ce qu'elle dit est très bon pour les nerfs.
C'est aussi notre avis, à propos, sénatrice.
La sénatrice Cools : Son travail l'enthousiasme et le mien me fait le même effet, elle doit le savoir.
Je ne sais pas si vous y avez réfléchi, mais un gouvernement responsable signifie que le monarque, qui est membre à part entière du Parlement du Canada, a renoncé à son intervention directe et à ses droits législatifs pour les confier aux ministres de la Couronne qui, par l'entremise de leurs ministères respectifs, font marcher les rouages du gouvernement.
Vous ne cessez d'utiliser l'expression « représentant du gouvernement ». Ici, au Sénat, nous devrions dire « représentant de la reine ».
J'espère que vous vous pencherez sur certains points constitutionnels importants, qui ne sont pas si évidents, mais extrêmement subtils, et qui constituent des différences très importantes, car un ministre représente la Couronne et le roi.
Vous parliez de votre nervosité. Je ne suis pas aussi nerveuse que vous, mais j'ai peur que vous négligiez certains aspects et commettiez une erreur sur un élément constitutionnel fondamental. Il est très important de bien traiter cette question.
La ministre est ici. Ce n'est pas un représentant du gouvernement. Il y a trois éléments constitutifs. Soyez toujours aussi enthousiaste, mais je vous demande de vous arrêter un instant pour étudier cette question précise, car je ne veux pas que vous échouiez.
Mme Monsef : Merci.
La présidente : Merci, madame la sénatrice.
Permettez-moi de préciser, pour le compte rendu, que son enthousiasme pour un gouvernement libéral est d'autant plus remarquable qu'elle siège comme sénatrice indépendante.
Mme Monsef : Merci, mesdames.
La sénatrice Cools : Et j'ai toujours été enthousiaste, même quand j'étais libérale, de Trudeau à Trudeau, d'un océan à l'autre.
Mme Monsef : Je vous sais gré de nous faire connaître vos sujets de préoccupation.
La sénatrice Cools : Nous pouvons en discuter en privé, si vous voulez.
Mme Monsef : Mon enthousiasme est dû, en partie, au fait que je suis entourée d'avocats et de la crème des Canadiens. Je suis persuadée que nous travaillons à l'intérieur du cadre constitutionnel dont nous avons besoin. Moi aussi, je veux que nous réussissions.
Madame la présidente, deux ou trois précisions seulement.
La femme qui a le mieux servi les Canadiens, ici puis à l'étranger, mon modèle, c'est Flora MacDonald. Comme beaucoup de mes collègues, j'apporte à cette première session de la 42e législature un regard neuf et plus d'objectivité.
Je crois sincèrement que le Canada réussit le mieux et que le monde en profite le plus quand nos institutions collaborent en transcendant les clivages.
Je me suis renseignée sur vous tous. J'ignore si j'ai réussi ainsi à calmer ma nervosité, mais, je compte sur la compétence de gens comme vous, vous la doyenne du Sénat, pour pouvoir, un jour, m'enorgueillir d'avoir laissé un héritage semblable à celui de Flora MacDonald. Dans tout cela, il y a donc un peu le désir de me mettre en valeur.
Le sénateur Wells : Je vous remercie, madame la ministre et monsieur le ministre, d'être ici.
Madame Monsef, en décembre, vous avez dit :
Je suis persuadée que ce processus fondé sur le mérite conduira à la recommandation des meilleurs candidats pour le Sénat.
Puis, en janvier :
Je crois que nous sommes sur la bonne voie pour nommer [...] des sénateurs pour leur mérite et réprimer l'esprit de parti qui a nui à l'efficacité du Sénat [...].
Cette dernière déclaration est bizarre, parce que nous sommes beaucoup moins imbus de l'esprit de parti que les députés, et je pense que tous mes collègues seraient d'accord et qu'ils voudraient le souligner.
En ce qui concerne le mérite, bien sûr vous savez, et, visiblement, vous avez fait vos recherches, que même depuis 2011, quinze sénateurs nommés appartenaient à l'Ordre du Canada; qu'au moins quatre ont fait partie de cabinets ministériels. Nous avons des sénateurs d'un grand mérite.
Les travaux du sénateur Kelvin Ogilvie, qui vient de partir, ont été intégrés dans la collection permanente du Smithsonian Institute. Il a inventé un produit pharmaceutique qui a été reconnu comme un tournant de l'histoire de la chimie du XXe siècle au Canada. Je pourrais citer d'autres noms.
La sénatrice Fraser, notre présidente, a reçu un certain nombre de récompenses nationales, des récompenses pour le journalisme de la presse écrite, elle-même étant une journaliste accomplie.
Tout le curriculum vitae du sénateur Joyal constitue pour moi une leçon d'humilité.
Le sénateur Patterson a dirigé la campagne de 20 ans qui a conduit, en 1999, à la création du plus jeune des territoires canadiens, le Nunavut.
Et ainsi de suite.
Voici ma question : quel mérite plus grand chercheriez-vous?
Mme Monsef : Votre question a beaucoup de mérite. Comme je l'ai dit, ce nouveau processus ne vise aucunement à diminuer la qualité des sénateurs anciens et actuels.
Il s'agit du processus. Un processus plus objectif, public, transparent à toutes ses étapes, qui permet aux Canadiens de demander des comptes à vos futurs collègues.
Sachez, j'y tiens, que le processus nous excite et nous enthousiasme. Il a été simplifié et il fait beaucoup moins appel à l'esprit de parti.
Enfin, pour répondre à la partie longue de votre question, je suis réconfortée à l'idée que, dans ma mission personnelle de raconter la biographie des sénateurs qui contribuent tellement à la vie canadienne, je suis susceptible de travailler avec vous. J'espère que vous accepterez de relever ce défi.
Le sénateur Wells : Dans un premier temps, vous exigez qu'un organisme dresse une première liste de candidatures pour le Sénat. Cela m'inquiète. Nous sommes un organisme indépendant, et vous souhaiteriez que nous le soyons davantage. Est-ce qu'on a des craintes au sujet de l'intégration, dans le Sénat, d'un groupe spécial d'intérêt qui proposera des candidatures? Pour ma part, j'en ai beaucoup.
Mme Monsef : Les Canadiens nous ont chargés d'opérer les changements que nous effectuons. Je tiens à ce que vous le sachiez.
En ce qui concerne les mises en candidature par des organismes, le service de la collectivité, le lien avec sa communauté sont essentiels, comme vous l'avez vu dans nos critères. Les collectivités et les organismes qui se démènent quotidiennement sur le terrain savent qui sont leurs amis et leurs alliés aussi dévoués qu'eux. Qui mieux qu'eux pourrait nous conseiller si nous leur demandions leur avis?
Dans un deuxième temps, le processus s'ouvrira à tous les Canadiens. Tous ceux qui répondent aux exigences constitutionnelles pourront poser leur candidature.
Le sénateur Wells : Et les cinq critères?
La présidente : Merci.
Le sénateur Wells : Je vous remercie pour votre indulgence.
Mme Monsef : Je vais répondre plus tard.
La présidente : Elle trouvera un moyen.
Le leader de l'opposition me demande l'autorisation de poser une question supplémentaire très courte.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pourra-t-on savoir publiquement quel est l'organisme, l'institution ou l'organisation qui a proposé et recommandé les candidats choisis?
[Traduction]
Mme Monsef : Comme je l'ai dit, ce processus est confié à un comité consultatif indépendant. Il lui incombera de nous faire un rapport dans lequel il nous dira à qui il s'est adressé, le genre de réponses reçues des Canadiens, les modalités qui ont donné de bons résultats et les améliorations à apporter au processus.
Pour répondre à cette question plus complètement, j'attendrai que le comité consultatif me fasse le point sur ses travaux.
La sénatrice Frum : Madame la ministre, le mandat de la phase 2 du processus de nomination dit que :
Les candidats devront démontrer au comité consultatif qu'ils sont en mesure d'apporter des points de vue et de contribuer aux travaux du Sénat de façon indépendante et non partisane. Ils devront également divulguer dans leur demande, tout engagement politique et activités connexes. Les activités politiques passées n'engendreront pas la disqualification d'un candidat.
Cela soulève deux questions. D'abord, pensez-vous que les Canadiens comprennent que, dans ce mandat, d'après cet élément d'impartialité, le président actuel du Parti libéral, le président du fonds libéral du Canada ou un ancien député libéral à la retraite qui a fait partie de la dernière législature méritent tous d'être nommés s'ils démontrent la capacité d'être indépendants et objectifs? Comment peut-on la démontrer? À quoi la démonstration ressemble-t-elle?
Mme Monsef : C'est une excellente question.
Non seulement peut-on proposer la candidature d'anciens membres du Parti libéral pour ce processus, mais nous avons ouvert le processus à tous les Canadiens. Que vous ayez été membre du Parti conservateur, du NPD, du Parti vert ou de tout autre parti, ça ne vous exclut pas du processus et ne vous empêche pas d'être nommé sénateur.
Comme votre collègue l'a dit, on exige effectivement du futur sénateur qu'il connaisse le processus parlementaire et qu'il y ait été exposé. L'appartenance passée à un parti n'exclut personne, et les Canadiens le comprennent. Dans les cas où ils ne le pourraient pas, ils trouveront, sur le site web, les coordonnées des personnes qui pourront les éclairer à ce sujet.
Jusqu'ici, j'ai vu et je continue de voir que l'union dans des causes communes est possible et qu'elle donne des résultats. Dans mes propres campagnes, je le dis franchement, j'ai vu des gens réussir à en faire abstraction et se concentrer sur la tâche à accomplir. Comme mon collègue l'a dit, le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir nous a montré que c'est possible et que la collaboration des sénateurs et des députés, en transcendant les clivages, profite aux Canadiens. Les conversations et l'expérience de rôles transcendant la partisanerie en portent le témoignage.
La sénatrice Seidman : Merci, madame la ministre, monsieur le ministre, d'être ici.
Le Québec a demandé pour les provinces une représentation égale aux comités consultatifs et un droit de veto sur la liste définitive des candidats soumise au premier ministre pour la nomination de sénateurs. Quelle est votre opinion à ce sujet?
Mme Monsef : Après avoir consulté chaque province sur les personnes qui pourraient occuper ces sièges spéciaux, j'ai demandé par lettre à mes homologues des idées pour améliorer dorénavant le processus. Nous examinerons sérieusement les observations du Québec et des autres provinces, vos réactions aussi et celles des Canadiens et de nos homologues.
La sénatrice Seidman : Étudierez-vous sérieusement le droit de veto des provinces sur la liste définitive soumise à l'approbation du premier ministre?
Mme Monsef : Nous étudions sérieusement toutes les réactions que nous avons reçues, y compris cette idée-là.
Le sénateur Tannas : Merci, madame la ministre.
Permettez-moi, une minute, de prêcher pour ma paroisse, c'est-à-dire pour les sénateurs élus de l'Alberta, dont je fais partie. Les Albertains ont élu un candidat qui attend qu'un siège de sénateur se libère. M. Mike Shaikh répond haut la main à tous vos critères. C'est un homme d'affaires accompli, un philanthrope très connu et un chef de la communauté musulmane. J'aurais beaucoup à dire sur son dévouement pour les Canadiens. En plus, il se trouve qu'il a l'avantage d'avoir recueilli les suffrages de plus de 300 000 Albertains.
Mme Monsef : Bonté divine!
Le sénateur Tannas : Un article de Gloria Galloway paru le 22 janvier, dans le Globe and Mail, fait dire à quelqu'un de votre cabinet que tout ça n'aurait aucune influence. Je suis perplexe. Je pense que les Albertains le seraient aussi par l'inutilité de son curriculum vitae, qu'il est en mesure de présenter, et celle, petit détail, des quelque 300 000 suffrages qu'il a recueillis. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Mme Monsef : Oui. Je vous remercie de cette question.
Je pense que c'est en 2017 ou 2018 que le prochain siège de l'Alberta devrait devenir vacant.
Le sénateur Tannas : En 2018, effectivement.
Mme Monsef : Et la modification que nous mettons en œuvre dans la phase permanente est d'ouvrir le processus à tous les Canadiens, pas seulement à ceux qui ont le courage de se porter candidats, mais à ceux, aussi, qui peuvent ne pas en avoir ni les moyens ni la liberté.
Je suis sûre que la personne dont vous parlez, qui recueille la confiance de ses concitoyens, ajoutera son nom à celui des autres candidats. Mais je suis certaine que le comité consultatif, qui évaluera les mérites des candidats dont on présentera la liste au premier ministre et au gouverneur général, en tiendra compte.
Le sénateur Tannas : Se pourrait-il qu'on lui accorde un passe-droit?
Mme Monsef : Je ne peux rien dire. Mais le mot « passe-droit » est intéressant.
Le sénateur Tkachuk : Madame Monsef, l'une des questions que je me pose porte sur le comité et sur les modalités de sélection des candidats. Faut-il le consensus des membres du comité pour proposer des candidatures? Est-ce qu'on applique le principe de la majorité? Combien de membres sont proposés pour chaque poste? Leurs noms seront-ils rendus publics?
Mme Monsef : Les cinq personnes qui trouveront les candidats qu'ils recommanderont au premier ministre fourniront cinq noms par poste vacant. La liste devrait porter 25 noms.
En ce qui concerne les règles qu'ils se donneront dans le cadre de leur mandat, nous croyons que les membres du comité sont capables de s'entendre, qu'ils souscriront aux principes de gouvernance les plus rigoureux et qu'ils les appliqueront pour parvenir à des décisions.
Le sénateur Tkachuk : J'ai deux autres questions, si j'avais le temps.
La présidente : Rapidement.
Le sénateur Tkachuk : Vous avez mentionné, monsieur LeBlanc, votre incertitude relativement aux whips et au leader. Que vous n'aviez probablement pas besoin de whip. Qu'il y en ait un ou non, quelqu'un doit faire ce travail. Quelqu'un doit distribuer les bureaux et les emplacements de stationnement. Comme vous le savez, il faut beaucoup d'administration au quotidien. Il me semble que, tous les deux, vous devriez le savoir. Nous sommes un système parlementaire, et nous avons travaillé avec des partis politiques. Sans partis politiques, le système parlementaire n'existe pas.
C'est une expérience très particulière, je dois l'avouer, mais, en fin de compte, nous aurons un groupe pour le gouvernement et un autre contre, peu importe le nom qu'on leur donnera. Nous aurons ici un système parlementaire avec des partis.
La présidente : Monsieur Tkachuk, votre temps est écoulé.
M. LeBlanc : Madame la présidente, je serai bref.
Je ne partage pas nécessairement votre vision. Déjà, ici, des sénateurs sont indépendants, et je pense qu'ils remplissent honorablement leur fonction. L'idée selon laquelle, sans partis, ça ira mal, je laisse votre groupe, vos collègues en juger. Je peux seulement parler de la partisanerie extrême qui règne au bout du corridor, dans la Chambre où ma collègue et moi travaillons.
Ne vous étonnez pas que je n'aie pas parlé des fonctions administratives du whip. Vous avez absolument raison. Bien sûr que je le comprends. Nous avons pensé que ces fonctions administratives pourraient peut-être être confiées au nouveau représentant adjoint du gouvernement. Nous hésitons à nommer un whip, ce qui implique un mot d'ordre avant les votes. Comme le premier ministre l'a dit pendant la campagne électorale, et comme ma collègue l'a dit aussi, nous croyons être chargés du mandat de mettre en œuvre certains changements dans le processus de nomination. Nous pensons que la fonction de whip, qui symbolise des votes conformes à un mot d'ordre était peut-être une contradiction.
Encore une fois, sous réserve de la volonté de la Chambre et du nouveau représentant du gouvernement, et quelles que soient les structures appropriées, nous proposerions de confier ces fonctions administratives, la distribution des emplacements de stationnement et des bureaux, comme vous avez dit, peut-être au leader adjoint du gouvernement, par exemple.
Le sénateur Tkachuk : Madame la présidente, j'ai seulement une autre question, sur la partisanerie.
La présidente : Les ministres sont à la veille de partir.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends.
La présidente : D'autres sénateurs veulent poser des questions.
Le sénateur Tkachuk : J'ai fait parler un peu M. LeBlanc.
La présidente : Pas seulement lui.
Le sénateur Tkachuk : Sur la partisanerie je voudrais simplement dire que nous en souffrons beaucoup moins que les députés. Presque tous nos rapports de notre comité sont unanimes, sauf si un projet de loi provoque un clivage entre les partis, parce que les sénateurs ont certaines croyances. Je pense que c'est normal et que ça continuera, mais de là à dire que nous avons l'esprit de parti, je pense, monsieur LeBlanc, que c'est inexact.
La présidente : Merci, monsieur Tkachuk.
M. LeBlanc : Je pensais que c'était vous, et non moi, qui faisiez allusion à l'esprit de parti, mais je pense que la sénatrice Fraser veut donner la parole à un autre intervenant.
Le sénateur McInnis : La plupart des nouveaux sénateurs seront choisis d'après des critères intellectuels, le nombre de diplômes ou leurs grandes réalisations. Ce style de méritocratie transformera sûrement le Sénat, à mon avis, en un club élitiste.
Le premier ministre, alors qu'il se tenait devant son nouveau cabinet assermenté, l'automne dernier, a déploré que ceci ne représente pas le Canada. Croyez-vous vraiment que ce critère de sélection des sénateurs les rendra représentatifs du Canada?
Mme Monsef : Je vous remercie de votre question.
Même si les études sont importantes, elles ne font aucunement partie du principal critère auquel les candidats doivent satisfaire, le service à la collectivité. C'est la démonstration de qualités de chef et la capacité de travailler à l'intérieur de lignes directrices sur l'éthique et l'intégrité.
Nous ne cherchons pas seulement des universitaires dont le point de vue est important. Nous cherchons des chefs chez les Autochtones et les artistes. Nous cherchons des candidats aux antécédents culturels différents, ou ayant des antécédents scientifiques et commerciaux.
Je veux dire que, autant les membres du comité consultatif ont joué un rôle honorable dans des organismes comme Centraide, qu'ils sont des artistes, des ennemis de la pauvreté au Canada, des personnes de toutes les conditions sociales, autant nous cherchons à ce que les compétences et les voix qui s'uniront aux vôtres, ici, au Sénat, reflètent les voix que les Canadiens veulent entendre plus clairement au Sénat comme à la Chambre des communes.
La présidente : Madame Monsef, dans la conférence de presse de décembre où vous avez annoncé le nouveau monde qui nous attendait, vous avez dit que les nouveaux sénateurs seraient nommés dans l'attente qu'ils s'acquitteront de leurs tâches de manière neutre et indépendante. Que vouliez-vous dire par cette attente? Exigerez-vous qu'ils promettent, avant d'être nommés, de se tenir loin des partis politiques?
Mme Monsef : Madame la présidente, je vous remercie de la question. Je vous remercie également d'avoir regardé la conférence que nous avons tenue en décembre.
Dans notre cadre constitutionnel, comme vous l'avez dit, nos attentes et ce sur quoi nous avons notre mot à dire dans la démarche concernent la nomination d'individus. Comme je l'ai déjà dit à la sénatrice Frum, nous cherchons des gens qui ont déjà prouvé, dans leurs fonctions antérieures, qu'ils sont capables de le faire.
Une fois que ces personnes auront été nommées, il leur incombera d'effectuer leur travail de façon indépendante.
La présidente : Cela inclut peut-être le libre choix de se joindre à un caucus, qui sait?
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. C'est très important, cela nous concerne et concerne aussi les Canadiens et les Canadiennes. Vous soulignez l'importance de moderniser le Sénat, et vous voulez contribuer à cette nouvelle étape. Je suis d'accord, et plusieurs le sont également, avec l'idée de conférer davantage de transparence à l'institution. Vous démontrez même une ouverture à la modification de la Loi sur le Parlement, de sorte que nous puissions être plus modernes et plus représentatifs.
L'une des modifications visées, si le Sénat est d'accord, serait de modifier le processus de nomination du Président du Sénat. Il s'agirait d'une nomination faite par les sénateurs, comme dans tous les parlements modernes.
Si le Sénat vous en fait la recommandation, serez-vous d'accord pour inclure cette modification? Êtes-vous ouverts à l'idée que les sénateurs procèdent à la nomination du Président du Sénat à l'avenir?
M. LeBlanc : Je vous remercie, sénateur Massicotte. Vous avez suggéré deux questions. Vous avez soulevé la question de votre comité sur la modernisation. Je salue d'ailleurs le rôle d'impulsion que vous jouez dans le dossier de la modernisation et de la réforme du Sénat. J'ai constaté avec intérêt le rôle de leader que vous avez joué avec l'appui de vos collègues. Je sais que vous siégez au nouveau comité sur la modernisation. Pour notre part, Mme Monsef et moi serons heureux de vous rencontrer et de travailler avec vous informellement. Vous déciderez de la meilleure façon pour nous de collaborer.
Je sais qu'il y a un projet public du Sénat sur la nomination du Président du Sénat. Nous avons reçu un avis constitutionnel et formel de la part du ministère de la Justice selon lequel le fait de changer le processus de nomination du Président du Sénat empiète sur la question constitutionnelle. Alors, pour le moment, je n'ai pas l'autorisation ou la capacité d'affirmer que nous pouvons envisager ce changement, dans le cadre d'une modification possible à la Loi sur le Parlement du Canada.
Pour le moment, selon l'avis formel que nous avons reçu, c'est le gouverneur général qui désigne le Président du Sénat. Est-ce l'idéal? Est-ce une façon de faire moderne? Probablement pas, mais on nous dit que la Constitution nous y oblige pour le moment. Il s'agit d'en discuter pour déterminer s'il y a une façon de débattre de la question à nouveau.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Je remercie les témoins de souligner l'excellent travail que le Sénat accomplit. Comme vous le savez sans doute, dans la jurisprudence, les comités sénatoriaux sont cités trois fois plus que ceux de la Chambre des communes, et je parle de mesures législatives. Il ne s'agit pas de la période des questions.
Le premier ministre Harper a ouvert le bal en retirant du cabinet la leader du gouvernement au Sénat, Marjory LeBreton. C'était une bonne décision. Vous avez complété la démarche. Toutefois, la procrastination, c'est comme une carte de crédit : c'est formidable, jusqu'à ce qu'on reçoive la facture. Le Sénat a reçu la facture, car nous sommes ici; nous avons commencé nos travaux et nous attendons que vous procédiez aux nominations.
Pouvez-vous nous garantir que vous allez procéder aux nominations le plus tôt possible? Vous avez déterminé ce que feront ces personnes, et vous nous dites de ne pas faire traîner les choses, de changer nos règlements et de respecter les directives que vous avez établies.
M. LeBlanc : Merci, sénateur.
Je ne voudrais pas prétendre pouvoir dire au Sénat comment changer son Règlement. J'ai l'honneur de connaître le sénateur Baker depuis ma tendre enfance; il a été le secrétaire parlementaire de mon père dans l'autre Chambre. George est donc comme un grand frère pour moi, et je veux vous dire, sénateur, que vous entendre me poser ces questions me fait chaud au cœur.
Plus sérieusement, sénateur, comme ma collègue l'a dit — et vous avez tout à fait raison —, nous saisissons l'urgence. Je crois que nous regrettons que le Parlement ait repris ses travaux. Vous vous souviendrez sans doute que nous voulions rappeler le Parlement rapidement en décembre après l'élection pour respecter une promesse que nous avions faite durant la campagne concernant une baisse d'impôt pour la classe moyenne afin qu'elle s'applique à partir du 1er janvier. J'ai suivi les instructions que le premier ministre m'avait données : rappeler le Parlement en décembre. Bien des gens auraient pu attendre jusqu'au début de la nouvelle année.
Nous connaissons vos besoins, et nous regrettons que les choses ne se soient pas déroulées plus rapidement. Or, comme l'a dit ma collègue, nous voulons agir correctement, de façon indépendante et rigoureuse. Je pense que les Canadiens seront bien servis si nous terminons le processus sans tarder, tout en faisant preuve de rigueur. Avec un peu de chance, sénateur, les sénateurs seront nommés, et il y aura le nouveau représentant du gouvernement, et nous pourrons poursuivre le dialogue, comme l'a dit ma collègue, sur d'autres aspects, dont les règles.
La présidente : Je cède la parole à la sénatrice Dyck. Puisque la sénatrice Raine a retiré son nom de la liste, c'est le sénateur Plett qui posera rapidement la dernière question.
La sénatrice Dyck : Ma question s'adresse à la ministre Monsef. Dans votre déclaration préliminaire, vous disiez que vous vous attendiez à ce que le nouveau processus de nomination se traduise par une amélioration du fonctionnement du Sénat, de son efficacité. J'aimerais savoir ce que cela signifie. Comment déterminerons-nous que c'est le cas? Comment comptez-vous l'évaluer? De quelle façon évaluez-vous cela maintenant et de quelle façon allez-vous le faire après que les changements auront été apportés? Qu'est-ce qui vous indiquera que le processus donne les résultats auxquels vous vous attendez?
Mme Monsef : Je vous remercie de la question.
Nous croyons que ces gens donneront un nouveau ton, qu'il y aura moins de partisanerie au Sénat. À notre avis, notre réussite se mesurera en partie par le fait que les Canadiens verront davantage les travaux importants qu'effectue le Sénat. Une fois que nous aurons ouvert le processus aux Canadiens, les gens qui accordent de l'importance aux institutions souhaiteront en faire partie. J'espère qu'ensemble, nous pourrons mesurer les résultats très bientôt.
La présidente : Je pense que M. LeBlanc doit partir. Madame la ministre, pouvez-vous rester pour répondre à une dernière question brève?
M. LeBlanc : Nous en sommes à 15 minutes de plus. Nous essayons de répondre aux questions. Nous sommes à votre entière disposition.
La présidente : Nous vous en remercions. Je vous ai libéré parce que vous avez dit que vous aviez une réunion d'un comité du Cabinet.
M. LeBlanc : La ministre y participera aussi.
La présidente : Ils n'auront pas le quorum si vous n'êtes pas à la réunion, n'est-ce pas?
M. LeBlanc : Je ne sais même pas si un quorum est fixé dans le cas d'un comité du Cabinet.
La présidente : Je demande au sénateur Plett de vous poser rapidement une question, à laquelle vous pourrez répondre par écrit.
M. LeBlanc : Nous répondrons à la question du sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup.
Je serai très bref. On n'a pas demandé à l'Association des municipalités du Manitoba, à la ville de Brandon, deuxième ville en importance du Manitoba, à sa chambre de commerce, de participer à la démarche. Le Manitoba ne fait pas partie du processus.
Vous avez tous les deux dit avoir reçu le mandat de faire cela. Le fait est que 60,5 p. 100 des Canadiens n'ont pas voté pour le Parti libéral, et je crois que certaines personnes auraient préféré qu'un processus différent soit adopté.
Madame la ministre, vous avez mentionné un certain nombre de critères — Centraide, différentes catégories de gens qui seraient hautement qualifiés. Je crois qu'en seulement cinq minutes, je pourrais nommer toutes les personnes ici aujourd'hui, mais vous dites pourtant que nous avons besoin d'un nouveau processus. En quoi l'ancien processus, celui qui a résisté au passage du temps — 150 ans —, ne permet-il pas de nommer chacun de ces éminents Canadiens au Sénat?
Mme Monsef : Merci, sénateur.
Je crois que nous conviendrons tous que pour demeurer pertinentes, les institutions démocratiques doivent évoluer. Les changements que nous proposons se fondent sur une promesse que nous avons faite aux gens du pays, soit celle d'améliorer le processus de nomination au Sénat pour rétablir leur confiance envers cette institution très importante.
Je le répète, le processus ne vise aucunement à dévaloriser votre bon travail ou celui des gens qui vous ont précédés. D'après les échos que nous avons déjà reçus, nous sommes convaincus que le processus est en train de redonner une certaine part de confiance aux Canadiens et que ces derniers voient le bon travail qui est accompli ici et qui sera accompli.
M. LeBlanc : Madame la présidente, le sénateur Plett a parlé de la campagne électorale. L'une des questions à laquelle notre chef, qui est maintenant notre premier ministre, attachait beaucoup d'importance, c'était la défense du rôle du Sénat. Il estime qu'il a le mandat d'améliorer le Sénat et de collaborer avec lui. Il n'a cessé de défendre l'idée que le Sénat doit jouer un rôle.
Le sénateur a dit que 60 p. 100 des gens n'ont pas voté pour nous. Les gens qui ont voté pour le NPD voulaient abolir le Sénat, et ce n'est pas du tout la position que nous avons adoptée. À notre avis, c'était une position irresponsable.
Nous avons hâte de poursuivre les discussions, et de travailler avec vous tous.
Madame la présidente, cela a été un honneur de comparaître devant le comité.
La présidente : Vous avez fait preuve d'une très grande patience et d'indulgence. Nous vous remercions beaucoup tous les deux.
(Le comité s'ajourne.)