Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 1 - Témoignages du 1er février 2016
OTTAWA, le lundi 1er février 2016
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 14 heures, pour examiner les politiques, pratiques, circonstances et capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense en vue d'en faire rapport.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant de commencer, j'aimerais présenter les personnes qui se trouvent à la table. Je suis le sénateur Dan Lang, et je représente le Yukon. À ma gauche se trouve Adam Thompson, greffier du comité. J'aimerais inviter chaque sénateur à se présenter et à préciser la région qu'il représente, à commencer par le vice-président.
Le sénateur Day : Sénateur Joseph Day, de Hampton, Kennebecasis et Belleisle, au Nouveau-Brunswick.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je suis le sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec. Mon district est celui de Victoria, dans la région de Montréal.
Le sénateur Carignan : Je suis le sénateur Claude Carignan. Je suis leader de l'opposition au Sénat et je suis également un représentant du Québec. Ma circonscription sénatoriale est dans la Couronne Nord, dans le coin de Thérèse-De Blainville et de Saint-Eustache, probablement l'une des plus belles villes du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de Dryden, en Ontario.
Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.
Le président : Avant de souhaiter la bienvenue à nos invités, j'aimerais remercier de nouveau mes collègues de m'avoir encore choisi comme président du comité. Je tiens à souhaiter en particulier la bienvenue au sénateur Day, qui a été élu vice-président. Il siège au comité depuis 2001 et en est l'un des plus anciens membres. Je suis convaincu qu'il va continuer à recueillir des idées et des connaissances d'une grande utilité sur les questions dont le comité est saisi, et ce, pour des années à venir.
Encore une fois, sénateur Day, je me réjouis de travailler avec vous comme vice-président dans le même esprit de coopération que je l'ai fait avec les vice-présidents antérieurs, le sénateur Roméo Dallaire et le sénateur Grant Mitchell.
Chers collègues, j'aimerais aussi vous signaler que le sénateur Dagenais a accepté d'être le troisième membre du comité directeur.
Je tiens aussi à souhaiter en particulier la bienvenue à notre nouveau venu au comité, le sénateur Claude Carignan, qui était leader du gouvernement au Sénat pendant la dernière législature et qui est maintenant le leader de l'opposition au Sénat.
Je souhaite à tous la bienvenue, et je me réjouis à la perspective des délibérations que nous aurons au cours des années à venir.
Depuis notre dernière réunion, le comité a terminé et déposé son rapport provisoire intitulé Combattre la menace terroriste au Canada. Ce rapport a été déposé le 18 juillet 2015 et représente un plan directeur solide concernant la réaction aux défis idéologiques et politiques que posent la radicalisation et le terrorisme au Canada aujourd'hui.
Le comité va continuer de s'attaquer aux problèmes importants du point de vue de la sécurité des Canadiens. Nous allons miser sur nos études antérieures et déployer tous les efforts possibles pour le faire de façon non partisane et, ainsi, faire passer le Canada d'abord.
Chers collègues, je suis également heureux que nous ayons rétabli le Sous-comité des anciens combattants, composé du sénateur Day qui le présidera, ainsi que du sénateur Dagenais, du sénateur White, du sénateur Mitchell et de moi.
Aujourd'hui, notre séance est d'une durée de trois heures. Nous allons entendre des spécialistes en matière de politique de défense au cours de la première heure. Nous allons ensuite, pour les deux heures suivantes, poursuivre à huis clos afin de discuter de nos travaux futurs.
Je tiens à souligner, pour que ce soit au compte rendu, que deux études adoptées par le Sénat — elles ont été présentées la semaine dernière — portent sur les services et les prestations offerts aux anciens combattants ainsi que sur les blessures de stress opérationnel et l'ESPT. Le Sénat les a approuvées. Conformément à l'entente de la semaine dernière, nous avons estimé qu'il fallait en saisir directement le Sous-comité des anciens combattants. Je voulais simplement que cela soit au compte rendu, aux fins de la procédure.
Je vais demander à notre vice-président, le sénateur Day, s'il souhaite dire quelques mots avant que nous accueillions les témoins.
Le sénateur Day : Merci beaucoup, monsieur le président. Merci de vos commentaires.
Je siège au comité depuis ma nomination au Sénat en 2001, année de la création de ce comité. L'une des autres personnes à avoir préconisé la création du comité est un autre membre du comité qui ne peut être présent aujourd'hui. C'est le sénateur Kenny. Il est désolé de ne pouvoir être là. Le sénateur Kenny est de l'Ontario.
Le sénateur Mitchell était également membre du comité, et il est l'ancien vice-président du comité. Il ne peut être ici pour la première partie de la séance du comité, mais il espère être là avant la fin.
Enfin, je pense qu'il est important de mentionner que le rapport sur le terrorisme n'a pas fait l'unanimité au comité, mais qu'il a été adopté avec l'approbation de la majorité au Sénat.
Le président : Merci beaucoup, sénateur.
Nous allons maintenant accueillir nos invités du jour. Nous avons Mme Julie Lindhout, présidente de l'Association canadienne pour l'OTAN, et M. David Perry, analyste principal à l'Institut canadien des affaires mondiales.
Mme Lindhout et M. Perry sont tous les deux connus des Canadiens qui s'intéressent aux questions de défense. Nous sommes au courant de tout le travail que vous accomplissez pour que nous ayons une conversation publique et constante sur les questions de défense, en particulier sur l'OTAN.
Je suis ravi de vous accueillir tous les deux aujourd'hui. Je vous invite à faire vos exposés, et je vais commencer par Mme Lindhout, après quoi nous écouterons l'exposé de M. Perry.
Julie Lindhout, présidente, Association canadienne pour l'OTAN : Merci beaucoup, sénateur Lang. Je suis ravie d'être ici et d'avoir la conviction que certaines de nos idées seront sérieusement tenues en compte.
À la fin de l'automne 2015, six jeunes analystes de l'Association canadienne pour l'OTAN ont réalisé une recherche très approfondie sur la politique canadienne en matière de défense et ont préparé des recommandations à l'intention du nouveau gouvernement. Le document complet se trouve sur le site www.natoassociation.ca.
Je tiens à souligner que des jeunes s'intéressent à la politique de défense canadienne et se tiennent au fait des questions actuelles de défense et de sécurité. Vous pouvez continuellement avoir accès à leurs contributions sur notre site web.
Leur rapport comporte trois grands messages que je veux résumer aujourd'hui. Je ne tiens pas compte de leur ordre de priorité, et je peux fournir sur demande des détails supplémentaires sur chacun.
Le premier message est que le Canada est une nation commerçante. Le Canada produit bien plus de biens et de services que ce que sa population peut consommer, mais son économie dépend des marchés pour tous ses biens et services. Par conséquent, il dépend de la sécurité mondiale pour ses marchés et pour la sécurité de ses itinéraires d'acheminement vers ses marchés.
Il doit donc travailler avec ses alliés de l'OTAN, de NORAD et de l'ONU, et ce, d'une manière compatible de manière à veiller à ce que ces marchés demeurent accessibles en améliorant la sécurité mondiale et en veillant à ce que les routes vers ces marchés demeurent accessibles et sûres. Cela peut exiger du Canada qu'il sorte de temps en temps de ses frontières pour contribuer à assurer la sécurité d'autres frontières de sorte que les entreprises canadiennes puissent faire des affaires à l'étranger.
Le deuxième point, c'est qu'en raison de notre étendue géographique et de notre population éparpillée, presque tout ce qu'il faut au Canada pour sa force expéditionnaire correspond à ce qu'il lui faut pour protéger ses propres frontières et répondre à ses propres crises et à ses besoins en surveillance.
Il nous faut des capacités de recherche et sauvetage dans l'Extrême-Arctique, et il faut que nous puissions projeter la puissance sur nos limites côtières de l'Arctique et ailleurs. Nos forces armées sont les meilleures ressources que nous ayons pour répondre à quelque crise que ce soit, peu importe où elle se produit dans notre vaste pays.
Enfin, il faut que nous comprenions que les dépenses en matière de défense ne nous empêchent pas de faire des dépenses dans d'autres secteurs. C'est une chose qui est très importante pour nos jeunes. Ce n'est pas un jeu à somme nulle. Le ministère de la Défense nationale donne lieu à des emplois directs et indirects. Ce sont de bons emplois, accompagnés de programmes de formation complets qui préparent bien les participants à n'importe quelle possibilité d'emploi.
L'industrie de la défense offre de bons emplois. Par exemple, la réponse aux besoins en infrastructure dans l'Arctique est tout aussi avantageuse pour les militaires que les civiles. Un bon port en eaux profondes et une bonne route toutes saisons donneront un meilleur accès aux biens, aux services et aux marchés, et ce, aussi bien pour les militaires que les civils. On est prêt pour la première pelletée de terre; il ne manque que l'approbation du fédéral.
Je vais m'arrêter ici. Je serai ravie de vous en dire plus au sujet de n'importe quel élément dont j'ai parlé et de répondre aux questions.
Le président : Merci beaucoup, madame Lindhout.
Monsieur Perry, c'est à vous.
David Perry, analyste principal, Institut canadien des affaires mondiales, à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir invité à venir vous parler aujourd'hui.
Je voulais commencer rapidement par présenter mon organisation, car je crois que je suis le premier de mes collègues à comparaître devant vous depuis que nous avons changé de nom. Je suis un analyste principal à l'Institut canadien des affaires mondiales qui, jusqu'à cet été, s'appelait le Canadian Defence and Foreign Affairs Institute. Nous demeurons un groupe de réflexion non partisan établi à Calgary, mais notre nouveau nom reflète mieux nos activités, soit de préconiser des politiques canadiennes solides pour toutes les activités internationales du Canada. Cependant, je précise que je témoigne à titre personnel.
Votre comité reprend ses audiences à un moment critique pour les forces militaires canadiennes, car le gouvernement s'est engagé à réaliser une révision de la politique de défense d'ici la fin de l'année. Il n'y a pas eu de révision tout à fait ouverte et transparente de notre politique de défense en au moins 20 ans, depuis le processus qui a donné lieu au Livre blanc sur la défense de 1994. Je signale au comité que pendant le processus préalable, vers le milieu des années 1990, on a créé un comité parlementaire mixte spécial qui a joué un rôle inestimable dans le dialogue sur la défense à l'échelle du pays, ce qui a donné lieu à un rapport de grande qualité comportant de nombreuses recommandations dont on a retrouvé des éléments très semblables, sinon identiques, dans le Livre blanc lui-même.
Il vaut nettement la peine d'envisager maintenant un effort parlementaire comparable. C'est particulièrement le cas en raison de l'écart qui existe entre la politique de défense actuelle, la Stratégie de défense Le Canada d'abord, et le budget de la Défense que nous avons pour mettre en œuvre la stratégie. Je pense qu'un examen est particulièrement nécessaire dans le contexte de cet écart entre les engagements et capacités et les circonstances financières dont le présent gouvernement a hérité.
Maintenant que le gouvernement porte son attention sur cet examen, je veux signaler au comité deux facteurs interreliés dans mon exposé, tous les deux liés à l'approvisionnement en matière de défense. Bien sûr, je serai ravi de parler d'autres questions qui intéressent le comité pendant la période des questions et réponses.
Le premier facteur, c'est que les fonds attribués à l'acquisition d'équipement militaire sont, dès maintenant, nettement insuffisants. Le deuxième, c'est que nous avons en ce moment un système d'approvisionnement en matière de défense qui ne répond jamais aux attentes depuis plusieurs années.
En ce qui concerne le premier point, l'un des problèmes les plus graves que le gouvernement devra résoudre avec son examen, c'est la conciliation d'une longue liste de projets d'acquisition d'équipement qui ne sont en ce moment pas financés. Pour l'avenir, les forces militaires ont déterminé que pour réaliser la politique de défense actuelle, il faudrait nettement plus de 100 achats d'immobilisations. En ce moment, la demande relative au financement de projets correspond à peu près au triple des fonds disponibles. De ce fait, il manque plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le budget d'acquisition d'immobilisations, même si l'on tient compte de l'augmentation prévue du budget de la Défense que le gouvernement a promis d'honorer. Résoudre ce décalage entre les exigences de la politique de défense et les fonds disponibles doit être au cœur de l'examen de la politique de défense, d'après moi.
En ce qui concerne le deuxième facteur, mon organisation, de concert avec l'École de politique publique et le Centre d'études militaires et stratégiques de l'Université de Calgary, a récemment publié un rapport sur la situation en 2015 concernant les achats importants d'équipement de défense. Dans le cadre de cette étude, on a scruté tous les grands projets de la Couronne sur lesquels le ministère de la Défense nationale fait rapport au moyen du budget des dépenses, ainsi que tous les éventuels projets dont il a traité dans son Guide d'acquisition de la Défense.
Cette étude a démontré qu'il y a eu de réels progrès dans plusieurs grands dossiers d'approvisionnement. Notamment, au moment où nous amorçons la mise en œuvre de l'impressionnante Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale, je dirais que le projet de modernisation des navires de classe Halifax et de prolongation de la vie des frégates remporte un succès remarquable compte tenu de son budget de 4,5 milliards de dollars et du degré élevé de complexité du projet.
Outre les quelques exemples positifs, cependant, ce sont les retards constants qui caractérisent généralement la situation. Chacun des 23 grands projets de la Couronne qui ont été examinés en détail dans le cadre de l'étude a été retardé. De tous les projets énumérés dans le Guide d'acquisition de la Défense, 3 p. 100 sont réalisés à l'avance, par rapport aux indicateurs affichés les plus rapprochés, seulement 34 p. 100 sont réalisés à temps, et les 63 p. 100 restants sont en retard.
L'effet cumulatif de tout ce retard, en particulier depuis 2007, c'est qu'au total quelque 9 milliards de dollars en fonds affectés aux forces militaires pour l'achat d'équipement sont inutilisés à la fin de l'exercice. Sur la même période, c'est le quart des fonds affectés à l'achat d'équipement qui n'est pas utilisé en moyenne chaque année.
Ce qui est particulièrement troublant pour l'exercice 2014-2015, c'est que cette proportion a grimpé à 31 p. 100 des fonds disponibles, soit 1,5 milliard de dollars non dépensés à la fin de l'exercice.
Parce qu'il est impossible de dépenser les fonds disponibles, la partie du budget de la Défense qui est consacrée à l'achat d'équipement et d'infrastructure a nettement diminué. Elle correspond maintenant à environ 12 p. 100, soit le niveau le plus bas depuis la fin des années 1970.
Ce qui est remarquable, c'est que la situation a empiré malgré les efforts déployés récemment pour l'améliorer. Le 5 février, vendredi, ce sera le deuxième anniversaire de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense, adoptée dans le but d'assurer la croissance économique en tirant parti des achats de matériel de défense, de garantir la livraison du bon équipement et de simplifier le processus d'approvisionnement.
Jusqu'à présent, d'importants changements ont été apportés au programme de compensation industrielle du Canada, ce qui commence à donner lieu à une meilleure optimisation de l'impact économique. D'autres réformes qui ont été adoptées pourraient, avec le temps, garantir que le bon équipement est fourni.
À ma connaissance, cependant, après deux années, l'effort visant à simplifier le processus d'approvisionnement à l'échelle du gouvernement n'a pas encore produit de résultats tangibles. Je n'irai pas par quatre chemins : j'espère que le nouveau gouvernement jugera inacceptable cette absence de progrès en deux ans.
Le gouvernement actuel s'est engagé, dans sa plateforme électorale et dans les lettres de mandat adressées aux ministres, à améliorer la situation, et je pense qu'il est tout à fait justifié d'y accorder cette attention. En ce moment, le système d'approvisionnement de la Défense essaie d'acquérir plus d'équipement que le permettent les fonds dont le MDN dispose; il n'a pas les ressources humaines et la capacité qu'il faut pour livrer la marchandise; et il doit s'adresser aux plus hauts niveaux du gouvernement pour obtenir des décisions sur pratiquement tout. Et tout cela s'appuie sur des processus conçus pour donner une valeur disproportionnée à l'équité, à la transparence et à la probité fiscale, au détriment de la livraison dans les faits de matériel aux forces militaires.
Cela étant dit, je ferais au comité les recommandations suivantes :
Premièrement, l'examen de la politique de défense devrait chercher à résoudre l'écart entre le financement et les capacités du plan de défense et à donner la priorité aux achats prévus par la Défense.
Deuxièmement, il faudrait renforcer la capacité du personnel chargé de l'approvisionnement, particulièrement au sein du Groupe des matériels du ministère de la Défense nationale et des secrétariats des stratégies nationales d'approvisionnement en matière de construction navale et de défense à Travaux publics.
Troisièmement, le gouvernement devrait élaborer et mettre en œuvre un plan visant à simplifier le processus d'approvisionnement en matière de défense à l'échelle gouvernementale au plus tard le 1er avril 2016.
Enfin, dans le cadre des vastes efforts destinés à mesurer le rendement et à surveiller les résultats à l'échelle des ministères, le gouvernement devrait instituer un système lui permettant d'évaluer les progrès au chapitre de l'approvisionnement en matière de défense qui est axé sur la livraison du matériel militaire.
Merci beaucoup. Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à la période de questions. C'est le sénateur Dagenais qui ouvre le bal.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le président. Ma première question s'adresse à M. Perry.
Vous avez parlé, entre autres, de budget. On sait que le gouvernement actuel veut proposer une révision du système de défense. Selon vous, en quoi ce nouveau système sera-t-il différent des exercices que nous faisions habituellement?
Ma deuxième question est la suivante. Si cela doit être fait différemment, avez-vous des recommandations à faire au gouvernement sur les exercices qui devraient être menés? Selon la perspective du gouvernement, est-ce que cela devrait être révisé?
[Traduction]
M. Perry : J'ignore ce qui va changer. J'espère que le gouvernement fera preuve d'ouverture dans le cadre de son examen, c'est-à-dire qu'il tiendra compte de la politique en vigueur et du fait qu'une grande partie de cette politique est peu susceptible de changer parce qu'il y a certaines exigences en matière de défense telles que la défense de l'Amérique du Nord, et que n'importe quel gouvernement, quelle que soit son allégeance politique, est tenu de le faire. J'espère que le gouvernement envisagera la possibilité d'accroître les ressources consacrées à la défense.
Sans injection de fonds, particulièrement dans le budget d'immobilisations, les plans actuels sont simplement irréalisables, et certaines parties ne pourront être mises en œuvre.
Sans financement supplémentaire, on pourrait envisager de réaffecter des fonds dans le cadre du budget actuel de la Défense, en examinant différents niveaux de dotation pour la Force régulière et la Force de réserve, les civils et les entrepreneurs, et en apportant des modifications à la taille du personnel ou aux dépenses de fonctionnement et d'entretien.
Une autre option serait d'ajuster certains plans à long terme et d'indiquer aux militaires les parties de leurs plans qui ne pourront aller de l'avant et celles qu'on ne pourra tout simplement pas financer dans les circonstances actuelles.
Je n'entrevois que ces trois solutions : soit on injecte plus de fonds, soit on dépense autrement ou plus efficacement, soit on demande aux militaires de faire des choix difficiles dans des secteurs particuliers.
Si j'ai bien compris, votre deuxième question portait sur les exercices militaires. Il y a différentes possibilités qui s'offrent à nous. Dans certains cas, si c'est bien ce dont vous parlez, on effectue davantage de simulations et moins d'exercices physiques réels, ce qui peut nous permettre de réaliser des économies à long terme.
Le problème, c'est que la plupart des moyens que le ministère de la Défense nationale a examinés pour réaliser des gains exigent des investissements initiaux. Par exemple, l'acquisition de simulateurs fait concurrence à d'autres demandes importantes et urgentes à long terme d'acquérir d'autres types de biens d'équipement.
Il y a d'autres façons de procéder. N'empêche que la presque totalité d'entre elles exige des dépenses supplémentaires au départ pour pouvoir réaliser des économies à long terme.
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur Perry, vous avez parlé d'un écart entre le financement et les dépenses. J'ai pris note qu'un montant de 9 milliards de dollars n'avait pas été dépensé. On dispose de budgets, mais il semble qu'on ait de la difficulté à les dépenser. Les gens demandent plus d'argent; toutefois, ils ont peine à dépenser l'argent dont ils disposent déjà. Comment peut-on améliorer l'efficacité des dépenses actuelles?
Certains chiffres me frappent. Vous dites que 63 p. 100 des projets d'acquisition ou d'infrastructure sont en retard. Il s'agit d'une proportion importante. L'enveloppe consacrée aux ressources humaines, aux soldats, à la réserve, à la création d'emplois, c'est une chose. L'équipement et l'infrastructure en sont une autre. Comment peut-on améliorer la façon de faire?
[Traduction]
M. Perry : Je vais répondre à votre dernière question en ce qui concerne le bon type d'affectation. En fait, je pense que la répartition entre les différents types de dépenses énoncées dans la stratégie Le Canada d'abord était très raisonnable, avec près de la moitié des fonds consacrés au personnel, répartis de différentes façons, puis environ 20 p. 100 alloués aux investissements en capital à long terme. Je pense qu'il s'agit d'une bonne répartition et, si on examine en détail la somme d'argent qui a été accordée à la Défense nationale pour ses dépenses, elle correspond en gros à ce qui a été réparti. Toutefois, le problème réside dans les dépenses réelles.
On se bute à plusieurs obstacles. Dans certains cas, pour être juste envers le gouvernement, il est arrivé que des entreprises ayant été retenues n'ont pas été en mesure, pour diverses raisons, de livrer le matériel comme prévu. C'est en partie pourquoi on n'a pas utilisé tous ces fonds.
De façon plus générale, il y a un certain nombre de problèmes systémiques. Au milieu des années 2000, le gouvernement Martin, suivi du premier ministre Harper, ont versé une importante somme d'argent à l'armée pour lui permettre de reconstituer son capital, ce qui était bien nécessaire puisque nous n'avions pas acquis beaucoup de nouvel équipement depuis la fin de la guerre froide. Des sommes considérables devaient donc servir à rééquiper les forces armées, mais les changements correspondants qui auraient permis au personnel chargé des acquisitions de réaliser nos engagements n'ont pas été mis en place.
Donc, après les années 1990, période au cours de laquelle nous n'achetions pas beaucoup de matériel, Industrie Canada, qui était auparavant Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, ainsi que la division de la Défense nationale responsable de l'approvisionnement et tous les ministères ayant de l'expertise dans les acquisitions de la défense ont vu leur personnel considérablement réduit. Ces effectifs n'ont pas vraiment été reconstitués depuis le milieu des années 1990. On a ensuite investi beaucoup d'argent, puis mis en place une multitude de plans, de politiques et de directives en vue de la recapitalisation, mais nous ne disposons pas encore des ressources humaines nécessaires pour concrétiser ces investissements.
Le Groupe des matériels du ministère de la Défense nationale est actuellement en processus d'embauche, mais il fait face à de nombreuses difficultés, étant donné que les systèmes de ressources humaines au sein du gouvernement du Canada sont également très lourds et exigent beaucoup de temps.
Par conséquent, dans le cadre de ce processus, on essaie d'acquérir plus de projets que l'argent qu'il y a pour les financer. Étant donné que les acquisitions doivent franchir diverses étapes dans les systèmes du gouvernement, chaque année, on tente d'acheter beaucoup plus d'équipement que ce que l'on peut, en réalité, faire approuver par le Conseil du Trésor ou le Conseil des ministres. Autrement dit, on en fait plus que ce que peut prendre le système.
Je pense que si le gouvernement devait faire une seule chose, il devrait essayer de mieux harmoniser et prioriser ce qui est réellement important et réalisable. Ce serait un grand pas.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, monsieur Perry, pour votre excellent exposé. Vous avez répondu à la plupart de mes questions dans votre exposé et vos réponses aux questions des sénateurs Dagenais et Carignan.
Vous avez dit que la priorité du gouvernement était d'établir les priorités, alors j'aimerais que vous me disiez, selon vous, quelles sont les trois grandes priorités.
M. Perry : Bien sûr, mais tout d'abord, je dois dire que les priorités devraient être conformes à son examen de la politique de défense. C'est la première chose. Quels que soient la vision du monde du gouvernement et le rôle que devrait y tenir le ministère de la Défense nationale, au bout du compte, cela devrait être ce qui guide les priorités, et non pas ce que moi ou d'autres analystes en pensons, mais ce qui est important pour lui, selon le rôle qu'il veut confier à l'armée dans le futur.
Cela dit, ma priorité no un serait le projet des navires de combat de surface canadiens, dont le but est de renouveler la flotte de surface de la marine.
Ensuite, j'accorderais la priorité au projet des navires de soutien interarmées afin d'augmenter le rayon d'action et l'autonomie des navires en leur permettant de rester longtemps en mer sans avoir à faire escale pour se ravitailler.
Troisièmement, je considère qu'il faudrait remplacer nos avions de chasse par une version plus moderne.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.
Le président : J'aimerais seulement dire quelques mots à notre autre témoin. Ne pensez pas qu'on vous ignore. L'idée est simplement de discuter d'un sujet à la fois. Votre tour viendra, alors demeurez prête.
Le sénateur White : J'aurais justement une question à vous poser, si je puis me permettre. Je crois fermement aux nouvelles possibilités, mais j'aimerais vous parler de l'Iran.
On voit une tentative de divers pays, y compris du Canada, de rétablir les relations avec l'Iran, alors j'aimerais savoir ce que vous pensez de cette nouvelle révélation selon laquelle l'Iran est notre ami. Vous n'êtes pas à huis clos, mais faites comme si vous l'étiez.
Mme Lindhout : Je pense qu'il faut être très prudent lorsqu'il s'agit de l'Iran. Dire que l'Iran est un ami, c'est peut- être aller trop loin.
L'Iran a ses propres ambitions pour la région et, par conséquent, je pense qu'il était dans son intérêt de normaliser les relations afin de pouvoir réaliser ses ambitions. Toutefois, à bien des égards, l'Iran n'a pas beaucoup changé. En pratique, elle n'a pas changé. On nous signale encore régulièrement des cas de violation des droits de la personne.
Je pense que nous devons donc continuer d'observer la situation de près et de travailler en étroite collaboration avec nos partenaires, nos alliés, afin de pouvoir intervenir dès que cela s'avérera nécessaire.
Le sénateur White : En faisons-nous assez pour garder un œil sur ce que fait l'Iran ou avons-nous déjà oublié le passé? Je me demande si nous surveillons la situation d'assez près dans le cadre de cette nouvelle relation.
Mme Lindhout : Je crois que c'est en partie ce que disait M. Perry lorsqu'il parlait d'élaborer la politique et d'établir ce que nous devons faire exactement. La surveillance de la situation mondiale est un élément intrinsèque de cette politique. Nous pouvons y arriver grâce à l'interopérabilité avec nos alliés; par conséquent, nous devons travailler en étroite collaboration avec eux afin de pouvoir leur communiquer de l'information en toute confiance et vice versa. Je pense que de nos jours, aucun pays ne peut gérer ces dossiers seul.
Le sénateur White : Merci.
Monsieur Perry, peu importe à quel pays je m'adresse, lorsqu'il est question d'approvisionnement en matière de défense, le mot « approvisionnement » pose toujours problème. Si on songe aux solutions, envisagez-vous la possibilité que quelqu'un d'autre que le gouvernement ou le ministre surveille les acquisitions? Y a-t-il moyen que nous gérions les acquisitions différemment des 10 dernières années? Le gouvernement au pouvoir n'importe peu puisque le problème perdure. Cela me donne à penser que ce n'est pas un problème gouvernemental, mais plutôt un problème bureaucratique. Qu'est-ce qui pourrait corriger la situation?
M. Perry : Il n'y a pas de solution miracle, mais je ne crois pas qu'il y ait un endroit dans le monde où l'acquisition se fait sans problème dans le cas de projets complexes de cette envergure. Cela ne devrait pas être la solution idéale.
Le problème que le Canada a toujours eu, et le problème qu'ont la plupart de nos alliés et partenaires, c'est le manque de fonds pour acheter des choses.
L'autre problème que nous avons, c'est que nous ne pouvons pas utiliser l'argent dont nous disposons. Une tendance s'est dessinée au pays depuis 2006-2007. Il y a toujours eu une insuffisance de fonds au ministère de la Défense. En plus du manque de fonds, le ministère a aujourd'hui une incapacité chronique à les utiliser.
J'encouragerais le gouvernement à examiner différents modèles institutionnels, tout en ayant l'esprit ouvert, afin de prendre le meilleur des différents systèmes et de ne pas penser qu'il y a une solution miracle. D'autres alliés, en Grande- Bretagne et en Australie, ont récemment connu des changements importants qui n'ont pas abouti aux résultats souhaités. Les États-Unis ont entrepris leur 32e réforme visant à améliorer leur système d'approvisionnement en matière de défense, et sachez que leur système est encore loin d'être parfait. Toutefois, cela ne nous empêche pas de tirer des leçons et d'apprendre des autres.
Le sénateur White : Merci beaucoup.
Le sénateur Day : Je vais commencer par m'adresser à Mme Lindhout. Nous savons que le président de votre organisation est l'ancien sénateur Segal. Nous lui souhaitons tout le succès possible dans ses nouvelles fonctions.
Je pense qu'il serait utile, pour les personnes qui nous écoutent, de comprendre comment l'Association canadienne pour l'OTAN gère ses relations avec les autres associations de l'OTAN ailleurs dans le monde.
Mme Lindhout : Merci. Je suis heureuse de pouvoir vous donner cette précision.
Lorsque le Traité de l'Atlantique Nord a été signé pour la première fois, les pays signataires avaient convenu que l'OTAN n'aurait pas à faire sa propre publicité, mais qu'il incombait aux gouvernements respectifs de ces pays de trouver le moyen d'informer leur public. Par conséquent, presque tous les membres de l'OTAN ont mis sur pied une organisation comme la nôtre — certains se sont appelés « Conseil atlantique », comme les États-Unis et le Royaume- Uni, et même nous, à l'époque, nous nous appelions le Conseil atlantique du Canada. Toutefois, ces 20 dernières années, il y a eu beaucoup de confusion. Les gens se demandaient pourquoi nous étions situés à Toronto plutôt qu'à Halifax et si notre organisme s'occupait de la navigation et de la pêche.
L'an dernier, alors que toutes les organisations caritatives non gouvernementales devaient obtenir des statuts de prorogation en vertu de la nouvelle loi, nous en avons profité pour changer de nom et nous appeler l'Association canadienne pour l'OTAN. L'OTAN nous a donné la permission d'utiliser ce nom.
Notre rôle consiste à informer les Canadiens sur les questions de défense et de sécurité, particulièrement en ce qui a trait aux activités de l'OTAN et au rôle du Canada au sein de l'OTAN.
Il y a un organisme cadre établi à Bruxelles, appelé l'Association du Traité de l'Atlantique, dont nous sommes tous membres. Nous nous réunissons une ou deux fois par année — soit à l'occasion d'une assemblée générale ou d'une réunion du conseil au cours de laquelle tous les dirigeants des diverses associations se rencontrent — afin que des représentants de l'OTAN et d'autres experts nous renseignent sur ce qui se passe.
Le sénateur Day : Merci. C'est très utile. Si je comprends bien, vous êtes un organisme à but non lucratif?
Mme Lindhout : C'est exact. Nous ne recevons aucune subvention de la part du gouvernement, quoique nous en avions une à l'origine, mais plus aujourd'hui.
Le sénateur Day : C'est ce que j'allais vous demander. Vous êtes indépendant du gouvernement sur le plan du financement?
Mme Lindhout : Absolument.
Le sénateur Day : Pour que le public sache de quoi il est question, il y a 28 différents pays qui sont membres de l'OTAN, puis les dirigeants des ministères de la défense de chaque pays se réunissent régulièrement, c'est exact?
Mme Lindhout : Oui. Un fait important s'est produit depuis la chute de l'Union soviétique. Dans le cadre du Partenariat pour la paix, l'OTAN a conclu des ententes avec un certain nombre d'anciens États soviétiques et quelques pays qui ne sont pas membres de l'OTAN. Certains n'ont pas l'intention de devenir membres, mais d'autres espèrent y adhérer. Par conséquent, notre association, l'Association du Traité de l'Atlantique, compte 39 membres.
Le sénateur Day : Très bien. C'est bon à savoir.
Vous savez sans doute, mais peut-être pas ceux qui nous écoutent, qu'il y a également une association parlementaire de l'OTAN qui se réunit de façon régulière et qui examine les mêmes questions du point de vue des législateurs parlementaires.
Mme Lindhout : Oui. À mon avis, c'est une organisation très utile.
L'ancien président de l'Association du Traité Atlantique, le professeur Karl Lamers, un Allemand, était à une époque président de l'Association des Parlementaires de l'OTAN. J'ai assisté à plusieurs réunions et nous tentons de collaborer de façon proche. C'est très utile.
Le sénateur Day : C'est formidable.
Le président : Monsieur le sénateur, je vous donne une certaine latitude. J'espère que vous le savez.
Le sénateur Day : Je vous remercie.
Le président : J'ai accordé au sénateur White le même traitement, donc je me suis dit que ce serait la moindre des choses.
Le sénateur Day : Je vais tenter de prendre deux fois plus de temps que lui.
Le président : Je ne doute pas que vous en soyez capable, mais je ne le permettrais pas.
Le sénateur Day : Je n'oserais pas, mais je trouve les renseignements fournis par M. Perry fort intéressants.
Vous avez indiqué qu'il faudrait notamment agrandir l'organisme ou le groupe du ministère de la Défense nationale qui se charge des approvisionnements et du matériel. Il y a deux ou trois ans, la Défense nationale a mené une étude afin de déterminer quel était le problème et pourquoi elle n'arrivait pas à faire avancer les choses aussi rapidement qu'elle le voulait. Connaissez-vous des études menées par de tierces parties qui expliqueraient pourquoi les fonds attribués et les projets annoncés fièrement n'ont pas abouti, surtout au cours des dernières années?
M. Perry : Il y en a eu plusieurs. Une partie du travail a mené au lancement de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense en 2014. Diverses études ont été effectuées à l'époque, dont certaines par l'AICDS. Des études ont été effectuées au cours des trois ou quatre dernières années sur divers aspects du problème.
Le sénateur Day : La Stratégie d'approvisionnement en matière de défense ne relève pas de la Défense nationale et elle sert à passer des marchés publics de très grande valeur, si j'ai bien compris.
M. Perry : C'est exact. La stratégie sert essentiellement à passer de gros marchés publics, mais ce ne sont pas tout simplement les plus grands marchés, ceux dont la valeur dépasse les 100 millions de dollars. La stratégie vise à effectuer les approvisionnements autrement. La valeur la plus basse des marchés est d'environ 20 millions de dollars.
Le sénateur Day : Avez-vous des observations quant à la mise en œuvre du programme compensatoire, qui sert à s'assurer que d'autres entreprises génèrent des revenus ici au Canada?
M. Perry : Le changement a été apporté afin de faire du programme existant, qui compense un dollar par un dollar, un programme qui serait utilisé de façon plus stratégique. Il offrirait des avantages ciblés aux filières particulières de l'industrie de la défense canadienne d'une façon qui leur permettrait de devenir plus concurrentielles sur le marché international et d'accroître leur part du marché des exportations afin d'introduire le contenu, les pièces et les fournisseurs canadiens dans les chaînes de valeur internationales. Je crois que c'est louable.
Je ne suis pas sûr que le système ait en fait suivi cette trajectoire. Il y a eu des changements, et l'élément de compensation de l'industrie fait maintenant partie des demandes de propositions à titre de critère évalué dans les soumissions. Ce qui manque, à mon avis, c'est que l'on n'a pas encore identifié les composantes clés de l'industrie de la défense qui ont du potentiel, et qui bénéficieraient d'une assistance dans ce sens, afin de devenir plus viables sur le plan stratégique. Il nous manque encore cet élément. En ce moment, l'approche n'est pas ciblée, car le programme s'applique à simplement tout.
Le sénateur Day : Nous avons donc cette stratégie en matière d'approvisionnement pour les grands marchés d'une valeur d'au-delà de 20 millions de dollars, mais aujourd'hui, j'ai lu une annonce selon laquelle le ministère de la Défense et son Groupe des matériels allaient jouir de pouvoirs accrus. Les responsables se plaignaient de tous ces marchés qui doivent passer par le gouvernement. C'est ce qui causait les retards lamentables. La valeur des marchés va augmenter. En 2011, le montant que la Défense pouvait dépenser de son propre chef est passé de 5 000 à 25 000 $, et il n'y a eu aucune incidence. Maintenant, le montant passera de 25 000 à 25 millions de dollars. Avez-vous des commentaires en ce qui concerne cette annonce?
M. Perry : Oui. Je crois que la Défense cherche à atteindre un plafond de 5 millions de dollars, ce qui correspond plus ou moins au montant que Services publics et Approvisionnement Canada peut attribuer au ministère de la Défense nationale. L'intention est tout à fait louable. On déléguera au ministère les pouvoirs nécessaires pour acheter des équipements à coût bas, qui correspondent à des marchés relativement simples. Le ministère de la Défense achète de tout, allant du papier aux chars d'assaut, ce qui prend beaucoup de temps et d'efforts. Du point de vue historique, énormément d'efforts interministériels ont servi à acheter un grand nombre d'articles de faible valeur qui ne représentent pas une grande part des fonds dépensés. Il faut néanmoins consacrer énormément de temps et d'efforts pour acheter un nombre important d'articles relativement simples et bon marché. L'orientation est logique, selon moi, et les choses devraient s'en trouver améliorées.
Ce que je retiens de cet article paru aujourd'hui, c'est que le ministère obtient les pouvoirs nécessaires. Encore une fois, l'annonce a été faite il y a deux ans. Le ministère de la Défense nationale n'a toujours pas aujourd'hui les pouvoirs délégués nécessaires. C'est un changement plutôt simple à apporter au fonctionnement du système des approvisionnements, mais presque 24 mois après l'annonce, il n'a toujours pas été mis en œuvre.
Le sénateur Day : C'est intéressant.
J'ai commis une erreur en disant 25 millions de dollars. En fait, le ministère de la Défense nationale aura les pouvoirs nécessaires pour dépenser jusqu'à concurrence de 5 millions de dollars.
M. Perry : Oui.
La sénatrice Beyak : Merci beaucoup, madame Lindhout. Je me demandais si vous pouviez me fournir quelques explications. Votre organisme a publié d'excellents documents récemment. Si j'ai bien compris, vous avez recommandé une augmentation des effectifs, afin que le nombre de militaires réguliers passe à 100 000 et le nombre de réservistes à 50 000 au sein des Forces armées canadiennes.
De nombreux Canadiens regardent les délibérations du Comité de la sécurité nationale et de la défense chez eux. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous croyez qu'une telle augmentation est nécessaire en ce qui concerne les effectifs actuels, qui sont d'environ 66 000 et 27 000 respectivement?
Mme Lindhout : Oui, avec plaisir.
Nos analystes ont examiné de près les leçons tirées des activités récentes. Personne, en août 2001, ne savait que les Forces armées canadiennes allaient participer de façon aussi intense aux activités de combat comme cela s'est avéré. Les effectifs faisaient tellement défaut à cette époque que de nombreux militaires ont fait deux ou trois périodes de service avec très peu d'intervalles. Certaines personnes ont laissé entendre que c'est peut-être un des facteurs qui a causé la montée du stress post-traumatique, et cetera.
Nous voulons donc être sûrs que les forces régulières sont bien équipées, bien formées, et en mesure d'être déployées rapidement selon les besoins.
En ce qui concerne les réservistes, il en coûte beaucoup moins cher de les former que les militaires réguliers, et pourtant les réservistes se sont très bien intégrés dans les forces qui ont été déployées aux Balkans et en Afghanistan, et ont réussi leur mission avec brio.
L'autre point qu'il faut retenir, c'est que les réservistes constituent un excellent lien avec la communauté. Ces gens restent dans leur propre collectivité où ils ont des emplois, mais représentent néanmoins un lien solide.
Enfin, nos jeunes analystes, qui cherchent tous de bons emplois d'ailleurs, ont répété à plusieurs reprises que les emplois militaires sont effectivement de bons emplois. Lorsqu'on parle d'initiatives de création d'emplois, il vaudrait tout aussi bien vanter les emplois militaires. La structure militaire offre une excellente formation pour les métiers et bien d'autres domaines, comme le leadership. Nous sommes convaincus qu'il faut constituer un effectif crédible, à la fois des militaires réguliers et des réservistes, qui permettrait au Canada de réagir aux situations ici au pays et à l'étranger.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à Mme Lindhout. Madame, j'aimerais que vous nous parliez de l'évolution de la menace terroriste au sein du Canada et que vous nous parliez des collaborations possibles avec nos alliés de l'OTAN pour réduire la menace, notamment en ce qui concerne la radicalisation et la menace djihadiste. Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur l'amélioration que nous pourrions y apporter?
[Traduction]
Mme Lindhout : Merci. Votre question tombe à point en ce qui concerne le phénomène de la radicalisation et du terrorisme de chez nous.
À mon avis, il est important d'aller voir ce que font d'autres pays, afin de prendre connaissance des solutions qui marchent et de celles qui ne marchent pas. Il paraît que le Royaume-Uni a mis en place un programme qui s'avère très efficace : je crois que c'est à Birmingham, mais j'ai peut-être tort. On essaie d'aller chercher les jeunes gens qui seraient des candidats possibles pour la radicalisation, en vue de les faire participer davantage à la société.
La transmission de renseignements est tout à fait essentielle. Je crois que cela doit se faire à l'interne. Nos divers organes de sécurité, que ce soit la police, la GRC ou le SCRS, doivent collaborer davantage afin d'échanger entre eux des renseignements. À l'échelon international, ils doivent mieux communiquer avec nos alliés pour non seulement en apprendre sur ce qui fonctionne, mais également pour émettre des avertissements ou encore en recevoir. Je crois que ces démarches aideraient beaucoup. Il n'y a pas de solution magique pour l'instant qui permettrait de régler tout le problème, mais nous pouvons prendre des mesures afin d'améliorer la situation.
Le sénateur White : Encore une fois, madame Lindhout, merci beaucoup pour vos réponses.
En ce qui concerne l'attitude de l'OTAN à l'égard de l'Iran, existe-t-il des pays qui cherchent à aller dans une direction différente par rapport à ce que l'on entend ou ce que nous faisons? Si oui, pouvez-vous nous décrire leur position et ce que vous en pensez?
Mme Lindhout : L'OTAN n'a pas de position vis-à-vis de l'Iran, car ses alliés n'ont aucune frontière avec ce pays. Lorsque l'OTAN réagit, c'est parce qu'il y a une situation, par exemple en Turquie, qui est membre de l'OTAN. L'OTAN n'agit pas directement en Iran, mais c'est clair que l'organisme surveille de près la situation.
Le Collège de défense de l'OTAN, qui est son organe politique, effectue de nombreuses études et consultations sur la région.
Le sénateur White : Je vous demande pardon. Je voulais savoir si les membres de l'OTAN adhèrent tous à la même politique ou s'il y avait des membres de l'OTAN dont la position est différente de celle du Canada.
Mme Lindhout : Ce dossier n'intéressait pas de nombreux membres de l'OTAN jusqu'à ce que la crise des réfugiés soit survenue, et à ce moment-là, ils ont tenté d'établir si l'Iran était l'un des acteurs. Ce pays crée-t-il des problèmes? Cherche-t-il à aider? Voilà ce qui intéresse les gens le plus actuellement.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à Mme Lindhout. Dans votre rapport, vous indiquez que le gouvernement devrait augmenter le budget des dépenses de l'armée d'environ 2,5 p. 100 par année, et ce, afin de maintenir, j'imagine, la capacité de combat des forces armées, et aussi de les aider à atteindre leurs objectifs. Pourriez- vous nous expliquer l'importance de ces augmentations et ce à quoi elles devraient réellement servir?
[Traduction]
Mme Lindhout : Tout d'abord, je crois qu'elles devraient servir à faire grossir les effectifs des forces armées. Il faudrait offrir énormément de formation. Il ne s'agit pas uniquement de l'Armée de terre, il y a également la marine et l'Armée de l'air, parce que toutes ces armées reçoivent de nouveaux équipements et il faudra offrir la formation nécessaire. Ce serait un élément important.
Compte tenu de la grande superficie du Canada, un pays qui a de nombreux besoins intérieurs, le fait d'avoir des forces armées plus nombreuses... Prenons par exemple l'accident qui est survenu il y a quelques années dans le Haut- Arctique, l'écrasement. Les forces armées se trouvaient par hasard sur place dans le cadre de manœuvres et ont pu intervenir. Si, toutefois, nos forces armées étaient plus nombreuses, nous serions peut-être en mesure d'aider davantage et serions mieux équipées pour intervenir dans les situations qui surviennent au Canada et défendre l'espace aérien canadien.
Nous oublions souvent un aspect important en ce qui concerne l'Arctique, à savoir que nous devons être en mesure de projeter une image de puissance. Tout le monde pense immédiatement à la Russie, mais ce n'est pas la seule raison. Si nous voulons maîtriser ce qui se passe dans l'Arctique, une zone plutôt fragile, nous devons être non seulement en mesure d'adopter des règlements et des lois, mais aussi de les appliquer. Pour ce faire, il faudra plus d'effectifs dont ne dispose en ce moment le Canada.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aurais une question complémentaire à celle du sénateur Dagenais. Lorsque vous dites que nous devrions avoir plus de personnes, pouvez-vous nous donner une idée du pourcentage supplémentaire dont nous aurions besoin?
Par exemple, quel ordre d'augmentation de présence pourrait-on envisager pour ne parler que de la protection de notre intérêt envers l'Arctique?
[Traduction]
Mme Lindhout : Il me serait difficile de vous fournir un chiffre exact, mais toute hausse quelconque serait mieux que le statu quo. Nous devons pouvoir nous rendre à divers endroits en même temps et donner un coup de main à nos Rangers, qui sont excellents. Toutefois, ce groupe est extrêmement éparpillé. Il faudrait déterminer avec quelle rapidité le Canada peut faire augmenter ses effectifs et ensuite organiser des rotations régulières dans l'Arctique.
Cela vaut tout autant pour la marine et l'Armée de l'air. Si quelque chose arrive dans l'Arctique et nous tentons de tout organiser à partir de Trenton, c'est une sacrée distance. Il vaudrait mieux avoir une certaine capacité d'avant- garde. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous recommandons qu'il y ait une piste suffisamment longue et solide pour accueillir les types d'aéronefs nécessaires et un port de haute mer pour les navires. C'est très important aussi.
Ce sont des problèmes d'infrastructure, donc il faudrait peut-être réacheminer les fonds d'infrastructure d'ailleurs pour qu'ils servent à l'infrastructure du MDN.
Le président : Chers collègues, j'aimerais continuer sur cette question de l'Arctique et de notre responsabilité, en tant que Canadiens, en ce qui concerne la défense de cette région dans le contexte de l'Amérique du Nord.
Tout d'abord, compte tenu du nouveau mandat et du nouveau nom de votre organisation, pourriez-vous nous décrire votre travail sur un dossier qui deviendra de plus en plus important ici au Canada et en Amérique du Nord, c'est-à-dire le renouvellement de la technologie dans l'Arctique et plus précisément, les systèmes de radar qui y sont installés?
Deuxièmement, il y a le dossier de l'aérospatiale qui a été mentionné plus tôt et le système de satellites qui pourrait être incorporé afin de nous donner une capacité de communication et de météorologie. La plupart des Canadiens ne savent pas que nous avons un très bon système de météorologie dans l'Arctique en raison de l'emplacement du pôle Nord.
J'aimerais également vous demander si vous avez des commentaires à faire sur la question de la défense contre les missiles balistiques.
Je sais que ce sont de grands dossiers, mais il faut savoir que l'OTAN et le gouvernement canadien sont en faveur de l'installation de dispositifs de défense antimissiles balistiques dans divers pays ayant une frontière avec la Russie, et pourtant le Canada ne participe pas à la défense antimissiles balistiques. Nous avons effectué une étude approfondie il y a un an et demi quant à la position du Canada pour savoir si le Canada devrait maintenant commencer à participer à ces efforts.
Vous avez peut-être une opinion là-dessus, compte tenu de l'élargissement évident de votre mandat. En ce qui concerne ces dossiers particuliers, comment percevez-vous votre rôle?
Mme Lindhout : Nous sommes strictement neutres dans nos activités et dans nos publications, mais nous examinons soigneusement les facteurs qui pourraient être utiles. Ce genre de participation serait probablement utile pour compléter le bouclier de défense, pour ainsi dire. Il est clair que certains de nos alliés de l'OTAN sont persuadés que le Canada devrait participer au bouclier de défense antimissiles balistiques, en soulignant le fait qu'il s'agit d'installations de défense seulement. Le bouclier serait complet avec des installations dans le nord de notre pays.
De plus, l'OTAN se réunit régulièrement, même si elle n'estime pas avoir un vrai rôle à jouer dans l'Arctique, puisque d'autres pays, et pas seulement des pays membres de l'OTAN, ont une frontière commune avec l'Arctique. Néanmoins, elle se réunit assez régulièrement pour parler d'enjeux potentiels, s'ils sont liés à la défense, et elle tente d'entretenir la discussion entre les divers États.
Comme le sénateur Lang l'a souligné il y a quelques années, de vraies personnes habitent dans l'Arctique. Nous devons absolument envisager la région non seulement comme un grand espace qui doit être protégé, mais aussi comme un endroit où vivent des gens qui ont besoin d'y trouver des emplois, de se sentir en sécurité, d'obtenir des produits et d'accéder aux marchés.
Le sénateur Day : Madame Lindhout, je pense que nous devrions préciser, pour le compte rendu, que l'objet du bouclier antimissile balistique de l'OTAN était davantage l'Iran que la Russie. L'observation portait sur les pays qui ont une frontière commune avec la Russie. Il s'agit de la Turquie et de la Pologne. Je ne sais pas s'il y a encore d'autres pays qui participent.
Mme Lindhout : C'est certainement la Turquie et la Pologne. D'après ce que j'ai compris — et je ne suis pas spécialiste —, c'est techniquement impossible que les missiles balistiques atteignent les régions peuplées de la Russie. L'objet n'était donc certainement pas la Russie, c'était l'Iran.
Le sénateur Day : Je pense que c'est important d'insérer cette précision dans le compte rendu.
Le président : Je pense qu'il faut aussi préciser, pour le compte rendu, que c'est une mesure tout à fait défensive. Ce n'est pas une mesure offensive, peu importe l'emplacement. Ce détail doit être consigné au compte rendu. Le but n'est pas d'atteindre des régions peuplées. Le but est d'arrêter un missile qui se dirige dans notre direction et d'employer la technologie pour l'empêcher de faire du mal. C'est un peu comme ce qui se passe en Israël, avec les roquettes et le bouclier particulier qui est utilisé là-bas et qui représente une avancée technologique très avantageuse, à mon avis, pour toutes les parties au conflit.
M. Perry : Si vous me le permettez, pour répondre à votre question au sujet de l'infrastructure de la défense nord- américaine, je crois que le gouvernement devra porter une attention particulière à ce dossier dans son examen de la défense. La dernière mise à jour du Système d'alerte du Nord, la base de l'infrastructure de la défense, remonte à la fin des années 1980. Le système est rendu assez vieux. De l'autre côté, les Russes ont investi beaucoup d'argent et d'efforts dans la modernisation des forces qui opèrent dans le Nord. Cela devrait nous préoccuper. Le commandant du NORAD a certainement déclaré publiquement qu'il avait de nombreuses préoccupations.
Selon moi, le gouvernement devrait porter une grande attention à la modernisation de l'ensemble des différents systèmes de détection, d'observation et d'alerte utilisés dans la région en cas de menaces potentielles.
J'appuierais la défense antimissile balistique si le prix était juste. J'ai trouvé le rapport du Comité excellent. Ma seule question serait de savoir combien cela pourrait nous coûter. Apparemment, nous aurions pu choisir de participer auparavant sans débourser de grandes sommes. Je ne sais pas vraiment si l'offre est toujours la même. Si elle ne l'est pas, il faudrait connaître le coût et déterminer ce qu'on pourrait accomplir en investissant cet argent ailleurs.
Le président : Si je peux dire ceci avant le sénateur Day, nous avions inclus cette réserve dans nos recommandations : que nous voulions négocier des conditions satisfaisantes, tout en reconnaissant que c'est un jour nouveau et que les conditions ont peut-être changé.
Pour inclure dans le compte rendu ce qui était écrit clairement dans le rapport, la participation du Canada est avantageuse pour tous, comme tous les autres aspects du NORAD, parce que le système fonctionne. Nous sommes les deux seuls pays au monde qui partagent une défense commune. Nous sommes très chanceux de pouvoir compter sur les États-Unis, mais les États-Unis sont aussi très chanceux de pouvoir compter sur nous. C'est mutuel.
Avez-vous d'autres questions?
Le sénateur Day : À ce sujet, je pense qu'il est important de noter que le rapport du comité était unanime. Je suis content que vous soyez au courant, monsieur Perry.
Madame Lindhout, vous parliez au sénateur Lang de votre mandat. Est-ce que vous estimez que faire pression auprès du gouvernement fait aussi partie de votre mandat?
Mme Lindhout : Non, le but de notre organisation n'est pas de faire pression, mais bien d'informer. Nous tentons de présenter tous les aspects des dossiers pour que les gens puissent se faire leur propre opinion. De temps en temps, nous formulons des recommandations sur la meilleure façon de continuer à faire notre part au sein de l'OTAN, d'après ce que nos collègues nous disent, mais de façon générale, nous ne faisons pas pression.
Le sénateur Day : Si vous avez quelque chose à dire en tant que membre de l'OTAN. L'administration s'est engagée à verser 2 p. 100 du produit intérieur brut dans la défense, et 20 p. 100 de ce montant dans les acquisitions. Nous sommes loin de là. En fait, nous versons un peu moins de 1 p. 100. C'est très peu comparativement aux autres membres de l'OTAN. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
Mme Lindhout : L'OTAN connaît ce problème depuis sa création. L'objectif a toujours été 2 p. 100 du PIB et très peu de pays ont invariablement réussi à l'atteindre. Ils l'ont parfois dépassé, quand il y avait une situation très forte.
Quand la question d'augmenter les dépenses a été soulevée lors du sommet du Pays de Galles, tout le monde a déclaré que c'était une bonne idée, mais qu'il faudrait réfléchir pour trouver comment faire.
À ce moment-là, le Canada a dit, notamment, que c'est très difficile de donner des chiffres exacts, mais que de façon générale, nous dépensons les sommes nécessaires pour respecter nos engagements envers nos partenaires. C'est ainsi que les choses se sont déroulées dans le passé. Mais je crois certainement que le gouvernement doit examiner de près les dépenses qu'il doit faire.
Comme je l'ai dit plus tôt, peut-être qu'il doit déplacer des fonds provenant d'autres secteurs pour les investir dans le MDN, afin d'utiliser ces fonds de la manière prévue. Par exemple, le gouvernement a parlé d'augmenter les dépenses dans l'infrastructure. Pourquoi ne pas investir une partie de cet argent réservé dans l'infrastructure du MDN?
M. Perry : Les gouvernements canadiens ne réussissent pas à atteindre l'objectif de 2 p. 100 depuis des décennies. Je ne vois presque aucune possibilité de nous approcher même de cela. Il faudrait que le budget de la défense soit doublé et que les dépenses augmentent à presque 40 milliards de dollars. Actuellement, seulement quatre ou cinq ministères fédéraux ont un plus gros budget que celui du MDN, qui s'élève à près de 20 milliards de dollars.
Nous ferions mieux de nous concentrer sur tous les efforts déployés par le gouvernement précédent pour convaincre les gens que bien que nous soyons très loin de l'objectif, nous avons très fortement contribué à l'OTAN sur le plan des engagements opérationnels. Nos activités et la qualité des forces et des capacités que nous avons déployées nous placent au sommet.
De plus, ce que le gouvernement leur a permis de faire lorsqu'elles arrivent sur les lieux nous a donné un avantage concurrentiel, ainsi qu'une réponse convaincante qui compense le fait que nous sommes très loin d'atteindre les objectifs de dépenses et que nous ne les atteindrons jamais, à mon avis.
[Français]
Le sénateur Carignan : M. Perry a apporté les précisions que je voulais soulever comme question. Je vous remercie.
[Traduction]
Le sénateur White : N'est-il pas vrai qu'aux États-Unis et ailleurs, on inclut des choses comme la Garde nationale dans la protection civile, tandis que le Canada ne les inclut pas dans la Défense nationale? C'est comme les statistiques; c'est un peu comme jouer aux dés.
M. Perry : Il y a de nombreuses façons de faire le calcul. Le pourcentage exact varie d'un peu moins de 1 à 1,3 p. 100, selon la méthode de calcul employée.
Peu importe ce que nous incluons pour le Canada, le résultat est le même. Nous ne versons pas assez d'argent dans l'ensemble de la défense ou dans les autres activités que vous avez mentionnées. Même si nous incluions absolument tout, nous serions toujours loin de l'objectif de 2 p. 100.
Le président : Madame Lindhout, monsieur Perry, je vous remercie de vos exposés. Nous vous sommes reconnaissants de ce que vous faites. Nous savons que vous travaillez de manière non partisane, dans le but de cerner ce qui est dans l'intérêt des militaires et du pays. Les organisations comme les vôtres sont essentielles pour que le gouvernement voie comment d'autres organismes perçoivent ce qui se passe au sein de la défense.
(La séance se poursuit à huis clos.)