Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 3 - Témoignages du 2 mai 2016
OTTAWA, le lundi 2 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 2, pour étudier, afin d'en faire rapport, les politiques, les pratiques, les circonstances et les capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense, et pour étudier les menaces à la sécurité nationale, notamment : a) le cyberespionnage; b) les menaces aux infrastructures essentielles; c) le recrutement des terroristes et le financement d'actes terroristes; d) les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi 2 mai 2016. Avant de commencer, permettez-moi de vous présenter les personnes assises autour de cette table et je commencerai par moi. Je m'appelle Dan Lang, je suis sénateur du Yukon. À ma gauche, il y a le greffier du comité, Adam Thompson et, à ma droite, le sénateur Kenny.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, de la province de Québec.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Grant Mitchell, de l'Alberta.
[Français]
Le sénateur Carignan : Bonjour, je suis le sénateur Claude Carignan, du Québec.
[Traduction]
La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario. Bienvenue.
Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.
Le président : Merci, chers collègues.
Chers collègues, nous sommes réunis pour une séance de trois heures dans le cadre de notre mandat général qui consiste notamment à examiner les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada.
Notre premier groupe de témoins est composé de Colleen Merchant, directrice générale, Direction de la cybersécurité nationale; de Mark Matz, directeur, Division des politiques, et de Patrick Clow, chef, Opérations cybernétiques du Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques.
Bienvenue à vous, madame Merchant, monsieur Matz et monsieur Clow. Madame Merchant, je crois savoir que vous avez une déclaration liminaire. Je vous invite à commencer. Nous disposons d'une heure pour votre groupe.
Colleen Merchant, directrice générale, Direction de la cybersécurité nationale, Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques : Tout d'abord, j'aimerais remercier le président et les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense d'avoir invité Sécurité publique Canada à faire une présentation sur le rôle et les tâches du Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques dans le contexte de l'infrastructure essentielle au Canada.
Comme vient de l'indiquer le président, je m'appelle Colleen Merchant et je suis la directrice générale du Secteur de la sécurité et de la cybersécurité nationale à Sécurité publique Canada. Je suis accompagnée de Marc Matz et de Patrick Clow. M. Matz est directeur de l'Unité de la gestion des politiques et des enjeux de la Direction générale de la cybersécurité nationale, et M. Clow est chef, Opérations cybernétiques, Direction de la cybersécurité nationale.
Mon mot d'ouverture offrira un aperçu du mandat du CCRIC, des menaces et des défis actuels auxquels sont confrontés les partenaires au sein de l'infrastructure essentielle au Canada, et un aperçu des nouvelles initiatives en cours d'élaboration.
En appui à la mission de Sécurité publique Canada qui est de bâtir un Canada sécuritaire et résilient, le Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques, que je vais simplement appeler CCRIC par souci de brièveté, contribue à la sécurité et à la résilience des cybersystèmes essentiels qui sous-tendent la sécurité nationale, la sécurité publique et la prospérité économique du Canada. Le CCRIC est, comme le président l'a indiqué, le centre national de coordination en matière de prévention, d'atténuation, de préparation, d'intervention et de rétablissement en cas d'événements cybernétiques importants.
Le CCRIC fournit un appui et des conseils qui font autorité, il coordonne l'échange de renseignements et l'intervention en cas d'incident et collabore avec des partenaires au pays et à l'étranger pour régler les questions importantes de cybersécurité. Le CCRIC est un point de contact unique permettant aux propriétaires et aux exploitants d'infrastructures essentielles au Canada de signaler les cyberincidents au gouvernement du Canada. Le CCRIC a également pour mandat de coordonner l'intervention nationale en cas de cyberincidents importants.
Le gouvernement du Canada a créé le CCRIC en 2005 pour disposer d'un point central de surveillance des systèmes du gouvernement fédéral, de prestation de conseils sur l'atténuation des cybermenaces contre les infrastructures essentielles et de coordination de l'intervention nationale aux incidents cybernétiques. Avant 2010, le CCRIC comptait moins de 10 employés chargés d'effectuer principalement des tâches de gestion des incidents et de publier des rapports techniques.
En 2011, la responsabilité de l'intervention en cas d'incidents cybernétiques concernant les réseaux gouvernementaux est passée du CCRIC au Centre d'évaluation des cybermenaces du Centre de la sécurité des télécommunications. Le mandat du CCRIC a été recadré pour englober la coordination de la cybersécurité à l'échelle nationale pour les systèmes qui ne relèvent pas du gouvernement fédéral, en particulier les organisations ayant des infrastructures essentielles. En 2013, à la faveur du Cadre de gestion des incidents cybernétiques pour le Canada, le CCRIC est devenu le premier point de contact entre des entités non fédérales et le gouvernement du Canada.
Grâce aux investissements reçus depuis 2010 dans le cadre de la Stratégie de cybersécurité du Canada, le CCRIC a pu renforcer ses assises juridiques et politiques et ses processus pour assurer la mise en œuvre de cadres de gestion visant à réaliser son mandat, à inciter les partenaires internes et externes à améliorer la coordination et l'intervention en cas d'incident cybernétique et à accroître ses capacités d'analyse.
L'an dernier, grâce à l'approbation du financement supplémentaire pour soutenir la Stratégie de cybersécurité du Canada, le CCRIC a reçu d'autres ressources pour accroître sa capacité et pour poursuivre son travail auprès des organisations propriétaires d'infrastructures essentielles au Canada en vue d'améliorer la protection des réseaux contre les cyberattaques. Cela comprend : le renforcement de l'accent sur la sécurité des systèmes de contrôle industriels; l'augmentation du nombre d'analyses prévisionnelles; l'amélioration des évaluations de la vulnérabilité et l'établissement d'une collaboration plus étroite avec les partenaires externes.
Depuis sa création, le CCRIC est passé d'un groupe formé de sept agents en cybersécurité à une équipe multidisciplinaire formée de 43 cyberanalystes, ingénieurs, spécialistes des données et agents de mobilisation qui fournissent une expertise axée sur les secteurs des finances, de l'énergie, des services publics et de la technologie de l'information et des communications. Grâce aux ressources reçues l'an dernier, l'effectif du CCRIC dépassera les 80 employés dans les deux prochaines années.
En 2016-2017, la valeur de l'initiative du CCRIC correspondra à un budget annuel de 7,2 millions de dollars, soit 2,1 millions de dollars en fonctionnement et entretien, et 5,1 millions de dollars en traitements et salaires. Le CCRIC s'efforce de brosser le tableau de la cybermenace à l'échelle nationale à partir de renseignements sur cette menace qu'il reçoit de ses partenaires. Ceux-ci sont communiqués par téléphone ou par courriel aux agents de la cybersécurité qui sont en service 15 heures par jour et 7 jours sur 7 sur place ou à un agent de service en disponibilité 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. De plus, nous avons des discussions régulières avec les partenaires d'infrastructures essentielles et internationaux dans le cadre d'activités de mobilisation propres aux secteurs.
Le CCRIC dispose aussi de la capacité de partager certains types de renseignements sur la menace par des filières automatisées. Cette capacité est déjà utilisée pour échanger des renseignements avec certains partenaires internationaux, comme le Royaume-Uni et l'Australie, et elle est en cours d'essai avec des organisations possédant des infrastructures essentielles au Canada, comme les provinces, les entreprises de télécommunication, le secteur financier et les compagnies d'électricité.
Le CCRIC analyse également les renseignements techniques et formule des conseils en matière de mesures d'atténuation grâce à des outils qu'il a lui-même conçus ou qui sont disponibles dans le commerce pour la rétroingénierie et l'analyse automatisée des mégadonnées. Le CCRIC tire également parti d'une expertise issue de sources variées : au sein même du Centre ou venant des partenaires nationaux, des équipes internationales d'intervention en cas d'incident informatique et de chercheurs en cybersécurité.
Enfin, le CCRIC communique à ses partenaires des renseignements analysés portant sur la menace par l'entremise d'avis automatisés aux victimes, de son portail communautaire, de téléconférences communautaires et de listes de distribution de produits techniques et exécutifs.
En 2015 seulement, le CCRIC a traité 1 762 incidents, dont un quart environ ont été signalés par les organisations touchées. Les autres incidents ont été découverts par le Centre ou signalés par une tierce partie, soit un fournisseur de service internet, une entreprise de sécurité internet et un partenaire international.
Le CCIRC a publié 198 produits techniques, soit 130 avertissements, 27 alertes, 32 capsules cybernétiques, deux notes d'information et sept rapports techniques. Il a également publié 24 rapports exécutifs, dont les rapports bimensuels, mensuels, trimestriels et annuel sur les opérations cybernétiques et le bulletin « Spotlights On » qui met en lumière de nouvelles questions dans le domaine de la cybersécurité.
Le CCIRC a collecté 67 millions de nouveaux échantillons de maliciels et analysé plus de 30 millions d'entre eux dans ses installations isolées; il a envoyé 13,66 millions d'avis aux victimes contenant les conseils à suivre pour faire face aux cybermenaces.
Le CCRIC travaille également pour innover et mieux comprendre les problèmes de cybersécurité au Canada par l'entremise d'activités de recherche et de développement avec ses partenaires. L'an dernier, le CCRIC a organisé avec des partenaires du secteur privé un événement commun appelé « GeekWeek », la Semaine du technophile. Cet événement est l'occasion d'inviter les représentants de l'industrie au Centre afin qu'ils comprennent mieux les fonds de données, mais aussi pour faire progresser le développement d'outils spécialisés en cybersécurité et d'enrichir les partenariats de sorte à améliorer le partage de renseignements entre le gouvernement et l'industrie. L'événement de 2015 a attiré de nombreux participants, et la planification pour la prochaine Semaine du technophile est déjà en cours.
Le CCRIC a noué des partenariats avec des organisations issues des 10 secteurs d'infrastructures essentielles, ainsi qu'avec des associations de l'industrie. À ce jour, nous comptons un peu plus de 1 300 partenaires, sur un bassin de 1,2 million d'entreprises au Canada.
Les organisations possédant des infrastructures essentielles qui remarquent une activité inhabituelle sur leurs systèmes, qui découvrent une infection par un logiciel malveillant ou qui sont aux prises avec d'autres types d'incidents cybernétiques peuvent le signaler au CCRIC, 24 heures sur 24. Le CCRIC est un partenaire de confiance qui peut tirer parti de ses alliances avec les ministères fédéraux, les experts de l'industrie et les équipes internationales d'intervention en cas d'incident informatique pour aider les propriétaires ou les exploitants canadiens d'infrastructures essentielles en cas de nécessité.
Le CCRIC interagit régulièrement avec les ministères fédéraux dont le mandat comprend la cybersécurité. Il s'agit, en règle générale, du Centre de la sécurité des télécommunications, du Service canadien du renseignement de sécurité, du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, du ministère de la Défense nationale, de la Gendarmerie royale du Canada et de Services partagés Canada.
Plus important encore, le CCRIC reçoit des renseignements sur les menaces d'organismes de renseignement et il les diffuse ensuite afin d'aider les utilisateurs à protéger leurs systèmes. Lorsqu'ils sont non classifiés, ces renseignements sont communiqués aux partenaires du Centre, habituellement sous la forme d'indicateurs techniques comme les noms de domaine ou les adresses IP associées aux maliciels détectés. Les renseignements du CCRIC sur les menaces sont axés sur la prévention et l'atténuation, et non sur l'attribution.
Enfin, le CCRIC collabore régulièrement avec ses EIII partenaires dans le monde au sujet des cybermenaces pesant sur les infrastructures canadiennes. De même, lorsque le CCRIC obtient des renseignements au sujet d'activités malveillantes dans un autre pays, nous transmettons cette information à l'EIII du pays concerné.
Sur le plan de la menace en général, l'année 2015 a été chargée dans le domaine de la cybersécurité au Canada et à l'étranger. Elle a été marquée par des atteintes notables à la protection des données, par de nouvelles recherches intéressantes au sujet de la manière dont la technologie interagit avec nos activités courantes, par des rançongiciels aux effets importants ainsi que par des attaques de déni de service distribué. De nombreux cyberévénements aux conséquences physiques dévastatrices ont également été signalés en 2015, comme des pannes de courant généralisées en Ukraine, à Ashley Madison et au Bureau de gestion du personnel aux États-Unis.
Voici certaines des menaces les plus courantes et les plus préoccupantes régulièrement observées par le CCRIC : vol de propriété intellectuelle canadienne par infiltration des réseaux; les techniques sophistiquées employées dans ces cas sont d'un niveau généralement associé aux États-nations. Prolifération de logiciels criminels, en particulier les rançongiciels, touchant les organisations d'infrastructures essentielles canadiennes. Les rançongiciels cryptent toute l'information contenue dans un système infecté et, pour obtenir la clé permettant de déchiffrer l'information, il faut verser une rançon. Ces attaques peuvent provoquer une perte de productivité et il est possible que des renseignements commerciaux soient perdus à jamais. La fréquence de ces attaques augmentera probablement puisqu'elles sont lucratives pour les individus malveillants qui en sont à l'origine. Certaines sources ouvertes laissent entendre que les rançons servent à financer le crime organisé, voire des groupes terroristes.
Il y a aussi les activités de cybermilitants ou des cyberattaques menées pour des motifs politiques. Les groupes d'activistes en ligne ont recours à diverses tactiques pour attirer l'attention du public sur une cause particulière ou pour mettre dans l'embarras une personnalité ou un organisme. Ces tactiques incluent habituellement des attaques de déni de service, la défiguration de sites web ou encore la découverte et la diffusion de renseignements privés sur des forums de discussion publics.
Quant à l'avenir, grâce au financement supplémentaire qu'il a reçu en 2015, le CCRIC continuera à mettre au point de nouvelles capacités et à les généraliser. Il créera et mettra en œuvre de nouveaux outils pour améliorer les pratiques commerciales et perfectionner l'échange de renseignements avec ses partenaires, y compris des outils pour aider les partenaires sur le plan de l'échange automatisé des renseignements, et des systèmes de suivi du traitement des incidents par le CCRIC.
Nous sommes en train de mettre au point et de déployer des outils portatifs pour nous permettre de mieux comprendre les cyberincidents et être mieux en mesure de fournir des conseils personnalisés aux partenaires canadiens. Nous définissons un cadre fédéral de politique opérationnelle en nous s'appuyant sur le Cadre de gestion des incidents cybernétiques diffusé en 2013.
Nous continuons à améliorer les activités de mobilisation, notamment par la mise en œuvre d'un programme solide de mobilisation de tous les secteurs, par l'élargissement des activités de la Semaine du technophile et par l'amélioration de la capacité à mener, avec nos partenaires, des exercices de cybersécurité nationaux et propres aux secteurs. Nous sommes en train d'améliorer et de renouveler les outils dont se sert actuellement le CCRIC pour acheminer à ses partenaires des renseignements sur les menaces, y compris la capacité d'analyser les données opérationnelles et les nouvelles technologies, ce qui s'entend des systèmes de contrôle des processus. Nous continuons d'établir des partenariats stratégiques essentiels au soutien du mandat du CCRIC.
Le CCRIC élabore également de nouveaux outils pour soutenir ses opérations, notamment, comme : une infrastructure de mégadonnées pour stocker et traiter des millions de produits liés aux cybermenaces; des cadres de travail automatisés pour documenter et traiter les produits en temps réel; des outils automatisés permettant de transmettre les renseignements exploitables aux utilisateurs et aux partenaires; des méthodes d'analyse de la santé cybernétique au Canada et à l'échelle mondiale et de l'incidence du travail du CCRIC. Il est ici question d'analyses statistiques, d'établissement de bases de référence et de détermination des tendances.
Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler aujourd'hui. Mark, Patrick et moi-même nous sommes prêts à répondre à vos questions.
[Français]
Le sénateur Carignan : Pouvez-vous nous parler des types d'attaques et de leur importance en termes de quantité? Ma question vise particulièrement les demandes de rançons typiques où l'on tente, par une menace informatique, de verrouiller ou de contaminer le système informatique ou encore d'obtenir de l'information afin de l'utiliser à des fins impropres à défaut du versement d'une rançon. Pouvez-vous nous parler de la nature de cette menace en termes statistiques, ainsi qu'en substance?
[Traduction]
Mme Merchant : Je n'ai pas de statistiques précises sur les rançongiciels ni sur le pourcentage qu'ils représentent par rapport à l'ensemble des maliciels. Nous pourrions vous fournir cette information par écrit. À Sécurité publique, nous traitons de cette question des rançongiciels de la même façon que nous le faisons pour tous les maliciels. Nous recueillons les données, les analysons et les étudions pour imaginer des mesures d'atténuation que nous communiquons à l'ensemble de nos partenaires.
Patrick Clow, chef, Opérations cybernétiques, Direction de la cybersécurité nationale, Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques : Au cours des dernières années, nous avons constaté une évolution des rançongiciels et de leur utilisation pour extorquer des particuliers. Nous n'en sommes plus aux messages pop-up simples et traditionnels qui visaient à effrayer le destinataire, puisqu'il s'agit maintenant de crypter les fichiers qui, dans certains cas, sont assez importants pour l'organisation touchée, ce qui constitue un véritable changement depuis deux ans. Ce phénomène domine les rapports d'incidents que nous recevons depuis un certain temps, simplement parce que l'incidence sur les organisations a un caractère sensationnaliste.
Nous invitons nos partenaires à faire preuve de résilience et à veiller à ce qu'ils soient prêts à toute éventualité, à faire connaître la menace aux usagers ou aux employés et à leur indiquer ce à quoi elle ressemble et ce qu'elle occasionne.
[Français]
Le sénateur Carignan : Comment agir? Votre organisation parlait de ne pas payer de rançon, mais en octobre 2015, un membre du programme de contre-espionnage du FBI suggérait de la payer. Cela peut créer une contradiction quant à ce qu'on doit faire ou ne pas faire. Pouvez-vous nous donner votre opinion au sujet des rançons?
En complément à ma question précédente, je parlais d'un point de vue statistique. D'autre part, pouvez-vous préciser le type d'entreprises ou de personnes qui sont particulièrement à risque? Y a-t-il des personnes plus vulnérables, comme les personnes âgées ou les gens qui ont des difficultés intellectuelles?
[Traduction]
Mme Merchant : En réponse à votre première question, je dirais que nous recommandons de ne pas verser de rançon. Le faire n'est généralement pas efficace et il existe d'autres façons, pour les entreprises, les organisations ou les particuliers, de se protéger, notamment en faisant des sauvegardes de tous leurs fichiers. Si vous avez une sauvegarde, vous avez encore accès à toutes vos données.
Quant aux cibles, je ne pense pas qu'il existe de tendance particulière. Il est évident que tout ce qui concerne le secteur des soins de santé est particulièrement visible, puisque la vie des gens est touchée, mais le rançonnement vise tous les secteurs et nous encourageons les organisations, les entreprises et les particuliers à se protéger dans toute la mesure du possible.
Nous avons notre programme Pensez cybersécurité, que vous pourrez aller consulter sur notre site web. Il fournit des renseignements de base sur la façon dont les particuliers, les familles et les PME peuvent se protéger. C'est une excellente ressource pour commencer à se protéger contre toutes sortes de maliciels, y compris les rançongiciels.
Le président : Êtes-vous techniquement en mesure de déterminer d'où proviennent les tentatives de rançonnement? Pouvez-vous repérer et appréhender ceux qui sont à l'origine? Le cas échéant, avez-vous déjà déposé des accusations, ici au Canada, ou pouvez-vous nous parler de la situation aux États-Unis?
Mme Merchant : Cela ne relève pas du mandat de la Sécurité publique. Nous nous en remettons aux corps policiers et aux organismes d'application de la loi. On nous a assimilés à des premiers intervenants, ce qui est une bonne analogie. Vous pouvez considérer que nous sommes les ambulanciers qui interviennent auprès d'une personne qui vient d'être touchée par balle et qui git sur le trottoir. Nous ne nous préoccupons pas de qui a tiré, ni de quelle arme a été utilisée; nous cherchons simplement à stabiliser le blessé pour qu'il puisse récupérer rapidement.
Le président : Évidemment, vous communiquez cette information à la GRC.
Mme Merchant : Nous communiquons tous les renseignements en notre possession.
Le sénateur White : Merci de vous être déplacée, je l'apprécie beaucoup.
Restons sur ce que vous venez juste de dire. Pourquoi votre organisme n'est-il pas directement lié à un organisme d'application de la loi? Si je ne m'abuse, aux États-Unis, c'est le FBI qui s'occupe de la majorité des enquêtes en cybersécurité, n'est-ce pas?
Mme Merchant : Effectivement.
Le sénateur White : Plutôt que de s'en remettre à une organisation distincte répondant au premier appel ou effectuant les premiers examens, je me demande si vous ne devriez pas faire partie du SCRC, de la GRC ou d'un autre organisme central. Pourquoi n'êtes-vous pas logé au sein de ces organismes plutôt que d'être un centre de formulation de politiques, comme l'est Sécurité publique?
Mme Merchant : Ce n'est pas à moi de décider de la façon dont les choses doivent être organisées. Quant à la cybersécurité, la GRC dispose depuis peu d'une unité spéciale de cybercriminalité dont c'est la spécialité.
On peut voir la cybercriminalité comme une activité visant à utiliser la technologie pour commettre des crimes traditionnels, mais aussi, et c'est ce qui nous intéresse davantage, comme visant plus particulièrement la technologie. Nous sommes donc très intéressés dès que nous repérons une menace à l'utilisation des réseaux et des infrastructures.
Le sénateur White : Il n'est pas d'accord avec vous.
Mme Merchant : Il voulait que je vous en dise davantage sur le fait que nous entretenons une excellente collaboration avec les corps policiers et les services de renseignement. C'est indéniable. Le fait, pour nous, d'appartenir à une autre organisation ne nous rendrait pas plus efficaces, je ne le crois pas. Nous sommes déjà très efficaces dans le milieu auquel nous appartenons.
Le sénateur White : Merci beaucoup. Cela m'amène à vous parler de la sécurité des infrastructures parce que, d'après ce que vous nous avez dit, vous ne faites pas que simplement réagir, puisque vous essayez d'ouvrir les yeux des gens sur les risques existants.
Que font les provinces et les territoires pour se préparer à ce que beaucoup estiment comme étant une augmentation de la menace cybernétique pour les infrastructures? Les provinces et les territoires suivent-ils le rythme? Je suis sûr que ce n'est pas le cas de tout le monde.
Mme Merchant : Nous travaillons en étroite relation avec les provinces et les territoires. En fait, sur nos quelque 1 300 partenaires, 31 sont des gouvernements provinciaux ou territoriaux. On y retrouve les 10 provinces et les trois territoires et nous coordonnons parfaitement nos actions. Nous travaillons aussi en partenariat avec 60 municipalités dans sept provinces.
Le sénateur White : Avec qui, plus précisément, travaillez-vous au sein de ces gouvernements? Ce ne sont certainement pas des centres d'élaboration des politiques, il doit s'agir d'organismes opérationnels, comprenant un service responsable de la sécurité des infrastructures essentielles. Qui, précisément, dans les provinces et territoires, sont vos contacts?
Mme Merchant : Nous travaillons avec les propriétaires et les exploitants d'infrastructures essentielles, mais au sein des administrations gouvernementales en tant que telles, nous collaborons avec les DPI, les dirigeants principaux de l'information. Nous collaborons, dans certains cas, avec les responsables de la sécurité et, aussi, avec des sous-ministres chargés de la sécurité publique.
Le sénateur Mitchell : Merci, madame Merchant, pour votre exposé. J'ai plusieurs questions à vous poser. D'abord, une sur l'IEM. Lors de notre dernière séance, nous avons accueilli des témoins des États-Unis qui nous ont parlé du phénomène des impulsions électromagnétiques. Ils étaient choqués de la vulnérabilité des réseaux d'électricité américains aux IEM, vulnérabilité qu'ils ont jugée extrême. Pouvez-vous nous dire si, selon vous, le réseau est vulnérable? Cela relève-t-il de votre mandat?
Mme Merchant : Oui. Pas nécessairement sur le plan technique, mais pour ce qui est de la préparation à une panne de courant et au travail sur le plan de la résilience, je dirais que oui. S'en occupe-t-on du côté de l'élaboration des politiques?
Mark Matz, directeur, Division des politiques et de la gestion des enjeux, Centre canadien de réponse aux incidents cybernétiques : Généralement pas. En revanche, c'est le cas pour ce qui est de la résilience des organisations. Nous cherchons à faire en sorte que les réseaux demeurent fonctionnels pour des raisons de sécurité publique. Si des pannes étaient induites par des impulsions électromagnétiques, nous nous préoccuperions des répercussions sur les systèmes de cybersécurité, mais à ce moment-là nous nous situerions davantage sur le plan d'une intervention physique avec déclenchement du plan fédéral d'intervention d'urgence. Bien d'autres structures que notre cyberstructure assureraient alors la continuité des services et nous ferions éventuellement appel à l'armée, par exemple, pour aider les pouvoirs civils.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit disposer d'une infrastructure de mégadonnées pour stocker et traiter des millions de produits liés aux cybermenaces. Dès qu'on prononce le mot « mégadonnées », on songe aux questions de protection des renseignements personnels, ce qui rend les gens nerveux. Dans quelle mesure cela concerne-t-il la vie privée des Canadiens qui pourraient être sacrifiée dans cette vaste pêche aux mégadonnées, et que faites-vous à cet égard?
Mme Merchant : Tout d'abord, les données que nous communiquons sont rendues anonymes quant à l'identité des personnes concernées et à leur contenu. De plus, nous ne les communiquons qu'avec l'autorisation de l'organisation qui en est à l'origine. Nous ne recueillons pas de renseignements personnels. Nous avons réalisé une évaluation d'incidence sur la vie privée qui a été approuvée par le Bureau du commissaire à la vie privée. Nous n'échangeons que des renseignements sur les maliciels, les adresses IP et d'autres réseaux que nous savons associés à des activités criminelles sur Internet.
Le sénateur Mitchell : Vous avez dit que vous étiez passé de 7 à 43 employés. Ce que vous nous avez présenté et le travail que vous effectuez est très impressionnant, c'est indéniable. Cependant, je n'ai pas l'impression que 43 employés suffisent compte tenu du nombre de personnes qui consultent, avec cet impressionnant éventail d'organismes privés possédant des infrastructures essentielles. Êtes-vous certaine qu'il n'y a pas d'oublié et que vous couvrez effectivement tous les recoins du secteur privé concerné?
Mme Merchant : Tout le monde vous dira que, plus on a d'employés et mieux c'est, mais nous faisons déjà un travail remarquable avec ceux que nous avons. Tout cela est dû au fait que nous entretenons une excellente collaboration et avons une très bonne coordination à l'interne, au niveau du gouvernement, et avec les provinces et les territoires, de même qu'avec les propriétaires et les exploitants d'infrastructures, ici au Canada et à l'échelle internationale.
La qualité de la collaboration a un effet d'amplification. Il est évident que, s'agissant de mégadonnées, d'analyses de données et de création de partenariats avec les 1,2 million d'entreprises que nous comptons au Canada, nous souhaiterions pouvoir augmenter nos effectifs au-delà de 43.
Nous allons dans la bonne direction et je crois que les choses se déroulent bien avec ce que nous avons déjà.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais que vous nous indiquiez les trois principales infrastructures canadiennes qui pourraient faire l'objet d'une cyberattaque. En même temps, pourriez-vous nous dire quels seraient les conséquences et les coûts d'une telle attaque sur l'économie canadienne?
[Traduction]
Mme Merchant : Les trois grandes infrastructures qui nous préoccupent sont les systèmes financiers, évidemment; les technologies des télécommunications ou de l'information et les communications, de même que le secteur de l'énergie. Ce sont trois piliers dont dépendent le bon fonctionnement de notre économie de même que notre sécurité nationale.
Je n'ai pas de données sur les ramifications financières que pourraient avoir des attaques lancées contre ces trois secteurs, mais tout dépendrait de l'attaque, de son caractère généralisé et de la vitesse avec laquelle nous pourrions nous en remettre. Nous pourrions dénicher des données à ce sujet et vous les faire parvenir.
[Français]
Le sénateur Dagenais : En ce qui concerne les mesures de sécurité, croyez-vous qu'elles pourraient être améliorées dans certaines infrastructures? Est-ce que vous pourriez faire des recommandations à notre comité à ce sujet?
[Traduction]
Mme Merchant : Oui. Comme je l'ai dit, il y a, sur notre site web, des renseignements sur ce que les industries et les organisations peuvent faire pour se protéger. Et puis, comme vous le savez peut-être, notre ministre a reçu pour mission, dans sa lettre de mandat, d'examiner les mesures en place pour protéger les Canadiens et les infrastructures essentielles contre les cybermenaces. À la faveur de cet examen, nous comptons débusquer les écueils et voir comment les régler. Nous apprécierions énormément toute assistance qui nous viendrait des sénateurs.
La sénatrice Beyak : Merci pour votre exposé excellent et très complet. Vous nous avez déjà répondu à la plupart des questions que je voulais vous poser, mais pourriez-vous qualifier, pour nous, la menace à laquelle les infrastructures essentielles nord-américaines sont actuellement confrontées? En faites-vous une évaluation régulière? Appliquez-vous une procédure pour cela?
Mme Merchant : Nous produisons des rapports annuels et faisons une évaluation des tendances non seulement en ce qui concerne le Canada, mais aussi le monde entier, parce que nous dépendons tous les uns des autres. Nous utilisons une partie des fonds supplémentaires que nous avons reçus pour établir une base de références statistiques, pour recueillir des données qui devront nous permettre de mesurer l'effet des mesures d'atténuation en place, ainsi que des mesures de collaboration et du travail que nous accomplissons avec nos partenaires.
Nous souhaitons pousser davantage dans ce sens et c'est d'ailleurs ce que nous avons commencé à faire.
Le sénateur White : Encore merci. Excellentes questions et excellentes réponses.
Il existe donc un risque pour les infrastructures essentielles. Nous habitons un vaste territoire et il est certain que la sécurité des infrastructures essentielles en préoccupe plus d'un. Prenez l'industrie nucléaire et le fait qu'au cours des 15 dernières années, nous avons renforcé des unités armées extraordinaires qui n'ont certainement rien à envier à d'autres pays.
En revanche, je ne suis pas certain que nous ayons atteint les mêmes résultats dans le cas de ces installations et de ces industries. S'agissant de cybersécurité, d'autres pays ont été attaqués — l'Ukraine en est un exemple, mais il y en a d'autres. Où pensez-vous que nous nous situons sur cette échelle de risque, quant à la possibilité de subir des attaques dans l'avenir qui paralyseraient des infrastructures essentielles comme une infrastructure nucléaire ou un réseau d'électricité, ou que sais-je encore, sans pour autant nous faire peur, évidemment?
Mme Merchant : Je ne veux certainement pas faire peur à qui que ce soit. Il convient de remarquer que rien de ce qui est relié à l'Internet ou de ce qui repose sur une capacité de réseau n'est invulnérable, en revanche, les organisations peuvent se doter de tout un ensemble de moyens pour protéger leurs systèmes.
Je tiens également à préciser que, s'agissant de cybersécurité — et je pense que c'est ce dont vous avez parlé, sénateur — ce n'est pas tant la protection des réseaux qui compte, mais bien la protection de tout ce qui dépend d'un réseau.
Il y a la sécurité opérationnelle, c'est-à-dire la façon dont on accède à un système et qui peut accéder au système. Il y a aussi la sécurité physique, qui concerne le contrôle des déplacements des personnes autorisées à s'approcher d'un système et éventuellement à l'utiliser.
Le facteur de risque varie énormément selon l'organisation concernée et selon les mesures que cette organisation aura adoptées, pas uniquement pour ses réseaux, mais dans la proximité immédiate de ses réseaux et dans le cas des personnes y ayant accès.
Le sénateur White : Les organisations canadiennes prennent-elles cela au sérieux, prennent-elles les mesures appropriées pour améliorer la situation au nom des Canadiens ou attendent-elles une crise pour agir?
Mme Merchant : Nous n'attendons pas une crise.
Le sénateur White : Pas vous personnellement.
Mme Merchant : Nous nous concentrons sur les petites et moyennes entreprises parce que, dans bien des cas, elles n'ont pas les moyens d'adopter les mesures nécessaires, que ce soit pour une question de coûts, de ressources ou autres.
Nous nous intéressons particulièrement à elles. Une grande partie de l'économie canadienne — j'ai entendu dire 80 p. 100 — dépend des PME. Selon moi, nous devons continuer à nous intéresser à elles.
Le sénateur White : Merci pour ça, mais quand on songe à ce qui s'est produit au lendemain du 11 septembre 2001 dans l'industrie nucléaire au Canada, on constate que le personnel de sécurité des installations, que nous avions pensé jusque-là à l'abri de toute menace, a été armé, entraîné et qu'il s'agit maintenant d'un personnel d'intervention d'urgence, un peu comme nos corps policiers, pour ne pas dire davantage. Dans mon dernier emploi, dans la région de Durham où j'étais chef de police, j'ai constaté cette transformation.
Toutefois, en 2005-2006, on était surtout préoccupés par la sécurité physique. Certes, il faut s'intéresser à cette menace visible, mais il y en a une autre, plus grave encore, qui est invisible. Nous parlons donc ici de la menace invisible.
J'aimerais qu'on me rassure, qu'on me dise que des organisations comme l'OPG, et d'autres du même genre, prennent les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de leurs installations et, en réponse, vous ne confirmez pas qu'elles prennent les choses au sérieux, mais vous ne l'infirmez pas non plus. J'essaie juste de déterminer de quel côté de cette proposition on va se retrouver.
Mme Merchant : Du point de vue, notamment, du secteur nucléaire, la Chatham House a publié un rapport il y a quelques mois sur un certain nombre d'entreprises nucléaires à l'échelle mondiale, huit je crois, et, à la lecture de ce rapport, nous nous sommes sentis assez soulagés de constater que le Canada s'en tire plutôt bien. C'est un des seuls pays où ce secteur est doté de normes de cybersécurité. C'est donc une bonne nouvelle.
Le sénateur White : Est-ce que vous approuveriez ces normes?
Mme Merchant : Non.
Le sénateur White : Diriez-vous que ces normes remplissent les conditions requises?
Mme Merchant : Non, ce sont des normes établies par...
Le sénateur White : ...Par le secteur nucléaire lui-même.
Mme Merchant : En effet.
Le sénateur White : Donc pas de surveillance?
Mme Merchant : Pas par nous en tout cas.
Le sénateur White : Par personne?
Mme Merchant : Eh bien, la Commission canadienne de sûreté nucléaire.
Le sénateur White : La CCSN. Merci beaucoup.
La sénatrice Beyak : Vous avez parlé de vol de propriété intellectuelle. Est-ce que vous pourriez nous dire quels sont les États-nations qui y participent?
Mme Merchant : Non, je vous invite à vous adresser à mes collègues des services de renseignement. Comme je l'ai dit, la dénonciation ne fait pas partie de notre mandat.
La sénatrice Beyak : Je me demandais également si votre organisme conseille le gouvernement et les organisations privées concernant ces menaces internes en provenance d'États-nations. J'imagine que vous ne le pouvez pas.
Mme Merchant : Non, pas au sujet d'États-nations en particulier, non. Ce que nous faisons, c'est analyser le logiciel malveillant pour bien comprendre son fonctionnement et avertir nos partenaires si nous voyons qu'il se propage ou si quelque chose les rend vulnérables et les expose à une attaque à l'aide de ce logiciel.
Pour ce qui est des intervenants ou adversaires proprement dits, non.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je sais que vous allez nous fournir des renseignements concernant les extorsions qui touchent les logiciels, mais je voudrais faire suite à la question du sénateur Carignan sur les rançons. Pouvez-vous nous donner des exemples de sommes qui ont été payées par le Canada ou d'autres pays?
[Traduction]
Mme Merchant : Je n'ai pas ces renseignements, mais, encore une fois, nous pouvons chercher des statistiques pour vous.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir au partage de l'information. Lorsque M. Paul Stockton a témoigné devant notre comité, il a indiqué qu'il était crucial que le partage d'information se fasse en temps réel. J'ai cru comprendre que ce n'était pas toujours le cas avec les autres pays alliés. En général, quels sont les obstacles qui peuvent empêcher ou retarder ce partage d'information? Donnez-vous plus de renseignements aux autres pays que vous n'en recevez?
[Traduction]
Mme Merchant : Je vais demander à Patrick de répondre à cette question, car il est aux premières lignes pour ce qui est du partage d'information.
[Français]
M. Clow : Nous constatons qu'il y a de plus en plus de données à échanger. Donc, la quantité de données à échanger, la capacité de digérer l'information et de comprendre le contexte lié à cette information sont certainement des obstacles, par exemple, lorsqu'il s'agit de déterminer sur quel logiciel cela aura un impact et quelles activités sont liées à cette information.
Nous partageons des renseignements de façon automatisée et nous essayons d'appuyer nos partenaires en travaillant avec eux afin qu'ils puissent comprendre l'information qui est importante pour eux et afin de les aider à digérer et à appliquer cette information dans le contexte de leur environnement.
[Traduction]
Le président : Est-ce qu'il y a d'autres questions?
J'aimerais revenir sur certains aspects, si vous permettez, avant de clore tout cela.
Premièrement, le sénateur Mitchell a posé des questions sur les impulsions électromagnétiques, qui commencent à alimenter les conversations publiques ici au Canada. Cela fait un moment qu'on s'en inquiète aux États-Unis.
Madame Merchant, vous en avez parlé comme d'une préoccupation, en précisant que vous n'avez aucun pouvoir, à aucun égard, s'agissant de cette menace, qui concerne nos responsabilités cybernétiques et énergétiques ici au Canada.
Je voudrais savoir dans quelle mesure c'est une préoccupation pour vous, car, si c'est une menace réelle, ce doit être une préoccupation majeure si un missile balistique ou une force naturelle comme une éruption solaire pouvait effectivement, comme on dit, griller le système énergétique, ce qui serait une catastrophe pour l'Amérique du Nord. Pourriez-vous nous expliquer les choses d'après votre perspective et vos connaissances?
Mme Merchant : Concernant l'IEM, si cela devait avoir un effet important sur l'infrastructure au Canada, il serait très important d'avoir un plan prévoyant des mesures et la répartition des rôles et responsabilités entre le gouvernement fédéral, les provinces et territoires, les premiers répondants et les propriétaires et exploitants des éléments d'infrastructure.
Comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, c'est quelque chose sur quoi nous travaillons en ce moment. Nous avons un cadre national de gestion des incidents que nous approfondissons pour circonscrire plus clairement les rôles, les responsabilités et les mesures à prendre.
Comme Mark l'a dit tout à l'heure, nous mettons tout en place pour pouvoir augmenter la résilience de l'infrastructure. Nous collaborons étroitement avec le secteur de l'énergie, notamment avec le réseau de distribution électrique, et nous faisons tout ce que nous pouvons en termes de collaboration, de partage d'information et de communication des pratiques optimales aux entreprises pour qu'elles puissent se rétablir si quelque chose de ce genre arrivait.
Le président : Si on se tourne vers l'avenir, il faudra bien, si cette menace est aussi grave qu'on le dit aux États-Unis et qu'on commence à le dire au Canada, se doter du matériel de prévention nécessaire pour affronter, du moins en partie, ce genre de situation si elle doit se produire.
Ma question est la suivante : de quel délai disposons-nous pour rencontrer les représentants des provinces et territoires et de leurs organismes de réglementation de l'énergie pour s'entendre sur une norme et obtenir qu'ils y adhèrent afin que nous puissions affronter ce genre d'attaque malheureuse ou de catastrophe naturelle?
Mme Merchant : Ici au Canada, il n'y a ni lois ni normes auxquelles les principales entreprises vouées à l'infrastructure doivent se conformer. Il n'existe pas de directives législatives permettant de déterminer le seuil de sécurité qu'elles doivent respecter.
Nous avons effectivement la responsabilité d'aider les entreprises à circonscrire les technologies les plus aptes à les aider. Et nous faisons la promotion de la recherche-développement. Nous sommes en train de promouvoir le développement de technologies d'atténuation au cas où ce genre d'incident se produirait.
Il y a bel et bien des ministères responsables de ces secteurs. Par exemple, si on parle du réseau de distribution électrique, c'est Ressources naturelles Canada qui examinerait la question de l'impulsion électromagnétique dans ce domaine et qui essaierait d'instaurer une certaine résilience dans le secteur énergétique à cet égard.
Le président : Dans vos remarques préliminaires, vous avez énuméré vos préoccupations à l'égard de la sphère cybernétique et des menaces qu'elle véhicule pour l'économie.
Avez-vous des statistiques annuelles sur les effets de ces divers problèmes, par exemple le vol de propriété intellectuelle, la prolifération de la criminalité, les activités des hacktivistes? Évidemment, les banques et les établissements financiers sont constamment assiégés. Quel en est le coût économique annuel au sens large?
Mme Merchant : Je n'ai pas de données factuelles et chiffrées sur les coûts, mais j'ai des pourcentages sur le nombre d'incidents par secteur.
Par exemple, en 2015, 54 p. 100 des incidents visaient le secteur des technologies de l'information et des communications, 14 p. 100 visaient le secteur financier, et 4 p. 100 visaient les provinces et territoires. Nous avons une ventilation assez détaillée, mais ce sont les chiffres principaux.
Les incidents par catégorie étaient les suivants : 42 p. 100 étaient des codes malveillants; 24 p. 100 étaient des courriels d'hameçonnage ou ciblés; 17 p. 100 étaient des menaces persistantes avancées, qui sont généralement assez perfectionnées, des choses qu'on ne voit pas et qui ont des effets assez durables. Là aussi, nous avons des données plus détaillées.
Le président : Merci beaucoup d'être parmi nous.
Voici notre deuxième groupe de témoins. Accueillons Bob Paulson, commissaire de la GRC. Il est accompagné par Mike Cabana, sous-commissaire responsable de la Police fédérale, par Daniel Dubeau, sous-commissaire et dirigeant principal des Ressources humaines, et par Peter Henschel, sous-commissaire responsable du Service de police spécialisée.
Le comité estime qu'il est important que les Canadiens soient régulièrement informés des activités de notre service de police national, et nous sommes heureux que vous et votre équipe rapprochée soyez ici pour parler non seulement aux membres du comité, mais à tous les Canadiens.
Dans notre correspondance, nous avons une longue liste de problèmes auxquels vous faites face tous les jours, et nous espérons avoir assez de temps pour en parler.
Bob Paulson, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Merci de nous accueillir, mon équipe et moi-même, pour participer à cette discussion. Je n'ai pas de remarques préliminaires à faire à part pour dire que j'ai eu une correspondance avec le président, et je constate que vous avez une longue liste de sujets d'intérêt. C'est pour cette raison que j'ai amené mes amis avec moi : je veux être sûr de vous donner les meilleures réponses possible. C'est tout ce que j'ai à dire pour l'instant et j'attends vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le commissaire. J'aimerais aborder une question qui se pose non seulement au Canada, mais à l'échelle mondiale, je veux parler de la menace terroriste. Pourriez-vous nous dire le nombre actuel de djihadistes canadiens radicalisés connus que vous surveillez actuellement, au Canada et à l'étranger?
Pourriez-vous faire un bilan pour le comité de la question du financement du terrorisme. Le comité a appris, au cours de ses audiences, qu'on avait repéré 130 cas de lien entre des organismes de bienfaisance et le financement du terrorisme durant les cinq dernières années. Est-ce que ces cas vous ont été signalés? Peut-être pourriez-vous nous dire pourquoi aucune accusation n'a été portée, compte tenu de cette information.
Troisièmement, il y a la question des modifications apportées à la Loi antiterroriste l'année dernière. Pourriez-vous nous dire quelles dispositions vous employez et si vous estimez que ces modifications sont indispensables à votre travail, notamment à l'égard de la menace terroriste qui pèse sur le Canada?
M. Paulson : Voilà ce qui arrive quand on ne fait pas de remarques préliminaires.
Le président : Ce n'est pas pour nous déplaire.
M. Paulson : Pour les deux premières questions, je m'en remettrai à mon collègue, M. Cabana. Permettez que je revienne brièvement sur vos remarques sur la Loi antiterroriste. Vous parlez du projet de loi C-51 et de l'emploi que nous faisons de ces nouvelles dispositions. Je suis déjà venu ici pour défendre l'idée d'un abaissement du seuil des engagements à ne pas troubler l'ordre public, et c'est exactement ce que prévoit la loi. Ce sont ces dispositions que nous employons dans les circonstances où le procureur général y consent. Nous les employons pour présenter des demandes d'engagement à ne pas troubler l'ordre public et limiter raisonnablement la liberté de gens dont nous estimons qu'ils représentent un risque. Dans ce sens, ces dispositions sont utiles et ont été employées dans un certain nombre de cas.
Concernant les personnes radicalisées que nous surveillons, au Canada ou à l'étranger, et concernant le financement du terrorisme, je vais demander au sous-commissaire Cabana de vous répondre.
Mike Cabana, sous-commissaire, Gendarmerie royale du Canada : C'est une vaste question. Je pourrai vous parler de la façon dont nous employons certaines des nouvelles dispositions. Actuellement, il y a 20 personnes accusées en vertu du nouvel article 83. Depuis 2001, nous avons obtenu 22 reconnaissances de culpabilité distinctes au pays.
Je suppose que cela va intéresser le comité : il y a des dispositions que nous n'avons pas encore employées. Certaines d'entre elles pourraient avoir un effet assez drastique au sens où leur impact sur les intéressés serait très important. Je pense ici aux arrestations préventives, par exemple, ce qui en fait presque un instrument de dernier recours. Les instruments sont là. Si les forces de l'ordre ne sont pas en mesure de faire respecter la loi, de faire enquête ou de prévenir des incidents, il y a des instruments de dernier recours pour s'assurer que nous pouvons agir et faire des arrestations préventives.
L'engagement à ne pas troubler l'ordre public a attiré l'attention des médias au début de l'année et à la fin de l'année dernière à cause de la multiplication de ces mesures à la suite de la réduction du fardeau de la preuve. L'engagement à ne pas troubler l'ordre public s'applique aux personnes qui l'ont signé durant la procédure. Il y en a un certain nombre en ce moment. Il y en a trois auxquels je pense qui sont actuellement en souffrance, et il doit y avoir des audiences.
Notre rôle de maintien de l'ordre ne se limite pas strictement à la GRC. Nous sommes chargés de faire enquête, de recueillir le maximum de preuves et de présenter le tout pour approbation aux procureurs qui y donneront suite. Nous avons toujours une discussion préalable avec les procureurs, et les cas les plus probants font l'objet de poursuites.
Il y a des dispositions, par exemple concernant la promotion du terrorisme, où les faits sont soumis aux procureurs, mais où ceux-ci décident finalement d'utiliser d'autres articles du Code criminel.
Le président : Il y a deux questions, monsieur.
M. Cabana : Vous parlez du nombre de voyageurs à haut risque qui se trouvent actuellement à l'étranger. Michel Coulombe, le directeur du SCRS, vous a expliqué, dans son témoignage, qu'il y avait environ 180 voyageurs à haut risque actuellement à l'étranger. Je crois, monsieur le président, que vous et moi en avons déjà parlé. C'est le total que nous tenons pour acquis actuellement, car il inclut les chiffres de la GRC.
Le président : Et le nombre de djihadistes canadiens revenus au pays?
M. Cabana : Il y en a une soixantaine. C'est ce chiffre que le service utilise.
Le président : On nous a également parlé du nombre de Canadiens radicalisés qui essaient de quitter le pays. Est-ce que ce nombre est stable? Je crois que c'était autour de 93 il y a un an et demi.
M. Cabana : Monsieur le président, tous ces chiffres fluctuent presque tous les jours. C'est pour cela qu'il est très difficile de fournir des chiffres précis, parce que les chiffres de la semaine dernière ne sont probablement plus les mêmes aujourd'hui, mais, en général, cela reste assez stable en ce moment.
Le président : Et sur le financement du terrorisme au Canada?
M. Cabana : Malheureusement, je n'ai pas de documents avec moi, mais, de mémoire, je dirais que, l'année dernière, on a porté des accusations contre un organisme de bienfaisance de Toronto. L'affaire est encore devant les tribunaux, je ne peux donc pas en parler beaucoup.
M. Paulson : Monsieur le président, peut-être que parmi ces 130 cas, vous parlez des cas référés par le CANAFE, qui identifie les opérations suspectes qui sont parfois groupées dans la catégorie de la possibilité de financement du terrorisme. Ces opérations suspectes nous sont signalées, mais cela n'entraîne pas nécessairement de poursuites dans tous les cas.
Il est extrêmement difficile d'obtenir des preuves suffisantes pour entamer des poursuites dans ces cas-là, surtout que les preuves du lien entre l'intention terroriste et l'argent se trouvent le plus souvent à l'étranger.
M. Cabana : Si nos relations avec le CANAFE intéressent le comité, je peux peut-être prendre une minute pour en parler, car elles ont considérablement évolué depuis quelques années et elles sont devenues très symbiotiques.
La capacité du CANAFE à partager l'information qu'il obtient en application de son pouvoir réglementaire est limitée, alors que la nôtre ne l'est pas. Comme force de maintien de l'ordre, notre capacité à partager de l'information avec le CANAFE n'est pas limitée. Nous avons mis en place des procédures qui nous permettent de partager avec le CANAFE notre évaluation de la menace nationale. Et, quand le centre examine des renseignements communiqués par le secteur financier concernant des opérations douteuses, il peut le faire en tenant compte des priorités du maintien de l'ordre au Canada et de certains renseignements confidentiels que les organismes d'application de la loi canadiens ont en leur possession, ce qui lui permet de prendre une décision plus éclairée sur ce qu'il y a lieu de partager avec les forces de maintien de l'ordre.
En fait, depuis l'année dernière, des membres du CANAFE siègent également à la table de la Réponse intégrée canadienne au crime organisé, qui est un comité regroupant des services de police et chargé de l'évaluation de la menace nationale au Canada. Le mandat du comité est de veiller à la coordination des mesures prises pour attaquer les différentes organisations criminelles qui fonctionnent au Canada et à l'étranger. Des membres du CANAFE siègent désormais à cette table pour avoir une meilleure idée de ce qui se passe.
Le sénateur Kenny : Ma première question porte sur le recours collectif pour discrimination et harcèlement déposé par le gendarme Merlo. On nous a dit que la situation progressait. Si c'est le cas, pourriez-vous nous en parler?
M. Paulson : Je crois, monsieur le sénateur, qu'il ne serait pas convenable pour nous de faire des observations à ce sujet. Comme je l'ai dit au comité, nous avons décidé de faire en sorte que nos employés, surtout ceux et celles qui se plaignent de harcèlement ou d'abus de pouvoir, soient traités équitablement et comme il convient, et nous continuons dans ce sens. J'ai bon espoir.
Le sénateur Kenny : C'est un dossier actif?
M. Paulson : C'est un dossier actif, en effet.
Le sénateur Kenny : Le dernier rapport du Conseil de la solde de la GRC ne parlait que de la solde. On y apprend que les gendarmes de première classe se classent au 57e rang sur 62 services de police au Canada. Nous croyons savoir que vous êtes en train de prendre des mesures à ce sujet. Pourriez-vous nous parler de la solde des gendarmes et du lien avec vos difficultés de recrutement?
M. Paulson : Certainement. J'aimerais demander à mon collègue le sous-commissaire Dubeau de vous donner plus de détails.
Daniel Dubeau, sous-commissaire et dirigeant principal des Ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Merci de votre question. À l'heure actuelle, le chiffre que vous avez cité concerne seulement la solde. Nous chiffrons la rémunération totale dans l'organisation. C'est comme cela que nous nous prenons nous-mêmes en compte. Maintenant, comparons.
La rémunération totale est fondée sur la solde de base. Elle comprend toutes sortes d'avantages sociaux, congés, prestations de retraite, bref la totale. En fait, nous sommes à 11 p. 100 sous les trois premiers de la liste, ce qui nous inquiète beaucoup.
Nous avons parlé à nos collègues du Conseil du Trésor, qui est l'employeur, pour essayer de régler cette question et nous avons proposé quelques solutions, dont je ne peux pas vous parler pour l'instant parce que c'est en discussion et que nous essayons, avec nos collègues et avec notre ministre, de réduire l'écart entre nos positions.
Cela nous inquiète beaucoup. Je sais que notre commissaire y est très sensible, et c'est quelque chose que nos membres réclament : une solde plus équitable. C'est une question que nous avons soumise à l'employeur pour voir s'il est possible de trouver une solution.
Le sénateur Kenny : Avez-vous une idée des délais?
M. Dubeau : Malheureusement non, parce que cela dépend de l'employeur et qu'il y a toutes sortes d'autres facteurs, dont les négociations actuelles avec les syndicats, qui ont un impact à l'échelle du gouvernement. On verra quand on y sera.
Actuellement, nous sommes en pourparlers. Nous leur parlons de ce problème et des soucis qu'ils nous causent depuis les six ou sept derniers mois.
M. Paulson : Si vous permettez, monsieur le sénateur, j'aimerais ajouter que le président avait prévu dans notre correspondance de me poser une question sur le moral des membres. S'il y a une remarque qui revient systématiquement dans mes conversations avec les membres, c'est bien la question de l'équité salariale par rapport aux autres services de police.
Vous devez comprendre que nous travaillons dans un environnement très intégré au Canada. Autrement dit, beaucoup de nos agents travaillent en collaboration étroite avec des agents d'autres services de police, et, toutes les deux semaines, ils comparent leurs situations et leurs talons de chèque. L'écart qui se creuse n'échappe pas à l'attention de nos membres.
Le sénateur Kenny : J'ai une dernière question. Je ne m'attends pas à une réponse immédiate, monsieur le commissaire, mais c'est une demande d'information. La GRC nous a déjà remis des documents comprenant des statistiques sur l'équité en matière d'emploi concernant les membres réguliers, réparties en fonction de facteurs comme le grade, le sexe, le handicap, l'origine autochtone ou l'appartenance à une minorité visible. Cela comprenait aussi des renseignements sur les objectifs de recrutement à la division Dépôt, avec des chiffres sur les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones et les minorités visibles, ainsi que des chiffres sur l'attrition.
Pourriez-vous faire parvenir ces renseignements au comité pour la période de 2004-2005 à 2014-2015, s'il vous plaît?
M. Paulson : Je ne sais pas, mais, pour les quatre ou cinq dernières années, nous avons ces données, parce que nous les utilisons tout le temps. Nous vous remettrons ce que nous avons de mieux, aussi loin que nous le pourrons.
Le sénateur Kenny : Nous en avons sur 2003-2004, donc j'imagine que vous avez tout le reste. Nous aimerions examiner l'évolution de la situation.
M. Paulson : Très bien, monsieur le président.
Le sénateur Mitchell : Merci d'être venu nous voir, monsieur le commissaire. Nous sommes au courant de l'affaire des principaux dirigeants de l'Unité de formation aux explosifs du Collège canadien de police à Ottawa, qui se sont promenés dans un bureau de la GRC sans rien sur eux, tout nus.
Aussi lamentable et répréhensible que soit ce comportement, que nous apprend-il de la culture de la haute direction de la GRC qui s'est occupée de cette affaire et qui a jugé suffisant de réduire la solde de ces gens de sept et cinq jours de paye respectivement, puis de les renvoyer à leur travail? Quelle sorte d'organisation faisant cela serait effectivement considérée comme une organisation saine? Est-ce que cela ne révèle pas un grave problème de culture aux échelons les plus élevés de votre organisation?
M. Paulson : Monsieur le président, je pense que le meilleur moyen de répondre à cette question est de vous dire que nous avons entamé, avec l'aide d'une autorité externe, un examen complet de la décision en question. Ma question n'était peut-être pas dans la ligne de la vôtre, mais ce n'était pas trop différent de se demander comment ces choses ont pu se produire au sens où nous pensons que c'est arrivé. Dans ce sens, je suis convaincu que nous aurons un rapport complet de la situation.
Il y a probablement quelque chose de l'ancien système disciplinaire et de la transition au nouveau système, et il est possible que ce soit ce qui arrive quand des gens extrêmement spécialisés se sentent exclus, peut-être, de la culture courante, mais il est trop tôt pour en parler. Je pense que nous aurons une réponse à cette question, ou du moins à ma version de la question, et nous pourrons alors comprendre intégralement ce qui s'est passé là.
Le sénateur Mitchell : Quand vous avez parlé du projet de loi C-42, vous avez expliqué très clairement que l'un des problèmes de l'organisation est que vous n'avez pas suffisamment de pouvoir pour vous débarrasser des pommes pourries. Je crois qu'on a corrigé cela après le projet de loi C-42. Je repose la question : « Jusqu'à quel point faut-il que la pomme soit pourrie si on ne se fait pas renvoyer, congédier et même peut-être mettre en prison quand on se promène tout nu dans un bureau de la GRC? » Qui renvoyez-vous?
M. Paulson : Monsieur le sénateur, je comprends très bien l'impression que cet incident au collège de la police a produite dans la population concernant l'évolution de la situation à la GRC. Je sais à quel point ça va mal. Mais permettez-moi de dire ceci au sujet du nouveau système découlant du projet de loi C-42 : les mesures disciplinaires imposées à l'une des personnes incriminées sont, comme je l'ai dit au comité, des mesures appartenant à l'ancien système, et il n'y avait pas de palier d'appel pour la direction. Autrement dit, si quelque chose se produisait sur le terrain et qu'un de nos superviseurs disait : « Ce n'est pas grave, il a été réprimandé », on ne pouvait rien faire. Cela n'a rien de réconfortant. Je n'aime pas parler de ce qui s'est passé, c'est trop choquant. Mais il y a eu un examen. Notre secteur de la responsabilité professionnelle est en train d'examiner les mesures disciplinaires prévues par le nouveau système. C'est une illustration de l'utilité du nouveau système disciplinaire.
Évidemment, cela n'atténue pas le caractère insensé et incroyable du comportement en question, mais cela prouve que ce nouveau système est la voie à suivre.
Le sénateur Mitchell : Je ne doute pas de votre sincérité, mais je ne suis pas convaincu que ce que vous êtes en train de mettre en place fonctionne effectivement. On m'a récemment parlé du cas d'une agente sur laquelle on a dessiné une cible. Il y a aussi le cas d'une femme enrôlée pendant 15 mois. C'est le métier qu'elle avait toujours voulu faire. Elle souffre de TSPT et de migraines constantes. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Quand j'entends la surintendante principale Angela Workman-Stark, qui était responsable du plan d'action de la GRC Égalité entre les sexes et respect, dire que la GRC a besoin d'aide externe pour régler ce problème, je me demande pourquoi la GRC ne s'adresse pas à l'extérieur et ne demande pas la création d'un comité d'examen public composé de gens qui aborderont la question de façon transparente et ouverte? Tout cela ne fait que détruire la crédibilité de l'organisation et la confiance des Canadiens.
M. Paulson : Il y a deux ou trois choses qui sont en train de détruire la confiance des Canadiens. Par exemple, une représentation irresponsable des faits au sein de l'organisation, sans audience propre à établir les faits en questions. Ça n'aide pas.
Pour ce qui est de l'externalité de notre travail, nous avons une aide externe en ce qui concerne le harcèlement et les mesures disciplinaires. Il y a vraiment une aide externe. En fait, l'une des caractéristiques du projet de loi C-42 est l'accès direct à un comité d'examen externe pour les personnes se plaignant de harcèlement. Comme on l'a vu au sujet du CCP, nous faisons appel à des spécialistes qui sont complètement détachés de l'organisation pour aider à établir les faits, afin qu'on puisse prendre des décisions éclairées sans spéculation, sans fausse déclaration, et sans les accusations injustes qui arrivent parfois.
Le sénateur Mitchell : Est-ce que, peut-être, l'existence d'une procédure interne et non objective ne permettait pas d'établir correctement les faits? Que ferez-vous, sous le régime de la nouvelle loi et compte tenu du nouveau projet de syndicalisation, si des normes sur le harcèlement et le comportement et un processus transparent de règlement des griefs ne font même pas partie du processus de négociation collective?
M. Paulson : Monsieur le sénateur, il y a toutes sortes de solutions externes pour les plaignants. L'un des aspects ironiques des discussions publiques sur le comportement de membres de la GRC est le fait que les gens disent qu'ils sont muselés. Eh bien, je n'ai pas de voix externe. Et je ne me rappelle pas la dernière fois que quelqu'un a été réduit au silence.
Il existe des moyens d'examen externe et un accès à des moyens équitables et officiels de régler les différends et d'établir les faits ou de faire valoir des preuves et d'établir des faits. Il est tout simplement injuste de décrire la situation comme vous l'avez fait, monsieur le sénateur.
Le sénateur White : Merci à vous tous d'être parmi nous. Quelqu'un a abordé tout à l'heure la question du nombre de recrues. J'ai consulté le site web aujourd'hui et j'ai vu, par exemple, qu'on n'exigeait plus la citoyenneté canadienne. Je crois qu'il suffit d'être immigrant admis depuis 10 ans. Autre exemple, les candidats n'ont plus besoin de passer un examen d'admission écrit s'ils ont un diplôme. Pourriez-vous nous parler des difficultés que vous avez actuellement et nous dire dans quelle direction on va du point de vue du recrutement au cours des trois ou cinq prochaines années?
M. Paulson : Cela fait un moment qu'on travaille là-dessus. Visiblement, vous en avez eu connaissance. Peut-être que Dan pourrait répondre.
M. Dubeau : Notre ancien système de recrutement était fastidieux. Il prenait beaucoup de temps. Le délai de traitement des candidatures était de 12 à 18 mois en moyenne. Ce n'est pas suffisant pour répondre aux besoins d'une organisation de cette taille. Les changements récents dont vous avez entendu parler dans les médias et qui ont été communiqués par voie interne de diffusion sont axés sur les modifications rapides que nous avons effectuées. Nous avons changé beaucoup de choses depuis deux ans. Le but est de simplifier notre système. Dans les deux dernières années, nous nous sommes intéressés aux délais de traitement. Il s'agissait de voir comment traiter nos dossiers plus rapidement pour réduire le délai de 12 à 18 mois et permettre aux candidats de commencer plus rapidement leur formation à la division Dépôt. Il y a encore six mois à faire à Dépôt, ensuite on est en route.
Ce que nous avons fait auparavant, c'était changer le système de traitement. Nous avons abordé les choses en fonction des faits, en tenant compte des raisons d'échec. Nous avons rapidement compris que nos diplômés universitaires réussissaient très bien, et les tests qu'ils subissaient visaient en fait à s'assurer qu'ils avaient le niveau suffisant pour réussir à la division Dépôt. Le but était qu'ils réussissent à Dépôt, et nous avons donc pris la décision de permettre aux diplômés universitaires de passer directement à la deuxième étape, qui est celle de la demande. Nous appliquons maintenant ce principe aux diplômés de notre collège.
Nous avons déjà discuté du genre de personne que nous voulons avoir dans la gendarmerie. Nous essayons de relever le niveau d'éducation de nos membres. C'est un moyen d'y arriver. Nous permettons aux diplômés postsecondaires de poser leur candidature et de passer directement à l'étape de la demande.
La question du statut de résident permanent découle de nos difficultés actuelles en matière de recrutement. Dans notre organisation, comme l'a dit l'honorable sénateur, la solde est inférieure de 11 p. 100 actuellement. La situation de notre organisation est unique en son genre. Il faut être mobile et disposé à servir n'importe où au Canada, comme vous l'avez fait, monsieur le sénateur. Certains postes sont isolés. Ce n'est pas pour tout le monde. Il y a des organisations, comme les services de police métropolitains, le service de police de Vancouver, qui sont capables d'offrir...
Le sénateur White : Ottawa.
M. Dubeau : ... Et puis Durham, où ils sont capables d'attirer beaucoup de gens parce qu'ils peuvent rester dans leur ville et qu'ils n'ont pas ces problèmes. Comment attirer des gens dans notre organisation quand on sait que nous avons des problèmes? À mon avis, le problème numéro un, c'est la mobilité. Des gens sont intéressés, ils pensent que c'est une organisation fantastique, mais on va les envoyer ailleurs au Canada. Nous cherchons du côté des résidents permanents, pas pour augmenter notre représentation. Nous espérons trouver dans ces collectivités de nouveaux candidats qui ne se sont jamais présentés.
Nous venons de modifier le TAPE, le test d'aptitudes physiques. Nous avons examiné ça. En général, la plupart des candidats sont en excellente forme. Ils savent ce que nous voulons. On peut s'en faire une idée pendant le processus de candidature. Il arrive souvent que ces jeunes posent leur candidature depuis un endroit où ils n'ont pas accès au site du TAPE. On peut faire l'évaluation en cours de route. Quand ils arrivent à la division Dépôt, ils savent qu'ils doivent réussir le test d'aptitudes physiques. Ils commencent à se mettre en forme, et nous les encourageons. Ils veulent devenir policiers et doivent modifier leur mode de vie.
Notre commissaire a décidé que, si un candidat se présente et veut rester en C.-B., en Alberta, au Manitoba ou en Saskatchewan, où sont les plus importants contrats et les plus grands besoins, nous leur dirons que nous les y renverrons. C'est là qu'il y a le plus de postes vacants et que nous devons placer nos agents. Nous allons essayer d'utiliser cet instrument de recrutement. C'est maintenant sur notre site web. S'ils veulent retourner, nous leur garantirons une affectation en C.-B. nous les renverrons dans la province pendant un certain temps, en gardant à l'esprit qu'ils signent pour le Canada tout entier, mais nous attirerons des gens de cette façon. Nous essayons différents moyens pour attirer des candidats.
Le sénateur White : Quels pourraient être les chiffres du recrutement pour cette année?
M. Dubeau : Nous visons 34 troupes de 32 qui passeraient par Dépôt, un millier. Nous visons 34 troupes. Il y en avait 32 l'année dernière. Il y en a 34 en ce moment, et nous travaillons à faire grimper ce chiffre à 40.
Le sénateur White : Est-ce que ça suffira à combler nos besoins?
M. Dubeau : Actuellement, non. Je peux dire honnêtement que non. Trente-quatre, ça ne suffira pas. Comme le taux d'attrition est d'environ 800, la croissance actuelle, surtout dans l'Ouest, ne suffira pas. C'est la raison pour laquelle nous avons modifié le processus et que nous essayons d'accélérer le traitement, d'agrandir Dépôt, d'avoir plus de facilitateurs, mais Dépôt ne peut pas accueillir plus de 40 troupes. Il n'y a pas d'infrastructure permettant actuellement d'accueillir plus.
Le sénateur Day : Pourriez-vous expliquer le taux d'attrition avant de continuer?
M. Paulson : Le taux d'attrition est d'environ 750 à 800 selon les prévisions. Je vous donnerai les chiffres exacts, sénateur. Nous les avons, je vous les communiquerai. Donc, ça a un peu augmenté, simplement parce que la plupart de nos membres approchent de l'âge de la retraite et qu'ils se préparent à profiter d'une retraite méritée et à toucher leur pension.
Le sénateur Day : Autrement dit, 1 000 arrivées pour 800 départs.
Le sénateur White : Je sais que, dans les Services nationaux de police, il y a pénurie depuis une dizaine d'années, monsieur le commissaire. Je me demande où ils en sont financièrement ces jours-ci. Je crois qu'ils portent un autre nom aujourd'hui. Où en sont-ils et de quel ordre est la pénurie?
M. Paulson : Je vais demander au sous-commissaire Henschel de répondre à cette question.
Peter Henschel, sous-commissaire, Service de police spécialisée, Gendarmerie royale du Canada : Nous avons fait un gros travail depuis quatre ou cinq ans pour améliorer la gouvernance et le mandat des Services nationaux de police. Nous avons, entre autres, délibérément essayé de l'administrer comme mandat distinct et comme secteur d'activité distinct au sein de l'organisation pour que les fonds y restent et pour ne pas prendre de fonds à d'autres secteurs et vice versa.
Nous avons assez bien réussi à renégocier les ententes sur les analyses biologiques avec les provinces et les territoires, sauf l'Ontario et le Québec, qui ont leurs propres laboratoires. En fait, nous avons maintenant, grâce à ça, des recettes nettes en vertu d'un crédit et, si les coûts augmentent, nous pouvons obtenir plus de fonds. Nous obtenons ces fonds. Nous avons réglé certains déficits de financement.
Le problème le plus important ou la difficulté la plus importante est que les Services nationaux de police sont une série de services qui évoluent progressivement. À mesure que les choses arrivent et changent, nous devons, comme policiers, y réagir et nous adapter. Ce n'est pas un groupe de services statique. Certaines choses peuvent disparaître et d'autres apparaître.
Par exemple, nous avons un comité consultatif des Services nationaux de police qui a adopté une résolution en novembre dernier en vue de la création d'un centre national de coordination de la lutte contre la cybercriminalité, qui est fondamental pour coordonner les activités dans ce domaine.
C'est un service à venir qui devra probablement être un service national de police, et j'ai porté cette question à l'attention du comité FPT à qui notre comité rend compte ou fournit conseils et information, et nous sommes en train de solliciter les gouvernements du pays pour collaborer et déterminer comment financer ce nouveau centre.
Le sénateur White : Le 31 mars 2016 : oui ou non?
M. Henschel : C'est difficile à dire. Nous avons un budget et nous sommes touchés par des mesures comme le gel du budget de fonctionnement, comme tout le monde. Donc, nous faisons ce que nous pouvons avec notre budget.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma question porte sur les enquêtes de la GRC à l'extérieur du pays. Une source anonyme à la GRC nous a fait part récemment de l'ouverture d'une enquête dans le cas du meurtre d'un otage canadien. Tout d'abord, pouvez-vous nous confirmer ce fait?
J'aimerais également savoir de combien de ressources dispose la GRC à l'extérieur du pays pour enquêter non seulement sur les meurtres qui sont commis, comme dans le cas de l'otage qui a été assassiné récemment, mais également sur l'ensemble des réseaux terroristes, qu'il s'agisse des combattants ou du financement de ces groupes qui commettent des actes criminels.
M. Paulson : Tout d'abord, je tiens à préciser que, habituellement, nous ne confirmons pas les enquêtes que nous faisons ou pas. Cependant, parfois, c'est assez clair. En vertu du Code criminel, nous avons l'autorité de procéder à des enquêtes à l'extérieur, dans le cadre des dispositions antiterroristes, par exemple. Or, dans le cas que vous mentionnez, une enquête est menée par nos enquêteurs, ici au Canada, à la division nationale.
Je vais inviter mon collègue, M. Cabana, à vous en dire plus long.
M. Cabana : Vous l'avez très bien décrit, monsieur le commissaire. Par contre, il est important de comprendre que la GRC, malgré le fait qu'elle déploie des enquêteurs pour mener des enquêtes sur certains dossiers, n'a aucune autorité à l'égard d'autres pays que le Canada. Nos autorités sont ici, au Canada, et sont ancrées dans le Code criminel ou les lois provinciales. Lorsque nous effectuons des affectations à l'étranger pour faire une enquête, nous le faisons conjointement avec les autorités locales. Donc, si nous n'obtenons pas l'approbation des autorités locales, notre capacité d'enquêter est réduite de façon importante.
Maintenant, en ce qui concerne les enquêtes en cours, il ne serait pas approprié pour moi de discuter de l'étendue de ces enquêtes et du nombre de ressources que nous affectons. Il suffit de dire que nos affectations sont réévaluées de façon constante, en fonction de l'expertise qui est nécessaire à l'extérieur du pays, et que les affectations sont effectuées pour répondre à ces besoins.
De plus, des ressources sont déployées en ce qui concerne les gardiens de la paix. Il y a, à l'heure actuelle, 95 membres de la GRC qui sont affectés à l'international. Par ailleurs, nous ajustons ce chiffre régulièrement. Nous étudions les cas et nous préparons des affectations dans d'autres régions du monde qui pourraient tirer parti du service de nos policiers.
Nous avons aussi 57 officiers de liaison ou analystes qui sont déployés dans 30 pays afin d'aider les enquêteurs canadiens de la GRC ainsi que ceux des autres corps policiers, des autres agences gouvernementales, et des agences locales dans ces pays. Parmi ces 57 officiers, nous avons aussi affecté des analystes criminels qui, dans certains cas, travaillent au sein des services de renseignement des agences étrangères pour favoriser l'échange d'information entre les différentes forces policières, toujours en soutien aux enquêtes en cours.
Le sénateur Carignan : Croyez-vous avoir suffisamment de ressources à l'étranger pour faire ce travail?
M. Cabana : Pour reprendre la réponse de mon collègue, nous utilisons les ressources dont nous disposons. Cette question nous est posée régulièrement lorsque nous sommes invités aux séances des comités du Sénat. Il est certain que nous aimerions avoir plus de ressources, mais nous utilisons celles qui sont mises à notre disposition.
Le sénateur Carignan : Est-ce que le fait d'avoir plus de ressources vous permettrait d'être plus efficients, ou croyez- vous que le manque de ressources nuit actuellement aux enquêtes?
M. Paulson : À l'heure actuelle, nous passons en revue les ressources dont dispose la section des enquêtes fédérales. Je crois que le gouvernement comprend que nous sommes confrontés à des défis dans le cadre de notre travail et que nous avons maintenant entamé cette étude. J'ai hâte qu'elle soit terminée afin de savoir ce que nous devrons faire et ce dont nous aurons besoin pour mener des enquêtes, et afin d'établir les priorités. Les enquêtes ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Les lois et les défis sont complexes, et j'espère que nous serons en bonne posture pour communiquer au gouvernement ce dont a besoin la GRC pour faire face au XXIe siècle.
M. Cabana : Pour appuyer ce qu'a dit le commissaire, nous avons élaboré, au cours des trois dernières années, une série d'outils nous permettant de déterminer plus aisément le nombre d'enquêteurs nécessaires au traitement des dossiers importants que nous gérons à l'heure actuelle. À la fin du mois, nous mettrons ces outils à la disposition de toutes nos unités à travers le pays afin d'uniformiser la façon dont nous procédons aux enquêtes, de sorte que seules les ressources nécessaires soient attribuées à chacun des dossiers.
[Traduction]
Le sénateur Kenny : Il y a une dizaine d'années, une université de la Colombie-Britannique a publié les résultats d'une étude indiquant le nombre d'heures nécessaires à différentes tâches. Avez-vous mis ça à jour et l'avez-vous rendu public?
M. Cabana : Oui.
Le sénateur Kenny : C'était tout à fait étonnant de constater à quel point la paperasse exigée par différentes lois multiplie le nombre d'heures de travail.
Avez-vous mis ça à jour et pourriez-vous le fournir au comité?
M. Paulson : Non, ça n'a pas été mis à jour. Comme je l'ai dit à votre collègue, nous sommes en train d'effectuer un examen approfondi de notre mandat fédéral du point de vue des responsabilités que nous assumons et de la façon dont nous les remplissons, et ça exige une méthodologie de répartition des ressources qui sera élaborée à partir du même type de cadre qui a servi à l'étude Plecas.
L'un des cas les plus célèbres a révélé qu'il fallait auparavant une demi-heure ou une heure pour traiter le cas d'un conducteur en état d'ébriété et qu'il faut aujourd'hui un quart complet. Ce genre de répercussions sur la répartition des ressources... Je ne parle pas seulement des lois, il y a aussi la jurisprudence, et c'est le cadre changeant dans lequel nous devons travailler. Ces choses seront factorisées et devraient permettre de faire une analyse instructive pour aller de l'avant.
Le sénateur Kenny : C'était plus facile à comprendre quand c'était traduit en nombre d'heures de travail.
M. Paulson : Effectivement.
[Français]
Le sénateur Carignan : J'aimerais poursuivre le fil de la discussion en ce qui a trait aux enquêtes menées à l'étranger. Il y a eu, récemment, un consortium international de journalistes qui a rendu publics des renseignements liés aux Panama Papers. Ces renseignements laissent sous-entendre des cas d'évasion fiscale, mais on dit aussi que certaines compagnies pourraient être utilisées à des fins de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme. Les agents de la GRC ont-ils eu accès aux renseignements de ce consortium de journalistes? Des enquêtes sont-elles en cours ou ont- elles été amorcées à la suite de la divulgation des Panama Papers? De plus, êtes-vous à l'affût de la prochaine publication de renseignements, prévue pour le 9 mai, dans le cadre de laquelle le consortium a annoncé qu'il allait divulguer une grande quantité d'information, notamment en ce qui concerne des entreprises canadiennes?
M. Cabana : Dès le moment où nous avons appris l'existence de ces documents, nous avons entrepris des discussions avec nos partenaires étrangers afin de mettre la main sur des copies de ces documents. Ces discussions sont encore en cours, mais nous avons reçu la confirmation que nous allons recevoir tous les documents. Nous travaillons aussi avec nos partenaires au Canada, comme l'Agence du revenu, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et certaines autres agences gouvernementales, afin que, dès la réception de toute la documentation, nous soyons en mesure de faire une analyse assez rapide des documents. Comme vous pouvez le comprendre, il y a apparemment beaucoup de documentation.
Le sénateur Carignan : Quelle est la collaboration du Panama dans ce dossier?
M. Cabana : À l'heure actuelle, nous ne discutons pas particulièrement avec le Panama. Nous faisons affaire avec d'autres pays et d'autres agences.
[Traduction]
Le sénateur Day : Monsieur le commissaire, merci beaucoup d'être parmi nous avec votre équipe de sous- commissaires. Je suis désolé qu'il ait fallu tant d'échange de lettres avant de finalement vous inviter ici.
Vous êtes déjà venu nous voir. Nous avions eu des échanges cordiaux et j'ai l'impression que, peut-être, aujourd'hui, nos questions trahissaient un souci ou un manque de confiance. Je me suis dit que peut-être, et je vous fais part de mon sentiment ici, nous pourrions avoir une réunion plus ordinaire. Je veux dire : pas une réunion où se glisse peut-être un enjeu politique dont nous voulons vous faire parler, mais une réunion ordinaire où nous essayons de comprendre vos difficultés et ce que chacun de vous doit faire pour répondre à ce qu'on attend de vous, au-delà de la déclaration publique comme quoi on fait du mieux qu'on peut avec les ressources dont on dispose.
Je suis heureux d'apprendre que d'autres discussions sont en cours. Je soupçonne qu'elles se déroulent avec le Conseil du Trésor et qu'il y a d'autres gens qui font pression pour obtenir des fonds eux aussi. Nous aimerions savoir comment vous pouvez faire de votre mieux pour les Canadiens et comment nous pouvons vous y aider.
Nous votons les crédits. Si nous savons que vous n'avez pas votre juste part pour faire le travail que nous attendons de vous, nous pouvons nous en occuper.
Le président : Est-ce que c'est une question?
Le sénateur Day : Non, c'est une remarque préliminaire. Je vais simplement laisser les interprètes terminer.
J'ai deux questions, et la première est celle-ci : pourquoi est-ce que nous nous intéressons toujours au retour — peut- être que c'est une question de sécurité — des Canadiens qui sont allés à l'étranger, qui ont participé à des activités terroristes à l'étranger et qui rentrent au Canada? Pourquoi s'intéresser particulièrement à ceux-là?
Et ceux qui reviennent désillusionnés et disent : « C'était de la folie! ». Si on pouvait en choisir quelques-uns et les amener à parler de leur expérience négative et à expliquer pourquoi tout ça n'est pas aussi glorieux qu'il semble peut- être à première vue ou qu'on leur a fait croire, je pense que ça aurait beaucoup d'effet et permettrait d'en empêcher d'autres de partir.
M. Paulson : Monsieur le président, sénateur, permettez que je tente de vous rassurer un peu. La GRC, dans le contexte de la sécurité nationale, n'a pas de meilleur partenaire que le SCRS. Nous avons réussi à gérer nos relations et à créer un climat de collaboration. Ces liens solides se sont consolidés, en grande partie grâce à mon collègue assis à ma droite, lorsqu'il a fallu affronter la menace croissante au cours des deux ou trois dernières années, en créant un centre d'opérations mixtes pour réagir précisément à ce genre de situations, je parle des gens qui reviennent ou de ceux qui veulent partir ou qui ont exprimé des idées radicales au point d'inquiéter des gens et de faire l'objet de plaintes.
C'est ce que nous avons fait, avec d'autres organismes du gouvernement, et avec notre premier partenaire, le SCRS. Nous avons collaboré et évalué les risques, puis déployé différentes mesures, comme vous l'avez dit, depuis les conversations et la collaboration avec la famille et les proches des intéressés jusqu'à la surveillance 24 heures sur 24, l'écoute électronique, les arrestations et les engagements à ne pas troubler l'ordre public.
La possibilité de collaborer avec toutes les autres autorités et tous les gens qui ont une autorité au gouvernement a été un avantage énorme dans la gestion de la menace. Pour l'avenir, bien sûr, sachez que la Sécurité publique va développer une capacité en matière d'anti-radicalisation. Nous aussi sommes voués à la prévention de la criminalité et à la protection de la sécurité nationale. Ça veut dire anti-radicalisation.
La possibilité de faire appel à ces personnes et de les inviter à parler de leur expérience fait partie d'un engagement plus large du gouvernement qui, je crois, portera fruit à très court terme.
Le sénateur Day : Vous confirmez que c'est ce qui se passe en ce moment. On n'en entend pas beaucoup parler. On entend beaucoup parler du nombre des autres. Je suis heureux d'entendre ça.
M. Paulson : Les médias sont timides.
Le sénateur Day : L'autre question découle de celle qui concernait le recrutement, dont nous avons parlé tout à l'heure. J'ai lu des articles et entendu des histoires sur des classes de diplômés de Dépôt, à Regina, qui viennent tous à Ottawa pour les six premiers mois. Ils s'attendent tous à ça. Il nous semblait que la formation à Dépôt n'est que le début et que l'endoctrinement et l'apprentissage de la culture se font en cours d'emploi, et peut-être même beaucoup plus en cours d'emploi que dans la plupart des autres emplois. Comment le groupe qui vient à Ottawa s'insère-t-il dans votre programme de formation, qui a plutôt bien marché pour vous?
M. Paulson : L'un des atouts de cette organisation quand on affronte de nouvelles difficultés comme celle d'intégrer le service de sécurité parlementaire, et que nous avons réussi à faire grâce à un certain nombre d'organismes, est notre aptitude à faciliter la transition et à les aider à être capables de se débrouiller seuls. Certaines troupes sont venues faciliter la transition à la nouvelle réalité, et c'est sur le point de se terminer. Il y a des années, quand je suis passé par Dépôt, deux ou trois troupes à la fois étaient envoyées à Ottawa pour travailler dans les ambassades parce que la protection des ambassades était alors un problème.
Je pense que c'est une très bonne expérience pour eux. Ils se familiarisent avec la réalité du travail, et ça ne dure pas longtemps, environ six mois au maximum. Franchement, ça les a familiarisés avec la réalité de l'application de la loi. Ce n'est pas un engagement à long terme, c'est simplement un mécanisme de transition.
M. Dubeau : En fait, c'est six à huit semaines, pas six mois.
M. Paulson : Je me suis trompé, en effet.
Le sénateur Day : Nous lisons les mêmes articles.
M. Dubeau : Comme l'a dit le commissaire, c'était une mesure temporaire destinée à aider la Colline parlementaire, et ils sont donc venus ici pendant six à huit semaines, puis ont été renvoyés à leurs détachements. Ça devait être à court terme. Pendant qu'ils étaient ici, des gens s'en occupaient pour s'assurer qu'ils maintenaient leurs compétences. Nous avons pu en initier certains au tir à la carabine. Et nous les avons renvoyés au champ de tir de Connaught pour qu'ils y suivent le cours de formation.
Nous avons fait le maximum pour maintenir leur formation, mais c'était seulement à court terme, six à huit semaines. C'est pour cette raison que vous avez entendu parler d'un grand nombre de troupes qui venaient ici : on les renvoyait sur le terrain pour qu'ils commencent le programme de formation pratique. Vous avez raison, sénateur, c'est une formation en cours d'emploi. On voulait qu'ils soient sur le terrain le plus rapidement possible.
Je peux vous dire que les cadets, les nouveaux membres, se sont portés volontaires quand ils ont appris ce qui s'était passé le 22 octobre, et nous en avons discuté. Ils se sont vraiment portés volontaires, et certaines troupes ont été très déçues de ne pas pouvoir venir. Ils voulaient venir parce qu'ils pensaient que c'était important. Ça prouve le niveau de professionnalisme et de dévouement de nos membres, qui voulaient venir ici et faire ce travail parce qu'ils savaient que tous les Canadiens en avaient besoin.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je dois vous avertir que j'ai trois questions, mais je tenterai d'être bref. J'aimerais revenir aux effectifs de la GRC. Monsieur le commissaire, vous aviez mentionné qu'il y a environ 500 policiers qui ont été transférés dans le cadre de la lutte au terrorisme. Il faut comprendre que ces policiers proviennent d'autres unités. Je me souviens très bien, à l'époque de la crise d'Oka, que nous étions 2 000 policiers de la Sûreté du Québec sur le territoire mohawk. Nous devions travailler beaucoup d'heures supplémentaires, mais c'était ponctuel. Nous étions retournés dans nos unités. Tout cela pour dire que ces gens qui combattent le terrorisme devront le faire en permanence, parce que le terrorisme ne finira pas demain matin. Pouvons-nous donc arriver à la conclusion que, pour respecter votre mandat, vous pourriez être à court d'hommes, mais que le gouvernement devra vous octroyer des budgets supplémentaires afin que vous puissiez disposer de suffisamment de policiers pour faire la lutte à la criminalité, à tout le moins?
M. Paulson : Exactement. C'est pour cela que nous faisons une étude en ce moment pour démontrer l'impact qu'a eu sur nos opérations l'affection de ces quelque 500 policiers, dont le nombre a diminué à 470 environ. La priorité de l'heure est la lutte au terrorisme, et c'est sur quoi nous nous concentrons. Je suis sûr que l'étude en démontrera l'impact.
Le sénateur Dagenais : Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi les preuves qui sont présentées aux juges pour obtenir le droit de surveiller des individus radicalisés ou en voie de radicalisation sont scellées et ne sont pas rendues disponibles au public ou aux médias? Je comprends qu'il s'agit de dossiers d'enquête.
M. Paulson : Oui. Il y a des raisons pour lesquelles on peut les garder sous scellé. Je vais demander à mon collègue de les expliquer. Il s'agit surtout de ne pas nuire à l'enquête ou de ne pas divulguer l'identité de nos informateurs.
M. Cabana : C'est exactement ce que le commissaire a dit. Dans plusieurs cas, la majorité du temps, il est rare qu'il y ait une personne qui travaille seule. Quant aux demandes de surveillance, je comprends que votre question concerne les interceptions et les choses de cette nature, mais pas la surveillance physique comme telle. Il y a potentiellement d'autres facettes de l'enquête en cours qui rendraient le travail des enquêteurs beaucoup plus complexe et plus difficile si ces renseignements devenaient publics. C'est pour cette raison-là.
En outre, je voudrais apporter une clarification : la décision de mettre des demandes sous scellé n'est pas prise uniquement par les policiers. Elle doit être approuvée par les procureurs et entérinée par le juge. Il faut avoir des raisons valables pour que ces documents soient sous scellé.
Le sénateur Dagenais : Merci. Je vous pose ma dernière question. Sans vouloir remettre mon ancien chapeau de chef syndical, je voudrais revenir à la syndicalisation des membres de la GRC. Normalement, pour qu'il y ait un vrai syndicat, il faut qu'une majorité de policiers y adhèrent par vote. Avez-vous l'impression que la majorité des policiers seraient favorables à l'idée d'être syndicalisés? Avez-vous une stratégie pour les informer des avantages ou des désavantages d'être membres d'une association syndicale pour améliorer leurs conditions de travail?
M. Paulson : Nous avons fait un sondage pour savoir ce qu'en pensaient nos membres. Il est assez clair que la majorité de nos membres aimeraient être syndiqués, mais nous n'avons pas élaboré de stratégie en ce sens. Il me semble que cela nous apporterait davantage de problèmes. Il n'y a pas de stratégie, mais il est intéressant de constater que les représentants de nos membres sont professionnels et sérieux quant à la défense des droits de nos membres.
Le sénateur Dagenais : Il est dommage que je sois sénateur, car je pourrais vous aider.
[Traduction]
Le sénateur White : C'est une chose de dire que vous vous intéressez à la syndicalisation et c'en est une autre quand on s'aperçoit que la cotisation est de 1 700 ou 2 500 $ par année. Que se passe-t-il s'ils choisissent de ne pas se syndiquer et si le programme des RRF n'existe plus? Quelle est notre stratégie dans ce cas?
M. Paulson : Je vais demander à Dan de vous donner des détails, mais le programme des RRF a été remplacé par ce que nous appelons le programme des représentants du milieu de travail. En fait, j'ai rencontré ces représentants la semaine dernière, et c'est déjà le branle-bas pour représenter les intérêts des membres.
Il y aura ce programme, et ils s'occuperont de toutes les exigences législatives relatives à la participation des membres aux comités sur la santé et la sécurité au travail, aux comités de la sécurité en milieu de travail, aux comités de gestion du matériel, pour la représentation des membres en matière de discipline, et cetera. Ça, c'est pour la période intermédiaire. Donc ce n'est pas que le programme des RRF ait vraiment disparu. Il existe un programme provisoire clairement soutenu et financé par la direction. Mais ça restera ainsi tant qu'il n'y aura pas de certification. Lorsqu'un agent de négociation sera certifié, il faudra voir. Est-ce que j'ai raison, Dan?
M. Dubeau : Oui, le commissaire a raison. La différence est que ce sont des représentants individuels en ce moment, contrairement aux RRF qui représentaient une collectivité, ils étaient la voix des membres. La représentation sera individuelle, mais il y aura quand même des comités sur la santé et la sécurité au travail. Tous les comités législatifs continueront de faire leur travail et ils représenteront les membres. C'est du point de vue de la voix collective qu'il faudra changer notre façon de faire. La direction devra utiliser d'autres mécanismes, par exemple les groupes de réflexion, les groupes consultatifs d'employés, les sondages, pour obtenir des renseignements auprès de nos membres.
Le sénateur White : S'il n'y a pas de certification.
M. Dubeau : S'il n'y a pas de certification. Une fois qu'un agent est certifié, il y a un groupe collectif qui peut représenter les membres.
Le président : Il y a ici une question fondamentale qui, je crois, n'a pas été débattue et c'est celle de savoir si les membres subalternes de la GRC peuvent former leur propre syndicat ou s'ils relèvent de la fonction publique. N'est-ce pas?
M. Paulson : Non, ce n'est pas comme ça. C'est pour cette raison que le projet de loi C-7 vous sera présenté. Le projet de loi prévoit des modifications importantes à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique compte tenu de l'environnement opérationnel unique de la GRC, mais il permettrait à un agent de négociation prospectif d'être certifié. On ne sait pas très bien si les griefs concernant les conditions et modalités d'emploi, comme la solde, les avantages sociaux, et cetera, seraient réglés par la Commission des relations de travail dans la fonction publique, mais certains autres griefs concernant la discipline et le harcèlement seraient réglés par la procédure d'appel actuelle, et, dans le cas du harcèlement, ce serait le comité d'examen externe, qui peut renvoyer des gens. Je crois que c'est l'essentiel du projet de loi.
Le président : Je voudrais soulever une question qui a été soulevée au Sous-comité des affaires des anciens combattants avec le ministre Goodale et M. Dubois. Je veux parler du programme des gendarmes auxiliaires, qui devait faire l'objet d'un examen. Depuis, comme le sénateur du Yukon ainsi que ma représentation à ce comité, j'ai reçu de nombreuses observations, et pas seulement en provenance du Yukon, mais de toutes les régions du pays concernant la baisse de l'autorité et de la reconnaissance du programme tel qu'il existe dans les provinces ayant conclu un contrat avec la GRC.
Je voudrais m'assurer des faits. Je crois que l'organisation compte 1 600 personnes à travers le pays. La plupart sont en Colombie-Britannique. En réalité, ces gens sont des volontaires, ils ne sont pas payés. Les coûts qu'ils représentent sont assumés par le gouvernement provincial ou territorial et non par la GRC. Donc ça ne coûte rien à la GRC du point de vue des ententes.
Deuxièmement, une question a été posée concernant la responsabilité civile. J'ai appris que la Commission des accidents du travail représente ces personnes si elles sont blessées dans le cadre de leurs fonctions de premiers répondants en milieu de travail. J'apprends aujourd'hui que la GRC connaît une pénurie d'employés, et je crois que c'est une grave pénurie compte tenu de ce que nous attendons d'elle. Par ailleurs, nous nous débarrassons des co- patrouilles, des contrôles routiers; l'uniforme est remis en question; et il y a la question de savoir si les membres conserveront leur statut d'agents de la paix.
D'autres services de police municipaux cherchent à mettre en œuvre ou à élargir leurs programmes. C'est la même chose aux États-Unis : on s'intéresse à la police communautaire, on encourage les gens à collaborer avec leurs polices pour régler les problèmes quotidiens de criminalité dans leurs collectivités.
J'aimerais, compte tenu de ces faits, que la GRC et le ministère rencontrent les représentants des provinces et territoires pour examiner l'avenir de ce programme et se posent la question de la responsabilité civile au lieu de la fuir, pour que nous puissions conserver ce programme, voire le consolider. C'est comme ça que je vois les choses.
M. Paulson : Merci, monsieur le président. C'est une question très électrique dans les régions où nous comptons sur des auxiliaires. C'est un service inestimable. Il a attiré l'attention parce qu'un de ces auxiliaires a été abattu. Le programme a évolué. Au départ, ils étaient armés, et puis on leur a enlevé leurs armes, et finalement ils étaient dans une voiture de police, non armés. Il y a des questions et des enjeux à régler pour qu'une organisation puisse aller de l'avant.
J'ai commencé ce processus avec les solliciteurs généraux et d'autres représentants des diverses régions intéressées et je vous déclare solennellement que nous rencontrerons tous ces gens. C'est ce que nous faisons. Nous avons des consultations très larges sur les problèmes dont vous venez de parler. En fin de compte, ce n'est pas seulement une question de responsabilité civile, c'est une question de responsabilité tout court. Il s'agit de faire ce que nous devons faire, et nous le ferons.
Au cours de ma première affectation, quand j'étais jeune, je ne pouvais pas trouver certains endroits où on m'avait envoyé, et il n'y avait pas de meilleure aide que celle d'une personne du coin, qui connaît les routes, les gens et les circonstances. Il faut s'assurer de faire exactement ça. Aujourd'hui, notre organisation est accusée, souvent. À chaque fois qu'un gendarme est blessé ou tué, EDSC fait immédiatement un examen de nos pratiques, de nos politiques et de nos comportements. Dans l'affaire de Moncton, nous sommes devant les tribunaux pour une question de relations de travail. Il ne s'agit plus seulement de responsabilité civile.
Le président : Je vais le considérer comme une promesse, mais je tiens à rappeler l'importance de ce programme, surtout pour les régions rurales du Canada, et j'ajoute que l'idée de diminuer le nombre d'agents ou de personnes participant au maintien de l'ordre qui viennent de la collectivité locale n'est pas une sage décision, croyez-moi.
M. Paulson : C'est compris, monsieur le président.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. C'est toujours instructif de vous entendre.
J'ai travaillé aux États-Unis depuis 2008 et jusqu'au moment où j'ai été appelée au Sénat pour aborder des questions concernant la sécurité nationale et la défense. J'ai de bons amis musulmans aussi bien au Canada qu'aux États-Unis. Au Canada, il y a l'organisme Muslims Facing Tomorrow, et, aux États-Unis, il y a l'American Islamic Forum for Democracy. C'est Zuhdi Jasser, lieutenant-commandant à la retraite de la Marine des États-Unis. Il a déjà témoigné devant le comité de la Chambre des communes.
Il dit que nous devons absolument faire une distinction entre les bons musulmans et les mauvais musulmans — ce sont ses propres mots. Comment le faire compte tenu du guide publié à Winnipeg sous le titre de United Against Terrorism auquel a participé la GRC — et vous vous en êtes dissocié —, pour que de bons dirigeants se fassent connaître et que nous puissions dialoguer avec les gens qui ne nous veulent aucun mal et qui aiment le Canada et sa Constitution? La foi musulmane, la foi chrétienne et la foi juive sont synonymes. Le problème, c'est le mouvement politique du terrorisme islamique. Comment faites-vous la différence quand vous parlez à ces groupes dans le cadre de votre travail communautaire?
M. Paulson : La première chose à souligner, c'est que, pour réussir et pour prendre les mesures de maintien de l'ordre nécessaires à la sécurité nationale ou à d'autres fins, nous comptons largement sur la confiance que les gens ont dans notre capacité à maintenir l'ordre.
Dans ce sens, nous ne faisons pas de distinction en fonction de différences visibles ou raisonnées en dehors des preuves tangibles. Nous employons des stratégies ciblées pour dialoguer avec les communautés et nous assurer que les gens comprennent nos responsabilités et nos limites et qu'ils nous fassent confiance. Nous faisons de gros efforts dans ce sens dans toutes nos communautés.
Nous agissons en fonction d'un examen équitable et systématique des preuves tangibles et nous obtenons d'excellents résultats quand nous pouvons partager ça avec nos communautés.
La sénatrice Beyak : À trois ou quatre reprises, vous vous êtes dissocié du guide United Against Terrorism parce que ce n'était pas de bonnes personnes. Comment avez-vous appris à ne pas reproduire cette situation?
M. Paulson : Je ne vais pas contester la prémisse de votre question, sauf pour dire que notre participation à ce guide était de parler de ce que nous faisons.
Oublions pour un moment le contexte de la sécurité nationale et parlons de la criminalité ordinaire. Nous devons parler avec les criminels et leur expliquer les dangers de la criminalité. Parfois nous parlons à des criminels et parfois à des gens probablement prédisposés à la criminalité.
Donc, notre objectif et notre intention immédiate sont d'être représentatifs de ce que nous faisons et de ce que nous sommes. Je pense que, dans ce sens, le fait qu'on parle de nos activités dans ce guide ou dans d'autres fait partie de nos efforts pour faire savoir aux gens ce que nous faisons.
Le sénateur Mitchell : Je voulais poser une autre question sur le harcèlement dans le projet de loi C-42. Avez-vous des statistiques — c'est peut-être difficile à obtenir, évidemment — sur le nombre de gens que vous avez renvoyés pour harcèlement depuis que le projet de loi C-42 vous permet de vous débarrasser des pommes pourries, comparativement au nombre de victimes de TSPT?
M. Paulson : s, nous avons récemment publié un bilan de notre travail de transformation de la culture, dans un sens plus largement que les mesures prises contre le harcèlement. Nous avons modernisé un certain nombre de caractéristiques dans le cadre de cette transformation, qui est notre objectif. Dans ce sens, nous avons fait beaucoup plus d'interventions précoces en matière de comportement et nous avons aussi pris beaucoup plus de décisions visant à des renvois.
Le sénateur Mitchell : J'aimerais en savoir plus sur la procédure provisoire mise en place pour remplacer le programme des RRF et sur les répercussions à venir de l'éventualité qu'il n'y ait pas de syndicalisation des membres. Si j'ai bien compris, cette procédure provisoire deviendrait la procédure officielle. En quoi permettrait-elle plus d'objectivité et pourrait-elle convaincre les gendarmes qu'ils seront représentés d'une manière qui soit au moins...
M. Paulson : Merci. Permettez que je précise d'abord que l'intention n'est pas d'en faire une procédure permanente. Je pense que nous savons tous que quelqu'un sera certifié un de ces jours. Ça n'a jamais été considéré comme une solution permanente. Mais, comme mon collègue l'a fait remarquer tout à l'heure, il s'agit de représentation individuelle.
Pour ce qui est de la représentation plus large des membres au sens collectif, c'est à la direction de créer plus de participation en les invitant à répondre à des questionnaires, et cetera. Mais ces grandes questions organisationnelles doivent être abordées sous un nouvel angle, et, pendant ce temps-là, les membres seront représentés de façon plus individuelle dans le cadre de cette nouvelle procédure provisoire, si vous voyez ce que je veux dire.
Le président : Nous sommes un peu en retard. Avez-vous encore quelques minutes, monsieur le commissaire?
M. Paulson : Oui.
Le sénateur Mitchell : Je ne suis pas sûr que vous puissiez en parler beaucoup, mais j'aimerais revenir sur l'affaire Azer, en Alberta, où un père détient illégalement ses enfants. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
M. Paulson : Je pense que nous pouvons en parler. Je vais demander à mon collègue le sous-commissaire Cabana de vous répondre.
M. Cabana : On peut et on ne peut pas. Je crois que je dois faire attention à l'information que je peux communiquer. C'est encore une affaire en cours, très importante et troublante. Je peux vous parler de notre rôle si vous voulez.
Nous avons des agents de liaison au Moyen-Orient. Un certain nombre d'entre eux participent à cette affaire, par le biais d'Interpol également, pour essayer d'obtenir la libération des enfants. Nous collaborons étroitement avec le ministère des Affaires mondiales, qui dirige les discussions avec l'Iran.
Nous avons obtenu un mandat d'arrestation contre M. Azer pour enlèvement d'enfants. Une notice rouge a été enregistrée dans le système d'Interpol. Une notice jaune a également été enregistrée dans le système des enfants disparus.
Nous participons activement à cette affaire. Une de nos membres s'occupe de soutenir Mme Azer dans ce moment difficile. Nous suivons cette affaire de très près.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma dernière question porte sur la Loi sur les langues officielles. Quelques événements se sont produits, entre autres, en lien avec le commissaire aux langues officielles, en particulier en ce qui concerne une plainte qu'il a reçue. J'ai aussi lu certains messages sur Twitter, notamment au Manitoba, qui auraient dû être en français. J'ai tenté en vain d'en comprendre le sens. Comme vous pouvez l'imaginer, cela m'a causé une certaine frustration.
Quelles mesures prenez-vous dans de telles situations? Comment se fait-il que ce genre de chose se produise encore en 2016? La situation est un peu embarrassante pour l'organisation. Quelles mesures prenez-vous pour éviter que cela ne se reproduise et pour faire en sorte que nos deux belles langues soient respectées et utilisées adéquatement par vos services?
M. Paulson : Tout d'abord, en ce qui concerne la plainte qui a été faite ici, sur la Colline, elle est peut-être liée à nos stratégies d'affectation des cadets ici. D'après moi, il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce que 100 p. 100 des membres soient bilingues. Toutefois, au minimum, ceux qui ne sont pas bilingues devraient comprendre ce qu'ils doivent faire lorsqu'ils reçoivent des questions ou des représentations dans l'autre langue. Or, ce n'était pas le cas lors de cet incident.
Notre officier commandant de la division nationale m'a assuré que tous les membres ont reçu des instructions, et nous avons presque atteint une proportion de 90 p. 100 de personnes bilingues parmi nos membres. Il est très important que ce problème soit réglé de façon équitable pour tout le monde.
Dans le cas du message Twitter au Manitoba, je ne suis pas au courant. Toutefois, je vais m'informer. J'envoie aussi des gazouillis et, parfois, je trouve difficile de m'exprimer clairement dans les deux langues. Cependant, ce n'est pas une excuse, et je vais m'informer, parce qu'il est absolument important que les deux langues soient respectées.
Le sénateur Carignan : Il y a aussi un aspect lié à la sécurité.
M. Paulson : Oui.
Le sénateur Carignan : Il est entendu que les messages, surtout ceux qui sont transmis au moyen de Twitter, sont souvent urgents et traitent de mesures à prendre rapidement. Il serait malheureux qu'il se produise des incidents. Vous comprenez?
M. Paulson : J'espère que nous n'aurons pas de plaintes... Enfin, je l'espère.
[Traduction]
Le sénateur Kenny : Monsieur le commissaire, en dehors de la solde, le problème le plus difficile me semble être la question du régime de santé commun. Pourriez-vous nous en parler et nous dire si c'est un projet qui en vaut la peine?
M. Paulson : Je vais demander à mon collègue Dan Dubeau de vous répondre.
M. Dubeau : Merci, monsieur le commissaire. Le régime de santé commun a pris la forme de régimes de santé provinciaux, un mouvement qui s'est amorcé il y a trois ou quatre ans quand nous avons modifié la Loi canadienne sur la santé et que nous sommes passés aux régimes provinciaux.
Rappelez-vous que les régimes provinciaux couvrent les accidents non professionnels, comme pour tous les Canadiens de la province en question. Nous avons constaté, en approfondissant la question et en parlant avec les membres de notre programme de relations avec les employés, que ces régimes protégeraient nos membres seulement pour les maladies non professionnelles, les maladies ordinaires. Quand on a un rhume, on va voir un médecin de la province, c'était déjà comme ça. Notre organisation n'est pas comme le MDN, nous n'avons pas d'infrastructure de santé massive. En fait, nous faisons appel aux médecins des provinces.
Nous constations que dans certaines provinces — je ne vais en pointer aucune du doigt — puisque nous n'étions pas couverts par les régimes de santé provinciaux, nous étions facturés en tant que non-résidants, par conséquent la province et le Canada payaient deux ou trois fois plus, selon ce que facturait la province, pour le même service dont bénéficiaient nos maris ou nos femmes. Nous sommes allés voir les régimes de santé provinciaux.
Cependant, nous avons fait en sorte de conserver notre santé au travail. Voilà une autre structure que nous gérons en interne et qui existe toujours. Cela nous permet encore de couvrir tous nos membres s'ils sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Cela fonctionne toujours et c'est financé en interne. Cela vient en complément du régime. Notre commissaire a toujours dit que lorsqu'un membre est blessé dans l'exercice de ses fonctions, nous le couvrons à 100 p. 100. Nous n'avons pas changé sur ce point.
Vous avez peut-être entendu les débats autour du C-7, lorsque nous avons parlé de bénéficier de la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État et d'avoir accès aux commissions des accidents du travail, finalement ça a été retiré du projet de loi. Cela faisait partie du régime, de dire que nous avions besoin d'avoir accès à des commissions indépendantes. Maintenant nous construisons tout cela en interne.
Nous avons déjà un processus interne à observer, donc quand quelqu'un est blessé pendant le service, ou lorsque quelqu'un dit que c'est lié au service et fait une demande d'indemnisation dans le cadre de notre régime professionnel, nous décidons d'aller dans ce sens et nous payons à 100 p. 100. Il n'y a donc aucune perte pour eux.
C'est ce qui rassure nos membres : s'ils sont blessés pendant le service et qu'ils le prouvent, nous les couvrons. Nous avons couvert tout le monde. Il y a des procédures d'appel en interne contre l'organisation s'ils estiment que leur demande n'a pas été considérée correctement.
M. Paulson : Ce qui était intéressant là-dedans c'était la disponibilité d'une cohorte homogène de professionnels expérimentés dans la gestion de cas. À l'évidence, cela a été supprimé du projet de loi. On pouvait avoir l'impression qu'il y avait un délestage vers les provinces. Ce n'était pas le cas. Cela s'appuyait sur ces institutions indépendantes et éprouvées qui gèrent en externe les soins de santé en respectant la vie privée. Voilà de quoi il s'agit.
Le sénateur Kenny : Est-ce que vous êtes en train de dire que je suis mal informé et qu'il n'y a plus de problème moral? C'était le cas, et il semblerait que ce soit encore un sujet de débat de temps en temps.
M. Paulson : Je crois que c'est un malentendu, avec tout le respect que je vous dois, monsieur le sénateur. C'est un malentendu au sujet de l'érosion des prestations pour soins de santé. C'est une chose dont nous devrions informer le comité, la portée et l'ampleur des prestations de santé disponibles, qui est considérable et qui demeure considérable.
Le sénateur Kenny : Allez-y, je vous en prie, informez-nous. Avez-vous des arguments pour dire que ceci ne constitue pas, en réalité, un problème moral au sein de la Gendarmerie?
M. Dubeau : S'agit-il d'un problème moral? Vous devez comprendre que tout ceci s'est passé en même temps que toutes les réductions de déficit. Nos membres voyaient cela comme une atteinte de plus. Il y avait les soins de santé, il n'y avait pas d'augmentation de salaire. Alors si vous prenez tout en compte, oui. Pour soutenir le fait que ce n'était pas le cas, c'était presque comme si on leur avait tout pris. Je crois que cela fait partie du problème.
Il a fallu que nous allions éduquer les membres. Voilà les changements apportés aux régimes de santé provinciaux. Il y a un régime professionnel et un régime non professionnel qui couvre également nos membres. Nous avons pu mettre cela en place.
Nous vous fournirons les détails de ce que cela impliquait. Nous avons mené une analyse complète de ce que cela entraînait sur la rémunération totale au moment où nous avons procédé à ces changements et c'était minime, car la plupart des membres ne choisissaient pas les régimes à cet égard. Il y a néanmoins toujours une couverture très large et nous vous fournirons une liste de ce que recouvre cette protection.
M. Paulson : Je crois qu'il y avait aussi une certaine fierté d'aller chez le médecin avec son formulaire séparé disant : « je suis dans la GRC » plutôt que de devoir attendre avec sa carte de soins de santé. Est-ce que cela se traduisait par des suppressions d'indemnisation fermes et nettes? Ce n'est pas du tout clair pour moi.
Étant moi-même membre, je veux avoir les meilleurs soins de santé possible. À part qu'il y a une carte de soins de santé, je ne vois pas la différence.
Le sénateur White : J'ai posé la question des indemnités des anciens combattants et du fait qu'elles ne sont inscrites que dans un protocole d'entente, au ministre des Anciens Combattants, au sous-ministre des Anciens Combattants, au ministre de la Sécurité publique et maintenant je la pose ici.
Voyez-vous la nécessité d'avoir plus qu'un protocole d'entente lorsque des services sont fournis et la nécessité d'avoir une responsabilité directe du ministère des Anciens Combattants pour la gestion des indemnités des anciens combattants?
M. Paulson : Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. Nous avons une analyse comparative des indemnités qui s'accumulent pour nos membres sous nos conditions — et je ne veux montrer personne du doigt — et celles d'autres personnes qui en bénéficient. Franchement, elles sont plus élevées ici. Il faut simplement que vous compreniez comment elles sont distribuées. Dan à fait l'étude lui-même et il peut en parler rapidement.
Ma réponse est : « Non ». Je n'en vois pas la nécessité. Je crois que la description des indemnités telle que Dan s'apprête à la faire serait utile.
M. Dubeau : Oui, nous pouvons vous donner l'analyse.
Le sénateur White : J'aimerais la voir s'il vous plaît.
M. Dubeau : Nous avons fait une analyse comparée des membres de la GRC et des collègues des Forces canadiennes. Malheureusement il faut que cela soit des gens qui sont tués pendant leur service. Nous avons pu le faire en disant : « Voilà ce que ça veut dire. » Nous avons différentes indemnités, y compris, comme ils l'appellent, la prestation de retraite. Nous avons la prestation de retraite et toutes sortes d'autres indemnités qui s'y ajoutent.
Cela étant dit, néanmoins, nous avons parlé à nos groupes d'anciens combattants, à nos associations d'anciens combattants pour leur demander si un protocole d'entente suffisait. Maintenant nous dialoguons par l'intermédiaire d'un sous-comité et nous disons : « D'accord. Est-ce que nous en voulons davantage? Qu'est-ce que ça veut dire? Devons-nous aller plus loin dans le changement législatif ou pas? » Comme vous le savez, une partie de nos vétérans diront : « Nous voulons tout. » D'autres diront : « Nous en voulons une partie. » Nous essayons de leur demander : « Que voudriez-vous voir inclus dans la couverture? » Et nous incluons notre adhésion, car un jour nous serons tous d'anciens combattants. Que voulons-nous?
C'est un travail en cours en ce moment, nous sommes donc en mesure d'informer notre commissaire et d'avoir un débat au niveau de la direction.
Le sénateur White : Si je pouvais avoir cette analyse.
M. Dubeau : Oui. Je peux vous la transmettre, monsieur.
La sénatrice Beyak : Merci, monsieur Paulson. J'ai beaucoup apprécié votre réponse et j'ai conscience de l'aspect délicat de cette question, mais mes amis musulmans partagent l'idée que nous parlons toujours à des groupes qui sont affiliés avec le Hezbollah, le Hamas et d'autres organisations terroristes.
Je ne suis pas sûre que vous ayez été très clair au sujet des preuves que vous recherchez lorsque vous entrez dans ces communautés et que vous décidez à qui vous allez faire confiance.
M. Paulson : Nous entrons dans ces communautés pour établir des liens de confiance avec notre police. C'est pour ça que nous y allons, pour dire aux gens ce à quoi ils doivent faire attention, des indicateurs précoces de radicalisation, ce à quoi ils peuvent s'attendre avec le système judiciaire, comment fonctionne la police. Voilà les raisons qui nous font aller vers ces communautés.
Pour ce qui est des preuves dont je parlais, nous ne faisons pas de la sensibilisation communautaire en espérant trouver des preuves d'activités criminelles. Nous faisons de la sensibilisation communautaire en essayant de les persuader que nous sommes mus par le respect de la preuve, non pas par une sorte de préjugé ou une hypothèse selon laquelle il y aurait de mauvais musulmans et de bons musulmans.
Nous cherchons les comportements criminels et nous le faisons sur la base de preuves. En ce qui concerne nos actions de sensibilisation, il s'agit d'établir la confiance.
Le président : Pour conclure, monsieur Paulson, sur cette question, une des recommandations figurant dans notre rapport provisoire était qu'il fallait une communication permanente avec le SCRS et les autres organismes pour garantir que les individus que vous consultez d'un point de vue régional, peut-être des petites communautés, sachent à qui ils parlent. Avez-vous établi un protocole avec le SCRS à ce sujet pour vous assurer que les choses soient faites de cette manière?
M. Paulson : Concernant les actions de sensibilisation?
Le président : Oui, pour identifier les individus, pour vous assurer que les personnes avec qui vous travaillez sont bien qui elles prétendent être. C'est la seule question posée.
M. Paulson : Je vois. En ce qui concerne les représentants des communautés qui travaillent avec nous, oui.
Le président : Je voudrais remercier les témoins de leur présence et de leur patience. Merci beaucoup d'avoir été parmi nous. Merci.
Pour notre troisième série de témoins, nous accueillons trois représentants de l'Association canadienne de l'électricité : Colin Penny, vice-président directeur de la Technologie et directeur des systèmes d'information de Hydro One Inc. et Hydro One Networks Inc.; Francis Bradley, directeur des opérations et Geoff Smith, directeur des Relations gouvernementales.
Messieurs, bienvenue au comité. Monsieur Bradley, il me semble que vous avez des remarques préliminaires à faire au nom de votre association. Vous avez la parole.
[Français]
Francis Bradley, directeur des opérations, Association canadienne de l'électricité : Merci de nous donner l'occasion de participer à votre étude. Notre association, qui célèbre son 125e anniversaire en 2016, est la voix nationale du secteur de l'électricité au Canada. Nos membres représentent la chaîne de valeur complète de l'électricité, qu'il s'agisse de sa production ou de son acheminement aux clients résidentiels, commerciaux, institutionnels et industriels à travers le pays.
[Traduction]
Je suis accompagné aujourd'hui de Colin Penny, vice-président directeur de la Technologie d'Hydro One. Hydro One possède et gère un réseau de 29 000 kilomètres de lignes de transport d'énergie qui alimentent l'Ontario, y compris 1,3 million de compagnies de distribution. Je suis également accompagné de Geoff Smith, notre directeur des Relations gouvernementales.
Le secteur de l'électricité est un composant essentiel de l'une des 10 infrastructures critiques du Canada telles qu'elles sont définies par le ministère de la Sécurité publique. L'une des fonctions clés de notre association est de garantir la sécurité à long terme, la fiabilité et la stabilité du système électrique au Canada, étant donné son rôle central dans l'alimentation en énergie d'autres secteurs d'infrastructures critiques qui sont essentiels à l'économie et à la qualité de vie. Les activités de protection des infrastructures critiques menées par l'Association canadienne de l'électricité comprennent une politique de sécurité physique, des politiques de sécurité des TI et la préparation aux situations d'urgence, le tout dans une perspective de prise en compte de tous les risques et de toutes les menaces. Nous constituons aussi l'interface entre le secteur et les représentants fédéraux officiels du Canada et des États-Unis en matière de politique, de renseignement et de sécurité.
Nous sommes heureux de pouvoir vous donner une vue d'ensemble des choses sous l'angle de l'électricité. Nous allons passer en revue les points de réflexion principaux de votre étude et vous transmettre huit recommandations spécifiques dont nous espérons que vous envisagerez de les inclure dans vos futures recommandations au gouvernement.
Nous allons commencer par la cybersécurité. Pour le secteur de l'électricité, les cyber-menaces constituent une priorité vitale. Pour la toute première fois, en décembre dernier nous avons en quelque sorte franchi un cyber Rubicon lorsqu'une cyber-attaque a provoqué l'interruption de la fourniture d'électricité aux clients — dans ce cas précis, comme vous l'avez entendu plus tôt, il s'agissait de 200 000 clients en Ukraine. Bien entendu cela ne fait que renforcer notre inquiétude.
L'Association canadienne de l'électricité s'engage auprès de partenaires clés au Canada, à l'échelle nord-américaine, nous travaillons sur ces cyberproblèmes depuis 1998, lorsque nous avons commencé à nous préparer pour le passage informatique à l'an 2000.
Au Canada, nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère des Ressources naturelles sur une vaste gamme de questions de sécurité, y compris la cybersécurité. Le ministère a montré qu'il constituait une porte d'accès très efficace à ce qui se passe dans le reste du secteur de l'énergie. Le ministère a pris des initiatives de formations spécifiques à la cybersécurité dans le secteur de l'énergie.
La GRC et le SCRS sont tous deux des partenaires clés pour le partage d'informations de sécurité et d'informations issues du renseignement, ce qui permet de fournir efficacement des informations sur l'évaluation des situations à nos membres et ceux qui ont des autorisations de sécurité reçoivent des rapports classifiés deux fois par an.
Toutefois, notre partenariat le plus important est avec le ministère de la Sécurité publique. Il y a deux niveaux. D'abord nous traitons les enjeux de politiques tels que le développement et la mise en place de la stratégie nationale du gouvernement sur la cybersécurité. À ce stade je voudrais indiquer notre première recommandation, la nécessité que le gouvernement revoie la stratégie nationale sur la cybersécurité.
Le président : Chose que le gouvernement est en train de faire.
M. Bradley : Nous nous réjouissons de nous engager dans ce processus.
Deuxièmement, sur le plan opérationnel, par son rôle d'équipe d'intervention en cas d'urgence informatique, le CCRIC que vous avez rencontré tout à l'heure, joue un rôle essentiel dans la préparation, la prévention et la réponse aux cyberévénements, par la recherche, la facilitation du partage d'informations et les partenariats.
Notre deuxième recommandation serait que le gouvernement fédéral augmente les capacités du CCRIC. Cette demande faisait partie de nos recommandations pour les deux précédents budgets fédéraux.
En 2015, plus de 200 millions de dollars sur 5 ans ont été promis aux initiatives de cybersécurité du ministère de la Sécurité publique, mais selon nous, c'est insuffisant en regard des défis qui se posent à notre pays.
Je vais maintenant passer la parole à M. Penny pour poursuivre ces remarques préliminaires.
Colin Penny, vice-président directeur de la Technologie et directeur des systèmes d'information de Hydro One Inc. et Hydro One Networks Inc., Association canadienne d'électricité : Sur le plan nord-américain, le secteur de l'électricité collabore avec la North American Electric Reliability Corporation, la NERC, sur beaucoup de questions, principalement sur le développement et la mise en place de normes de cybersécurité contraignantes.
Ces normes gouvernent une large série d'actions liées à la planification et à l'exploitation du système et renforcent la sécurité de nos systèmes électriques partagés à l'échelle de l'Amérique du Nord. Il convient de noter que nous sommes le seul secteur ayant des normes contraignantes en matière de cybersécurité.
Notre troisième recommandation serait la mise en place de normes contraignantes en matière de cybersécurité pour les secteurs réglementés par le gouvernement fédéral.
Avec son Electricity Information Sharing and Analysis Centre, le E-ISAC, la NERC diffuse des informations sur les menaces dans tout le secteur et mène tous les deux ans une simulation à l'échelle du continent, connue sous le nom de GridEx afin de tester la capacité des services d'électricité à répondre aux menaces sur la sécurité. Même s'il y a eu une forte présence du Canada lors de la dernière simulation, notre quatrième recommandation serait que les organismes de sécurité canadiens mettent en place un exercice de simulation au Canada, à une échelle comparable.
Ces exercices sont un moyen très efficace de tester le niveau de préparation, d'améliorer la compréhension des rôles et des responsabilités des secteurs d'infrastructures critiques et interdépendantes et pour produire des enseignements qui peuvent améliorer la prévention des incidents et qui peuvent s'appliquer aux plans et aux pratiques de continuité des opérations.
Un autre forum clé au niveau du continent est le Electricity Subsector Coordinating Council, le ESCC, une organisation d'industries indépendantes dirigée par un président-directeur général qui s'engage aux plus hauts niveaux du gouvernement des États-Unis sur les défis que posent la sécurité physique et la cybersécurité.
Nous voudrions souligner la participation du ministère de la Sécurité publique et du ministère des Ressources naturelles, elle est fondamentale pour garantir que le Canada soit représenté au sein de cet important forum continental. L'un des thèmes majeurs de tous ces forums, la fonction la plus importante et le résultat principal de toutes ces interactions, c'est le partage d'informations.
Laissons de côté l'aspect cyber, je vais maintenant passer aux menaces sur l'infrastructure physique. Tandis que la numérisation et l'automatisation généralisées ont été centrales dans notre secteur, l'exploitation de ces systèmes est toujours largement effectuée par des professionnels des services d'électricité qui constituent notre première ligne de défense sur tous les fronts. Garantir l'accès à des vérifications d'antécédents opportunes et standardisées pour tous les personnels des services d'électricité est vital.
Notre cinquième recommandation serait que le gouvernement fédéral établisse des vérifications d'antécédents standardisées pour le secteur des infrastructures vitales du Canada.
Nous aimerions prendre en compte une menace émergente, la menace à l'encontre du réseau électrique que constituent les perturbations géomagnétiques plus connues sous le nom de tempêtes solaires. Celles-ci surviennent lorsque le soleil éjecte des particules chargées qui interagissent avec les champs magnétiques terrestres et les modifient. Selon la magnitude des perturbations géomagnétiques, le réseau peut subir des perturbations ou des coupures liées aux courants provoqués par l'orage géomagnétique qui transitent le long des lignes de transport d'électricité.
Alors que le niveau de conscience de la menace que constituent les orages géomagnétiques augmente, la science est en pleine évolution et beaucoup de questions restent sans réponse. Les services d'électricité canadiens demandent une aide pour développer les connaissances et les outils nécessaires à la protection du réseau contre cette menace.
Notre sixième recommandation qui est incluse dans la proposition de budget provisoire de 2016 de l'Association canadienne de l'électricité serait que le gouvernement fédéral finance des recherches, des essais de transformateurs et d'autres actions pour améliorer la compréhension des impacts des orages géomagnétiques sur le réseau électrique et qu'il aide les services d'électricité à réduire ces impacts.
Geoff Smith, directeur des Relations gouvernementales, Association canadienne de l'électricité : Notre septième recommandation est également en rapport avec les interférences causées aux infrastructures physiques. Dans notre secteur le cas le plus courant est le vol de cuivre dans nos installations électriques. Le vol de cuivre dans les infrastructures électriques est un problème grandissant, il est dangereux, coûteux et il menace la fiabilité du système. Depuis 2006, neuf personnes ont trouvé la mort de façon tragique et beaucoup d'autres ont été blessées en lien avec ces incidents, la plupart parce que des installations étaient sous tension mortelle à cause du fait que les mises à la terre en cuivre avaient été retirées d'une installation électrifiée.
En plus des recommandations concernant le durcissement des divers aspects des transactions financières avec les entreprises de recyclage de métaux et une amélioration de la collaboration au niveau local entre les autorités policières, les procureurs de la Couronne et les services d'électricité, l'Association canadienne de l'électricité plaide en faveur d'amendements au Code criminel afin de créer de nouvelles dispositions relatives à la détermination des peines qui soient mieux proportionnées aux conséquences du vol de cuivre. Actuellement, l'infraction la plus souvent utilisée, vol de moins de 5 000 $, est uniquement fondée sur la valeur marchande des composants en cuivre volés et ne reflète pas les impacts significatifs en aval ni les coûts liés à ces crimes.
Notre septième recommandation serait que le gouvernement s'occupe de cette lacune du Code criminel et mette en place une loi pour que les peines pour perturbation des infrastructures critiques, qui incluraient le vol de cuivre, soient mieux proportionnées aux conséquences sérieuses de ces crimes.
M. Penny : La dernière question que nous voudrions soulever est celle des incidents d'origine aérienne et la nécessité d'une réglementation équilibrée en matière d'utilisation des drones. Le récent succès commercial des drones a soulevé des inquiétudes dans de nombreux secteurs en matière de sécurité des sites physiques, mais cela a également mis en lumière la nécessité d'arriver à un équilibre en matière de réglementation. Par exemple, le territoire desservi par Hydro One est plus grand que la plupart des pays et dans bien des cas la technologie des drones est plus sûre et moins coûteuse que les hélicoptères pour la surveillance des infrastructures de transport dans les parties les plus reculées de notre province.
Notre dernière recommandation serait que la réglementation fédérale à ce sujet prenne en compte toutes les applications de cette technologie et qu'elle parvienne à l'équilibre approprié.
M. Bradley : Cela sera, monsieur le président, notre conclusion.
[Français]
Encore une fois, nous vous remercions de l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui, et nous répondrons à vos questions avec plaisir.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup. C'était très clair et concis et je voudrais vous féliciter d'avoir fait des recommandations cruciales qui pourraient être prises en compte.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités. Ma question est fort simple, mais elle est tout de même importante, surtout pour la rédaction de notre rapport, qui mettra l'accent sur l'essentiel. Selon vous, quelles sont les principales lacunes de notre système hydroélectrique qui se déploie à travers le pays?
J'aurai ensuite une deuxième question, monsieur le président.
[Traduction]
M. Bradley : Le défi majeur pour les services d'électricité au Canada — ce n'est pas le cas seulement au Canada mais c'est plus proéminent dans notre pays à cause de sa géographie — c'est sans doute la protection des longues infrastructures linéaires. Au début de notre exposé, nous avons beaucoup parlé des cyber-menaces mais les plus importantes lacunes et les plus grands défis auxquels il nous faut faire face viennent principalement de l'existence de systèmes de transport qui doivent souvent acheminer l'électricité au lieu de consommation qui se trouve parfois à des milliers de kilomètres de l'endroit où elle a été produite.
Vous pouvez protéger un site, vous pouvez protéger un centre de contrôle, vous pouvez protéger une usine, mais protéger chaque kilomètre d'une ligne de transport constituera toujours une lacune et un défi. Nous pouvons mettre en place ce qui est nécessaire, installation par installation, mais pour ce qui est de cette lacune qui existera toujours, cela tient tout simplement à la nature de cette infrastructure extensive.
Nos collègues du secteur pétrolier et gazier font face au même défi. Ils peuvent mettre en place des mesures de protection pour leurs installations spécifiques, mais le problème, c'est le transport.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sur le plan politique, y a-t-il des mesures législatives ou réglementaires qui pourraient être prises très rapidement pour améliorer notre système de protection?
[Traduction]
M. Bradley : En ce qui concerne les cyber-menaces en particulier, je dirais qu'il y a des choses qui pourraient être faites et qui pourraient l'être assez rapidement. Nous avons évoqué lors de nos remarques préliminaires le financement du CCRIC. Voilà certainement une piste. En tant que pays et en tant que gouvernement, nous pourrions et nous devrions en faire bien plus pour préparer, prévoir et prévenir les cyber-attaques, par exemple. Pour être en mesure de faire cela, nous devons améliorer et augmenter notre capacité.
Je sais qu'il a déjà été question de l'accroissement du CCRIC. Le CCRIC a beaucoup grandi. Un de mes collègues m'a rappelé qu'au cours de l'année écoulée sa taille a doublé. J'ai répondu : « Mon Dieu, ils ont fait environ la moitié du chemin, » en tout cas du point de vue du financement.
Il y a des choses à faire sur la promotion des échanges d'informations. Il y a déjà eu des actions au cours des 10 dernières années pour la protection de l'accès aux demandes d'information relatives aux infrastructures critiques. Voilà un élément de la protection de ce que nous partageons, mais il faut clairement promouvoir davantage le partage d'informations et je crois que c'est indissociable de ce que nous disions à propos des normes. Je ne dis pas que les normes entraînent plus de partage d'informations, mais les processus que nous respectons dans le secteur de l'électricité pour développer les normes qui s'appliquent dans toute l'Amérique du Nord sont développés au cours d'un processus collaboratif avec l'industrie et les organismes de régulation, et cetera, ce qui nous oblige a effectivement échanger de grandes quantités d'informations dans le simple but de nous accorder sur ce que sont des normes efficaces.
Je suggérerais que d'examiner les normes pour d'autres secteurs, les normes contraignantes utilisées dans d'autres secteurs, nous obligera par nécessité à augmenter les échanges d'informations.
M. Smith : Je pourrais rapidement ajouter, concernant la proposition sur le Code criminel, qu'au sein du précédent Parlement, deux députés avaient introduit une loi d'initiative parlementaire, l'un d'eux faisait partie du caucus conservateur alors au pouvoir et l'autre venait du Nouveau Parti démocratique. Alors je dirais qu'il y a un large consensus du point de vue politique sur la nécessité de s'attaquer à cette lacune du Code criminel en ce qui concerne les perturbations d'infrastructures critiques.
Nous pensons que le travail que nous avons fait sur cette question et le consensus que nous avons trouvé dans l'autre chambre pourraient potentiellement permettre de traiter cette question à relativement court terme.
Le sénateur Day : Sur ce dernier point, juste pour mettre les choses au point concernant cette lacune, le Code criminel prend en compte ce problème, mais vous estimez que la sanction n'est pas assez conséquente en regard de l'activité prohibée? Est-ce bien cela que vous entendez par lacune?
M. Smith : Oui et je pourrais vous donner un exemple. Les termes « infrastructure critique » ne figurent pas dans le Code criminel. Un de nos membres — je ne vais pas le nommer — s'est fait voler du cuivre dans une installation de transport, pour une valeur de 1 800 $. Il en a résulté 30 millions de dollars de dégâts à cause de l'instabilité liée à la suppression des mises à la terre en cuivre, il s'est produit un embrasement éclair qui aurait tué instantanément toute forme de vie présente sur le site. Par chance il n'y avait ni personnel ni civils présents sur le site à ce moment-là. De plus, le vol d'un montant de 1 800 $ est inférieur à 5 000 $, selon le Code criminel. Malgré tous les dégâts consécutifs au vol, sans compter les coupures de courant qui ont pu affecter des entreprises et des foyers, la seule infraction du Code criminel à s'être appliquée était celle de vol de moins de 5 000 $. Nous ne disons pas qu'il faut sortir le marteau-pilon, mais il faut que cela soit proportionné.
Le sénateur Day : À ce stade vous ne recommandez pas d'autres inculpations dans le Code criminel, vous voulez seulement alourdir la peine.
M. Smith : Une partie de ces projets de loi d'initiative parlementaire a géré ça d'une autre manière, en partie du point de vue des méfaits. Il y a différentes manières de regarder les choses. Nous cherchons une solution plus proportionnée.
Le sénateur Day : Je ne crois pas que le Sénat ait eu l'occasion de voir ces projets de loi d'initiative parlementaire. Ils ne sont pas arrivés jusqu'ici. Nous n'avions pas connaissance de ces informations alors merci de nous avoir expliqué. C'est utile que vous nous ayez fourni la liste de vos recommandations, ainsi nous avons un document sur lequel vous avez pu concentrer vos remarques. Nous vous remercions pour votre présentation. Je suis d'accord avec le président. Elle était bien préparée et bien présentée.
Pouvez-vous faire un peu de publicité gratuite pour l'Association canadienne de l'électricité et nous dire combien de membres vous avez? C'est une association de bénévoles, monsieur Bradley?
M. Bradley : Oui. L'Association canadienne d'électricité fête son 125e anniversaire. Nous représentons les services d'électricité de toute l'Amérique du Nord.
Le sénateur Day : Les producteurs?
M. Bradley : Les producteurs, les transporteurs, les distributeurs, les sociétés d'État, les entreprises privées, les grandes municipalités. Ce sont les 36 plus grands services d'électricité du pays. Cela fait longtemps que nous existons.
Ces 20 dernières années, l'association s'est principalement consacrée à être le porte-parole de l'industrie. Lorsque l'association a été fondée, c'était une sorte de club pour les gens qui s'essayaient à ce nouveau secteur industriel, mais aujourd'hui nous sommes clairement les porte-paroles d'un secteur qui fait face à d'immenses défis. Nous avons parlé de certains des enjeux de sécurité physique et de cybersécurité. En tant que secteur industriel, nous essayons de trouver une somme d'environ 350 milliards de dollars d'investissements sur 20 ans qui seront nécessaires pour garantir le remplacement et le renouvellement de l'infrastructure électrique du Canada, qui est bien entendu d'une importance vitale et constitue la colonne vertébrale, selon nous, de l'économie du Canada.
Le sénateur Day : Monsieur Bradley, vous êtes le directeur des opérations de l'association?
M. Bradley : C'est exact.
Le sénateur Day : Vous n'avez pas d'autre fonction par ailleurs?
M. Bradley : Croyez-moi, le poste de directeur des opérations de l'organisation est plus qu'un travail à plein temps. M. Smith et moi-même travaillons tous deux à plein-temps pour l'association. M. Penny a un emploi à plein-temps. Il nous éclaire parfois de son expertise sur certains dossiers.
Le sénateur Day : Si l'on considère la plupart de vos membres, sinon tous, c'est une adhésion sous réglementation provinciale?
M. Bradley : Oui, c'est juste. Dans la plupart des domaines — mais pas tous — l'électricité est régie par la juridiction provinciale. Bien entendu, il y a des ouvertures vers la juridiction fédérale en ce qui concerne l'énergie nucléaire, mais pas pour l'environnement, le commerce transfrontalier et nous sommes encore en train d'essayer de comprendre comment toute cette histoire de sécurité et de protection des infrastructures critiques se situe d'un point de vue fédéral- provincial-territorial.
Je siège au Forum national intersectoriel pour les infrastructures critiques établi dans le cadre de la stratégie nationale. Même là, c'est un peu un casse-tête pour garantir que nous ayons un alignement du point de vue fédéral-provincial-territorial, pour que nous allions tous dans la même direction.
Le sénateur Day : Par exemple, je représente le Nouveau-Brunswick. Il y a une importante ligne de transport d'électricité qui traverse la frontière avec le Maine, mais les lignes qui sont entièrement dans les limites de la province sont régulées au niveau provincial. Est-ce que cette ligne transfrontalière est régulée séparément au niveau fédéral?
M. Bradley : En effet, cette ligne est régie par la Loi sur l'Office national de l'énergie, du point de vue canadien. S'agissant du commerce transfrontalier, du point de vue canadien, c'est régi par l'ONE. Du point de vue des États- Unis, il y a des permis présidentiels pour les transactions commerciales transfrontalières.
Le sénateur Day : Cette précision est utile. Je voudrais clarifier quelques points. Notamment le vol de cuivre. Localement, j'entends beaucoup d'histoires et je lis de nombreux articles sur le vol de câbles en cuivre et de lignes en cuivre sous tension, comme ce que vous évoquiez tout à l'heure. Le prix du cuivre a beaucoup baissé, donc ce problème est peut-être moins important qu'il ne l'a été. Néanmoins, est-ce que vous anticipez un rebond?
M. Bradley : Oui. Le prix du cuivre a longtemps été relativement faible, mais cela n'a pas empêché les vols de cuivre. Il n'y en a pas autant qu'il y en a eu, mais les vols de cuivre se poursuivent et affectent toujours la fiabilité et la sécurité de notre système.
Le sénateur Day : J'abuse de ma position privilégiée pour vous poser une question et clarifier quelque chose pour moi-même. Je connais les interférences électromagnétiques et voici les interférences géomagnétiques. Pourriez-vous expliquer les différences?
M. Penny : Je pourrais approfondir si vous voulez commencer.
M. Bradley : Les perturbations géomagnétiques sont des perturbations causées principalement par les tempêtes solaires. Il y a une explication bien plus technique, mais les perturbations géomagnétiques et celles auxquelles nous nous référons dans le document sont celles causées par les tempêtes solaires. Elles n'affectent pas seulement les systèmes de transport de l'électricité, mais elles les affectent. Nous avons constaté au fil des années des impacts significatifs résultant de ces tempêtes — 1989 est un événement qui est souvent pris en exemple, il y a eu des coupures de courant importantes au Québec à cause de perturbations géomagnétiques. Depuis cet événement, les entreprises n'ont cessé de prendre des mesures de réductions des perturbations géomagnétiques, car ces orages reviennent de façon naturellement cyclique. Hydro-One est à la pointe dans ce domaine.
M. Penny : Les perturbations géomagnétiques sont en réalité des événements prévisibles dans une certaine mesure. Ils surviennent à certaines saisons. Il y a une forme de cycle. Nous pouvons savoir à l'avance qu'une tempête solaire se dirige peut-être vers nous. Nous pouvons aussi surveiller le système de transport et les effets qu'une tempête solaire pourrait avoir sur le réseau. Nous surveillons les variations de température dans nos transformateurs ou les teneurs en gaz émis par nos stations. Nous pouvons le prévoir. En ce moment nous surveillons tout cela pour déterminer les types d'orages solaires et les types d'impacts qu'ils peuvent occasionner pour être capables de fournir une bonne connaissance de la situation aux gens qui surveillent le réseau de transport et qui sont responsables de sa résilience et de sa fiabilité.
Le sénateur Day : La technologie existe donc. Vous recommandez que tous les réseaux utilisent la technologie connue pour prévenir les surtensions, les pannes de transformateurs et tout ce qui pourrait éventuellement se produire?
M. Penny : Oui. Nous avons pris des mesures, en raison de l'expertise que nous possédons à l'interne, pour essayer de sensibiliser notre personnel à la situation. Nous recommandons d'autres études pour compléter le travail que nous mettons à la disposition de Ressources naturelles Canada et à d'autres qui étudient ce phénomène.
L'échantillon des données n'est pas suffisant pour prédire avec certitude l'impact d'une tempête sur le système d'alimentation. Nous recueillons de nombreuses données. Je pense que nous donnons à nos opérateurs ce dont ils ont besoin pour faire face à une situation éventuelle, mais il reste encore du travail à faire pour prédire ce qui peut se passer.
Le sénateur Day : Pourquoi ne recommandez-vous pas simplement de se préparer au pire scénario, sans chercher à prédire si cela va se passer dans six mois? Cela va se produire à un moment donné, nous devons donc nous protéger en installant tout l'équipement nécessaire pour éviter les pannes de transformateurs et les problèmes de surtension.
M. Penny : Sur ce point et pour tous les risques que coure notre système d'alimentation, que ce soit du côté de la transmission ou de la distribution, je dirais, en faisant référence à ce qui s'est passé en 1989, que ces événements ne sont pas fréquents. Leur impact jusqu'à présent a été limité. Dans l'univers des risques que nous traitons, quand je vois les pannes causées par des arbres ou par les conditions météorologiques, les effets sur le réseau sont beaucoup plus importants. Le travail que nous faisons et l'argent que nous dépensons sont proportionnels au risque auquel nous sommes confrontés.
Le sénateur Day : La technologie existe, mais elle n'est pas forcément économique. Il vaut parfois la peine de prendre le risque.
Si je pouvais poser une autre question, je la poserais sur les surtensions électromagnétiques d'origine humaine.
Le président : Vous pourrez la poser pendant la deuxième série de questions.
Le sénateur White : Merci beaucoup de votre présence.
En ce qui concerne les sanctions, ce que vous dites, c'est qu'il existe un facteur aggravant dans le cas des vols en raison des conséquences plus graves. Ce n'est pas seulement le vol de 2 200 $ d'équipement, mais le vol de 2 200 $ d'équipement qui a un impact global important. C'est bien ce que vous voulez dire?
M. Smith : C'est exact.
Le sénateur White : Merci.
Ma deuxième question porte sur le renseignement. L'un de vous a parlé d'une séance d'information sur le renseignement que nous n'avons pas pu avoir. Le comité n'a pas pu avoir cette séance d'information, car nous n'avons pas l'habilitation de sécurité suffisante. Jugez-vous utile un comité de ce genre qui aurait une habilitation de sécurité assez élevée pour avoir le genre de discussions dont vous parlez, par exemple, sur la sécurité nucléaire ou la sécurité d'autres infrastructures, ce que nous ne pouvons pas faire actuellement?
M. Bradley : Je ne peux pas me prononcer sur ce qui serait approprié.
Le sénateur White : En fait la réponse est oui, monsieur.
M. Bradley : Oh, la réponse est oui. Je vois.
Le sénateur White : J'essaie d'influencer le président et le vice-président pour que nous obtenions l'habilitation de sécurité au plus haut niveau qui nous permettrait de tenir ces discussions.
M. Bradley : Ce que je peux vous dire, sénateur, c'est que l'information et les connaissances sur la situation que nous pouvons obtenir grâce à ces séances d'information sur la sécurité, du fait que les gens ont l'habilitation de sécurité adéquate, sont très utiles.
Le sénateur White : Avez-vous l'habilitation de sécurité très secret?
M. Bradley : Non. Nous sommes au niveau secret — une ou deux personnes sont au niveau très secret —, mais pour la plupart des gens qui travaillent dans la fonction de sécurité et les services publics et pour lesquels nous avons des autorisations de sécurité, c'est au niveau secret, ce qui a été suffisant au Canada jusqu'à présent. Nous avons également assisté à des séances d'information aux États-Unis. Elles se sont révélées très utiles pour mieux comprendre la situation, mais elles aident également à prendre des décisions de gestion.
Le sénateur White : Monsieur le président, si vous le permettez, ce n'est pas une question, mais une observation pour vous et pour le sénateur Day. Je pense que nous devons revoir les niveaux d'habilitation de sécurité des membres du comité pour avoir des séances d'information, si ce n'est pas lors d'une réunion du comité, au moins une séance d'information semblable à ce que ces personnes peuvent avoir. Je suis ravi qu'ils comparaissent ici, mais ils ne peuvent pas répondre aux questions que je voudrais leur poser, donc je vous remercie pour cela.
Le sénateur Day : Cela relève de notre rôle de sénateur. Nous communiquons avec le public et si nous avons des informations secrètes, nous ne pouvons pas les communiquer au public.
Le sénateur White : Je comprends.
Le sénateur Day : C'est là la question.
Le sénateur White : Mais si vous le permettez, notre problème actuellement est que nous ne savons pas ce que nous ne savons pas. Nous pourrions poser des questions qui ne sont pas pertinentes parce que nous ne savons pas. C'est la même chose qu'avec le témoin précédent. Il aurait été utile d'avoir des séances d'information pour pouvoir poser des questions plus précises dans certains cas.
Merci quand même.
La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Comme l'a dit notre président, vous nous avez fait d'excellentes présentations très bien organisées. Je pense que vous avez répondu aux questions que je voulais poser, mais je crois que votre ancien président a été associé à un groupe bipartisan aux États-Unis, le groupe de réflexion qui a rédigé quatre excellentes recommandations sur la cybersécurité. Pourriez-vous nous en dire davantage sur les progrès de ces initiatives?
M. Bradley : C'est une excellente question. Nous pouvons en effet vous renseigner sur l'état d'avancement de ces initiatives. Nous ne sommes pas aussi au courant en ce moment, car, comme vous l'avez souligné, il s'agissait de notre ancien président et chef de direction de l'organisation. Mais ce groupe poursuit ses travaux et prépare ses recommandations, et nous pouvons certainement vous en faire part. Nous le ferons avec plaisir.
Le président : Sénatrice, j'aimerais poser une question à ce sujet. Ce rapport s'applique-t-il également au Canada et envisagez-vous d'appliquer leurs recommandations?
M. Bradley : Je ne pourrais pas vous le dire pour le moment. Il faudrait que je revoie le rapport.
Le président : C'est-à-dire?
M. Bradley : Il faudrait que je revoie le rapport lui-même. Mais il s'agissait d'un organisme bipartisan, non gouvernemental qui a élaboré des recommandations sur la cybersécurité.
Le président : Si vous le permettez, chers collègues, j'aimerais donner suite à ce qu'a dit le sénateur Day. Il a parlé de vos recommandations sur le fonds de recherche, les essais de transformateurs et d'autres activités, la compréhension des impacts des perturbations géomagnétiques, notamment, je crois, les éruptions solaires et les catastrophes naturelles qui peuvent toucher le réseau.
Mais vous ne mentionnez pas les impulsions électromagnétiques dont on parle beaucoup du côté américain depuis un certain nombre d'années et qui deviennent un vrai sujet de préoccupation, dans certains cas, dans certains milieux. Pourriez-vous nous parler de ce risque particulier pour nos réseaux et des mesures que nous prendrions pour réduire les effets, comme nous le ferions pour les perturbations géomagnétiques?
M. Bradley : Bien sûr. Je participe aux discussions sur les IEM depuis plus de cinq ans et je les suis, en particulier aux États-Unis. Je connais l'intérêt d'un certain nombre des personnes qui ont comparu devant le comité pour cette question. Cela fait certainement partie des menaces auxquelles nous nous intéressons. Je pense que l'intérêt a un peu diminué à Washington par rapport à il y a cinq ans. On en parlait davantage auparavant.
Ce sont deux choses différentes, bien entendu : les perturbations géomagnétiques et les impulsions électromagnétiques. Sur les perturbations géomagnétiques, nous pouvons faire des recherches et les étudier, savoir quand les éruptions solaires se produisent et quel impact elles ont sur le réseau. On ne peut pas faire la même chose pendant une attaque nucléaire. On a beaucoup dit et écrit sur les impulsions électromagnétiques, mais une grande partie de tout cela est théorique. Ce n'est pas, comme pour les perturbations géomagnétiques, fondé sur des mesures réelles ou une expérience réelle.
La société de services publics typique doit tenir compte des risques et des menaces auxquels elle est confrontée et prendre ensuite des décisions par rapport à ce qu'elle juge prioritaire. Ce que l'on sait sur les IEM est encore trop limité de sorte que cela ne fait pas partie des priorités des sociétés de services publics.
Concernant ce qui touchera l'alimentation en électricité aux clients, vous allez trouver en haut de la liste, de façon peut-être surprenante, que ce n'est pas un problème de sécurité, de cybersécurité, ni de perturbations géomagnétiques, mais de météo. En haut de la liste, il y aura la météo, en deuxième, la météo, et en troisième, la météo. En descendant ensuite dans la liste pour voir quelles sont les menaces, vous devrez déterminer, en fonction de leur probabilité, les investissements à faire.
Pour le moment, on ne sait pas encore quelles seraient les mesures d'atténuation en cas d'IEM. Je sais que des gens ont proposé différentes solutions, mais on ne sait pas vraiment quel serait l'impact. La probabilité est de toute façon relativement faible. En vérité, cela voudrait dire le début d'une troisième guerre mondiale et nous aurions alors d'autres problèmes autrement plus graves. Deuxièmement, en ce qui concerne les mesures d'atténuation, il existe différentes solutions dont une que quelqu'un a proposée il y quelques années aux États-Unis, la solution à 1 milliard de dollars, c'est-à-dire 2 $ pour chaque client aux États-Unis. Cela finit par se répercuter sur la facture d'électricité.
Si nous avons du mal à comprendre dans cette salle, il serait d'autant plus difficile d'essayer de demander à un organisme de réglementation d'investir dans un système face à une telle incertitude.
Le président : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Day et parler des éruptions solaires que vous acceptez comme une réalité. Nous avons déjà fait l'expérience des répercussions d'une éruption solaire en 1989, du moins en partie. Il me semble que ce n'est pas une possibilité, mais une réalité certaine. La question est donc la suivante : que font nos sociétés de services publics, les agences de l'énergie et le gouvernement pour s'assurer que nous avons tout fait pour limiter les dégâts?
Je crois comprendre que l'impulsion électromagnétique n'est pas si différente et qu'il y aurait des conséquences sur l'ensemble de votre réseau et que vous pourriez faire face à une véritable catastrophe. À ce moment-là, vous ne penseriez pas à des mesures d'atténuation, mais simplement à survivre.
Alors, que devrions-nous faire? Nous comptons sur vous pour prendre les mesures d'atténuation nécessaires pendant une certaine période pour limiter notre vulnérabilité. Je sais que c'est aussi une question d'argent. Nous le comprenons tous. J'ai vu que vous recommandez que le gouvernement dépense de l'argent ou fasse sa part en dépensant de l'argent.
Il me semble que pour cela, vous devrez nous convaincre des mesures à prendre. Allez-vous utiliser un câble mieux isolé? Est-ce que ce sera un plus gros transformateur ou un transformateur différent, et sur 10 ans, allons-nous remplacer l'équipement actuel? Je m'attaquerais aux éléments physiques sur une certaine période afin de limiter les risques. Vous voulez peut-être répondre.
Juste une autre chose pendant que j'y pense : en Ukraine, il me semble qu'au moment de la cyberattaque et de la panne d'électricité, une des raisons pour lesquelles on a évité une catastrophe, c'est qu'on a pu rebrancher le système manuellement. Je ne sais pas si c'est exact. Pourriez-vous nous le dire? Si c'est le cas, avons-nous la capacité de rebrancher manuellement le réseau électrique?
Le sénateur Day : Cela ressemblait à un court-circuit.
Le président : Pourriez-vous nous donner quelques explications à ce sujet?
M. Bradley : Bien sûr. Pour commencer, par rapport aux perturbations géomagnétiques et à l'impulsion électromagnétique, oui, nous recommandons que le gouvernement étudie davantage les perturbations géomagnétiques, mais l'industrie investit également. L'industrie continue d'investir à mesure que nous en savons davantage sur le sujet.
Vous avez raison; les perturbations géomagnétiques sont inévitables. Les éruptions solaires vont se poursuivre, c'est inévitable. C'est quelque chose dont nous tenons compte et que nous continuons d'étudier pour voir comment faire pour en limiter les effets. Ce n'est pas comme s'il n'y avait pas eu d'éruptions solaires depuis 1989. Nous avons appris et nous avons modifié nos activités et avons pris des mesures d'atténuation.
L'IEM est différente. Je ne dirais pas que l'IEM est inévitable. Je ne veux pas vivre dans un monde où je penserais qu'il est inévitable que nous ayons une nouvelle guerre nucléaire. Nous travaillons sur ce que nous connaissons. Nous savons ce qui est inévitable, et ce sont les perturbations géomagnétiques. Comme je l'ai dit, il ne s'agit pas simplement de demander au gouvernement de faire certaines choses. L'industrie elle-même continue de chercher à atténuer les impacts de ces perturbations géomagnétiques. Il n'y a pas eu de panne importante depuis des décennies, et ce n'est pas parce qu'il n'y a pas eu de perturbations géomagnétiques; c'est que nous avons appris et que nous continuons à apprendre comment faire face à ces phénomènes.
Le président : De façon concrète, qu'avez-vous fait? Quand vous parlez d'atténuation, cela ne me dit pas grand- chose. Avez-vous installé des transformateurs différents ou qu'avons-nous fait pour faire face à cette situation?
M. Bradley : Plus précisément, au sujet d'Hydro-Québec, je sais qu'ils ont installé un équipement spécial après 1989, du matériel spécifique.
Concernant les moyens d'atténuer ces effets, Colin voudra peut-être nous donner quelques explications, car Hydro One est une compagnie qui est à l'avant-garde dans ce domaine.
M. Penny : J'ai mentionné certaines des mesures d'atténuation que nous avons adoptées. Nous avons des moyens de surveiller ce qui se passe dans nos stations et notre système électrique en fonction de ce que causerait une perturbation géomagnétique et de ce à quoi ressemble un courant induit par une perturbation de ce genre.
Dans notre centre d'exploitation du réseau, nous avons des opérateurs qui sont assis aux tables et surveillent le réseau pour nous. Nous avons maintenant quelque chose qu'ils peuvent regarder et qui leur montre comment le réseau réagit à une tempête donnée. Ils sont maintenant aussi avertis de la venue d'une tempête. Je pense que l'on peut savoir le moment de l'arrivée d'une tempête et son ampleur huit minutes à l'avance. Ce sont toutes les nouvelles mesures d'atténuation que nous avons adoptées, en particulier pour les tempêtes solaires et leurs conséquences sur le réseau.
Le président : Nous arrivons à la fin, mais vous pourriez peut-être parler au comité de votre participation à la NERC, la North American Electric Reliability Corporation. Quelle est la participation du Canada?
Vous avez indiqué que la réglementation et l'application des normes relèvent de vous. Pourriez-vous nous dire si les normes ont été renforcées? Le cas échéant, y aura-t-il un délai après leur entrée en vigueur pour leur application générale au Canada? Vous pourriez peut-être nous en dire plus à ce sujet.
M. Bradley : Bien sûr. L'adoption des normes de fiabilité actuelles et de nos normes de protection des infrastructures essentielles, mais aussi des normes de fiabilité de base, est le résultat de la panne d'électricité de 2003. Cet événement a été la véritable impulsion. Nous en parlions, ainsi que d'autres, depuis un certain temps déjà —, car nous avions des normes auparavant, mais elles n'étaient pas exécutoires.
Il y a d'abord eu, en 2005, la loi adoptée par les États-Unis, puis les accords entre les États-Unis et les gouvernements du Canada et les organismes de réglementation canadiens qui ont lancé tout ce processus.
Nous avons donc des normes qui sont élaborées par cet organisme nord-américain, la North American Electric Reliability Corporation, qui est en effet une organisation nord-américaine. Un nombre garanti de Canadiens siègent à tous les comités permanents. Je suis moi-même membre du Comité de protection des infrastructures essentielles. M. Penny a participé en tant que membre de la NERC. L'ancien président du comité des membres représentants est un Canadien. L'ancien président du conseil d'administration est un Canadien. Nous avons des Canadiens présents dans toute cette organisation.
Les normes sont élaborées et constituent ensuite essentiellement un filet réglementaire des organismes de réglementation aux États-Unis et au Canada. Aux États-Unis, elles sont émises à l'échelle nationale par la Federal Energy Regulatory Commission. Au Canada, elles viennent des organismes de réglementation provinciaux dans le cadre d'un accord trilatéral entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.
Par conséquent, une norme de cybersécurité ou une norme de fiabilité entreront en vigueur et seront appliquées en Ontario par la Commission de l'énergie de l'Ontario et l'Independent Electricity System Operator. En Colombie- Britannique, ce sera par la BCUC. En Alberta, ce sera par l'Alberta Utilities Commission et au Québec, par la Régie de l'énergie.
Nous avons adopté cette approche en raison de l'interconnectivité de l'électricité. Dans un système connecté, on ne peut pas avoir deux procédures opérationnelles et des normes d'exploitation différentes. Ce serait comme construire une maison où on aurait 60 cycles en bas et 50 cycles à l'étage. Cela ne fonctionne pas. Nous devons donc avoir les mêmes normes partout en Amérique du Nord, mais nous avons réussi à établir un filet de sécurité réglementaire qui respecte les différentes compétences au Canada et aux États-Unis et finalement au Mexique, puisque son système commence à être intégré aux réseaux nord-américains.
Le président : Voilà une bonne explication du fonctionnement.
J'aimerais revenir sur la question de l'application de ces normes. Quel est l'organisme de surveillance qui s'assure qu'elles sont appliquées? C'est une chose de dire que ce sera fait et une autre d'assurer l'application, ce qui est dans l'intérêt de tous, y compris le vôtre.
Comment savez-vous que les normes sont appliquées? Avez-vous un rapport tous les ans? Comment cela fonctionne-t-il?
M. Bradley : Oui, il y a un cycle de vérifications permanent de la NERC, et mes membres m'assurent qu'elles sont très rigoureuses, mais pas toujours agréables. Elles prennent beaucoup de temps, mais chaque membre de la NERC passe par un processus de vérification rigoureux qui permet de voir s'il respecte les exigences.
Le président : Chers collègues, je vois que l'heure avance. Y a-t-il d'autres questions pour nos témoins?
Je tiens à vous remercier pour votre patience et pour être venus témoigner, ainsi que pour la concision de votre présentation et des recommandations. Nous les étudierons avec soin.
La séance est levée.
(La séance est levée.)