Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule no 4 - Témoignages du 30 mai 2016
OTTAWA, le lundi 30 mai 2016
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 h 3, pour examiner le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada (inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada) et d'autres lois en conséquence, et pour étudier les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris actuellement par le gouvernement.
Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi 30 mai 2016. Avant de commencer, j'aimerais présenter les personnes qui se trouvent à la table. Je suis le sénateur Dan Lang, et je représente le Yukon. À ma gauche se trouve Adam Thompson, greffier du comité. J'aimerais maintenant inviter chaque sénateur à se présenter et à préciser la région qu'il ou elle représente, à commencer par la vice-présidente.
La sénatrice Jaffer : Je m'appelle Mobina Jaffer, et je suis de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Kenny : Colin Kenny, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Sénateur Jean-Guy Dagenais, du Québec.
[Traduction]
Le sénateur Oh : Victor Oh, de l'Ontario.
Le sénateur Moore : Bienvenue, monsieur le ministre. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur White : Vernon White, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Carignan : Sénateur Claude Carignan, du Québec. Bonjour, monsieur le ministre.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, notre séance aujourd'hui durera quatre heures. Notre premier groupe de témoins parlera de l'étude du projet de loi S-205, dont le sénateur Wilfred Moore de la Nouvelle-Écosse est le parrain. Le projet de loi S-205 vise à modifier la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada (inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada) et d'autres lois en conséquence. Le projet de loi vise à augmenter la surveillance et la responsabilisation à l'Agence des services frontaliers du Canada en créant le poste d'inspecteur général. Le projet de loi prévoit aussi que l'inspecteur général examine les plaintes du public et que les tribunaux offrent des recours judiciaires aux plaignants.
Ce projet de loi relève du mandat ministériel du ministre responsable de l'Agence des services frontaliers du Canada, l'honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique.
Chers collègues, c'est assurément un très bon signe que le ministre responsable soit disposé à comparaître devant le comité pour parler de ce projet de loi.
Monsieur le ministre, c'est la première fois que vous comparaissez devant le comité. J'aimerais vous souhaiter la bienvenue tout particulièrement. Vous avez, si j'ai bien compris, une déclaration préliminaire.
L'honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Oui, j'en ai une, monsieur le président, et je vous remercie de cette invitation. Je suis heureux d'être ici avec vous pour cette discussion, surtout sur le sujet qui a été présenté au Sénat par mon ami, le sénateur Moore.
Je suis très heureux d'être ici avec vous pour discuter du projet de loi S-205. Comme vous l'avez précisé, monsieur le président, ce projet de loi a pour but de modifier la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada afin de créer un organisme d'examen indépendant pour l'ASFC qui serait dirigé par un inspecteur général.
[Français]
L'Agence des services frontaliers du Canada est un organisme crucial pour protéger la sécurité des Canadiens. Lorsqu'elle exerce son mandat, elle est littéralement au front, travaillant tous les jours pour assurer la sécurité des Canadiens.
[Traduction]
Laissez-moi vous donner une idée de ce que le travail de l'ASFC représente, et de ce que cela signifie du point de vue des résultats pour les Canadiens. À dire franchement, je crois que c'est une agence qui n'est pas très bien connue.
En 2015, la ligne de front de l'ASFC a traité environ 95 millions de voyageurs arrivant au Canada. Autrement dit, elle traitait les voyageurs entrant au pays au rythme d'environ 260 000 par jour. Elle a traité 13 millions de mainlevées commerciales en 2015, et plus de 32 millions d'expéditions de messageries. Chaque jour, le personnel de l'ASFC contribue au transport des marchandises d'un bout à l'autre de la plus longue frontière internationale à un taux de plus de 1 million de dollars par minute. L'ASFC a également recueilli environ 29 milliards de dollars en droits et taxes, ce qui représente 10 p. 100 des recettes du gouvernement du Canada.
Quant à l'application de la loi, les agents de l'ASFC ont fait plus de 8 000 saisies de drogues et près de 3 000 saisies d'armes prohibées.
L'ASFC effectue la tâche colossale de sécuriser nos frontières nationales tout en assurant la prospérité économique de tous les Canadiens, et elle le fait avec beaucoup de succès. Ceci dit, monsieur le président, étant donné les pouvoirs et les autorisations dévolus à cet organisme, il est absolument crucial de mettre en place un système d'examen efficace.
Actuellement, plusieurs mécanismes d'examen sont en place pour traiter les plaintes des voyageurs. Il existe également plusieurs processus internes et externes d'examen en matière d'immigration et de douanes. Par exemple, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés prévoit une vaste gamme de recours, tant pour l'examen ministériel et l'examen par l'organisme indépendant et quasi judiciaire qu'est la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, que pour l'examen par la Cour fédérale.
Cependant, l'ASFC n'a pas de processus d'examen indépendant de la conduite de ses agents, et c'est là une lacune qui doit être comblée comme le sénateur Moore a l'intention de le faire par le truchement de ce projet de loi.
Monsieur le président, bien que je sois en accord avec l'esprit qui sous-tend le projet de loi S-205, il m'est impossible de l'appuyer maintenant, et ce, pour deux raisons. La première est que le projet de loi comporte des problèmes techniques relativement à la façon dont il est rédigé. La deuxième est que le gouvernement est sur le point de lancer, presque immédiatement, un processus de consultation publique sur notre cadre de sécurité nationale qui touchera directement ce projet de loi, et il me faut disposer des résultats de cette consultation avant de m'engager à l'endroit d'une loi précise.
Sur le plan des problèmes techniques, permettez-moi de commencer par l'utilisation du mot « monitor » en anglais, rendu par « contrôler » en français, dans le mandat proposé de l'inspecteur général. À mon avis, ce terme n'est pas suffisamment clair. Est-il question d'une supervision en temps réel ou d'une surveillance des activités quotidiennes, ou encore d'un examen après les faits? À mon avis, cela doit être précisé et vérifié.
Il est également difficile de savoir si le mandat de l'inspecteur général peut comprendre le contrôle de toutes les activités de l'ASFC, y compris de ses activités opérationnelles, administratives et de gestion.
De plus, le projet de loi ne permet pas d'établir la manière dont l'inspecteur général interagirait avec les processus d'examen qui existent déjà à l'ASFC et au dehors, y compris avec les organismes indépendants et quasi judiciaires comme la CISR, le Tribunal canadien du commerce extérieur et la Commission de révision agricole du Canada, et avec les processus qui sont prévus par la législation et auprès des tribunaux, s'il devait interagir avec ces processus.
Cela pourrait donner lieu à la duplication des activités d'examen, à de la confusion et à un risque de résultats contradictoires. Tout ceci doit être pris en compte très attentivement parce que nous voulons disposer d'un mécanisme d'examen qui fonctionne efficacement pour les Canadiens.
[Français]
En outre, ce projet de loi autoriserait l'inspecteur général à avoir accès à toute l'information qui est sous le contrôle de l'ASFC, y compris les documents confidentiels du Cabinet. Comme point de comparaison, j'aimerais souligner que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui examine les activités du SCRS, n'a pas accès à ce type d'information.
[Traduction]
Monsieur le président, pour ces raisons, je m'oppose au projet de loi S-205 dans son état actuel. Cela ne veut pas dire, toutefois, que je m'oppose à l'intention derrière ce projet de loi. Bien au contraire. J'appuie cette intention, et je félicite le sénateur Moore d'avoir amené cette question dans le domaine public, comme il l'a fait auparavant.
Notre gouvernement a été très clair quant à la nécessité de renforcer l'examen et la responsabilisation dans notre cadre d'ordre général en matière de sécurité nationale, et cela doit inclure un processus d'examen pour l'ASFC. De fait, nous prenons les mesures nécessaires pour que les décisions liées aux mécanismes d'examen des activités de l'ASFC soient fondées sur des données probantes.
Le gouvernement s'est engagé à établir un comité de parlementaires, y compris des sénateurs, chargé d'examiner et de scruter les activités en matière de sécurité et de renseignement de tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada, y compris l'ASFC. Le leader du gouvernement à la Chambre des communes, M. LeBlanc, a fermement l'intention de présenter des mesures législatives à cet égard avant l'été. Cela constituerait donc un tout nouvel élément d'examen dans l'architecture de sécurité nationale de notre pays. C'est un sujet qui a bien été soulevé au cours des 12 dernières années. Le vérificateur général l'a qualifié de lacune dans notre système d'examen des activités de renseignement et de sécurité.
Une mesure législative a été déposée à la Chambre des communes en 2004 ou 2005. Elle n'a pas été adoptée à cette époque, mais l'idée circule depuis un certain temps déjà. Le Canada est une anomalie dans le monde occidental en n'ayant pas un instrument parlementaire assurant cet examen des activités de renseignement et de sécurité. Nous proposons de remédier à cette anomalie. Nous présenterons un projet de loi avant l'ajournement de la Chambre plus tard en juin.
De plus, nous lancerons bientôt une consultation publique très approfondie sur notre cadre de sécurité nationale. J'espère que le comité songera à apporter sa contribution à cette consultation. Nous avons attendu trop longtemps au Canada avant d'avoir une discussion sérieuse sur deux impératifs cruciaux simultanés sur le plan de l'intérêt public. Premièrement, assurons-nous la sécurité des Canadiens de la façon la plus efficace possible? Deuxièmement, protégeons-nous les valeurs, les droits et les libertés des Canadiens, ainsi que le caractère généreux, ouvert, inclusif et diversifié de notre pays? Ce sont deux choses que nous devons accomplir simultanément.
Une partie de cette consultation permettra d'examiner la façon dont les organismes existants de surveillance et d'examen fonctionnent. De plus, la consultation aidera à identifier le type d'examen indépendant nécessaire pour les agences de sécurité qui ne disposent actuellement pas d'un tel organisme, comme l'ASFC.
Les résultats de cet examen pourraient très bien mener à la conclusion que l'ASFC devrait se doter d'un inspecteur général dont le mandat sera semblable à celui que l'on trouve dans le projet de loi du sénateur Moore. Cependant, je crois fermement que les résultats de la consultation devraient précéder la création d'un tel poste. Il se peut très bien qu'il y ait d'autres moyens d'assurer le mécanisme d'examen.
Enfin, dans l'intérêt d'offrir davantage de transparence et une reddition de comptes accrue, j'ai ordonné que Sécurité publique Canada entreprenne une vaste évaluation interne de toutes les fonctions d'examen qui existent dans le portefeuille de la Sécurité publique en ce qui concerne la GRC, en ce qui concerne le SCRS et en ce qui concerne toutes les autres activités dans le ministère. L'objectif de cet examen serait de cerner les lacunes et les pratiques exemplaires pour veiller à ce que les organismes d'examen aient la capacité et l'aptitude de s'acquitter avec efficacité et efficience de leur mandat respectif.
Les conclusions découlant de ces initiatives seront pertinentes pour la discussion sur l'avenir d'un mécanisme d'examen pour l'ASFC.
En conclusion, monsieur le président, je tiens à assurer à tous les membres du comité qu'en tant que ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, je me suis engagé à garantir que nos services frontaliers sont de classe mondiale et dignes de la confiance des Canadiens. Pour accomplir ces deux choses, il est nécessaire d'établir un organisme quelconque d'examen, et nous avons l'intention de le faire après la consultation.
J'ai hâte de travailler de manière constructive avec tous les parlementaires des deux chambres du Parlement pour atteindre ce but.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Votre déclaration préliminaire m'a grandement impressionné. Elle nous a fourni un grand nombre de renseignements, mais bien entendu elle entraîne aussi de nombreuses questions. Je vais commencer les questions avec le sénateur Carignan, parce qu'il va devoir quitter très bientôt, puis nous passerons au sénateur Moore, étant donné qu'il est le parrain de ce projet de loi. Sénateur Carignan, à vous la parole.
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur le ministre, j'ai écouté votre présentation. D'un côté, vous dites que le projet de loi vous pose des problèmes sur le plan technique, mais aussi en ce qui concerne la question de l'adopter maintenant sans avoir à procéder à une consultation nationale sur le système de sécurité, laquelle pourrait avoir un impact sur le projet de loi.
Dans la même présentation, vous nous dites que vous avez l'intention de présenter un projet de loi qui prévoirait la création d'un comité de parlementaires composé de députés et de sénateurs qui aurait le mandat d'examiner les activités du Service canadien du renseignement de sécurité.
Comment se fait-il qu'il soit acceptable de présenter un projet de loi sur la surveillance des activités du SCRS, sans attendre les résultats d'une consultation publique, et qu'il ne soit pas bon d'aller de l'avant maintenant avec le projet de loi du sénateur Moore? À moins que, dans le cadre de cette consultation nationale, la création du comité parlementaire fasse partie de la consultation, nonobstant le dépôt du projet de loi avant l'ajournement pour l'été.
Pourriez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
[Traduction]
M. Goodale : Merci, monsieur le sénateur. Durant la campagne électorale, nous nous sommes clairement engagés à établir un comité de parlementaires. C'était une promesse explicite aux Canadiens dans le cadre d'une réaction gouvernementale globale aux retombées du projet de loi C-51. Une des plus fortes critiques contre le projet de loi C-51 était que la loi conférait de nouveaux pouvoirs sans prévoir de nouveaux éléments de revue, de surveillance, ni d'examen. Durant la période électorale, nous avons promis aux Canadiens de remédier à ce défaut.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration, le vérificateur général et les législatures précédentes ont beaucoup travaillé à ce sujet, mais aucune loi n'a été adoptée à cet effet par le Parlement, malgré tout le travail accompli. En outre, j'ai écouté très attentivement ce que les députés ont dit publiquement depuis l'élection au sujet de ces questions, ce qui a été dit au sujet du projet de loi C-51.
J'ai aussi eu l'occasion de consulter nos alliés du Groupe des cinq en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux États-Unis et au Royaume-Uni. J'ai personnellement entrepris un certain examen détaillé des approches à ces questions au Royaume-Uni, ainsi qu'en France. Nous avons, à mon avis, une proposition très bien élaborée pour le comité de parlementaires, et nous nous étions engagés à le rendre public le plus rapidement possible.
C'est une mesure que parraine le leader du gouvernement à la Chambre des communes parce qu'elle touche à la fois le Parlement et l'architecture de l'exécutif. La substance des activités en matière de sécurité qui doivent être accomplies relève principalement de mon ministère et de mon portefeuille, mais pas exclusivement. De fait, il y a 17 ministères et agences du gouvernement du Canada qui ont un certain rôle sur le plan de la sécurité ou du renseignement.
Nous estimons donc que nous sommes très bien avancés et bien placés pour présenter la loi au comité de parlementaires.
Mais ce n'est là qu'un seul des éléments requis pour la réaction au projet de loi C-51. Il y aura d'autres éléments. Le nouveau bureau de sensibilisation communautaire et de coordination de la lutte contre la radicalisation fera partie de la réponse. Une réponse plus détaillée sur la cybersécurité fera partie de ce que nous allons proposer. Des modifications précises à la loi canadienne de lutte contre le terrorisme feront partie de la réponse, et nous avons décrit certaines de ces propositions dans la plateforme électorale.
Tandis que nous faisions tout ce travail au cours des six derniers mois environ, il est devenu évident qu'il y a, dans l'architecture existante, des lacunes au niveau des procédures d'examen qu'un comité de parlementaires ne pourra résoudre entièrement. Cela ajoutera un nouveau niveau d'activités, mais ne réglera pas forcément les lacunes dans l'architecture en deçà de ce niveau d'activités. Une de ces lacunes concerne l'ASFC. Nous convenons tout à fait du principe que propose le sénateur Moore, mais nous avons besoin d'un peu plus de temps et nous aimerions consulter les Canadiens sur la façon précise de bien faire les choses.
Ce pourrait être l'expansion d'une organisation comme la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, ou ce pourrait être une version autonome de cela, qui s'applique exclusivement à l'ASFC. Ce pourrait aussi être le concept d'un super-CSARS que certaines personnes, comme le professeur Forcese, par exemple, ont proposé. Il existe différentes permutations et combinaisons que nous aimerions examiner en détail. Nous allons combler cette lacune. La question est de savoir comment le faire correctement.
Le sénateur Moore a présenté une idée utile. Nous voulons envisager toutes les idées et nous assurer de présenter la meilleure proposition.
[Français]
Le sénateur Carignan : Vous semblez réticent à accorder des pouvoirs à l'inspecteur général, tel que le propose le sénateur Moore, et à lui donner accès aux documents du Cabinet.
Est-ce que je comprends que cette réticence pourrait s'étendre aussi au comité de parlementaires, ce qui ferait en sorte que vous ne voudriez pas donner accès aux renseignements du Conseil des ministres à ce comité de parlementaires chargé d'exercer une surveillance du SCRS?
[Traduction]
M. Goodale : Les détails seront précisés dans le projet de loi. Comme je l'ai dit, le ministre LeBlanc a hâte de présenter ce projet de loi très rapidement afin qu'il puisse être du domaine public et que les Canadiens puissent le prendre en considération.
L'objectif, toutefois, est de préciser aux députés quelles sont les personnes qui bénéficieront de la cote de sécurité appropriée en ce qui concerne la confidentialité, et qui auront un accès extraordinaire à des renseignements privilégiés et confidentiels de sorte qu'elles puissent s'acquitter efficacement de la fonction d'examen. Les détails exacts de la façon dont l'architecture se présentera seront précisés dans le projet de loi, très bientôt.
Le sénateur Moore : Merci, monsieur le ministre, de votre présence aujourd'hui.
Je suis encouragé d'entendre, dans vos observations, que vous appuyez l'esprit du projet de loi, que vous n'avez pas écarté l'idée d'un inspecteur général ou d'un bureau de ce genre pour cette fonction.
M. Goodale : C'est effectivement, sénateur Moore, une des options envisagées.
Le sénateur Moore : Je vous remercie de cela. Vers la fin, vous avez dit que vous êtes déterminé à ce que nos services frontaliers soient de classe mondiale et dignes de la confiance des Canadiens. C'est d'une importance primordiale.
M. Goodale : En effet, ça l'est.
Le sénateur Moore : À l'heure actuelle, permettez-moi de vous dire que cela n'existe pas pour la simple raison que vous avez à envisager un processus d'examen. Il n'en existe aucun. C'est interne. Je ne crois pas que les visiteurs dans notre pays soient réconfortés à l'idée qu'ils bénéficieront d'une audience et d'un traitement justes et équitables quand les choses sont faites à l'interne. Voilà pourquoi il est important que l'inspecteur général soit un arbitre indépendant dans tout ce processus, que ce soit par le truchement de ce que vous pourrez produire, ou du projet de loi dont est saisi le comité.
Vous avez mentionné la présentation de votre projet de loi avant l'ajournement de l'été.
M. Goodale : Je parle du projet de loi sur les parlementaires.
Le président : La surveillance.
Le sénateur Moore : C'est le projet de loi sur la création d'un comité de surveillance.
M. Goodale : Il s'agit d'une loi établissant un comité de parlementaires dont le mandat est d'examiner les activités de tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada qui assurent une fonction de sécurité et de renseignement.
Le sénateur Moore : Donc, le projet de loi est présenté en juin, mais ne fera probablement pas l'objet d'un débat avant l'automne, j'imagine.
M. Goodale : Ciel, que vous êtes pessimiste!
Le président : Il est réaliste.
Le sénateur Moore : Je suis tout simplement conscient du fait que cela est en cours depuis bien longtemps. C'est ma deuxième tentative, monsieur le ministre.
M. Goodale : Je sais. Vous êtes persévérant, et c'est très bien, monsieur Moore.
Le sénateur Moore : Enfin, nous avons un projet de loi, puis vous allez tenir le processus de consultation sur le projet de loi. Vous déposerez le projet de loi, puis vous allez consulter le public en général — les Canadiens. J'essaie simplement de déterminer l'échéancier, quand le projet de loi proposé arrivera au stade où il deviendra une loi. Nous avons besoin de quelque chose, monsieur le ministre.
M. Goodale : Notre objectif est de conclure nos consultations dans les six mois. Les Canadiens sont très intéressés à être consultés sur les questions de sécurité nationale. Le moment en octobre était plutôt unique, si je me souviens bien, et les semaines suivant octobre 2014 quand les Canadiens se sont unis de façon plutôt extraordinaire pour manifester leur désir que nous examinions notre appareil de sécurité et l'améliorions, et nous assurions que nous faisons les deux choses que j'ai mentionnées dans ma déclaration préliminaire : assurer la sécurité publique et protéger les valeurs, les droits et les libertés des Canadiens.
Malheureusement, le gouvernement a choisi d'aller dans un autre sens, à l'époque, de façon unilatérale dans sa production du projet de loi C-51, et un grand nombre de Canadiens ont jugé ce projet de loi problématique, c'est le moins qu'on puisse dire.
Par conséquent, en produisant nos propositions d'amélioration de l'architecture, nous voulons offrir maintenant aux Canadiens la possibilité d'être entendus.
Le sénateur Moore : Quand allez-vous commencer la consultation?
M. Goodale : Au cours de l'été. Le processus débutera par un document de travail décrivant le contexte et, essentiellement, les événements de la dernière décennie qui ont fait remonter à la surface les questions de sécurité dans l'esprit du public. Il décrira où nous en sommes maintenant, énumérera les changements que nous proposerons et demandera aux Canadiens ce qu'ils aimeraient voir d'autre.
Le président : Sénateur Moore, je vous accorde beaucoup de latitude; allez-y.
Le sénateur Moore : Merci, monsieur le président.
Vous devriez savoir, monsieur le ministre, et je suis sûr que vous le savez, que ce comité a recommandé la création de cet organisme de surveillance dans son rapport en juin dernier.
M. Goodale : Oui, effectivement.
Le sénateur Moore : Je crois que les agents de l'ASFC ont plus de pouvoirs que la police. Il leur suffit d'avoir un soupçon, un simple soupçon, et ils peuvent agir. Je ne crois pas qu'avec ce genre de structure, les Canadiens apprécient les agents et l'agence et leur accordent la confiance qu'ils méritent. À mon avis, un mécanisme quelconque de surveillance serait utile.
M. Goodale : Tout se résume à la transparence et à la responsabilisation.
Le sénateur Moore : Tout à fait. Mes actions ont été motivées par une dame du nom de Lucia Vega Jimenez qui est morte dans une cellule de détention à Vancouver. Elle venait au Canada, avait des problèmes de formalités d'immigration et a été mise dans une cellule. Aucune aide juridique ni médicale ne lui a été autorisée. La menace d'expulsion planant sur elle, elle était très déprimée, et avait peur de réintégrer sa relation. Elle pensait qu'elle pourrait mourir. Elle s'est pendue dans sa cellule.
L'ASFC exploite quatre prisons et a des liens avec d'autres provinces qui lui permettent d'utiliser leurs installations, et les sénateurs, les juges et vous-mêmes n'avez pas accès à ces installations parce que ce sont des centres de détention ordinaires.
Quoi que vous décidiez de faire, monsieur le ministre, en matière de projet de loi, j'espère simplement que vous tiendrez compte de ces problèmes, creuserez jusqu'à la racine et produirez un système de plainte indépendant de l'agence elle-même, de sorte que les gens sentent que leur cause sera entendue équitablement et que la primauté du droit et la justice naturelle règnent au Canada.
M. Goodale : Ce sont là de solides arguments que vous avancez, sénateur Moore.
Je peux vous dire que j'ai personnellement visité ce centre de détention la semaine dernière et posé des questions au sujet de ce cas en particulier. De toute évidence, en ma qualité de ministre, je ne peux parler de choses précises concernant une personne en particulier.
Nous procédons actuellement à un certain nombre de révisions importantes se rapportant à des questions de détention dans notre système d'immigration et d'administration frontalière. J'espère pouvoir présenter ces propositions plus tard cette année. C'est avec plaisir que je reviendrai parler de ces questions avec ce comité une fois qu'elles seront du domaine public.
Les organismes comme le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont accordé au Canada des cotes assez élevées, mais je tiens à m'assurer que nous faisons de notre mieux, le plus humainement possible.
Le sénateur Moore : Nous avons quelques lacunes, monsieur le ministre. Vous savez quelles sont ces lacunes.
M. Goodale : Nous avons certaines lacunes. Je suis déterminé à les régler, et je crois que votre projet de loi est une contribution fort utile à la discussion.
Le président : Avant de passer à la sénatrice Jaffer, j'aimerais quelques éclaircissements sur un certain nombre de points dont il est question. Un se rapporte au comité parlementaire de surveillance, constitué des deux chambres, je l'espère, une fois qu'il sera institué.
M. Goodale : Oui, c'est cela.
Le président : Ma question se rapporte strictement au projet de loi en question.
Je vais vous mettre un peu sur la sellette ici, mais si ce projet de loi n'est pas adopté, quel échéancier envisagez-vous pour le dépôt à la Chambre des communes et au Sénat d'un projet de loi visant à établir une surveillance de l'Agence des services frontaliers du Canada?
M. Goodale : J'aimerais que nous avancions le plus rapidement possible à cet égard après la fin des consultations. J'espère conclure ces consultations avant la fin de l'année, donc, mon objectif serait la première partie de 2017.
Le président : Bon. Je crois que c'est assez clair.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, merci beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui. Votre tâche est loin d'être facile, mais vous connaissant depuis de nombreuses années, je peux dire que nul autre que vous n'est plus capable d'y faire face.
J'aimerais donner suite à ce que le sénateur Moore disait. Vous avez aussi dit dans votre déclaration qu'il n'y a présentement pas d'examen indépendant de la conduite des agents, et qu'il y a une lacune à combler.
Monsieur le ministre, vous savez que je viens de la Colombie-Britannique. Vous étiez là-bas récemment et avez vu où Mme Jimenez s'est pendue dans un centre d'immigration sous l'aéroport de Vancouver. Elle est peut-être restée plus longtemps qu'elle n'était autorisée à le faire, mais cette femme n'était pas une criminelle. Je ne connais pas ses circonstances personnelles, mais ce n'était pas une criminelle et elle était dans un centre de détention.
Il y a un an, Abdurahman Hassan est mort sous la garde de l'ASFC. Les détails de sa mort demeurent un mystère. J'ai essayé de découvrir comment il est mort, mais c'est encore un mystère. Le 7 mars, Melkioro Gahungu du Burundi s'est aussi tué dans un centre de détention.
Monsieur le ministre, je sais que vous avez déclaré — et je vous crois tout à fait — que vous instituerez un système de calibre mondial. Cependant, pouvons-nous avoir un engagement de votre part aujourd'hui que nous ne détiendrons plus des jeunes?
En février, sous votre gouverne, un mineur de 16 ans et un réfugié connu seulement sous le nom de Mohamed a été sous garde en isolement pendant trois semaines. C'est ce que j'ai appris, mais je pourrais me tromper. Ceci va à l'encontre de la Convention des Nations Unies contre la torture.
Monsieur le ministre, je vous ai entendu. Vous avez dit que vous travaillez à la surveillance. Ce sont des choses importantes. Je respecte cela; mais pouvons-nous obtenir de vous aujourd'hui un engagement que nous ne détiendrons plus des mineurs, et surtout ne les séquestrerons plus?
M. Goodale : Madame la sénatrice, j'apprécie ce que vous dites. Je voudrais bien pouvoir vous donner un engagement absolu, immuable, à cet égard. Tout ce que je peux vous répondre, c'est que j'ai besoin d'apporter quelques changements au système, y compris au niveau de la capacité physique, avant de pouvoir prendre un tel engagement sans équivoque.
Je veux arriver à ce stade. J'en ai parlé avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, avec les organisations au Canada qui représentent les réfugiés et les avocats qui représentent les réfugiés, ainsi que de nombreux autres groupes d'intérêt, y compris la BC Civil Liberties Association en Colombie-Britannique.
Le système est affligé de problèmes qui vont au-delà du simple changement de procédures. La capacité physique est un problème. Nous devons apporter certains changements à ce niveau pour pouvoir intégrer d'autres options.
Vous avez peut-être remarqué que l'ASFC a lancé il y a environ une semaine une demande de propositions d'autres solutions que la détention. Certaines personnes ont déclaré, par exemple, qu'une certaine forme de surveillance électronique serait appropriée dans un grand nombre de cas. Cela entraîne des problèmes de libertés civiles, mais c'est peut-être une solution qui pourrait être envisagée dans certains cas.
À Toronto, il y a une initiative appelée le Toronto Bail Project, qui présente d'autres solutions que la détention. J'ai demandé à mes fonctionnaires d'examiner toutes ces solutions possibles, ainsi que tout problème éventuel au niveau des ressources ou du budget, afin de veiller à ce que la détention ne soit utilisée que dans les cas où elle est absolument essentielle et, où il n'y a pas d'autre solution, que les installations soient rénovées et que nous évitions carrément de détenir des enfants. Ça devient une question difficile quand cela représente séparer parents et enfants.
Ce n'est donc pas aussi simple qu'en apparence, mais mon objectif s'harmonise certainement avec le vôtre.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, je crois certainement que vous ferez un excellent travail à ce sujet, mais puis-je vous demander d'envisager deux choses? La première serait d'étudier le système qu'ils ont en France. J'ai personnellement visité des endroits là-bas où les jeunes sont détenus; ils ne les détiennent pas dans des centres de détention, ils les placent dans des pensionnats et les éduquent. C'est un système extraordinaire qu'ils ont en France.
Deuxièmement, j'aimerais que vous examiniez les lignes directrices concernant le genre, surtout dans le cas des femmes. Nous avons des lignes directrices dans le système des réfugiés. Pourriez-vous mettre en œuvre des lignes directrices sur le genre pour les cas où, par exemple, une femme a été victime de violence? Ce sont là mes suggestions.
Vous ne pourrez peut-être pas répondre entièrement à ma question, mais envisagez-vous un mécanisme de surveillance distinct pour l'ASFC? J'imagine qu'il y aurait un système global de surveillance, puis qu'il y aurait des parties dans lesquelles l'idée de l'inspecteur général avancée par le sénateur Moore pourrait être intégrée.
M. Goodale : Je suivrai certainement les pistes que vous avez suggérées. Quant à votre dernière question, c'est une question complexe concernant la conception du système, mais oui, en principe, c'est ce que nous cherchons à faire.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, merci de votre présentation.
Le projet de loi S-205 propose que l'inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada soumette un rapport d'intérêt public et qu'il vous soumette également un rapport.
Quelle importance accorderez-vous à ce rapport et, s'il y en a, aux recommandations énoncées dans ce rapport?
[Traduction]
M. Goodale : Je suppose, sénateur, que la réaction à ces rapports pourrait varier entre les ministres, mais de mon point de vue, ces rapports seront absolument cruciaux. Je les examinerai en tant qu'évaluation indépendante de ce qui fonctionne et de ce qui ne fonctionne pas. Si les personnes qui procèdent à l'analyse et à la rédaction des rapports me disent à moi, ministre concerné, qu'une chose précise ne va pas et qu'elle doit être réglée, je dois faire de mon mieux pour donner suite à leurs conseils. Donc, je les traiterai sérieusement, et j'espère que tout ministre dans ces fonctions ferait de même.
Le sénateur Dagenais : Voyez-vous d'un bon œil le fait que le projet de loi propose que tant le Sénat que la Chambre des communes soient consultés dans la nomination et le retrait de l'inspecteur général? J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.
M. Goodale : D'un point de vue technique et procédural, je ne m'oppose pas à ce principe. Quand on sélectionne une personne pour ce genre de fonction, il faut une personne qui, de par sa nature, est suffisamment crédible pour que le travail qu'elle accomplit ait un impact. Pour la sélection, si nous adoptons la structure particulière proposée par le sénateur Moore, j'accueillerai bien le plus grand nombre de propositions de bons candidats qui pourraient assumer ces fonctions.
Au-delà de la crédibilité du dirigeant de l'organisme, cependant, il faut aussi un personnel solide qui puisse exécuter le travail de recherche nécessaire pour faire en sorte que, quelle que soit l'autorité d'examen en bout de ligne, la personne ou le groupe de personnes dispose de renseignements solides sur lesquels fonder les rapports.
Le sénateur Kenny : Bienvenue, monsieur le ministre. Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous féliciter du travail que vous avez accompli à Fort McMurray, et de l'efficacité avec laquelle votre ministère a fait face à la situation.
M. Goodale : Hélas, monsieur le sénateur, cet incendie n'est pas encore éteint; je crois toutefois que tous les Canadiens ont réagi d'une façon extraordinaire à la situation. Nous ferons tout le nécessaire pour veiller à ce que les personnes de Fort McMurray puissent revenir à leur ville le plus rapidement et le plus efficacement possible.
Le sénateur Kenny : Le comité a apprécié en principe l'approche du sénateur Moore, et voilà pourquoi il l'a appuyée. Cependant, je peux comprendre que le gouvernement soit à la recherche d'une approche beaucoup plus vaste. Votre échéancier m'inquiète. Le fait que vous prévoyiez déposer un projet de loi pour l'examen parlementaire avant que les résultats de votre examen ministériel aient été publiés est, à mon avis, problématique. En tant que parlementaire, j'aimerais d'abord savoir dans quel contexte nous créons un examen parlementaire pour que je puisse juger de la valeur du projet de loi par la suite.
Vous nous demandez d'aller de l'avant et de créer un comité auquel certains pouvoirs et certaines autorités sont conférés sans savoir comment le reste de l'organisation s'y adapte, et c'est très difficile. J'aimerais vous demander de prendre cela en considération très sérieusement et, peut-être, de réorganiser la façon dont vous abordez cela.
M. Goodale : Eh bien, j'apprécie votre préoccupation. Nous voulons faire avancer ces dossiers le plus rapidement possible. Le dossier le plus clair et le plus établi est celui de la création du comité de parlementaires. La majeure partie du reste de l'architecture s'imbrique ou s'intègre dans cet élément de base. Si l'on en juge par la façon dont les événements se déroulent ici, la consultation avancera tandis que le projet de loi est dans le domaine public; par conséquent, le Parlement aura de nombreuses occasions de déterminer la rapidité avec laquelle une chose avance par rapport à l'autre. Ceci pourrait donc finir par être un processus simultané, qui pourrait contribuer à renseigner les deux côtés.
Le sénateur Kenny : Vous avez parlé de 17 organismes. Ce week-end, M. LeBlanc a parlé de 19 organismes. C'est un nombre impressionnant d'organismes avec lequel un comité parlementaire aurait à traiter et qu'il devrait examiner adéquatement.
M. Goodale : Ça l'est, en effet.
Le sénateur Kenny : J'ai vécu l'expérience d'être vice-président d'un comité de parlementaires qui a examiné cette question la dernière fois que le gouvernement du jour s'y intéressait. Nous avons visité les pays du Groupe des cinq. À l'exception des États-Unis, aucun de ces pays ne procède à une surveillance; ils faisaient tous un examen. J'assume que c'est dans cette voie que vous vous dirigerez maintenant.
Mais quand on pense à un comité parlementaire — à moins que vous n'envisagiez un très grand comité qui serait subdivisé en sous-comités — traitant avec 19 organismes différents avec une ou deux réunions par semaine, 35 ou 37 semaines par année, ce comité n'aurait pas grand temps d'accomplir quoi que ce soit d'utile. Si on prend l'exemple du CSARS qui ne traite que d'une petite partie de son mandat chaque fois, ce n'est pas un examen. À moins que vous n'établissiez un organisme à plein temps, nous ne ferons que perpétuer le mythe que nous avons un examen.
Pouvez-vous nous expliquer comment un comité devant surveiller 19 organismes pourrait effectivement faire un travail raisonnable et assurer la surveillance à laquelle les gens s'attendront?
M. Goodale : Par principe, sénateur Kenny, je crois qu'il est important que le comité de parlementaires ait une portée entière de sorte qu'il puisse aller dans toute partie du gouvernement qu'il pense devoir examiner. Il serait problématique si le projet de loi disait, par exemple, « Le comité peut examiner le CSRS, mais pas le CSTC. » La portée doit être totale. Cela signifie, par définition, que les personnes choisies pour faire partie de ce comité auront une charge de travail très lourde. Elles devront être appuyées par des ressources et un personnel de recherche adéquats pour pouvoir accomplir le travail que nous leur confions.
L'autre élément important dont il faut tenir compte dans la discussion sur ce projet de loi et sur l'architecture globale est qu'on n'a rien à gagner en créant deux ou trois organismes d'examen différents analysant les mêmes questions dans le même organisme encore et encore à moins qu'il n'y ait un problème monumental quelconque qui ait besoin d'être analysé.
Le comité de parlementaires et tous les autres organismes d'examen — le CSARS, la CCETP et les nouvelles dispositions que nous prenons à l'endroit de l'ASFC et le commissaire dont relève le CSTC — devront tous s'efforcer de veiller à ce que nous ne réinventions pas la roue à tous les coups et à ce qu'il n'y ait pas de recoupement ni de dédoublement. Autrement dit, avoir une portée élargie et globale sans trébucher les uns sur les autres. On peut le faire, en partie, au niveau de la conception du système, mais cela fera aussi appel à une certaine expérience, en ce qui a trait à la façon dont ces organismes se rapporteront les uns aux autres de façon efficiente. Nous voulons une portée globale, mais pas le double emploi. Ce sera un énorme travail pour tous.
Le président : Je vous demanderais d'être bref avec le préambule. Le temps passe vite.
Le sénateur White : Merci beaucoup de votre présence ici, monsieur le ministre. Dans un document de 2014, je lis que la GRC et l'ASFC avaient à accomplir ensemble une telle grande quantité de travail, ce qui est fort compréhensible, qu'elles ont dû élaborer une stratégie frontalière conjuguée, ce dont je sais que vous êtes au courant. J'apprécie le fait que vous proposez comme une des solutions la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC.
Avez-vous envisagé la possibilité d'une mesure intérimaire selon laquelle le public aurait accès maintenant à la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, en attendant le résultat de votre examen? Tout comme la sénatrice Jaffer, je m'inquiète de ce qui se passe aujourd'hui. Le deuxième plus important service policier du pays n'a pas de surveillance. Ses pouvoirs n'ont pas seulement doublé, mais triplé au cours de la dernière décennie, et le nombre de personnes directement touchées a également triplé. Je conçois qu'il s'écoulera quelques mois avant que cela ne soit mis sur pied, mais bien des choses peuvent arriver pendant quelques mois. Nous avons entendu le dirigeant de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC dire qu'il pourrait assumer ce rôle. Une mesure, même intérimaire, nous accorderait un peu plus de marge de manœuvre pour veiller à ce que les choses soient faites correctement — et je ne dis pas qu'elles ne le seraient pas autrement.
M. Goodale : Je prendrai certainement cette suggestion en considération, sénateur White. J'ai l'impression que cela entraînerait une accélération considérable de la part de la CCETP pour ce qui est d'amener cet organisme à disposer des antécédents et des renseignements nécessaires pour examiner l'ASFC en même temps que la GRC, puis le simple temps physique de le faire. Si une démarche intérimaire quelconque se révèle logique, je serais heureux de l'envisager, car je suis tout à fait d'accord; j'ai moi aussi hâte de trouver une solution qui fonctionne.
Le sénateur White : Merci, monsieur le ministre. À toutes fins pratiques aujourd'hui, ces organismes travaillent si étroitement ensemble qu'un plaignant peut espérer que c'est avec la GRC qu'il fera affaire parce qu'il a au moins quelqu'un qu'il peut appeler. Si c'est avec un agent de l'ASFC qu'il fait affaire, il n'y a personne à appeler.
De fait, je crois que le document Avancer ensemble permet une telle situation. Ayant vu cet organisme ajouter et retirer des ressources au cours des 10 dernières années, je sais qu'il a la capacité d'accélérer ou de ralentir les choses et d'avoir recours à un personnel de soutien supplémentaire.
M. Goodale : Vous parlez de la CCETP?
Le sénateur White : Oui. Son personnel de soutien compte déjà un certain nombre de membres qui sont d'anciens agents de la GRC. Je crois que ceux-ci pourraient agir plus facilement du point de vue de l'ASFC que si l'organisme devait se doter de plus de gens pour un point de vue de la GRC. Je vous remercie de vos observations.
Le sénateur Oh : Merci, monsieur le ministre, de votre présence. L'article 15.20 du projet de loi prévoit une pénalité de 1 000 $ pour entrave. Pensez-vous que cette amende pourrait être augmentée et peut-être même harmonisée avec l'amende d'entrave au titre de la Loi sur la GRC?
M. Goodale : Vous parlez de l'interdiction d'entraver une enquête?
Le sénateur Oh : Oui, l'article 15.20.
M. Goodale : Je ne saurais commenter ce détail, sénateur Oh, mais je peux vous dire ceci. Quand on établit un organisme d'examen, celui-ci est là dans un but précis. Les Canadiens doivent sentir qu'ils ont légitimement accès à cet organisme et qu'aucun obstacle ne sera jeté sur la voie pour fausser l'objet de l'examen. Si un comportement ou une conduite intervient dans la capacité d'une personne de se prévaloir des avantages de l'examen, une telle action doit être punie sévèrement.
Le président : Chers collègues, nous arrivons à la fin ici. J'ai une question directe pour le ministre, si vous me le permettez. J'espère que sa réponse sera un engagement.
Au cours de la législature précédente, nous avons adopté un rapport sur l'examen de l'Agence des services frontaliers du Canada, et vous avez un exemplaire de ce rapport.
M. Goodale : Celui-ci, en date de juin 2015?
Le président : Oui. Je vous demande, monsieur le ministre, si vous vous engageriez à faire en sorte que votre ministère passe en revue les recommandations avancées dans ce rapport et revienne au comité avec sa position sur ces recommandations.
M. Goodale : Sénateur, je serai heureux de soulever la question auprès le ministère. Je n'ai pas encore eu la possibilité de passer en revue en détail ces recommandations, mais je le ferai certainement. Je demanderai qu'une réponse soit élaborée.
Le président : Chers collègues, le temps est écoulé. J'aimerais remercier le ministre d'être si bien préparé et de se préoccuper aussi intensément du dossier dont nous traitons. J'apprécie vos réponses aux questions qui vous ont été posées. J'aimerais permettre au ministre de se retirer. Une fois de plus, je vous remercie d'être venu aujourd'hui.
Notre deuxième témoin est l'honorable Harjit Singh Sajjan, ministre de la Défense nationale.
Le 21 avril 2016, le Sénat a autorisé ce comité à examiner les questions relatives à l'examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement et à en faire rapport au plus tard le 16 décembre 2016. Dans une lettre datée du 22 mars 2016, le ministre a expliqué que le comité peut jouer un rôle clé en soutenant le processus d'examen de la politique de défense et a demandé que notre comité étudie les manières dont le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes peuvent être utiles au renouvellement de l'engagement du Canada à l'égard des opérations de soutien de la paix des Nations Unies.
Je note que bien que le comité examinera les opérations de soutien de la paix des Nations Unies, il étudiera également les questions plus vastes relatives à la politique de défense dans le cadre de cette étude.
Monsieur Sajjan, étant donné que c'est la première fois que vous comparaissez au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue, au nom de tous les membres. Nous sommes heureux que vous puissiez vous joindre à nous dans le lancement de cette étude sur la politique de défense. Vous avez, si j'ai bien compris, une déclaration préliminaire, et je vous invite à prendre la parole.
L'honorable Harjit Singh Sajjan, C.P., député, ministre de la Défense nationale : Sénateur Lang et membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à m'adresser à vous aujourd'hui. Bien que ce soit ma première comparution devant ce comité, comme vous le savez, j'ai pris la parole à la Chambre du Sénat il y a quelque temps pendant environ une heure. C'est tout un privilège pour moi d'être ici et de répondre à vos questions dans un cadre beaucoup plus ouvert qui nous permettra d'avoir un bon dialogue. Merci.
J'aimerais remercier particulièrement le comité pour sa réponse positive à la lettre que j'ai envoyée au sénateur Lang en mars cette année. J'avais demandé à connaître l'avis du comité sur les manières dont le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes peuvent être utiles au renouvellement de l'engagement du Canada à l'égard des opérations de soutien de la paix des Nations Unies; je suis très heureux que vous ayez accepté d'offrir votre opinion spécialisée.
Comme vous le savez, le premier ministre a été très clair dans sa détermination de renouveler l'engagement du Canada à l'égard des missions de soutien de la paix. La lettre de mandat qu'il m'a envoyée, ainsi que celle envoyée au ministre des Affaires étrangères suite à notre nomination, a désigné cet objectif comme étant le plus important de notre mandat. Il se trouve que cet objectif fixé par le premier ministre représente précisément les souhaits de nos citoyens. Selon la plus récente étude menée par mon ministère pour cerner l'opinion des Canadiens quant au rôle des Forces armées canadiennes, 80 p. 100 sont d'accord ou fortement d'accord que le Canada devrait participer aux opérations de maintien de la paix.
Le Canada a une riche histoire de maintien de la paix, et nous savons, grâce à des sondages de l'opinion publique et à des preuves analytiques, qu'une solide majorité des Canadiens appuient notre engagement continu dans ce travail important. Nous utiliserons donc le processus d'examen de la politique pour nous aider à peaufiner les détails de la façon dont nous entreprendrons des activités de maintien de la paix, du moment où nous les entreprendrons, ainsi que de la meilleure façon d'équiper nos membres des forces armées pour l'exécution de ces missions.
Revenant au sujet dont il est question aujourd'hui, soit l'examen de la politique de défense, je note qu'il n'y a pas eu d'examen exhaustif de la politique de défense, même pas de cette envergure, depuis 1994, et que notre plus récente politique a été élaborée en 2008.
Le monde a changé grandement depuis lors, et nous devons faire en sorte que notre politique de défense suive cette évolution. Je n'ai pas besoin de passer beaucoup de temps à décrire les défis auxquels nous sommes confrontés dans notre environnement de sécurité actuel. Vous, mieux que tous, savez quels sont ces défis. Les menaces conventionnelles au Canada et à ses intérêts persistent, tandis que de nouveaux défis, comme la guerre de l'information, voient le jour. Nous devons pouvoir nous défendre contre toutes ces menaces.
Nos forces militaires maintiendront leurs rôles clés pour ce qui est de défendre le Canada et l'Amérique du Nord, ainsi que de contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Mais le contexte stratégique dans lequel les Forces armées canadiennes fonctionnent a changé, et nous devons donc jeter un regard plus étendu sur ce que nous pouvons accomplir.
Notre gouvernement adopte trois démarches dans son processus de collecte de la rétroaction des Canadiens : une des Canadiens en général, une des parlementaires sur toute la ligne, et une des experts en défense.
Nous avons lancé la première démarche le mois dernier, le 6 avril, quand nous avons publié un document de consultation publique et invité tous les Canadiens à présenter leur point de vue et leur rétroaction par le truchement de nos forums en ligne. Jusqu'à présent, les Canadiens ont participé avec enthousiasme à cette consultation. Plus de 50 000 Canadiens ont visité notre page web sur l'examen de la politique, et plus de 1 700 ont présenté leurs idées sur une variété de questions liées à la défense dans la page de consultation.
Sur le front parlementaire, nous avons fourni des trousses d'information complètes aux députés de tous les partis, ainsi qu'aux sénateurs. Nous leur avons demandé de tenir des débats et des tables rondes dans leurs circonscriptions et leurs régions, et de nous présenter leurs recommandations. Je suis encouragé de voir que certains d'entre eux ont déjà commencé à le faire, et que d'autres encore le feront.
Je me suis aussi adressé au comité de la défense de la Chambre, ainsi qu'à vous, le comité sénatorial de la défense, vous demandant d'étudier les sujets d'intérêt pour le portefeuille de la défense. Je suis reconnaissant de voir que ces deux demandes ont été acceptées, étant donné que nous avons grandement besoin de vos connaissances expertes sur les questions d'importance nationale pour atteindre nos objectifs.
Enfin, grâce à nos consultations auprès d'experts en défense et sécurité, nous sommes sur la voie de produire un examen de la politique de défense crédible, réaliste et fondé sur des preuves probantes. Voilà pourquoi nous avons organisé et continuerons à organiser des tables rondes avec des personnes qui ont une variété de connaissances expertes dans des domaines liés au travail accompli par les Forces armées canadiennes.
Le mois dernier, j'ai lancé la première discussion autour d'une table ronde à Vancouver, et j'ai été heureux du calibre de l'expertise et des conseils que nous avons pu recueillir des participants lors de ce débat. D'autres tables rondes ont été tenues à Toronto et, plus récemment, à Vancouver, alors que d'autres encore sont prévues à Edmonton, à Montréal et à Halifax. J'ai annoncé récemment que nous tiendrons une table ronde de l'industrie, dont la date et les détails suivront.
Soit dit en passant, en plus de nos trois démarches, j'ai consulté et continuerai à consulter mes homologues dans le monde entier en ce qui concerne leur expérience au niveau de leurs propres examens. Nos amis du Royaume-Uni, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande ont tous entrepris des examens semblables. J'ai parlé avec eux de leurs processus, des outils qu'ils ont utilisés, des questions qu'ils ont posées et des leçons qu'ils ont tirées en cours de route.
J'ai aussi parlé avec mon homologue américain, Ash Carter, étant donné que la rétroaction de notre allié le plus proche au sud nous intéresse tous compte tenu de notre relation étroite.
Une fois que nous aurons fini de recueillir la rétroaction des Canadiens, nous devrons analyser tous ces renseignements. Pour nous aider dans ce travail important, j'ai nommé quatre Canadiens de renom à un groupe consultatif qui examinera la rétroaction et me communiquera directement des recommandations à l'endroit de la politique de défense fondées sur ses constatations.
Vous connaissez certainement tous les membres du groupe consultatif : l'honorable Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada et haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme; l'honorable Bill Graham, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre de la Défense nationale; Ray Henault, qui a servi de conseiller militaire à l'OTAN pendant trois ans, et Margaret Purdy, dont les quelque 30 ans de service au Canada ont été en tant que sous-ministre adjointe de la Défense nationale et de sous-secrétaire du Cabinet pour la sécurité et le renseignement — c'est une grande experte de la sécurité.
Je suis profondément honoré de recevoir un appui de ces personnes et suis fier de leur engagement continu à l'endroit du Canada.
Comme je l'ai mentionné, la phase de consultation a commencé au début d'avril et se poursuivra jusqu'à la fin juillet. Ensuite, le ministère étudiera ces soumissions et procédera à son analyse. Je m'attends à ce qu'un examen officiel soit effectué d'ici la fin de 2016, et à ce qu'un document officiel de politique soit publié par la suite.
Je vous suis reconnaissant de m'avoir offert cette possibilité de m'adresser au comité aujourd'hui, et je répondrai à vos questions avec plaisir.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Je vais commencer par la première question. Elle concerne le comité et la responsabilité de notre comité.
Comme vous le savez, nous nous sommes engagés à examiner la question précise dont vous avez parlé, soit les opérations de soutien de la paix des Nations Unies. Nous avons établi un calendrier provisoire qui devra être approuvé par le comité, et nous envisageons diverses options de ce que nous pourrions examiner dans le cadre de notre étude. Je sais qu'il y a eu certains échanges préliminaires avec votre ministère, votre personnel, ainsi que notre personnel en ce qui concerne les options et ce que votre ministère pourrait mettre à notre disposition pour nous aider à accomplir ce travail.
Quand pensez-vous pouvoir nous préciser ce que vous pouvez faire pour nous afin que nous puissions effectuer le travail que vous nous demandez de faire?
M. Sajjan : Sénateur, cela dépend. Je n'ai pas vu la demande personnellement, et il me serait donc difficile de vous donner un ordre de temps. Je vais demander au personnel de mon ministère d'examiner les propositions et de fournir toute aide requise au fur et à mesure.
Je n'ai pas vu le plan comme tel, et je ne peux donc pas me prononcer là-dessus.
Le président : Merci. Nous continuerons à travailler avec le ministère. Je voulais simplement vous signaler que c'est en cours. Je sais que vous avez beaucoup de responsabilités, mais nous aimerions avancer dans ce dossier, si possible.
M. Sajjan : Tout à fait.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre, de votre exposé. Votre lettre au comité mentionnait précisément la façon dont la Défense nationale et les Forces armées canadiennes pourraient contribuer à appuyer les opérations de soutien de la paix des Nations Unies.
Le Canada n'a pas eu de bonnes expériences avec les opérations de soutien de la paix des Nations Unies, comme au Rwanda ou dans l'ancienne Yougoslavie. Aujourd'hui, le Mali est une des missions les plus dangereuses au monde.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous citer certains exemples des opérations de soutien de la paix des Nations Unies que vous envisagez d'appuyer?
M. Sajjan : Sénateur, il ne s'agit pas de ce que nous envisageons. Il s'agit de déterminer, avant tout, ce que nous pouvons contribuer et comment nous pouvons le contribuer.
L'examen de la stratégie de défense nous orientera mieux à ce sujet, car la situation a évolué et les opérations de stabilité de la paix doivent être menées en fonction des échéances et des menaces du moment. Je ne veux pas nuire aux résultats de l'examen de la stratégie de défense. Voilà pourquoi il est si important de tenir des consultations là-dessus.
Je veux que non seulement nous examinions les menaces actuelles, mais aussi que nous déterminions comment prévenir le conflit. Il y a des pays qui seraient, à l'heure actuelle, presque à ce stade, ou un peu moins. Des opérations de stabilité de la paix pourraient-elles fonctionner à ce niveau et faire en sorte qu'un renforcement avancé de la capacité puisse avoir un impact? Les opérations de stabilité gérées par les Nations Unies pourraient-elles fonctionner efficacement avec d'autres organisations qui font un très bon travail, peut-être des organisations internationales, l'Union africaine, et éventuellement des opérations de l'OTAN? Ce sont là les questions que je pondère.
Il est bien trop tôt pour dire exactement comment nous procéderons, car nous n'avons pas fait à une analyse approfondie des cibles précises. Il y a les combats transnationaux, soit l'aspect contre-terrorisme, puis il y a la prévention du conflit.
Tous ces aspects ne fonctionnent pas isolément; ils fonctionnent ensemble. Nous devons veiller à ce que, ce faisant, nous examinions les choses dans une perspective de compréhension du conflit d'abord, puis que nous déterminions, en tant que nations et par le truchement d'organismes multilatéraux, le meilleur outil à appliquer pour obtenir le résultat souhaité.
Nous avons eu, par exemple, les défis que vous avez mentionnés au sujet de la Yougoslavie et même du Rwanda. Nous devons tirer des leçons de ces expériences. C'est là une occasion pour nous de déterminer ce qui n'a pas bien fonctionné. Mais si vous tenez compte de la façon dont les choses se sont transformées en une opération de l'OTAN, je crois qu'on peut dire que cela a été une grande réussite. Prenez la Croatie maintenant, la Bosnie et les leçons éprouvantes du Rwanda. Nous n'oublierons jamais cela, et nous ne pouvons permettre que cela se répète. Mais ce sont là des choses sur lesquelles nous devons revenir dans le contexte de l'examen de la stratégie de défense et espérer que, grâce au travail que vous faites, nous recevons de vous une orientation supplémentaire.
Le sénateur Dagenais : Monsieur le ministre, pourquoi votre gouvernement accorde-t-il une priorité aux opérations de soutien de la paix des Nations Unies avant les opérations de soutien de la paix de l'OTAN, particulièrement, ou des États-Unis et de l'Alliance?
M. Sajjan : Elles ne passent pas avant, pas du tout. La participation avec des organismes multilatéraux, comme les Nations Unies, a eu une fonction, tout comme l'OTAN a eu une fonction. Nous avons une expérience poussée de cela en Afghanistan.
Nous avons même travaillé avec un organisme indépendant, comme la FMO pour ce qui se passe en Égypte présentement. C'est un organisme multilatéral qui a été efficace par le passé. Il a été ignoré.
Nous avons régulièrement réduit notre appui aux Nations Unies. Il serait insouciant de notre part de supposer que tous les organismes multilatéraux sont importants. Ce que nous devons faire maintenant, c'est déterminer comment participer et travailler avec les organismes multilatéraux pour avoir un impact. En ce qui concerne les opérations de soutien de la paix, ou un conflit quelconque, nous devons d'abord mieux comprendre le conflit, et pas seulement entre frontières. Nous devons aller au-delà de cela. Nous devons déterminer comment les groupes radicaux ou de crime organisé définissent les frontières. Tout est relié. Et chaque organisme a un impact aussi. Les Nations Unies travaillent aussi très bien avec les ONG et les organismes internationaux.
Nous devrons travailler d'une façon beaucoup plus fluide. C'est un terme qui est utilisé bien trop souvent, mais c'est ce que nous devons faire. Nous n'avons pas suffisamment de ressources, même avec l'OTAN, pour faire face à tous les conflits. L'OTAN n'est pas la solution à tous les problèmes. Nous devons envisager les organismes multilatéraux. Les Nations Unies, malgré tous leurs défauts, représentent le seul endroit où tous les pays ont une voix. Il est très important d'interagir avec les organismes multilatéraux, surtout les Nations Unies, pour que cela soit plus pertinent. En rendant les opérations plus pertinentes, nous pouvons aborder la prévention du conflit. Les conflits dans le monde sont nombreux. Si les choses se poursuivent ainsi, nous n'aurons plus de ressources malgré toutes les nations qui contribuent présentement.
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le ministre.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, merci de votre présence aujourd'hui. Je suis très fière parce que vous venez de ma province. Cela augmente ma fierté de vous accueillir ici.
Monsieur le ministre, qu'est-ce que l'examen de la défense? Quelles sont nos forces de défense? Quand je sillonne le pays, les gens parlent de la mesure dans laquelle le Canada est un pays multiculturel, mais je ne vois pas cela dans les forces armées. Quand vous étiez dans les forces, les choses ont changé. J'aimerais que vous me disiez ce que nous faisons pour les rendre plus ouvertes et accessibles. Les gens devraient être encouragés à servir notre pays. J'aimerais que vous me parliez de cela.
Je suis très encouragée par le fait que vous êtes le ministre. Je reviens justement d'une conférence sur la radicalisation au CSA où j'ai été modératrice. Vous parlez de la prévention du conflit. Les femmes de l'Irak me disaient qu'il y avait eu très tôt des signes du groupe EIIS et que personne n'écoutait. La politique sur la radicalisation devra inclure la participation des collectivités dans notre pays aux forces de défense, ainsi que les femmes. Et outre-mer, comment prévenez-vous le conflit? Comment permettons-nous aux femmes de participer?
Vous êtes probablement dans notre pays l'expert en la matière en raison de vos négociations avec le taliban. Vous savez comment tendre la main. Comment faisons-nous participer les femmes? Comment nous sensibilisons-nous aux signes précoces autour du monde et permettons-nous aux femmes de participer?
M. Sajjan : Madame la sénatrice, ce sont là de très bonnes questions. Comme dans le cas de tout organisme, lorsqu'il s'agit de diversité dans les Forces armées canadiennes, nous devons nous aligner sur la réalité du Canada. C'est aussi simple que cela. Beaucoup de travail a été fait, et beaucoup de travail reste à faire. Par exemple, le chef d'état-major de la Défense a déclaré qu'il voulait une augmentation, surtout pour les femmes, de 1 p. 100 par année; donc nous pouvons aller jusqu'à 25 p. 100. Pour ce qui est de la composition diversifiée, nous devons faire davantage.
Si vous le permettez, je parlerai de ma perspective personnelle également; je suis passé par ces défis. Le Canada a évolué si rapidement pour devenir une nation inclusive. À bien y penser, il y a à peine 25 ans, certaines personnes vivaient dans la crainte de se faire insulter, et peut-être même de se faire lancer quelque chose à la tête. Ce sont des exemples réels. Par conséquent, comme nous avons évolué si rapidement, il est difficile pour ces collectivités de changer ces perceptions.
Auparavant, la question prédominante était : comment vais-je être traité? Cette question était posée même si les Forces armées canadiennes étaient très ouvertes. Je suis un exemple de cette ouverture, comme tant d'autres d'ailleurs. Nous devons veiller à communiquer ceci : les Forces armées canadiennes sont un organisme ouvert.
En ce qui concerne tous les types de harcèlement, nous savons quel est le défi auquel les forces armées sont confrontées et ont été confrontées. Nous sommes déterminés à en faire un milieu libre de tout harcèlement et ouvert à tous les Canadiens. Les gens seront acceptés en fonction de leur performance. C'est ce que nous visons, et continuerons à viser.
Quant à votre question concernant les femmes dans les Forces armées canadiennes ou le recours aux femmes pour prévenir le conflit, on peut accomplir cela en ayant simplement un plus grand nombre de femmes dans des postes militaires clés. Rien que cela aurait un impact. Que vous soyez un sous-officier ou un officier, ou des grades plus élevés comme général, c'est une chose que nous devons démontrer par l'exemple. En présence d'un commandant, quand tous les militaires de rang inférieur regardent ce commandant et que celui-ci se trouve à être une femme, le message envoyé est très puissant.
Enfin, dans le contexte du conflit lui-même, il faut tenir compte des aspects culturels, par exemple en Afghanistan ou en Irak, où la sensibilité culturelle ne permet pas à un homme de communiquer ses sentiments. Il y a eu des cas particuliers où on a eu recours à des femmes pour encourager ce rapport. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Le besoin et la nécessité sont là. Les Forces armées canadiennes sont en tête à cet égard, et toutes les missions que nous avons en tiennent compte.
Le sénateur White : Merci beaucoup, monsieur le ministre, de votre présence. J'apprécie l'examen qui se fait. J'essaie simplement de comprendre comment vous faites participer à l'interne des personnes qui sont dans l'organisme depuis des décennies. Ce qu'on nous dit à l'extérieur correspond-il à ce que les gens à l'interne, dans l'organisme, croient qu'ils font pour nous, les Canadiens? Y a-t-il une stratégie selon laquelle cette discussion ou ce dialogue interne va au-delà de l'engagement externe puis est ramené vers l'interne? Avons-nous la même discussion à l'interne présentement?
M. Sajjan : Absolument. De fait, j'ai eu un échange avec le chef d'état-major de la Défense. Il a donné des directives sur la façon dont ceci doit être fait parce que les forces armées se prêtent très bien à cela. Nous avons une chaîne de commandement. Cette chaîne de commandement peut servir à transmettre l'information, surtout quand elle confère une crédibilité supplémentaire lorsque le signataire, dans la chaîne de commandement, est X qui occupe un certain poste. Cela confère une plus grande légitimité pour le sujet en question parce que la personne occupe ce rôle. La chaîne de commandement offre un mécanisme évident pour cela.
Aussi, une personne a la possibilité de participer au processus de consultation publique, même si elle fait partie des forces armées. Si elle n'utilise pas son rang, et donne simplement son nom, elle a la possibilité de présenter, elle aussi, des mémoires. Il y a aussi les collèges, les écoles et les documents produits chaque année. Par conséquent, les possibilités de recherche sont grandes, des recherches qui sont faites tous les ans et qu'on peut intégrer à cela. Le chef d'état-major a aussi ordonné que nous puissions saisir les bons renseignements à l'interne également.
Le sénateur White : Merci pour tout cela. La plupart des examens comme celui-ci qui ont été faits dans les autres pays que vous avez mentionnés ont produit un livre blanc décrivant l'avenir des forces militaires. Je crois que nos forces militaires ont été si actives depuis 2001. Il a été difficile, à l'occasion, d'arriver à un point où un livre blanc stratégique, à long terme, peut décrire les forces armées d'aujourd'hui et de l'avenir, d'ici 10 ans ou même plus.
Est-ce à cela que vous vous attendez? À la fin de cet examen, élaborera-t-on au cours des deux prochaines années un livre blanc qui décrit l'avenir après l'examen? Je m'inquiète toujours que les examens nous disent ce que nous avons fait et comment nous l'avons fait. Je veux m'assurer qu'il y aura un tracé vers l'avenir également.
M. Sajjan : Cet examen est axé sur l'avenir. J'ai clairement déclaré que notre objectif est de faire en sorte que nous disposions des bons outils pour le présent, mais que nous envisagions aussi les outils dont nous aurons besoin dans 10 à 20 ans. Cela touche nos acquisitions, les capacités dont nous avons besoin. Avons-nous la structure de forces armées adéquate qui nous permettra de répondre aux besoins de l'avenir? Aussi, prenons-nous soin de notre personnel de façon moderne? En bout de compte, notre capacité première réside dans nos gens. Ce sont eux qui utilisent tout ce que nous leur fournissons. S'ils ne vont pas bien, les forces ne fonctionnent pas bien. Cela inclut les familles également. Notre examen est un balayage large et exhaustif visant à nous assurer que nous sommes bien adaptés non seulement pour le présent, mais aussi pour l'avenir.
Le sénateur White : Voyez-vous ceci sous la forme d'un livre blanc que nous pourrons consulter par la suite, et qui nous dira où nous allons au cours des deux ou trois prochaines décennies?
M. Sajjan : Oui, dès que nous aurons décidé des capacités. Je ne veux pas qu'on finisse simplement par dire que nous avons besoin d'un nombre précis de ceci ou d'un nombre précis de cela. Ce dont nous avons besoin, c'est de la capacité, parce que la capacité dont nous parlons porte sur les 10 à 20 prochaines années. Il y a peut-être certaines choses dont nous avons besoin tout de suite et qui sont déjà là, mais nous avons besoin de développer cette capacité.
Je veux que cette portée soit si grande que lorsque nous parlons à l'industrie, nous puissions lui présenter un plan éventuel de ce que nous envisageons de sorte qu'elle puisse décider d'investir, un plan que nous pourrons aussi présenter aux premiers ministres pour inviter la participation des provinces. Cela permet à l'industrie canadienne de prendre connaissance du contenu et d'être concurrentielle dans le processus futur d'approvisionnement des Forces armées canadiennes.
Le sénateur Oh : Bienvenue, monsieur le ministre. La semaine dernière, vous avez mentionné qu'il est nécessaire pour le Canada de remplacer ses chasseurs à réaction. Pouvez-vous nous parler des autres lacunes de capacité que le Canada doit combler à court terme pour répondre aux nouveaux engagements internationaux qu'envisage votre gouvernement?
M. Sajjan : Monsieur le sénateur, je n'aime pas être partisan, mais malheureusement, nous avons hérité de lacunes de capacité. La plus grande concerne nos navires de ravitaillement pour lesquels nous avons dû contracter un marché pour un ravitailleur intérimaire. Nous sommes dans cette situation, et j'essaie de travailler de façon très dynamique pour combler ces lacunes de capacité. Dans le cas des chasseurs, cette lacune de capacité approche rapidement.
J'ai été en mesure de régler certaines autres lacunes assez rapidement parce qu'elles ne sont pas d'aussi grande échelle et font simplement appel à des décisions internes. Une de ces lacunes que nous tentons de redresser concerne le rétablissement de notre capacité antiblindé qui nous fournit la grande souplesse de portabilité autour du monde dont nous avons besoin. Nous avons déjà entrepris le travail à ce niveau. C'est la raison pour laquelle j'ai visité la mission en Irak.
Il y a certains aspects qui concernent nos forces spéciales. Je dirais presque des lacunes de capacité, mais nous avons une force spéciale de première catégorie. Quand on parle du SEAL Team 6 ou de la Delta Force, notre FOI 2 est à ce niveau. Je veux faire en sorte qu'elle dispose des outils qui lui permettront d'accomplir ses missions. Malheureusement, je ne peux pas en dire davantage au sujet de ce qu'elle fait et des capacités que nous examinons pour elle, mais elle constitue une ressource extraordinaire. Je veux veiller à ce qu'elle soit adéquatement équipée de sorte que nous puissions faire face à toute menace éventuelle, que ce soit au Canada ou à l'étranger.
Le sénateur Oh : Et qu'en est-il de la Marine? Y a-t-il de nouvelles choses qui viennent du côté de la Marine?
M. Sajjan : Pour la Marine, il y a une chose pour laquelle nous avons déjà agi. La Stratégie nationale de construction navale, malgré toutes ses difficultés, avance. La ministre Foote et moi-même travaillons énergiquement, et avons même tenu des réunions ensemble pour resserrer l'échéancier. Au fur et à mesure que nous arrivons à raccourcir la période au terme de laquelle nous aurons plus de navires, nous publierons les détails. Nous tentons de simplifier les choses afin de faire en sorte que nous ayons nos navires de soutien interarmées que Seaspan est en train de construire, nos NPEA auxquels travaille Irving, ainsi que les frégates de remplacement. Les choses vont bien, mais je veux faire en sorte qu'elles continuent d'aller bien parce qu'il s'agit d'une lacune de capacité que nous devons empêcher de se produire.
Le sénateur Dagenais : Merci. J'ai deux questions, monsieur le ministre. Premièrement, quelle doctrine militaire le Canada devrait-il avoir en place avant que nous ne déployions des missions avec les Nations Unies, surtout les missions à risque élevé et dans lesquelles les risques de perte de vie et d'ESPT vont être élevés?
M. Sajjan : Sénateur, si vous me permettez d'éclaircir votre question, vous me demandez s'il y aura des missions pour lesquelles les risques d'ESPT seront élevés et qu'est-ce que nous faisons pour atténuer cela?
Le sénateur Dagenais : Oui.
M. Sajjan : Je crois que l'Afghanistan nous a appris beaucoup de choses. Même durant mes missions de 2006, les choses s'étaient améliorées.
Par exemple, il y a une formation préalable. Il y a une phase de décompression postdéploiement, et il y a des activités de suivi par la suite. On couvre l'immédiat, mais une des choses que les Forces armées canadiennes ont aussi apprise, c'est que l'ESPT ne se déclenche pas immédiatement. Parfois, il se manifeste un, deux ou trois ans après. Ce n'est pas que nous nous préparons à la manifestation de l'ESPT. Nous devons plutôt le prévenir. Nous avons donc un créneau qui nous permet de nous assurer que nous disposons de la résilience appropriée et que les mécanismes requis sont en place pour éviter ce genre de situation. Toutefois, si cette situation se produit, nous devons veiller à bien prendre soin des personnes touchées.
Dans le cadre de tout ceci, un examen approfondi se fait à l'interne dans le ministère. On a déjà accompli beaucoup de travail à cet égard, mais j'aimerais mieux ne pas en parler avant que le ministère ne soit prêt à le faire.
Absolument, monsieur le sénateur, quelle que soit la mission, l'ESPT peut se déclencher. Et il n'est pas nécessaire que ce soit une mission qu'on considère difficile. Cet état peut même se produire dans des missions qu'on ne considère pas difficile; nous devons donc être prêts à cela.
Le sénateur Dagenais : Allez-vous vous engager à mettre en œuvre les recommandations de cette étude, ou s'agit-il simplement d'un exercice de relations publiques auquel vous nous demandez de participer?
M. Sajjan : Quelle étude, sénateur?
Le sénateur Dagenais : L'étude de ce comité.
M. Sajjan : Désolé, l'étude de ceci?
Le sénateur Dagenais : Oui, les recommandations de la présente étude, ou est-ce simplement un exercice de relations publiques? Dans quelle mesure vous engagez-vous à mettre en œuvre les recommandations de la présente étude?
M. Sajjan : Pour le maintien de la paix?
Le sénateur Dagenais : Oui.
M. Sajjan : Je ne saurais trop insister là-dessus. C'est à vous de décider la mesure dans laquelle votre étude, tout ce que vous fournissez, sera crédible. J'étais sincère dans la lettre que j'ai envoyée en disant que nous souhaitons recevoir une grande variété d'opinions spécialisées. Voilà pourquoi j'ai présenté mes recommandations, sans préciser quoi faire, même pas à vous. Grâce à votre expérience, et aux différentes missions que vous avez vues évoluer et au sujet desquelles vous avez eu des discussions, je demande qu'est-ce que vous pouvez m'apprendre? Par exemple, je demande toujours quelle serait une nouvelle façon d'assurer le maintien de la paix? À mon avis, c'est le développement des capacités. Nous avons une immense expérience à cet égard. Au lieu d'avoir des unités qui vont sur place s'acquitter d'activités de maintien de la paix conventionnelles, comme nous l'avons fait par le passé, pouvons-nous établir un mentorat au sein des unités? Ainsi, non seulement nous accomplissons le travail, mais nous offrons un mentorat, une formation et une spécialisation en même temps. Cela permet également une plus grande responsabilisation quand on tient compte des allégations d'agressions sexuelles par les troupes de maintien de la paix dont nous avons entendu parler par le passé. C'est une question que je pose.
J'espère que grâce à vos études, vous avez une vaste perspective de nombreuses choses, surtout en ce qui concerne les Nations Unies. Je sais que vous examinez de nouvelles façons d'assurer le maintien de la paix, et s'il est possible de le faire. Au lieu de vous dire quoi faire, je sollicite votre expertise, quelle que soit votre perspective.
Je vous promets que vos constatations seront prises très sérieusement et seront examinées ensemble.
Le président : J'aimerais donner suite, monsieur le ministre, si vous me le permettez, à la question du développement des capacités qui, si je comprends bien, est un élément de notre engagement envers le Kurdistan et le conflit actuel au Moyen-Orient. J'aimerais entendre votre opinion là-dessus, puisque vous êtes manifestement touché directement. Dites-nous exactement ce qu'il en est, quel est notre engagement et ce que nous faisons là-bas. Comment entrevoyez- vous les choses à long terme pour ce qui est de tout engagement envers les Nations Unies. Si j'en juge d'après ce que vous avez dit, je ne pense pas que ce soit très différent.
M. Sajjan : Je vais vous donner une récapitulation rapide. Il y a une ou deux semaines, j'étais à la réunion de lutte contre l'EIIL avec 11 des plus grands pays contributeurs, et le commandant adjoint de la coalition était présent. C'est un officier britannique. Il était aux petits oiseaux — et je n'exagère absolument pas — quant à l'ampleur du soutien que nous avons fourni, non pas simplement au niveau de la capacité de renseignement, mais aussi de la nature du soutien fourni. Aussi, en ce qui concerne la formation en développement des capacités, il ne s'agit pas simplement du fait que nous ayons triplé le développement des capacités, il s'agit surtout des personnes que nous formons.
Vous connaissez certainement les défis qui accompagnent la cause initiale du problème, le problème des chiites et des sunnites, et ce serait trop long d'entrer dans ce sujet maintenant. La reprise de certaines de ces villes exigera le même degré de spécialisation pour que le bon groupe fasse partie des forces qui y participent.
Quand on prend le pays dans son ensemble, nous avons la responsabilité d'une portion du nord. Notre tâche est de former le bon groupe en fonction des circonstances. Nous tenons compte de la situation actuelle avec les peshmergas, puis avec les commandos zeravanis, et nous lançons une force de formation dont nous aurons besoin à l'avenir. Nous faisons un certain travail que, pour des raisons de sécurité, je ne peux mentionner ici. C'est un type de développement des capacités qui répond à la menace actuelle, et qui s'inscrira dans le cadre des opérations que la coalition organisera éventuellement.
C'est très bien reçu, parce que c'est ce niveau-là de sophistication que nous y avons mis. Le chef d'état-major de la Défense a fait du bon travail là-dessus.
En matière de développement des capacités, nous avons une vaste expérience, mais nous devons toujours comprendre le conflit dans la région. C'est là que nous allons rencontrer des problèmes si nous pensons qu'une solution dans une région pourrait fonctionner dans une autre.
Je pense que nous devons tirer les leçons de la région, mais nous devons comprendre le conflit. Cela ne concerne pas strictement l'ennemi. Pour ce qui est de l'ennemi, nous avons un bon moyen pour en prendre la mesure.
La difficulté tient à ce que, dans toute région où j'ai travaillé ou que j'ai étudié, tout est lié, et il faut comprendre le tissu social de cette société. Où est-ce que le crime organisé est relié aux groupes radicaux? Pourquoi ce groupe radical est-il devenu si grand? Qui était chargé de motiver ces gens? Par exemple, comment EIIL parvient-il à motiver des jeunes avec les atrocités sinistres qu'il commet?
C'est ce genre de questions auxquelles nous devons être capables de répondre. Comment l'économie s'insère-t-elle là-dedans? Qu'est-ce que cette explosion démographique des jeunes que nous observons en Afrique? Certains ne prendront peut-être pas cela au sérieux, mais les changements climatiques et les sécheresses dans certaines régions, où est-ce que cela pousse certains membres des familles, et qu'est-ce que cela crée comme situation sur le terrain?
Nous devons comprendre tout cela. Dans toute région que nous examinons, nous procéderons à une analyse exhaustive, puis nous déciderons quels types d'outils seront nécessaires. De plus, nous devons vérifier, lorsque nous procédons à l'analyse de concert avec les partenaires de la coalition et des alliés, si un autre pays a une plus grande expertise, et, si c'est le cas, ce pays devrait assumer la direction. Lorsque c'est le Canada, nous devrions assumer la direction. Nous ne devrions pas nous mettre dans une situation où tout le monde s'engage dans une région.
Nous devons devenir bien plus sophistiqués que cela. Je suis heureux de rapporter que c'est ce genre de conversation que nous avons maintenant, et nous évoluons vers cela lorsque nous examinons le conflit transnational, surtout lorsqu'il s'agit de groupes radicaux. EIIL tente de créer un réseau mondial. C'est à nous de l'en empêcher. Nous devons perturber les efforts visant à créer ce réseau.
Le président : Peut-être que vous pourriez nous mettre à jour au sujet de notre engagement jusqu'à présent envers les Nations Unies et dans le domaine du maintien de la paix.
M. Sajjan : Monsieur le sénateur, à l'heure actuelle, c'est très minimal, parce que nous l'avons réduit au fil des ans. J'ai des chiffres tirés d'un article précédent. Par exemple, en ce moment, nous n'avons seulement qu'environ 31 membres du personnel des Forces armées canadiennes affectés à des missions des Nations Unies. Nous avons quatre personnes en Israël, au Liban, une personne à Chypre, quelques personnes au Congo, au Soudan et en Haïti. Il peut s'agir d'officiers d'état-major, d'observateurs des Nations Unies. Il ne s'agit pas d'une mission de maintien de la paix des Nations Unies.
Lorsque nous envisageons de faire une contribution, nous devons travailler dans le cadre de discussions avec les Nations Unies, avec d'autres partenaires multilatéraux, et aussi avec l'OTAN lorsque nous examinons une mission, et quel type d'impact nous pouvons avoir, pas seulement un impact dans un pays, mais à l'échelle régionale.
Je vais vous donner un exemple rapide, et cela ne représente aucunement notre tendance. Je vais vous donner deux exemples.
Vous avez EIIL qui tente de créer un réseau mondial, si vous preniez l'exemple extrême. Vous avez des pressions dans le Sinaï et des ressources plus importantes en Libye. Qui est-ce qui alimente les combattants en Libye pour EIIL? Nous avons Boko Haram et EIIL et leurs réseaux avec Al-Shabaab en Afrique de l'Est.
Lorsque nous examinons le conflit dans ces régions, où est-ce que nous pouvons avoir le plus grand impact pour empêcher la création de ces réseaux? Les groupes comme EIIL, Boko Haram, tous ont besoin de recrutement. Et les leçons que nous avons tirées en Afghanistan et à d'autres endroits, c'est que si vous voulez combattre l'ennemi, vous devez le combattre, et nous le faisons, mais vous devez empêcher le recrutement et comprendre comment ils recrutent.
Je vais vous donner un exemple d'Afghanistan. Lorsque nous avons frappé le recrutement des talibans — je ne vous dirai pas en quelle année — lorsque nous avons développé nos projets d'action rapide, nous avons planifié de les mettre en œuvre précisément au moment où nous avons compris que les talibans avaient l'habitude de recruter.
Nous ne savions pas à ce moment-là combien de personnes nous embaucherions. Nous avons embauché plus de gens que les talibans à ce moment-là. Ces jeunes hommes ont choisi de travailler dans le cadre de ces projets d'irrigation, qui payaient bien, et ils ont choisi cela plutôt que d'aller combattre pour les talibans.
Nous devons trouver des moyens novateurs de fermer le robinet du recrutement. Je viens de vous donner un exemple de ce qui a fonctionné dans une petite région de la province de Kandahar. Dans d'autres régions, il se peut que cela fonctionne différemment.
Parfois, la solution pour empêcher le recrutement ne consiste pas seulement à combattre; il s'agit de comprendre ce qui se passe dans la société. C'est là que travailler avec des partenaires, que ce soit les Nations Unies avec de bons liens avec beaucoup d'autres organismes, et nous ne pouvons pas oublier les ONG qui ont un impact important sur la sécurité.
Lorsque nous améliorons la vie des gens, pourquoi choisiraient-ils d'aller se battre pour une organisation radicale? Les organisations radicales cherchent la pauvreté et les conflits et des vides à combler au niveau du pouvoir. Ils vont venir et dire : « Personne d'autre ne vous aide. Nous allons le faire. » Il s'agit d'un thème similaire à celui que le mollah Omar en Afghanistan et toutes les autres organisations radicales sur le terrain utilisent aussi.
La sénatrice Jaffer : Monsieur le ministre, je suis encouragée par le fait que vous parlez de travailler avec différents groupes comme l'Union africaine et les Nations Unies et de nombreux groupes multilatéraux. Je suis aussi encouragée par le fait que vous avez parlé de l'Union africaine parce que nous avons encouragé l'Union africaine à assumer la direction au Darfour.
Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part du fait que — vous avez parlé du Kurdistan — je viens tout juste de passer du temps avec des femmes de cette région. Je vous encouragerais à tenir compte de ceci : ce que font les femmes dans cette région, c'est, un enfant à la fois, interpréter le Coran et faire rentrer les combattants. Je suis très contente de ce que vous faites dans cette région, mais je vous demanderais s'il vous plaît d'examiner aussi les façons dont vous mobilisez les femmes dans la région.
Par exemple, à Peshawar, je travaille avec les mères de terroristes. Vous avez mis le doigt dessus. Lorsque nous avons procuré un modeste revenu aux mères de terroristes, elles sont devenues économiquement habilitées de manière à pouvoir tenir leurs fils à l'écart des conflits.
Alors, je vous demande d'examiner la résolution 1325 et d'en faire une partie intégrante de vos politiques visant à encourager les femmes au sein des forces armées. Je sais que je parle beaucoup des femmes, mais il s'agit des femmes comme composantes du tissu social et aussi au sein de la force de défense.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que vous avez dit qu'il est important que des femmes occupent des postes importants, mais il est aussi important d'avoir des femmes au sein des forces. J'aimerais que vous nous expliquiez comment vous allez vous y prendre pour encourager davantage de femmes au Canada à s'enrôler dans les forces armées.
M. Sajjan : Madame la sénatrice, je ne saurais être plus d'accord avec vous. J'ai vu la valeur de cela. Je peux vous donner d'innombrables exemples de cela. Il y a un travail formidable qui se fait déjà en ce moment. Je ne peux pas le dire plus clairement : les Forces armées canadiennes doivent refléter la société canadienne. Les Forces armées canadiennes devraient être composées à 50 p. 100 de femmes.
Il y a beaucoup de travail à faire. Nous devons nous assurer que les femmes veulent s'enrôler dans les Forces armées canadiennes et qu'elles peuvent voir les possibilités d'avancement professionnel. J'irais même jusqu'à dire qu'il faut s'assurer qu'il n'y a aucun obstacle, de manière à ce que les femmes sentent qu'elles peuvent progresser et qu'elles sachent qu'elles ont la possibilité d'être le chef d'état-major des Forces armées canadiennes.
Je peux vous assurer que ce n'est pas qu'un angle. Il s'agit de quelque chose que nous prenons extrêmement au sérieux. J'ai vu personnellement la valeur du travail dans ces domaines. J'ai vu des forces spéciales tirer profit de ce type de travail aussi, mais il y a beaucoup plus de travail à faire. Je sais que la chaîne de commandement appuie cet objectif et travaille extrêmement fort pour s'assurer que les Forces armées canadiennes sont un véritable reflet la société.
La sénatrice Jaffer : Merci. Monsieur le ministre, j'ai une demande rapide à vous faire. Je suis ici depuis plusieurs années. J'ai passé une semaine à Kananaskis avec l'armée canadienne. Nous avions dans le passé un programme parlementaire qui permettait aux parlementaires de voir par eux-mêmes comment les forces armées ou la Marine fonctionnaient. Ce programme a été aboli. Je vous encouragerais à envisager de le rétablir, parce qu'il nous donne une idée concrète des défis auxquels vous êtes confrontés.
M. Sajjan : Madame la sénatrice, vous serez heureuse d'apprendre que je l'ai déjà rétabli. Rien n'a encore été fixé, mais il y aura trois événements par année — quelque chose avec l'armée, la Marine et l'Armée de l'air — de manière à ce que les sénateurs et les parlementaires puissent avoir un accès plus organisé.
Auparavant, tout politicien qui voulait visiter un établissement militaire devait obtenir une approbation du ministre. J'ai maintenant donné une instruction suivant laquelle le commandant sur le terrain a le pouvoir de permettre que cela se fasse. Ils n'ont pas besoin de ma permission. Les Forces armées canadiennes appartiennent au peuple canadien, et tous les parlementaires — et vous, en qualité de sénateur — ont accès à cela.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais à nouveau parler des théâtres d'opérations de l'armée en Haïti. Vous avez mentionné qu'il y avait un ou des militaires qui se trouvaient en Haïti. Vous savez que plusieurs corps policiers se trouvent en Haïti dans le cadre de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti, la MINUSTAH, y compris la Gendarmerie royale du Canada. Lorsque j'étais policier à la Sûreté du Québec, je suis allé à deux reprises en Haïti.
Savez-vous si l'armée haïtienne travaille en collaboration avec la MINUSTAH ou si elle fait un travail de formation? Je sais qu'il existe une école de police en Haïti où les policiers forment des policiers haïtiens. Est-ce que le rôle de l'armée en Haïti comprend aussi la formation de militaires haïtiens ou est-ce qu'il s'agit tout simplement d'un travail d'intervention? J'aimerais vous entendre à ce sujet.
[Traduction]
M. Sajjan : Sénateur, je n'ai pas les détails exacts de notre poignée de membres du personnel : leurs rôles exacts, ce qu'ils font là-bas. Mais en ce qui concerne la police, le développement des capacités est extrêmement important. Cela ne relève pas de ma responsabilité; cela relève de la Sécurité publique et aussi du ministre des Affaires étrangères.
Toutefois, nous travaillons très étroitement là-dessus. Lorsque nous parlons de comprendre un conflit, cela ne devrait pas être strictement une question de défense, si vous comprenez le conflit et vous examinez ce qui doit être ajouté.
Le développement des capacités en matière de police, à mon avis, est probablement une des mesures les plus importantes qui sont requises. Une erreur qui a été commise en Afghanistan, c'est que la police n'a pas été encadrée en même temps que l'Armée nationale afghane. Nous aurions dû le faire en même temps. Lorsque nous nous en sommes rendu compte, nous y avons accordé beaucoup d'importance. C'est la police qui interagit avec la population. C'est la police qui procure cette justice, cette confiance. Alors, le développement des capacités en matière de police est très important. J'en ai vu l'impact.
Quel est le rôle de l'armée dans tout cela? Nous procurerons toute forme de soutien. Nous menons énormément d'activités de formation partout dans le monde, temporairement et à titre régulier. En ce moment, c'est en Ukraine. Nous menons aussi des exercices de formation conjoints en Pologne et ailleurs en Europe.
Lorsque nous examinons le développement des capacités, nous devrions adopter une perspective beaucoup plus large. J'irais même plus loin en posant la question suivante : comment bâtissons-nous la bureaucratie civile? Fournir une bonne gouvernance n'est pas facile, alors nous devons être capables de fournir cela aussi.
Si vous vous souvenez, dans le cadre de la mission en Irak en ce moment, nous établissons des équipes de liaison ministérielle — le chef de la coalition est un général canadien — que nous travaillions avec le ministre de la Défense ou le ministre de l'Intérieur. Pendant que nous examinons le développement des capacités sur le terrain, nous devons nous assurer que la bureaucratie sera capable de soutenir cela.
Je suis entièrement d'accord avec vous. Pour ce qui concerne le développement des capacités, je l'examine dans une perspective beaucoup plus large que cela. Nous avons une formidable occasion ici au Canada.
Lorsque nous parlons de la nouvelle forme de maintien de la paix, si vous voulez empêcher un pays de sombrer dans le conflit et de franchir le point de basculement, nous devons examiner la situation dans une perspective beaucoup plus large — le développement des capacités au niveau bureaucratique — sans perturber les sensibilités d'une nation, bien sûr.
Lorsque j'ai informé le ministre de la Défense de l'Irak au sujet des équipes de liaison ministérielle, il en était extrêmement content. Alors que les gens se disaient « Pourquoi suivraient-ils nos conseils sur quelque chose? », il les a accueillis à bras ouverts. En fait, c'est une chose au sujet de laquelle il a souri et m'a dit trois fois : « Merci beaucoup pour cela. »
Le sénateur White : Simplement une brève réponse à la suite de votre commentaire, si je peux me permettre. Monsieur le ministre, des trois groupes qui vont à l'étranger en Afghanistan — l'armée, la GRC et les services de police municipaux et provinciaux au Canada...
M. Sajjan : Avez-vous dit l'Afghanistan?
Le sénateur White : Où que ce soit, y compris en Afghanistan, où nous avons les trois organismes — le ministère de la Défense nationale, la GRC et les services de police municipaux ou provinciaux — le seul groupe parmi ceux-ci qui ne reçoit pas de prestations des Anciens Combattants, ce sont les corps de police municipaux et provinciaux. Il s'agit plutôt d'une question d'information, parce que je suis certain que vous aurez la chance d'en parler avec quelqu'un. Ils sont le groupe laissé pour compte à l'heure actuelle. Nous avons eu des discussions avec le ministre de la Sécurité publique et le ministre des Anciens Combattants à propos de l'uniformisation des règles afin que qui que ce soit qui entre dans un théâtre — d'un Casque bleu à un agent de soutien de l'armée, et nous savons à quel point leur rôle est important — ait effectivement la possibilité de recevoir les mêmes prestations lorsqu'il rentre au pays.
M. Sajjan : Je pense qu'il y a des défis additionnels à d'autres égards aussi. Je sais de quoi vous parlez, moi qui suis un ancien policier municipal.
Le sénateur White : C'est pour cette raison que je l'ai mentionné.
M. Sajjan : Merci.
Le président : Nous arrivons à une conclusion, mais j'ai quelques questions, si je pouvais. L'une est la question des capacités et des ressources financières pour le dossier de la défense nationale si nous élargissons notre intérêt en tant que pays.
Nous avons eu le rapport du vérificateur général qui n'est pas élogieux au sujet du soutien financier du ministère de la Défense et de beaucoup de ses responsabilités.
En ce qui a trait à cette nouvelle initiative concernant les Nations Unies, de votre point de vue, est-ce qu'il va s'agir d'un nouvel engagement financier du gouvernement du Canada en plus de nos autres engagements au sein du ministère de la Défense nationale? Ou est-ce que nous allons devoir trouver cet argent au sein du ministère de la Défense?
M. Sajjan : Monsieur le sénateur, les Forces armées canadiennes, lorsque nous avons le budget, ne sont pas conçues pour toutes les missions dont nous avons parlé. Lorsqu'une mission est approuvée, nous allons devoir faire une demande pour le coût de cette mission.
Le président : En plus?
M. Sajjan : Oui, en plus de cela. Lorsque nous examinons la question de savoir s'il s'agit d'une nouvelle mission semblable à ce que nous avons fait pour l'Irak, ça vient avec un coût, et c'est cette analyse-là que nous allons effectuer. Ce qu'il y a de bien dans la façon dont nous avons réalisé la mission en Irak, c'est que nous allons aborder toute nouvelle mission d'une manière très semblable suivant une démarche pangouvernementale, en travaillant aussi en collaboration avec le ministre Dion et la ministre Bibeau.
Le président : C'est un ajout. C'est ce que je voulais clarifier.
M. Sajjan : Il y a certains coûts que nous pouvons, mais c'est négligeable, parce qu'en fin de compte, il y a aussi d'autres missions que nous devons encore réaliser.
Le président : L'autre domaine que je voudrais aborder, chers collègues, est un domaine complètement différent, mais je veux le porter à votre attention. Vous en êtes peut-être au courant, mais l'ombudsman du ministère de la Défense nationale a noté que nous n'avons pas de dossiers médicaux concernant un réserviste sur six. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que ce qui arrive, c'est que, si un réserviste entre dans un théâtre d'opérations sans dossier médical et il lui arrive quelque chose dans l'exercice de ses fonctions, il ne sera pas nécessairement couvert parce que nous n'avons pas ce dossier médical initial qui aurait dû être constitué au départ lorsque le réserviste s'est enrôlé.
Il pourrait y avoir jusqu'à 6 000 de ces Canadiens qui se sont engagés comme réservistes, mais qui, pourtant, n'ont toujours pas ce dossier médical permettant de s'assurer qu'ils sont protégés adéquatement et qu'ils reçoivent toutes les prestations s'il devait arriver quelque chose. Êtes-vous au courant de cela? Si oui, quelles mesures ont été prises?
M. Sajjan : Monsieur le sénateur, pour ce qui concerne les dossiers médicaux, je pense que je peux parler des réserves beaucoup mieux que la plupart du monde. J'ai beaucoup trop d'expérience en la matière.
En ce qui a trait aux dossiers médicaux lorsqu'une personne est recrutée, tous les dossiers sont constitués. Je ne peux pas commenter la question de savoir pourquoi certains dossiers n'ont pas été constitués, mais, pour ce qui concerne votre préoccupation précise relative au déploiement, en cas de déploiement, c'est un régime différent qui s'applique. Il s'appelle DAG vert. Vous ne pouvez pas participer à une formation préalable à un déploiement à moins que vous vous soumettiez et que vous obteniez des résultats positifs relativement à tous les aspects, par exemple, en matière d'immunisation, et ces résultats sont évidemment versés à votre dossier médical. Vous devez subir un examen médical, voir un médecin, avant que vous obteniez le feu vert pour partir. Il y a une liste de choses qui doivent être faites. Une fois que c'est fait, puis que c'est approuvé par la chaîne de commandement, vous êtes DAG vert pour les opérations. Toute personne qui est effectivement déployée devra avoir un dossier médical et toute la documentation en règle pour les déploiements internes et internationaux.
Le président : Retournons en arrière, si je peux me permettre. J'insiste sur le sujet parce que, d'après ce que je comprends, il y a certains segments des réserves qui n'ont pas de dossiers médicaux. Si c'est le cas lorsqu'il y a un déploiement, je vais l'admettre. Mais s'ils sont au Canada lorsqu'il leur arrive quelque chose et ils n'ont pas leur dossier médical, cela posera un problème pour l'individu concerné. Peut-être que ma question devrait être : êtes-vous au courant qu'il y a actuellement un problème et qu'il faudrait y voir pour s'assurer que les dossiers médicaux de ces individus sont effectivement constitués?
M. Sajjan : Absolument. Tout le monde devrait avoir un dossier médical. Le problème résulte en partie du fait que nous sortons d'une période de transition. Je me souviens de l'époque où nous devions tout mettre par écrit, un système prévoyant ce qui passe de la catégorie A à la catégorie B, puis à la catégorie C. Imaginez la complexité liée au passage d'un système à un autre. Dans le cadre de l'examen de la défense, nous avons une perspective plus large, qui touche non seulement les dossiers médicaux, mais l'ensemble de la structure et de la manière dont les réserves sont administrées. Il faut que ce soit beaucoup plus facile et beaucoup plus simple. Je pense que ce serait beaucoup moins coûteux si nous avions tout simplement un système plus simple, parce qu'avec les unités de réserve, lorsque vous êtes embauché et assermenté, vous devriez avoir un dossier complet en règle prêt à vous suivre. J'ai vu mon dossier médical, par exemple, parce que j'ai dû faire différents déploiements au sein de différentes unités. Ce dossier médical doit aller à l'autre unité. Il faut une autorisation pour qu'il vous suive.
Je suis un peu surpris de voir pourquoi certains des membres n'ont peut-être pas de dossiers médicaux; néanmoins, c'est tout de même inacceptable.
Le président : Nous allons conclure, alors je vais prendre cela comme un engagement de votre part à vérifier pour vous assurer que, pour ceux qui ne l'ont pas, les dossiers médicaux nécessaires seront constitués.
Monsieur, merci beaucoup de votre présence aujourd'hui. Nous apprécions beaucoup que vous ayez pris le temps. Je vais maintenant permettre à notre témoin de partir.
M. Sajjan : Très bien. Merci de m'avoir accueilli.
Le président : Merci.
Bienvenue au Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense. Dans le cadre de notre examen de questions relatives à l'examen de la politique de défense entrepris par le gouvernement, nous accueillions M. Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques, des Affaires mondiales.
Monsieur Gwozdecky, bienvenue au comité. Je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire. Veuillez commencer.
Mark Gwozdecky, sous-ministre adjoint, Sécurité internationale et affaires politiques, Affaires mondiales Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, de l'occasion de comparaître devant le comité aujourd'hui pour discuter de la contribution du Canada aux opérations de paix dans le contexte de l'examen de la politique de défense.
Mes observations porteront sur la question de l'accroissement du soutien du Canada aux opérations de paix des Nations Unies et à leurs efforts de médiation, de prévention des conflits et de reconstruction à la suite d'un conflit, qui correspond à l'engagement complet contenu dans les lettres de mandat du ministre Dion et du ministre Sajjan.
Permettez-moi de dire d'entrée de jeu que notre gouvernement n'a pas encore fini de délibérer au sujet d'une nouvelle stratégie relative aux opérations de paix; par conséquent, je ne suis pas en mesure d'aborder ce sujet aujourd'hui. Ce dont j'aimerais parler, toutefois, c'est de la façon dont les opérations de paix ont changé, des leçons que nous avons tirées et des idées qui inspireront notre nouvelle stratégie.
Nous sommes tous passés devant le Monument national au maintien de la paix, ici, dans la capitale nationale, qui a été érigé en 1992, pour rendre hommage à nos hommes et nos femmes qui ont servi dans le cadre de missions de maintien de la paix au fil des ans. Ce monument représente trois Casques bleus debout sur deux arêtes de pierre affilées comme des couteaux qui tranchent les gravats et les débris de la guerre et convergent à un point élevé, qui symbolise la résolution des conflits. Ces trois personnages ne possèdent aucune arme, et il n'y a aucun véhicule ni aucun matériel sophistiqué. Ce monument symbolise la conception qu'ont la plupart des gens du maintien de la paix, où des forces de maintien de la paix sont déployées entre deux parties opposées pour surveiller paisiblement une trêve convenue ou un accord de paix.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que la réalité des opérations de paix est radicalement différente.
[Français]
Tel que le mentionnait hier le premier ministre dans le cadre de la Journée internationale des agents de maintien de la paix de l'ONU,
Le maintien de la paix est intimement lié aux valeurs et au leadership du Canada. La première mission de maintien de la paix des Nations Unies a eu lieu en grande partie grâce aux efforts de Lester B. Pearson et au leadership de E.L.M. « Tommy » Burns, commandant des Forces des Nations Unies. Leurs actions combinées au cours de la crise du canal de Suez de 1956 ont marqué le fondement de l'identité du Canada en tant que gardien de la paix. Depuis lors, les opérations de paix des Nations Unies ont évolué, passant de la séparation des belligérants et de la surveillance des cessez-le-feu à la protection des populations vulnérables et à l'établissement des conditions propices à une paix durable. Comme les conflits ont augmenté en intensité et en complexité, les risques pour les Casques bleus des Nations Unies qui mettent leur vie en péril pour protéger celle des autres ont également augmenté.
Depuis 60 ans, les Casques bleus canadiens ont fièrement contribué à promouvoir la paix, la démocratie, le respect des droits de la personne et la primauté du droit à travers le monde dans le cadre de leur participation aux opérations de l'ONU.
Plus de 120 000 Canadiens ont servi dans des opérations de paix de l'ONU. Il s'agit d'une tradition dont nous sommes fiers, et notre gouvernement a clairement indiqué qu'il souhaitait que le Canada joue un rôle important dans ces opérations à l'avenir.
Les caractéristiques des opérations de paix modernes sont les suivantes. Souvent, il n'y a pas d'accord de paix clairement établi dont on doit surveiller le respect. La violence se produit dans des conflits intra-étatiques qui s'étendent souvent aux pays voisins, créant des tensions profondes dans la région. Les parties armées sont souvent composées d'acteurs non étatiques qui n'ont aucun respect pour le droit international et qui ont rarement à répondre de leurs actes. Les combattants représentent rarement des armées officielles d'États reconnus, et ils agissent sans égard aux normes internationales. Les acteurs et les alliances changent souvent. Les civils sont systématiquement visés. Les enfants et le viol sont souvent utilisés comme armes de guerre. Il est commun pour certaines parties de refuser les processus politiques et les cessez-le-feu. Dans d'autres cas, des acteurs étatiques peuvent refuser de reconnaître leurs adversaires non étatiques.
[Traduction]
De nos jours, les missions modernes de maintien de la paix ont pour mandat de réaliser un vaste éventail de tâches exigeantes en réponse à ces défis. Cela comprend aider à maintenir la sécurité, restaurer la loi et l'ordre, surveiller les situations des droits de la personne, bâtir des institutions de gouvernance durables, coordonner des élections, réformer le secteur de la sécurité, et le désarmement, la démobilisation et la réinsertion d'anciens combattants.
Les missions interviennent souvent dans des régions menacées par des groupes extrémistes transnationaux violents, où les troupes doivent être formées et équipées pour une guerre asymétrique. Les missions de maintien de la paix ont aussi un rôle de protection des civils contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe ainsi que d'autres atrocités. Puisque des civils et des fonctionnaires des Nations Unies sont régulièrement ciblés, l'emploi de la force au- delà de la légitime défense est de plus en plus autorisé par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Des mandats plus larges commandent une démarche multidimensionnelle qui consiste notamment à mettre l'accent sur la prévention et la médiation plutôt que sur la gestion de crises, et à combiner des contributions civiles et policières aux contributions militaires. C'est la nouvelle réalité des opérations de paix.
Le Canada a un profond intérêt en matière de sécurité nationale à atténuer la fragilité des États et à prévenir, contenir et résoudre les conflits armés. Les États et les régions touchés par des conflits armés déstabilisent leurs voisins; ils créent des terrains fertiles pour des insurrections, de l'extrémisme violent et de la criminalité violente; ils créent des flux déstabilisants de réfugiés et de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays; ils anéantissent en un instant des années de croissance économique et de développement; et les conflits ont un impact dévastateur sur les populations civiles, qui peuvent notamment être ciblées directement.
En dehors des Nations Unies, il y a d'autres acteurs dans le domaine des opérations de paix, comme l'Union européenne ou ses États membres. Le Conseil de sécurité autorise aussi des missions dirigées par d'autres parties, comme l'Union africaine, dans certains cas, ou l'OTAN.
Pour le Canada, relever ces défis dans le cadre de structures dirigées par les Nations Unies ou sanctionnées par les Nations Unies présente plusieurs avantages. Travailler collectivement sous l'égide des Nations Unies confère de la légitimité à nos actions. Cela facilite également le partage du fardeau. Cela diffuse les risques, et cela permet au Canada et à d'autres pays de contribuer en fonction de leurs forces et de leurs capacités particulières, au profit de tous.
Les opérations de paix des Nations Unies ont été confrontées à de nombreux défis. Les budgets et les mécanismes de réponse sont surchargés. Bien que la prévention des conflits et la consolidation de la paix figurent parmi les tâches essentielles du Conseil de sécurité, elles sont chroniquement sous-priorisées et sous-financées. Les interventions en situation de crise sont devenues un des objets principaux des opérations de paix des Nations Unies, ce qui accapare des ressources au détriment des activités de prévention des conflits et de consolidation de la paix. Par exemple, alors que le budget actuel de maintien de la paix varie entre 8 et 9 milliards de dollars américains, les coûts des interventions humanitaires et des interventions en situation de crise tournent autour de 25 milliards de dollars par année.
Par ailleurs, les principaux contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont beaucoup changé. Les cinq plus grands pays contributeurs de troupes et de policiers sont maintenant l'Éthiopie, l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh et le Rwanda.
Les facteurs qui sont pris en considération varient d'un pays à un autre lorsque chacun détermine l'envergure et la nature de sa contribution. Il est clair que nous profitons tous d'un élargissement du bassin des pays qui investissent dans le soutien à la paix, que ce soit sous forme de prévention de conflits ou d'intervention — civile et militaire — dans des situations de conflit, et qui investissent dans le rétablissement de la primauté du droit et la consolidation de la paix de manière plus générale.
[Français]
Sachant qu'il y avait de nombreux défis à relever en raison des crises actuelles et des attentes plus élevées, l'ONU a parrainé trois examens important en 2015 et est en train d'achever un quatrième examen.
Ces examens ont pour point commun d'indiquer que les solutions à cette nouvelle génération de conflits doivent être fondamentalement politiques et que les processus politiques doivent diriger la conception et le déploiement des opérations de paix.
Les examens indiquent aussi qu'il est impératif de créer un Secrétariat des Nations Unies qui serait plus agile et plus souple dans son soutien aux missions sur le terrain, ainsi que dans sa prise de décision afin d'assurer que les opérations de paix se concentrent sur les personnes qu'elles servent.
Même si l'ONU et les pays qui en sont membres ont beaucoup amélioré la manière dont les opérations de paix sont gérées et la manière dont les contributions sont faites au cours des dernières années, il reste encore beaucoup à faire pour veiller à ce que les personnes responsables de la mise en œuvre des mandats et des missions de l'ONU aient les connaissances, les ressources et la formation nécessaires pour s'acquitter de leur rôle de façon efficace.
[Traduction]
La contribution actuelle du Canada est importante, bien que la nature de notre contribution ait évolué avec le temps. Le Canada est le neuvième plus grand contributeur financier au budget de maintien de la paix des Nations Unies, avec une contribution d'environ 290 millions de dollars chaque année. Toutefois, à l'instar du G7 et d'autres pairs, le nombre de militaires et de policiers que nous contribuons a été réduit. À l'heure actuelle, le Canada compte 115 Canadiens qui servent dans le cadre d'opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Toutefois, ce nombre est plus élevé lorsque l'on tient compte des contributions à la prévention et à la résolution de conflits en dehors du système des Nations Unies. Nous examinons actuellement la question de savoir quel est le niveau optimal de contributions de troupes, et s'il y a d'autres contributions que nous pouvons faire, par exemple, en fournissant des technologies habilitantes en matière de transports, de soutien médical ou d'ingénierie et de capacités de renseignement, qui auront un impact encore plus grand.
Le Canada a plusieurs forces à cet égard, comme nos militaires, nos policiers et nos experts civils professionnels expérimentés et bien formés, notre bilinguisme et notre absence d'un héritage colonial.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, le premier ministre a confié au ministre des Affaires étrangères et au ministre de la Défense nationale le mandat de travailler de concert à cette importante entreprise. Nous travaillons à élaborer une stratégie de concert avec les Nations Unies et nos proches alliés ainsi qu'avec divers partenaires globaux et la société civile canadienne. Notre démarche tablera sur les forces du Canada comme, par exemple, notre bilinguisme, notre engagement de longue date à promouvoir les droits des femmes, la paix et la sécurité, et la haute qualité de notre personnel.
Permettez-moi de vous faire part de certaines des priorités qui sont ressorties des différents examens de haut niveau des Nations Unies que j'ai mentionnés, et qui inspireront notre démarche à l'égard de la réforme des politiques en matière de maintien de la paix.
Par exemple, ces examens en appelaient à accorder une attention renouvelée aux actions préventives et à la prévention des conflits. Ils en appelaient à l'élaboration de mandats clairs et plus robustes appuyés par des ressources financières et humaines adéquates avant déploiement et bénéficiant du soutien politique d'acteurs clés. Les rapports recommandaient que nous continuions à prioriser la protection des civils. Ils appelaient les États membres à appuyer des mesures visant à améliorer les capacités opérationnelles des contributeurs de troupes et de policiers et des mesures visant à améliorer l'état de préparation et la planification des Nations Unies. Ils recommandaient que nous travaillions à habiliter les femmes à contribuer de manière importante à la prévention et la résolution des conflits et à accroître la participation des femmes au maintien de la paix.
Le Canada examinera les moyens d'appuyer les mesures des Nations Unies visant à renforcer sa politique de tolérance zéro à l'égard de l'exploitation sexuelle et des agressions sexuelles.
Honorables membres du comité, les représentants du ministère de la Défense nationale sont les mieux placés pour discuter de la stratégie relative aux opérations de paix des Nations Unies dans le contexte de l'examen de la politique de défense. Toutefois, nous travaillons de concert avec d'autres à la conception de cette stratégie, et nous fondons notre démarche sur le renouvellement de notre engagement envers les Nations Unies et l'accroissement de notre rôle de soutien des opérations de paix des Nations Unies à l'avenir, notamment en nous attaquant aux problèmes que posent les États fragiles et aux prises avec des conflits. Il est clair que l'objectif déclaré du gouvernement qui consiste à renouveler sa participation aux opérations de paix des Nations Unies jouera un rôle et influera sur les résultats de cet examen.
Merci beaucoup, et j'ai hâte de pouvoir répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup.
Le sénateur Oh : Merci beaucoup d'être ici. Pouvez-vous parler de la mission des Nations Unies au Mali, au Congo et dans le Sinaï et élaborer sur la façon dont les opérations de soutien au maintien de la paix des Nations Unies ont évolué au cours des 10 dernières années, et dans quelle mesure et en quoi cette évolution est-elle liée à la menace terroriste mondiale à laquelle nous sommes confrontés?
M. Gwozdecky : Je ne suis pas en mesure de vous faire un compte rendu détaillé de chacune de ces missions.
Le sénateur Oh : Tout ce que vous pouvez nous dire.
M. Gwozdecky : Je vais tenter de formuler ma réponse en expliquant comment l'extrémisme et le maintien de la paix sont liés en ce sens que des opérations de paix sont en demande dans les endroits où la gouvernance est défaillante et où l'État est fragilisé, ce qui crée un espace pour les insurrections criminelles ou terroristes. C'est évidemment dans les endroits où l'État est le plus fragile que l'on trouve le plus grand besoin d'opérations de paix.
Vous avez mentionné le Mali.
Le sénateur Oh : Le Congo.
M. Gwozdecky : Le Mali est probablement le théâtre de l'opération de paix des Nations Unies la plus mortelle parmi celles qui sont actuellement en cours. Je crois que plus de 50 Casques bleus ont été tués dans le contexte de cette opération. Il s'agit d'une opération dirigée par les Nations Unies. Par contraste, je mentionnerais la mission de paix non dirigée par les Nations Unies dans le Sinaï, qui est, malheureusement, un environnement presque aussi dangereux où nous n'avons pas eu autant de décès jusqu'à présent, mais les menaces sont très, très présentes, principalement des extrémistes basés dans le Sinaï qui ont attaqué, de temps à autre, la FMO, la Force multinationale et Observateurs.
Ce n'est pas une opération dirigée par les Nations Unies, mais plutôt une opération résultant de l'accord de paix entre l'Égypte et Israël, et elle bénéficie du soutien de ces pays; mais elle n'a pas été fondée sur un mandat des Nations Unies pour des raisons historiques liées aux sensibilités des parties à cet accord, en particulier l'Égypte et Israël.
Il y a un exemple d'une opération qui n'est pas dirigée par les Nations Unies et qui est très importante pour le maintien de l'intégrité de cet accord de paix, mais il s'agit aussi d'un environnement extrêmement dangereux.
C'est un des endroits où le Canada a le plus grand nombre de nos Casques bleus. Nous avons 71 officiers de l'armée qui participent à cette opération, dont le commandant de la force qui réalise cette mission, de sorte que celle-ci représente actuellement une de nos plus grosses contributions à des opérations de paix.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur Gwozdecky. Vous avez mentionné tantôt le travail de la MINUSTAH en Haïti. Alors que j'étais policier à la Sûreté du Québec, je me suis rendu à deux reprises en Haïti. J'ai eu l'occasion de constater le travail effectué par la MINUSTAH avec la Gendarmerie royale du Canada, les différents corps de police, et cetera. Évidemment, il n'est pas facile de faire fonctionner tout cela, surtout avec l'ONU. Cependant, je crois sincèrement que cela a apporté plus de paix en Haïti. D'ailleurs, je crois que ces gens y sont encore.
De quelle façon le soutien aux opérations de paix internationales sert-il l'intérêt national du Canada? Cela contribue-t-il à promouvoir les valeurs canadiennes?
[Traduction]
M. Gwozdecky : Très bien, monsieur le sénateur. Merci pour cette question.
Permettez-moi de commencer par vous faire une brève description de la contribution que nous faisons actuellement en Haïti. Nous avons en tout 80 personnes affectées à cette mission, dont 75 proviennent de différents corps policiers, en particulier de la GRC. Cinq proviennent de l'armée.
En fait de contribution policière, nous participons à des équipes spécialisées. Ce type de contribution est ressorti au fil des ans comme étant très important. Ce n'est pas assez que de simplement envoyer des policiers. Il y a des exigences propres au fait de soutenir des États d'une manière spécialisée, et ce que nous faisons en Haïti étaye les efforts déployés par les Haïtiens pour développer leur capacité à offrir des services de police communautaires. Je vais en parler dans un instant. Notre intervention étaye leur capacité à lutter contre les crimes graves et la criminalité organisée. Elle étaye leur capacité à lutter contre la violence sexuelle et la violence fondée sur le sexe, en plus de soutenir leur cadre de gestion intermédiaire.
Je vais revenir aux services de police communautaires, parce qu'il s'agit d'une question très importante. Bien souvent, lorsque les gens pensent au maintien de la paix, ils pensent surtout à des contributions militaires alors qu'en fait, bien souvent, dans les pays où les collectivités sont nouvellement libérées, ce dont elles ont le plus besoin, ce n'est pas d'un état d'esprit militaire, mais d'un état d'esprit policier. Ce n'est pas suffisant de se contenter d'expulser les méchants. Il faut des policiers pour stabiliser une collectivité afin d'en faire un endroit sûr où les gens peuvent fonctionner, et les policiers sont les mieux placés pour offrir ce type de soutien, par opposition aux militaires.
Alors voilà le genre de choses que nous faisons en Haïti de concert avec d'autres. Nous aidons en particulier à bâtir les services de police en Haïti. Je pense que notre objectif est 15 000 policiers adéquatement formés pour soutenir leur développement, et je pense que c'est en accord avec nos valeurs. Nos valeurs sont que tous méritent des collectivités sûres, et tous devraient avoir des institutions chargées de la sécurité auxquelles ils peuvent faire confiance, que vous soyez un homme ou une femme. À cet égard, je soulignerais que les femmes et les enfants vivent les conflits différemment. Trop souvent, dans les endroits où l'État est fragilisé, ce sont les femmes et les enfants qui sont les plus vulnérables, de sorte que leurs institutions chargées de la sécurité doivent être non seulement des institutions dignes de confiance, mais aussi des institutions qui peuvent protéger les plus vulnérables.
J'espère que cela a répondu à votre question.
[Français]
Le sénateur Dagenais : En passant, lorsque je suis allé en Haïti, j'ai pu constater que le Canada est très apprécié par le peuple haïtien.
Êtes-vous en mesure de me dire si le Canada pourra renouveler son soutien aux opérations de paix des Nations Unies, tout en assurant sa défense nationale et continentale? C'est toujours une question de budget, bien sûr, mais le Canada est-il en mesure d'assurer un soutien, peut-être pas permanent, mais à tout le moins récurrent pendant un certain temps?
[Traduction]
M. Gwozdecky : Je pense que c'est là une question très importante, monsieur le sénateur, et c'en est certainement une qui donnera lieu à des délibérations très rigoureuses.
Toutefois, je dirais que, dans le passé, notre pays a été capable de réaliser ces deux objectifs que vous avez mentionnés — le maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies et nos objectifs en matière de défense nationale. Au milieu des années 1990, nous avions plus de 3 000 individus affectés à différentes opérations de paix partout dans le monde. C'est probablement à cette époque qu'il y a eu le plus grand nombre de Canadiens affectés à des opérations de paix, et je pense qu'au cours de cette période, nous avons également réussi à faire en sorte de disposer des ressources nécessaires pour assurer notre sécurité nationale.
Mais je pense que la question que vous avez posée est une des questions centrales qu'il faudra examiner convenablement pour ce qui concerne la pondération de ces deux objectifs.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup, M. Gwozdecky. Je tiens à souligner tout d'abord toute l'aide que vous avez donnée à de nombreux comités sénatoriaux, et je tiens à vous remercier de l'assistance que vous avez prêtée.
Monsieur le ministre Sajjan nous a présenté une lettre, et il nous a demandé comment la Défense nationale et les Forces armées canadiennes peuvent contribuer à renouveler l'engagement du Canada à participer aux forces de maintien de la paix des Nations Unies.
Cela étant dit, et étant donné que la nature des opérations de paix change rapidement, comme nous le savons tous, que pensez-vous de l'idée d'adopter une démarche pangouvernementale en ce qui a trait à la participation du Canada aux activités de maintien de la paix en utilisant les ressources de différents ministères?
Je sais que vous affectez beaucoup de ressources aux opérations de maintien de la paix, mais est-ce que d'autres ministères pourraient aussi être mis à contribution?
M. Gwozdecky : C'est une excellente question, et je pense que vous avez mis le doigt sur un des éléments clés de l'optimisation de l'impact du Canada.
En guise d'analogie, j'évoquerais l'annonce du gouvernement en février de sa nouvelle stratégie au Moyen-Orient, en particulier, en ce qui a trait à la contribution que fait le gouvernement à la lutte contre EIIL. Cette stratégie a fait appel à tous les atouts du gouvernement canadien, non seulement le soutien de l'armée, mais aussi nos ressources en matière de développement, d'aide humanitaire, de stabilisation et de services de police. Toutes ces ressources ont été réunies dans le cadre de cette stratégie pour étayer un objectif global, et il ne fait aucun doute que nous tenterons de faire la même chose lorsque nous élaborerons notre stratégie relative aux opérations de paix, parce que la fragilité d'un État n'est pas un problème auquel on peut remédier au moyen d'une seule intervention facile. Il faut adopter une démarche globale, et lorsqu'on fait le tour du monde, on voit des États qui présentent des degrés différents de fragilité, et qui ont besoin d'interventions différentes, mais, la chose la plus importante, c'est que nous devons aborder ces situations avec un coffre d'outils complet afin d'éviter que nous réglions un problème, mais que la mission soit un échec parce que nous avons négligé un autre aspect de ce problème.
C'est une chose que de mettre fin à un conflit, mais il importe également de donner aux États le soutien dont ils ont besoin pour se développer et pour jouir de la stabilité qui leur permettra de ne pas sombrer de nouveau dans une situation de conflit ou dans un état de fragilité.
« Pangouvernemental » sonne comme une devise ou un slogan, mais le terme correspond bien à ce que nous essayons de faire pour que notre intervention ait le plus grand impact possible.
La sénatrice Jaffer : J'ai été très heureuse de constater que, dans vos observations, vous parliez d'habiliter les femmes de manière à ce qu'elles contribuent de manière importante à la prévention et la résolution des conflits. Partout, les femmes disent qu'il faut qu'elles participent à la prévention des conflits.
Avons-nous un plan d'action national relatif à la résolution 1325? Plus tôt dans vos observations, vous avez parlé des femmes, de la paix et de la sécurité. Avons-nous maintenant, après toutes ces années, un plan d'action national en bonne et due forme? Est-ce que nous y travaillons? Comment allons-nous utiliser le thème des femmes, de la paix et de la sécurité? Quel est notre plan détaillé?
M. Gwozdecky : Merci, madame la sénatrice. Permettez-moi de commencer par revenir à ce que j'ai dit plus tôt, à savoir que les femmes figurent parmi les personnes les plus vulnérables et elles sont les personnes les plus susceptibles de souffrir dans des situations de conflit. Elles constituent aussi une ressource vitale quand vient le temps de prendre un État et de l'aider à se reconstruire après un conflit, et il est donc très important que nous soutenions les femmes et que nous soutenions leur habilitation. D'ailleurs, le Canada possède bel et bien un plan d'action en place pour étayer la résolution 1325. Nous travaillons à la mise à jour de ce plan en ce moment même, en tentant de lui donner une véritable signification — non pas qu'il n'avait pas déjà un effet positif —, de le moderniser, afin de nous assurer qu'il fera une différence dans des endroits où l'on a tant besoin des femmes et où elles sont si vulnérables.
Dans des endroits comme l'Irak, qui est une partie du monde que je connais mieux que d'autres, il y a des circonstances particulières qui ont des répercussions sur les femmes. Principalement, ce qui se passe, c'est que vous avez des collectivités où il y a des déplacements forcés d'individus. Dans le contexte irakien, il s'agit habituellement de collectivités sunnites, et les individus ont été forcés de se réinstaller dans des collectivités dominées par des Sunnites au sein desquelles il y a une culture beaucoup plus conservatrice. Ainsi, vous avez des ménages dirigés par des femmes, issus de milieux plutôt progressistes, ou, disons, moins conservateurs, qui se retrouvent soudainement dans des collectivités très conservatrices sans que l'homme du ménage soit présent. Alors, il en résulte des vulnérabilités particulières.
Nous devons trouver des moyens de soutenir les femmes dans ce contexte. Le Canada a fourni beaucoup de soutien au processus de paix syrien pour aider à former des négociatrices syriennes, qui sont des femmes, pour leur permettre de mieux contribuer à ce processus.
Il y a plusieurs femmes très fortes au sein du Haut-Comité de négociation pour le processus de paix syrien. Nous aimerions en voir davantage s'engager, pour mettre à contribution leur expérience particulière.
Ce sont là que quelques-unes des choses que nous devons faire davantage, et que nous ferons davantage lorsque nous terminerons cet examen.
Le sénateur White : Merci d'être ici. J'apprécie que vous preniez le temps. Vous dites que nous avons seulement 115 Canadiens actuellement engagés dans des activités de maintien de la paix des Nations Unies, y compris les policiers?
M. Gwozdecky : Oui. Nous avons en tout environ 115 personnes actuellement engagées dans des activités de maintien de la paix des Nations Unies. Comme je l'ai mentionné, il y a plusieurs missions de maintien de la paix en dehors du cadre des Nations Unies, qui sont dirigées par l'Union européenne ou l'OTAN, et, là, nous avons une autre centaine de Canadiens ou plus qui participent.
Le président : Pourriez-vous nous donner une ventilation de cela, s'il s'agit de missions dirigées par les Nations Unies ou par l'OTAN, pour que nous comprenions bien sur quels théâtres et dans quelles opérations nous sommes engagés, et nous préciser combien de Canadiens sont engagés?
Le sénateur White : Depuis la Namibie, lorsque les policiers ont commencé à faire ce type de travail au Canada, ou, à tout le moins, lorsqu'ils ont commencé à représenter officiellement le Canada dans ce genre de contexte, nous avons vu une croissance, et, à une certaine époque, une légère diminution, mais, certainement, depuis le 11 septembre 2001, nous avons vu des policiers canadiens engagés dans de plus en plus d'endroits partout dans le monde. En fait, je pense que la demande a toujours été forte. D'autres pays — l'Australie, la Nouvelle-Zélande, certains autres, des pays scandinaves — ont eu les mêmes demandes que nous.
Au lieu que le financement passe du gouvernement fédéral à la GRC pour gérer un tel système, a-t-on envisagé la possibilité que la GRC ne fournisse plus la majorité du contingent des participants à des missions à l'étranger? En fait, la majorité est maintenant composée de policiers municipaux et provinciaux. A-t-on envisagé la possibilité de confier la gestion à quelqu'un d'autre que la GRC, que ce soit Affaires mondiales ou le ministère de la Défense nationale, peut- être en créant à cette fin une entité permanente au sein d'un autre organisme ou ministère?
M. Gwozdecky : Ce que je peux vous dire, monsieur le sénateur, c'est que le gouvernement a récemment approuvé une prorogation de l'Arrangement sur la police civile au Canada. Aux termes de cet arrangement, la responsabilité des déploiements de policiers est partagée entre le ministère des Affaires mondiales et le ministère de la Sécurité publique, dont la GRC est une composante. Il y a donc une responsabilité partagée à cet égard.
Cet arrangement prévoit des ressources permettant de déployer 150 membres de corps policiers à l'étranger chaque année. Comme vous l'avez mentionné — je n'ai pas les chiffres devant moi —, un grand nombre d'entre eux proviennent de corps policiers municipaux et provinciaux, et non de la GRC. L'arrangement que nous avons, qui prévoit une cogestion par Affaires mondiales et la GRC, semble fonctionner relativement bien, et nous avons maintenant un engagement solide de ressources à cet égard pour l'avenir.
Le sénateur White : Je pense que c'est aussi un succès d'un point de vue opérationnel. Nous venons tout juste d'avoir cette discussion avec le ministre il y a quelques minutes, et nous avons eu cette discussion avec le ministre Goodale et le ministre des Anciens Combattants. Le problème que nous avons, c'est qu'ils ne sont pas traités également; ainsi, les employés de la GRC sont traités comme ils devraient l'être à tous les égards, mais il y a des employés provinciaux et municipaux qui rentrent au pays et qui n'ont pas accès aux mêmes avantages que les agents de la GRC.
Ils n'ont pas accès à Anciens Combattants, au programme médical, aux programmes de traitement du TSPT et des TSO qui sont offerts aux employés de la GRC et aux employés de l'armée. Je pense qu'au plan opérationnel, ils fournissent un service spectaculaire. Ce qui me préoccupe, cependant, c'est que lorsqu'ils rentrent au pays, nous les traitons complètement différemment. Non seulement n'ont-ils pas accès à la Défense nationale, mais ils n'ont pas accès aux personnes avec qui ils travaillent côte à côte dans ces endroits. C'est cela qui me préoccupe. Cela concerne moins le volet opérationnel et davantage la question de savoir si nous les traitons également et équitablement, et je ne pense pas que nous le faisons.
M. Gwozdecky : Je vous promets de relayer ce message à mes collègues à la Sécurité publique et à la GRC.
Le sénateur White : Je l'ai déjà fait. J'apprécie que vous soyez ici.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir aux propos du sénateur White. Dans le cas d'Haïti, des policiers de la Sûreté du Québec ont été retirés des opérations en raison de chocs post-traumatiques. Ils ne pouvaient recevoir le même traitement que les anciens combattants. On les retournait dans leur organisation, qui se chargeait de les aider en fonction de leurs avantages sociaux.
Cela reprend les propos du sénateur White, à savoir qu'il faut centraliser ou unifier leur réinsertion. Lors du tremblement de terre en Haïti, des policiers de la GRC sont décédés et des agents de la Sûreté du Québec ont été blessés. À leur retour, chaque organisation avait la responsabilité d'assurer leur suivi médical. J'imagine que c'est ce que soutenait le sénateur White?
[Traduction]
M. Gwozdecky : Merci de porter cela à mon attention. Je ne suis pas en mesure d'émettre de commentaires. J'aimerais avoir la possibilité d'aller consulter la GRC. Elle aura certainement des renseignements que nous pourrons vous faire suivre pour expliquer quel est l'arrangement et qu'est-ce qui est fait, et j'espère que ces renseignements répondront aux préoccupations que vous avez.
Le sénateur White : Je vous remercie beaucoup pour cela. Il y a une solution, si je peux me permettre de faire une suggestion.
Les policiers peuvent être assermentés en vertu de l'article 7 de la Loi sur la GRC en qualité d'agent spécial à titre surnuméraire, ce qui leur donne accès à exactement les mêmes avantages que ceux auxquels ont accès les agents de la GRC lorsqu'ils rentrent au pays.
En fait, je pense qu'ils sont probablement assermentés à un certain grade de manière à ce qu'ils puissent agir pour le compte du Canada dans un pays étranger, parce que leurs pouvoirs policiers sont provinciaux au Canada. Ainsi, on leur confère la capacité d'agir; ce qu'on ne leur confère pas, c'est la couverture. C'est vraiment cela qui nous préoccupe.
Cela ne posait pas problème dans le temps de la Namibie. Le tout premier contingent était entièrement composé de policiers. Je ne pense pas que les gens se rendent compte des répercussions sur les corps policiers et leurs dirigeants qui se demandent pourquoi ils envoient des gens à l'étranger, puis, lorsqu'ils reviennent, nous les traitons comme des soldats de deuxième classe.
Merci d'être ici aujourd'hui.
Le président : Chers collègues, j'aimerais revenir à la question des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et du budget. Vous avez dit dans votre allocution ici que le Canada faisait une contribution d'environ 290 millions de dollars chaque année. Avez-vous avec vous une ventilation sommaire de ces 290 millions de dollars?
M. Gwozdecky : Ces 290 millions de dollars représentent ce qu'on appelle communément la contribution quote-part du Canada. Autrement dit, je pense que notre part, notre contribution annuelle aux Nations Unies, représente environ 3 p. 100 de son budget total. En gros, nous fournissons 3 p. 100 du budget total. Cela comprendrait tous les aspects du budget des opérations de paix des Nations Unies.
Le président : Donc, cela, c'est notre contribution aux Nations Unies, 290 millions de dollars?
M. Gwozdecky : Oui. C'est l'obligation que nous avons et qu'ont tous les États membres de contribuer aux Nations Unies.
Ce dont il est question dans le contexte de la nouvelle stratégie du gouvernement, c'est de ce que nous ferions en plus de cela sous la forme, par exemple, d'une contribution volontaire à différentes activités menées dans le cadre d'opérations de paix.
Le président : Je tente d'épuiser la question dans le but de prendre la mesure exacte de l'engagement du Canada dans le monde. Nous avons parlé du Kurdistan avec le ministre de la Défense plus tôt aujourd'hui. Notre contribution y est passablement importante, et, à certains égards, elle s'inscrit dans le cadre ou elle peut être prise dans le contexte d'une mission de maintien de la paix, étant donné que nous fournissons actuellement de la formation et d'autres outils pour le peuple du Kurdistan en ce moment.
Si je pose cette question, c'est parce que je veux avoir une idée précise de l'ampleur de la contribution que fait le contribuable canadien partout dans le monde à ce type de missions dont nous parlons. Nous avons parlé d'Égypte et de la bande de Gaza. Nous y faisons une contribution importante.
Avez-vous une ventilation, compte tenu de vos responsabilités à Affaires mondiales, qui vous permet de dire que c'est ce montant que le Canada dépense lorsque l'on tient compte de toutes les décisions et de tous les engagements pris?
M. Gwozdecky : La réponse à votre question, monsieur le sénateur, c'est que je ne suis pas au courant d'un montant total qui englobe l'ensemble de ces coûts. Ce que j'ai mentionné dans ma déclaration, c'est le fait que les « opérations de paix » sont un concept qui englobe une gamme complète des interventions qu'un pays peut faire. Le maintien de la paix ne constitue qu'une partie de cela. Les contributions aux opérations de paix peuvent consister à envoyer un médiateur dans une situation pour aider à appuyer un processus de paix, ou à envoyer des spécialistes de la résolution des conflits. Les Nations Unies comptent plus de 4000 personnes qui font précisément ce genre de choses. Ils appellent cela des missions politiques partout dans le monde. Ils sont présents en Syrie, par exemple, avec des équipes sur le terrain qui tentent d'appuyer le processus de paix en place.
Les opérations de paix, c'est bien plus qu'avoir des Casques bleus sur le terrain. Ces opérations sont de plus en plus susceptibles de mobiliser des civils pour appuyer des processus de paix, des processus de médiation, des processus de résolution ou des processus de consolidation de la paix. Ensuite, il y a tous les autres éléments que j'ai mentionnés : le soutien humanitaire que nous fournissons, habituellement dans des endroits où il y a de la fragilité, et l'aide au développement. Nous n'avons pas l'habitude de regrouper tous ces éléments dans un seul budget parce que ce sont des activités distinctes. Mais, ce que nous tentons de faire dans le contexte d'une opération de paix, c'est de rassembler tous ces outils pour soutenir un résultat.
Le président : Je tente simplement d'avoir une idée de l'engagement financier total d'une manière générale dans les différentes régions où nous sommes engagés. Je pensais que votre ministère en aurait une idée de manière à pouvoir dire qu'au Kurdistan, nous dépensons tant, et qu'à Gaza, nous dépensons tant — pour donner du contexte à la participation des Canadiens aux événements à mesure qu'ils se déroulent partout dans le monde.
M. Gwozdecky : C'est une question tout à fait raisonnable. Toutefois, la question consiste à déterminer comment faire les distinctions appropriées, parce qu'il arrive qu'une activité qui serait habituellement réalisée dans le contexte d'opérations de paix soit aussi menée afin de contribuer à la réalisation d'un autre objectif. Par exemple, le gouvernement a une enveloppe d'aide internationale de plus de 5 milliards de dollars pour toutes les formes d'activités d'aide internationale que nous menons à l'étranger.
Le président : Chaque année?
M. Gwozdecky : Chaque année. La plus grosse part de cette enveloppe est consacrée à des activités d'aide au développement, ce qui comprend les interventions humanitaires partout où il y a des situations de conflit ou des besoins humanitaires. Ces fonds ne sont pas tous directement liés à une opération de paix, mais, bien souvent, ils peuvent être affectés à cette opération de paix.
Ensuite, vous avez les ressources du ministère de la Défense nationale ou de la GRC ou de la Sécurité publique. Leurs ressources sont souvent déployées à l'étranger dans le contexte d'opérations de paix, mais elles sont aussi employées ici au Canada ou ailleurs pour mener des activités qui ne s'inscrivent pas dans le cadre d'opérations de paix.
Je pense que ce que je suis en train de dire, c'est qu'une nouvelle stratégie de paix pourrait bien exiger de nouvelles ressources de la part des contribuables, mais elle pourrait tout aussi bien nous amener à mobiliser des ressources dont nous disposons déjà au sein de différents ministères et organismes à l'échelle du gouvernement afin de les affecter d'une manière coordonnée à la résolution d'un problème donné.
Le président : Si je peux me permettre, chers collègues, aux fins de notre étude de la question de notre engagement pour ce qui concerne le ministère de la Défense et la question des Nations Unies et de leur collaboration future, je tente d'avoir une idée de la façon dont cela fonctionne.
D'après ce que je peux lire ici — corrigez-moi si je me trompe —, il semble que le gouvernement ait décidé ou soit en train de décider de, comme vous le dites, tout réunir. Est-ce que j'ai bien lu que les Affaires mondiales assumeront essentiellement le rôle de direction pour ce qui est de veiller à ce que ces engagements que nous prenons en matière de maintien de la paix et dans d'autres domaines, avec le ministère de la Défense nationale, mais les Affaires mondiales assumeront le rôle de direction pour ce qui est de superviser ces choses et de veiller à ce qu'elles soient faites de telle sorte que nous ayons cette combinaison et cette mise en commun de ressources et d'information? Est-ce exact?
M. Gwozdecky : Je pense que, de manière générale, c'est exact. Le ministère des Affaires mondiales a le mandat de coordonner les activités du Canada à l'étranger.
Dans le cas de cette stratégie relative aux opérations de paix, ce sera une décision concertée du ministre de la Défense nationale et du ministre des Affaires mondiales. Tous deux, dans leurs lettres de mandat, se sont vu confier cette responsabilité conjointe. Ils présenteront tous deux cette stratégie au Cabinet. Mais, de manière générale, c'est généralement le ministère des Affaires mondiales qui coordonne les activités du Canada à l'étranger.
Le président : Chers collègues, pourrais-je simplement vous demander un peu de patience?
Nous avons été chargés d'examiner un domaine précis, comme vous le savez, et, évidemment, c'est en partie pourquoi vous êtes ici aujourd'hui. Je constate qu'à la page 8 de votre communication — que, franchement, j'ai trouvée très bien livrée —, vous décrivez sommairement de manière très claire ce que fera le Canada après que les réformes des politiques auront été prises en compte : nous allons plaider en faveur de l'élaboration de mandats clairs et robustes, nous allons continuer de prioriser la protection des civils, et nous allons appuyer les mesures qui visent à améliorer le fonctionnement et les capacités des contributeurs de troupes et de policiers et les mesures qui visent à améliorer l'état de préparation des Nations Unies. Il y a plusieurs autres éléments. Je ne vais pas tous les reprendre.
J'ai l'impression que la décision a déjà été prise quant à savoir comment le Canada participera. La seule chose que vous demandez de nous est de nature opérationnelle, comment faisons-nous cela. Est-ce que nous arriverions par la voie des airs ou par voie terrestre? Je déteste recourir à ces images simplistes, mais je tente de comprendre exactement ce qui est demandé de nous.
M. Gwozdecky : Monsieur le sénateur, il y a une légère modification au texte écrit qui vous a été fourni et à ce que j'ai déclaré. Ce n'est pas pour finasser, mais ce que j'ai dit dans mon allocution, c'était que ces points que vous avez mentionnés étaient les résultats de différents examens de haut niveau des Nations Unies. Ce sont les recommandations qui ont été formulées au terme de ces examens et que nous, les Canadiens et le gouvernement canadien, allons prendre en compte lorsque nous élaborerons notre stratégie.
Je n'ai pas voulu vous induire en erreur ni laisser entendre que c'était notre plan détaillé et que c'était déjà réglé, mais je voulais qu'il soit clair que ces importants examens ont débouché sur différentes recommandations, dont certaines sont, à mon avis, assez évidentes et ne prêteraient à aucune controverse. Toutefois, je ne peux pas dire aujourd'hui qu'elles représentent le cadre de notre nouvelle stratégie parce que le gouvernement n'a pas encore eu l'occasion de tenir ses délibérations.
Le président : Il s'agit évidemment d'un domaine que le comité devra examiner sérieusement dans le cadre de ses travaux à venir.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Les missions des Nations Unies peuvent comporter certaines lacunes. J'aimerais connaître votre opinion sur les capacités et l'expertise du Canada et comment elles peuvent servir à combler ces lacunes. Bien qu'on sache que les Nations Unies font un excellent travail, il n'en reste pas moins que l'aide canadienne doit servir à combler ces lacunes. J'aimerais donc savoir quelles sont les capacités et l'expertise du Canada pour combler les lacunes des Nations Unies, s'il y en a, bien entendu.
[Traduction]
M. Gwozdecky : Dans ma déclaration, je parle de certaines des capacités uniques que possède le Canada et qui sont en demande dans un contexte onusien. L'une d'entre elles est évidemment notre capacité francophone. Il s'agit là d'une lacune persistante dans le contexte onusien. Les Nations Unies ont généralement besoin de personnel francophone pour servir à l'étranger, et, évidemment, le Canada peut répondre à ce besoin.
Par ailleurs, nous sommes un pays sans passé colonial. Dans bien des endroits partout dans le monde, nous sommes mieux placés pour poster nos effectifs parce qu'il n'y a aucune tension existante entre le Canada et le pays en question comme c'est le cas pour beaucoup de nos alliés.
Il y a une autre chose qui a changé dans les opérations de paix. J'ai mentionné le fait que les cinq plus grands contributeurs aux opérations de paix des Nations Unies sont des pays en développement : l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh, le Rwanda et l'Éthiopie. Cela s'accorde avec la tendance des pays développés à fournir de moins en moins le gros des troupes sur le terrain. D'autres pays sont capables de fournir les gros contingents, mais, ce que le Canada et d'autres pays développés peuvent fournir, ce sont des choses que d'autres pays n'ont pas, ce que l'on appelle des capacités habilitantes : le transport aérien, le soutien médical, la capacité de renseignement, la capacité d'ingénierie, la capacité de mouvement rapide. Dans le contexte d'opérations de paix dynamiques, vous devez être capable de réagir et de déplacer votre monde. C'est ce genre de choses que les pays développés possèdent et que les pays en développement n'ont pas et qui peuvent constituer une valeur ajoutée et qui peuvent nous permettre d'avoir un plus grand impact sur le résultat sans déployer de grands nombres de Canadiens.
Je devrais également mentionner que nous avons de nombreux Canadiens qui sont des experts dans des domaines comme la médiation de conflits et la résolution de conflits. Nous voulons développer notre capacité civile de déployer du monde dans le cadre de ces missions de paix afin qu'ils puissent idéalement prévenir des conflits avant qu'ils n'éclatent, parce qu'il est évidemment extrêmement moins dispendieux et extrêmement moins coûteux au plan humanitaire de prévenir un conflit avant qu'il n'ait eu lieu.
La sénatrice Jaffer : Ce que vous venez tout juste de dire mène à ma question. Lorsque le ministre Jaffan était ici, il a parlé de prévenir les conflits et de travailler avant les conflits. Si vous ne pouvez pas nous en parler, je peux comprendre. Y a-t-il des pays dans lesquels les Affaires mondiales travaillent à tenter de prévenir des conflits? Vous avez parlé de résolution de conflits. Vous avez raison; vous faites un excellent travail dans ce domaine. Avec quels pays travaillons-nous pour tenter de prévenir des conflits?
M. Gwozdecky : Madame la sénatrice, j'ai mentionné le soutien que nous fournissions dans le contexte syrien à certains des...
La sénatrice Jaffer : Oui, mais, ça, c'est déjà un conflit. Nous ne sommes pas en train de le prévenir.
M. Gwozdecky : En effet. Nous tentons aussi d'empêcher une reprise du conflit, mais vous avez raison.
Nous avons fourni du soutien dans bien des endroits. La Colombie me vient à l'esprit. Il ne s'agit pas tant d'une situation de conflit, mais il y a un accord de paix en cours d'élaboration dans le contexte duquel nous avons fourni du soutien au gouvernement, à sa demande, alors qu'il tentait de négocier cet accord de paix fort complexe avec l'opposition. Nous avons été actifs là-bas.
La sénatrice Jaffer : Et qu'en est-il du Kurdistan?
M. Gwozdecky : Le Kurdistan est une zone de conflit actif.
La sénatrice Jaffer : Oui, c'est une zone de conflit actif, je suis d'accord, mais il y a également des problèmes internes au sein des communautés.
M. Gwozdecky : Nous fournissons du soutien au gouvernement d'Irak, par exemple, en lui transmettant les leçons que nous avons apprises au Canada sur les manières d'appliquer le fédéralisme. Le gouvernement d'Irak a manifesté beaucoup d'intérêt pour notre modèle parce que les Irakiens doivent composer avec une situation très similaire dans leur pays, étant donné qu'il y a une région à tendance autonomiste, mais l'État est aussi un régime fédératif, dans le cadre duquel, s'ils pouvaient trouver une façon de partager le pouvoir et les ressources, ce serait peut-être un résultat qui serait positif dans leur cas.
Nous avons fourni du soutien, par l'intermédiaire de certains organismes canadiens locaux, en fournissant cette capacité et en communiquant les leçons apprises au gouvernement d'Irak.
La sénatrice Jaffer : Vous parliez de parvenir à résoudre des conflits, mais, un des défis a été, par exemple en Tunisie, en Égypte et en Libye, que nous avons délogé un dirigeant difficile — pas « nous », le Canada, mais, de manière générale — et il n'y a pas eu de plan B. Je me demande, tout particulièrement en Libye et en Égypte : est-ce que nous aidons la société civile à tenter de régler ses différends?
M. Gwozdecky : Oui. Je ne peux pas parler en détail des différents types de soutien que nous fournissons dans ces pays, mais je reviens à l'idée que j'avançais plus tôt, à savoir qu'il ne suffit pas d'aider un pays à gagner sa bataille contre l'adversaire qu'il affronte. Nous devons être prêts à intervenir après que nous ayons gagné la bataille, afin de fournir le soutien à la bonne gouvernance, au développement et à la prospérité économique durables. C'est seulement avec toutes ces choses en place qu'un pays sortira d'un conflit et n'y retombera pas. C'est pourquoi nous nous assurons que l'exécution de nos programmes de développement et l'apport de nos différents types d'aide se font d'une manière coordonnée et intégrée.
Le président : Chers collègues, il ne nous reste que quelques minutes, mais j'aimerais revenir à la question que le sénateur White et le sénateur Dagenais ont soulevée concernant les contributions policières que nous apportons dans différentes parties du monde et la différence entre les municipalités, les provinces et la GRC.
Comment cela fonctionne lorsque les policiers sont, en fait, des agents de différents corps policiers, ayant des syndicats différents, une représentation différente, et ils vont à l'étranger? Comment est-ce que les Affaires mondiales fonctionnent si, par exemple, il y a des allégations d'inconduite sexuelle ou ce genre de choses? Comment les règles sont-elles appliquées si les policiers appartiennent à des corps différents?
M. Gwozdecky : Nous avons un seul régime qui s'applique à tous à cet égard. Nous commençons avec notre politique, qui est la tolérance zéro en la matière. Chaque agent affecté à l'étranger, qu'il s'agisse d'un policier, d'un militaire ou d'un civil, doit signer un engagement de se conformer à un code de conduite, prendre un engagement de non-fraternisation. Tous sont liés par le même engagement.
Comme vous l'avez mentionné, beaucoup de nos gens proviendront de différents organismes d'attache. Par conséquent, en cas d'allégation d'exploitation ou d'agression sexuelle, le régime disciplinaire est celui de l'organisme d'attache.
De façon générale, je pense que nous pouvons dire que les institutions canadiennes d'application de la loi ont des systèmes robustes en place pour traiter les cas d'inconduite sexuelle, et nous nous fions à ces protocoles pour nous assurer que les mesures qui s'imposent sont prises, que chaque cas est traité.
Le président : Ces cas sont donc traités si ce type d'incident se produit?
M. Gwozdecky : Ils sont traités, oui.
Le président : Nous apprécions beaucoup les renseignements que vous avez fournis.
Bienvenue au Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, alors que nous poursuivons notre étude portant sur l'examen de la politique de défense auquel procède le gouvernement. Le ministre a demandé au comité d'examiner la question précise de savoir comment la Défense nationale et les Forces armées canadiennes pourraient contribuer au renouvellement de l'engagement du Canada dans les opérations de paix des Nations Unies.
Nous accueillons un quatrième expert, monsieur Hervé Ladsous, chef du Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Monsieur Ladsous, nous sommes très contents que vous puissiez vous joindre à nous aujourd'hui, surtout compte tenu du congé aux États-Unis. Je crois savoir que vous avez des remarques liminaires à prononcer.
[Français]
Hervé Ladsous, chef de département, Département des opérations de maintien de la paix des Nations Unies : C'est un grand honneur pour moi d'avoir l'occasion de vous rencontrer par vidéoconférence en ce jour de congé, comme vous le dites. Il est important de rencontrer les membres du Comité de la sécurité nationale et de la défense du Sénat canadien.
Mon message, monsieur le président, sera très simple. Je sais que votre pays est en train de revoir et de réexaminer sa politique de défense et que l'un des paramètres de cette politique est la possibilité que le Canada revienne, selon l'expression même de votre premier ministre, M. Trudeau, à ce qui était dans son ADN, c'est-à-dire une association étroite avec les Nations Unies et, notamment, avec le maintien de la paix.
C'est vrai qu'il y a eu une période de parenthèses, si je peux me permettre, durant laquelle le Canada ne faisait pas partie de nos grands partenaires, mais l'occasion se présente et les besoins sont certainement là pour que le Canada redevienne un contributeur de troupes et de polices important, comme il l'a été historiquement pendant plusieurs années.
Cela ne se limite pas seulement à la fourniture de troupes et de policiers, mais c'est aussi tout le rôle institutionnel que joue le Canada ici, à New York. Vous le savez certainement, la mission permanente de votre pays préside, depuis un certain nombre d'années, ce que nous appelons le Comité des 34, c'est-à-dire le Comité spécial des opérations de maintien de la paix, qui est l'organe qui supervise, évidemment derrière le Conseil de sécurité, tout ce que nous faisons. De ce point de vue, nous avons toujours bénéficié d'une coopération extrêmement étroite et positive de la part des diplomates canadiens.
Maintenant, parlons aux six chiffres. Le maintien de la paix de nos jours aux Nations Unies, c'est 125 000 personnes réparties dans 16 missions. C'est un budget de 8,2 milliards de dollars à peu près pour l'année qui vient. Ce sont quelques-uns des théâtres d'opérations les plus délicats et les plus complexes auxquels on puisse faire face dans le monde actuel. Je pense au Mali où, vous l'avez vu, il y a 48 heures, nous avons encore perdu cinq soldats togolais qui sont morts dans une embuscade terroriste montée par un groupe relativement récent qui s'appelle le Front de libération du Macina, qui sont des Peuls, mais des Peuls qui se sont, semble-t-il, associés à Al-Qaïda au Maghreb islamique.
Il y a 10 jours, c'était une autre attaque contre des Tchadiens, cette fois à Tessalit à l'extrême nord du Mali. Il y a eu encore des morts et des blessés. C'est dire que ce que nous pouvions voir dans le passé où les Casques bleus étaient respectés, et même révérés, a cessé d'être vrai avec l'intervention de tous ces groupes armés affiliés à des mouvements djihadistes terroristes et à des narcotrafiquants.
Il est évidemment très important pour nous de pouvoir compter sur des pays qui sont bien préparés, équipés et entraînés pour faire face à cette situation très difficile.
Nous avons, de surcroît, le problème de gouvernements hôtes qui sont moins que coopératifs, notamment le Soudan, le Soudan du Sud et la République démocratique du Congo. Ce sont des pays qui nous aiment, qui nous adorent. Toutefois, quand les choses vont mal... mais dès que la situation se redresse, ils nous remercient et nous donnent congé.
Or, notre principale mission est de défendre des civils. Dans le cadre d'un processus politique — et nous ne sommes qu'un outil au service du processus politique —, nous devons défendre les civils par tous les moyens qui sont les nôtres. Cela implique des règles d'engagement, qui se sont durcies au cours des dernières années à l'initiative du Conseil de sécurité, et le recours à la technologie de pointe pour les Nations Unies. En réalité, il s'agit d'exploiter des technologies qui, souvent, sont déjà utilisées par le secteur privé. Il s'agit de développer, et nous y travaillons, une politique de renseignement qui soit digne de ce nom. En fait, il s'agit de remplir notre mission.
Ce n'est pas facile. Nous faisons face à des problèmes de toute nature, y compris, malheureusement, sur le plan de la performance professionnelle. Désormais, la politique est très claire : quand un contingent ou une unité n'a pas répondu à nos critères de performance, il est rapatrié chez lui sur le plan professionnel, sur le plan de l'inconduite. Vous êtes sûrement au courant. Nous avons eu de gros problèmes d'inconduite sexuelle, par exemple en République centrafricaine et au Congo. Plus que jamais, nous préconisons une politique de tolérance zéro, et l'objectif vers lequel nous souhaiterions progresser, c'est « zéro cas ». Malheureusement, nous sommes les Nations Unies, et les États membres ne nous ont pas donné les moyens de lancer des enquêtes et des poursuites. Tout cela est entre les mains des États membres qui, avec l'aide des Nations Unies, veillent à ce que ces situations contestables, lamentables et désolantes ne se reproduisent plus.
Alors, monsieur le président, vous voulez sans doute savoir quelle est notre attente vis-à-vis le Canada. À mon avis, en renouant avec son ADN passé, le Canada peut nous apporter beaucoup de choses. D'abord, des troupes, du personnel en uniforme, y compris des policiers, extrêmement bien formés, équipés, compétents, engagés, et des gens qui nous apportent de la francophonie. À l'heure actuelle, environ la moitié de notre personnel engagé se trouve dans les pays francophones. Compte tenu de la situation actuelle en République centrafricaine, au Mali et au Congo, nous constatons que le personnel francophone est indispensable pour répondre à nos besoins, à savoir des unités médicales et de génie, des officiers d'état-major et du renseignement, des policiers et, surtout, des policières. Nous avons toujours besoin davantage de femmes. Nous savons que la politique dans ce domaine est très avancée au Canada.
Je crois que je vais m'arrêter ici, monsieur le président.
[Traduction]
Permettez-moi de dire encore une fois que nous comptons vraiment sur le Canada pour qu'il reprenne son rôle historique en matière de maintien de la paix sous l'égide des Nations Unies.
Je pense que les besoins sont là. Je pense que la capacité à répondre aux besoins est absolument remarquable. Je suis conscient que vous êtes en train de revoir votre politique de défense, et cela ne se fait pas du jour au lendemain, évidemment, mais, en temps voulu, j'espère que votre pays pourra se présenter fièrement et épauler nos efforts visant à favoriser la paix et la sécurité internationales. Merci beaucoup.
Le président : Merci beaucoup, monsieur.
La sénatrice Jaffer : Merci beaucoup pour votre communication très intéressante. Comme vous le savez, les Nations Unies ont un ambitieux programme concernant les femmes, la paix et la sécurité. Comment intégrez-vous la résolution 1325 et toutes les autres résolutions subséquentes à vos opérations de paix?
M. Ladsous : Il s'agit effectivement d'une question cruciale. La résolution 1325 a constitué une étape historique, et c'est une résolution que nous intégrons pleinement à notre façon de travailler. C'est reconnaître le rôle des femmes dans les processus de paix. C'est nous assurer que ce programme est pleinement intégré. C'est faire des choses concrètes.
Évidemment, au sein de l'armée, les Casques bleus, nous pouvons difficilement faire mieux que la plupart des armées dans le monde. Les armées du monde comptent encore un nombre limité de femmes.
Il est vrai que j'ai, pour la première fois de l'histoire des Nations Unies, une femme major générale qui commande le personnel à Chypre. Pour prendre un autre exemple, nous développons, partout où nous le pouvons — en Haïti, au Libéria, en RDC —, des unités policières exclusivement féminines pour s'occuper de la triste réalité qui est que les femmes et les enfants sont les premiers à souffrir en cas de conflit.
Lorsque vous voyez la situation dramatique au Soudan du Sud, où peut-être des dizaines de milliers de femmes ont été violées, où le viol a été utilisé comme un instrument de guerre, nous devons vraiment intégrer cela pleinement à notre travail. Cela prend de nombreux champs de travail et de nombreuses initiatives, mais nous faisons tout en notre possible pour travailler à ce problème d'une manière rigoureuse et efficace.
La sénatrice Jaffer : Le rapport du Groupe indépendant de haut niveau sur les opérations de paix des Nations Unies recense plusieurs stratégies, mais il dit également qu'unir les forces pour la paix, la politique, le partenariat et les gens, et le groupe affirme que les Nations Unies ont été lentes à mettre en œuvre bon nombre de leurs engagements politiques, comme une sélection des chefs de mission fondée sur le mérite et la nomination de femmes aux postes de haute direction.
Pouvons-nous être certains que ces engagements seront respectés, et qu'ils contribueront ainsi jusqu'à étayer vos pressions en faveur d'opérations de paix qui reflètent le contexte moderne?
M. Ladsous : Madame la sénatrice Jaffer, si vous regardez la pratique des dernières années, vous verrez que le secrétaire-général Ban Ki-Moon pratique depuis de nombreuses années une politique très vigoureuse visant à faire en sorte que des femmes soient élevées à des postes de direction. À l'heure actuelle, nous avons sept chefs de mission, des représentantes spéciales du secrétaire-général, qui sont des femmes. En Côte-d'Ivoire, au Libéria et en Haïti, nous faisons cela parce que c'est ainsi que les choses devraient être.
Et vous avez mentionné le groupe de haut niveau qui a étudié les opérations de paix. Nous avons fait en sorte que l'examen des opérations de paix et l'examen portant sur les femmes, la paix et la sécurité, de même qu'encore un troisième examen, qui portait celui-là sur la consolidation de la paix, soient réunis et soient synergisés afin que nous puissions prendre les meilleures décisions pour que cela se produise.
La sénatrice Jaffer : Merci.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je vous remercie pour votre présentation, monsieur Ladsous. J'aimerais vous entendre sur la prévention des conflits dans le contexte des opérations de maintien de la paix. En fait, de quelles ressources l'ONU a-t- elle besoin pour être davantage en mesure d'évaluer les crises émergentes?
M. Ladsous : Je dirais la prévention. Tout le monde est d'accord avec cela.
[Français]
C'est formidable, quand cela fonctionne. Seulement, voyez-vous, j'ai 16 opérations de maintien de la paix dans mon portefeuille, et ce sont autant de préventions qui n'ont pas fonctionné. La difficulté, elle se trouve bien là.
Le secrétaire général a lancé une politique, il y a deux ans et demi, qui s'appelle Human Rights Up Front, qui consiste à mobiliser un certain nombre de capteurs, des capteurs comme les violations des droits de la personne, les actes de violence, toutes sortes de choses qui nous alertent sur le fait qu'il y a un problème, une situation qui est en train de se développer et sur laquelle nous devons agir.
Je vous donne l'exemple du Burundi, où Dieu sait qu'au cours de l'année écoulée, nous avons vu se multiplier les cas de disparition, de tortures, d'emprisonnements illégaux. Il est évident que tout ce qui peut être fait pour prévenir l'explosion d'un conflit doit être fait, mais, en même temps, le Conseil de sécurité, qui a la responsabilité de juger de ce type de situation, n'a pas encore pris de décisions très marquantes dans ce domaine.
Depuis l'été dernier, j'ai commencé à regarder si nous pouvions délocaliser temporairement certains de nos régiments en République démocratique du Congo. Il s'agit de pays différents, mais l'opinion internationale ne comprendrait pas, si une situation se développe de manière dramatique au Burundi, que nous ayons - nous, les Nations Unies - 20 000 Casques bleus au Congo et personne à 30 kilomètres de là, à Bujumbura. J'avais donc discrètement commencé à étudier et à mettre au point des plans de contingence, mais cela est resté sur la table.
Au mois de décembre, lorsque le Conseil de sécurité m'a demandé ce que je faisais en termes de plans de contingence, je lui ai répondu : « Dites-moi ce que vous voulez. Voulez-vous de la prévention? Voulez-vous de la réaction? Voulez-vous de l'action avec l'accord du gouvernement burundais? Sans l'accord du gouvernement burundais? » Finalement, la solution qui a été retenue, pour le moment, par le Conseil de sécurité est celle d'une présence policière.
Cependant, là aussi, quelle sorte de présence policière? S'agit-il de faire de la police exécutive, auquel cas il faut 2 000 ou 3 000 policiers? Cela ne se mobilise pas du jour au lendemain. Ou bien, est-ce que nous voulons faire de l'observation des droits de la personne dans les commissariats de police? Dans les prisons? L'affaire est encore en délibéré au Conseil de sécurité.
Donc, je crois que vous avez tout à fait raison, la prévention est toujours infiniment préférable à la réaction, mais encore faut-il se donner les moyens et avoir une vision de ce que l'on recherche véritablement.
Le sénateur Dagenais : Corrigez-moi si je me trompe, on parle d'une certaine réforme du secteur de la sécurité, mais dans quelle mesure cette réforme du secteur de la sécurité jouera un rôle dans les opérations de maintien de la paix de l'ONU et quelles en sont les conséquences pour les pays, comme le Canada, qui fournissent des troupes?
M. Ladsous : Je crois que, dans beaucoup de situations de crise ou d'après-crise, la réforme du secteur de la sécurité, à l'évidence, est une nécessité. Qu'est-ce que cela signifie? Je ne suis pas un conceptuel, je suis plutôt un homme pratique. Donc, quand on me parle de la réforme de la sécurité dans tel ou tel pays, moi, je veux une page avec les principaux chiffres. Combien de combattants faut-il démobiliser et recaser? Quel est le volume de l'armée? Quel doit être le volume de l'armée? Quel est le volume de la police ou de la gendarmerie, ou des deux? Quels sont les moyens budgétaires appliqués?
À partir de là, je crois que les choses apparaissent plus clairement. Regardez la situation au Mali actuellement. Cela fait maintenant un an que les Accords d'Alger ont été signés et il y a des milliers d'ex-combattants, essentiellement les Touaregs qui ont été dans les groupes armés du Nord, qu'il faut recaser. Le problème est le suivant : combien peut-on en reprendre dans l'armée ou dans la police ou dans tel ou tel autre corps qu'on pourrait créer, et combien cela va-t-il coûter?
J'étais au Mali il y a trois semaines, où le problème était d'obtenir que les groupes armés, la coordination et la plateforme, comme on appelle cela là-bas, nous communiquent leur liste de combattants pour que nous puissions commencer à les héberger dans les camps de cantonnement que nous avons créés. Il y en a trois qui sont opérationnels, d'autres sont en cours de préparation, et nous allons essayer d'avancer dans ce projet. Sinon, on ne peut pas imaginer que ces gens puissent reprendre les armes et reprendre l'offensive.
La même situation se répète en République démocratique du Congo. Nous avons accompli, je crois, une belle tâche lorsque nous avons battu le groupe des rebelles qu'on appelait les M23. Cependant, ces gens, depuis deux ans, sont pour moitié en Ouganda et pour moitié au Rwanda, et sans perspective de se recaser. Il est donc évident qu'il faut absolument trouver le moyen de leur permettre de reprendre une vie un peu plus normale.
C'est la même chose en République centrafricaine. Personne ne conteste que la République centrafricaine ait envie de rester dotée d'une armée; on parle de 7 000 personnes environ. Il faut évidemment la former, et c'est là que l'Union européenne, par exemple, a beaucoup progressé dans une mission d'assistance militaire depuis un an et a paramétré tout ce que doit être l'armée centrafricaine. Il y a maintenant cette mission d'assistance militaire qui va se transformer en une mission d'entraînement, comme l'Union européenne en a déjà eu au Mali, ce qui fera en sorte que cette armée soit professionnelle et respectueuse des valeurs démocratiques et des droits de la personne.
C'est une opération qui ne se fera pas du jour au lendemain, mais il est évident, pour nos pays contributeurs de moyens, contributeurs de troupes, que c'est une tâche tout à fait prioritaire, parce que c'est ainsi que nous pouvons espérer ne pas retomber dans de nouveaux combats et de nouveaux épisodes douloureux.
Le sénateur Dagenais : Vous avez abordé le sujet des pays contributeurs de troupes. Qu'est-ce que les États membres de l'ONU peuvent faire pour déployer des troupes en temps opportun? Est-ce que les États membres de l'ONU peuvent offrir, à titre de facilitateurs, je ne sais trop, des ingénieurs, des médecins, des avions, des équipements spécialisés pour permettre un déploiement rapide de troupes?
M. Ladsous : La question de la rapidité du déploiement est cruciale. Nous avions un système lorsque j'ai pris mon poste, il y a quelques années, qu'on appelait le stand-by system, et cela ne marchait pas. Avec ce vieux système, au mieux, il faut six à neuf mois pour déployer une unité sur le terrain.
Tout a changé l'an dernier avec l'aide des États-Unis. Le président Obama s'est engagé personnellement. Nous avons organisé un sommet sur le maintien de la paix à notre assemblée générale en septembre, et une cinquantaine de pays nous ont proposé environ 50 000 personnes disponibles rapidement avec une variété d'équipements et de compétences.
Depuis, nous travaillons pour mettre en place le Peacekeeping Capability Readiness System, qui nous permettra, à la fin de l'année, de disposer d'une capacité d'environ 15 000 hommes et femmes disponibles à être déployés de 30 à 60 jours. Cela nous permettra de monter une opération de maintien de la paix de moyenne dimension rapidement et avec toutes les capacités techniques.
Nous manquons de matériel comme des hélicoptères, surtout des hélicoptères de combat. Nous avons commencé à utiliser la surveillance aérienne par drone il y a trois ans, et elle nous est essentielle aujourd'hui. Nous avons besoin d'une capacité en matière de renseignements, d'unités de génie, et — dans le cas du Canada, j'en parle avec une demande particulière — de personnel francophone.
En République centrafricaine, nous avons des unités qui ont peine à fonctionner. Il y a trois ans, j'ai discuté de ce problème avec le chef d'état-major de l'armée bangladaise. Il m'a dit qu'il créerait une filiale d'enseignement du français dans l'armée bangladaise, et c'est ce qu'il a fait. Depuis, j'ai rencontré à Bangui plusieurs jeunes capitaines bangladais qui parlent le français. Mais cela ne suffit pas. Avoir des agents de la Gendarmerie royale du Canada, des militaires canadiens francophones, cela pourrait faire une grande différence. Le besoin y est. Il faut que le Canada s'inscrive dans le Peacekeeping Capability Readiness System afin qu'on puisse avancer. J'ai fait la proposition à l'ambassadeur du Canada la semaine dernière à New York. Je lui ai dit que nous avons besoin d'un major-général francophone en République démocratique du Congo pour la MONUSCO, notre plus grosse mission, qui comporte 20 000 soldats. J'espère que le Canada y sera.
Le sénateur Dagenais : Vous n'avez pas besoin de sénateurs francophones?
M. Ladsous : En France, autrefois, on appelait les sénateurs les conseillers de la République. C'était une formule très sage.
[Traduction]
Vous direz peut-être que l'on ne peut pas être contre la vertu.
Le président : J'aimerais faire suite à quelques-uns des aspects de ce dont nous discutons ici. Dans votre déclaration liminaire, vous avez dit qu'il y avait 125 000 personnes engagées dans le maintien de la paix partout dans le monde d'une manière ou d'une autre. Est-ce exact?
M. Ladsous : C'est exact, monsieur.
Le président : Deuxièmement, vous venez tout juste de nous informer d'un nouvel engagement qui a été pris de mobiliser 15 000 personnes additionnelles, alors, est-ce que cela porterait le total à 140 000 personnes?
M. Ladsous : Pas tout à fait, monsieur. Ces 15 000 personnes sont en disponibilité. Elles sont inscrites comme étant fin prêtes au plan technique avec le matériel et la formation nécessaires pour pouvoir être déployées dès l'instant où leur gouvernement décidera de participer à une opération de maintien de la paix. Cela signifie qu'à la fin de cette année, si le Conseil de sécurité devait décider de lancer une nouvelle opération de maintien de la paix, je peux dire : « Je suis prêt à déployer 15 000 personnes dans les 30 à 60 jours. »
Le président : Mais, simplement pour faire le point, ce sont 125 000 personnes, plus 15 000 personnes additionnelles si on y a recours?
M. Ladsous : Non, 15 000 personnes si elles sont requises, monsieur, s'il y a une nouvelle opération ou un élargissement d'une opération existante décidée par le Conseil de sécurité.
Le président : Je tente d'avoir une idée précise des engagements qui sont pris. Vous avez mentionné qu'il y avait 16 missions qui menaient actuellement des opérations de maintien de la paix. Est-ce exact?
M. Ladsous : C'est exact. En passant, deux ou trois d'entre elles prendront fin sous peu. La mission en Côte-d'Ivoire prendra fin au printemps prochain; la mission au Libéria, probablement au cours de l'année suivante; et, nous espérons, si la politique locale le permet, la mission en Haïti, la MINUSTAH, elle aussi dans un délai comparable.
Le président : Je veux obtenir une comparaison dans le temps. Il y a cinq ans, il y avait 16 missions à l'échelle mondiale, ou est-ce que ce nombre a été assez constant?
M. Ladsous : Non, il y a cinq ans, il y aurait eu 13 missions, parce que nous avons créé la mission dans la région d'Abiyé, entre les deux Soudans, la mission au Soudan du Sud, la mission au Mali et la mission en République centrafricaine.
Le président : Donc, le nombre de missions a augmenté?
M. Ladsous : Oui, absolument.
Le président : Si je pouvais changer de sujet pour avoir une idée du type d'expertise que le Canada pourrait fournir, certaines préoccupations ont été exprimées selon lesquelles dans certains cas où les hommes et les femmes des Forces armées canadiennes étaient censés participer aux opérations des Nations Unies, particulièrement en Afrique, avoir les immunités nécessaires pour résister à certaines des maladies tropicales là-bas que nous n'avons pas ici en permanence est source de préoccupation. Peut-être voudrez-vous formuler un commentaire à ce sujet.
M. Ladsous : Évidemment, la sécurité de nos gens, et notamment leur sécurité personnelle, est une priorité absolue. Par conséquent, dans le cas de la santé publique, il est évidemment très important que nous disposions d'établissements médicaux appropriés pour aider nos gens à survivre à ces menaces. En ce qui a trait aux menaces de maladie, nous avons beaucoup travaillé sur la logistique. Vous pourriez penser que, dans un pays comme la République centrafricaine, qui est très loin de la mer, dans un endroit comme le Mali, qui est lui aussi très reculé à l'intérieur du continent africain, cela pose un défi colossal, mais nous faisons de notre mieux pour assumer une obligation de soins envers nos gens.
Le président : Je n'en doute pas du tout. Ce que je dis, c'est que nous qui avons grandi dans l'hémisphère nord n'avons pas nécessairement les mêmes immunités qu'une personne qui a grandi sous les tropiques pour résister en permanence à certaines des maladies qui peuvent être contractées.
M. Ladsous : Tout ce que je peux dire, monsieur le sénateur, c'est que le pays que je connais le mieux, la France, n'est pas non plus un pays habitué à ces virus et ces maladies en Afrique, mais nous faisons tout de même de notre mieux pour faire le travail. Évidemment, cela requiert beaucoup de soutien médical pour veiller à ce que nos gens ne soient pas exposés à des dangers excessifs, mais, évidemment, vous ne pouvez jamais penser qu'il n'y a absolument aucun danger.
Le président : Pour poursuivre sur un autre sujet, la question des engagements financiers et des capacités que le Canada pourrait fournir, est-ce que le Canada vous a fait part d'engagements financiers pour les trois ou cinq années à venir, ou est-ce que vous en avez demandé au Canada? Y a-t-il eu des négociations quelconques à ce sujet?
M. Ladsous : C'est l'Assemblée générale qui s'occupe des engagements financiers, monsieur le président. Il y a une échelle d'évaluation qui répartit les coûts des opérations de maintien de la paix entre les États membres. J'aurais dû vérifier la part du Canada sur cette échelle d'évaluation. Elle est là. Elle est rajustée régulièrement, et il n'y a rien là de vraiment négociable. Il s'agit d'une décision prise par l'Assemblée générale des Nations Unies.
Naturellement, nous sommes toujours heureux de recevoir des contributions volontaires d'un pays comme le vôtre. Votre pays nous a aidés à régler des problèmes liés au sexe, en ajoutant des capacités additionnelles, et je crois que c'était une très bonne chose.
Le président : Selon ce que je comprends, notre engagement actuel dans le domaine du maintien de la paix se chiffre à 290 millions de dollars par année. C'est notre part.
Ma question concernait toute contribution, volontaire ou autre, demandée au Canada ou à d'autres pays en sus de ce montant.
M. Ladsous : Je n'ai pas le chiffre exact en tête, mais il représente environ 2,5 p. 100 du budget total du maintien de la paix, et il est décidé par l'Assemblée générale des Nations Unies.
En plus de cela, évidemment, en tant que contributeur de troupes, en tant que contributeur de policiers, vous pouvez nous fournir des gens, du matériel, pour lesquels nous avons des procédures de remboursement normalisées. Il est certain que si votre pays était capable de nous offrir des hélicoptères, en particulier des hélicoptères d'attaque, sujet à remboursement, ce serait très apprécié.
Le président : Si je pouvais passer à la question de la formation des Casques bleus. Je suis certain que les gens qui participent à des activités de maintien de la paix doivent posséder certaines compétences spécialisées pour savoir quelles sont leurs responsabilités et quels sont leurs pouvoirs. Est-ce que c'est un domaine dans lequel le Canada pourrait s'engager et pourrait devenir une entité réputée pour sa capacité à former des Casques bleus avant et après un déploiement, de sorte qu'il s'agirait d'un domaine dans lequel nous pourrions peut-être développer une expertise?
M. Ladsous : Tout à fait. Je pense qu'un pays comme le Canada peut nous aider grandement dans le domaine de la formation sur des sujets qui sont quintessentiels à notre travail, comme la protection des civils, les droits de la personne, la protection des enfants en situation de conflit, composer avec les conséquences de la guerre.
Je sais que vous avez beaucoup participé à la répression du harcèlement sexuel au sein de l'armée et de la police. Nous devons certainement continuer à faire un meilleur travail dans ce domaine, même si la formation relève principalement de la responsabilité du pays qui contribue des policiers. Nous avons découvert à d'innombrables occasions que nous devions intervenir après un déploiement parce que, malgré beaucoup de vérifications, la formation n'était pas tout à fait conforme à la norme. C'est une chose que d'écouter un pays montrer son armée parader et se comporter convenablement et dire tout ce qu'il faut, mais, lorsque vous vous retrouvez dans un contexte opérationnel, vous découvrez parfois que ce n'est pas tout à fait le cas. C'est un problème qui doit être corrigé, et un pays comme le vôtre, avec ses trésors d'expérience, serait certainement d'une aide précieuse à cet égard.
Le président : Je veux revenir à l'Afrique parce que vous l'avez mentionnée plusieurs fois. Vous avez nommé plusieurs pays qui constituent maintenant des membres prédominants des forces de maintien de la paix des Nations Unies. J'aimerais préciser aux fins du compte rendu. Si un pays envoie un millier de soldats, disons, au Congo belge, est-il payé tant par soldat? Est-ce que c'est comme cela que cela fonctionne? Est-ce que cela fonctionnerait aussi pour le Canada? Si nous envoyons des troupes du Canada, sommes-nous payés en fonction du nombre de membres que nous envoyons?
M. Ladsous : Absolument, monsieur le sénateur. Il y a un taux de remboursement normalisé. C'est-à-dire, un taux fixe indépendamment du pays contributeur. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, le remboursement est, au taux de 1 363 $, je crois, par personne par mois, ce qui, bien sûr, ne correspond pas nécessairement au coût réel dans le cas d'un pays comme le vôtre, et peut évidemment représenter beaucoup pour bon nombre de pays plus pauvres, mais ce taux a été décidé par l'Assemblée générale.
De même, nous avons des taux pour le remboursement des véhicules blindés de transport de troupes, les hélicoptères et les avions, et ainsi de suite. Il s'agit d'un système très normalisé, et c'est ainsi depuis de nombreuses années.
Le président : Chers collègues, y a-t-il d'autres questions pour le témoin?
Monsieur, je vous remercie beaucoup d'avoir pris de votre temps. Ce fut très apprécié. Il se peut que nous vous demandions de comparaître de nouveau à un autre moment au cours de la poursuite de notre étude de la question de la possibilité de notre participation à des opérations de maintien de la paix des Nations Unies.
Nous apprécions l'expertise que vous avez amenée à cette table. Je vais maintenant vous excuser, et vous pourrez profiter de votre soirée.
Je vais dire à mes collègues, les travaux sont maintenant ajournés.
(Le comité s'ajourne.)