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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 4 - Témoignages du 6 juin 2016


OTTAWA, le lundi 6 juin 2016

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, à qui a été renvoyé le projet de loi C-7, loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures, se réunit aujourd'hui, à 10 heures, pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Avant de commencer, je vais présenter les personnes qui se trouvent à la table. Je suis le sénateur Dan Lang et je représente le Yukon. À ma gauche, se trouve Adam Thompson, greffier du comité. J'invite chaque sénateur à se présenter et à préciser la région qu'il représente, à commencer par la vice-présidente.

La sénatrice Jaffer : Je m'appelle Mobina Jaffer et je viens de la Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Bonjour. Mon nom est Jean-Guy Dagenais. Je viens de la province de Québec.

[Traduction]

Le sénateur Ngo : Sénateur Ngo, d'Ottawa, Ontario.

Le sénateur Campbell : Bonjour. Sénateur Larry Campbell, de l'île Galiano, en Colombie-Britannique.

[Français]

Le sénateur Carignan : Bonjour. Claude Carignan, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, du Nord-Ouest de l'Ontario.

Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario. Bienvenue.

Le président : Chers collègues, merci. Nous allons consacrer six heures à l'étude du projet de loi C-7, loi visant à modifier la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois et comportant d'autres mesures. Le projet de loi C-7 se veut la réponse à la décision rendue l'an dernier par la Cour suprême du Canada qui a confirmé la nécessité d'instaurer un véritable processus de négociation collective entre, d'une part, les 21 000 membres et les 2 500 fonctionnaires civils de la GRC, et, d'autre part, le gouvernement du Canada.

Pour parler de ce projet de loi, nous allons accueillir l'honorable Scott Brison, président du Conseil du Trésor du Canada, ainsi que l'honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile. Ils sont accompagnés de leurs fonctionnaires.

Messieurs les ministres, bienvenue à notre comité, tout particulièrement au ministre Scott Brison, puisque c'est la première fois que vous venez nous rencontrer. Cela justifie que nous vous adressions une chaleureuse bienvenue. J'ai cru comprendre que vous aviez une déclaration d'ouverture en votre qualité de ministre de tutelle pour ce projet de loi. Vous pouvez commencer. Vous serez suivi par M. Goodale. Nous avons réservé une heure pour ses premiers témoins.

L'hon. Scott Brison, C.P., député, président du Conseil du Trésor : Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être des vôtres ce matin. J'ai le plaisir d'être accompagné de mon collègue, l'honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique, ainsi que de ses représentants et de mes représentants du Conseil du Trésor. Je suis accompagné de hauts fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, soit Manon Brassard et Dennis Duggan.

Je suis heureux de me trouver ici et d'avoir la possibilité de parler avec vous du projet de loi C-7 qui représente une étape historique pour la GRC et pour les relations de travail au Canada. Si ce projet de loi est adopté, les membres et les réservistes de la GRC auront, pour la première fois, le même droit à la négociation collective que d'autres Canadiens.

[Français]

Le projet de loi leur donnera le droit de choisir une organisation syndicale pour les représenter dans les négociations collectives.

[Traduction]

Je vais traiter de deux ou trois questions qui ont d'ailleurs déjà été soulevées par des membres du comité. Certains députés ont parlé du processus d'accréditation et se sont demandé s'il fallait ou non donner le choix entre le vote et la vérification des cartes. Eh bien, permettez-moi avec tout le respect que je vous dois, de vous préciser que ce projet de loi est entièrement et intentionnellement muet sur cette question parce qu'il n'y a aucune raison pour laquelle les membres de la GRC devraient être traités de façon différente à cet égard. Nous estimons qu'il faut adopter une approche cohérente pour toutes les associations d'employés. Nous débattons de la question à la Chambre, à l'occasion de notre étude du projet de loi C-4, et j'estime qu'il est davantage justifié de tenir ce genre de discussion dans le cadre du débat sur ce dernier projet de loi.

Il convient de remarquer que le projet de loi C-4, qui abroge le projet de loi C-525, ne retire pas la possibilité aux membres de la GRC de tenir des scrutins secrets; nous laissons simplement le soin à la commission d'emploi de décider de la formule qui lui apparaîtra la plus appropriée, en fonction des circonstances, soit un vote ou une vérification des cartes. La Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, grâce à l'adoption de cette loi, comptera au moins deux membres qui posséderont une connaissance du fonctionnement des organismes policiers.

Je vais aussi parler de certaines préoccupations qui ont été formulées dans des courriels et des lettres et ici même, au Sénat. Ce projet de loi empêche d'inclure certaines questions dans une convention collective ou une décision arbitrale. Je sais que le sénateur Campbell et d'autres ont exprimé le souhait que tout soit déposé sur la table. En règle générale, quand on parle de convention collective, on ne commence pas par tout mettre sur la table. Certaines questions, comme la dotation et les pensions, sont exclues des négociations collectives dans les cas des autres fonctionnaires depuis plus de 40 ans. De plus, les questions comme le déploiement des membres de la GRC, la conduite et la discipline, les techniques d'application de la loi et les uniformes de la GRC seront aussi exclues.

D'autres conventions collectives mentionnent fréquemment le droit de la direction à limiter la négociation collective. Dans le cas de la GRC, ces questions ont trait à la gestion efficace du corps policier. La responsabilité générale de la GRC à l'égard de la sécurité des Canadiens est aussi reconnue.

Je tiens à préciser que, même si ces questions sont exclues des conventions collectives, les membres de la GRC pourront être entendus. Il existe d'autres façons dont ils pourront exprimer leurs préoccupations concernant certaines questions liées au milieu de travail. Si, par exemple, un membre est préoccupé au sujet de la sécurité de son uniforme, il pourra en parler au comité de santé et de sécurité au travail. Le comité, avec les représentants syndicaux, pourra se pencher sur la question et déterminer la meilleure solution possible à partir de données probantes.

Si un membre se préoccupe des processus relatifs à la conduite en milieu de travail, il pourra en faire part au comité patronal-syndical, par la voix de ses représentants syndicaux. Il sera possible de travailler avec la direction par l'intermédiaire du comité pour accroître la souplesse du processus.

Monsieur le président, grâce à ces autres formules, les membres de la GRC et leur syndicat auront une voix et pourront collaborer avec la direction afin d'améliorer leur milieu de travail.

Dans la même veine, jeudi, certains m'ont dit craindre que ce projet de loi ne revienne qu'à soumettre la paie de vacances et les avantages sociaux à la négociation collective. Il existe de nombreuses questions, en plus de celles concernant la rémunération et les avantages sociaux, qui pourront faire l'objet de négociations collectives. Nous en avons fourni une liste au comité. Je vous en donne deux ou trois exemples. Les conditions d'emploi, comme les heures de travail, les horaires, les conditions liées à l'indemnité de rappel et de rentrée au travail, peuvent être négociées dans le cadre des conventions collectives. Les dispositions concernant les congés, comme les jours fériés payés, les congés annuels, les congés de maladie et les congés parentaux, peuvent aussi être négociées dans le cadre des conventions collectives. Et les questions liées aux relations de travail, comme l'utilisation des installations de l'employeur, les cotisations et les procédures relatives au réaménagement des effectifs, peuvent être négociées dans le cadre des conventions collectives.

En revanche, la décision de renvoyer un employé, par exemple, fait partie du processus de dotation qui échappe à la négociation collective. Cependant, les mesures d'atténuation, comme l'indemnisation ou les processus liés au renvoi, peuvent être négociées.

Monsieur le président, je sais que votre comité s'empresse d'étudier et d'analyser ce projet de loi. Ce faisant, vous pouvez nous aider à réduire au minimum les perturbations et à éviter la situation potentiellement problématique dans laquelle la GRC pourrait se retrouver si le projet de loi C-7 n'était pas adopté. Comme nous avons dépassé la date butoir fixée par la Cour suprême, il y a actuellement chevauchement entre la Loi sur la GRC et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Le fait de ne pas régler cet aspect pourrait donner lieu à des interprétations conflictuelles. Deuxièmement, sans le projet de loi C-7, les membres de la GRC pourraient être représentés par plus d'un agent négociateur. Une telle situation serait contraire aux vœux exprimés par les membres et compliquerait la tâche de la GRC dans le maintien d'une démarche nationale en matière de relations de travail. Troisièmement, la situation créerait davantage d'incertitude parmi les membres de la GRC relativement à leurs droits à la négociation collective.

Pour conclure, sachez que je me réjouis de la discussion de ce matin et du fait que vous examiniez ce projet de loi. Cela étant, je cède maintenant la parole à mon collègue, l'honorable Ralph Goodale.

Le président : Avant de passer à M. Goodale, monsieur Brison, avez-vous transmis ou fait distribuer la liste dont vous venez de parler et qui énonce tous les aspects pouvant être soumis à la négociation collective? Je ne pense pas que nous l'ayons reçue.

M. Brison : On me dit qu'elle a été distribuée.

Le président : Nous allons vérifier. Nous venons juste de recevoir toute une pile de documents.

M. Brison : Si vous ne l'avez pas, nous corrigerons la situation. Cependant, on me dit que la liste a été distribuée.

Le président : Parfait. Nous allons vérifier de nouveau. Cela étant, reprenons le cours normal des témoignages en poursuivant avec M. Goodale.

L'honorable Ralph Goodale, C.P., député, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile : Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'être de retour. Bonjour, encore une fois, à tous les membres du comité.

Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler du projet de loi C-7 en compagnie de mon collègue Scott Brison. Je suis aussi accompagné de la sous-ministre adjointe Kathy Thompson, chargée du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime, au ministère de la Sécurité publique, de Dan Dubeau, sous-commissaire des ressources humaines à la GRC, et de Craig MacMillan, officier du Secteur de la responsabilité professionnelle, aussi à la GRC.

Monsieur le président, le projet de loi C-7 représente une situation dont nous avons hérité en novembre dernier quand nous nous sommes installés au gouvernement. Quand je dis « hérité », je veux dire de deux façons importantes. D'abord, du fait que ce projet de loi découle d'un jugement rendu par la Cour suprême du Canada en janvier 2015, il y a presque 18 mois. Deuxièmement, parce qu'il renvoie au fait qu'en 2012, le gouvernement a conclu des contrats de maintien de l'ordre à long terme avec un certain nombre de provinces, de territoires et de municipalités, ainsi que d'autres partenaires, de contrats que la GRC doit bien entendu honorer.

Concernant le premier point, c'est-à-dire la décision de la Cour suprême, rappelons qu'en janvier 2015, la cour a, à juste titre, conclu que les membres de la GRC, comme tous les autres Canadiens, ont le droit de négocier une convention collective s'ils décident d'exercer ce droit et qu'ils ont en outre le droit de choisir leurs propres représentants indépendants. Ce jugement a été rendu en janvier de l'année dernière et la Cour suprême a donné un an au Parlement pour reconnaître ces droits constitutionnels niés depuis longtemps.

L'année 2015 a bien sûr été une année compliquée sur le plan politique, avec la plus longue campagne électorale de l'histoire du Canada, et la démarche découlant du jugement de la cour n'a pas été entreprise sous l'administration précédente, ni avant que nous n'entamions cette très longue campagne électorale. Après que le nouveau gouvernement a été élu et est entré en fonction en novembre, faites le calcul, il restait deux mois avant l'échéance de la mi-janvier. Nous avons demandé une prolongation de délai à la cour, qui nous a accordé jusqu'au milieu du mois de mai. Nous sommes en juin, évidemment, et le délai est passé. Entretemps, nous avons travaillé aussi vite que possible et nous avons produit le projet de loi C-7 pour aborder le fond de ce que la cour a déclaré et pour respecter les exigences constitutionnelles.

Heureusement, malgré l'intermède électoral, le Conseil du Trésor a entrepris, à partir de l'été de l'année dernière, de vastes consultations auprès des membres de la GRC sur ce qu'ils préféreraient comme représentation syndicale. Plus de 9 000 membres y ont participé par le biais de sondages, d'assemblées publiques, de vidéoconférences et de téléconférences. Des consultations ont également eu lieu dans les provinces, territoires et municipalités qui ont conclu des contrats de maintien de l'ordre avec la GRC.

Il faut savoir que les membres réguliers de la GRC sont en faveur d'un syndicat, et ils préfèrent le recours à un arbitrage exécutoire comme mécanisme de règlement des différends sans droit de grève. Ils reconnaissent bien entendu le caractère central de leur rôle dans la sécurité publique et ils savent qu'il est essentiel que les Canadiens sachent que la GRC est là pour eux, pour maintenir la paix et l'ordre dans leurs collectivités, pour faire respecter la loi et pour prévenir la criminalité.

Ils sont également favorables à une indépendance par rapport à la direction de la GRC et à une représentation par un seul agent national de négociation collective dont le mandat principal serait de les représenter.

Si le projet de loi C-7 est adopté, il donnera aux policiers et aux réservistes de la GRC la liberté de décider s'ils veulent être représentés par un agent de négociation et de le choisir. Il fera de l'arbitrage exécutoire le mécanisme de règlement des différends sans droit de grève. Il permettra la création d'une seule unité nationale de négociation pour les policiers et les réservistes de la GRC. L'agent de négociation de la GRC aura pour principal mandat de représenter les membres de la GRC à l'exclusion des cadres, de la même façon que, dans la fonction publique, les cadres sont exclus.

Donc, à ces égards, le contenu du projet de loi C-7 représente un effort solide pour tenir compte des points de vue exprimés par les membres dont on a pris l'avis au cours de l'été dernier. Ce projet de loi s'efforce de garantir les droits des membres de la GRC tout en veillant à la sécurité et à la protection des Canadiens.

À l'autre chambre, comme vous le savez, ce projet de loi a fait l'objet d'un examen et d'un débat approfondis. Nous avons écouté attentivement et nous avons accepté une modification concernant les changements proposés à la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État ou LIAE. Au cours du débat et durant les audiences du comité de la Chambre des communes, des questions ont été soulevées au sujet des articles 40 et 42 de la version originale du projet de loi. Selon ces dispositions, les indemnités liées à des maladies ou à des accidents professionnels auraient été administrées par les commissions provinciales des accidents du travail, et la couverture accordée à la GRC aurait ressemblé à celle d'agents travaillant pour d'autres services de police. Mais, compte tenu des doutes exprimés lors des délibérations dans l'autre chambre, il a été décidé, de l'avis général, de reporter l'examen de ce problème à une date ultérieure pour qu'il soit étudié plus en profondeur. Les articles 40 et 42 du projet de loi initial ayant trait à la LIAE ont donc été supprimés au cours de ces délibérations.

Je pense que c'est un bon exemple des efforts que nous déployons pour remplir notre promesse aux Canadiens, celle d'améliorer l'efficacité du processus parlementaire et des travaux des comités parlementaires. La réaction du gouvernement aux opinions exprimées en est, je crois, une illustration.

Pour terminer, j'aimerais simplement prendre quelques minutes pour aborder la question du harcèlement au sein de la GRC, dont il a beaucoup été question dans la population, mais aussi en lien avec ce projet de loi. Le harcèlement est évidemment un problème crucial, mais c'est une question distincte qui est abordée par d'autres moyens.

La lettre de mandat que m'a adressée le premier ministre me donne entre autres l'instruction suivante :

Faire le nécessaire pour que la Gendarmerie royale du Canada et d'autres parties de votre portefeuille soient des milieux de travail exempts de harcèlement et de violence sexuelle.

Je prends cette responsabilité très au sérieux. C'est l'une des premières choses dont j'ai discuté en novembre dernier, à ma première réunion avec le commissaire, après la formation du Cabinet. Il était d'accord : il fallait que les enquêtes soient rapides, exhaustives et transparentes; les mesures disciplinaires devaient traduire la gravité du comportement des harceleurs; et les victimes devaient être dûment soutenues.

Le Code de déontologie de la GRC interdit explicitement le harcèlement en milieu de travail. C'est une déclaration de principes très nette. La Loi sur la GRC et son règlement prévoient des procédures de recours pour aider les membres à régler les infractions.

Comme vous le savez, un certain nombre de poursuites sont en cours depuis plusieurs années. Avec l'aide de spécialistes de grande expérience, nous essayons de voir si ces cas peuvent être réglés à la satisfaction des plaignants. Des progrès ont été obtenus. Nous verrons comment la situation évolue.

Concernant les recommandations formulées en 2013 à ce sujet par la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, j'ai demandé à la commission de revoir son avis précédent et de me dire, après évaluation exhaustive, si les politiques, les procédures et les directives de la GRC visant à prévenir les mauvaises conduites et répondre aux allégations sont adaptées, appropriées, suffisantes et claires.

Pour ce qui est de l'incident plutôt choquant qui s'est récemment produit au collège de la police, un examen spécial est près de s'achever, et j'attends un rapport sous peu, avec une vérification supplémentaire de Paul Kennedy, ex- président de la commission, à qui le commissaire a expressément demandé de suivre la procédure.

Enfin, dans peu de temps, j'espère annoncer le choix d'un Canadien éminent qui sera chargé de me donner une opinion indépendante sur certaines questions précises ayant trait aux allégations de harcèlement.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je veux simplement vous dire, ainsi qu'à tous les Canadiens, que je m'attends à une conduite exemplaire de la part des membres de la GRC, conformément à leur réputation d'icône célèbre du Canada et de police de renommée internationale.

Merci.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Avant de continuer, je voudrais demander à tous les membres d'être concis dans les préambules à leurs questions parce que nous avons peu de temps.

Par ailleurs, nous commencerons par la critique du projet de loi, puis nous passerons à la vice-présidente. Vers la fin de la séance, nous passerons au parrain du projet de loi. Sénateur Campbell, bienvenue à notre comité. Je voulais juste préciser le déroulement des choses.

Nous commencerons par le sénateur Carignan, puis la sénatrice Jaffer et moi-même désignerons les membres par la suite.

[Français]

Le sénateur Carignan : Merci. Je prends au pied levé le sujet dont le ministre Goodale vient de nous entretenir; il dit vouloir une force policière qui représente un emblème et que les policiers soient fiers de leur corps de police.

Le Conseil de la solde de la GRC a fait une étude en 2015 et a produit un rapport. À la question suivante : « Est-ce que vous recommanderiez à un membre de votre famille de se joindre à la GRC comme corps de police? », 53 p. 100 des policiers de la GRC ont répondu non.

De plus, à la question suivante : « Est-ce que vous pensez quitter la force de police de la GRC? », 9 p. 100 ont répondu qu'ils y pensaient constamment et 29 p. 100 ont répondu qu'ils pensaient fréquemment quitter le corps de police de la GRC.

Notamment, le Conseil de la solde de la GRC a fait une étude sur la rémunération globale et a constaté, en comparant avec les corps de police de plus de 50 policiers, que la rémunération globale de la GRC est près de 10 p. 100 moins élevée que celle de la moyenne des corps de police qui comptent 50 membres et plus. Une des conclusions de ce rapport du Conseil de la solde, à la page 70, fait mention de ce qui suit, et je cite :

À la lumière des renseignements susmentionnés, il est plutôt clair que l'écart entre la rémunération offerte par la GRC et ses services de police référentiels n'est pas conforme aux principes du Secrétariat du Conseil du Trésor concernant la gestion de la rémunération.

Après cette introduction, je vous poserai maintenant ma question concernant ce projet de loi qui exclut — outre le salaire et quelques éléments de congé que vous avez notés — le congédiement, le transfert de poste, l'évaluation, la discipline, la rétrogradation, les compétences pour l'exercice et l'uniforme. Pensez-vous que ce projet de loi et la mise en place d'un système moderne de négociation feront en sorte que les agents de la GRC voudront continuer à travailler pour la GRC ou plutôt qu'ils voudront quitter la GRC pour aller travailler au sein d'autres corps de police?

Ma question s'adresse davantage à M. Brison, puisque la question de la rémunération concerne plutôt le Conseil du Trésor.

M. Brison : Premièrement, notre projet de loi leur donnera l'occasion pour la première fois d'être représentés par un syndicat et d'avoir le droit à la négociation collective. C'est la raison d'être de ce projet de loi.

[Traduction]

Ralph peut vous parler de certaines des exclusions en vigueur; j'en ai parlé un peu tout à l'heure. Nous sommes en train de modifier la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique à cet égard, et le comité sera composé d'au moins deux membres ayant une expérience de la police pour comprendre les questions propres au travail policier et les régler.

Les questions relatives à la solde et à la rémunération relèvent de la négociation collective, à supposer que le projet de loi prévoyant ce droit soit adopté. Ces questions relèveront désormais de la négociation collective, et, s'il y a des problèmes à régler en termes d'écart entre la solde des membres la GRC et celle des membres d'autres services de police, ils relèveront de la négociation collective après l'adoption du projet de loi.

M. Goodale : Permettez que j'ajoute quelque chose ici, monsieur le sénateur Carignan. Je reconnais qu'il y a des problèmes à régler. Je crois que nous faisons tous très attention à ces problèmes pour conserver la grande qualité et la réputation de la GRC.

Certains processus en cours en ce moment vont créer un peu d'incertitude pendant un certain temps, mais nous espérons qu'ils permettront à terme d'instaurer un climat plus sûr et plus fructueux. L'un de ces processus est l'élaboration de cette loi. Suivra le choix, par les membres de la GRC eux-mêmes, d'un agent de négociation. Ce sera très intéressant et, je crois, très instructif pour le gouvernement d'entendre et de comprendre les enjeux que l'agent de négociation mettra de l'avant. Je soupçonne que la question de la rémunération viendra très vite sur le tapis.

Il y a aussi, en ce moment, comme on l'a indiqué dans le budget il y a quelques mois, un examen de l'intégrité des programmes auquel participe la GRC. Vous vous rappellerez peut-être les observations du commissaire il y a quelques mois au sujet de la répartition du personnel et des ressources au sein de la GRC en fonction des enjeux nationaux en matière de sécurité. Il a fait remarquer — peut-être devant ce comité d'ailleurs — que quelque 500 ou 600 agents avaient été réaffectés à la sécurité nationale. Je crois qu'il a attiré l'attention sur la pression et les tensions que ça créait au sein de la GRC et dans ses ressources. L'examen de l'intégrité des programmes permet d'étudier ce genre de questions.

Nous avons toute une série de mesures à prendre, comme je l'ai dit, au sujet du problème du harcèlement. Je pense que tous ces efforts visent à affronter les problèmes sous-jacents et à garantir que, dans un délai raisonnable, nous puissions changer les statistiques dont vous parliez dans votre question, ces statistiques qui indiquent un degré d'anxiété et d'insatisfaction considérable. Ces chiffres me préoccupent, et je suis sûr qu'ils vous préoccupent également. Je pense que nous devons tous tenir sérieusement compte des facteurs qui permettront de changer ces chiffres.

Le président : Monsieur le sénateur Carignan, veuillez être bref dans votre préambule.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma prochaine question s'adresse au ministre Goodale.

J'ai étudié un peu les différentes conventions collectives relatives aux policiers; je connais assez bien le domaine des relations de travail. Je n'ai jamais vu une convention collective exclure les éléments suivants : le licenciement, la rétrogradation, le congédiement, la conduite et l'uniforme.

J'ai ici une liste de différents corps de police : Calgary, Edmonton, Fredericton, Gatineau, Montréal, la Police provinciale de l'Ontario, la Sûreté du Québec, Longueuil, Québec. Tous ont, dans le cadre de leur convention collective, les éléments que vous voulez exclure.

Quel est l'élément rationnel et spécifique qui s'applique à la GRC et qui permet d'exclure le fait qu'une personne congédiée n'ait pas accès à l'arbitrage? C'est du jamais vu pour moi. Je ne vois pas la logique dans le fait qu'une personne congédiée ne puisse pas avoir accès à un processus d'arbitrage indépendant et impartial. C'est le contraire de la pratique qui existe dans tous les corps policiers au Canada.

La Police provinciale de l'Ontario et la Sûreté du Québec couvrent des territoires immenses. Les mutations et les transferts sont courants dans ces deux services de police. Le Nord du Québec et le Nord de l'Ontario sont des territoires difficiles à couvrir. La Sûreté du Québec et la Police provinciale de l'Ontario ont aussi ces paramètres. Qu'est-ce qui fait que la GRC veut exclure ces éléments?

[Traduction]

M. Goodale : Monsieur le sénateur, le commissaire est convaincu que l'autorité que lui confère la Loi sur la GRC est indispensable à cet égard. Peut-être que Dan ou Craig pourrait expliquer comment ça s'inscrit logiquement dans les autres pouvoirs exercés par le commissaire.

[Français]

Daniel Dubeau, sous-commissaire et dirigeant principal des Ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Vous avez raison, c'est le cas dans les autres corps policiers.

[Traduction]

La direction a des prérogatives. Vous avez parlé de la PPO, et je vais donc vous lire ce que l'association a signé avec la PPO au sujet des prérogatives de la direction.

... la gestion est la fonction exclusive de l'employeur. Cette fonction comporte notamment le droit de déterminer l'embauchage, les nominations, l'effectif complet, l'organisation, les méthodes et procédés de travail, le genre de matériel et son emplacement, les mesures disciplinaires, la cessation d'emploi, l'affectation, la classification, la méthode d'évaluation des emplois, le système d'avancement au mérite, la formation et le perfectionnement, l'évaluation et les principes et les normes qui régissent la promotion, la rétrogradation, la mutation, la mise à pied et la nouvelle nomination. [...]

Quand vous dites que ce n'est pas là-dedans, vous pouvez voir qu'on prévoit des prérogatives strictes en Ontario, comme dans les autres services de police provinciaux, qui sont exclusives à la direction. C'est ce que vous voyez dans le projet de loi. Ce qui relève de la convention collective est ce qui leur permet éventuellement de discuter des moyens d'y arriver. Comme nous l'avons déjà dit, nous avons 40 ans de relations de travail et des politiques élaborées à cet égard. Ces mesures sont inscrites dans des politiques, et, selon la loi, nous devrons continuer à fonctionner ainsi avec un syndicat.

Je vais demander à mon collègue de vous parler plus précisément de la question de la cessation d'emploi.

[Français]

Le sénateur Carignan : J'aimerais qu'on réponde à ma question. Je tiens à préciser que c'est l'intention du législateur qui m'intéresse ici, et non l'intention du commissaire de conserver ses droits de gérance. Quelqu'un pourrait vouloir contester la constitutionnalité de cet article et connaître le raisonnement du législateur quant à ces limitations. Quel est l'objectif urgent et réel de retirer cette disposition de la négociation de conventions collectives?

[Traduction]

M. Dubeau : Je pense que j'ai répondu à cette question. C'est une prérogative de la direction dans tous les services de police également. C'est la même chose. Le secteur de la police est structuré ainsi. On peut le lire, mais je vais demander à mon collègue, si vous permettez, monsieur le président, de parler de la question de la cessation d'emploi.

Le président : D'accord, ensuite le sénateur White aura un mot à dire, puis M. MacMillan prendra la parole.

Craig MacMillan, officier du Secteur de la responsabilité professionnelle, Gendarmerie royale du Canada : Merci, monsieur le président. Pour contextualiser à la façon de la Cour suprême, compte tenu d'une approche intentionnelle, le domaine des relations de travail en vertu de l'article 2 garantit

... un droit de négocier collectivement. Ce droit garantit toutefois un processus plutôt qu'un résultat ou que l'accès à un modèle particulier de relations de travail.

C'est au paragraphe 67.

Au paragraphe 93, la cour l'inscrit dans un contexte plus précis. Qu'entend-on par « entrave substantielle » de la négociation collective? Voici :

... les conditions nécessaires pour permettre une véritable négociation collective varient en fonction de la culture du secteur d'activité et du milieu de travail en question. Comme pour tous les examens fondés sur l'al. 2d), l'analyse requise est contextuelle.

Au paragraphe 140, la cour précise que le Parlement jouit d'« une grande latitude dans l'établissement d'un régime de négociation collective qui satisfait aux exigences spéciales... »

La première partie de la question est que nous n'acceptons pas d'être traités différemment des autres. Nous disons que nous sommes sur un pied d'égalité avec la norme du secteur. Dans cette partie, je vous emmène en Alberta. Premièrement, il y a des exclusions statutaires semblables à ce qui est proposé. Il y a aussi les conventions collectives qui indiquent ce qui est limité ou exclu. En Alberta, l'article 21 et le paragraphe 26(1) de la Police Officers Collective Bargaining Act prévoient qu'une question relevant de la loi ou du règlement sur la police échappe au champ de la négociation collective et à la procédure de règlement des différends du travail.

Cette disposition parle expressément de discipline. Elle parle aussi du pouvoir du chef de renvoyer des employés. En vertu de la loi sur la police, les agents de police peuvent être renvoyés pour des raisons disciplinaires en Alberta en application d'une procédure énoncée dans le règlement. Si un policier s'estime lésé par les conclusions ou les actions du chef, il peut faire appel auprès de l'Alberta Law Enforcement Review Board.

L'article 60 de la loi sur la police prévoit qu'aucun des sujets abordés à l'article 16 (pouvoirs de la commission), à l'article 20 (audiences et appels), à l'article 31 (responsabilité de la commission), au paragraphe 37(1) (renvoi pour raisons disciplinaires) et à l'article 41 (fonctions, discipline et performance du chef, ordonnances ou directives relatives aux plaintes) ne sera assujetti à une convention collective telle qu'elle est prévue dans la Police Officer's Collective Bargaining Act.

Si on consulte la convention collective du Service de police Calgary, par exemple, on peut lire ceci à l'article 17.01 :

L'inconduite d'un agent de police est définie dans la loi sur la police de l'Alberta et le règlement sur les services de police. Le Service de police de Calgary traitera l'inconduite d'un agent conformément à cette loi et à ce règlement. »

La convention du Service de police d'Edmonton prévoit de façon similaire que « les appels découlant d'une procédure disciplinaire seront traités conformément au règlement sur les services de police et à la loi sur la négociation collective relative aux agents de police. »

Pour résumer, ça exclut, par règlement, les questions de discipline, de renvoi et de congédiement.

Mon collègue le sous-commissaire Dubeau a parlé des prérogatives de la direction qui font maintenant l'objet d'un protocole d'entente signé par l'OPPA, l'Ontario Provincial Police Association, et le Secrétariat du Conseil du Trésor de l'Ontario. Cela a été précédé, jusqu'en 2013, par la même disposition dans la Loi sur la négociation collective relative à la Police provinciale de l'Ontario.

Le président : Pourriez-vous répondre à la question? Le temps file, et vous avez une autre heure plus tard. Et je sais que le sénateur White veut aussi poser une question.

Le sénateur Carignan : En partie parce qu'ils parlent d'éthique et non de pouvoir disciplinaire dans le système des relations de travail.

Le président : Est-ce que vous avez fini, monsieur?

M. MacMillan : Non, je pourrais fournir de nombreux exemples.

Le président : Je vois ça.

M. MacMillan : Le fait est, monsieur le président, qu'il faut dire clairement qu'il y a des exemples d'exclusion de la discipline du domaine de la négociation collective de nombreuses juridictions du Canada. Cela n'a rien de nouveau.

Le président : Excusez-moi. Chers collègues, nous avons les ministres ici. Le but est de poser des questions aux ministres. Nous verrons les fonctionnaires pendant une heure par la suite. Je vais donner la parole au sénateur White. S'il vous plaît, veuillez tous être brefs dans vos préambules et vous en tenir de préférence à « oui » ou « non » dans vos réponses.

Le sénateur White : Premièrement, un petit rappel. Ce projet de loi est présenté par le gouvernement et non par la GRC, monsieur MacMillan. C'est à noter.

Monsieur Dubeau, en fait, vous venez de citer l'Ontario. Je pense qu'une de nos difficultés, en Ontario, ce sont les normes de qualité, n'est-ce pas? Il n'y a pas de normes de qualité à l'échelle nationale. Certaines des choses dont vous parlez sont en fait réglementées en Ontario. On ne va pas s'en remettre à des normes nationales quand ces choses ne se produisent pas selon nos prévisions.

Comment résoudre le manque de normes de qualité dont vous parlez concernant les prérogatives de la direction? Parce que ces prérogatives sont limitées en Ontario. On doit appliquer la loi. On doit avoir des moyens de renseignement sur la criminalité. Et ainsi de suite, les dispositions circonscrivent clairement les techniques policières en Ontario.

Je le sais, je l'ai vécu. Pas toujours avec bonheur, mais parfois on est obligé de faire ce qu'il faut à cause de ça. Je pense que cette question des prérogatives de la direction me bouscule parce que c'est dans le contexte des normes de l'Ontario, et que ce n'est pas d'ordre fédéral.

M. Dubeau : C'est une bonne question. Merci pour cette question. Les normes sont établies par le commissaire, comme vous le savez bien. C'est lui qui doit les fixer pour l'ensemble du pays. Et il l'a fait.

Concernant les « normes de qualité », je pense qu'il s'agit ici de santé et de sécurité. Il y a tout un système de surveillance extérieur à la GRC qui pourrait s'en occuper si c'est un problème soulevé par un syndicat ou un agent de négociation. Ils peuvent dire que ce n'est pas suffisant. C'est à eux de rédiger le code d'ESDC, et c'est ce qu'ils ont fait dans le passé. Il y a différentes techniques.

Nous continuons de travailler avec nos employés. On semble laisser croire que nous ne travaillons pas avec nos employés pour fixer les normes. Nous le faisons depuis 140 ans. Et nous allons continuer, qu'il y ait une loi ou non. Le but de notre organisation est de travailler avec nos employés parce qu'ils sont nos ressources. Ce sont nos employés, et nous veillons sur eux tout autant que n'importe quel agent de négociation. Les normes sont là. Elles existent dans le contexte provincial, comme mon ministre l'a expliqué. On parle de normes fixées par les commissaires. C'est renforcé ici, monsieur le sénateur White.

Le sénateur White : Je vous remercie de votre réponse. Cependant, vous dites que vous travaillez avec vos employés, en particulier les membres de la GRC. Le programme des relations de travail a été retiré aux membres avant que soit prise la décision de savoir s'ils se syndiqueraient ou non. Il est important de comprendre qu'il y a maintenant un représentant qui rend compte directement aux policiers et qui n'est pas élu par eux. Que se passera-t-il si les policiers ne se syndiquent pas? Vous les avez déjà privés de leur représentation.

Le président : Je pense que la question s'adresse au ministre Goodale. Peut-être qu'il aimerait y répondre.

M. Goodale : Si les membres de la GRC, lorsqu'ils auront le droit de se syndiquer, décident pour une raison ou une autre de ne pas le faire, mais je pense que c'est peu probable, alors, oui, évidemment, monsieur le sénateur White, le statu quo ne serait pas suffisant. Cela laisserait un vide qui serait injuste pour les membres de la GRC, et le gouvernement aurait à régler cette question.

Tout indique cependant que les membres vont très vigoureusement faire valoir leur droit à une représentation syndicale. Lorsqu'ils auront pris leur décision officielle, je serai curieux de les rencontrer et d'entendre ce qu'ils ont à dire sur ce qu'ils voudraient voir discuter et débattre.

Le sénateur White : Merci, monsieur le ministre.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci, messieurs les ministres. Je me sens interpellé ce matin. Vous savez sûrement que j'ai accumulé 28 ans de vie syndicale à la Sûreté du Québec. J'ai été président du syndicat pendant sept ans. Je n'en ferai pas tout l'historique, mais en fin de semaine, on soulignait les 50 ans d'existence de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec. Selon son directeur général, la Sûreté du Québec ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui n'eût été l'apport inconditionnel de son syndicat. J'espère entendre la même chose de votre côté, mais ce matin, j'ai l'impression de reculer de 40 ans. Tout d'abord, en tant qu'ancien président du syndicat, je n'utiliserai pas le mot syndicat, parce que nous n'y étions pas syndiqués. C'était une association, et nous n'avions pas le droit de grève. Ensuite, nous avons négocié les questions liées au congédiement, à la discipline, à l'équipement, à la dotation du personnel et à la formation du personnel. Nous avions un programme d'aide au personnel. Tout était sur la table et se faisait de façon paritaire.

Or, lorsque j'entends dire ce matin qu'il s'agit du droit de gérance du commissaire, j'ai beaucoup de difficulté avec cela. Dieu merci, quand j'étais président, j'avais une bonne relation avec le directeur général de la Sûreté du Québec, et tout était paritaire. Si vous me parlez de droits de gérance...

[Traduction]

Le président : Monsieur le sénateur, pourriez-vous en venir à la question, s'il vous plaît?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question est fort simple. Je ne sais pas comment tout cela va aboutir, mais, d'une part, ou l'on vous a mal informé ou, d'autre part, vous vous en tenez à un projet de loi où l'on ne veut pas syndicaliser les policiers de la GRC. Si c'est uniquement une question le salaire, oublions cela. Vous avez des exemples dans lesquels vous faites référence à l'OPPA. Alors, parlez-moi aussi de l'Association canadienne des policiers. Le sénateur Carignan l'a très bien expliqué.

Monsieur le ministre, je suis certain que vous êtes de bonne volonté et de bonne foi, et je ne veux pas mettre en doute ce que disent les dirigeants de la GRC ni leur manquer de respect. Cependant, lorsque j'étais à l'Association canadienne — vous connaissez sûrement M. Delisle, entre autres — nous avons même avancé de l'argent...

[Traduction]

Le président : Monsieur le sénateur, je sais que vous êtes très passionné, mais pourriez-vous en venir à la question?

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je vous le dis ce matin, j'ai l'impression que nous sommes dans un cul-de-sac. Alors, j'aimerais avoir votre opinion.

[Traduction]

M. Goodale : Monsieur le sénateur, vous avez dirigé très efficacement le syndicat. C'était il y a 40 ou 50 ans, n'est-ce pas? Il faut certainement féliciter la Sûreté du Québec à cet égard.

Monsieur le sénateur, il faut reconnaître, entre autres, que nous sommes dans une période de très grands changements. On est au début d'une nouvelle démarche.

Vous célébrez à juste titre les réalisations de la Sûreté du Québec après 40 ou 50 années d'expérience dans le cadre d'un système de relations de travail. Nous commençons à peine.

Pourquoi il a fallu si longtemps à l'échelle fédérale, je n'en sais rien. Ça fait déjà un certain temps qu'on aurait dû prendre la décision de donner aux membres de la GRC le droit d'être représentés collectivement dans le cadre d'un processus de négociation, mais nous sommes en train de commencer à corriger cette erreur. Ce projet de loi est un premier pas, et j'espère que, à l'échelle fédérale, l'expérience sera positive. Et, pour en revenir à la remarque du sénateur Carignan, j'espère que ça relèvera le niveau de satisfaction des membres à l'égard de leur carrière dans la GRC.

M. Brison : Monsieur le président, je voulais juste confirmer que, effectivement, les membres de la GRC ont reçu une liste de questions susceptibles de faire partie d'une convention collective.

Le président : Oui, en effet.

M. Brison : Bien. Et ça va bien au-delà de la rémunération.

Le président : À ma connaissance, cette liste a été distribuée à tous les membres. Merci, monsieur le ministre Brison.

Le sénateur Day : Des exemples de questions susceptibles de faire partie de conventions collectives?

M. Brison : Oui. Elles ne sont pas exclues.

La sénatrice Jaffer : Merci aux deux ministres d'être parmi nous. Comme nous avons peu de temps, mes questions seront courtes. J'en ai beaucoup, mais elles sont différentes pour chacun de vous.

Monsieur le ministre Brison, vous avez terminé en parlant de ce que souhaitent les membres. Je tiens à dire que beaucoup d'entre eux nous ont fait part de leur insatisfaction à l'égard de ce processus. Et ça nous préoccupe évidemment.

Parmi les choses qui m'ont troublée à la lecture de ce que vous avez déclaré au comité de la Chambre, il y a ce que vous avez dit au sujet des principaux éléments du cadre de gestion des relations de travail en vigueur à l'époque à la GRC, à savoir qu'il portait atteinte à la Charte parce que ces éléments entravaient substantiellement la liberté d'association des membres. Pourriez-vous nous donner un peu plus d'explications, s'il vous plaît?

M. Brison : La décision de la Cour suprême est très claire : il n'y a pas de raison de fond ou de raison juridique de refuser aux membres de la GRC le droit à la négociation collective. Notre gouvernement, comme l'a dit tout à l'heure le ministre Goodale, a hérité une situation d'une certaine urgence en raison de l'injonction de la Cour suprême. Nous avons demandé et obtenu une prolongation du délai, mais ça ne nous délie pas de l'obligation de répondre. Nous avons maintenant dépassé l'échéance, et il y a donc urgence.

La Cour suprême a été très claire : il n'y a aucune raison juridique d'empêcher les membres de la GRC de faire valoir leur droit à la négociation collective, et cette décision le leur accorde.

La sénatrice Jaffer : Merci, monsieur le ministre.

Monsieur le ministre Goodale, je voudrais citer ce qu'a dit Ron Louis, sergent d'état-major à la retraite. Il m'a écrit pour me parler d'une attaque préventive contre toute éventualité de syndicalisation, parce qu'on écarte toute une série de questions qui devraient faire l'objet d'une négociation collective.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer pourquoi on a écarté les promotions, les évaluations, les congédiements, les rétrogradations et la probation? Pour moi, la question la plus importante est celle du harcèlement. J'aimerais avoir votre avis.

M. Goodale : Madame la sénatrice, comme l'ont dit M. Dubeau et M. MacMillan — et je sais que vous allez approfondir la question aujourd'hui —, les exemptions prévues dans le projet de loi C-7 sont à bien des égards semblables à celles qui existent pour d'autres services de police.

Pour ce qui est plus précisément du problème du harcèlement, je le prends très au sérieux. Évidemment que le premier ministre le prend au sérieux aussi, et il a même pris la peine de le mentionner spécifiquement dans ma lettre de mandat.

On a pris un certain nombre de mesures. D'autres sont envisagées pour la suite des choses.

Plus précisément, le Code de déontologie de la GRC contient la déclaration probablement la plus solide qui soit dans la fonction publique à ce sujet. On y précise que le harcèlement est interdit et on y prévoit une procédure très distincte pour ceux et celles qui s'estiment lésés et cherchent des ressources et des recours.

En outre, nous avons demandé à la CCETP, la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, de reconsidérer les recommandations qu'elle a formulées en 2013 et de vérifier pour moi que ces recommandations ont été mises en œuvre et donnent les résultats escomptés.

Il y a une procédure spéciale pour les plaintes relatives à ce qui s'est passé au début de l'année au collège de la police et qui, je crois, a choqué tout le monde. Le commissaire a demandé à Paul Kennedy de surveiller le déroulement de cette procédure pour veiller à ce que tout se passe correctement.

Il y a des négociations distinctes en cours avec les plaignants antérieurs qui avaient intenté des poursuites contre la GRC pour essayer de régler les questions juridiques à la satisfaction de ces plaignants. Nous verrons où cela nous mènera, mais, jusqu'ici, c'est prometteur.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons l'intention de prendre d'autres mesures, dont l'embauche d'un Canadien éminent qui sera chargé de me donner des avis indépendants.

La sénatrice Jaffer : Merci.

Le président : Messieurs les ministres, pourriez-vous rester quelques minutes de plus? Nous avons d'autres questions, si vous permettez. Cela ne vous dérange pas? Nous devons terminer à 11 heures, et il y a encore quelques sénateurs. Quelques minutes de votre temps, vous permettez?

M. Goodale : Je pense que oui, monsieur le sénateur. J'ai un whip en service à la Chambre, qui est très exigeant, mais, du moment qu'il n'est pas déçu, cela ira.

Le président : Puisque nous avons un peu de latitude, je vais donner la parole au sénateur Dagenais, puis au sénateur White, mais soyez brefs, messieurs, car je veux aussi donner du temps au sénateur Campbell.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Merci encore une fois aux deux ministres. Monsieur Brison, ma question s'adresse à vous. Avec la formation du syndicat de la GRC, avez-vous des budgets supplémentaires pour éviter à la GRC de puiser dans ses budgets actuels? Nous avons besoin de ces budgets pour lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité des citoyens. Est-ce que vous avez prévu des budgets supplémentaires?

M. Brison : Le Conseil du Trésor travaille présentement avec la GRC pour faire une révision de l'intégrité du programme. C'est un élément important pour nous. Nous allons travailler avec le ministère de la Sécurité publique et la GRC afin de nous assurer d'avoir les ressources nécessaires pour mener les changements et pour l'organisation. Il en est question dans notre révision, et c'est un élément important.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, monsieur le ministre.

[Traduction]

Le président : Écoutons maintenant le sénateur Campbell, qui parraine le projet de loi.

Le sénateur Campbell : Merci, monsieur le président. Je veux aussi vous remercier de m'avoir invité ici aujourd'hui.

Ma question s'adresse au ministre Goodale. Comme je l'ai dit au Sénat, mes appréhensions concernent les exemptions. J'ai écouté le sous-commissaire et le commissaire adjoint et je dois vous dire que vous avez tort. Le commissaire a tort. L'idée de réglementer la vie des gens à partir d'Ottawa est une erreur, et c'est une erreur depuis au moins 40 ans.

Ma question au ministre est la suivante : puisque ces exemptions à la loi ne sont pas sur la table, comment le gouvernement va-t-il s'assurer que la direction n'est pas injuste ou tentaculaire avec les membres, qui ont été si nombreux à vous parler de leurs problèmes?

M. Goodale : Eh bien, pour commencer, monsieur le sénateur, pour la toute première fois — et cela a pris du temps et c'est bien trop tard, mais au moins cela arrive — les membres de la GRC auront le droit d'être représentés par un agent de négociation collective. Il est évident que le gouvernement, par le biais du Conseil du Trésor, a des responsabilités de gestion à exercer dans l'intérêt public, mais nous devons aussi être attentifs à ce que nous disent ceux qui sont démocratiquement choisis par les membres de la GRC pour les représenter.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je serai très curieux d'entendre ce que ces représentants ont à dire lorsque le système sera en place et qu'ils pourront faire valoir leurs points de vue, leurs préoccupations, leurs causes d'insatisfactions, les enjeux qu'ils souhaitent voir aborder, et j'espère que notre gouvernement sera disposé à leur donner la possibilité de se faire entendre équitablement. Je veux aussi entendre ce qu'ils ont à dire s'ils pensent que le système n'est pas correctement structuré.

Le sénateur Campbell : Je ne pense pas que ce soit suffisant, monsieur le ministre. J'aimerais avoir l'assurance que ces exemptions seront discutées ou qu'il y aura moyen de le faire.

J'ai dit que j'aimerais qu'on les supprime. Je ne sais pas si cela se fera ou non. J'appuie ce projet de loi et je ne vais pas le laisser mourir au Feuilleton à cause de cela, mais la police montée, les membres de la GRC ont besoin d'une sorte de garantie que ces exemptions seront discutées.

De la mesquinerie, je peux vous en parler. Le commissaire, dès que cela se met en place, se débarrasse des représentants de division, se débarrasse du seul moyen par lequel les membres peuvent parler à la direction — fini. Une directive a informé les membres qu'ils ne peuvent pas utiliser le courriel interne pour discuter du projet de loi avec les autres — fini. On les envoie à Fort Mac sans protection ou presque — fini. On est encore en train de discuter l'affaire des membres envoyés à Slave Lake, et je peux vous lire une lettre d'un membre envoyé à Slave Lake sans protection ou avec une protection insuffisante.

J'ai besoin d'avoir la garantie que le commissaire réglera ces problèmes et j'ai besoin d'avoir la garantie que ces exemptions seront discutées d'une façon ou d'une autre à la satisfaction des membres. Pour autant que je sache pour l'instant, cette table penche vers le commissaire, et ce n'est tout simplement pas acceptable.

Alors je le demande encore une fois : que peut-on faire? Comment trouver le moyen de garantir que ce sera fait? Je ne dis pas que le commissaire ne devrait pas avoir de pouvoirs. Je dis que ces pouvoirs doivent être assujettis à une forme de contrôle. Ce n'est quand même pas la fin du monde. Cela n'a jamais tué aucun service de police. Alors, je vous en prie, donnez-moi quelque chose, un moyen de régler cela.

M. Goodale : Monsieur le président, est-ce que je peux poser une question purement procédurale?

Le président : Bien sûr.

M. Goodale : Prévoyez-vous d'autres délibérations au sujet de ce projet de loi?

Le président : Nous aurons les audiences d'aujourd'hui, et il se pourrait que nous puissions prendre du temps mercredi également. À ce stade, j'espère que nous serons en mesure de donner suite au projet de loi tel quel ou avec des modifications pour le Sénat.

M. Goodale : Je pose la question simplement parce que...

Le président : Je vous dis cela sous toute réserve.

M. Goodale : Merci, je comprends tout à fait.

Le sénateur Campbell soulève une question intéressante. Compte tenu de votre calendrier, et je ne veux rien retarder, j'aimerais avoir la possibilité de réfléchir un peu au moyen d'en arriver à un arrangement satisfaisant ici.

Si je comprends bien, monsieur le sénateur, vous remettez en cause l'équité du processus, et c'est ce que je veux obtenir. Je pense que vous trouverez d'autres points de vue dans la GRC sur certaines des questions que vous avez soulevées, et je pense que M. Dubeau et M. MacMillan prendront la peine un peu plus tard de répondre à ces préoccupations.

Mais, concernant la question générale des exemptions, de leur raison d'être dans la structure et l'éventualité que cette nécessité doive être évaluée, j'aimerais vous faire part de certaines réflexions. Je reviendrai sous peu à ce comité, avec peut-être quelques idées qui permettraient de fournir au sénateur Campbell, qui parraine ce projet de loi, le genre de garantie qu'il demande. Ce ne sera pas long, et je n'ai pas l'intention de suspendre les délibérations de ce comité. J'ai besoin d'un peu de temps pour réfléchir à un mécanisme qui donnera au sénateur Campbell la garantie dont il a besoin.

Le sénateur Campbell : Je suis très reconnaissant au ministre. J'ai hâte de l'entendre et je le remercie.

Le sénateur White : Merci également, monsieur le ministre. Au sujet des exemptions de la loi, la raison pour laquelle j'ai parlé de normes de qualité tout à l'heure est que, dans les provinces, il y a souvent un filet de sécurité autour des normes de qualité pour régler certaines questions et forcer la main des organisations qui parfois, malheureusement, ne feraient pas les choses comme il faut.

Les exemptions m'inquiètent du point de vue des techniques d'application de la loi, surtout quand on parle des unités tactiques. Il y a aussi les effectifs minimums obligatoires, par exemple. On parle d'amalgame entre probation et entrée directe et du fait que certains de ces aspects sont négociés. Quand il y a amalgame, par exemple quand ils ont pris Moncton sous leur aile, il y a eu trois années d'argumentation entre la GRC et l'Association canadienne des policiers au sujet du fait qu'il n'y avait pas de processus à cet égard. Quant aux congédiements et rétrogradations, la plupart du temps, ils respectent une norme de qualité conforme aux lois provinciales sur les services de police. Il n'y a pas nécessairement le même degré de cohérence dans le cadre de la Loi sur la GRC.

Je crois que le recrutement des agents doit être négocié. On a déjà vu la GRC supprimer une exigence dans un examen d'entrée pour deux types de candidats. Je dirais que c'est bien le seul service de police du Canada, ou en tout cas le seul dans les 25 premiers de la liste, qui n'a pas d'examen d'entrée, ni d'examen physique, pour ceux qui veulent entrer dans la police.

Je pense qu'un syndicat veillerait sur l'organisation et tiendrait compte des intérêts des Canadiens si ces choses pouvaient être négociées. Si vous vouliez bien tenir compte de ces choses dans les prochaines 48 heures de réflexion, je vous en serais reconnaissant.

M. Goodale : Merci, monsieur le sénateur White. J'en tiendrai compte, assurément.

Nous voulons tous un service de police national qui soit fort, efficace et apte à remplir les fonctions cruciales qu'il est appelé à assumer au nom des Canadiens à l'échelle nationale, provinciale, municipale et internationale. Je ne pense pas qu'il existe au monde un service de police qui soit appelé à exécuter la diversité de tâches complexes qu'on demande à la GRC. Nous devons nous assurer que ses membres ont les instruments et les ressources dont ils ont besoin pour cela, et, notamment, qu'il y ait, du moins on peut l'espérer, des relations de travail positives et constructives entre la direction et les employés récemment syndiqués de la GRC. Je ferai de mon mieux pour trouver les moyens de garantir que cela se passe ainsi dans toute la mesure du possible. Conformément à mon engagement envers le sénateur Campbell, je reviendrai voir le comité avec une proposition.

Le sénateur White : Merci beaucoup.

Le président : Je pense que nous partageons un objectif commun. La question est de savoir comment le concrétiser et de déterminer les instruments qui seront fournis à notre service de police national.

Je pense que nous sommes tous très préoccupés des divers chiffres concernant la rémunération des membres de la GRC et celle de membres d'un service de police municipal. On m'a dit, par exemple, qu'un agent de la GRC pouvait gagner en moyenne 84 000 $ par an comparativement à un agent de police municipal, dont le salaire serait d'un peu plus de 100 000 $. Cet écart est considérable quand on réfléchit aux obligations financières que nous avons, en tant que pays, à l'égard de notre service de police, sans compter les avantages sociaux et diverses autres choses.

Je veux juste souligner cela, et c'est une question directe pour vous, monsieur Goodale. Si je comprends bien, vous enverrez quelque chose par écrit à mon intention et quelque chose au sénateur Campbell qui pourra être distribué aux membres. C'est bien cela?

M. Goodale : Je pense que c'est la bonne façon de communiquer, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Carignan : Durant le témoignage du ministre, nous avons parlé de la convention collective de la Police provinciale de l'Ontario. J'aimerais qu'on transmette un exemplaire de ce document au comité. Je vois qu'il est affiché en ce moment sur Internet.

[Traduction]

Le sénateur Day : Je pensais qu'on pourrait voir avec le ministre ici aujourd'hui si cette question était réglée. Quand nous avons reçu M. McPhail, de la Commission d'examen et de traitement des plaintes contre la GRC, il n'y a pas si longtemps, il a parlé de l'étude qu'il avait déjà faite sur le harcèlement. Vous, monsieur le ministre, avez dit que vous faites une mise à jour. M. McPhail se préoccupait du fait qu'il ne pouvait pas parler à un membre de la GRC sans que celui-ci doive d'abord informer le commissaire qu'il parlerait à M. McPhail. Il estimait que l'étude était compromise par le fait qu'il ne pouvait pas garantir la confidentialité. Avez-vous pu régler ce problème?

M. Goodale : Je vais vérifier la situation, monsieur le sénateur. Mon point de vue est simple : j'ai demandé à M. McPhail d'entreprendre un examen très important des problèmes en mon nom et au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens, et personne n'entravera ce processus.

Le président : Madame la sénatrice Beyak a une autre question, puis nous terminerons.

La sénatrice Beyak : Cela fait suite à la discussion que nous venons d'avoir concernant un rapport du Sénat en 2013, après une étude présidée par le sénateur Lang et le sénateur Dallaire. Cela concernait la culture de la GRC. On y demandait notamment un ombudsman. L'une des recommandations adoptées par le Sénat à l'unanimité a été que les membres aient un ombudsman à qui ils pourraient faire part de leurs préoccupations. Est-ce que vous avez envisagé cela?

M. Goodale : Madame la sénatrice, ce poste n'existe pas encore. Compte tenu de tous les autres changements dont j'ai parlé et qui touchent la GRC ces jours-ci, c'est une question ouverte. Je pense que c'est l'un des problèmes dont j'aimerais m'entretenir avec les nouveaux représentants syndicaux pour ce qu'ils en pensent. Je pense que le Sénat a fait cette recommandation de bonne foi dans l'espoir d'améliorer les relations et d'offrir un recours aux membres de la GRC.

Il y a bien sûr deux types de recours dans le cadre des règles, règlements et structures en vigueur actuellement, mais c'est une question que je pourrais discuter en temps et lieu avec les nouveaux représentants syndicaux.

La sénatrice Beyak : Je tiens à dire que j'apprécie beaucoup ce que vous avez dit sur le harcèlement sexuel. J'espère que vous vous rappellerez les milliers de merveilleux agents de la GRC et la réputation mondiale de nos « Mounties » et que les actes de quelques-uns ne devraient pas ternir l'image de toute une organisation.

M. Goodale : Je suis absolument d'accord, madame la sénatrice. C'est effectivement ce qui importe. Il faut régler les problèmes là où il y en a de façon claire, transparente et décisive pour qu'ils ne soient pas le prétexte à ternir la réputation de ce que j'estime être un très distingué service de police.

La sénatrice Beyak : Merci.

Le président : Monsieur le ministre Brison et monsieur le ministre Goodale, nous vous remercions d'être venus répondre à nos questions et d'avoir accepté de prolonger votre présence parmi nous. Merci.

Chers collègues, le groupe suivant est composé de représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada. Voici Manon Brassard, sous-ministre adjointe, chargée du Secteur de la rémunération et des relations de travail, et Dennis Duggan, consultant principal en relations de travail au Secteur de la rémunération et des relations de travail.

Nous avons également, de la Gendarmerie royale du Canada, Daniel Dubeau, sous-commissaire et dirigeant principal des ressources humaines, et Craig MacMillan, commissaire adjoint et officier du Secteur de la responsabilité professionnelle.

Nous accueillons aussi, de Sécurité publique Canada, Kathy Thompson, sous-ministre adjointe, chargée du Secteur de la sécurité communautaire et de la réduction du crime.

Comme nous avons déjà entendu les ministres dans le groupe précédent, est-ce que quelqu'un souhaite faire des remarques préliminaires?

Daniel Dubeau, sous-commissaire et dirigeant principal des ressources humaines, Gendarmerie royale du Canada : Non merci, mais j'aimerais présenter un autre témoin. Je suis avec le commissaire adjoint Steve White, dirigeant principal adjoint des ressources humaines, qui a fait un gros travail contextuel sur le projet de loi.

Le président : Nous vous en remercions. Comme vous le savez, nous avons eu un bon débat dans la dernière heure, et vous étiez tous présents. Passons donc directement aux questions.

[Français]

Le sénateur Carignan : Les champs de compétence de l'arbitre attirent particulièrement mon attention lorsqu'il s'agit de la résolution des litiges. L'article 238.24 du projet de loi C-7 propose ce qui suit, et je cite :

Droit limité de présenter un grief

238.24 Sous réserve des paragraphes 208(2) à (7), le fonctionnaire membre de la GRC a le droit de présenter un grief individuel seulement lorsqu'il s'estime lésé par l'interprétation ou l'application à son égard de toute disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale.

L'équivalent dans la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est l'article 208, qui se lit comme suit, et je cite :

208 (1) Sous réserve des paragraphes (2) à (7), le fonctionnaire a le droit de présenter un grief individuel lorsqu'il s'estime lésé :

a) par l'interprétation ou l'application à son égard :

(i) soit de toute disposition d'une loi ou d'un règlement, ou de toute directive ou de tout autre document de l'employeur concernant les conditions d'emploi,

(ii) soit de toute disposition d'une convention collective ou d'une décision arbitrale;

b) par suite de tout fait portant atteinte à ses conditions d'emploi.

J'aimerais savoir pourquoi il faut restreindre le droit de présenter un grief de la convention collective et ne pas inclure le pouvoir d'examiner les lois, les directives ou les règlements lorsqu'ils ont un impact sur les conditions de travail. Il s'agit d'un aspect fondamental. Un arbitre prend sa décision en se basant sur le droit, soit sur l'ensemble des lois. Tous les codes du travail que je connais comportent des dispositions en ce sens et, selon la jurisprudence, l'arbitre peut interpréter la loi lorsqu'elle s'applique. Ici, il semble que l'arbitre ne serait même pas en mesure d'interpréter la loi. C'est un aspect particulièrement important si on tient compte de la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui pourrait avoir un impact sur les conditions de travail et de nombreuses autres lois, entre autres. Bref, pourquoi faut-il exclure l'interprétation des lois du pouvoir de l'arbitre?

Manon Brassard, sous-ministre adjointe, Secteur de la rémunération et des relations de travail, Secrétariat du Conseil du Trésor : Ici, il s'agit d'un système bifurqué. C'est-à-dire que les dispositions de la convention collective qui portent sur les conditions de travail sont visées par cet article. D'autres aspects, comme les règlements et les directives de l'employeur sont, en grande partie, émis en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale, sous l'autorité du commissaire et selon les recours prévus à cette loi. C'est ce qui explique la différence.

Le sénateur Carignan : Que faites-vous des questions mixtes qui touchent la loi et la convention collective? Que fait l'arbitre?

Mme Brassard : Il devra recevoir les arguments à ce sujet. S'il s'agit clairement de la convention collective, ce sera de son ressort.

Le sénateur Carignan : Il devra se dresser un mur et ne pas regarder la loi?

Mme Brassard : Les arguments seront faits devant l'arbitre sur ce qui devrait s'appliquer ou pas.

Le sénateur Carignan : Vous ne pensez pas qu'on devrait régler le problème tout de suite afin de prévoir?

Mme Brassard : Nous verrons quelles seront les suggestions faites à cet égard.

Le sénateur Carignan : Le processus d'accréditation prévoit que, lorsqu'une organisation syndicale compte 40 p. 100 des membres, le commissaire ou la commission peut ordonner la tenue d'un vote. Qu'est-ce qui se produit lorsqu'il y a trois syndicats qui ont chacun 25 p. 100 des membres?

[Traduction]

Dennis Duggan, consultant principal en relations de travail, Secteur de la rémunération et des relations de travail, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada : Dans ce cas, selon les règles actuelles de la LRTFP, le conseil, avant de pouvoir reconnaître un employé ou une organisation comme agent de négociation, doit se convaincre qu'une majorité des membres de l'unité de négociation proposée souhaitent faire reconnaître leur association. C'est donc au conseil de déterminer qui a effectivement la majorité, quels que soient les moyens qu'ils choisissent, bien sûr, si la réglementation doit être changée conformément au projet de loi C-4.

Actuellement, le seuil est de 40 p. 100 avant de pouvoir même être entendu et obtenir un vote. S'ils n'obtiennent pas 40 p. 100, ça ne va pas plus loin.

[Français]

Le sénateur Carignan : Si trois syndicats comptent chacun 25 p. 100 des membres, vous dites que la commission pourra ordonner un vote? C'est ce que vous dites? Pouvez-vous me citer l'article qui contient cette disposition?

[Traduction]

M. Duggan : J'hésite à substituer mon opinion à celle du conseil parce que c'est à lui de décider, mais, franchement, s'ils n'obtiennent pas les 40 p. 100 nécessaires, je ne crois pas que le conseil accepterait de les entendre.

[Français]

Le sénateur Carignan : Peut-on avoir la certitude, pour que le système fonctionne, qu'il y aura un vote? Si on tient compte du fait que trois syndicats ont chacun 25 p. 100 des membres, cela signifie que 75 p. 100 des gens ont signé une carte de membre. Il faudrait au moins qu'il y ait un vote. Or, c'est loin d'être clair lorsqu'on examine les dispositions actuelles.

[Traduction]

M. Duggan : Ce sont les règles actuelles, monsieur le sénateur.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous allez pouvoir nous indiquer l'article?

[Traduction]

M. Duggan : Pardon?

Le sénateur Carignan : Est-ce que vous pourrez identifier exactement l'article en question pour que nous puissions voir où est prévu ce pouvoir?

M. Duggan : La disposition actuelle est, je crois, l'article 64 de la LRTFP.

Le président : Monsieur le sénateur, nous allons continuer et passer la parole à...

Le sénateur Carignan : Excusez-moi, j'ai encore une remarque. Il a raison, c'est l'article 64, mais...

[Français]

—c'est parce qu'il se réfère à la notion de regroupements de syndicats pour utiliser ce pouvoir.

J'attire votre attention au paragraphe 3 de l'article 64 de la loi. Je crois qu'il y a une coquille, car on fait référence à l'application de l'alinéa (1)a). Or, l'alinéa (1)a) n'existe pas.

[Traduction]

M. Duggan : Vous renvoyez au paragraphe 64(1), mais il n’existe pas. Exact. Mais c’est dans l’article actuel.

[Français]

Le sénateur Carignan : Il faudrait corriger cette erreur.

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à Mme Brassard. Plus tôt, le ministre disait que, dans le cadre des négociations d'une convention collective, si le gouvernement ne s'entend pas avec les policiers et policières de la GRC, il y aurait arbitrage et la décision de l'arbitre sera exécutoire. Par exemple, disons qu'il s'agit de la rémunération. Les policiers de la GRC demandent une hausse de 4 p. 100 et le gouvernement refuse, en indiquant que, dans le contexte économique, il ne peut pas accorder une hausse de plus de 2 p. 100. Les parties passent à l'arbitrage, et l'arbitre donne raison aux policiers et policières de la GRC. À ce moment-là, le gouvernement ne pourra pas dire qu'il invoque le contexte économique malgré la décision de l'arbitre, et il ne pourra pas créer une loi spéciale afin de se soustraire à l'attribution de la rémunération. Ai-je bien compris que la décision de l'arbitre est exécutoire?

Mme Brassard : Vous avez bien compris. La décision de l'arbitre est exécutoire. L'argument de la capacité de payer de l'État est présenté devant l'arbitre au moment où chacun fait ses représentations. Le syndicat, de son côté, explique pourquoi l'augmentation est juste, raisonnable, équitable, et comparable. Le gouvernement, étant l'employeur, fait ses représentations en évoquant la rétention, le recrutement et les critères appropriés, y compris la capacité de payer. Il revient ensuite à l'arbitre de décider quel pourcentage il accordera. À ce moment-là, la décision arbitrale fait force de convention collective.

Le sénateur Dagenais : Effectivement. Cela veut dire que la décision de l'arbitre a préséance sur les doléances que le gouvernement pourrait avoir.

J'ai vécu quelques arbitrages dans ma carrière. Je comprends que, même si l'arbitre donnait raison à l'association des policiers de la GRC, c'est la décision de l'arbitre qui est exécutoire et qui a préséance, malgré le témoignage du gouvernement.

Mme Brassard : C'est la règle générale, oui.

Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, madame. Je crois que c'est clair.

[Traduction]

Le sénateur Day : Est-ce que l'un de vous pourrait me dire où me renseigner pour savoir qui sont les cadres? Les cadres n'ont pas le droit de faire partie de l'unité de négociation. Comment savoir qui sont les cadres?

M. Dubeau : Si je peux me permettre, monsieur le sénateur, tous les grades d'officiers de l'organisation, à partir d'inspecteur, sont considérés comme des cadres et seraient exclus. C'est une exclusion automatique en vertu de la loi. Donc tous nos officiers, depuis les inspecteurs jusqu'au commissaire.

Le sénateur Day : Tous les officiers?

M. Dubeau : Tous les officiers seraient exclus. Et il y a aussi les exclusions administratives. On identifie ces postes comme on le fait dans la fonction publique, où nous identifierons un commandant détaché. Ceux qui ne peuvent pas faire partie de l'unité seront identifiés et exclus. Mais ça passerait par un processus effectué avec nos collègues du Conseil du Trésor et en pourparlers avec le syndicat. Tous les postes seront également identifiés. Les titulaires de ces postes seront exclus.

Le sénateur Day : Vous anticipez sur ce que j'allais dire. Et je parle de la structure particulière de la GRC dans beaucoup d'unités à travers le pays, surtout dans les régions éloignées, où un sergent d'état-major est un cadre dans le sens normal du terme. Donc, est-ce que ce sera matière à négociation entre le syndicat et la direction ou, sinon, comment est-ce que ce sera décidé?

M. Dubeau : Si je peux me permettre, je vais parler pour l'organisation. Nous sommes justement en train d'identifier ces postes. Ensuite, nous irons voir nos collègues du Conseil du Trésor avec une liste et nous leur demanderons de nous expliquer le processus d'exclusion.

Mme Brassard : Il y a des exclusions qui sont automatiques. Les officiers sont clairement exclus comme cadres. Il est possible que quelqu'un travaille de très près avec un cadre et soit au courant de tout ce qui concerne la direction et les questions de RH, qui verrait des documents de cette nature. On proposerait l'exclusion de cette personne également. C'est pareil dans la fonction publique.

Le sénateur Day : Ce serait proposé à qui? Comment ça se passerait?

Mme Brassard : On examine ça au Conseil du Trésor, dans le groupe qui travaille dans mon secteur. Il y a une discussion entre nous, en tant que représentant de l'employeur, et l'agent de négociation, s'il y en a un. Et on cherche un accord. On est souvent d'accord, et il y a donc exclusion du poste. Quand il n'y a pas accord, on s'adresse au conseil.

Le sénateur Day : Donc vous n'avez encore rien fait parce qu'il n'y a pas d'agent de négociation?

Mme Brassard : Il n'y a pas d'agent de négociation.

Le sénateur Day : Mais la GRC sait qui devrait être dans cette liste, n'est-ce pas?

M. Dubeau : Oui, monsieur. Ce que nous avons fait à titre d'anticipation, parce qu'il y aura un agent de négociation à un moment donné, c'est commencer le processus de façon proactive pour pouvoir, le moment venu, quand l'agent de négociation viendra entamer la négociation, faire tout ça rapidement.

La sénatrice Beyak : Monsieur Dubeau, pourriez-vous me dire, compte tenu de votre connaissance des chiffres et des difficultés, quand vous recevez des plaintes des membres concernant des mutations, des congédiements, des périodes de probation, des évaluations ou des rétrogradations, quel pourcentage d'entre eux estiment être punis par leurs supérieurs et existe-t-il un mécanisme pour le savoir?

M. Dubeau : Il y a toujours la procédure concernant le harcèlement ou l'abus de pouvoir. Mon collègue Craig MacMillan vous parlera de l'abus de pouvoir. On peut toujours passer par la procédure de plainte pour harcèlement.

Vous avez parlé de plusieurs de ces sujets. Concernant les promotions, en fait, il y a la procédure de grief. Ça passe par notre système interne d'arbitrage. La direction fait valoir ses arguments, le policier fait valoir ses arguments, et l'arbitre tranche. Sa décision est exécutoire. C'est le pouvoir du commissaire et c'est exécutoire. Si quelqu'un, concernant une promotion — et ça arrive souvent —, dit qu'il y a erreur de fait ou erreur de procédure, si l'arbitre décide qu'il y a eu erreur, nous corrigeons la situation. Nous l'avons déjà fait. C'est la même chose pour tout le monde, sauf que certains cas doivent être adressés au Comité externe d'examen. Je vais passer la parole à M. MacMillan à ce sujet.

M. MacMillan : Ça dépend si vous parlez du nouveau processus proposé dans le projet de loi C-7 ou du processus actuel. Dans le processus actuel, en effet, certaines questions relèvent du Comité externe d'examen. Le comité peut rendre des conclusions et formuler des recommandations qu'il adresse au commissaire.

En termes de chiffres, j'y réfléchissais justement. Nous avons fait un examen, et j'ai essayé de me faire une idée de ce qui se passerait dans le cadre du nouveau processus. Je pense que les mutations représentent un très faible pourcentage des griefs. Concernant les abus de pouvoir, qui est l'un des objets proposés et que nous avons essayé d'inscrire dans le nouveau processus, ce qui se passera, c'est que, s'il y a harcèlement manifeste, la situation sera acheminée par cette voie et par là qu'elle sera analysée et réglée. Parce que, dans le cadre de la procédure de règlement des griefs, c'est difficile de demander à un arbitre de rendre une décision à partir des arguments des parties, parfois sans qu'il y ait enquête, et c'est moi qui assume le rôle d'arbitre dans ce cas. J'ai essayé d'obtenir que les parties passent par une procédure plus formalisée pour régler leur différend si possible.

Votre question touche en quelque sorte à quelques-uns de ces trois processus. Mais les chiffres que nous avons sur les abus de pouvoir ne sont pas élevés. Les conflits sont surtout interpersonnels. Je ne sais pas si ça clarifie les choses ou non pour vous.

La sénatrice Beyak : Merci. Oui, c'est très instructif.

Le sénateur Campbell : Ma première question est la suivante : quelle est la participation de la direction de la GRC à ce projet de loi? Je tiens à préciser que je ne suis pas en train de dire que vous ne devriez pas y participer, mais j'aimerais savoir quel a été exactement le rôle de la direction dans ce projet de loi?

M. Dubeau : Nous avons travaillé de concert avec nos collègues du Conseil du Trésor et de la Sécurité publique pour faire valoir ce qui nous semblait nécessaire pour organiser la Gendarmerie et veiller à ce que le commissaire ait les pouvoirs dont il a besoin pour la diriger.

Le sénateur Campbell : Avez-vous obtenu tout ce que vous vouliez?

M. Dubeau : Non.

Le sénateur Campbell : C'est la vie.

Ma deuxième question s'adresse à M. Duggan. Il me semble qu'on est en train de prendre la GRC, qui sera une unité de négociation distincte, et d'essayer de la sortir de ce qu'elle a en ce moment, presque rien, pour la faire passer du côté de la fonction publique au moyen du projet de loi. Ma question est la suivante : premièrement, est-ce que vous pensez que la GRC, en raison de son travail, est à sa place sous le chapeau de la fonction publique?

M. Duggan : Eh bien, par définition, selon la LRTFP actuelle, la GRC est une organisation énumérée à l'annexe IV de la Loi sur la gestion des finances publiques et, donc, par définition, conformément à la LRTFP, elle fait partie de la fonction publique. C'est pour ainsi dire la réponse simple.

La loi prévoit simplement un processus par lequel n'importe quel employé ou n'importe quelle organisation peut être reconnu comme agent de négociation et, donc, être habilité à négocier collectivement, et le projet de loi C-7, en fait, ne fait que créer les situations. C'est pourquoi il y aurait une partie distincte dans le projet de loi, la Partie 2.1, qui concerne spécifiquement les aspects propres à la GRC, pour que ça ne soit pas simplement une application générale de la loi à la GRC. Il y a des différences à prévoir, les moindres n'étant pas l'arbitrage exécutoire sans droit de grève et quelques autres aspects dont nous avons déjà parlé.

Il n'y a rien, en fait, dans la LRTFP, à condition de tenir compte de ces aspects particuliers, qui n'en ferait pas le moyen approprié qui permette aux membres de la GRC d'exercer leur droit légitime d'être représentés et de négocier collectivement. En fin de compte, c'est tout l'aspect de la négociation collective, où peuvent être réglées toutes sortes de questions, qui est en cause, et nous avons beaucoup d'expérience dans la fonction publique depuis 1967 à cet égard. Il n'y a aucune raison de penser que ce système ne marchera pas. C'est essentiellement la même chose que ce qui existe déjà avec quelques exceptions compte tenu de l'intérêt public à protéger dans ce cadre, et ça correspond bien à la situation de la GRC.

Le sénateur Campbell : Je ne contesterai certainement pas l'interdiction du droit de grève, pas plus que les exceptions, à cause de mon expérience dans une autre vie. Ça ne me pose pas de problème.

Une question aux officiers : Où s'inscrit le tribunal de service de la GRC dans tout ça?

M. MacMillan : Le projet de loi C-24, entré en vigueur en novembre 2014, a apporté pas mal de changements. Les officiers étaient traités différemment auparavant dans le cadre de la procédure disciplinaire ou du tribunal de service. Ce n'est plus le cas. Ils sont assujettis aux mêmes mesures et à la même procédure. Il n'y a donc pas de distinction.

Le sénateur Campbell : Tant mieux.

M. MacMillan : Oui, absolument. J'y tenais beaucoup personnellement parce que j'ai défendu ou poursuivi, selon le cas, à l'interne et à l'externe, des agents de police et des membres de la GRC, et j'estimais qu'il fallait un traitement semblable et que l'équité était un principe important.

Pour ce qui est du tribunal de service, dans la procédure plus formalisée, nous avons essayé de nous orienter à bien des égards vers le modèle de la C.-B., qui est moins formaliste, moins légaliste, moins antagoniste et plus rapide. La grande majorité de nos affaires de déontologie, environ 95 p. 100, sont désormais réglées dans le cadre d'une rencontre entre un responsable de gestion ou le supérieur hiérarchique et l'employé. Il peut y avoir une autre personne présente s'ils le désirent. C'est comme ça que, d'après nous, la plupart des problèmes devraient être réglés, et, pour la première année, dès le début, ça a l'air de se passer comme ça.

Ce qui a augmenté, par contre, c'est le nombre de cas de congédiement. Ce qui est maintenant entendu uniquement par une commission, ce sont les cas de congédiement. Ce n'est plus un groupe de trois officiers. Ça peut être une personne nommée par le commissaire. Ça peut être un membre civil ou un fonctionnaire, et nous avons essayé de rendre la procédure moins antagoniste, de donner au comité plus de pouvoir qu'à une personne pour régler les problèmes. Les parties sont encouragées à régler les problèmes avant d'arriver à l'audience. En fait, on ne devrait plus avoir ces audiences qui traînent en longueur et épuisent tout le monde. Et ça semble être le cas. Mais, franchement, nous avons été surpris par l'augmentation de quelque chose comme 300 p. 100 de cas de congédiement.

Nous avons analysé neuf des dix années couvertes par nos données, et nous avons calculé environ 287 affaires disciplinaires par an. Il faudrait vérifier, mais les cas de congédiement représentaient un petit pourcentage, et nous ne savons pas vraiment pourquoi, dix ans plus tard, le nombre d'affaires de congédiement a augmenté considérablement sur le total. Et ce n'est pas comme si on pouvait se demander où ça se cachait auparavant. Je n'ai pas de réponse satisfaisante à ce sujet, mais il y a aussi que nous avons dû courir pour faire participer plus d'organismes à cette procédure formelle.

Le sénateur Campbell : Et où en êtes-vous maintenant? Êtes-vous à jour ou proches d'être à jour?

M. MacMillan : Proches. Il y avait une affaire de congédiement par semaine, ce qu'on n'avait pas prévu. Il y en avait 12 par an auparavant. On est en train de rattraper ça maintenant. Les délais ont un peu augmenté, mais les comités sont plus proactifs dans le traitement de ces questions.

Donc, le tribunal de service ne fonctionne pas comme auparavant. Il y a un avocat. Nous fournissons des avocats maintenant, et c'est une procédure très différente.

Le président : Permettez que je donne suite à la question des congédiements et à l'augmentation considérable des cas. Est-ce que ça aurait à voir avec la loi adoptée il y a deux ans parce qu'elle clarifiait la procédure et les mesures susceptibles d'être prises?

M. MacMillan : Je pense que c'est dû en partie au fait que nous avons clarifié le fait qu'on réglerait par des rencontres les affaires les moins graves et que les affaires les plus graves sont maintenant les cas de congédiement parce qu'il y avait auparavant le seuil artificiel des 10 jours. Si c'était 10 jours, c'était un congédiement, mais, si c'était plus d'une journée, ça allait à un comité. Il y avait donc un tas de choses qu'on ne pouvait pas régler à un niveau inférieur. On s'en occupe maintenant à ce niveau, mais, en termes de procédure, je ne peux pas vous dire que nous congédions plus de membres qu'avant. Il y a encore environ 1,7 p. 100 de nos membres réguliers qui font l'objet de mesures disciplinaires. Nous allons vérifier cette année pour voir si nos chiffres sont comparables à ceux d'autres organisations, mais ça ne nous semble pas dramatique. C'est dramatique en un sens, si vous parlez des 52 ou 53 cas par an, alors qu'il y en avait 12 ou 13, mais, au bout de la première année, on n'a pas assez d'information pour savoir si cette tendance va continuer. Depuis le début de notre deuxième année, on en a encore environ un par semaine. Je ne sais pas si ça répond à votre question.

Le président : Je pense que oui. Est-ce que je pourrais juste poser une question? Au sujet des finances. Ce qui a transpiré dans nos audiences actuelles et dans d'autres, c'est que la GRC a été placée dans une situation telle que d'autres enjeux sont passés au premier plan, notamment le terrorisme et la sécurité publique, qui ont entraîné la mutation, d'une manière ou d'une autre de 600 agents, auparavant occupés à d'autres tâches.

On nous a également dit que les avantages sociaux et la rémunération des membres de la GRC sont inférieurs, de peu ou de beaucoup, à ceux des agents des polices municipales du pays.

Ma question est la suivante : pour mettre la GRC sur un pied d'égalité avec les autres agents remplissant le même genre de responsabilités à travers le pays, est-ce qu'on a présenté au gouvernement une estimation des coûts de mise à niveau telle que vous la désirez? Si vous avez un chiffre, pourriez-vous nous le fournir?

M. Dubeau : Je n'ai pas de chiffre, monsieur le président. Ce que je peux vous dire, c'est ce que notre ministre vous a dit au sujet de l'examen de l'intégrité des programmes, actuellement en cours sous le parrainage, je crois, du Conseil du Trésor et de notre ministre, et c'est ce qui permettra ensuite de fournir des chiffres au gouvernement. Nous sommes en train de fournir de l'information au gouvernement et de recevoir des gens qui examinent nos livres comptables et nos finances pour fournir un chiffre au gouvernement et lui permettre de prendre une décision. Nous en sommes là, monsieur.

Le président : Quand pensez-vous que ce sera fait?

M. Dubeau : Je pense que ce sera à l'automne. Je pourrai vous donner les dates exactes.

Le président : S'il vous plaît. Et nous en informerons tous les membres du comité.

M. Dubeau : Ce sera fait.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je veux m'assurer de bien comprendre le système. De tous les éléments exclus de la convention collective, entre autres les congédiements, les licenciements, les mutations, la conduite et le harcèlement, peu importe les mécanismes internes de médiation, de conciliation ou d'enquête avec révision, la personne qui prend la décision sans appel, c'est le commissaire.

M. MacMillan : Oui, c'est exact.

Le sénateur Carignan : Pouvez-vous m'expliquer cela d'un point de vue technique? Dans l'article 238.22, alinéa 1c), il est question de la compétence en matière d'arbitrage de différends. L'article 238.19 concerne la partie en négociation de convention collective, et l'article 238.22 concerne la partie qui est en arbitrage de différends. Les deux sont presque identiques, à l'exception de l'alinéa 238.22(1)c). Ce que je comprends de l'alinéa c), c'est que certains points négociables dans la convention collective ne feraient pas l'objet d'un arbitrage de différends.

Mme Brassard : C'est exact.

Le sénateur Carignan : Pourquoi?

Mme Brassard : On veut favoriser la négociation de certains sujets, mais on ne veut pas qu'il y ait une prime à ne pas s'entendre et des délais à l'arbitrage. Dans certains dossiers, il est légitime de négocier, mais, ultimement, si les parties n'arrivent pas à s'entendre, on ne forcera pas une décision arbitrale.

Le sénateur Carignan : Dans l'alinéa c), qui porte sur l'attribution des fonctions aux postes et aux personnes employées, l'attribution des fonctions, ou plutôt l'établissement des catégories d'emploi — puisqu'on ne peut pas négocier la question des promotions — est le seul élément qui peut faire l'objet d'une négociation et qui est exclu d'un arbitrage de différends?

Mme Brassard : Il y a aussi le sous-alinéa d)(ix).

Le sénateur Carignan : Le sous-alinéa d)(ix), soit les normes, procédures et méthodes régissant les questions visées à l'un des sous-alinéas (i) à (viii). D'accord. Ce paragraphe est encore plus précis, mais certains passages sont les mêmes que dans les autres articles.

Mme Brassard : Oui.

Le sénateur Carignan : C'est l'alinéa c) qui comporte la plus grande différence.

Mme Brassard : C'est le plus long, oui.

Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir à la négociation du régime de retraite. Lorsque j'étais président de l'Association des policières et policiers provinciaux du Québec, j'assumais aussi la présidence du comité de retraite qui réunissait des représentants patronaux, le Conseil du Trésor, le ministère des Finances, la Caisse de dépôt et placement du Québec et des actuaires.

Si j'ai bien compris, outre la syndicalisation des policiers de la GRC, le projet de loi C-7 interdira de mener des négociations liées au régime de retraite en même temps que la convention collective. Si on prend le tout ensemble, le contrat de travail fait partie du régime de retraite, d'une rémunération globale où, à l'occasion, si le contrat de travail va bien, on mettra davantage l'accent sur le régime de retraite. Si cela ne fait pas partie du projet de loi C-7, comment se négociera le régime de retraite?

Je comprends que ce projet de loi s'applique à la fonction publique, mais les policiers ne sont pas des fonctionnaires. Souvent, ils font partie d'un régime de retraite indépendant. J'aimerais que vous me donniez des précisions à ce sujet.

M. Dubeau : Vous avez tout à fait raison Le régime de retraite de la GRC est indépendant de la fonction publique. Ceci dit, le comité consultatif s'occupe de négocier avec le syndicat afin de fournir des conseils à notre ministre, car c'est lui qui est responsable de notre régime de retraite. C'est ainsi que cela va se passer.

[Traduction]

Donc, on a un comité consultatif sur les pensions, où les syndicats sont représentés. Et nous consultons notre ministre de cette façon. C'est comme ça que ça fonctionne en ce moment. Avant, il y avait le programme des relations de travail. Il y a encore des membres qui sont nommés par le ministre du côté des employés et du côté des anciens combattants pour discuter des pensions et de la réforme des pensions et de tout ce qui s'ensuit, pour informer notre ministre des changements apportés à notre régime de pensions.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ces discussions ont-elles bel et bien lieu en ce moment?

M. Dubeau : Oui, des membres de la GRC et des membres retraités s'assoient à la table de négociations. Nous les consultons afin de pouvoir ensuite donner des conseils à notre ministre.

Le sénateur Dagenais : Parfait. Je vous remercie.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, j'aimerais poser une autre question au secrétariat au sujet du tribunal et de l'audition et du règlement des griefs.

Je crois comprendre que le projet de loi propose d'ajouter deux postes à temps plein. En fait, vous incluez presque 25 000 employés de plus que ce que vous avez déjà.

Pourriez-vous nous dire combien de temps prend le traitement d'un cas en moyenne et combien de temps il faut pour rendre une décision? Selon le courrier que nous avons reçu, cela peut prendre des années. Est-ce que c'est exact?

M. Duggan : Je n'ai pas d'information ici avec nous à ce sujet. On peut l'obtenir auprès de la CRTEFP elle-même. Cela dépend des cas, bien sûr. C'est variable. Les affaires disciplinaires prennent généralement plus de temps, évidemment, parce qu'elles ont tendance à être plus complexes. Cela dépend aussi du volume.

Le président : Selon cette loi, vous n'aurez pas à régler les affaires disciplinaires.

M. Duggan : Effectivement, mais je parle de ce qui se passe actuellement et de l'information que la commission a en main. Nous n'avons pas ces données ici, mais on peut les obtenir auprès de la commission.

Le président : Ce n'est pas une réponse, vous comprenez. Vous devez bien avoir une idée, parce que vous êtes responsable, directement ou indirectement, du fonctionnement de ce système. On nous a dit que cela prend énormément de temps, et on se pose la question de savoir si le nombre de nouveaux postes permettra de faire face à ce que vous devrez peut-être affronter. C'est cela?

Mme Brassard : Nous pourrons vous revenir avec des données plus précises de la commission. Ce qu'il faut comprendre ici, c'est que la commission a récemment fusionné. Il y avait deux tribunaux auparavant. Il a fallu examiner les règles et tout réorganiser, ensuite il a fallu s'adapter au SCATA ou Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs du Canada. Les deux combinés expliquent probablement en partie les retards qui pourraient se produire.

Le SCATA est en place depuis environ un an, et la fusion remonte à un peu plus d'un an. Ils sont probablement capables d'absorber leur volume de travail, et deux personnes de plus, cela les aide.

Il faut se rappeler que la charge de travail découlant de ce projet de loi découle de la négociation collective. Cela n'arrivera que lorsqu'une convention collective aura été conclue. Ils ont donc le temps de mettre des mesures en place pour pouvoir remplir leurs obligations en temps et lieu.

Si vous voulez des chiffres précis, nous pouvons les demander à la commission et les fournir à votre greffier.

Le président : Ce serait très intéressant de connaître ces chiffres.

Monsieur Duggan, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Duggan : Juste un peu d'information. En dehors des membres permanents de la commission, il y a des membres à temps partiel, et le gouverneur en conseil peut en nommer le nombre qu'il veut. Il n'y a pas de plafond.

Le président : Peut-être que M. Dubeau pourrait nous donner son avis : est-ce que cela vous préoccupe? Je dirais que, pour le moral des troupes, quand on a ce genre de griefs, on veut les régler et les régler rapidement. Qu'en pensez- vous? Est-ce que cela vous préoccupe?

M. Dubeau : Je laisse à mes collègues du Conseil du Trésor le soin de vérifier les chiffres.

Du point de vue de la gestion des ressources humaines dans la GRC, évidemment que nous espérons régler rapidement les griefs éventuels pour obtenir une décision. Plus vite cela se règle, mieux c'est pour nous. Mais je laisse à mes collègues le soin de vous fournir des chiffres et l'assurance qu'ils ont nommé presque 200 personnes et qu'ils comptent sur la commission pour absorber la charge de travail.

Le sénateur Campbell : Comment remplacez-vous l'équivalent d'une troupe et demie de congédiements par an? À combien se montent vos effectifs actuellement? Où en êtes-vous?

M. Dubeau : Je m'en remets à mon collègue. Je pense que les caractéristiques des postes vacants sont les mêmes partout. Je vais demander au sous-commissaire White de vous en parler.

Stephen White, sous-commissaire, Programmes et services relatifs à l'effectif, Gendarmerie royale du Canada : Nos effectifs se montent actuellement à un peu plus de 19 000 membres réguliers. Les congédiements qui se produiront au cours de l'année font partie de nos données d'attrition, et nous prévoyons que nos procédures de recrutement permettront de tenir compte de ces chiffres.

Le sénateur Campbell : Est-ce que le chiffre de 19 000 représente les effectifs que vous êtes censés avoir?

M. White : À peu près. Je n'ai pas le chiffre exact.

Le sénateur Campbell : À combien en êtes-vous effectivement?

M. White : C'est la situation actuelle.

Le sénateur Campbell : À combien se montent vos effectifs? À combien avez-vous droit?

M. Dubeau : Le taux de vacance est actuellement d'environ 3 à 4 p. 100 dans toute la GRC. Ce sont des postes vacants difficiles à pourvoir quand quelqu'un a quitté l'organisation pour une raison ou une autre et que le poste n'est pas comblé. Cela représente 3 à 4 p. 100.

Comment calcule-t-on le compte suivant? Tous les trimestres, on calcule la croissance et l'attrition. On fait le tour pour essayer d'obtenir des chiffres, en se rappelant que cela représente une troupe et demie, comme vous l'avez dit. À chaque fois que nous perdons des membres, nous devons essayer de les remplacer.

Actuellement, il y a environ 34 troupes à l'entraînement. On en est à 34, avec l'espoir d'arriver à 40. Nous sommes en plein recrutement. Le sénateur White a parlé des problèmes de recrutement et des changements, et c'est une des raisons des changements que nous avons faits. Nous pensons que l'examen d'entrée des diplômés d'université et de collège, qui permet de montrer qu'ils sont capables de rédiger des examens et qu'ils ont certaines compétences qui les rendent aptes à participer à la formation à Dépôt, cela fonctionnait bien, parce qu'ils réussissaient très bien à Dépôt. C'est exactement à cela que servait l'examen, à voir s'ils avaient les connaissances qu'il fallait et à s'assurer qu'ils réussiraient les examens à Dépôt. C'est pour cela qu'on a fait ces changements, monsieur.

M. White : Notre taux d'attrition annuel tourne probablement autour de 700 en moyenne. C'est variable. L'année dernière il était dans les 600; cette année, il était de 830. Il y a une petite fluctuation annuelle, mais en moyenne, ce taux annuel oscille autour des 700.

Le sénateur Campbell : En gros, si vous atteignez le chiffre de 40, la moitié des effectifs est éliminée par attrition et l'autre moitié sert à augmenter vos effectifs pour correspondre au tableau de dotation.

M. Dubeau : Cela servirait à combler la dotation ou serait utilisé pour toute nouvelle augmentation d'effectifs associée à n'importe quel contrat, avec n'importe quelle province ou avec le fédéral. Ce serait notre intention, soit atteindre le niveau de 40 pour les effectifs pendant un temps, pour nous permettre d'y arriver.

Le sénateur Campbell : Quel va être, selon vous, l'effet de ce projet de loi sur votre recrutement?

M. Dubeau : Je crois qu'on attend ce projet de loi, comme l'a dit le ministre, depuis trop longtemps. Nos membres seront alors représentés par une organisation.

Il faut que je dise quelque chose. Le Programme des représentants des relations fonctionnelles a très bien fonctionné pour nous et les gens étaient très ouverts à l'idée de nous parler et de négocier dans nombre de situations difficiles, et ils ont fait du très bon travail. Il faut que cela soit dit. La Cour suprême du Canada a jugé que c'était inconstitutionnel, c'est pourquoi nous avons pris la décision de mettre fin à ce programme. Mais il était très efficace et je dois rendre hommage à tous les employés qui se sont investis corps et âme dans ce programme. Ils étaient très efficaces et je crois qu'ils méritent les remerciements de cette organisation pour ce qu'ils ont accompli pendant ces 40 dernières années.

Cependant, un milieu syndicalisé permettra aux membres d'avoir une voix indépendante. Ils pourront discuter, surtout lorsqu'il s'agit de salaire et d'avantages sociaux et ils auront accès à l'arbitrage, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ils seront maîtres de leur destinée concernant les salaires et les avantages sociaux. Ils auront accès, comme n'importe quel autre corps de police à l'arbitrage, en cas d'impasse, ce qui n'est pas le cas actuellement. Je crois que cela va nous aider pour les recrutements. Cela va leur donner l'indépendance et les garanties dont ils ont besoin.

[Français]

Le sénateur Carignan : En consultant le rapport annuel de la GRC, j'ai constaté que les trois quarts de vos membres sont affectés à des contrats avec les provinces, les territoires ou les municipalités. Donc, ils exercent leurs fonctions aux échelons municipal et provincial.

Tous les corps policiers provinciaux ou municipaux comparables ont des conventions collectives qui contiennent des dispositions qui concernent à peu près tous les points que vous excluez.

La Cour suprême a clairement dit ce qui suit, et je cite :

[...] le modèle de relations de travail qui entrave substantiellement la possibilité d'engager de véritables négociations collectives sur des questions relatives au travail porte également atteinte à cette liberté.

J'aimerais revenir à la question de l'exclusion des trois quarts des agents de la GRC qui accomplissent un travail comparable à celui de leurs confrères aux échelons municipal et provincial.

Quand on exclut de la liste tous les éléments dont on a parlé, qu'il s'agisse de techniques de contrôle, de transferts d'un poste à un autre, de nominations, d'évaluations, de stages, de licenciements et de rétrogradations, de conduite, de harcèlement, de compétences de base pour l'exercice, de tenue vestimentaire, d'uniforme et d'équipement, qu'est-ce qui justifie cela pour la GRC? Qu'est-ce qui justifie, pour la GRC, qu'on ne puisse pas négocier les conditions du congédiement d'une personne ou la sécurité par rapport à l'équipement? Pourquoi cela serait-il différent pour les polices provinciales ou municipales?

[Traduction]

M. MacMillan : Je vais répondre à la première partie de cette question, puis je passerai la parole à mon collègue.

C'est toujours l'idée selon laquelle nous ne faisons pas de différence de traitement entre nos collègues en ce qui concerne les éléments mentionnés dans l'exclusion. Je ne vais pas vous ennuyer en vous lisant une série d'accords que j'ai ici et qui proviennent de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et autre, qui disent en général que de décharger, diriger, classifier, transférer, promouvoir, rétrograder, suspendre ou prendre d'autres mesures disciplinaires à l'égard de tout membre sont des droits de direction et qu'ils ne sont pas gérés de manière « négociable ». C'est aussi pour dire qu'il est clair qu'il peut y avoir discussion et négociation autour de ces éléments, mais que cela ne peut devenir un objet de négociation formelle pour cette association.

Je voudrais aussi insister sur le fait que l'article 8 de la LRTFP indique clairement qu'il y aura un comité de consultation au sein de la GRC qui traitera avec l'association et qui s'occupera des problèmes liés au lieu de travail, et qui devra spécifiquement gérer les problèmes de harcèlement professionnel. Il aura une fonction consultative — ce n'est ni contraignant, ni négocié — mais je souligne cette différence.

Je ne doute pas que la négociation se poursuive entre les associations et l'employeur ou le service de police concernant des choses qui seraient techniquement considérées comme étant non négociables parce que c'est ce qu'elles font, elles établissent des mesures. Moi-même j'ai négocié avec des chefs de police et d'autres, pour parvenir à une résolution sur des problèmes précis. Néanmoins, les processus existants concernant la conduite, la révocation et bien d'autres domaines sont inscrits dans la loi et ne peuvent donc pas être changés.

J'ai déjà dit que c'est parce que c'est dans l'intérêt du public, mais je ne crois pas que les questions de conduite devraient être entièrement laissées aux deux parties — non pas parce qu'elles ne sont pas compétentes ou qu'elles n'agiraient pas de bonne foi, mais parce qu'il incombe au Parlement d'établir, dans le cas la police dans une démocratie, ce que doit être le régime de gouvernance concernant la conduite. Je crois que c'est généralement admis et c'est la raison pour laquelle les services de police dans tout le pays ont surtout dit que les plaintes portant sur les fautes commises par la police, qu'il s'agisse d'une plainte du public ou d'une faute en elle-même — il y a de très nombreux régimes — sont dans l'ensemble définies par un acte législatif.

C'est là qu'intervient le comité consultatif. Je crois que c'est important, car il existe déjà. Il n'y aura pas beaucoup de modifications en ce qui concerne la capacité de la nouvelle organisation à discuter avec l'administrateur général; un comité sera créé pour cela.

Si l'on regarde les choses objectivement, je ne crois pas que les membres devraient se voir comme étant traités différemment des autres officiers de police et des autres agences. Il y a toujours des différences et des exceptions mineures et je suis d'accord avec cela.

[Français]

Le sénateur Carignan : Manifestement, on ne s'entendra jamais. Alors, enlevons l'exemple du congédiement et de la discipline. En tant qu'avocat, en passant, je ne négocie pas mon code d'éthique, mais cela ne veut pas dire que je ne peux pas avoir des conditions disciplinaires dans une convention collective. Si je prends le sujet de la mutation, c'est un élément important dans la GRC. Cet élément se retrouve dans toutes les conventions collectives qui ont un grand territoire. Pourquoi exclure de la négociation collective la mutation?

[Traduction]

M. White : Il y a beaucoup de conventions collectives dans lesquelles les mutations font partie des droits de la direction. C'est ainsi que cela apparaît dans la convention collective; il s'agit d'un droit de la direction et c'est le cas dans de nombreuses conventions collectives.

Pour nous, c'est le fondement de notre organisation. Comme vous l'avez dit, nous sommes des services de police municipaux, provinciaux, nationaux et internationaux, dans tout le Canada et dans le monde entier. La pièce maîtresse de notre organisation doit être, du point de vue de la direction, la capacité à muter des individus.

Il y a toujours des discussions dans notre organisation au sujet des mutations. Nous ne faisons pas de mutations forcées. C'est très rare, voire inexistant. Il y a beaucoup de discussions. Notre fonctionnement actuel permet de satisfaire beaucoup de gens. Beaucoup de gens qui veulent avoir une mutation dans notre organisation le choisissent. Par exemple il y a beaucoup de membres qui se trouvent dans l'ouest du Canada et qui voudraient revenir soit dans le Canada central soit dans l'est du Canada. Avec nos pratiques actuelles, nous sommes souvent en mesure de les satisfaire. En ce qui concerne la manière dont nous gérons les mutations et les personnes responsables de ces mutations, nous ne sommes pas très différents d'un grand nombre de services de police municipaux et provinciaux.

M. Dubeau : Il y a une condition unique à la GRC et qui n'existe pas dans les autres services, qui sont tous d'excellents services de police d'ailleurs. Quand nous nous engageons, nous devons être prêts à partir n'importe où au Canada. On ne s'engage pas pour un poste. C'est pour cela que nous avons cette disposition et c'est pour cela que nous l'avons incluse ici. Ce n'est pas de la négociation collective. Nous continuons de parler aux employés. Cela fait 40 ans que nous le faisons par le truchement de notre Programme des représentants des relations fonctionnelles et nous avons créé de nombreux processus avec leur collaboration. Nous n'avons pas oublié que nous voulons que nos employés participent à la discussion. Il faut garder en mémoire les conditions d'emploi. La principale, pour l'organisation, que nous signifions toujours à nos recrues, à quiconque postule, est qu'il faut être prêt à servir partout au Canada et il faut répondre « oui » à cette condition. C'est une chose que nous demandons toujours. C'est une chose qui nous est propre. Aucune autre organisation ne le fait. Aucun autre service de police ne le fait. L'Ontario et le Québec le font.

[Français]

Le sénateur Carignan : Vous pouvez quand même négocier les conditions. Prendre la décision de transférer est une chose, mais prévoir et négocier les conditions de la vente de la propriété de la personne et les indemnités qui peuvent l'accompagner est autre chose.

Mme Brassard : Cet aspect est déjà couvert dans les normes du Conseil national mixte, où la directive s'applique à l'ensemble, y compris aux gens de la GRC. C'est couvert, et d'après une évaluation qu'on a fait faire par une firme extérieure, c'est très comparable à ce qui existe dans le marché.

Le sénateur Carignan : L'arbitrage est-il fait par un arbitre indépendant et impartial?

Mme Brassard : Il y a un système de griefs.

Le sénateur Carignan : Mais est-ce fait par un arbitre indépendant et impartial?

Mme Brassard : Ultimement, mais c'est un appel interne qui est confié au Conseil national mixte, un comité paritaire.

[Traduction]

Le sénateur Day : Je pense, monsieur le sous-commissaire, à l'action judiciaire qui a commencé au Nouveau- Brunswick et qui clame qu'une des causes de la mort de ces trois agents réside dans le fait qu'ils n'auraient pas reçu le matériel adapté.

Si je comprends bien, on attend des membres de la GRC comme des militaires qu'ils mettent leur vie en danger. Il y a cependant un groupe d'employés au sein de la GRC qui dépendent de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et ils ont effectivement le droit de refuser d'être mis en danger. Ils sont en droit de refuser d'être exposés à... je crois que la terminologie est « toute situation dangereuse ». Toutefois, les membres de la GRC n'ont pas ce droit ni ce privilège. Est-ce exact? Ai-je bien compris?

M. Dubeau : C'est inexact, monsieur le sénateur. Selon le Code canadien du travail, nos membres sont couverts par la partie II.

Le sénateur Day : Tous les membres?

M. Dubeau : Oui, donc cela continuerait de...

Le sénateur Day : Selon moi, la partie II s'applique uniquement en vertu de la définition donnée à « employé ». Donc, selon la partie II, la GRC tombe sous...

M. Dubeau : Oui, ils ont le droit de refuser.

Le sénateur Day : ... la Loi sur les relations de travail dans la fondation publique et puis le Code canadien du travail...

M. Dubeau : Le Code canadien du travail ne couvre pas nos membres.

Le sénateur Day :... qui est sollicité au titre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, est-ce exact?

M. Dubeau : Non, cela tombe sous le coup du Code canadien du travail.

Le sénateur Day : Est-ce que je manie correctement le jargon juridique?

M. Duggan : Si je peux permettre, c'est de la partie III de la LRTFP dont vous voulez parler. Cela remplace la CRTEFP comme conseil qui traite les questions qui lui sont adressées concernant ces personnes employées dans les services publics au sens large sur ces sujets, au lieu du Conseil canadien des relations industrielles pour tous les autres, parce le Code canadien du travail s'applique à une partie beaucoup plus grande, évidemment au secteur privé et au secteur fédéral.

Ce changement a été fait dans les années 1980. Les membres de la GRC étaient visés par la partie II du code, comme cela a été dit. Toutefois, le conseil se substitue au CCRI pour les membres du secteur public, y compris la GRC.

Le sénateur Day : Selon cette loi, je veux dire le projet de loi C-7, va-t-il y avoir un changement concernant la capacité du commissaire et de la direction à pouvoir ordonner aux membres de se mettre en danger, de temps en temps, pour exercer leur activité de police?

M. Dubeau : C'est une bonne question, monsieur le sénateur. Dans notre organisation, nous avons un risque inhérent à notre travail. C'est la simple réalité du travail que nous faisons. Nous ne retirerons jamais le droit de refus. Ils ont le droit de refuser aujourd'hui. Cependant, il est attendu que malgré la formation, le matériel et tout le reste, il faut quand même se mettre en danger parce que c'est une exigence de ce travail. Cela arrive encore.

Les membres ont accès à EDSC. Ils ont accès à une surveillance externe sur cette loi et ils en font usage. Vous avez parlé de Moncton, EDSC a lancé des poursuites contre Moncton. Les membres ont encore ce droit.

Le Code canadien du travail établit que vous devez avoir un comité consultatif sur la santé et la sécurité au travail. C'est inscrit dans la loi, donc nous l'avons du côté syndical et nous l'avons pour nos membres. Nous continuerons à avoir ces discussions. Si l'on n'est pas en mesure de résoudre les problèmes dans ce cadre-là, ils peuvent se tourner vers EDSC et demander des interventions.

Le sénateur Day : Cela ne ferait pas partie du processus de négociation? Cela serait autre chose alors?

M. Dubeau : Cela serait un processus séparé. Ils ont une surveillance externe qui pourrait imposer des conditions à l'organisation s'ils ont le sentiment que ce qui se passe n'est pas approprié.

Le sénateur Day : Je voudrais juste faire une remarque qui confirme celle du sous-commissaire. Beaucoup d'agents de la GRC à la retraite m'ont contacté par écrit pour me dire que le travail effectué par les Relations de travail, a été très efficace et très apprécié au cours des 40 dernières années.

Le président : Juste avant de conclure — je sais que nous avons un peu débordé — je suis assez surpris qu'au cours de cette audience vous n'ayez pas discuté dans les détails du processus mis en place pour les besoins de la conduite dans le projet de loi C-42, je crois, si je ne me trompe pas dans les chiffres. Je croyais que cela établissait clairement une procédure d'appel et garantissait l'existence d'un conseil légal.

Autrement dit, du point de vue de la conduite dans le fonctionnement de l'organisation, en mettant en place les différentes étapes à mesure que vous avanciez dans le processus, les droits de tous étaient pris en compte. Avant de clore cette discussion, voulez-vous développer un peu ce sujet? Il a été oublié lors de cette conversation, je crois.

M. MacMillan : Merci, monsieur le président. Oui, le projet de loi C-42 a fourni un système complet de gestion des affaires de conduite et de harcèlement et cela fait maintenant un an et demi qu'il est en place. C'est un système complet pour gérer la conduite, pour ce qui concerne les processus d'appel, les droits, les obligations et les responsabilités.

Nous fournissons actuellement un conseil légal en interne à nos membres sur les questions graves telles que le congédiement. Ils ont accès à des représentants des employés et avaient précédemment accès aux représentants des relations fonctionnelles pour les affaires moins graves, parce que nous essayions de rendre les choses moins formelles, moins accusatoires et moins légalistes. C'était un cri du cœur venant de toutes les parties intéressées qui a mené aux changements du projet de loi C-42, qu'il s'agisse des employés, des représentants, des dirigeants ou des critiques externes — ils disaient que c'était trop formaliste et que cela prenait trop longtemps. La grande majorité des affaires de discipline et de conduite sont de nature corrective; elles n'étaient pas suffisamment sérieuses pour envisager le congédiement.

Je veux également noter que le nouveau processus est en application depuis un an et demi. Nous répondions à Des questions de conduite, un rapport du Sénat. Par ailleurs, en ce qui concerne le rapport du CPP, la Commission des plaintes du public, nous avons mis en œuvre la grande majorité de ses recommandations. L'une d'elles, qui est de savoir si nous devrions avoir un organisme externe qui traite les problèmes de façon contraignante, peut être débattue.

Nous amendons notre code de conduite pour traiter du harcèlement. Nous avons prévu dans la nouvelle règlementation que cela soit facilement accessible à tous les membres. Nous avons suivi ce que le comité du Sénat a recommandé.

Nous avons désormais un système de rapport au sujet du lieu de travail qui permet de faire des rapports confidentiels. Cela fait presque deux ans que cela existe, les employés ont donc accès en interne à la possibilité de faire des rapports confidentiels.

Avec cela, s'il s'agit d'une plainte grave, en fin de compte, ils savent qu'il faudra peut-être que cela soit formalisé, car nous devons protéger nos employés. Nous envoyons les affaires de comportement criminel vers d'autres services de police. Nous sommes soumis à la partie II de la Loi sur la GRC qui indique que si quelqu'un est sérieusement blessé ou tué par la GRC, des organismes civils externes et indépendants peuvent mener une enquête. Nous avons aussi un programme d'observateurs par lequel un autre service de police mène une enquête.

Il y a eu beaucoup de changement. Nous avons vraiment essayé d'atteindre le niveau le plus bas qui soit approprié pour ce qui est de la conduite. Nous avons créé un processus séparé pour le harcèlement et c'est l'une des raisons pour lesquelles c'est spécifiquement mentionné, parce qu'en fin de compte c'est une affaire de conduite. Si quelqu'un harcèle quelqu'un d'autre, c'est une faute et il faut s'en occuper.

Pour revenir à la situation précédente, nous avons créé un système spécifique pour traiter les plaintes formulées au sujet du fait que les rapports n'étaient pas diffusés, que nous n'informions pas les plaignants et qu'ils n'avaient pas la possibilité de faire appel. Désormais nous les laissons lire le rapport d'enquête dans sa phase préliminaire et ils ont la possibilité de faire des remarques. Cela comble des lacunes qui avaient été identifiées, nous avons donc mis ce processus en place. Cela répond à ce calendrier, mais en fin de compte c'est une affaire de faute.

D'identifier le harcèlement et la conduite dans la même expression sert simplement à montrer clairement aux arbitres et aux autres personnes qui examineront cela à l'avenir, si le projet de loi est adopté, que le harcèlement ne peut être considéré comme une chose séparée; c'est une affaire de conduite.

Le président : La dernière question que je vous poserai sur ce sujet, monsieur Dubeau, est la suivante : le système fonctionne-t-il? Nous allons recevoir d'autres témoins au cours de la journée et je suis certain que ce sujet sera abordé. Selon vous, le nouveau système fonctionne-t-il?

M. Dubeau : En ce qui concerne le projet de loi C-42?

Le président : Oui.

M. Dubeau : Il va falloir que je vous renvoie à mon collègue qui mène en ce moment une étude de l'ensemble du système.

Le président : Tout ce que je veux savoir c'est si ça fonctionne. Est-ce que cela tient ses promesses?

M. MacMillan : Oui, pour l'essentiel. Des difficultés ont été identifiées. Nous en apprenons toujours au sujet du processus de harcèlement. Dans l'ensemble, oui, cela fonctionne. Il y a encore des choses à apprendre et des changements possibles. Ce n'est pas parfait.

Le président : Merci. Il me semblait que nous aurions dû avoir cette conversation pour que nous comprenions qu'un processus est en place et cela semblait avoir été oublié.

Il est 14 h 15. Je vais remercier les témoins et demander aux sénateurs de rester et nous allons passer à huis clos un court instant.

(La séance se poursuit à huis clos.)

(La séance publique reprend.)

Le président : Bienvenue à nouveau à cette réunion du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, nous étudions le projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la Loi sur la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique et d'autres lois comportant d'autres mesures.

Pour cette troisième table ronde, pour débattre de ce projet de loi, nous accueillons M. Paul Champ, avocat, Champ et associés; M. Paul Dupuis, président et M. James R. K. Duggan, conseiller juridique, de l'Association des membres de la police montée du Québec et nous accueillons également Alain Jolicoeur, consultant, qui a mené l'étude des membres pour la GRC.

Soyez les bienvenus. Il me semble que M. Champ et M. Dupuis ont des remarques préliminaires à faire. Monsieur Champ, si vous voulez bien commencer, M. Dupuis prendra la suite. Nous disposons d'une heure pour cette table ronde. Je vous en prie.

Paul Champ, avocat, Champ et associés, à titre personnel : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci beaucoup de me donner la possibilité de comparaître devant vous pour parler de cet important projet de loi qui introduit le droit à la syndicalisation pour les agents de la GRC.

Je suis avocat en droit du travail en cabinet privé ici à Ottawa et j'ai le privilège de représenter des membres de la GRC de tout le Canada depuis plusieurs années dans un grand nombre d'affaires et de problèmes liés au lieu de travail, y compris la discipline, les questions de promotion, les cas de harcèlement, les cas de dénonciateurs, les accidents du travail, l'obligation d'adaptation et les cas de discrimination raciale et sexuelle.

J'ai une expérience assez étendue des affaires qui concernent la GRC et j'ai également comparu plusieurs fois devant la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, j'ai donc une certaine expérience de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. J'ai une assez bonne connaissance de cette loi et de ce qu'essaient de proposer ces amendements pour les membres et j'aimerais vous faire part de certaines de mes inquiétudes.

Je voudrais principalement parler des exclusions de la négociation collective — comme vous le savez, il y a un certain nombre de questions qui sont exclues de la négociation collective — ainsi que du mécanisme complexe de recours que nous avons désormais ou qui serait mis en œuvre par ce projet de loi. Il y a trois différents lieux de recours pour les membres de la GRC. Pour certains griefs, ils doivent s'adresser à la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique, pour d'autres c'est un comité de déontologie de la GRC et les autres problèmes sont des griefs qui remontent en interne via les membres du Comité consultatif sur les griefs qui sont nommés par la commission et en fin de compte par le commissaire. C'est en réalité ce que propose la Chambre des communes avec ce projet de loi et je voudrais vous expliquer les raisons pour lesquelles je crois que c'est un problème.

Pour commencer, je crois qu'il est important de noter qu'il s'agit vraiment d'un moment historique. Les hommes et les femmes qui servent dans la GRC réclament la syndicalisation et le droit de se syndiquer depuis plus de 50 ans, alors c'est vraiment important pour de nombreux membres.

Si l'on jette un œil sur l'histoire, il est intéressant de noter que le droit de syndicalisation a été refusé aux membres de la GRC pendant des années parce que pendant la guerre froide existait la peur que des associations de policiers soient infiltrées par les communistes. Je ne crois pas que nous ayons encore besoin de nous soucier de cela. Ces dernières années, je peux vous dire, d'après ma propre expérience, que je n'ai aucun doute sur le fait que ce droit a été refusé parce que la direction n'avait en réalité aucun intérêt à modifier en quoi que ce soit le déséquilibre que l'on observe entre les membres de la GRC et cette direction. Comme vous le savez, la GRC est désormais la seule force de police au Canada qui n'est pas syndiquée.

La GRC constitue également une main-d'œuvre unique, comme je suis sûr que vous le comprendrez. En plus d'être des agents de police, ce qui crée un environnement bien particulier de relations de travail, la GRC est différente des autres forces de police parce qu'elle est en poste dans tout le pays, du nord au sud et d'est en ouest et ses agents se trouvent bien souvent dans des postes très petits et isolés, loin de l'administration centrale et ils sont particulièrement vulnérables. Il y a aussi en permanence un certain de nombre d'agents de la GRC qui sont en poste dans le monde entier.

Il n'existe vraiment pas d'autre force de police comparable au Canada et je dirais même pas d'autre main-d'œuvre comparable au Canada. Cela rend très compliquée toute tentative d'organisation de ses membres, cependant. Et je sais que, quelle que soit l'association qui gagne le droit d'accréditer les membres de la GRC, cela sera très difficile de les représenter et de les organiser. Lorsque les membres se trouvent dans autant de communautés isolées, il peut être difficile d'assurer une représentation correcte.

Je voudrais souligner que ces réalités font que les membres de la GRC sont particulièrement vulnérables aux abus et aux traitements injustes de la part des responsables locaux, mais aussi des cadres supérieurs et de la direction en général.

D'après mon expérience, la GRC reste une institution intrinsèquement autocratique. Les vieilles traditions d'une force paramilitaire sont toujours vigoureuses au sein de la GRC. Ces gendarmes, ces caporaux ou ces sergents qui prennent la parole sont souvent ostracisés, voire ciblés par la direction. Voilà mon expérience.

La GRC est aussi pleine de cas de favoritisme, de rancunes et de vengeances et les différents pouvoirs arbitraires et inconditionnels qui sont conférés au commissaire de la GRC et aux cadres supérieurs resteront sans contrôle avec ce projet de loi. Cela fait vraiment partie du problème que l'APMO essaie de régler pour autoriser la syndicalisation, pour avoir le droit de négocier collectivement et avoir le droit à un jugement indépendant.

Les questions d'exclusions sont particulièrement importantes. Les niveaux des effectifs sont exclus. Cela concerne la santé et la sécurité au travail. C'est évidemment un enjeu vital pour les membres de la GRC et cela ne devrait pas être exclu des débats et des négociations avec l'encadrement supérieur.

Aujourd'hui certains gardes de parc au Canada sont armés à la suite d'une affaire que j'ai gagnée il y a 10 ans. Parcs Canada disait que c'était une affaire de direction. Nous avons répondu non, cela peut faire l'objet d'un jugement et en fin de compte les gardes ont gagné sur une question de santé et de sécurité au travail.

La fusillade de Moncton, il y a deux ans, a été tragique. Ce que nous savons à l'heure actuelle, cependant, c'est qu'il y a des poursuites à l'encontre de la GRC pour infraction aux règles de santé et de sécurité au travail dans le cadre du Code canadien du travail. Personne ne peut dire ce qui aurait pu se passer différemment, mais je peux dire que certaines des préoccupations des membres de la GRC à l'époque au sujet du manque de matériel et d'entraînement adaptés constituaient un problème et que ces préoccupations auraient pu être le sujet d'une négociation et d'un jugement. À mon sens, c'est un enjeu important pour les membres et cela ne devrait pas être exclu de ce projet de loi.

Les promotions et les affectations constituent également une question très importante. Le rapport Brown de 2007, intitulé Rétablir la confiance, disait que la plupart des membres trouvaient que le système de promotion était inefficace, injuste et opaque. Un rapport plus récent, datant de 2012, le propre rapport de la GRC sur l'évaluation des rapports hommes-femmes, indiquait que le manque de justice et de transparence au sein du processus de promotion était l'un des principaux problèmes pour les membres de la GRC.

Je peux vous dire que d'après ce que j'ai vu, les promotions sont souvent attribuées comme des récompenses à ceux qui font preuve de loyauté, ceux qui font partie d'un club, mais pas souvent pour des raisons de mérite. Des transgressions ou des actes perçus comme tels remontant à 20 ou 30 ans sont employés comme excuse pour ne pas accorder de promotion à des agents brillants, ayant des états de service brillants parce qu'ils ont critiqué la police, tandis que des membres de la GRC avec de vilaines histoires de discipline et qui ont profité de leur rang pour faire du harcèlement sexuel gravissent les échelons de la GRC. C'est ce que constatent les membres de la GRC dans tout le pays et c'est pour cela qu'ils trouvent que c'est une profonde injustice. Exclure cela de la négociation collective, exclure cela du jugement, à mon avis, serait injuste.

J'ai aussi quelques autres éléments concernant le harcèlement, mais je sais que ne n'ai pas beaucoup de temps. Je vais parler d'une question de harcèlement, tout de même. Au début de son mandat, le commissaire de la GRC Bob Paulson a évoqué les problèmes de harcèlement au sein de la GRC. Il a dit qu'il avait été envoyé sur le banc des punitions. Ce que le commissaire Paulson voulait dire, c'est qu'on lui a attribué un travail inutile ou dévalorisant pour l'humilier et le punir, pour s'assurer qu'il apprenne la culture et les valeurs de la police, à savoir qu'il faut exécuter les ordres du chef quoi qu'il arrive. D'après mon expérience, le commissaire de la GRC a appris ces leçons, car il a continué à perpétuer ce type de culture au sein de la GRC. Il y a une culture du harcèlement au sein de la GRC et à moins que l'on ne s'y attaque ouvertement, au moyen d'une décision arbitrale ouverte et d'une négociation collective ouverte, je ne crois pas que cela puisse se régler.

Merci.

James R. K. Duggan, conseiller juridique, Association des membres de la police montée du Québec : Une chose que je voudrais dire dès le début, c'est que je trouve ce comité très bien informé et très bien préparé, comparé au comité de l'autre lieu.

Cela étant dit, ce que je vois dans cette loi, c'est une mauvaise compréhension de ce qu'a représenté l'affaire de l'AMPO. L'affaire de l'AMPO, au fond, visait à aboutir à un processus de négociation collective, non pas à un résultat. Lorsque vous permettez à l'une des parties, en l'occurrence l'employeur, de retirer les enjeux fondamentaux du processus, en définitive cette partie détermine le résultat. C'est l'affaire APMO qui marche sur la tête en quelque sorte.

[Français]

Il a été question d'exclusion aussi dans la législation. Les exemples qui ont été donnés, sauf erreur, étaient des exclusions dans des conventions collectives, ce qui signifie que ces exclusions, en grande partie, ont été négociées.

[Traduction]

Il est important de faire la distinction entre les exclusions qui sont le fruit d'un processus de négociation collective et les exclusions qui sont imposées par la loi. C'est fondamental.

Dans le droit du travail, comme le sénateur Carignan et les autres ici le savent, le congédiement est la peine capitale. Si cela ne se termine pas devant un tribunal indépendant, vous avez laissé le pouvoir ultime entre les mains de l'employeur.

J'ai envoyé un mémoire. J'ai souligné ces choses succinctement, j'espère, mais les deux omissions ou erreurs criantes de cette loi, qui devraient selon moi être corrigées, sont les exclusions et la nécessité d'avoir en fin de compte un tribunal indépendant.

Le président : Monsieur Dupuis, avez-vous des commentaires?

[Français]

Paul Dupuis, président, Association des membres de la police montée du Québec : Merci, honorables sénateurs, de nous avoir invités à comparaître devant vous. Nous aurions voulu être consultés avant la rédaction du projet de loi C- 7, mais ce ne fut pas le cas. Les membres de la GRC et leurs associations se tournent alors vers vous, sénateurs, qui êtes les gardiens du droit.

Nous reconnaissons que la Chambre haute existe pour ramener la raison et le droit dans les affaires du gouvernement. Nous sommes heureux d'être ici pour vous aider dans votre rôle. Nous craignons que, avec le projet de loi C-7, le gouvernement se soit servi de son rôle de législateur pour prévenir, faciliter et tirer avantage de son rôle d'employeur. Nous vous demandons de corriger la situation.

Vous avez entendu de la part de Me James Duggan comment le projet de loi C-7 ne respecte ni la décision de l'Association de la police montée de l'Ontario ni la Charte des droits et libertés. Je vais concentrer mes commentaires sur les problèmes qui vont perdurer si les restrictions aux futurs articles 238.19 et 238.22 demeurent.

Lors de votre étude du projet de loi C-42, en mai 2013, vous aviez exprimé une inquiétude par rapport à l'avenir de nos membres civils advenant une conversion. Leur avenir est toujours incertain, et le projet de loi C-7 les empêche d'être représentés par leurs associations actuelles, qui représentent aussi des membres réguliers.

Le harcèlement est un problème à la GRC depuis longtemps et le demeure davantage. Il comprend aussi les outils pour commettre ce harcèlement, qui sont les transferts, les promotions, les évaluations, les stages, les probations, le licenciement, la rétrogradation et la conduite.

À presque chaque occasion où le commissaire est venu témoigner devant ce comité, il vous a dit qu'il avait un plan, qu'il fallait lui faire confiance, qu'il allait faire cesser le harcèlement au sein de la GRC. Il continue, par contre, de dénigrer les membres qui osent se plaindre de harcèlement, à nier que leur plainte est fondée, à étirer les délais des processus d'enquête de plainte de harcèlement et du processus de grief, qui est censé être notre recours. Cette façon de faire ne fonctionne pas.

Le projet de loi C-7 ne fera rien pour enrayer le problème. Ce n'est qu'en abordant la question à la table des négociations que nous allons pouvoir commencer à régler le problème du harcèlement, y compris les griefs liés au harcèlement. Plus de 5 000 griefs traînent dans les classeurs du quartier général de la GRC, dont certains depuis plus de 10 ans. Il y a pénurie de gestionnaires de griefs pour faire avancer le processus. Les répondants — la partie contre laquelle nous déposons un grief — utilisent toutes les tactiques imaginables pour retarder la journée où ils auront à répondre de leurs actes. Les arbitres ne sont pas impartiaux. Seuls les requérants ont des délais imposés. Le commissaire est le dernier niveau d'appel.

Notre système de grief est tellement biaisé, de façon chronique, que les tribunaux de toutes les juridictions au pays acceptent d'entendre les litiges en milieu de travail de la GRC. Aucun syndicat n'accepterait que la personne qui fixe les règles et qui est partie au litige soit aussi celle qui prend la décision finale.

Le projet de loi C-7, tel qu'il est rédigé aujourd'hui, exclut plusieurs éléments de la santé et de la sécurité au travail, soit les techniques de contrôle et d'application des lois, les compétences de base, l'uniforme, la tenue vestimentaire et l'équipement. Ces éléments doivent tous faire partie de la négociation collective. Laissés à eux-mêmes, les gestionnaires de la GRC ont, à maintes reprises, failli à leur devoir envers les membres en ne leur offrant pas un milieu de travail sécuritaire. Il est temps que cela change.

En conclusion, nous vous demandons d'obliger notre employeur à nous accorder ni plus ni moins ce qu'ont tous les autres corps policiers au pays, soit la pleine négociation collective. Nous devons changer ce que la Cour suprême a qualifié d'attitude d'hostilité envers la syndicalisation au sein de la GRC, tant de la part de la direction de la GRC que des gouvernements qui se sont succédé, et ce, depuis longtemps.

Dans sa sagesse, la Cour suprême rassure le législateur en disant que, en fait, selon la preuve, le respect de la liberté d'association peut même assurer, plutôt que de compromettre, l'existence de bonnes relations de travail, et ainsi, renforcer la stabilité.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Monsieur Jolicoeur, avez-vous une déclaration préliminaire?

Alain Jolicoeur, Consultant, à titre personnel : Ma contribution est bien plus étroite que celle de mes collègues ici. Ma présence tient au fait que je suis l'auteur d'un rapport sur les résultats du processus de consultation qui a eu lieu l'an passé.

En général, dans mes relations avec la GRC, j'étais de l'autre côté de la table. J'ai présidé son comité d'audit externe pendant quatre ans de même que le Conseil de la solde.

[Français]

J'ai signé le rapport que citait le sénateur Carignan plus tôt ce matin. Mon travail s'est terminé l'automne dernier, quand j'ai soumis mon rapport sur le processus de consultation. Je suis prêt à répondre à vos questions à ce sujet.

[Traduction]

Le président : Merci. Nous allons commencer par le sénateur Carignan, puis nous passerons au sénateur Dagenais.

Le sénateur Kenny : Cela fait trois ou quatre fois que vous désignez les mêmes personnes. Cela ne veut pas dire que vous pouvez venir trois ou quatre fois et ne pas donner l'occasion aux autres membres du comité de poser des questions.

Le président : Monsieur le sénateur Kenny, vous aurez l'occasion de poser des questions. Le sénateur Carignan est le porte-parole du projet de loi.

Le sénateur Kenny : Et alors?

Le président : Monsieur le sénateur Carignan, vous avez la parole.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur Jolicoeur, serait-il possible pour vous de nous faire parvenir un exemplaire de votre rapport? Je ne l'ai qu'en format électronique. Or, afin qu'il soit déposé auprès du greffier, pour que nous puissions en tenir compte, j'aimerais qu'on lui transmette une copie papier en bonne et due forme.

M. Jolicoeur : Certainement. Je demanderai au Secrétariat du Conseil du Trésor de vous la transmettre.

Le sénateur Carignan : Je suis d'accord avec ce qui a été dit à propos du processus, mais j'ai aussi l'impression qu'on veut retarder le plus possible les négociations dans le cadre de la convention collective. En fait, cela me semble tout à fait évident.

Je me demande si on n'a pas échappé à une certaine rigueur dans le cadre du processus d'accréditation, qui n'a pas été amorcé depuis longtemps au Canada. Je veux m'assurer qu'on prévoit les éléments. Le projet de loi est un texte de loi moderne dans le cadre des négociations d'une convention collective.

Plus tôt, j'ai posé une question à savoir si la commission pouvait demander un vote lorsqu'il y a trois syndicats qui comptent chacun 25 p. 100 des membres. Tout d'abord, je ne suis pas un spécialiste du droit fédéral en ce qui concerne les conventions collectives au sein de la fonction publique. Pouvez-vous me confirmer s'il est possible de procéder à un vote avec trois syndicats formés de 25 p. 100 de représentants? La rédaction des dispositions n'est pas claire. Je n'arrive pas à saisir toute l'information qui nous a été remise.

Ensuite, pouvez-vous nous expliquer le danger ou la conséquence que, dans la notion de grief, il y ait seulement l'application et l'interprétation de la convention collective, sans faire appel à la possibilité d'examiner les autres lois qui peuvent avoir une incidence sur les conditions de travail? Selon moi, cela limite beaucoup la compétence de l'arbitre.

Ai-je bien compris la situation? Êtes-vous plus optimiste, parce que vous croyez qu'il y a moyen de trouver une solution?

[Traduction]

Le président : À qui cela s'adresse-t-il? Au sénateur Carignan? Monsieur Duggan?

[Français]

M. Duggan : Je vais tenter de répondre au sénateur Carignan.

Si on examine de plus près les définitions, il s'agit d'un regroupement d'organisations syndicales. À mon avis, ce serait le meilleur moyen de permettre aux associations existantes de former un regroupement. Ensuite, elles pourraient déposer une requête en accréditation.

Le sénateur Carignan : Il importe de corriger la situation avant que nous nous retrouvions devant un problème majeur.

M. Duggan : Oui. En ce qui concerne la possibilité pour un arbitre d'interpréter d'autres lois, la jurisprudence, à l'instar de la Cour suprême, reste constante. On veut qu'un arbitre dispose de toutes les assises nécessaires pour régler un litige au niveau de l'arbitrage. Vous avez très bien soulevé ce point ce matin. Les arbitres se retrouveront démunis lorsque viendra le temps de régler un litige. Je ne connais pas d'autres tribunaux d'arbitrage en droit du travail, que ce soit à l'échelle fédérale ou provinciale où on varlope de cette façon les compétences de l'arbitre.

Le sénateur Carignan : On a deux avocats comme témoins. J'aimerais entendre leur point de vue.

[Traduction]

M. Champ : Très rapidement, monsieur le sénateur Carignan, sur la question du vote, dans le cadre de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique telle qu'elle existe aujourd'hui, elle ne comporte pas de dispositions spécifiques qui permettent au CRTEFP, en conjonction avec les syndicats de tenter d'imaginer un processus qu'ils pensent être le meilleur pour eux. Un vote dans cette situation serait certainement difficile, mais pas impossible. Les gens se trouvent affectés dans tellement d'endroits différents. Je ne connais pas le chiffre par cœur, mais je ne serais pas étonné qu'il y ait 350 lieux de travail pour les membres de la GRC, sérieusement. S'il y avait un vote, c'est ce qu'il faudrait faire, mais cela pourrait avoir lieu et les parties trouveraient une solution et c'est pour cela qu'il n'existe pas de disposition spécifique dans la LRTFP.

Concernant l'autre problème, je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Duggan, bien qu'il y ait parfois débat quant à savoir si les arbitres du système de règlement interne des griefs de la GRC ont le pouvoir d'appliquer des statuts externes. Par exemple, si un membre est lésé au niveau des droits de la personne dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne et demande réparation, il y a des incertitudes quant au fait que les arbitres du système de règlements des griefs de la GRC puissent ordonner des indemnisations en vertu de la loi.

J'ai très récemment eu un cas qui est passé devant la Cour fédérale dans lequel il ne s'agissait même pas de savoir s'ils pouvaient appliquer les actes. Ces décisionnaires de griefs internes sont des officiers brevetés, mais ils sont sous les ordres du commissaire et au-delà de la partialité que cela implique, ils ne peuvent pas prendre de décisions que n'approuve pas le commissaire.

J'ai travaillé sur une affaire dans laquelle un individu a eu gain de cause sur son grief et le comité de griefs a dit qu'il devait être réintégré sur la liste des promotions, mais le commissaire adjoint et le commissaire n'ont pas aimé cette décision et l'ont donc ignorée. Je suis allé à la Cour fédérale avec cette affaire et la GRC a déclaré : « Eh bien, il aurait dû simplement déposer un grief contre cette décision. » Et la Cour a dit « Eh bien ceci est pervers. » La cour a littéralement dit « Ceci est pervers ». Il a eu gain de cause au sujet de son grief. Le commissaire a ignoré ce résultat et maintenant on lui dit qu'il devrait y retourner pour déposer un grief contre le commissaire qui ignore le résultat d'un grief qu'il a gagné.

Il y a des problèmes avec ce système de griefs internes au sujet des lois que ce système peut faire appliquer, mais cela souligne le problème du manque d'arbitrage indépendant que M. Duggan, moi-même et d'autres ont souligné.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma première question s'adresse à M. Jolicoeur. Pouvez-vous nous préciser la façon dont le processus de consultation sera mené?

M. Jolicoeur : En fait, le rapport a été déposé l'automne dernier. Ce rapport porte sur de nombreux éléments, notamment un sondage sur le système Internet, où une série de questions a été posée sur certains aspects du nouveau régime des relations de travail. Ce sondage avait pour but de cerner les préférences pour certains points.

Ce sondage a été mené en même temps qu'une série d'assemblées publiques dans l'ensemble du pays. Je ne me souviens pas du nombre exact. On s'est réuni dans toutes les régions de la GRC, à l'exception du Grand Nord. On a abordé les mêmes questions, mais de manière plus ouverte et plus générale. On a aussi tenu des téléconférences et des vidéoconférences.

En tout, on a obtenu l'avis d'environ 9 000 personnes, soit la moitié des membres de la GRC. Certaines personnes ont soulevé des points et posé des questions via Internet et ceux-ci étaient ensuite acheminés aux responsables du processus.

Chaque assemblée commençait par une présentation d'une durée d'environ une heure portant sur les différents régimes de relations de travail au sein de la fonction publique ou des corps policiers partout au Canada. Il était important de bien comprendre le contenu des lois et des conventions collectives. Par la suite, on a mené des discussions, présenté des exposés et distribué des informations. On a également analysé les données du sondage, ce qui a donné suite à un rapport que j'ai moi-même produit.

Les grands thèmes qui ont été soulevés... Surtout que le sondage comportait une question ouverte à la toute fin... Ce qui m'a le plus surpris, c'est l'intensité des sentiments relativement aux commentaires qui ont été exprimés. En matière de syndicalisation, un groupe était d'avis que c'était très mauvais pour l'organisation, alors qu'un autre affirmait qu'il était absolument nécessaire d'y avoir recours maintenant. Environ 2,5 membres contre 1 étaient en faveur de la syndicalisation.

Les commentaires étaient exprimés avec beaucoup d'intensité des deux côtés. Les principales préoccupations soulevées lors de ce débat étaient liées à la peur ou à l'idée qu'il soit très mauvais pour l'organisation d'être mise dans un contexte où elle serait traitée comme le reste de la fonction publique. La préférence des membres, c'est d'avoir quelque chose de très spécifique pour la Gendarmerie royale du Canada.

Une autre préférence importante qui a été relevée partout au pays, c'est d'avoir une seule unité de négociation. Les membres préféreraient avoir une loi spécifique concernant les relations de travail qui s'appliquerait seulement à l'organisation. Ils auraient aussi préféré avoir un conseil spécifique pour la GRC, mais cela, c'était peut-être un peu moins basé sur une analyse approfondie. Le sentiment général qui ressort, toutefois, c'est que, le plus loin possible nous sommes de la fonction publique, le mieux c'est. Les membres désirent également se doter d'une unité de négociation et ouvrir un dialogue avec l'équipe de gestion, puisque, de leur avis, le dialogue n'était pas suffisant.

Le sénateur Dagenais : Monsieur Dupuis, on parle beaucoup des exclusions; lorsqu'on parle de comité paritaire, on parle d'équipement et de placement, mais pour l'instant, cela n'apparaît pas dans le projet de loi C-7.

Je voudrais maintenant revenir au régime de pension. Il y a quelque chose que j'ai de la difficulté à comprendre. Nous avons tenu une réunion d'ordre technique lors de laquelle on nous a dit que le régime de pension ne se négociait pas avec la fonction publique, mais que cela s'apparentait. Existe-t-il un comité spécial qui négocie les régimes de pension et dont les membres de la GRC font partie actuellement? Je ne parle pas des membres de la direction, mais des membres de la base, puisqu'ils sont des bénéficiaires du régime. J'aimerais que vous nous parliez de la composition du régime de pension et du comité, et j'aimerais aussi savoir si ce comité est paritaire.

M. Dupuis : Nous avons effectivement un comité consultatif pour le régime de pension à l'échelle nationale. Ce n'est pas égal, mais c'est paritaire, dans le sens qu'il y a des représentants des employés et des représentants des retraités, ainsi que des représentants de la direction. Le comité est d'ailleurs dirigé par le Conseil du Trésor depuis le scandale du régime de pension de la GRC au milieu des années 2000, soit de 2005 à 2007, et qui a donné lieu à la Commission Brown et au Rapport Brown.

À l'heure actuelle, depuis que le programme des RRF est dissous, je me demande également qui siège à ce comité au nom des employés. À l'époque, deux personnes siégeaient à ce comité de consultation. Toutefois, ce comité n'avait pas de contrôle sur la façon dont les fonds étaient gérés. Comme vous le savez probablement, c'est une firme externe, Investissements PSP, qui gère la caisse de retraite de la GRC.

Le sénateur Dagenais : Que signifie « PSP »?

M. Dupuis : Investissements PSP est le gestionnaire qui gère aussi les fonds des caisses de retraite de tous les fonctionnaires fédéraux.

Le sénateur Dagenais : Les régimes de pension des policiers sont habituellement des régimes de pension séparés de ceux de la fonction publique et qui se négocient de façon séparée. Je sais qu'on ne retrouve pas cela dans le projet de loi C-7, mais je pense que, tôt ou tard, advenant une syndicalisation des policiers et policières de la GRC, cela devrait faire partie de l'ensemble des responsabilités d'un futur syndicat.

M. Dupuis : Vous avez raison, sénateur Dagenais, sauf qu'à l'heure actuelle, notre rôle n'est que consultatif. Le dernier grand changement opéré par ce comité a été celui de la transférabilité des pensions. Effectivement, nous disposons de notre propre fonds de pension indépendant de celui de la fonction publique, et le dernier changement important concernait la transférabilité des pensions. Quelqu'un qui travaille dans un autre corps de police peut conserver ses années de service relativement au régime de pension et les transférer à la GRC, alors qu'auparavant, ce n'était que les fonds de pension du gouvernement fédéral qui pouvaient être transférés.

[Traduction]

Le sénateur Kenny : Bienvenue au comité, messieurs. Je crois qu'un consensus est en train de se former parmi les membres du comité. Leur préoccupation, je crois, est qu'ils pensent que la législation que nous étudions pourrait permettre de rééquilibrer la structure du pouvoir au sein de la GRC. Je crois que nous sommes inquiets que le gouvernement nous ait transmis un projet de loi qui soit davantage rédigé pour convenir à un gouvernement que pour satisfaire les autres organisations de police. Je crois qu'il existe une inquiétude quant au fait qu'il n'existe pas de contrôles appropriés du pouvoir au sein du système, en particulier à son sommet et que sans cela, il n'y aura pas de changements significatifs.

Les sujets qui sont le plus souvent mis en avant sont la santé et la sécurité, l'avancement, les effectifs et l'équipement. Je crois qu'il serait très utile au comité que vous donniez vos points de vue sur les changements précis que nous devrions opérer sur ces points. En réalité, ce que je vous demande de faire, c'est de nous aider à rédiger des amendements afin que nous puissions effectivement examiner ce dont vous avez parlé ici, mais nous n'avons pas encore parlé de la manière précise dont nous pourrions modifier la loi.

M. Dupuis : Merci beaucoup pour votre question. Vous avez raison, il semble y avoir une résistance au changement dans notre système de relations de travail. Si vous revenez, disons presque 20 ans en arrière, au rapport Duxbury, au Rapport Brown, tous les rapports qui ont été rédigés ont recommandé qu'il nous fallait changer de culture. Depuis l'an 2000, nous n'entendons que cela, que nous devons changer de culture. Voici une occasion de changer de culture, mais la résistance demeure. Le jour où nous proposerons des négociations collectives libres sera le jour où nous pourrons commencer à changer de culture. Comme l'a recommandé M. Duxbury, cela prendra une génération à faire, une fois que l'on aura commencé. Mais pour le moment nous n'avons pas commencé à faire ce changement de culture qui a été recommandé maintes fois au cours des années.

Le sénateur Kenny : Nous n'avons que très peu de temps. Nous disions qu'il nous fallait produire une réponse d'ici une semaine, monsieur le président?

Le président : Une semaine au maximum.

Le sénateur Kenny : Nous avons un projet de loi et je vous demande de nous aider à apporter des changements précis à ce projet de loi. Vous ne devez pas forcément le faire tout de suite, mais si vous pouviez le faire pour demain matin à 9 heures, cela serait bien.

M. Dupuis : Je le fais en ce moment-même. J'ai fait valoir dans mes remarques liminaires que l'élimination de toutes les restrictions énoncées aux articles 238.19 et 238.22 serait un bon début pour un changement de culture à la GRC.

Le sénateur Kenny : Des aspects comme la modération des pouvoirs du commissaire?

M. Dupuis : L'élimination de ces restrictions permettra aux représentants des employés, aux associations, d'aborder ces sujets auprès du commissaire. C'est le seul moyen pour nous de changer quelque chose, même nos problèmes chroniques, tels que le harcèlement et le fait que nous risquons d'être mal équipés pour faire notre travail en sécurité.

M. Champ : Si vous le permettez, sénateur Kenny, voici une recommandation. Le rapport Brown et d'autres avant lui ont signalé que la GRC est le seul corps de police de ce pays qui ne soit pas régi par un organe de contrôle civil, et je ne fais pas allusion au Comité externe d'examen. Je veux dire un conseil de police qui détient le contrôle ou le système de règlement des griefs voulant que chaque corps de police du pays s'adresse à un organe de contrôle provincial. En Ontario, par exemple, il y a la Commission civile de l'Ontario de la police. Il y a ensuite les « Review Boards » ou conseils d'examen de la police de l'Alberta, de la Saskatchewan et de la Nouvelle-Écosse et c'est à ces organes que les griefs sont soumis alors qu'ils étaient auparavant exclusivement réglés par les chefs, dont les décisions ont été renversées dans certains cas. Ces organes exercent ce pouvoir de contrôle.

À l'heure actuelle, le commissaire de la GRC n'a pas de comptes à rendre à un conseil civil pour les questions opérationnelles. Il relève du ministre, qui, comme nous le savons, a toutes sortes de questions à régler en sa qualité de ministre de la Sécurité publique. S'il appartient au commissaire de la GRC de prendre la décision finale en cas de grief, le processus s'arrête là. Il n'a pas l'inquiétude de savoir que sa décision finale devra être examinée par un conseil civil. Il y a bien entendu le Comité externe d'examen de la GRC, mais c'est un organe de hiérarchie inférieure qui se contente de formuler des recommandations.

Voilà certains des enjeux vraiment importants liés à l'absence d'arbitrage indépendant et aux questions de contrôle que je crois que vous êtes en train de soulever, sénateur Kenny.

Le sénateur Kenny : Avez-vous réfléchi à une proposition plus concrète pour un conseil de contrôle?

M. Champ : Avec le genre de cadre de travail que nous avons, c'est la complexité des démarches qui m'inquiète. Suivant la nature du problème, il faut tantôt s'adresser au conseil de conduite, tantôt à la CRTFP, tantôt à l'interne. Une chose que je recommanderais c'est que le Comité externe d'examen de la GRC soit légèrement modifié pour ressembler davantage à la Commission civile de l'Ontario sur la police ou au Law Enforcement Review Board de l'Alberta, qui sont saisis de tout genre de décisions sur les griefs et autres prises par le commissaire afin d'émettre la décision finale. Ces organes se composent de personnes éminentes, comme celles que nous avons à la Commission de l'Ontario. Si le commissaire de la GRC sait que sa décision n'est pas finale, je crois qu'il prendra de meilleures décisions et, en définitive, sa décision sera renversée si elle laisse à désirer. Il me semble que des changements de ce genre ne sont pas si difficiles à implanter.

Le sénateur Kenny : Très utile, merci.

Le sénateur Stewart Olsen : Je serais assez bref. Je ne suis pas avocat et j'aimerais revenir au côté humain des choses. À en croire votre témoignage, je n'ai pas l'impression que vous pensiez que cette loi soit juste ou quelle rende justice à la GRC par rapport au reste des services de police du pays, n'est-ce pas? Peut-être que vous pourriez répondre, monsieur Dupuis.

M. Dupuis : Vous avez absolument raison. Par le fait d'imposer des restrictions sur la négociation collective, vous êtes à toutes fins pratiques en train de nous condamner à réutiliser le même système qui a déjà démontré ne pas fonctionner.

Le sénateur Stewart Olsen : Merci.

Mon autre question se rapporte, bien entendu, à la santé et à la sécurité. Étant originaire du Nouveau-Brunswick et me sentant donc très proche de la tragédie de Moncton, je suis consterné de constater que l'on n'ait pas retenu les recommandations du rapport sur cet incident. Les policiers n'ont pas encore reçu leur équipement et hier encore on signalait que bon nombre d'entre eux avaient été transférés à la division de Codiak. Je crois que c'est une honte. Je crois que nous ne sommes pas en train de soutenir nos gens. Je ne veux pas que quelque chose de la sorte se reproduise. Je crois, et vous en conviendrez peut-être, que c'est un coup dévastateur pour des policiers qui risquent leur vie et qui, malgré les recommandations, ne reçoivent pas l'équipement dont ils ont besoin. Ce qui m'inquiète énormément, c'est que cette loi ne va rien faire pour corriger la situation.

M. Dupuis : Sénateur, si vous le permettez, vous ne serez donc pas trop surpris d'apprendre qu'à Mayerthorpe, quand nous avons perdu quatre policiers, ce même équipement devait être fourni dans les mois qui ont suivi les fusillades en question. Je parle de carabines pour tir longue distance, de gilets pare-balles — des vêtements blindés — et d'un système de communication. Les trois articles avaient été déclarés essentiels en 2005 dans la foulée de la fusillade de Mayerthorpe.

À Moncton, les communications ont été problématiques parce que les divers détachements n'avaient pas le même système de communication que l'unité centrale des communications d'urgence. Les policiers auraient aimé avoir des carabines pour tir longue distance et des vêtements blindés. S'ils les avaient eus, nous aurions compté beaucoup moins de morts et de blessés.

Le sénateur White : Désolé d'être en retard. Je participais à une réunion dans une autre salle.

Monsieur Champ, une précision, seulement parce que vous avez parlé de l'Ontario. Dans les administrations provinciales et municipales, une telle chose ne se serait pas produite après Mayerthorpe car le syndicat aurait fait pression sur le directeur général et les gouvernements alors qu'aujourd'hui, si nous adoptons cette loi, nous ne serions pas plus avancés, car ce serait le commissaire qui continuerait à exercer son autorité et ce serait lui qui négocierait avec le syndicat à la place du gouvernement.

M. Champ : Oui, sénateur White. Je crois que vous savez que je représente l'Association des policiers d'Ottawa, alors je connais assez à fond la Loi sur les services policiers et les recours que les policiers ont à Ottawa et dans le reste de la province. Vous avez tout à fait raison; il existe toutes sortes de mécanismes pour qu'ils puissent soumettre leurs griefs à l'avance. C'est la clef. C'est tragique. Il y a des poursuites contre la GRC et je suppose que cela pourrait aboutir à des changements, mais ne vaudrait-il pas mieux que les policiers puissent soulever et essayer de régler ces questions à l'avance pour éviter une tragédie? Il ne s'agit pas de faire du sensationnalisme mais c'est à cela que se résume la chose, comme vous le savez très bien de par votre propre parcours, sénateur White.

Comme vous le savez également, ces gens sont habituellement des experts. Il s'agit de sergents et de sergents d'état- major qui connaissent bien la matière. C'est à eux que s'adresse la GRC quand elle veut des experts. Ce sont habituellement des tacticiens experts qui savent vous dire s'il faut des carabines de tir longue distance ou autre. Quand la direction ne réagit pas ils n'ont pas vraiment de recours.

Le sénateur White : La négociation se fait entre les organisations syndicales et ceux qui tiennent les cordons de la bourse et non pas ceux qui n'ont qu'un contrôle très limité sur ces cordons.

M. Champ : Cela arrive parfois. C'est compliqué parce que dans le cas de la police d'Ottawa, c'est le conseil de la police qui contrôle les cordons.

Le sénateur White : Mais c'est là que se font les négociations, entre l'association et...

M. Champ : C'est cela.

Le sénateur Campbell : Monsieur Champ, je dois vous donner quelques informations. D'après mon compte il y a 715 détachements, soit le double de 350. Je ne suis pas sûr d'avoir inclus tous les effectifs du quartier général.

Je ne vais pas recommencer à vous donner mon avis sur les exemptions, mais j'aimerais faire un commentaire et poser une question. Quelqu'un a dit que nous devrions obliger les deux parties à se concerter. Je ne sais pas qui, mais quelqu'un l'a dit. Nous ne sommes pas ici pour obliger quiconque à faire quoi que ce soit. Il est question de négociation collective et je suis convaincu que ces exemptions finiront par être réglées dans le cadre des négociations collectives. Ce que j'attends en ce moment — et je ne sais pas si vous en avez entendu parler — c'est la lettre que le ministre Goodale va transmettre au président. Il a quelques idées sur la façon de nous y prendre, mais en définitive, il s'agit de négociation collective.

Ma question est la suivante : Quelle serait selon vous la partie de ce projet de loi qui pourrait poser des difficultés sur le plan constitutionnel ou du côté de la Cour suprême? Monsieur Duggan, je sais que vous vous êtes penché là-dessus.

M. Duggan : Oui. Je pense que, si vous parcourez l'arrêt APMO — et il me semble que certains sénateurs ici présents savent que j'ai plaidé cette affaire et antérieurement l'affaire Delisle — en faisant valoir que les exclusions sont essentiellement inconstitutionnelles. Elles sont trop générales. Elles englobent tellement d'aspects que pour l'APMO, le concept s'est réduit à une question de rémunération et d'avantages alors qu'il s'agissait d'instituer un processus pour pouvoir discuter de toutes sortes de questions. C'est malheureux.

Nous avons vu la même chose se passer pour d'autres questions constitutionnelles liées à la liberté d'association, où les salariés ou les associations sont obligés de s'adresser à la Cour suprême pour obtenir une décision sur une question concrète et ensuite, quand la loi est adoptée, recommencer pour contester une autre question d'ordre constitutionnel. Cela ne fait que retarder les choses.

Un aspect qui n'a pas encore été abordé ici aujourd'hui est celui de la frustration que les policiers ressentent à certains égards. Ils pensent qu'ils ont gagné quelque chose, et s'il s'agit d'une fausse victoire, cela n'augure rien de bon pour la relation à l'avenir.

La sénatrice Beyak : Merci, messieurs. Je pense que vous avez répondu à la plupart de mes questions sur la santé et la sécurité au travail, mais je me demande si vous êtes au courant de l'existence d'un autre corps de police au Canada ou en Amérique du Nord qui n'inclut pas cela et dans l'affirmative, quels sont les sentiments des policiers à propos de l'exclusion? Comprenez-vous ma question?

M. Duggan : Non, pas vraiment.

La sénatrice Beyak : Alors je la lirai. Je croyais l'avoir bien formulée.

Voici la question telle qu'elle m'a été posée par les policiers : Y a-t-il un corps de police au Canada ou en Amérique du Nord qui exclut la sécurité au travail et le harcèlement des négociations, et trouvez-vous que ces exclusions concrètes sont constitutionnelles?

M. Dupuis : Eh bien, je dirais à priori, et je ne suis pas avocat, que la plupart des corps de police sont couverts soit par compétence provinciale ou en vertu du droit du travail au sein de leurs provinces. Même au sein de la fonction publique fédérale ou d'autres corps de la police fédérale, comme la police du CN ou celle du CP, ils sont couverts par la Partie II du Code canadien du travail, qui prévoit une procédure d'enquête approfondie.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je reviens à la question des exclusions. En regardant la liste des éléments qui, selon le projet de loi, sont supposément des exemples de points qui peuvent être inclus dans la convention collective, je me suis rappelé un élément de négociation que nous utilisions lors de nos négociations de convention collective avec les policiers de la ville où j'étais maire, soit la patrouille en solo.

Il s'agit d'un enjeu fondamental en matière de négociation de convention collective, car selon le moment de la journée, le lieu ou l'endroit où la patrouille est assignée, un agent en renfort doit être désigné pour s'assurer de l'efficacité du travail tout autant que de la sécurité des policiers.

Dans les exclusions, je note les techniques de contrôle d'application des lois. Par contre, je ne vois pas la question des patrouilles dans les éléments qui pourraient être inclus. Je comprends que la possibilité d'assigner un agent en renfort après certaines heures, dans certains horaires de travail, n'est pas négociable et est complètement exclue de la négociation. Faites-vous la même lecture que moi?

C'est fondamental surtout quand on pense que la GRC couvre une grande partie du territoire, comme dans le Grand Nord. L'agent en renfort pourrait se trouver à 100 kilomètres de distance. La patrouille en solo ne devrait pas être considérée dans ces cas. Est-ce que je comprends bien?

M. Dupuis : Comme Me Duggan l'a mentionné tantôt, les exclusions sont tellement vagues que les gestionnaires de la GRC pourraient prétendre que c'est exclu.

En ce qui a trait à la patrouille solo, il y a deux façons de voir les choses, ou deux différents volets. Nous avons aussi des contrats avec des villes. Dans les villes, l'agent en renfort peut se trouver tout près, dans un quartier avoisinant, alors que dans le Grand Nord, comme vous le disiez, il peut être à 100 kilomètres de distance, à une heure et demie d'avion. C'est très différent.

Au Québec, lorsque le sénateur Dagenais était président de son syndicat, des décisions ont été rendues dans trois cas particuliers ou trois régions particulières concernant la patrouille solo. Des exigences de base avaient été décrétées par un arbitre du travail. Premièrement, il avait été déterminé que, pour une patrouille solo, le contact avec la centrale devait être constant; deuxièmement, une réponse à nos appels devait être fournie en cinq à huit minutes. Pour ce qui est du troisième critère, je ne m'en souviens pas exactement, mais c'était relié à cela.

Concernant la Sûreté du Québec, la patrouille en solo était permise dans les zones très rurales, là où la population est moins nombreuse, sauf qu'il y avait quand même toujours quelqu'un qui était prêt à répondre.

Dans notre cas, certains détachements comprennent deux personnes, donc l'agent qui n'est pas en service est le renfort, et vice versa. Cela ne laisse pas beaucoup de temps pour dormir entre les deux.

Le sénateur Carignan : Ma deuxième question s'adresse à M. Jolicoeur. Dans votre rapport, on peut constater le taux de policiers par habitant. En le regardant de plus près, j'ai compris que, dans les endroits couverts par la GRC, le nombre de policiers par habitant est moins important que dans les autres juridictions. Avez-vous une explication à me fournir à ce sujet?

Non seulement le nombre de policiers est moins élevé, mais l'indice de gravité des crimes est plus élevé. Ai-je bien lu? Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Jolicoeur : J'imagine que, historiquement, c'est une question de ressources. C'est évidemment la nature des territoires et la nature des défis auxquels la GRC doit faire face. On trouve beaucoup de détachements isolés dans le nord des provinces, dans des endroits isolés, là où la population est moins importante en nombre.

Cette analyse avait été faite pour justifier nos propositions, nos vues concernant la compensation globale relative entre les agents de la GRC et huit corps policiers. Donc, en plus de comparer la compensation globale, la rémunération globale, on s'est assuré que, au moins, en matière de défis liés au travail, c'était équivalent. C'est un des critères du Conseil du Trésor pour définir la rémunération, d'une perspective de l'employeur, que, au moins, leurs défis sont aussi grands.

On a aussi comparé les différentes situations qu'on peut retrouver dans les petites municipalités isolées, mais qui sont situées l'une près de l'autre, et qui font face au même genre de défis. On comparait les ressources allouées par la Sûreté du Québec ou la Police provinciale de l'Ontario, par exemple, à celles accordées à la GRC dans une petite municipalité très rapprochée.

Dans bien des cas, il y avait des différences importantes. Cependant, notre but n'était pas de porter un jugement à ce sujet, c'était de justifier que nous avions raison lorsque nous comparions la rémunération globale de la GRC par rapport aux autres corps policiers. Nous avons constaté une diminution de plus en plus importante au fil des années, pour arriver, selon les indicateurs utilisés, à une différence d'environ 10 p. 100 en défaveur de la GRC.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, nous arrivons à la fin de notre temps. Nous avons trois autres intervenants. Je vous demande d'être plus concis dans vos préambules et de poser vos questions plus rapidement. Je demanderais également aux témoins d'être plus concis.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Le sénateur Carignan a fait mention de la patrouille solo, et le troisième élément dont vous ne vous souveniez plus, c'était la question d'assigner un policier en disponibilité à son domicile. Compte tenu des distances, un policier restait en disponibilité à son domicile, et il était payé. Il n'était pas en devoir, mais il devait être prêt à intervenir.

Je voudrais revenir aux exclusions, parce que, quand on parle de la patrouille solo, on parle de santé de et sécurité au travail. Au Québec, l'employeur à une responsabilité en matière de santé et de sécurité au travail. Quand on a un syndicat, on travaille paritairement avec l'employeur sur la santé et la sécurité au travail, donc ce sont souvent les représentants syndicaux...

[Traduction]

Le président : Excusez-moi, sénateur Dagenais. Pourriez-vous poser votre question? Le temps presse.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Me Duggan l'a bien fait sentir, les exclusions sont floues, mais quand on parle de la syndicalisation des policiers de la GRC, êtes-vous d'accord avec moi que vous devriez être très axés sur la santé et la sécurité au travail, ne serait-ce qu'en ce qui a trait aux équipements, à la formation et surtout à la patrouille solo, qui est un enjeu majeur dans le cas de la GRC, compte tenu des territoires qui sont couverts?

M. Dupuis : Je ne peux qu'être d'accord avec vous, sénateur. Je vous dirais qu'on a aussi les niveaux minimaux de service qui posent un gros problème aujourd'hui, parce qu'on manque d'effectifs partout.

D'ailleurs, cela a été mentionné ce matin, ce n'est pas pour rien que des études d'intégrité sont menées. Ils essaient même d'acheter du temps. Nous sommes utilisés au maximum et davantage, donc il y a de l'épuisement dans les rangs.

[Traduction]

Le sénateur Day : Monsieur Jolicoeur, tout d'abord, votre sondage a indiqué que les personnes interrogées — et les répondants étaient nombreux — voulaient un régime qui fasse la distinction entre les fonctionnaires et les membres de la GRC. Pensez-vous que nous y avons réussi dans ce projet de loi?

M. Jolicoeur : Eh bien, il y a des différences, mais, fait intéressant, certaines se rapportent à des aspects que certains d'entre vous n'apprécient pas particulièrement. Le régime traite les deux parties un peu différemment parce que le projet de loi contient des dispositions qui s'appliquent exclusivement à la GRC.

À quel point les membres de la GRC — car moi je n'ai pas d'opinion —sont à l'aise avec cela? Sont-ils assez loin du reste de la fonction publique? Je n'en suis pas sûr. Vous pourriez faire la distinction plus clairement en formulant une loi spéciale pour la GRC. Vous pourriez le faire, mais je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas y arriver aussi en ajoutant suffisamment de précisions touchant la GRC dans la LRTFP.

Ce qui pourrait les inquiéter — et la question a été soulevée ce matin — c'est la disponibilité d'arbitres ou de médiateurs qui connaissent bien le milieu de la police, par opposition aux généralistes que nous avons en ce moment. Dans quelle mesure les résultats seraient suffisants, je l'ignore, mais théoriquement, cela peut se faire dans la législation en vigueur. Dans quelle mesure ce projet de loi y est arrivé, eh bien, il appartient aux gens...

Le président : Sénateur Day, pourriez-vous raccourcir? Nous n'avons presque plus de temps et le sénateur Kenny doit encore intervenir.

Le sénateur Day : Ma question peut être courte. Nous n'avons pas réussi à le faire pour le 16 mai, qui était la date limite prolongée imposée par la Cour suprême. Quelles en sont les conséquences? La Loi sur les relations de travail dans la fonction publique est-elle en vigueur aujourd'hui et les membres de la GRC se retrouvent-ils là où ils ne voulaient pas être?

M. Champ : À mon avis, c'est une zone grise. Il n'y a pas de disposition concrète. Je dirais que les dispositions ont été invalidées. Je suppose qu'en théorie, les membres de la GRC pourraient essayer de demander l'accréditation en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. Ce serait une des voies possibles.

Ce que je peux vous dire, sénateur, c'est que le commissaire de la GRC a réduit la représentation. Je ne sais si ce comité est au courant, mais le programme de représentation du personnel a été coupé. Ironie — pour ne pas dire perversité — du sort, j'affirmerais que les membres sont dans une situation pire que celle d'avant le jugement et on dirait qu'elle va prévaloir jusqu'à ce qu'une association obtienne l'accréditation, ce qui pourrait prendre quelques années encore. C'est un problème grave et préoccupant qui va à l'encontre de l'esprit de la loi, à mon avis.

Le sénateur Kenny : Monsieur Jolicoeur, j'ai devant moi une comparaison entre Wabowden et Pickle Lake — je présume que c'est votre travail. Il compare le détachement de la Police provinciale à Pickle Lake à l'unité de la GRC à Wabowden, deux localités d'à peu près la même taille, mais avec une énorme différence dans la mesure où pour 420 habitants, la Police provinciale avaient 12 policiers alors que pour 550 habitants, la GRC n'avait affecté que trois membres du rang.

Lorsque nous avons reçu notre séance d'information technique, nous avons parlé du manque de personnel. On nous a expliqué que les localités ne pouvaient pas se permettre d'avoir plus de policiers.

Comment a-t-on réagi quand vous avez présenté ces comparaisons? Que faites-vous quand une localité a besoin de plus de renforts, mais elle n'en a pas les moyens? Quelle est la solution?

M. Jolicoeur : Nous n'avions pas l'intention de résoudre ce problème. Notre but était de le mesurer et de l'utiliser pour souligner le besoin de rémunérer les policiers comme il faut.

De toute évidence, la solution au déploiement des ressources au sein de la GRC dépend de beaucoup d'autres facteurs. Par exemple, il existe divers types d'arrangements avec différentes provinces, les municipalités et même les réserves des Premières Nations. Le déploiement des ressources dans chaque cas dépend des accords conclus avec des tiers, surtout avec les provinces. Ces aspects sont négociés. En définitive, si le gouvernement souhaite dépenser davantage ou changer le modèle, il le peut. D'une façon ou d'une autre, il faudra beaucoup d'argent et de ressources.

Le sénateur Kenny : Une subvention?

M. Jolicoeur : C'est une question de ressources.

Le sénateur Kenny : Merci.

Le président : Chers collègues, nous venons tout juste de dépasser notre temps. J'ai une question au sujet du rapport du Sénat qui a été adopté il y a environ deux ans et qui recommandait la mise en place d'un ombudsman pour les membres du rang et civils de la GRC. Monsieur Dupuis, pourriez-vous faire un commentaire très rapidement?

M. Dupuis : Je ne crois pas qu'un ombudsman serait en mesure de faire quoi que ce soit en ce qui concerne le harcèlement. Nous devons nous asseoir en partenaires égaux avec la direction pour aller au fond du problème et le résoudre.

Le président : Merci beaucoup d'être venu.

Pour notre quatrième groupe de témoins, nous accueillons M. Rae Banwarie, président de l'Association professionnelle de la police montée du Canada; M. Peter Engelmann, associé de la firme Goldblatt Partners; ainsi que M. Brian Sauvé, coprésident de la Fédération de la Police Nationale.

J'invite M. Banwarie à prendre la parole.

Rae Banwarie, président, Association professionnelle de la police montée du Canada : Merci et bonjour à tous. Je m'appelle Rae Banwarie et je suis le président de l'Association professionnelle de la police montée du Canada. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous parler au sujet du projet de loi C-7.

Notre association, l'APPMC, est une association nationale sans but lucratif, qui représente les membres réguliers de la GRC dans toutes les régions du pays. Notre direction ne compte aucune des personnes qui font partie du programme manipulateur du patronat connu sous le nom de SRP ou plus tard, SRR.

L'APPMC cherche à être accréditée en tant qu'agent négociateur pour tous les membres du rang de la GRC. Nous participons au mouvement associatif de la GRC depuis 1994. À l'origine, il s'agissait de l'EDMA, à savoir l'Association des membres de la Division E, qui a été plus tard rebaptisée la BCMPPA, qui est devenue l'organisation nationale, soit l'APPMC.

Nous avons défendu des membres dans le cadre de griefs, de cas se rapportant aux codes de conduite et de mutations pour des motifs de compassion. Il nous est arrivé de nous porter à la défense de nos membres au niveau du commandant, du commissaire de la GRC et du ministre de la Sécurité publique. Dans toutes ces situations, nous avons exigé des comptes et cherché réparation pour nos membres, et nous avons réussi, contrairement au programme SRP contrôlé par le patronat, qui a connu des échecs. Je suis également membre du conseil d'administration de l'Association canadienne des policiers et j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer certains d'entre vous dans le cadre de dossiers antérieurs portant sur les relations de travail à la GRC.

Je vais mettre en relief certains des amendements que nous aimerions voir dans le projet de loi C-7, parmi d'autres. Idéalement, nous aimerions que toutes les modifications soient retirées de la mesure législative. Je vais aborder quelques-uns des principaux amendements, à partir de la page 2 de notre mémoire, qui porte sur les niveaux de dotation et l'équipement.

Des membres de la GRC sont tués au travail. Nous avons eu droit à Mayerthorpe, Spiritwood, Moncton, Saint- Albert et à présent à la tragédie de Fort McMurray, où la vie de plusieurs de nos membres a été mise en danger. Dans tous ces incidents, des fonds insuffisants accompagnés d'une formation et d'un équipement inadéquats ont causé la mort ou des blessures graves à nos membres. Comme tout le monde le sait, la GRC est accusée de quatre infractions au Code canadien du travail, ce qui vient renforcer notre opinion, c'est-à-dire qu'on ne peut se fier à la GRC pour protéger la santé et la sécurité de ses propres effectifs.

Quand allons-nous mettre fin à cette situation et respecter les normes obligatoires de sécurité, d'équipement de protection et de ressourcement qui font déjà partie intégrante de beaucoup d'autres conventions collectives de la police à l'échelle nationale?

Je vous le demande : Et si c'était votre fille, votre fils ou l'un de vos proches qui travaillait à GRC? Voudriez-vous qu'ils soient obligés de prendre des risques inutiles? Nous connaissons tous la réponse à cette question et c'est non.

Nous savons que le travail de la police comporte des dangers intrinsèques, mais nous devons adopter des processus pour réduire ces risques. En nous empêchant de pouvoir négocier ces aspects au moyen de notre convention collective, notre gouvernement met en danger la vie et la sécurité de nos en plus de compromettre la sécurité publique.

La page 2 de notre mémoire porte sur les niveaux de dotation minimale et signale que la question est abordée dans la clause 22 de la convention collective des services policiers de Toronto et dans d'autres, telles celles de Niagara, Sudbury et Windsor. Cet aspect doit être inclus dans notre première convention collective.

Un autre aspect que je vais brièvement aborder est celui du harcèlement. Cette question doit être incluse dans notre convention collective. Malgré le fait de disposer de l'ancienne Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et maintenant la Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, le patronat n'a pas réussi à réduire ce problème au niveau où il devrait être. Nous ne saurions nous en débarrasser complètement, mais nous devons mettre en place des processus qui nous permettront de le réduire au minimum. Des centaines de membres ont entamé des poursuites collectives et nous pensons que cela va continuer jusqu'à ce que nous mettions en place des mécanismes de réduction du harcèlement.

L'ancien programme SRP n'a pas réussi à lutter contre le harcèlement, et le nouveau programme que le commissaire a créé, appelé programme de services aux membres en milieu de travail, est un nouveau SRR avec un nom différent. Le processus est le même et il est voué à l'échec lui aussi parce qu'il est contrôlé par le patronat, et il n'est ni indépendant ni impartial. La question du harcèlement et de la discipline doit faire partie de la convention collective afin qu'elle puisse être traitée de manière ouverte et transparente.

Certains services policiers, comme ceux de la région de Niagara et de Winnipeg, prévoient des mécanismes qui traitent du harcèlement dans leurs conventions collectives. Si le harcèlement n'est pas inclus dans la convention collective, nous contribuons à aggraver le problème en lui permettant de se reproduire impunément à la GRC. Voilà pourquoi nous devons y remédier.

Nous devons supprimer le renvoi dans l'alinéa 238.19c) de la loi. Nos recommandations se trouvent à la page 3 du mémoire.

Je suis accompagné de Peter Engelmann de Goldblatt Partners, qui peut parler des autres restrictions énoncées dans notre mémoire et de nos préoccupations au sujet de la question de l'affiliation, majeure elle aussi.

Peter Engelmann, associé, Goldblatt Partners : Je suis ici pour répondre à vos questions.

Le président : Avez-vous préparé une déclaration?

M. Engelmann : Une très courte, s'il y a assez de temps.

Le président : Dans ce cas, poursuivez les propos de M. Banwarie.

M. Engelmann : Il ne faut pas oublier pourquoi nous sommes ici, mesdames et messieurs. Nous sommes ici à cause d'une décision de la Cour suprême du Canada en janvier dernier, une décision très judicieuse qui parle longuement de l'importance d'une négociation collective significative. Je ne vais pas vous lire tout cela, mais je vous invite à parcourir les paragraphes 58, 68, 70, 71 et 99. La Cour suprême du Canada nous avertit on ne peut plus clairement de ne pas restreindre la négociation collective de façon inutile. Autrement, la négociation ne peut être significative et c'est une violation de l'alinéa 2d) de la Charte, qui porte sur la liberté d'association.

Nous savons que les gouvernements successifs n'ont pas réglé cette anomalie — l'anomalie étant que la GRC est le seul corps policier majeur du à ne pas être autorisé à se syndiquer. Il ne faut pas adopter un projet de loi qui traite à nouveau la GRC comme une anomalie en imposant plus de restrictions à la négociation collective que toute autre loi sur la police dans ce pays.

Je vous laisse avec cet ordre d'idées. Je suis ici pour répondre à vos questions sur certaines restrictions et sur l'affiliation, si vous en avez. Je vous remercie.

Brian Sauvé, coprésident, Fédération de la police nationale : Bonjour, monsieur le président, membres du comité et invités. Je m'appelle Brian Sauvé et je suis membre du rang de la GRC. Je suis également le coprésident de la Fédération de la police nationale. J'ai l'honneur de servir les Canadiens sur une base quotidienne en tant que membre de la GRC.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de comparaître aujourd'hui au nom des plus de 2 000 membres du rang et réservistes de la GRC qui sont membres de la Fédération de la police nationale et qui travaillent partout au Canada et à l'échelle internationale. Mon associé Peter Merrifield devait assister avec moi, mais il n'a pu m'accompagner en raison d'une exigence opérationnelle de dernière minute — apparemment le gouverneur général est à Kingston aujourd'hui. M. Merrifield a demandé que M. Edward Aust soit présent à titre de conseiller pour l'APMO, et c'est donc lui qui m'accompagne.

Comme vous le constaterez dans le mémoire que nous avons présenté la semaine dernière, la FPN a beaucoup de préoccupations à l'égard du projet de loi C-7, notamment en ce qui a trait aux exclusions de la négociation collective et à la non-obligation du président d'un comité d'arbitrage d'avoir une certaine expérience d'arbitrage dans le domaine concret de la police. Je sais qu'en vertu de cette loi, la Commission des relations de travail sera chargée d'embaucher deux autres personnes ayant une expérience concrète en la matière.

Ces deux questions sont directement liées à la nécessité de faire une distinction claire entre le rôle et la fonction des membres de la GRC et celle des fonctionnaires en général, ce qui a été une bataille de longue haleine à la GRC.

Ce projet de loi nous en a donné l'occasion et en un mot, lors de leur assermentation, les membres de la GRC se font attribuer des aptitudes, droits et privilèges dont peu d'autres fonctionnaires jouissent, notamment la capacité de prendre une vie ou de suspendre la liberté de quelqu'un. Dans l'exécution de ces fonctions, le public canadien s'attend à ce que les membres de la GRC pourront s'acquitter de leurs tâches sans aucune ingérence réelle ou perçue. Tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi C-7 enchâsse cette ingérence dans la loi.

Par ailleurs, il semble y avoir énormément d'intérêt et de débat sur la notion d'un scrutin secret, et nous avons notre avis au sujet de cela également, au cas où vous auriez une question à ce sujet plus tard.

Le travail que vous faites ici est très important pour nos membres et nous serons heureux de répondre à vos questions. Je cède maintenant la parole à M. Aust pour ses remarques liminaires.

A. Edward Aust, avocat, Association de la police montée de l'Ontario : Mesdames et messieurs, je tiens à vous remercier de m'avoir permis de parler brièvement de ce que je considère être la plus grave des lois concernant la police, et ce, dans l'ensemble du Canada.

À mon humble avis, la GRC a adopté une approche dans ce projet de loi qui est le premier clou dans le cercueil des relations harmonieuses avec ses membres. Si ce projet de loi doit être adopté tel quel, je vous augure que les relations de travail de la GRC reculeront au niveau où elles étaient avant qu'il n'y ait un programme de représentation des divisions.

Les policiers sont les gardiens du système de justice pénale. Ils ont des pouvoirs que les tribunaux n'ont pas. Un juge ne peut pas prendre une vie. Un juge ne peut pas arrêter quelqu'un. Un juge ne peut pas mener une poursuite. En somme, il y a eu confusion à propos de ce projet de loi non seulement à la GRC, mais dans le pays tout entier en ce qui a trait aux fonctions des membres de la GRC comme employés subordonnés assujettis aux commandements et au rôle qu'ils doivent jouer en tant que fonctionnaires.

Je vais distribuer mes remarques aux membres car je ne peux pas vous faire part de tout cela en cinq minutes. L'affaire la plus célèbre est la cause Roncarelli c. Duplessis. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada a décidé qu'un fonctionnaire qui exerce une charge publique tel l'octroi d'un permis d'alcool, ne peut suivre les ordres du premier ministre. M. Duplessis a retiré le permis à une personne qui se trouvait être un témoin de Jéhovah. Cette affaire devant la Cour suprême a été plaidée par mon regretté professeur F.R. Scott, père fondateur de la CCF, qui a été le précurseur du NPD.

Vous verrez que j'ai mentionné la décision unanime de la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Campbell, également désigné comme Stinchcombe. Dans ce cas, la Cour suprême du Canada a décidé que l'agent de police n'est pas un fonctionnaire comme les autres, car en tant que titulaire d'une charge publique, quand il arrête, enquête et poursuit, il n'est subordonné aux ordres de personne. Le principe consiste à protéger la population canadienne contre les politiciens qui utilisent la police pour leurs propres fins.

Or, nous venons d'avoir deux commissaires dont le comportement avait franchi certaines limites. Théoriquement, j'ai légalement le droit de les arrêter en ma qualité d'officier subordonné. Découvrez ce qui est arrivé aux dénonciateurs qui ont signalé le scandale des pensions et aux personnes qui ont fait des déclarations au sujet du comportement d'un certain commissaire dans les couloirs.

Ce que j'essaye de vous dire par là c'est qu'il n'y a rien dans cette loi — et je dis bien rien dans cette loi — qui porte sur les deux rôles distincts de la police; ils ont deux fonctions distinctes. Par exemple, si je suis un agent de la paix, je peux arrêter le commissaire qui franchit les limites. Compte tenu de la structure paramilitaire qui existe à la GRC, croyez-vous que ce soit une réalité ou une possibilité?

Un sénateur a fait allusion à une certaine situation ce matin.

[Français]

Pourquoi n'y a-t-il pas de recours pour congédiement? J'insiste pour dire que la personne qui a le courage, en tant qu'officier de la paix, de faire l'arrestation de quelqu'un doit être protégée. Imaginez si le commissaire, qui a tout le pouvoir, était celui qui était arrêté. Il ne faut pas mélanger les cartes.

Les policiers, à travers le pays, ne doivent pas être considérés comme de simples fonctionnaires. Ils doivent être considérés comme détenteurs d'une position d'un office indépendant. En lisant la décision Campbell, on voit que, lorsque la personne agit comme officier et détenteur d'un office, sauf sa propre conscience, personne ne peut la contrôler. C'est sa décision.

Dans l'affaire de l'APEC, lorsque M. Chrétien a ordonné au policier de faire certaines choses, le rapport a indiqué qu'il y avait des limites, et j'ai inclus les paragraphes visés.

Deuxièmement, il y a la question à savoir qui sont les employeurs. Dans la législation que vous avez devant vous, on dit qu'il n'y a qu'un employeur, soit le Conseil du Trésor. Toutefois, au contraire, il y a deux employeurs : la Gendarmerie royale du Canada et le Conseil du Trésor. L'un a la responsabilité de certaines conditions de travail, et l'autre, le Conseil du Trésor, a la responsabilité des salaires.

La décision de la Cour suprême, dans l'affaire Ontario Attorney General, dit ce qui suit.

[Traduction]

Le droit à un processus véritable de négociation collective constitue donc un élément nécessaire du droit de poursuivre collectivement et de manière véritable des objectifs relatifs au travail...

[Français]

Ce n'est pas limité au salaire. Le fait d'adopter le projet de loi, tel que vous l'avez devant vous, sera l'équivalent d'aller à l'encontre de la décision de la Cour suprême du Canada.

Dans la deuxième décision, dans l'affaire liée à l'Association de la police montée de l'Ontario, je vous invite à lire le paragraphe 72, et je cite :

[Traduction]

L'équilibre nécessaire à la poursuite véritable d'objectifs relatifs au travail peut être rompu de maintes façons. Des lois et des règlements peuvent restreindre les sujets susceptibles de faire l'objet de négociation ou imposer des résultats arbitraires. Ils peuvent interdire l'action collective des employés sans offrir de mesures de protection adéquate en compensation et réduire ainsi leur pouvoir de négociation. Ils peuvent rendre impossible la réalisation des objectifs des employés relatifs aux conditions de travail.

Voilà pour la Cour suprême du Canada. Il semble que ce projet de loi ait été proposé sans prendre en considération ce que la Cour suprême a dit. Nous parlons du juge Louis LeBel, peut-être l'un des plus grands juristes du Québec. Nous parlons du président de la Cour suprême, qui doit être l'un des juges les plus respectés au pays. Voici ce qu'ils ont écrit et ce projet de loi n'en a pas tenu compte.

Le président : Nous ne disposons que de très peu de temps, monsieur. Ce serait parfait si vous pouviez conclure.

M. Aust : Vous avez été très généreux.

Enfin, je voudrais simplement dire que la Cour suprême a décidé que, dans le cas des juges, les salaires doivent être décidés de façon indépendante, car ils exercent leurs fonctions. Je ne suggère pas que la GRC doive faire déterminer les salaires indépendants, mais je voudrais inviter ce comité à prendre connaissance de ce que j'ai écrit aux pages 46 et 47 en ce qui concerne les mesures de sauvegarde qui permettront de garantir que les titulaires de charges publiques ne deviennent pas des outils du gouvernement.

Le président : Merci monsieur. Nous allons commencer avec les questions.

Le sénateur White : Merci à tous d'être venus et merci à vous, monsieur Aust, pour la passion que vous y mettez.

Je lisais un rapport par le professeur Kent Roach sur l'indépendance de la police, et en vous écoutant et vous ayant entendu précédemment, je sais que vous vous êtes penchés sur la question.

Quand je parcours le projet de loi, je me pose la question de savoir si oui ou non le commissaire, qui est un agent de police, a suffisamment d'indépendance par rapport au gouvernement pour que des pouvoirs lui soient conférés en vertu de ce projet de loi, car il y a des éléments qui ne sont pas exclus et ne relèvent pas du gouvernement et la négociation a lieu directement entre l'agent de police, le commissaire et le gouvernement. Ne diriez-vous pas qu'il est alors sous la direction du gouvernement, ce qui est contraire aux normes de la police au Canada?

M. Aust : Vous soulevez une question à laquelle je ne peux pas répondre en deux minutes, alors pour faire plaisir au président, parce que je comprends que je lui suis subordonné, je dirais simplement ceci : Vous soulevez des questions sérieuses, et c'est pourquoi je voudrais inviter ce comité à consulter un conseiller juridique indépendant sur les propositions que je vous ai présentées, car je crois qu'il serait irresponsable de ne pas le faire.

Le sénateur White : En fait, au Canada, nous disons que la police doit répondre devant la loi, et non pas devant le législateur. Nous sommes très clairs à ce sujet.

M. Aust : Tout à fait.

Le sénateur White : Ma deuxième question s'adresse à vous également, si vous le permettez, monsieur Aust. J'ai lu votre CV et parcouru vos travaux. Je sais que vous avez travaillé pour la GRC en 2012. Pourriez-vous nous expliquer ce que l'on attendait de vous et ce que vous avez produit?

M. Aust : J'ai été invité en 2012 par le commissaire et par les représentants du peuple de l'époque pour revenir sur le rapport que j'avais rédigé en 1997 et qui a créé le Conseil de la solde de la GRC. Malheureusement, je ne sais trop pourquoi, ce document n'a jamais été traduit en français et ne semble pas recevoir beaucoup d'attention. Pourtant, je m'y penchais sur les questions que je soulève ici car je sentais que compte tenu de l'état de relations au sein du la GRC, il était impossible de créer un climat où régnerait l'harmonie et la bonne foi en discutant exclusivement de la rémunération. C'est un sujet trop étroit et quiconque a négocié... j'ai négocié quand j'étais conseiller principal du commissaire et je faisais partie des effectifs civils assermentés de la GRC. J'ai aussi négocié pendant 40 ans en tant que chef de la section du droit du travail chez Stikeman Elliott à Montréal. Je n'exerce plus comme avocat depuis que j'ai pris ma retraite tout récemment.

Je peux vous dire que si vous lisez ce rapport, vous verrez que les problèmes qui empêchent les progrès dans la culture à l'égard des femmes, la sécurité et toutes ces choses ne seront pas résolus en discutant d'un élément devant un arbitre et un autre devant le Comité externe d'examen, et voilà que vous allez créer un autre document, une convention collective. Je vous avance qu'il sera très difficile que tous les membres comprennent leurs droits et obligations. C'est trop compliqué.

J'ai écouté les propos des sénateurs Dagenais et Carignan et je dois vous dire qu'au Québec, nous avons fait beaucoup de progrès avec nos lois. Si vous n'avez pas une disposition prévoyant que si un policier s'acquittant de ses fonctions réglementaires sans être subordonné à quiconque, est congédié pour avoir protégé la population canadienne contre l'arrestation illégale, va-t-il déposer un grief ou passer à l'arbitrage avec quelqu'un nommé par le commissaire? Cela ne correspond pas du tout aux principes de la Charte, pas plus qu'à ceux de la primauté du droit. C'est antidémocratique.

Le sénateur White : Monsieur le président, si vous permettez, j'ai une copie du document dont il parle. Il est en anglais seulement. Je ne sais pas si le comité serait prêt à l'accepter dans une seule langue. Il n'a jamais été traduit par la GRC, de toute évidence. Il n'est pas considéré comme ayant paru en 2012, mais je pense que c'est un document important.

Le président : Pourrions-nous simplement le considérer comme de la documentation?

Le sénateur White : Oui, s'il vous plaît, si vous le voulez bien.

Le sénateur Ngo : Ma question s'adresse à M. Banwarie ou à M. Aust. À quel point est-il important pour les membres de la GRC de pouvoir négocier des questions comme le harcèlement? Pourquoi le système actuel ne marche pas pour les membres?

M. Banwarie : Je vous remercie de la question, sénateur. La question du harcèlement est directement liée à de nombreuses parties de la loi qui devraient être examinées par notre convention collective. Si vous la décomposez, vous verrez qu'il y a de nombreuses composantes. Ce n'est qu'un aspect parmi d'autres.

Si vous vous penchez sur un aspect comme les ressources minimales, pour citer un exemple, le manque de ressources minimales adéquates peut compromettre la sécurité des policiers; causer du stress aux gestionnaires qui tentent de vous assurer que le travail est effectué; du stress aux employés, les hommes et les femmes qui s'efforcent de faire le travail; l'absence de mesures de sauvegarde convenables; pas assez de gens pour prêter main forte. Tout cela se traduit à son tour par des gestionnaires frustrés, et de là il n'y a qu'un pas vers le harcèlement, l'intimidation et toutes sortes d'autres questions découlant d'un seul problème à la source.

Ce que les membres voient n'est donc juste qu'une partie des choses. L'autre partie, ce qui se passe au travail — intimidation, des gens à qui ont dit quoi faire qui ne sont pas d'accord ou ne pensent pas être à la hauteur de la tâche ou qu'ils n'ont pas la formation, les connaissances ou l'équipement voulus pour le faire — est une autre composante, un autre encadré latéral qui sert de levier au harcèlement. Il y a beaucoup de pièces différentes.

Nous desservons et représentons de nombreux membres qui viennent nous en parler, mais il n'y a pas de processus dans cette nouvelle loi ou la loi précédente qui s'occupe de manière indépendante du harcèlement. Si vous déposez une plainte de harcèlement contre votre supérieur, devinez quoi? Vous devenez un lépreux; personne ne veut s'approcher de vous parce que vous avez pris position et exigé que la personne soit tenue responsable de ses actions. C'est une situation sans issue. Votre carrière en souffre. Votre réputation aussi, même si vous faites la bonne chose et même si vous êtes tenu de le faire en tant que policier.

Cet exemple illustre ce qui se passe partout au pays. Il faut bien le comprendre. La seule façon de diminuer ce mal réside dans une convention collective, où la personne qui dépose la plainte est représentée par un organisme indépendant qui assume le cas à la place du membre; c'est maintenant l'association qui va négocier en son nom. C'est ce que nous devons viser.

Le sénateur Ngo : Monsieur Sauvé, vous vouliez dire quelque chose?

M. Sauvé : Avec votre permission, sénateur, je voudrais ajouter aux commentaires de M. Banwarie, et je voulais attirer l'attention du comité sur quelques éclaircissements de ce matin.

Pour ce qui est des griefs, on a parlé ce matin des arbitres et du Comité externe d'examen et du fait que les membres peuvent présenter des griefs qui sont tranchés par un arbitre, qui est un agent, un employé de la GRC, et qui est responsable devant le commissaire.

On ne peut pas toujours présenter un grief en externe. Même si vous vous adressez au Comité externe d'examen pour présenter un grief ou une plainte spécifique pour harcèlement, comme vous le savez, celui-ci se contente de faire une recommandation au commissaire, qui, de nouveau, tranche en dernier recours sur les questions de harcèlement et les griefs.

La seule façon, selon nous, de résoudre la question du harcèlement au sein de la GRC, c'est en braquant dessus les projecteurs. Et la seule façon de braquer les projecteurs dessus, c'est de porter l'affaire au dehors. Il nous faut trouver le moyen de soumettre le commissaire à une décision contraignante prise par un organe externe. Si c'est la CRTEFP, alors c'est la CRTEFP.

Le sénateur Ngo : Si c'est le cas, est-ce que vous considérez alors l'absence d'un processus indépendant dans le cadre du système des griefs au sein de la GRC comme conforme à la constitution?

M. Sauvé : C'est ce qu'il y a aujourd'hui. Dans l'idéal, lorsqu'on voit la tournure que prend le projet de loi C-7, les griefs relatifs à une convention collective seront traités en externe. Aujourd'hui, la situation peut encore évoluer.

M. Engelmann : Pour répondre à votre question, monsieur, sur la constitutionnalité, il ne s'agit pas de l'absence d'une disposition particulière. Il y a mille et une raisons pour lesquelles le « harcèlement » devrait figurer dans une convention collective. Il suffit de constater que plus de 400 agents ont déposé une plainte au civil. De toute évidence, ils ne croient pas dans le système en place aujourd'hui en interne et se tournent vers quelque chose de plus indépendant.

Il faut voir quelle est la combinaison de restrictions ici. Il y a un processus disciplinaire qui est loin d'être aussi indépendant que les régimes réglementaires dans les autres provinces parce que c'est le commissaire qui nomme les personnes qui décident. Puis, il y a d'autres questions — dont quelques-unes ont déjà été abordées aujourd'hui — et M. Banwarie a parlé de la question du harcèlement et des questions de personnel. Il y a les transferts. Il y a les employés en probation. La question des pensions. Celle des uniformes et des vêtements. Toutes questions qui peuvent être négociées dans les autres régimes provinciaux.

C'est l'effet combiné de ces restrictions sur la négociation collective qui font de ce texte législatif quelque chose de troublant qui n'ouvre pas la voie à une véritable négociation collective. Voyez en quels termes est rédigée la décision sur l'APMO. Elle n'a qu'un an. Le choix des termes est très important.

M. Aust : Pour répondre à votre question sur le harcèlement, en 1995, j'ai invité le commissaire de l'époque à me rejoindre dans un motel. Je l'ai entouré de 12 policières de la GRC. Il m'a demandé qui il allait voir et je lui ai dit, « vos membres. » J'ai dit « Je ne vais pas me charger de l'ordre du jour. Il n'y en a pas. Nous allons juste les rencontrer. » Sa fille était membre de la GRC. Il a quitté la pièce, je crois pouvoir vous dire que 25 ans plus tard, la situation n'a guère changé. Elle n'a pas changé à cause du système paramilitaire de promotion. Il vous faut gravir les échelons. Si vous allez contre le grain, vous pouvez être éliminé. Il y a donc une situation conflictuelle entre une personne titulaire d'un office, qui est indépendante, alors que l'organisation est de type paramilitaire. Ce sont des rôles contradictoires. Tous deux sont nécessaires, mais la seule façon de parvenir à un équilibre, c'est de confier la décision à une personne indépendante. En dehors de cela, on ne résoudra pas les problèmes.

[Français]

Le sénateur Dagenais : J'aurais deux questions pour M. Banwarie. Vous et vos collègues avez fait allusion à la culture de la GRC. Lorsque j'étais membre du conseil de direction de l'Association canadienne des policiers, nous avions dû intervenir dans un dossier où l'on avait appris que, lorsque les policiers de la GRC mouraient en service, il y avait des funérailles civiques et la facture était envoyée à la famille. Je ne sais pas si c'est réglé aujourd'hui, si la GRC paie la facture. Nous avons trouvé cela honteux. Pouvez-vous nous dire si c'est réglé? Cela illustre la culture qui règne au sein de l'entreprise.

Ma deuxième question est la suivante : vous représentez deux associations de deux provinces importantes. La direction de la GRC vous a-t-elle déjà consulté sur certains aspects touchant les policiers? Ou, a contrario, puisque vous êtes membre d'une association représentant les policiers de la GRC — je dis « association »; il n'y en a pas, mais vous avez quand même une association qui s'occupe de ses membres —, avez-vous été harcelé pour avoir participé à des activités syndicales?

[Traduction]

M. Banwarie : Merci pour votre question, sénateur. Je répondrai à la première partie. Que les membres aient ou non affaire à nous, lorsqu'ils ont affaire à nous, c'est parce qu'ils ont tout essayé en interne et que cela n'a rien donné. Lorsque cela arrive, en gros, on n'a pas d'autre recours que de frapper du marteau sur la table et de dire les choses telles qu'elles sont. Parfois, c'est à la dernière extrémité.

Je peux vous citer un exemple, celui d'un détachement rural dans les Prairies, où un mari et sa femme font équipe. Cela touche la question du harcèlement. Elle attend son premier enfant. Le plus beau moment. J'ai deux enfants. Ma fille vient juste d'avoir six ans. C'est le meilleur moment de votre vie, ce devrait l'être. Il y a des complications dans la grossesse. C'est un détachement rural, n'oubliez pas. Elle s'adresse au sergent d'état-major et lui dit : « Mon docteur m'a conseillé de ne plus travailler ici parce que cela pourrait compromettre ma grossesse, si je me trouve mêlée à une altercation ou si quelque chose arrive. » Elle lui remet le certificat médical, comme chacun est tenu de le faire lorsqu'on doit s'absenter du travail et elle sort.

Cela ne suffisait pas. On lui demande « Qu'est-ce qui ne va pas? Pourquoi ne peux-tu pas venir travailler? Nous avons besoin de plus d'information. » Elle répond « Non, non, non. Vous avez ce que vous avez demandé. C'est tout. » À quoi le sergent d'état-major répond « Non. Nous avons besoin de savoir exactement pourquoi vous ne venez pas et quels sont les problèmes. » Elle répond « Non. Vous n'y avez pas droit. Vous avez droit au 2135, » c'est-à-dire au formulaire. « Le voici. Le médecin y précise pourquoi je ne peux pas être ici. » Le sergent d'état-major lui dit, « Nous voulons davantage d'information. Si vous ne nous la donnez pas, nous ne vous payerons pas. » Je n'en reviens pas : pardon?

Il y a mieux. Cela passe à l'échelon supérieur. Le mari travaille dans le même bureau, apprend ce qui se passe et dit, en gros, « Si vous mettez en danger notre premier enfant, vous allez le payer. » Ils ne font ni une ni deux, ils imposent une sanction disciplinaire aux membres pour avoir défendu sa famille, sa femme. À partir de là, c'est l'escalade. Lui doit quitter son travail parce que l'environnement est empoisonné. Il ne peut pas travailler parce qu'il va être ciblé. Il l'est déjà parce qu'il défend sa famille et son enfant à naître. Ils s'en vont tous les deux.

Que faisons-nous lorsque nous allons chercher des gens, nos clients? On frappe à la porte pour voir si on peut leur parler. Sinon, on laisse une carte de visite. C'est ce que fait la direction à ce couple. Tous deux sont des membres de la GRC; sans problèmes antérieurs. C'est le seul incident qu'il y ait eu.

On en vient au point suivant où ils ont laissé le travail. Ils ne peuvent pas travailler à cet endroit. Cela remonte jusqu'au niveau du surintendant, qui leur envoie une lettre disant « si vous ne reprenez pas le travail et ne fournissez pas l'information, vous serez privés de vos avantages médicaux et de votre solde ».

C'est à ce stade que nous intervenons. Nous disons, « cela ne se produira pas. » J'interviens. J'écris au commandant du poste disant, « Voyez, vous n'êtes peut-être pas au courant de ces différentes choses. Il y a certaines règles et dispositions de la loi auxquelles vous devez vous conformer. Ce sont des personnes. Elles ont des droits. Vous ne pouvez pas faire cela. Si vous ne réglez pas le problème, vous devrez le régler en public parce que si cette famille décide de rendre l'affaire publique, cela vous fera mauvaise presse. »

Nous essayons de désamorcer ce genre de conflit — pas seulement dans les zones rurales, mais dans les grandes villes aussi. Pour ce genre de choses, oui, pour ce qui est du harcèlement, c'est similaire, en raison de mon travail. Dans les différentes unités où j'ai travaillé, je suis intervenu en coulisses pour beaucoup de monde. J'ai travaillé au fédéral pendant longtemps. Mon meilleur travail, c'était en patrouille, parce que là, vous êtes avec quelqu'un, un gars ou une fille, qui est là pour vous aider quand vous avez besoin d'eux. La police fédérale, c'est une notion complètement différente, avec plus de politique dans les rangs. Mais les mêmes choses me sont arrivées. J'étais la personne quand je travaillais dans l'unité. Sans faire de bruit; sans me montrer agressif. Je traitais avec les gens en professionnel, mais en même temps, je leur disais « Vous n'allez pas faire cela. Vous ne pouvez pas le faire. Vous ne pouvez pas parler de cette façon à ce membre. Cela est déplacé et non professionnel. Vous ne pouvez pas. » Que se passe-t-il, selon vous, dans une organisation paramilitaire comme la nôtre? En fait, vous vous privez d'avancement — non pas parce que vous faites quelque chose de mal, mais parce que vous faites respecter le règlement. Quelqu'un de bien plus célèbre que moi a dit un jour que le règlement que l'on suit est le règlement que l'on accepte. Il appartient à chacun de nous, même ici à ce comité, de veiller à rédiger et à créer des lois et à adopter la législation appropriée, celle qui va protéger nos gens.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Est-ce qu'ils continuent de facturer les familles pour les funérailles? C'était une demande de l'Association canadienne des policiers. Un corps de police qui se respecte paie les funérailles civiques. Est-ce qu'ils les paient, à l'heure actuelle, ou est-ce qu'ils continuent d'envoyer la facture à la famille tout en disant qu'ils s'en chargent afin de bien paraître dans les médias?

[Traduction]

M. Banwarie : Je pense que dans certains cas, les coûts sont couverts. Je sais que pour Moncton, pour nos frères qui y sont morts, à notre petit niveau, nous avons fait ce que nous devions faire. Nous avons envoyé un peu d'argent aux membres de la famille parce que c'était ce qu'il fallait faire pour les aider à ce moment-là.

Le président : Monsieur Sauvé, vous avez des commentaires sur cette question?

M. Sauvé : Je peux parler des funérailles. Grâce à cette intervention en 1994, je crois, oui, la GRC a pris en charge les frais pour la famille des membres qui sont morts en service. Il y a des dispositions qui fixent le montant et le reste.

Pour ce qui est du conflit sur le lieu de travail, qui, en cas d'escalade, peut se transformer en harcèlement, comme le disait M. Banwarie, je crois devoir rappeler ce que disait ce matin le sous-commissaire Dubeau, le commissaire adjoint MacMillan et le commissaire adjoint White, en ce qui concerne les ressources et le manque de ressources. En fait, ce comité-ci ou le sénateur Kenny ont fait le rapport en 2012, je crois, qui disait que nous aurions besoin de 5000 ou 7000 membres de plus. C'était en 2012. Nous sommes en 2016. On a mentionné ce matin le chiffre de 19 000 pour les effectifs réguliers. Ils ne donnent pas le chiffre officiel — peut-être ne le connaissent-ils pas — mais cela inclut les officiers. D'après mes derniers chiffres, nous sommes environ 18 000 membres réguliers dans tout le pays. Mais c'est un assez bon chiffre.

Il faut savoir qu'à l'heure actuelle il y a entre 400 et 600 postes non pourvus, les crédits sont là, mais ils restent vacants à l'échelle du pays. Chaque jour, il y a à peu près 1 000 membres de la GRC qui sont en congé de paternité, ou en congé pour raisons de famille, ce qui est un avantage fantastique pour nos membres. Il faut savoir aussi que ceux qui prennent ces congés pour raisons de famille sont généralement les plus jeunes, ceux qui sont en âge d'avoir des enfants. Dans notre organisation, simplement parce que nous avons plus d'hommes, ce sont les hommes qui prennent proportionnellement plus de ces congés. La plupart du temps les membres de ce groupe sont des agents en uniforme, frais émoulu de la Division Dépôt, qui en sont à leur premier ou à leur deuxième poste. Ils ne sont pas remplacés à leur poste. Cela fait 1 000 postes vacants de plus chaque jour de l'année. Nous en sommes à 1 400 ou 1 500 maintenant.

À quoi il faut ajouter les membres engagés dans un processus de gestion des cas d'invalidité et qui retournent au travail, en raison d'une forme quelconque de maladie. On en compte, quotidiennement, autour de 800. Cela fait presque 2 200 ou 2 300 membres sur des effectifs de 18 000, qui chaque jour ne se présentent pas au travail. C'est comme cela qu'un poste de cinq policiers tourne avec deux seulement, et un de 40 avec 18 à peu près, parce qu'on n'a pas encore parlé de ceux qui sont en congé annuel, ceux qui ont la grippe de 24 heures ou ceux qui suivent une formation obligatoire. Superviseur des services généraux, c'est le meilleur emploi que j'ai eu dans la force, et je sais que, n'importe quel jour de l'année, si sur un service de 20 personnes, vous en avez 12 qui se présentent au travail, vous avez de la chance.

Cela nous amène aux questions liées au stress post-traumatique et les blessures de stress opérationnel dans les cas d'épuisement professionnel. Dans le Lower Mainland, où nous travaillons Rae et moi, Surrey ne réussit plus à recruter des volontaires pour des heures supplémentaires afin de pourvoir des postes qui sont vacants. Leurs membres sont épuisés.

Le profil démographique des effectifs aujourd'hui est différent. Un peu plus de 60 p. 100 de nos membres comptent moins de 10 années de service et sont âgés de 25 à 35 ans. La qualité de la vie et le temps passé en dehors du travail comptent beaucoup pour eux.

Pour ce qui est de la convention collective, comme l'a dit Manon ce matin, quand on parle de solde, cela couvre beaucoup de choses. On vous a donné une liste de choses qui peuvent être négociées. Elles entrent toutes dans la solde : les jours fériés payés, le temps supplémentaire, les interventions sur appel et la disponibilité opérationnelle. Tout cela est directement relié à la solde. Si un agent négociateur ne peut même pas parler à l'employeur lors d'une séance de négociation de niveau optimal de ressources, on n'y arrivera jamais. Nous n'aurons jamais cela dans une convention collective et l'on continuera d'encourager cette culture de l'épuisement professionnel à la GRC aux yeux des Canadiens et au détriment de nos membres.

[Français]

Le sénateur Carignan : Dans le fond, ce que je comprends, c'est que dans le concept de négociation sur la conduite, la discipline, et cetera, ce que vous recherchez, c'est d'avoir une personne indépendante, impartiale qui pourra régler les litiges entre les parties. Si cela ne fait pas partie de la négociation, vous ne pourrez pas l'avoir, parce que dans la loi, le commissaire est l'homme le plus puissant au Canada, je crois. J'ai rarement vu un cas où une personne a le pouvoir de congédier 21 000 personnes sans motif, et où cette même personne est chargée de l'appel final. Vous n'avez donc pas ce véhicule-là, et c'est la seule façon de l'obtenir.

Comment se fait-il que cela n'ait pas été contesté avant le pouvoir du commissaire comme une sorte de tribunal final? Je comprends qu'il y a beaucoup de dossiers qui sont dirigés vers la Cour fédérale. Le nombre de dossiers qui sont transmis à la Cour fédérale doit être terrible, parce que ce n'est pas indépendant, ni impartial. La Cour supérieure ne doit avoir aucune retenue pour contrôler les comportements d'une personne à ce niveau. Cela n'a jamais été défié. Est-ce que la seule façon est de le mettre dans la négociation de conventions collectives?

J'aimerais souligner quelque chose. J'ai déjà gagné, en Cour d'appel, un arbitrage contre le comité médical de l'Association de bienfaisance des policiers, dans lequel une des parties avait un avantage dans le choix de l'arbitre. Simplement pour cette raison, j'ai pu faire annuler la décision. Aujourd'hui, nous sommes loin d'un cas semblable. Ce que nous avons ici est pire, et cela n'a jamais été contesté. Dois-je donc comprendre que le seul véhicule est de le mettre dans la convention collective afin d'avoir un arbitre?

M. Sauvé : J'aimerais bien vous répondre en français, mais comme cela fait une quinzaine d'années que je ne parle pas le français régulièrement, j'utiliserai le franglais.

Le sénateur Carignan : Soyez à l'aise. C'est un pouvoir constitutionnel de pouvoir s'exprimer dans la langue de son choix.

[Traduction]

M. Sauvé : La Cour fédérale a toujours signifié la fin de notre statut de membres. Nous espérons changer cela. Dans le cadre du régime actuel nous sommes loin de la Cour fédérale. Cela prend cinq, peut-être six ans. Avec la nouvelle loi C-42, elle doit encore être mise à l'épreuve sur ce plan. Lorsque vous disposez d'un recours devant la Cour fédérale, vous saisissez la Cour fédérale en tant que civil parce qu'il n'y a plus de disposition permettant de suspendre l'exécution des décisions. Si vous êtes mis à pied, vous faites appel devant la Cour fédérale ou en interne en tant que civil, alors qu'avant vous pouviez rester membre.

Vous demandiez s'il fallait que cela soit inscrit dans la convention collective, le fait que ce soit exclu de la législation semble indiquer que, si le sénateur Campbell était l'employeur et moi l'employé, nous ne pourrions même pas réellement discuter de la façon d'aborder les questions concernant la dotation en personnel, la conduite, les griefs ou le harcèlement, parce que cela ne peut faire l'objet de négociations.

Bien que j'aie encore foi et confiance dans la direction de la GRC jusqu'à un certain point, — selon certains, je ne devrais pas — je ne crois pas ce que le commissaire adjoint MacMillan a dit ce matin, que nous aurons un comité consultatif mixte. Si on voulait que ce soit le cas, il faudrait pouvoir en négocier les modalités et les inscrire dans la convention collective. De cette façon, il devient obligatoire de constituer un comité consultatif mixte et d'en préciser les détails de sorte que tous les employés et la direction peuvent savoir à quoi il va ressembler — quelle que soit la forme qu'il prendra. Un paragraphe consacré au niveau de dotation, un paragraphe consacré à la conduite, si c'est ce que vous voulez, mais au moins la convention collective est là, vous en avez parlé, vous avez mené des consultations fructueuses et vous avancez. Mais simplement le laisser de côté sans même aborder la discussion, pour moi, c'est une ânerie.

M. Engelmann : Je me demande si je pourrais répondre à la question du sénateur Carignan. Je crois avoir compris tout ce que vous avez dit. Votre plus grand souci, naturellement, est que vous voulez éviter de trancher les questions disciplinaires devant la Cour fédérale. À la Cour fédérale, on demande un examen judiciaire, et c'est un recours très limité, comme vous le savez. Vous voulez que ces questions soient examinées par des tribunaux indépendants.

J'ai eu le plaisir de plaider ma cause jusque devant la Cour suprême du Canada, en faisant valoir que le Tribunal des droits de la personne était suffisamment indépendant de la Commission des droits de la personne. Les questions d'indépendance institutionnelle et d'impartialité me tiennent à cœur.

Ce qui nous préoccupe ici, c'est la question de la dotation en personnel, qui devrait faire l'objet de négociations. Il ne devrait pas y avoir de restriction. Dans la police, on a trop souvent recours à la réglementation pour régler les problèmes, et non à la voie habituelle de la négociation collective, et cela ne peut pas marcher. Mais ce processus doit être vraiment indépendant. Le commissaire ne peut pas décider qui fait quoi parce que le processus n'est pas indépendant sur le plan institutionnel, le processus actuel, et c'est ce que le projet de loi demande maintenant de maintenir en place.

Par conséquent, ou bien vous autorisez la négociation collective sur les questions de discipline et l'on suit la voie ordinaire comme dans les relations de travail courante — les parties choisissent une tierce partie, et c'est cette dernière qui décide — ou bien vous avez des régimes comme celui que nous avons en Ontario et dans de nombreuses provinces où le régime disciplinaire de la police établi par la loi est indépendant du commissaire ou du chef de la police parce que, autrement, le processus ne peut être équitable et impartial. Ce qui ne sert les intérêts de personne.

Le président : Monsieur Aust, veuillez être bref.

M. Aust : Très brièvement, on a posé la question : comment se fait-il que les pouvoirs de ce commissaire omniprésent n'aient pas été remis en question durant toutes ces années. La réponse est qu'aucune loi écrite n'a jamais été aussi forte que la tradition d'une organisation. Là est toute la question. Cette législation sera le pilier sur lequel reposeront les rapports à venir, et s'il a des défauts, il ne supportera pas le poids. C'est le problème que nous avons aujourd'hui, tout ce qui concerne les règles non écrites. C'est le régime interne du système qui doit être remis d'aplomb.

La sénatrice Jaffer : Je voudrais vous poser une question rapidement, monsieur Sauvé, à propos du vote à bulletin secret.

M. Sauvé : Vous pouvez me la poser rapidement. La réponse sera-t-elle rapide? Je peux répondre rapidement.

La sénatrice Jaffer : Nous n'avons que peu de temps.

M. Sauvé : J'ai suivi de nombreux débats et parlé aux députés des différents partis et je connais leurs points de vue sur la question.

Pour ce qui est du vote à bulletin secret, j'ai l'impression pour ma part que ce débat fait diversion. On essaie de détourner l'attention des questions réellement controversées que soulève le projet de loi, à savoir, en ce qui nous concerne, les exclusions et l'arbitrage par quelqu'un de qualifié dans le domaine de la police, la présidence du comité d'arbitrage.

Sur la base des dispositions actuelles de la LRTFP ou de sa nouvelle version dans le projet de loi C-7 lorsqu'une organisation d'employés fait une requête en accréditation, un vote doit être organisé en vertu de la CRTEFP. On peut supposer qu'il s'agit d'un vote à bulletin secret en vertu de la CRTEFP. Les renseignements relatifs à l'employé et les cartes de membres, si vous voulez, qu'ils existent sur papier ou sous forme électronique, ne sont pas communiqués à l'employeur. Ils sont fournis à la CRTEFP en dehors de la GRC. Ce scrutin est laissé à leur entière discrétion. En vertu de la loi actuelle, il est obligatoire.

Si le C-4 est adopté, et dès son adoption, s'il y a moins de 50 p. 100 de soutien pour une organisation d'employés, un vote peut être exigé. Une organisation d'employés qui recueille plus de 50 p. 100 des suffrages peut soit demander un vote, soit dire « nous sommes satisfaits de ce qui a été présenté. »

Le vote à bulletin secret, je crois, embrouille quelque peu les idées des adhérents. Ils se voient face à ce choix, « Est- ce que nous allons voter pour nous syndiquer ou ne pas nous indiquer? » En réalité, la question qui est posée, c'est, « allons-nous voter pour cette organisation syndicale particulière qui a présenté une demande ou non, en fonction de la loi en vigueur? » Celle d'aujourd'hui, postérieure au projet de loi C-4.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Banwarie, j'ai une question à vous poser. C'est une question difficile, mais elle concerne le paramilitaire. Je viens du Lower Mainland. J'adore la GRC pour qui j'ai un grand respect. J'y ai travaillé autrefois. Dans votre organisation, c'est : fais pareil, sois pareil, pense pareil. Une femme ne pose pas la question de la même manière. On peut appartenir à une minorité ethnique. Nous avons parlé de harcèlement, mais le harcèlement prend une forme toute différente lorsqu'on est un peu différent. C'est là un autre défi, n'est-ce pas?

M. Banwarie : Oui, et parlant en tant que membre d'une minorité visible, j'en ai eu plus que ma part dans l'organisation concernant les retards dans mon avancement, parce que je ne réagis pas comme on le souhaiterait, parce que je fais partie de ces gens pour qui ce qui est juste est juste, ce qui est mal est mal. On ne biaise pas, on ne dit pas, « il y a une nuance de gris, là. » Lorsque ce que vous faites est juste, vous faites ce qui est juste.

Une grande part des gens que nous aidons, une grande part des femmes qui m'appellent pour demander de l'aide, viennent d'un peu partout dans le pays, et c'est en rapport direct avec des conflits sur le lieu de travail, qui dans bien des cas sont du harcèlement. C'est là, et cela restera là tant qu'on ne s'y attaquera pas.

La sénatrice Jaffer : J'ai parlé en privé avec le président et je lui ai dit, « Nous avons mis l'accent sur le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, mais c'est juste un élément. »

M. Banwarie : Exact.

La sénatrice Jaffer : Peut-être nous faut-il examiner la question du harcèlement en général.

M. Banwarie : Les hommes aussi sont souvent victimes de harcèlement, mais ce n'est pas très bien vu de parler de cela, à la GRC, on ne s'attend pas à cela. Mais beaucoup de policiers y sont exposés et ils en pâtissent également. Ce n'est pas juste les femmes et le harcèlement n'est pas seulement sexuel.

M. Sauvé : Brièvement, là-dessus : Le commissaire a témoigné ici, il y a trois semaines environ, et il a effectivement signalé que 55 p. 100 des plaintes de harcèlement proviennent d'hommes. Il a un petit peu tordu le bâton dans votre sens, si je peux m'exprimer ainsi. Désolé, Bob, si tu regardes. Donc, 55 p. 100 des plaignants sont des hommes et 45 p. 100 des femmes. Mais il ne faut pas perdre de vue que le rapport hommes-femmes dans nos effectifs est de 80/20. Donc si vous avez 45 p. 100 des plaintes qui viennent de 20 p. 100 de vos effectifs, il y a un problème, par rapport aux 55 p. 100 des plaintes qui proviennent de 80 p. 100 de vos effectifs.

Le président : Il me semble qu'il y a beaucoup de problèmes quel que soit l'angle d'observation.

La sénatrice Beyak : Je me suis toujours souciée également des exclusions, et j'espère avoir été claire lorsque le sénateur Campbell a pris la parole ce matin. Tous ceux qui m'appellent, — les agents, les membres de ma circonscription — s'étonnent que nous soyons les seuls au monde, semble-t-il, à imposer ces exclusions. Le ministre a dit que nous ne devions pas nous en faire parce qu'elles sont toutes regroupées ailleurs, mais cela semble tellement embrouillé. Pourquoi, selon vous, le gouvernement freine-t-il des quatre fers là-dessus? Parce que je n'arrive pas à le comprendre.

M. Sauvé : Pour moi, c'est extrêmement simple. Parce qu'ils le veulent. Comme l'a dit Mme Brassard aujourd'hui au comité, lors de l'examen article par article, les employés de la GRC sont des employés du Conseil du Trésor. Ils devraient, par conséquent, être traités comme des fonctionnaires. Comme le démontre clairement le mémoire que je vous ai envoyé, dans sa première partie, pour les membres de la GRC, il existe de nettes différences entre ce que nous faisons et ce que fait la fonction publique. Cela doit être inscrit dans la loi. Le projet de loi C-7 nous offre la possibilité de le faire.

Certes, il y a des plaintes en vertu du Code canadien du travail. Certes, il y a des enquêtes qui aboutissent à des mises en accusations. Cependant, je vous fais remarquer que les enquêtes et les plaintes en vertu du Code canadien du travail interviennent toujours ex post, après que quelqu'un ait subi un tort, après que quelqu'un ait couru un risque. Il nous faut nous donner les moyens de prendre des mesures préventives, que ce soit en améliorant l'équipement, l'uniforme ou les protocoles de sécurité, pour supprimer la raison d'être de ces plaintes.

M. Engelmann : Ceux qui préconisent l'adoption de ce projet de loi cherchent, je crois, à gagner sur les deux tableaux. Ils veulent traiter les membres de la GRC qui sont des agents de maintien de la paix, comme des fonctionnaires ordinaires. Mais ils ne relèvent pas de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et ne devraient par conséquent pas être traités comme si c'était le cas. Il convient de les traiter de la même façon que les agents de police partout au pays. C'est le problème qui se posait avant qu'ils ne soient autorisés à se syndiquer. C'est le problème aujourd'hui quand ils ne sont pas autorisés à négocier et à recourir à l'arbitrage pour la défense de leurs intérêts, à l'instar des autres forces de police dans ce pays.

Ne sachant pas si j'allais pouvoir venir, j'avais préparé un tableau comparatif des restrictions. Il est en anglais seulement. J'essaierai de le faire traduire et de le remettre au greffier, si vous me le permettez, parce que je crois que c'est important. Il y a beaucoup de fumée et de reflets ici, et le gouvernement laisse entendre que, en réalité, les agents auront beaucoup de marges de négociation, mais, comme plusieurs d'entre vous l'ont fait remarquer, cela ne concerne que la solde. Il y a quantité de questions importantes que les agents de police peuvent négocier partout au pays, et ceux de la GRC devraient pouvoir en faire autant.

Le président : Merci, chers collègues et merci, monsieur Engelmann. Vous pourrez nous fournir cela à titre d'information que nous ferons traduire, si vous désirez.

Le temps nous a rattrapés. Il est 15 h 10 et le moment est venu de remercier tous les témoins de ce groupe.

Pour le cinquième groupe de la journée, nous accueillons Roy Hill, secrétaire adjoint et trésorier du Fonds de recours juridique des membres de la Gendarmerie; Mike Webster, psychologue témoignant à titre personnel; et, par vidéoconférence, Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers.

Bienvenue messieurs. Je crois savoir que vous avez chacun une déclaration en ouverture et, monsieur Stamatakis, comme vous témoignez à distance, je vais vous demander de commencer et vous serez suivi par M. Hill, puis par M. Webster. Nous aurons une heure pour ce groupe de témoins. Je vous en prie, monsieur, vous pouvez commencer.

Tom Stamatakis, président, Association canadienne des policiers : Merci et bonjour, honorables sénateurs. Je m'estime privilégié de pouvoir témoigner devant vous cet après-midi à l'occasion de la poursuite de votre étude du projet de loi C-7 qui, s'il était adopté, donnerait enfin aux membres de la Gendarmerie royale du Canada les mêmes droits que ceux dont jouissent d'autres policiers au pays, soit celui de décider de leurs propres relations de travail dans l'avenir.

En ma qualité de président d'une association représentant plus de 60 000 civils syndiqués et policiers assermentés, j'aurais aimé me montrer plus emballé à propos de cette mesure législative que l'ACP réclame depuis longtemps déjà, en fait depuis sa création.

Je tiens à souligner que notre association appuie les membres de la GRC qui contestent les exclusions dont ils font l'objet depuis longtemps, exclusions qui les empêchent de mener des négociations collectives véritables, y compris lors de leur participation aux audiences de la Cour suprême du Canada en qualité d'intervenants dans une cause qui, en fin de compte, a contraint le gouvernement à présenter cette loi.

J'aurais donc aimé applaudir cette mesure — qui est certainement un pas dans la bonne direction —, mais le projet de loi C-7 est tellement imparfait que, selon moi, il ne respecte pas l'esprit du jugement rendu par la Cour suprême en 2015.

Comme vous le savez sans doute, la cour a invalidé l'ancien régime de relations de travail qui s'articulait essentiellement autour du Programme des représentants des relations fonctionnelles. En vertu du système précédent, les représentants des relations fonctionnelles, ou RRF, qui n'étaient pas indépendants de la chaîne hiérarchique de la GRC, pouvaient représenter les membres dans une certaine mesure dans les questions concernant le milieu de travail, mais ils ne pouvaient pas recourir à la convention collective pour négocier les rémunérations et les avantages sociaux ni aux instruments d'arbitrage indépendants pour les autres questions.

En vertu de la nouvelle structure proposée, qui s'appliquerait si le projet de loi C-7 était adopté sans modification, un nouvel organisme de relations de travail pourrait négocier collectivement les rémunérations et les avantages sociaux, mais à cause des exclusions précisées dans ce texte de loi, il n'aurait pas la possibilité de représenter les gendarmes dans les autres questions concernant le milieu de travail.

Permettez-moi de citer l'arrêt de la Cour suprême pour expliquer notre opposition à ces exclusions :

Nous concluons que la liberté d'association garantie par l'al. 2d) protège l'existence d'un processus véritable de négociation collective qui offre aux employés une liberté de choix et une indépendance suffisantes pour leur permettre de décider de leurs intérêts collectifs et de les défendre. Le régime actuel de relations de travail de la GRC prive les membres de cette liberté de choix et leur impose un programme qui ne leur permet pas de définir et de faire valoir leurs préoccupations professionnelles à l'abri de l'influence de la direction.

Selon le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui, si les exclusions étaient maintenues, je suis intimement convaincu que le gouvernement se trouverait à ouvrir la porte à d'autres litiges et à contraindre les membres de la GRC à consacrer plus de temps et d'argent à la contestation d'un système les empêchant, comme la cour l'a indiqué, « de définir et de faire valoir leurs préoccupations professionnelles à l'abri de l'influence de la direction. »

Je vais vous expliquer un peu comment nous en sommes arrivés à cette conclusion. Je suis président de mon association locale, la Vancouver Police Union, depuis 1998 — soit depuis près de 18 ans. Je participe également aux associations de police aux échelons provincial, national et même international, puisque je suis actuellement président de l'International Council of Police Representative Associations.

Dans ce rôle, tout comme je le fais au sein de ma propre association, j'orchestre le travail d'un ensemble de comités mixtes qui collaborent avec les directions des corps policiers dans presque tous les aspects du fonctionnement d'un service de police moderne, de la dotation et au déploiement, en passant par la santé et la sécurité, l'équipement et les uniformes et même les promotions au sein des corps policiers. On peut à juste titre affirmer qu'il ne se passe pas de grand-chose au sein des corps policiers du Canada sans que nos associations locales soient au moins consultées ou soient appelées à jouer un rôle important dans la mise en œuvre des décisions.

Voilà pourquoi nous avons trouvé particulièrement agaçante une grande partie des débats qui ont eu lieu autour de ce projet de loi, à la Chambre des communes. Je n'insisterai jamais assez sur le fait que les inclusions précisées dans le projet de loi C-7 revêtent un caractère unique dans l'univers de la police.

On a beaucoup parlé de la nature unique de la GRC, bien que, personnellement, je conteste cette hypothèse de départ. Les corps policiers provinciaux du Québec et de l'Ontario présentent des structures quasiment pour ne pas dire entièrement identiques à celles de la GRC. Les deux sûretés provinciales font du travail de police à l'échelle des provinces et remplissent des mandats municipaux, tout comme la GRC. Les deux couvrent de vastes territoires géographiques aux populations diversifiées, tout comme la GRC. La seule différence réside dans le fait que les membres de la Sûreté du Québec, de même que ceux de la Police provinciale de l'Ontario, sont représentés par des associations élues qui ont les mêmes pouvoirs que les associations de policiers municipaux en ce qui a trait à la collaboration avec la direction des corps policiers, sur les mêmes dossiers que ceux dont je m'occupe en ma qualité de président de la Vancouver Police Union.

Il arrive que des conflits se produisent entre les associations et les directions, mais je pense que vous aurez beaucoup de mal à trouver un chef de police ou un commissaire, au Canada, qui ne comprenne pas et qui n'apprécie pas le rôle que peut jouer leur association locale, celui de défenseur des hommes et des femmes qu'il dirige et qui sont en première ligne. Il convient de remarquer que le milieu de la police est tout à fait particulier en ce sens que chaque chef, chaque dirigeant, a débuté sa carrière de la même façon, soit en effectuant des patrouilles à pied ou à bord d'un véhicule, dans la peau d'un jeune policier frais émoulu de l'école. Ces responsables reconnaissent la valeur qu'une association solide peut apporter à leurs services de police locaux et j'ai beaucoup apprécié mes propres relations avec ses directeurs de police, même en période de désaccords.

Je veux vous laisser du temps pour les questions, mais je conclurai sur une chose : le projet de loi C-7 est une mesure positive en ce sens que les membres de la GRC auront enfin le droit de décider pour eux-mêmes de la meilleure façon de négocier leurs relations de travail. Toutefois, je vous invite à tenir compte du jugement de la Cour suprême qui nous a conduits jusqu'ici, à respecter l'esprit de cet arrêt et à modifier le projet de loi en retirant les exclusions qu'il contient. À terme, il nous permettra d'éviter toute une série de litiges coûteux en temps et en argent et de faire en sorte que les membres de la GRC puissent s'acquitter de leurs fonctions au sein du milieu de travail qu'ils méritent. Nous parviendrons, par le fait même, à instaurer un certain degré de reddition de comptes tant pour la direction de la GRC que pour les employés, en matière de relations de travail.

Merci de votre attention.

Le président : Merci, nous allons maintenant passer à M. Hill.

Roy Hill, secrétaire adjoint et trésorier, Fonds de recours juridique des membres de la Gendarmerie : Bonjour, honorables sénateurs, et merci de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.

Je suis entré à la GRC en 1968 et j'appartiens donc à une époque différente pour cette institution. Je crois même que M. Campbell est arrivé un peu après moi, ce qui ferait de moi le plus ancien de la GRC dans cette salle aujourd'hui. J'ai accumulé 40 années de service dans différentes provinces, dont le Nouveau-Brunswick, l'Ontario et Terre-Neuve-et- Labrador.

Permettez-moi de vous donner quelques informations de base sur le Fonds de recours juridique des membres de la Gendarmerie.

J'ai été élu par les membres de la GRC de Terre-Neuve-et-Labrador pour les représenter dans le cadre du Programme des représentants des relations fonctionnelles. J'ai été ainsi élu et réélu pendant 13 années. Avant cela, je m'intéressais déjà à ce dossier, puisque j'avais été élu en qualité de remplaçant du représentant, ce que je fis pendant 13 années. Cela fait donc 26 ans en tout que je m'intéresse de près au bien-être et à la dignité des membres de la GRC.

Je me sens encore porteur de la « tunique rouge », comme la plupart d'entre nous, et je n'ai donc personnellement rien contre cette organisation. Cependant, j'ai toujours eu pour objectif d'améliorer la situation. Quand les membres sont traités avec justice et équité, qu'on s'occupe d'eux, ils peuvent alors offrir le service qu'on attend d'eux aux Canadiens et tout le monde en ressort gagnant.

En 1995-1996, nous avons pris conscience qu'il fallait pouvoir effectuer des recherches et réaliser certaines choses au nom de nos membres. Quelque chose manquait, et manquait cruellement. C'est alors que nous avons créé une société, baptisée Fonds de recours juridique des membres de la Gendarmerie, complètement distincte de la GRC. La GRC n'avait rien à y voir, elle ne la contrôlait pas et elle était dirigée par des administrateurs dûment élus. Elle était composée d'un bureau élu, elle faisait faire des audits annuels par Deloitte Touche et cela, durant toutes ces années, jusqu'au 31 mars de cette année.

À l'époque de la création du fonds, le commissaire Phil Murray avait autorisé les déductions salariales qui représentaient alors la façon la plus facile de doter le fonds que souhaitaient les membres. Les membres de la GRC ont volontairement adhéré au fonds. Personne ne les y a contraints. C'est ainsi que 16 500 d'entre eux ont signé et nous ont autorisés à leur prélever 4 $ sur leur solde. Le commissaire Murray n'y avait vu aucun problème et ceux qui l'ont suivi par la suite ne s'y sont pas non plus opposés. Cette modalité a été confirmée la dernière fois en 2008 par le commissaire Elliott. Elle a été maintenue jusqu'en mars dernier.

Le Fonds de recours juridique est un organisme sans but lucratif qui assure la promotion de l'amélioration des conditions d'emploi ou de travail des membres et qui, tout au long de son histoire depuis 1998, a assuré un soutien financier et autre aux membres de la GRC pour qu'ils puissent faire valoir leurs intérêts dans des dossiers en lien avec leur bien-être et leur dignité, dans le cadre de procédures légales ou autres. Comme je le disais, nous comptons quelque 16 500 membres.

Si le Fonds légal n'avait pas existé, et s'il n'existait pas aujourd'hui, les membres n'auraient aucun recours et rien ne pourrait être fait en leur nom. C'est donc au nom de tous ces membres que le Fonds de recours juridique a fait face à tous ces défis. Bien de nos camarades policiers auraient été acculés à la faillite financière ou à la destruction de leur réputation et de leur carrière si ce n'avait été de l'intervention du Fonds de recours juridique qui a pu les représenter.

Cela étant, au nom des adhérents au Fonds de recours juridique, je tiens à vous décrire la situation, très préoccupante et en pleine dégradation que connaissent actuellement les gendarmes dans leurs conditions de travail les plus élémentaires. Je parlerai d'ailleurs d'un comportement, d'une attitude. J'ai pris note de tout ce qui a été dit aujourd'hui par les uns et par les autres et il est vrai, quand le sénateur Campbell et moi-même sommes rentrés dans la GRC, qu'il s'agissait d'une organisation beaucoup plus paramilitaire qu'elle ne l'est aujourd'hui. Quand j'ai dit en introduction que nous respectons la fonction et les agents de la GRC, jusqu'en haut de la hiérarchie, il faut savoir que c'était la norme de mon temps. C'était sans doute davantage le cas d'ailleurs dans la GRC que dans d'autres corps policiers. Je continue de respecter ces positions, mais cela ne donne pas le pouvoir à des supérieurs de faire à certains employés ce qu'ils ne devraient pas leur faire. C'est ce genre d'habitude comportementale qui m'énerve et je vais d'ailleurs vous en donner quelques exemples.

Le commissaire de la GRC, sans avoir consulté les dirigeants du Fonds de recours juridique, a unilatéralement mis fin au processus de déductions automatiques effectué sur les chèques de paye des membres au titre des cotisations au fonds, et cela à compter du 31 mars 2016. Nous avons reçu l'avis à peu près trois heures avant que la direction de la GRC n'envoie un bulletin à tous les membres de la GRC pour leur faire part de ce changement très important. C'est important parce que cela concerne 16 500 membres.

Nous avons immédiatement essayé de nouer le dialogue avec le commissaire. Nous étions prêts à proposer des solutions et à déterminer la nature exacte du problème ou des problèmes éventuels. Nous lui avons immédiatement écrit, le jour même, le 18 février 2016. Le Fonds de recours n'a même pas reçu de réponse de sa part. Finalement, le 31 mars — le jour même où toute cette affaire s'est terminée — nous avons reçu une note de service d'un des commissaires adjoints nous indiquant que la haute direction se refusait à discuter de quoi que ce soit en lien avec ce dossier. Un de ces commissaires adjoints est venu témoigner devant vous ce matin.

À court terme, la fin des prélèvements volontaires sur la solde menace l'existence même du Fonds de recours juridique. La direction de la GRC sait que le fonds dépendait uniquement du système de déductions automatiques pour financer ses activités au nom des membres de la GRC et que l'interruption arbitraire de ces prélèvements aurait des répercussions catastrophiques sur le Fonds de recours juridique et sur sa capacité à assister ses membres.

Voilà donc quel a été le premier incident. Le second est intervenu quand la GRC a décidé de remplacer le Programme des représentants des relations fonctionnelles par un système de conseillers en milieu de travail. Ces conseillers n'ont accès à aucune forme de représentation collective pour les questions concernant le milieu de travail ou les autres enjeux susceptibles d'avoir un effet sur le bien-être et la dignité des membres. Ce faisant, le programme empêchera les membres de la GRC d'obtenir toute forme de représentation véritable relativement à ces questions-là. Qui plus est, la situation demeurera tant qu'un agent négociateur n'aura pas été accrédité en vertu du cadre législatif. Qui sait quand cela arrivera? Cela pourrait prendre des années. Toutefois, entretemps, nous sommes face à un vide.

Je soutiens que le commissaire savait que le Fonds de recours juridique des membres de la Gendarmerie était le seul moyen de faire quelque chose pour le compte des membres. En mettant fin au Programme de déductions automatiques et au Programme des représentants des relations fonctionnelles, il se trouvait à créer un vide, totalement inique et de portée très sérieuse. Nous estimons d'ailleurs que cela va tout à fait à l'encontre des principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans son jugement sur l'APMO.

Plutôt que d'améliorer la capacité des membres de la GRC à exercer leur droit d'association, l'orientation actuelle suivie par la direction de la GRC se trouve à éliminer entièrement toute forme de représentation collective au sein de la GRC. Le Fonds de recours juridique fait appel à vous, sénateurs, pour voir s'il y a quoi que ce soit que vous pourriez faire afin de nous aider à rétablir le versement automatique des contributions parce que sa suppression est purement et simplement injuste. Elle est mesquine.

Nous nous retrouvons donc avec le projet de loi C-7 et toutes les exclusions qui dénoncent et je me dois de sauter certaines des parties dont je voulais vous parler.

Les membres et leur famille sont très en colère. Je n'ai jamais rien vu de tel auparavant et c'est d'ailleurs une situation de ce genre, à la fin des années 1960 et au début des années 1970, qui avait été à l'origine du Programme des représentants des relations fonctionnelles. Je sais ce à quoi cela ressemble. Ceux qui ont témoigné ce matin et qui sont présents dans cette salle n'ont aucune idée de ce qui s'est passé à cette époque. Ils appartiennent eux-mêmes à une nouvelle ère. Nous, nous venons d'une époque vers laquelle j'ai l'impression que nous sommes en train de retourner, car je vous le dis, honorables sénateurs, quand on voit ce qui se passe aujourd'hui, avec ce projet de loi C-7 et toutes les exclusions qu'il comporte, soit au fait qu'il n'est pas possible d'accéder à la négociation collective, nous sommes ramenés à 1968, l'année où je me suis engagé.

Aujourd'hui, les gens ont des attentes différentes. Ils appartiennent à une époque radicalement différente et leur imposer ce genre de régime revient à les faire marcher à la baguette, comme dans l'ancien temps, et à leur imposer les volontés de la direction.

En 2016, une institution respectable comme celle-ci ne devrait pas nous contraindre à nous traîner à genou pour récupérer quelques miettes tombant de la table. C'est de la destruction. Je n'ai jamais vu le moral des gendarmes aussi bas et je parle avec beaucoup d'entre eux parce que je suis secrétaire adjoint et trésorier du Fonds de recours juridique. Je parle à des gens de partout au Canada. Ils m'appellent pour me demander de leur prêter assistance. « Que va-t-il se passer? » me demandent-ils. « Pouvez-vous me dire de quel recours je dispose? »

Le président : Merci, monsieur Hill.

Monsieur Webster.

Mike Webster, psychologue, à titre personnel : Si M. Hill a besoin d'encore un moment, il peut prendre sur mon temps.

M. Hill : Puis-je poser rapidement une question, monsieur le président? On a fait référence, ce matin, au Code canadien du travail. À propos du Code canadien du travail, lorsque François Carrière est mort en Nouvelle-Écosse dans un accident de plongée sous-marine, la position de la GRC a été de dire que le Code canadien du travail n'était pas applicable aux membres. La GRC a été accusée, et tout au long de la procédure jusqu'à la Cour suprême du Canada, elle a soutenu que les membres ne sont pas assujettis au Code canadien du travail. Voilà son genre d'attitude et de comportement. Finalement, elle dit que nous sommes assujettis à la partie II du Code canadien du travail. Mais pourquoi diable s'infliger tout ce processus pour le prouver? À mon humble avis, la même attitude prévaut aujourd'hui dans l'organisation.

M. Webster : Tout d'abord, je dois vous faire une confession. On m'a présenté comme un citoyen ordinaire. Je suis en fait ici comme agent infiltré. Je suis un psychologue praticien de la police et j'ai longtemps travaillé avec la GRC, ce qui n'est plus le cas.

Le président : Vous voulez le garder caché.

M. Webster : Eux, en tout cas, y tiennent. J'ai été moi-même membre de la GRC durant une période très brève après avoir été prestataire de services, j'en suis rapidement parti dès que j'ai vu la désorganisation qui y régnait.

Je suis psychologue clinicien. Ma pratique me met au contact de personnes qui ont des problèmes cliniques et émotionnels d'un côté, et de l'autre, elle m'amène à intervenir comme consultant en matière d'intervention d'urgence. J'ai reçu une formation du FBI et j'ai voyagé un peu partout dans le monde à l'occasion d'incidents dont on a beaucoup parlé, comme ceux de Waco, au Texas; de Jordan, au Montana; de Gustafsen Lake, et cetera. Je vous fais grâce de la liste. J'ai une longue expérience, plus de 40 ans, comme psychologue de la police.

Aujourd'hui, je ne vais pas vous servir tous les poncifs que l'on nous débite à tout bout de champ. Je suis d'accord avec eux. J'ai quatre points que je peux vous présenter rapidement, mais j'ai oublié mon introduction en français.

[Français]

Merci de votre invitation. Je suis très honoré d'être parmi vous.

[Traduction]

Je me tourne vers les sénateurs : avez-vous en mémoire la question du sénateur Kenny sur les détails? Il est parti maintenant. Si l'un de vous souhaite poser cette question, j'ai des détails à vous donner.

Le sénateur Campbell : Faites comme si elle avait été posée.

M. Webster : Très bien. On a beaucoup parlé des faiblesses patentes. Je n'y reviendrai pas.

Je vous dirai simplement que le projet de loi C-7 ne respecte pas et ne protège pas les droits des travailleurs de la GRC et ressasse de vieilles histoires au lieu d'aborder les questions fondamentales et d'optimiser l'emploi de votre temps précieux. C'est de celles-là que j'entends vous parler.

Ce n'est pas mon avis subjectif que je vous livre. Ce que je vous dis repose sur une masse de données recueillies depuis 2001. Si vous voulez savoir qui les a recueillies, il suffit de poser la question, je vous le dirai. Certaines des sources ont, comme moi, quitté la GRC.

L'organisation est terriblement fragmentée, loin d'être aussi ouverte ou réceptive aux changements qu'on ne le supposait dans le débat dans l'autre enceinte. J'ai du mal à croire le degré de naïveté et d'optimisme béat de ces gens lorsqu'ils parlent de cette icône nationale qui se métamorphose sous nos yeux en une honte nationale. S'attaquer aux maux de la GRC avec le projet de loi C-7, c'est un peu comme s'apprêter à réparer un navire de guerre nucléaire avec une clé anglaise.

Premier point : l'empirisme en vigueur. On peut tirer plusieurs conclusions importantes des données que j'ai mentionnées. La GRC est plus habile à élaborer des stratégies qu'à les mettre en œuvre. C'est une organisation qui n'est pas prête aux changements. On a fait trop de promesses non tenues à ses membres. L'échec des efforts faits dans le passé a abouti à une surcharge de travail, à une augmentation des cas d'épuisement professionnel et à un amenuisement des ressources. La GRC n'attire pas les recrues les plus brillantes et les meilleures. Ses critères sont moins exigeants. C'est bien connu de tous dans l'industrie : si tu n'arrives pas à te faire recruter dans un bon service de police municipale, comme celui du chef White, présente ta candidature à la GRC et tu seras admis.

Changement culturel compliqué : on ne sait pas ce que c'est, le changement culturel. On l'évite. Le changement culturel consiste à remettre en question les valeurs de fonds, la culture de fonds de l'organisation. Je vous dirai dans un instant ce que cela implique, dans ma perspective.

La GRC est victime de ce qu'on appelle la spirale du succès. Elle croit que ce qui a donné de bons résultats hier donnera de bons résultats demain et après-demain. C'est absolument faux. La GRC a une culture paramilitaire. C'est un anachronisme. L'organisation doit être remise à plat. Il est temps de faire demi-tour et mettre le cap sur l'Est. Oubliez la Marche vers l'Ouest.

Les membres sont rétifs au changement, sceptiques et cyniques en ce qui concerne les motifs de la haute direction. Il ressort des données accumulées depuis 2001 que les facteurs décisifs favorables à un changement positif concernent la gestion des changements et le comportement de la direction. Ces conclusions sont aussi valables aujourd'hui que le jour où les données ont été recueillies.

Les petits rafistolages des systèmes et structures en place ne mèneront nulle part. Il est nécessaire de procéder à un changement qui soit une véritable refonte — en fait, une re-création, à partir des valeurs fondamentales et de la culture. Si vous souhaitez que je donne une définition de ces deux éléments, je le ferai durant la période de questions.

Ce matin, vous avez eu un exemple, avec ces témoins en uniforme, de ce qui se passe lorsqu'on milite en faveur d'une refonte des services : la résistance la plus opiniâtre provient du sommet de la hiérarchie. Pourquoi? Parce que c'est là qu'on a le plus à perdre. Et le comportement dépend toujours plus du facteur politique.

Second point : le caractère unique de la GRC. C'est le dada de la GRC. Elle refuse maintenant à ses membres les droits reconnus à tous les travailleurs. Les droits du travail sont des droits de la personne. Ce qui marchait à l'époque ne convient pas nécessairement aujourd'hui. Pas plus que demain.

Troisième point : le harcèlement. Je m'y attarderai un instant, parce que malheureusement la GRC fait preuve de myopie à cet égard, tout comme l'autre enceinte et, je pense, celle-ci.

Le problème est beaucoup plus vaste que ne le pense la plupart des gens. Le harcèlement est une question qui relève des droits de la personne. Le harcèlement peut être utilisé comme une technologie. Autrement dit, on peut se servir du harcèlement sexuel et du harcèlement en général comme d'un outil. Il peut y avoir de multiples raisons expliquant le harcèlement ou le harcèlement sexuel d'une personne au travail, qu'on semble ne pas vouloir prendre en considération. Le motif peut être le grade, la religion, la race, la nationalité, l'apparence, l'orientation sexuelle, le rendement ou la classe.

Dans la société d'aujourd'hui, masculiniser les hommes et féminiser les femmes, c'est ignorer la réalité. Il y a beaucoup plus de diversité — et je serai en peine de vous citer tous les cas de figure. Toutefois, il faut les respecter. La diversité des cas est beaucoup plus grande qu'on ne l'imagine.

Le dernier point que je signalerai, le présupposé naïf. Je ne sais plus quel député en a parlé, un jeune gars au nom à consonance italienne, qui a dit que les libéraux partent :

... plutôt de l'hypothèse que les employés et les membres de la GRC travailleront en collaboration avec leurs superviseurs et leur haute direction pour réaliser les objectifs communs à leur milieu de travail.

Dans quel monde d'illusions vit cet individu? C'est pure fantaisie. La GRC est meilleure dans l'élaboration que dans la mise en œuvre des stratégies. Ne perdez pas de vue qu'il s'agit d'une culture surannée. Je parie que je vais susciter quelques réactions ici quand je dis que des problèmes peuvent surgir dans tout système — conjugal, familial ou organisationnel — quand le système stagne. Le système de la GRC, la culture de la GRC stagne depuis combien d'années aujourd'hui? Cent quarante-trois? Il est malade. Il a besoin d'être transformé de fond en comble

Merci beaucoup.

Le sénateur White : Je remercie les témoins, en particulier Tom à Vancouver.

Tom, je vais vous poser une question précise sur les exemptions. À votre connaissance, sur les 198 agences de police qu'il y a dans le pays, y en a-t-il une autre qui se trouve dans la même situation eu égard au nombre de secteurs qui sont exclus des négociations?

M. Stamatakis : Non.

Le sénateur White : Le second élément porte sur votre rôle à la tête de la police de Vancouver. Un chef de la police aurait-il aujourd'hui des motifs rationnels d'exiger ces exemptions? Un dirigeant de la police veut pouvoir se concentrer sur des choses comme la gestion des opérations, pas sur des questions qui ne relèvent pas normalement de sa compétence ni, assurément, de son contrôle financier. La plupart des dirigeants de la police souhaiterait que ces questions puissent être négociées entre une association ou un syndicat et ceux qui tiennent les cordons de la bourse au sein de la direction afin que les questions difficiles d'ordre monétaire soient confiées à quelqu'un d'autre et que le chef de la police puisse réellement faire son travail. Cela ne serait-il pas plus rationnel?

M. Stamatakis : Oui. Dans le schéma que vous décrivez, le chef de la police peut se consacrer à l'aspect opérationnel des activités de la police d'autant plus librement que les questions ayant une incidence financière, particulièrement en ce qui concerne les négociations collectives, relèvent d'un processus distinct.

Mais je dois dire — et je sais que d'autres témoins ont déjà abordé cette question des droits de la direction — que personne ne conteste que l'employeur ou la direction doivent avoir certains droits. La différence principale, toutefois, c'est que ces clauses et dispositions sont généralement inscrites dans une convention collective de sorte que si un problème se pose, si un employeur ou un cadre dirigeant agit de manière capricieuse ou arbitraire ou pénalisante, l'association indépendante peut alors dire « Un instant! Les membres que nous représentons contestent cela. Parlons- en et tâchons de trouver une meilleure solution. »

Selon moi, l'idée que ces exclusions sont nécessaires parce qu'elles facilitent le bon fonctionnement des forces de police ne trouve pas de confirmation dans les faits. Comme je l'ai dit dans mes commentaires, toutes les autres forces de police du pays, qu'elles soient municipales ou provinciales et bien d'autres au niveau international, fonctionnent dans le cadre d'un régime semblable à celui que j'ai décrit et qui donne de bons résultats.

Sans perdre de vue, par ailleurs, que nous sommes tous en fin de compte des agents de police et que je n'ai pas rencontré un seul agent de police qui ne soit complètement investi dans son service de police et soucieux du service que nous dispensons au public.

Le sénateur White : Merci, Tom, pour cette réponse.

M. Hill, au fait, a été mon premier caporal lorsque j'ai intégré les rangs de la GRC en 1982 à Stephenville, à Terre- Neuve. Permettez que je vous pose une question, Roy.

Vous avez dit que le programme des RRF que l'on avait renforcé au fil des décennies vient d'être supprimé. Pour ma part, je serais prêt à dire — et tout le monde ne sera pas d'accord — qu'il représentait très bien les membres. En fait, c'est un programme qui permettait de représenter très bien les membres. Avec la suppression de ce programme pour les deux, trois ou quatre années à venir — qui sait combien de temps cela peut prendre — quelle sera l'incidence sur les 25 000 civils et membres assermentés, en particulier, qui se retrouvent sans représentation ou presque?

M. Hill : L'effet est dévastateur, parce que les membres n'ont aucun représentant pour les défendre aujourd'hui. Merci pour vos aimables commentaires. Le programme des représentants avait ses lacunes naturellement et devait être retouché ici et là. J'ai siégé au sein de ces comités traitant des transferts, des relocalisations, et des affaires internes de la GRC — et cela pendant 13 ans pour ma part.

Donc, dans chaque cas lorsque la direction parlait de faire des changements ou se contentait de les envisager, le comité en était informé. Après mon départ à la retraite, bien sûr, certaines conversations restaient confidentielles, personne n'avait le droit de savoir. Ni les membres, ni personne. Pour les membres, qui sont maintenant tenus dans l'ignorance, le fonds d'assistance juridique était tout ce qui nous restait comme moyen de les représenter. Maintenant qu'il a été supprimé, il nous faut trouver un autre moyen de regrouper les membres, les aider à se remettre sur pied et à avancer. Ils n'ont plus rien.

C'est pourquoi j'ai parlé du comportement et des deux choses que je vous ai montrées spécifiquement. Cela est dans la logique du contenu du projet de loi C-7, et n'est qu'une continuation. Est-ce que quiconque s'en soucie au niveau du commissaire et de la haute direction? Ce qui parvient à vos oreilles et au gouvernement, c'est le message du commissaire et de la haute direction. J'ai écouté ce qui s'en est dit aujourd'hui et j'aurais pu intervenir comme j'avais envie de le faire. Naturellement, je ne l'ai pas fait, mais rien n'entrave ces personnes. Personne n'exerce de contrôle.

Le message qui vous parvient, c'est le leur, c'est eux qui ont le plus à perdre, mais ceux qui travaillent sur le terrain partout au pays 24 heures sur 24 et tous les jours, travaillent dans des endroits où aucune autre agence n'oserait monter un bureau si les membres de la GRC n'étaient pas sur place. Vous êtes le chef de la police et vous êtes le gendarme; le sénateur White sait parfaitement de quoi je parle. Il était le pompier, le policier, le médecin et l'infirmier tout à la fois, et le prêtre.

Le sénateur White : Un charmant infirmier.

M. Hill : Tout cela pour dire qu'il y a un vide béant, mesdames et messieurs, qui n'aurait jamais dû se créer. Ce qui s'est produit est criminel et personne ne semble s'en soucier parce que ceux qui travaillent sur le terrain n'ont aucun pouvoir de faire quoi que ce soit et ont été châtrés.

Le président : Avant de passer au sénateur Carignan, pouvez-vous répondre à cette question : avez-vous écrit au ministre Goodale pour lui demander le rétablissement de ce fonds?

M. Hill : Nous nous sommes adressés à son bureau et aux fonctionnaires de son bureau et résultats zéro.

Le président : Il y a longtemps?

M. Hill : Mars.

[Français]

Le sénateur Carignan : Monsieur Hill, pouvez-vous nous donner un échantillon de l'éventail des principaux dossiers, litiges ou problématiques que le fonds d'aide traitait en ce qui concerne les conditions de travail des membres, où le fonds a eu à intervenir pour soutenir les membres?

[Traduction]

M. Hill : Oui. Si vous jetez un coup d'œil sur notre site web, vous verrez que nous produisons un bulletin annuel — à l'exception de l'année passée — et vous y trouverez un échantillon de tous ces cas.

Le tout premier dont je me souvienne, concernait deux membres de Colombie-Britannique. Ils ont fait l'objet de poursuites pénales et été reconnus coupables de voies de fait causant des lésions corporelles. Tous deux ont été condamnés à des peines de prison. Une fois condamnés à la prison, ils n'avaient plus accès à l'assistance juridique aux frais du contribuable; ils se sont retrouvés seuls. Ils se sont adressés au fonds, mais on venait de démarrer. Il nous a fallu emprunter de l'argent pour pouvoir couvrir leurs frais de défense. Au bout du compte, c'était un coup monté de toutes pièces. Ce qui s'était produit d'après l'accusation, ne s'était jamais produit et les membres ont été disculpés. L'un d'entre eux, en fait, est toujours en service aujourd'hui. Il est inspecteur, je crois et probablement toujours en Colombie-Britannique.

Pour en venir au harcèlement grave — c'est comme un arc-en-ciel : nous avons eu à traiter de tout ce qui s'est produit sous le soleil depuis 1998, d'une manière ou d'une autre. On a tendance à oublier que toutes les accusations portées contre des membres ne correspondent pas à la vérité ou aux faits réels. Il vous faut parler au membre en Alberta qui est accusé de harcèlement sexuel. Ils ne sont jamais allés dans l'appartement de cette personne, jamais allé dans sa maison, et l'enquête a été menée par la division des crimes majeurs de la GRC. C'est une des rares fois dans l'histoire de la province de l'Alberta où les autorités se sont officiellement excusées auprès du membre en raison des poursuites dont il avait fait l'objet. Il a été acquitté, évidemment, mais sa carrière est en lambeaux. Je pense qu'il a continué de travailler deux, trois ans encore et puis il s'est mis sur la touche. Comment se remettre après cela? Ces choses-là se produisent.

Dans un cas, proche de chez moi, dont j'ai eu à m'occuper, l'accusé a été acquitté, mais n'y avait aucun financement depuis le début. Lorsque les membres font l'objet d'accusations trompeuses, qu'est-ce que vous faites? Vous devez, parfois, vous défendre en payant de votre poche si c'est en lien avec les services mais il y a une disposition qui oblige à « répondre aux attentes raisonnables de la force. » Le fait est que quelqu'un a dit, « c'est lui qui l'a fait, » ou « c'est elle qui l'a fait, » et le membre dit que ça ne s'est jamais produit, alors qu'est-ce que vous faites? Vous ne parvenez pas à répondre aux attentes raisonnables de la force.

Il faut qu'il y ait un moyen de s'occuper de ces policiers. Nous l'avons fait, et nous n'avons mis aucun plafond à nos dépenses pour leur venir en aide. Je constate que d'autres organisations ou associations établissent un plafond de 10 000 $ ou 50 000 $ ou autre, mais essayez de voir ce que vous pouvez faire avec 100 000 $. Pas grand-chose. Vous ne couvrez même pas les frais de l'enquête, et vous avez certainement l'expérience de ce genre de choses.

On a dépensé des sommes considérables pour nos 16 500 membres; tous n'ont pas besoin d'assistance, mais l'assurance est en place. Maintenant que le programme des représentants n'existe plus, avec ce vide, qui représente les membres? Qui fait entendre leur voix? Qui défend leur cause?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je comprends donc qu'il y a plusieurs éléments du fonds qui ont permis d'aider des gens qui étaient touchés par certains aspects qui sont exclus, qui avaient reçu des décisions inappropriées ou contestables par rapport à des transferts, à des congédiements, à de la conduite, à du harcèlement. Donc, sur plusieurs éléments qui sont actuellement exclus par le projet de loi C-7 de la négociation de la convention collective.

[Traduction]

M. Hill : Exactement, à cause de l'organisation, de son caractère unique, des transferts, et cetera.

Rapidement, un cas me revient à l'esprit d'une policière de Colombie-Britannique transférée à tel ou tel endroit. En route, son camion de déménagement se renverse et ses meubles sont tout esquintés. Elle dit : « Eh bien, qui va payer les dégâts? Je n'ai rien fait. On vous a engagé pour faire mon déménagement. » Et la bataille démarre. Le sénateur White saurait exactement de quoi je parle. Le membre dit, « qu'est-ce que je fais maintenant? Je n'ai plus de meubles. J'arrive dans un nouvel endroit. » Le déménageur dit, « réglez le problème avec la GRC. » La GRC dit, « réglez le problème avec le déménageur. »

Quelqu'un doit intervenir pour ramener tout le monde à la raison. Elle s'est adressée au fonds d'assistance juridique pour demander ce qu'elle devait faire. La GRC ne veut rien savoir, le déménageur ne veut rien savoir, c'est pourquoi je m'adresse à vous, notre conseiller juridique, pour donner un préavis de plainte sous couvert de votre autorité. Cela ne va pas du tout. Entre-temps, il faut vous loger à l'hôtel. Vous avez de la chance si vous êtes dans un endroit où il y a un hôtel. Dans certains endroits, il n'y en a pas. C'est le genre de choses qui tapent sur les nerfs et vous mettent en colère. Les membres parfois n'ont commis aucune faute dans ces affaires.

Certains aspects liés au harcèlement n'ont pas été abordés et plus on s'élève dans la hiérarchie, pire c'est. Les membres se demandent à qui s'adresser. Ils se tournent vers le fond d'assistance juridique.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à M. Webster. On a souvent entendu parler du problème de la dépression chez les membres des forces armées. On a entendu parler de suicide également. Je comprends que vous êtes en relation d'aide. Quels sont les principaux sujets irritants des policiers et policières qui vous ont consulté et que vous avez notés dans le cadre de votre carrière, en ce qui concerne la GRC, bien sûr?

[Traduction]

M. Webster : Pour répondre à votre question, en termes généraux pour commencer, le principal sujet d'irritation pour un membre de la GRC, qu'il souffre d'un désordre d'anxiété, de dépression ou de stress post-traumatique, c'est l'organisation.

Le sénateur Carignan : L'organisation, c'est juste par respect?

M. Webster : Non. C'est la plus grosse partie du problème, la pire.

Ce qui se passe d'habitude maintenant — et le président Banwarie en a donné la description ici un peu plus tôt —, c'est que le membre commence par présenter un problème de santé et se tourne vers l'organisation au niveau du détachement après avoir consulté un médecin. Le médecin a suggéré un congé, et cetera. La GRC fera tout pour que cet individu reprenne le travail. Elle va le harceler. Le problème du harcèlement devient plus grave que la dépression; et la cause de la dépression, c'était — quelqu'un d'autre l'a dit plus tôt — le manque d'effectifs pour le travail qu'il y a, le manque de congés, les problèmes de solde, les problèmes de vacances, la liste est interminable.

En fin de compte, la principale source des problèmes de santé des membres de la GRC, c'est l'organisation elle- même. Si l'organisation mettait de l'ordre dans ses affaires, si elle se transformait en profondeur, les désordres émotionnels baisseraient d'intensité, parce que contrairement à ce que vous avez pu entendre ici, le travail du policier n'est pas réellement un travail dangereux. Il est source de stress, mais il n'est pas réellement dangereux. Selon les classements, il ne figure même pas parmi les 20 ou 25 emplois les plus dangereux. Si vous voulez voir des emplois dangereux, venez là où je vis et parlez avec les bûcherons, les mineurs, les pêcheurs qui sont en danger tous les jours. Réellement, le plus grand problème pour un policier, dans le cas dont vous et moi parlons, pour un membre de la GRC, c'est la GRC elle-même. C'est elle qui provoque le plus de stress dans la vie des individus, ce qui se traduit par des dépressions graves, des désordres d'anxiété graves, des désordres de stress post-traumatique graves et j'en passe.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Ma question s'adresse à M. Webster. La fin de semaine dernière, j'ai entendu le surintendant de la GRC au Nouveau-Brunswick dire qu'il s'apprêtait à prendre sa retraite. Il commentait les événements de Moncton où trois de ses hommes avaient été assassinés. Il disait que, à la suite des événements, des séances de formation ont été dispensées et que l'équipement de tir a été modifié. Personnellement, j'ajouterais qu'ils auraient peut-être dû se questionner aussi sur l'utilisation de la patrouille solo, c'est-à-dire un seul policier à bord d'une autopatrouille le soir.

En outre, il racontait que, à la suite de ces événements, il a subi un choc post-traumatique et qu'il devait consulter régulièrement. Il se faisait le reproche de ne pas avoir offert à ses agents la formation et le meilleur équipement possible plus tôt, en se disant que la tragédie ne serait peut-être pas arrivée. Il se questionne.

D'après vous, s'il y avait eu une association ou un comité paritaire pour étudier la question de l'équipement des policiers, de leur formation et des patrouilles solo, ne pensez-vous pas que le résultat de cette situation aurait été différent?

Quand j'étais président de l'Association des policiers provinciaux, nous avions eu des difficultés avec la patrouille solo et nous avions créé un comité paritaire et conjoint avec l'employeur pour étudier cet aspect.

Ne pensez-vous pas que le surintendant se poserait moins de questions aujourd'hui? Je crois qu'il éprouverait moins de chocs post-traumatiques aujourd'hui s'il y avait eu une association avec l'employeur pour l'aider à prendre ses décisions.

Je ne dis pas que cela ne serait pas arrivé, mais je pense qu'il faut prendre des précautions. Jusqu'à maintenant, c'est dans la culture de la GRC de réagir après les événements. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Webster : Merci pour votre question, sénateur.

[Traduction]

Je peux répondre par un simple oui, je crois bien. Si nous avions un syndicat, celui-ci pourrait représenter les membres.

J'ai plusieurs patients — je ne devrais pas l'admettre ici parce que la GRC s'est divorcée de moi. Elle a même engagé une poursuite contre moi devant le collège des psychologues, qui a été rejetée. Elle a fait un deuxième effort en disant « Bien, sûrement, d'accord. Vous pouvez continuer de consulter M. Webster, mais nous ne paierons pas. Vous devrez payer de votre poche. » Alors, je continue de voir les membres de la GRC. Toutefois, je les vois pour une douzaine d'œufs ou une miche de pain, ce qu'ils ont; je m'en fiche.

Avec ceux d'entre eux qui ont des problèmes post-traumatiques, je m'assieds avec eux, sénateur, je leur parle en session thérapeutique. Il est rare que l'incident auquel ils ont été exposés soit évoqué. Le plus souvent, on parle de la façon dont l'organisation traite le membre qui est maintenant en congé de maladie. On ne parle que très rarement des événements horribles dont il ou elle a été témoin. Le plus souvent, on parle de ce qu'a fait ce superviseur, ce que fait ce commandant de détachement, ce que la direction exige d'eux maintenant, ainsi de suite.

La réponse à votre question est, oui, je le pense. S'il y avait un syndicat en place, il pourrait protéger le membre contre ces tracas que cause l'organisation. Les événements auxquels ils sont exposés sont bien moins traumatiques que leurs rapports avec l'organisation.

[Français]

Le sénateur Dagenais : À la suite d'événements de choc post-traumatique, le policier doit parfois consulter un spécialiste et même prendre un congé de maladie. Souvent, l'employeur va exiger qu'il revienne au travail et va envoyer...Je voulais savoir si vous aviez déjà vécu cette situation où l'employeur utilise les services d'un médecin expert, alors que le syndicat en choisit un autre et le paie pour qu'il fasse une contre-expertise. Je vous garantis que cela peut changer le diagnostic. Êtes-vous d'accord avec cela?

[Traduction]

M. Webster : Oui, je suis d'accord, et j'irai plus loin. La GRC, comme vous le savez sans doute, a son propre service de santé, auquel le membre s'adresse pour recevoir des soins psychologiques ou médicaux. Le département des services de santé a une liste de ses psychologues préférés. D'après mon expérience — je présente mes excuses à mes collègues —, la GRC les a pour la plupart dans sa poche.

Donc, le membre est maintenant renvoyé à un psychologue qui ne veut pas perturber son propre rapport avec la GRC, rapport qui peut être très lucratif. Si j'étais l'un d'eux, je ne voudrais pas écrire les choses que je viens de vous dire à propos de l'organisation —, que l'organisation elle-même est le principal tracas affectant la santé mentale du membre.

J'ai eu des patients, de ceux que je vois maintenant pour une miche de pain, qui me disent être allés voir un de ces prestataires de soins de santé mentale figurant sur la liste, et le prestataire de soins de santé en question lui demande « D'accord, alors quel est le problème? » Le membre répond « Mon surveillant me fait ceci et l'organisation demande cela. » Le prestataire de soins de santé mentale lui répond alors « Ah, ça ne me regarde pas. Je ne peux pas m'occuper de ce genre de choses. Parlons seulement de votre dépression. Seulement de vos problèmes d'anxiété. »

Alors, dans la perspective qui est la mienne — et je commence à avoir un peu de bouteille; c'est une perspective peut- être un peu usée —, cela fait partie de la perspective. L'organisation occupe une large place dans la perspective. Les patients doivent être considérés dans leur contexte. Ils sont au croisement de nombreux contextes qui les affectent : le contexte familial, le contexte du travail, le contexte des amis, le contexte de la communauté. Dans ce cas, le contexte du travail, le contexte de l'emploi a un effet majeur sur leur santé mentale.

Le président : Monsieur Webster, deux autres personnes ont demandé la parole, la sénatrice Jaffer puis le sénateur Campbell.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Stamatakis, ce matin, le ministre nous a dit que le commissaire Paulson — et comme il n'est pas venu nous n'avons pas pu lui poser de questions. Je ne dis pas qu'il a dit non; il n'est tout simplement pas venu.

Le président : Il était invité.

La sénatrice Jaffer : Ah, il était invité. Très bien. Donc, c'est un gros problème. Il était invité.

Il a dit qu'il avait besoin des exemptions. Y a-t-il des exemptions dont il aurait besoin, selon vous? Comme il n'est pas ici, je vous demande pourquoi, d'après vous, il estime avoir besoin de telles exemptions.

M. Stamatakis : Permettez-moi de vous dire deux, trois choses. Bien que je sois d'accord, en général, avec les commentaires de M. Webster, je m'inscris en faux contre l'idée que le travail du policier n'est pas un travail dangereux. Je pense que nous avons atténué le risque grâce au travail qui a été fait pour défendre les droits du policier au sein des associations et syndicats de police concernant toutes les exemptions qui sont proposées et que cela a donné aux agents de meilleurs équipements et de meilleures tactiques.

La sénatrice Jaffer : Très bien, mais veuillez répondre à ma question.

M. Stamatakis : J'y viens, madame la sénatrice, je pense qu'il cherche à obtenir ces exclusions parce que cela lui permet d'ignorer plus facilement une foule de questions difficiles concernant, par exemple, le déploiement, les questions concernant l'uniforme et l'équipement, les questions de dotation en personnel, les questions de transfert, les questions de promotion. Mon expérience, en tout cas à Vancouver où je siège à de nombreux comités mixtes sur toutes ces questions, me dit que l'on obtient les meilleurs résultats lorsque l'engagement est fondé sur les intérêts.

Pour en revenir à ce que disait M. Webster, je pense que la GRC, bien qu'elle dise qu'il convient que la GRC ait maintenant une association indépendante, tient ce discours, tandis que ses actions, en proposant d'insérer ces exclusions dans la législation, démontrent, je pense, quelque chose d'assez différent, et je ne crois pas que cela soit correct.

Le sénateur Campbell : Je voulais seulement remercier Tom. C'était lui le président lorsque j'étais maire, et j'apprécie son honnêteté et son intégrité.

Je voulais demander à M. Hill : pourquoi le commissaire a-t-il voulu fermer le fonds d'assistance juridique et le SRA? Pourquoi?

M. Hill : Je ne sais pas quelle est la raison réelle, si quelqu'un pensait que le programme des RRF pouvait prendre le relais. Autant que je sache, celui-ci n'aspirait pas à devenir agent négociateur. Il craignait des ingérences, ou je ne sais pas.

Pour ce qui est du fonds d'assistance juridique — c'est un point de vue personnel —, mon point de vue personnel, c'est que le fonds le gênait parce que nous avions saisi la Cour fédérale à de nombreuses reprises, et nous avions obtenu, en particulier, la réintégration d'un membre qui n'aurait jamais dû être renvoyé.

Le sénateur Campbell : Le mot « pétulance » vient à l'esprit à ce propos. Pourquoi souhaiteriez-vous un vide? Pourquoi souhaiteriez-vous bloquer la seule voie ouverte aux membres pour parler à la direction et créer un hiatus qui, d'après quelqu'un ici, pourrait durer deux ou trois ans. Parce qu'il en avait ras-le-bol? C'est ce que vous dites? Je crois que j'aurai besoin des services de M. Webster à la fin de ces travaux.

M. Hill : Sénateur Campbell, on pourrait penser que en tant que leader et commandant en chef, vous voudriez que des gens représentent et défendent les intérêts des membres sur tout ce qui se passe au jour le jour dans le travail de la police au Canada, et dans le monde entier. C'est ce qu'on pourrait penser. Créer ce vide est simplement incompréhensible.

Le sénateur Campbell : Je viens d'une époque où l'on m'avait averti que je serais transféré dans un endroit où je ne verrais le soleil que si on me l'envoyait dans une boîte de conserve. J'ai pris ça à la rigolade et j'ai poursuivi ma carrière parce que c'était l'âge d'or. Nous en sommes bien loin maintenant. Ces deux questions, le fonds d'assistance juridique et le SRA, illustrent bien ce qui se passe au sein de cette organisation. Je suis extrêmement déçu que le commissaire n'ait pas eu le cran de venir devant ce comité répondre à nos questions.

Le président : Je passe au sénateur Day, parce que le temps passe et qu'il n'a pas eu sa chance.

Le sénateur Day : Merci. Je voulais souligner pour le compte rendu que l'on a créé une autre organisation et nous n'avons pas analysé cela. Peut-être le commissaire pensait-il, dans ces circonstances, qu'elle serait plus efficace que les précédentes.

M. Hill : Je ne crois pas.

Le sénateur Day : Je ne sais pas.

M. Hill : Je ne sais pas non plus.

Le sénateur Day : Je voudrais qu'il soit pris acte du fait qu'une autre organisation a été créée quand les RF...

M. Hill : Oh, oui.

Le sénateur Day : Quand les RF ont été supprimées, il a créé une autre organisation.

M. Hill : Il a créé un groupe consultatif, et si un membre le contactait et demandait « comment est-ce que je dois faire cela? » appelez ce numéro 1-800. Personne n'était là pour défendre leur point de vue; personne ne pouvait rien faire pour eux, à part leur donner ce numéro 1-800 pour appeler le centre d'orientation à Ottawa. Voilà, pour vous donner l'explication la plus simple possible. Toutefois, il s'agit d'un rôle entièrement différent. Par rapport au rôle du programme des relations fonctionnelles, c'est comparer des pommes et des oranges.

On pourrait penser qu'à partir du moment où l'agent négociateur intervient, la vie reprend son cours normal. Mais je vais vous dire à quel point ils étaient hargneux, et cela vient de moi, Roy. Normalement, ils se réunissent en caucus. Le représentant des relations fonctionnelles intervient, je pense, en novembre. Ils annulent cette réunion. Ils disent « Eh bien, nous la ferons en décembre, peut-être. » Donc, ils annulent la réunion. Et puis, « Eh bien, nous la ferons en janvier, peut-être. » Le groupe, en réalité, ne s'est jamais réuni pour parler des problèmes des membres, alors même que ce devait probablement être la dernière fois. Il ne s'est jamais réuni. M. Dubeau a tout annulé. À mon avis, il n'était pas autorisé à le faire, parce que les membres étaient encore en place et légitimement en place. Mais quand vous pensez être autorisé à faire les choses et qu'arbitrairement vous prenez sur vous de les faire, voilà le résultat. Les membres du programme des représentants des relations fonctionnelles n'ont pas eu l'occasion de s'exprimer collectivement au nom des membres sur leurs préoccupations.

Le président : Chers collègues, nous avons épuisé le temps à notre disposition. Je souhaite remercier nos témoins. Monsieur Webster, vous agitez la main pour me saluer ou pour demander la parole?

M. Webster : Oui, monsieur. Je vous trouve très séduisant.

Le président : Je suis heureux de l'entendre. Je vous prie d'être très bref parce que nous avons un autre groupe de travail qui arrive.

M. Webster : Je serai bref. Je voulais répondre au sénateur Kenny qui demandait des détails précis. Ce ne sera pas populaire, et il y aura d'autres modèles. Toutefois, je vous ai donné un indice quand j'ai dit qu'il était temps d'entreprendre la marche vers l'est. Je suis sûr que vous avez tous entendus parler de la Marche vers l'Ouest, quand la GRC a fait marche vers l'ouest pour calmer les problèmes liés aux Autochtones. Il est temps de retourner à l'est, ce qui veut dire que la GRC doit cesser de s'occuper des services de police provinciaux et municipaux. Elle devrait avoir son centre à Ottawa, et s'occuper uniquement des lois fédérales. Elle devrait être la réplique canadienne du Federal Bureau of Investigation aux États-Unis.

Le commissaire devrait devenir indépendant du gouvernement. Aujourd'hui, il est le gendarme du premier ministre. Ce n'est pas normal.

Le président : Merci, monsieur Webster. Il ne fait pas de doute que vous avez votre point de vue, c'est indiscutable. Le sénateur Kenny sera heureux d'entendre cela.

Il est 16 h 30. Je tiens à remercier nos témoins, en particulier ceux de Vancouver qui se sont joints à nous. Je suis certain que cela n'est pas allé sans certaines difficultés d'organisation. Votre contribution nous est précieuse.

Se joignent à nous dans le cadre de notre dernier groupe de travail de la journée sur l'examen du projet de loi C-7, M. Ian McPhail, président de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, et ensuite, venant du ministère de la Défense nationale, M. Gary Walborne, ombudsman des Forces armées canadiennes, accompagné par Robyn Hynes, directrice générale, Opérations.

Messieurs, bienvenue, monsieur Walborne et monsieur McPhail, je crois comprendre que vous avez chacun une déclaration d'ouverture. Monsieur. Walborne, si vous voulez bien commencer, monsieur McPhail suivra.

Gary Walborne, ombudsman du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes : Merci, monsieur le président et chers membres. Je vous parlerai de mon service, de ce que nous faisons et de mon domaine d'intérêt et de recherche.

Le bureau a été créé en 1998. Sa seule raison d'être est de veiller à ce que les membres de la communauté de la défense, tant militaires que civils, soient traités de manière équitable dans le cadre des processus et procédures qui se déroulent à l'intérieur du ministère.

Je suis indépendant des deux chaînes de commandement, militaire et civile, et je relève directement du ministre de la Défense nationale.

Notre mandat est d'agir comme source d'information, d'orientation et d'éducation pour nos membres, à la fois militaires et civils. Nous agissons en toute neutralité et objectivité, et faisons fonction de caisse de résonance, médiateur, enquêteur et journaliste. L'essentiel de notre tâche est de contribuer à un changement durable de notre environnement.

Notre mandat comporte certaines restrictions de nos pouvoirs d'enquête dans tel ou tel domaine. Les domaines qui échappent à ma compétence concernent le tribunal militaire, la cour martiale ou les procès sommaires et les mises en accusation par la chaîne de commandement interne aux Forces armées canadiennes, qui relèvent de la compétence exclusive du Conseil du Trésor en qualité d'employeur, et de la police militaire en vertu de la partie IV de la loi. Nous ne prenons en charge aucune des tâches qui se rapprochent de celles de la police militaire. Voilà les restrictions qui nous sont imposées.

Le bureau a été créé en 1998. J'ai pleins pouvoirs pour enquêter sur tout sujet qui me semble le mériter. Pour toute affaire antérieure à 1998 sur laquelle je souhaiterais enquêter, j'ai besoin de l'autorisation du ministre.

Les principes de base de l'ombudsman sont l'indépendance, l'impartialité, la confidentialité et l'absence de formalismes inutiles. Je suis indépendant des deux chaînes de commandement. Je suis impartial. Je n'ai rien à gagner, ou à perdre, pas de cause personnelle à défendre. Confidentialité : les informations que nous communiquent nos interlocuteurs ne sont communiquées à personne sans leur consentement écrit. Voilà, je pense, les principaux piliers de la protection des employés.

Nous évitons les formalités. Nous travaillons aussi près que possible de la base dans le ministère pour résoudre les problèmes au nom de nos membres. Je vous citerai un chiffre un peu plus tard seulement. Nous recevons 10 000 appels téléphoniques par an. Nous donnons suite à 80 p. 100 d'entre eux dès le premier contact, afin de nous assurer d'emblée que les gens disposent de l'information dont ils ont besoin et qu'ils sont en mesure d'entrer en contact avec ceux qui peuvent les aider.

Nous couvrons un domaine assez large. Nous sommes au service non seulement des membres en service actif, mais également de tous les anciens membres et leurs familles, les cadets, tous les membres de fonds non publics, de ceux qui ont présenté une demande de recrutement ou sont en cours de recrutement, les familles de toutes ces personnes, et ceux qui sont en détachement auprès des Forces canadiennes ou mis à leur disposition.

Nous procédons à des consultations avec les parties prenantes partout au pays et nous allons à la rencontre des hommes et des femmes en uniforme pour nous informer de leurs difficultés et des problèmes auxquels ils doivent faire face. Cela nous donne la vérité de terrain, de sorte que, quand nous discutons de politiques et de procédures, nous pouvons dire au centre quel contrecoup aura dans les régions chacune des décisions prises. Le ministre dispose ainsi d'une solide documentation, ce qui, j'espère, permet d'informer les décisions politiques.

Nous répondons aux demandes. J'ai parlé de 10 000 appels téléphoniques reçus. Nous avons des analystes des plaintes. Dans les cas plus complexes, un analyste détermine s'il convient de procéder à une enquête individuelle ou si la demande doit être renvoyée au préposé aux plaintes.

Nous procédons à des enquêtes pour le compte des individus. Nous faisons des recommandations systémiques sur la base des plaintes que nous recevons et des préoccupations exprimées par ceux que nous servons. Nous pouvons intervenir d'office dans un procès lorsque nous avons de bonnes raisons de penser qu'un de nos membres ou d'autres peuvent subir un tort. Nous pouvons très rapidement nous inviter à la procédure.

Nous sommes un service de dernier recours, de sorte que nos membres, tant civils que militaires, doivent avoir épuisé tous les recours disponibles avant de s'adresser à notre bureau.

Nous ne parlons pas des résultats du processus, mais nous parlons de la façon dont la personne a été traitée durant le processus et si le traitement reçu était juste et équitable.

Nous faisons des recommandations. Depuis la création du bureau, nous avons fait 325 recommandations au ministère. Quelque 75 p. 100 d'entre elles ont été acceptées et mises en œuvre.

Nous publions tout ce que nous faisons. Toute la correspondance entre moi-même et le ministère et tout examen systématique mené à bien font l'objet d'une publication.

Types de plaintes : les catégories de plaintes les plus fréquentes chez les militaires sont celles concernant les avantages sociaux, les libérations, les demandes d'information, l'évaluation médicale, le harcèlement et les affectations. Ce sont les principales catégories de plaintes que nous recevons des militaires. C'est triste à dire, mais ce sont les mêmes depuis 8 ou 10 ans. Elles ne sont pas nécessairement classées au même rang dans la liste, mais ce sont les mêmes plaintes.

De la part des civils, les plaintes concernent surtout les avantages sociaux, les procédures de dotation en personnel, le harcèlement, les griefs civils et la solde.

J'ai parlé de 10 000 appels téléphoniques reçus chaque année. Depuis la création du bureau, 26 000 cas individuels ont été réglés, et nous avons fait 325 recommandations, dont 75 p. 100 comme je l'ai dit plus tôt, ont été acceptées et mises en œuvre.

Je viens également d'ajouter une diapositive résumant nos travaux récents et en cours de réalisation. Les membres du comité pourront se faire une idée de la portée de nos activités au quotidien, qui vont du recrutement prioritaire à la libération des membres en passant par l'accident de 1974 chez les cadets de Valcartier, sur lequel nous avons également enquêté. Nous couvrons toute la gamme.

Cela, mesdames et messieurs, est la version genre Reader's Digest de l'ombudsman des Forces canadiennes.

Le président : C'est très réussi. Merci beaucoup.

Ian McPhail, président, Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC : Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité ici aujourd'hui. Récemment, j'ai comparu devant votre comité pour traiter du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur l'Agence des services frontaliers du Canada, qui vise à créer un poste d'inspecteur général de l'Agence des services frontaliers du Canada. Je suis heureux de comparaître de nouveau devant vous pour traiter du projet de loi C-7.

En 2014, des modifications apportées à la Loi sur la GRC ont mené à la création de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes. Le mandat de la commission a été élargi afin d'englober, outre l'examen et le traitement des plaintes du public, l'examen d'activités et de programmes précis de la GRC pour s'assurer qu'ils sont exécutés conformément aux lois, aux règlements, aux directives ministérielles ou à toute politique, procédure ou autre directive.

Bien que le mandat de la commission soit très large et qu'il comprenne la possibilité d'examiner tout programme ou toute activité de la GRC, il reste que la gestion de la GRC incombe toujours au commissaire. Par conséquent, les questions ou les préoccupations concernant la dotation, les promotions, les licenciements et les rétrogradations ainsi que les ressources ne relèvent pas du mandat de la commission.

Cela étant dit, le débat en cours concernant l'article 238.19 dont il est question dans le projet de loi C-7, article ayant trait aux réserves relatives aux dispositions de la convention collective, revêt beaucoup d'importance pour l'enquête de la Commission sur le harcèlement en milieu de travail à la GRC. À cet égard, je crois comprendre que les limites proposées, plus particulièrement l'exclusion de la conduite et du harcèlement, concernent des questions déjà traitées par les cadres législatifs, réglementaires et stratégiques en vigueur.

En ce qui concerne la conduite et le harcèlement, la Loi sur la GRC et le Règlement de la GRC; le code de déontologie; les Consignes du commissaire et les politiques de la GRC décrivent les responsabilités des membres, des employés et des gestionnaires, ainsi que les attentes à leur égard, tout comme ils prévoient un processus applicable aux appels et aux griefs.

L'enquête de suivi de la Commission sur le harcèlement en milieu de travail à la GRC permettra d'évaluer les politiques et les processus en vigueur à la GRC pour déterminer s'ils sont adéquats. Dans le cadre de cet exercice, il se peut fort bien que nous examinions si les politiques et les processus en vigueur ont été établis en collaboration avec les agents négociateurs, les représentants des employés et d'autres intervenants concernés, et que nous examinions aussi si ces groupes sont consultés régulièrement au sujet de l'application des politiques.

Si l'enquête de la commission révèle des lacunes dans les politiques et les processus en vigueur ou si elle permet de cerner des éléments pouvant être améliorés à cet égard, je formulerai des recommandations claires et définitives sur la façon d'y remédier.

Je tiens aussi à souligner que, peu importe que le projet de loi C-7 soit adopté ou non avec les limites proposées, la loi habilitante de la commission continue de s'appliquer. Par conséquent, nous sommes toujours en mesure d'examiner la pertinence et le caractère suffisant des politiques de la GRC sur le harcèlement ainsi que la manière dont la GRC respecte la mise en œuvre et l'application concrètes des politiques et des processus.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de mes réflexions. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le président : Chers collègues, avant de vous laisser la parole pour poser vos questions, je vais demander à M. McPhail de faire le point sur l'examen en cours au sujet du harcèlement au sein de la GRC. Si je me souviens bien, la dernière fois que vous êtes venu ici, le commissaire ne vous avait pas encore dit si vous pourriez ou non interviewer les gendarmes en toute confidentialité. Pourriez-vous nous dire où vous en êtes?

M. McPhail : Bien sûr, monsieur le président. Il y a deux jours, il se trouve que j'ai reçu des nouvelles du commissaire et que, dans sa réponse, il s'est engagé à ne pas appliquer la consigne donnée aux membres de la GRC dans le cas de notre examen de la question du harcèlement au sein de ce corps policier.

Par ailleurs, dans cette même lettre, le commissaire a indiqué qu'il afficherait sur le site web de la GRC les nouvelles concernant notre enquête en cours. Je l'ai remercié pour son offre de collaboration et j'ai joint à ma réponse un formulaire d'annonce de notre enquête, à afficher sur le site web. Je suis donc heureux de déposer cette correspondance auprès du comité.

Le président : Nous apprécions que vous déposiez cette correspondance et vous êtes satisfait de la réponse qui vous a été donnée, c'est bien cela?

M. McPhail : Je trouve cela très encourageant.

La sénatrice Jaffer : Monsieur McPhail, vous n'êtes pas un nouveau venu à nos audiences et j'apprécie que vous vous soyez rendu disponible.

Le nouvel article 238.19 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique limite ce que peut contenir une convention collective. Cela ne vous est pas nouveau. En revanche, j'aimerais que vous me disiez une chose : comme vous le savez, le nouvel article 238.19 prévoit des réserves quant à ce qui peut figurer dans une convention collective, comme les conditions d'emploi portant sur les techniques de contrôle d'application des lois, les transferts, les évaluations, les stages, le licenciement ou la rétrogradation et la conduite, y compris le harcèlement. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet, je parle de l'article sur le harcèlement, parce que, à l'occasion de votre examen, vous ne voudrez peut-être pas faire certaines choses?

M. McPhail : Comme je l'ai dit, sénatrice, dans mes remarques préliminaires...

La sénatrice Jaffer : Et je souhaiterais que vous alliez un peu plus loin.

M. McPhail : J'ai compris. Sans égard aux dispositions du projet de loi C-7, le mandat de la commission en ce qui a trait aux enquêtes dans les causes de harcèlement, ne sera pas modifié. Nous conserverons ce pouvoir et l'enquête et l'examen en cours s'inscrivent dans le cadre de ce mandat.

Quant à savoir s'il y a lieu d'inscrire ces restrictions dans le projet de loi, cela échappe au mandat de la commission et même, selon moi, à celui de ce comité et des parlementaires. Je m'arrêterai à cela.

La sénatrice Jaffer : En quoi le projet de loi C-7 va-t-il influer sur votre travail? Va-t-il l'améliorer, les choses demeureront-elles en l'état ou serez-vous confronté à des défis?

M. McPhail : Le projet de loi C-7 pourrait affecter notre travail parce que l'une des recommandations que nous avons faites dans notre rapport sur le harcèlement, il y a trois ans, était d'adopter un mécanisme qui soit extérieur à la hiérarchie de l'organisation pour les cas de plainte pour harcèlement. Nous demeurons convaincus de la validité de cette recommandation si l'on veut que les gendarmes puissent s'exprimer sans crainte de rétorsion et avec l'espoir que la procédure soit juste.

À l'époque, nous n'avions pas précisé la forme que devrait prendre cette procédure. Je sais que, récemment, il a beaucoup été question de la façon dont les choses pouvaient se dérouler. C'est un des aspects dont nous allons traiter dans notre rapport.

La sénatrice Jaffer : Monsieur Walborne, dans vos remarques liminaires, vous avez parlé du projet de loi C-7 et de la façon dont il pourrait affecter votre travail. En quoi est-ce que le fait de permettre la création d'un syndicat sur le modèle en vigueur dans le reste de la fonction publique pourrait vous concerner?

M. Walborne : Je n'ai pas parlé du projet de loi C-7, j'ai simplement indiqué ce que notre bureau fait en tant qu'ombudsman.

Mon organisation appartient à un milieu composé de paramilitaires qui ne sont pas représentés et d'employés civils qui sont visés par les conventions collectives. Je suis à cheval sur les deux mondes. Honnêtement, je peux vous dire que je ne sais pas si nous allons avoir un problème en retrouvant cela dans la loi ou s'il y a vraiment un appétit pour le changement. Ce sont deux choses différentes.

Je crois que certains pouvoirs pourraient être détenus par la direction et que d'autres pourraient être donnés aux membres. Comme M. McPhail l'a dit, il appartient à votre comité et aux parlementaires de décider.

En ce qui me concerne, nous travaillons quotidiennement dans ce genre de milieu composé d'employés qui sont syndiqués et d'autres qui ne le sont pas. Sur nos 325 recommandations, 75 p. 100 ont été acceptés et mis en œuvre, ce qui n'est tout de même pas mal. J'estime que nous avons fait un bon travail au sein de notre milieu, mais il nous a fallu 18 ans pour en arriver là où nous en sommes.

Le sénateur Day : Monsieur McPhail, mes questions vont en partie découler de celles qui vous ont été posées au sujet de l'étude que vous avez réalisée en 2013, et nous en avons d'ailleurs parlé la dernière fois quand nous nous sommes vus. À l'époque, je me souviens vous avoir entendu dire que vous alliez recommander l'adoption d'un mécanisme d'appel ou de plainte duquel la hiérarchie serait exclue. Cette recommandation a-t-elle fait l'objet d'un suivi?

M. McPhail : La lettre de mandat demande notamment au ministre d'étudier les changements à apporter aux politiques et de mettre ces politiques en œuvre. Je ne veux pas m'avancer quant aux résultats éventuels de notre enquête mais, pour l'instant, je ne pense pas que cette recommandation ait été mise en œuvre.

Le sénateur Day : On parle ici de harcèlement, de plaintes et de problèmes.

M. McPhail : C'est exact.

Le sénateur Day : Vous avez fait remarquer au président que le commissaire a publié un communiqué et affiché une annonce sur Internet pour que, c'est du moins ce qu'on peut supposer, tout le monde soit au courant. Êtes-vous certain que ces communications ont permis de mettre les membres de la GRC, leur famille et leurs amis au courant de la situation?

M. McPhail : Nous avons fait parvenir cette annonce au commissaire en réponse à son invitation à afficher l'information en ligne. Ça n'a pas encore été fait.

Le sénateur Day : Nous craignons qu'il y ait des problèmes d'intimidation. Si tout le monde estime que la règle qui prévaut est de ne parler à personne de l'extérieur, pas même à vous, sans d'abord demander l'autorisation au commissaire, il en faudra beaucoup, selon moi, pour faire passer l'idée que la politique a radicalement changé.

M. McPhail : C'est vrai.

Le sénateur Day : Vous êtes d'accord avec ça?

M. McPhail : Tout à fait.

Le sénateur Day : Si l'on devait imaginer un mécanisme pour traiter des questions dont vous parliez, en toute indépendance de la hiérarchie, ou imaginer un groupe qui entendrait les plaintes ou les appels en matière de harcèlement, estimez-vous que l'ombudsman, comme le bureau de M. Walborne — et vous êtes au courant de la lettre de mandat relative à la Défense nationale et aux familles des employés du MDN et des membres des Forces armées canadiennes — pourrait être le genre de mécanisme indépendant que vous recherchez?

M. McPhail : Encore une fois, je ne veux pas m'avancer quant aux résultats de votre étude, mais quand nous avons formulé cette recommandation, nous nous étions dit que cet organisme pourrait être externe ou interne à la GRC, mais hors du contrôle de la chaîne de commandement, cela essentiellement pour permettre à tout membre de la GRC s'estimant victime de harcèlement de déposer plainte en toute confiance.

Le sénateur Day : Monsieur Walborne, je vais vous demander de préciser une chose pour la transcription. Vous travaillez en étroite collaboration avec un autre ombudsman, celui des Anciens Combattants et des familles d'anciens combattants. Je suis au courant d'un protocole d'entente concernant les soins médicaux que des membres de la GRC ont reçus d'Anciens Combattants Canada. Êtes-vous au courant du mandat de l'ombudsman d'Anciens Combattants Canada? Est-ce que l'un de vous est habilité à entendre les plaintes de membres de la GRC, de policiers à la retraite ou de leur famille?

M. Walborne : Avant d'occuper mes fonctions actuelles, j'ai été ombudsman adjoint à Anciens Combattants Canada pendant trois ans. En ce qui concerne les anciens membres de la GRC, l'ombudsman d'Anciens Combattants Canada ne pouvait être saisi que des différends ou des conflits à propos des services reçus par un gendarme, en vertu du protocole d'entente conclu avec Anciens Combattants Canada. C'est le seul pouvoir dont soit investi l'ombudsman.

Le sénateur Day : Et vous n'en avez aucun?

M. Walborne : Aucun.

Le président : Je vais enchaîner par deux ou trois questions.

Premièrement, la dernière fois que vous avez témoigné devant notre comité, vous nous avez rapidement décrit ce qui pourrait se passer dans le cadre d'un protocole d'entente avec la GRC. Que devriez-vous faire, au sein de votre organisation, pour jouer exactement le même rôle envers la GRC que celui que vous jouez pour le ministère de la Défense nationale, si toutefois cela vous était demandé? Je ne vous remettrai pas vos déclarations sous le nez, mais c'est juste pour avoir une idée.

M. Walborne : Merci pour cela, sénateur.

Je constate qu'il y a beaucoup de recoupements entre les deux organisations. On peut décrire la GRC comme étant une organisation paramilitaire ou quasi militaire. Les questions dont on parle au sujet de la GRC sont exactement celles dont nous nous sommes occupés au sein du ministère de la Défense nationale : des questions de harcèlement, d'affectation, d'avantages sociaux et d'autres du genre. Je vois beaucoup de similitudes.

J'imagerais donc la mise sur pied d'une unité qui serait plus ou moins chargée de faire la même chose que ce que nous faisons pour les membres militaires et civils des Forces armées canadiennes.

Nous sommes indépendants des hiérarchies militaire et civile. Je dispose de mes propres systèmes de technologie de l'information, de mon service juridique et de mon service de communication et nous sommes donc entièrement indépendants du ministère. Cela ne nous empêche pas de collaborer avec celui-ci. Comme je le disais, nous appliquons une démarche essentiellement officieuse du haut vers le bas. On peut donc parler de synergie et je crois pouvoir dire qu'un tel mécanisme serait envisageable.

Le président : Je vais poser deux questions à M. McPhail.

D'abord, revenons sur la question de l'examen du harcèlement au sein de la GRC que vous êtes en train d'effectuer. Je crois que vous avez déjà répondu à ma première question, soit que vous disposez du pouvoir de conduire cet examen, mais vous n'avez pas répondu à celle du sénateur Day.

M. McPhail : C'est vrai.

Le président : Depuis combien de temps attendez-vous l'affichage de cette information en ligne?

M. McPhail : La lettre que j'ai envoyée au commissaire Paulson était datée du 20 avril et il m'a répondu le 18 mai.

Le président : Autrement dit un mois.

M. McPhail : Le 1er juin, nous avons répondu en lui disant que nous acceptions son invitation et avons joint un projet d'avis.

Le président : Vous vous attendez donc à ce que cela soit fait dans les prochains jours, n'est-ce pas?

M. McPhail : Oui.

Le président : Alors, si vous me le permettez, je vais enchaîner sur la question du sénateur Day. Quelles autres mesures allez-vous prendre afin de vous assurer que les membres de la GRC comprennent bien que la politique qui s'appliquait jusqu'ici est désormais nulle et non avenue?

M. McPhail : Dans le projet d'annonce que nous avons préparé, nous décrivons la nature de notre travail, le fait qu'il est important pour nous de savoir ce que pensent les membres de la GRC, que les consultations sont fondamentales et que, récemment, le commissaire Paulson m'a précisé que le cadre d'interaction interne avec la CCETP ne s'appliquera pas aux gendarmes ni aux employés qui contactent la commission. Nous avons mis un passage en exergue : « Tout renseignement fourni à la commission à cet égard demeurera confidentiel. Les informations reçues seront regroupées par thème clé avant d'être communiquées à la GRC. »

Nous avons créé un site web et une ligne 1-800 à l'intention des membres de la GRC. Nous n'allons pas nous contenter d'attendre passivement leurs appels, mais nous allons effectuer... nous n'avons pas encore arrêté la démarche précise que nous allons suivre, mais nous envisageons d'organiser des groupes de discussion pour essayer de dégager un aperçu plus objectif de la culture interne afin de pouvoir mieux appréhender la question.

Les résultats ne seront pas nécessairement envoyés directement comme tels, mais tous les membres de la GRC y auront accès.

Le président : Pouvez-vous nous rappeler quand vous estimez que tout cela sera terminé? Vous nous l'aviez dit la dernière fois, mais j'aimerais que vous nous le répétiez pour mémoire. Quel est votre échéancier?

M. McPhail : Il dépend évidemment de la mesure dans laquelle nous parviendrons à mettre la main sur les dossiers nécessaires en collaboration avec la GRC. Je vise le printemps de 2017.

Le président : Passons à autre chose. Parlons de l'association des représentants des relations fonctionnelles qui a été démantelée. Vous êtes au courant, n'est-ce pas?

M. McPhail : Oui.

Le président : Nous venons d'apprendre aujourd'hui que les contributions au fonds ont été interrompues. D'après ce que nous ont dit les témoins, cette décision est totalement arbitraire.

Compte tenu de votre mandat et de votre responsabilité de fiduciaire pour la GRC et pour la population, estimez- vous que le démantèlement du Programme des représentants des relations fonctionnelles et que le fait qu'il n'y ait plus de membre élu représentant la base au sein de la GRC — outre le fait que le Fonds de recours juridique ne soit plus provisionné — vont se faire sentir sur votre charge de travail? Où les membres de la GRC qui veulent se plaindre devraient-ils désormais s'adresser?

M. McPhail : Cela pourrait effectivement avoir un effet sur la charge de travail de la commission parce que, compte tenu de son mandat qui est d'entendre des plaintes des membres dans l'exercice de leurs fonctions, tout gendarme peut lui adresser une plainte.

Le président : C'est précisément ce que je voulais dire. Ce que nous avons entendu aujourd'hui est assez troublant. Tout cela se ramène à une question du moral de la base au sein du corps policier national. Les témoignages d'aujourd'hui ont été plutôt négatifs. Pourriez-vous nous dire quelques mots, en fonction de votre situation actuelle, comment réagissent les membres de la GRC actuellement en vertu du mandat qui leur est confié? Qu'en pensez-vous?

M. McPhail : Je ne suis pas encore en mesure de vous parler de la question du moral au sein des troupes. Nous avons cependant pour objectif, à la faveur de notre examen du harcèlement et de la situation plus globale de la culture de l'organisation, d'examiner la question du moral. Donc, si je ne suis pas en mesure de répondre à cette question aujourd'hui, dans le temps, je serai heureux de revenir devant vous et de vous faire part de mes conclusions à ce sujet.

Le président : Chers collègues, nous arrivons au terme de la séance.

Le sénateur Day : Avant de conclure, monsieur le président, je me posais une question qui découle de la précédente. L'étude que vous effectuez actuellement au sujet du harcèlement n'est qu'une mise à jour de votre étude de 2013 ou une comparaison par rapport à celle-ci. N'est-ce pas?

M. McPhail : Je dirais qu'elle est beaucoup plus vaste que cela parce que nous revenons sur la mise en œuvre des recommandations que nous avions formulées en 2013. Nous examinons la mise en œuvre du plan d'action du commissaire. À cette occasion, nous étudions aussi les attitudes au sein de la GRC, pour ce qui est du harcèlement, du moral et des attitudes en général, cela pour déterminer dans quelle mesure nos recommandations et le plan d'action du commissaire ont été mis en œuvre et pour éventuellement recommander des correctifs.

Le sénateur Day : Monsieur McPhail, d'après ce que vous nous avez dit la dernière fois que vous êtes venu devant le comité, cette demande de nouvelle étude émanant du ministre s'est fait attendre.

M. McPhail : Oui, c'est effectivement le cas, mais je rappellerai que je suis venu témoigner devant votre comité il y a trois ans de cela, également, et qu'à l'époque j'avais indiqué qu'une fois le nouveau code de conduite en place, nous reviendrions sur la question.

Le sénateur Campbell : Monsieur McPhail, pouvez-vous revenir sur l'enchaînement des événements entourant l'annonce à publier sur le site web de la GRC? Quand avez-vous demandé à ce que cela soit fait?

M. McPhail : Je vais déposer les lettres et la correspondance du 20 avril, en français et en anglais. Voici un extrait :

Je vous invite à autoriser et à encourager tous les membres et tous les employés qui désirent communiquer avec la Commission à le faire directement aux fins de la présente enquête.

En outre, je vous demanderais de bien vouloir autoriser les membres et les employés à être contactés par la Commission, chaque fois que celle-ci le jugera approprié. Il est essentiel que nous puissions avoir accès aux membres et aux employés, sans que ceux-ci craignent de représailles s'ils parlent ouvertement à la Commission, et pour que nous puissions faire rapport au sujet de cette question importante. Cela étant, j'aimerais que le tout soit traité sous le sceau de la confidentialité.

Puis, vient la lettre datée du 18 mai...

Le sénateur Campbell : Donc, dans la première lettre, vous ne parlez pas du versement sur le site web?

M. McPhail : Non. Je voulais obtenir du commissaire la garantie que nous pourrions traiter tout cela sous le sceau de la confidentialité et que les gendarmes pourraient nous parler sans avoir, d'abord, à s'en ouvrir auprès de leurs supérieurs.

Le sénateur Campbell : Le 18 mai?

M. McPhail : Le 20 avril.

Le sénateur Campbell : Non, mais vous avez réécrit le 18 mai?

M. McPhail : Non, le 18 mai, j'ai reçu la réponse du commissaire Paulson qui me disait ceci :

Permettez-moi de suggérer une solution de rechange, un moyen plus convivial de réaliser votre objectif. Je serais heureux de publier dans notre site web interne de l'information sur votre examen d'activités précises ainsi que les coordonnées de la Commission.

Le sénateur Campbell : Qu'est-ce que ça veut dire?

M. McPhail : Je crois comprendre qu'il m'invitait à rédiger un avis qui serait affiché sur le site web interne de la GRC, à l'intention de tous les membres.

Le sénateur Campbell : Puis, en juin, que se passe-t-il?

M. McPhail : Le 1er juin, nous avons accusé réception de la lettre et confirmé que le cadre interne, indiqué au paragraphe 3, ne s'appliquerait pas à notre enquête. Celui-ci mentionnait que les employés de la GRC désireux de communiquer avec la CCETP relativement à un dossier en particulier ou pour toute autre activité de la Commission, devaient d'abord en aviser le groupe de la responsabilité professionnelle, ou GRP, dans leurs divisions respectives, lequel en aviserait ensuite l'ADNPP. J'ai joint à ma missive l'annonce à faire paraître sur le site web.

Le sénateur Campbell : Une autre question. Un an, ça paraît beaucoup. Vous avez dit que vous ne seriez pas pleinement opérationnel avant le printemps de 2017. Pourquoi une pleine année? Depuis quand occupez-vous votre poste à la tête de la Commission?

M. McPhail : À temps plein? Depuis un an et demi environ.

En 2013, nous avions recommandé que les dossiers sur le harcèlement soient centralisés afin qu'il nous soit possible de nous en occuper plus directement. Nous en avons parlé et notre personnel a appris que le simple fait de retracer ces dossiers pourrait prendre beaucoup de temps. Pas plus tard que ce matin, en réponse à cette remarque de nos homologues à la GRC, j'ai dit à ces gens-là que nous pourrions nous-mêmes nous rendre dans les différentes divisions pour examiner les dossiers. J'estimais que cela pourrait accélérer le processus. Malheureusement, il n'existe pas de système de classement centralisé des dossiers.

Le sénateur Campbell : Grand Dieu, et je pensais que nous étions en 2016. Ça ne vous préoccupe pas de voir qu'à notre époque, les dossiers de harcèlement — et c'est sans doute le cas de bien d'autres types de dossiers — ne sont pas regroupés en un seul et même endroit?

M. McPhail : Nous sommes bien en 2016, mais en 2013, nous pensions que c'était déjà un problème, raison pour laquelle nous avions recommandé que les plaintes puissent être contrôlées centralement au niveau de l'administration centrale.

Le sénateur Campbell : Je veux être sûr de bien comprendre. Autrement dit, pendant trois ans, la GRC... je ne peux pas dire quoi, parce que nous sommes à la télévision publique. Pendant trois ans, vous n'avez absolument pas reçu de réaction de la GRC vous indiquant que c'était une bonne idée et qu'elle allait faire cela tout de suite?

M. McPhail : Après la publication de notre rapport, le commissaire Paulson a écrit pour me dire qu'il était d'accord avec nos recommandations et qu'il allait collaborer avec nous.

Le sénateur Campbell : Ça bouge à la vitesse de l'éclair. Merci, monsieur le président.

Le président : Je veux m'attarder un peu plus sur cette question, parce que je ne veux pas que nous en restions sur des non-dits. Pourriez-vous nous dire ce qu'il est advenu de vos recommandations formulées en 2013 et, par écrit, nous indiquer si elles ont été mises en œuvre?

J'ai beaucoup de mal à comprendre ce genre de choses, à notre époque, quand on sait que le harcèlement est un véritable problème au sein de la GRC — ce qui n'est pas bon pour son image — et que, pis encore, vous ignorez quel est le nombre de cas de harcèlement. Allez-vous devoir aller dans chaque détachement, carnet de notes et crayon en main?

M. McPhail : Dans chaque division, pas dans chaque détachement.

Le président : Ça dépasse l'entendement. On aurait pu imaginer que ces dossiers vous soient envoyés.

M. McPhail : Oui.

Le président : Qu'en est-il de votre responsabilité? Vous avez fait une recommandation. Avez-vous un pouvoir quelconque?

M. McPhail : Nous ne pouvons pas contraindre la GRC à mettre nos recommandations en œuvre. Cependant, le commissaire a déclaré qu'il était d'accord avec ces recommandations et qu'il les appliquerait. Je serais donc très heureux de faire parvenir un exemplaire de nos recommandations de 2013 au comité, ainsi que la correspondance qui a suivi avec le commissaire.

Quant à la mesure dans laquelle nos recommandations ont été mises en œuvre, cela constitue une partie importante de notre enquête.

Le sénateur Day : Au nom du ministre.

M. McPhail : Oui.

Le président : Il serait intéressant de savoir ce que vous avez découvert.

Chers collègues, il est 17 h 15. Je remercie maintenant nos témoins d'avoir pris sur leur temps pour venir nous rencontrer à l'occasion d'une séance riche d'enseignements.

Permettez-moi de vous préciser que nous allons essayer de continuer nos travaux, mercredi, entre 11 et 12 heures pour étudier nos recommandations relatives au projet de loi C-7. Vous voilà prévenus.

(Le comité s'ajourne.)

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