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SECD - Comité permanent

Sécurité nationale, défense et anciens combattants

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense

Fascicule no 8 - Témoignages du 17 octobre 2016


OTTAWA, le lundi 17 octobre 2016

Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 13 heures, en séance publique, pour étudier les menaces à la sécurité nationale, notamment : a) le cyberespionnage; b) les menaces aux infrastructures essentielles; c) le recrutement de terroristes et le financement d'actes terroristes; d) les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes, puis à huis clos, pour étudier les questions relatives à l'Examen de la politique de défense entrepris actuellement par le gouvernement.

Le sénateur Daniel Lang (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Chers collègues, bienvenue au Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense en ce lundi 17 octobre 2016. Avant de commencer, j'aimerais procéder aux présentations des personnes assises à la table.

Je m'appelle Dan Lang, et je suis un sénateur du Yukon. Immédiatement à ma gauche, il y a le greffier du comité, Adam Thompson.

J'invite maintenant les sénateurs à se présenter eux-mêmes en précisant la région qu'ils représentent, en commençant par le sénateur à ma droite.

Le sénateur Kenny : Colin Kenny, Ontario.

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, Québec.

Le sénateur Meredith : Don Meredith, Ontario.

Le président : Merci, messieurs. La séance d'aujourd'hui durera trois heures. Dans la première partie, nous entendrons des représentants de la Charity Commission du Royaume-Uni. Nous avions aussi l'intention d'accueillir un représentant de la police métropolitaine du Royaume-Uni, mais malheureusement, cela n'aura pas lieu aujourd'hui.

Pour la deuxième partie, nous nous réunirons à huis clos pour discuter des travaux du comité.

Comme récapitulation, pour ceux qui nous regardent à la maison et pour nos invités, le 2 février 2016, le Sénat a autorisé le comité à poursuivre son étude sur les menaces à la sécurité nationale, notamment le cyberespionnage, les menaces aux infrastructures essentielles, le recrutement de terroristes et le financement d'actes terroristes, et les opérations antiterroristes et les poursuites contre les terroristes. Dans le cadre de notre étude, le comité a déposé un rapport provisoire sur les menaces à la sécurité nationale, et a proposé un certain nombre de recommandations.

Sur le plan des organismes de bienfaisance, le comité a appris que l'Agence du revenu du Canada a révoqué à huit organismes de bienfaisance leur statut pour motif de liens avec le terrorisme; cependant, aucune accusation n'a été portée. Un organisme de bienfaisance, l'International Relief Fund for the Afflicted and Needy, IRFAN, a été désigné entité terroriste en 2014, 20 ans après la révélation de renseignements concernant les travaux de cet organisme. Mais là encore, aucune accusation n'a été portée.

Par ailleurs, le comité s'est déclaré inquiet du manque de poursuites pour motif de financement du terrorisme, en dépit du fait que le CANAFE, l'organisme responsable de la surveillance du financement du terrorisme, ait repéré 683 cas entre 2009 et 2014.

Quant au financement du terrorisme, nous n'avons qu'une seule condamnation, et ce, suite à un plaidoyer de culpabilité. Le terrorisme est un problème mondial que le Canada et ses alliés travaillent à régler. Il est important pour nous d'apprendre de nos alliés ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans leur pays. Nous accueillons aujourd'hui Mme Michelle Russell, directrice des enquêtes, de la surveillance et de l'application de la loi à la Charity Commission de l'Angleterre et du pays de Galles, et M. Tim Hopkins, de la Direction des enquêtes, de la surveillance et de l'application de la loi.

À titre d'information pour les gens qui nous regardent, la Charity Commission du Royaume-Uni est l'organisme de réglementation et le registraire des organismes de bienfaisance en Angleterre et au pays de Galles. C'est un ministère indépendant qui relève directement du Parlement. Il est aussi responsable de l'exercice de ses pouvoirs quasi judiciaires devant le tribunal de première instance et la haute cour concernant les organismes de bienfaisance. La Charity Commission est chargée de décider si les organismes sont des œuvres de bienfaisance et devraient être ajoutés au registre des organismes de bienfaisance ou, dans certains cas, retirés du registre, et elle a la responsabilité de la tenue de ce registre.

Cette commission fonctionne selon un cadre juridique clair et suit des politiques et procédures publiées visant à faire en sorte que son approche soit proportionnée. En mars 2016, le Parlement britannique a adopté une loi, la Charities (Protection and Social Investment) Act 2016. Cette loi a augmenté les types de condamnation donnant lieu à l'interdiction automatique d'exercer les fonctions d'administrateur, y compris les condamnations pour terrorisme et blanchiment de capitaux. Elle a ajouté également le pouvoir pour la commission de délivrer un avertissement réglementaire à un administrateur d'organisme de bienfaisance qui, à son avis, est responsable d'abus de confiance ou de manquement à son devoir, ou de toute autre forme d'inconduite ou de mauvaise gestion. Ce pouvoir intervient entre la prestation de conseils à un organisme de bienfaisance et le lancement d'une enquête réglementaire.

Madame Russell et monsieur Hopkins, bienvenue. Nous sommes vivement intéressés à vous entendre décrire la situation au Royaume-Uni en ce qui concerne les questions d'extrémisme et de terrorisme.

Je crois que vous avez une déclaration préliminaire.

Michelle Russell, directrice, Enquêtes, surveillance et application de la loi, Charities Commission du Royaume-Uni : Bon après-midi, et merci de nous avoir invités à témoigner devant votre comité.

Je serai brève dans ma déclaration d'ouverture, de sorte qu'il y ait amplement le temps pour que vous puissiez nous interroger sur les divers aspects du régime de réglementation ici au Royaume-Uni.

Tout d'abord, 160 000 organismes de bienfaisance sont inscrits auprès de la Charity Commission, et nous traitons des aspects de réglementation d'une partie seulement du secteur volontaire ici au Royaume-Uni, qui est bien plus étendu.

Nous ne sommes pas une autorité fiscale; par conséquent, à l'encontre de votre propre régime de réglementation, nous sommes un organe de réglementation civil. Nous sommes établis depuis 1853, et ce sont les tribunaux qui nous ont conféré notre pouvoir de surveillance des organismes de bienfaisance.

L'autre chose que je mentionnerais porte sur le contexte du contre-terrorisme, tant dans le domaine du financement du terrorisme que d'une gamme de nuances diverses touchant l'extrémisme et les problèmes d'extrémisme. C'est un des trois domaines que nous considérons prioritaires, le deuxième étant la fraude et l'exploitation financière des organismes de bienfaisance, et le troisième la sauvegarde et la protection de l'enfance dans le contexte des organismes de bienfaisance.

Cependant, la démarche stratégique est très semblable dans les diverses branches. Tout d'abord, il faut disposer du pouvoir de prendre des mesures d'application et de collaborer avec nos organismes d'application de la loi pour le faire, au besoin. Deuxièmement, il faut veiller à surveiller et à superviser le secteur et à repérer les domaines où ces risques se présentent. Troisièmement, c'est la coopération dont j'ai parlé, pas seulement dans le secteur, mais aussi avec les organismes d'application de la loi à l'échelle nationale et à l'échelle internationale, avec tous nos partenaires. Quatrièmement, un aspect sur lequel nous mettons fortement l'accent, c'est la conscientisation et la prévention, ainsi que la collaboration avec le secteur de la bienfaisance pour aider ces organismes à se protéger eux-mêmes contre l'exploitation — pas seulement, comme je l'ai dit, l'utilisation abusive à des fins terroristes, mais aussi sur toute la ligne.

Je m'en tiendrai là. Nous sommes très heureux d'être avec vous aujourd'hui, et nous accueillerons avec plaisir votre examen et vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Commençons par le sénateur Dagenais.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je remercie nos invités de leur présence. Ma première question s'adresse à M. Harman. On sait que de nombreuses enquêtes ont été menées sur les organismes caritatifs. Dans un rapport annuel — corrigez-moi, si je me trompe — 1 746 enquêtes ou échanges ont été effectués concernant divers organismes caritatifs. De ce nombre, environ 234 recommandations ont été énoncées en lien avec le terrorisme ou des causes extrémistes.

Pouvez-vous nous dire si des accusations ont été portées, à la suite de ces enquêtes, contre les organismes qui font des collectes de fonds pour des organismes caritatifs?

[Traduction]

Mme Russell : Je crois que cette question aurait pu être adressée à notre collègue de la police métropolitaine qui n'a pas pu être des nôtres aujourd'hui.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Effectivement, il n'est pas là aujourd'hui. Je croyais que la personne à vos côtés était M. Harman.

[Traduction]

Le président : Le représentant de la police métropolitaine n'a pas pu venir.

Mme Russell : Voici M. Tim Hopkins, qui travaille à la Charity Commission également.

Tim Hopkins, Direction des enquêtes, de la surveillance et de l'application de la loi, Charities Commission du Royaume- Uni : Malheureusement, notre collègue n'a pas pu venir aujourd'hui, mais s'il y a des questions précises concernant la police métropolitaine, nous pourrons les prendre en note et acheminer plus tard une réponse au comité.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Je sais qu'il n'y a pas de représentants de la police métropolitaine. Pouvez-vous transmettre ma question à M. Harman?

On comprend que des enquêtes ont été menées sur divers organismes de caritatifs. Maintenant, nous aimerions savoir si des plaintes ont été retenues, si des accusations ont été déposées contre certains organismes. C'est le but de ma question.

C'est bien dommage que le représentant en question ne soit pas présent.

En passant, madame, j'ai bien apprécié votre présentation. Mais c'est la question que je viens de poser qui m'importe le plus.

[Traduction]

Le président : Êtes-vous au courant d'accusations qui ont été portées? Puisque vous participez d'une façon ou d'une autre, je suppose que vous seriez au courant. Vous pourriez peut-être nous dire ce que vous savez.

Mme Russell : Oui, nous pouvons certainement vous expliquer comment fonctionnent les choses dans notre interaction avec les organismes d'application de la loi, y compris la police. Je laisserai mon collègue, M. Hopkins, vous parler de cela.

Je précise, pour commencer, que le terrorisme et les infractions terroristes relèvent du criminel au Royaume-Uni. Par conséquent, c'est principalement à la police qu'incombe la responsabilité première des enquêtes concernant toute allégation soit de financement d'activités terroristes, soit d'extrémisme criminel.

Ceci étant dit — et je suis sûre que mon collègue vous en dira plus là-dessus —, il est difficile, surtout dans le contexte des organismes de bienfaisance, d'obtenir une déclaration de culpabilité dans le cas du financement d'activités terroristes.

Nous pouvons peut-être vous expliquer comment nous fonctionnons parallèlement quand les choses ne relèvent pas précisément du régime criminel, et comment nous utilisons le régime de réglementation des organismes de bienfaisance pour combler cette lacune.

M. Hopkins : Je commencerai par l'aspect condamnation. Jusqu'à présent, il y a trois cas touchant des particuliers ayant un lien avec un organisme de bienfaisance, qui ont fait l'objet des manchettes; ces personnes ont été déclarées coupables du délit de financement d'activités terroristes en particulier, ou d'un délit de terrorisme relié à un organisme de bienfaisance et au financement.

La plus récente affaire concerne un individu, déclaré coupable en février cette année, qui recueillait des fonds à l'extérieur d'une structure de bienfaisance, donc pas à partir d'un organisme de bienfaisance inscrit, mais qui sollicitait des dons sous le prétexte que ces fonds seraient utilisés pour aider les personnes dans le besoin en Syrie.

Le rapport d'enquête de la commission portant sur cette personne et sur les fonds qu'elle a levés démontre le travail de collaboration que la commission a mené avec une de nos forces policières régionales, la North East Counter Terrorism Unit. Ce travail a consisté en particulier à échanger des renseignements avec cette unité, à lui fournir la déclaration de témoins à l'appui de son enquête judiciaire et à fournir des preuves à l'appui de la poursuite; il s'est agi aussi de mesures visant à protéger et à redistribuer les fonds recueillis par cette personne pour faire en sorte que ceux-ci soient utilisés aux fins visées, parce que nous partons du principe qu'en l'absence de preuve du contraire, les personnes qui ont fait des dons à des organismes de bienfaisance ou à des personnes qui recueillent des fonds pour la charité le font avec les meilleures intentions et à des fins de charité.

En ce qui concerne les difficultés que Michelle a mentionnées, il y a manifestement le problème de l'obtention d'une condamnation de terrorisme, en général. C'est un seuil de critère très élevé à atteindre dans le système judiciaire au Royaume-Uni. La police peut devoir prendre en compte d'autres éventuelles infractions criminelles auxquelles une personne peut avoir participé également, ou encore, s'il n'est pas possible d'obtenir une condamnation, la police peut devoir se tourner vers d'autres organismes ou partenaires de réglementation qui pourraient aider en recueillant des preuves ou en prenant des mesures à l'endroit de certaines personnes, s'il y a lieu.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Madame Russell, vous êtes la directrice des enquêtes et vous veillez à l'application des lois. Comment se font les échanges d'information entre les corps policiers et votre organisme?

[Traduction]

Mme Russell : Comme vous pouvez l'imaginer et comme le public pourrait s'y attendre, il y a une coopération et une liaison très étroites entre la Charity Commission, qui est l'organe de réglementation civil, et la police et les organismes d'application de la loi.

Selon nos lois, la Charity Commission en particulier dispose d'une passerelle juridique lui permettant de divulguer et d'échanger des renseignements, dans la poursuite de ses buts législatifs, avec n'importe quelle autre autorité publique. Ces autorités publiques ne sont pas nommées dans les lois, mais la police en est une. D'autres membres des services de sécurité en font partie également, tout comme d'autres organes de réglementation civils.

Cela ne se limite pas non plus aux institutions britanniques; donc, si nous devions communiquer des renseignements à l'Agence du revenu du Canada, cela s'inscrirait dans nos pouvoirs et serait conforme à nos lois qui nous y autorisent, avec les protections et garanties appropriées.

Selon nos lois également, cette passerelle peut être bilatérale; par conséquent, si d'autres organismes ne disposent pas d'une passerelle juridique, ils peuvent se servir de notre passerelle juridique pour partager des renseignements avec nous. Sans divulguer les détails des renseignements que nous échangeons avec nos partenaires, comme vous pouvez vous en douter, nous publions cependant tous les ans le nombre total des échanges que nous avons eus au titre de ce pouvoir juridique qui nous est conféré.

Mais ce n'est pas seulement le partage de renseignements par la passerelle législative. Il y a un lien très étroit et, comme je l'ai dit, dès que nous prenons connaissance d'une allégation visant soit un organisme de bienfaisance, soit l'utilisation abusive d'un organisme de bienfaisance, nous avisons la police et les organismes d'application de la loi en vertu des associations, partenariats et protocoles que nous avons. Par conséquent, nous pouvons simplement prendre le téléphone et communiquer directement avec les spécialistes de l'organisme partenaire.

Je ne voudrais cependant pas que vous ayez l'impression que tout tourne autour de l'application. Nous collaborons grandement avec la police, les organismes d'application de la loi et les ministères sur le plan de la prévention, pour augmenter la conscientisation. Par exemple, selon notre loi, les administrateurs d'organisme de bienfaisance ont l'obligation de signaler tout soupçon qu'ils ont de financement d'activités terroristes. Récemment, nous avons procédé, de concert avec des organismes d'application de la loi, à des activités de sensibilisation à cette obligation particulière.

Avez-vous autre chose, Tim, à ajouter à cela?

M. Hopkins : La seule chose que j'aimerais ajouter, c'est qu'une copie de l'alerte publiée conjointement dont Michelle a parlé a été envoyée au sénateur Lang. Elle se trouve sur le site web de la commission.

En plus des échanges concernant ces cas particuliers pour lesquels il y aura une collaboration plus étroite, il pourrait y avoir des déclarations de témoin et des témoignages lors de poursuites au criminel pour appuyer les enquêtes menées par les organismes d'application de la loi, si la situation vise un organisme de bienfaisance ou des personnes ayant un lien avec un organisme de bienfaisance.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Des sommes d'argent considérables transigent par l'entremise des organismes caritatifs. Lorsque vous voyez ces sommes d'argent, demandez-vous qu'on vous fournisse des informations supplémentaires à ce moment-là?

[Traduction]

Mme Russell : Au Royaume-Uni, les organismes de bienfaisance que nous réglementons, les 160 000 organismes inscrits sur notre site web, déboursent environ 60 milliards de livres sterling annuellement. Vous avez raison, monsieur; d'énormes sommes d'argent sont échangées par l'entremise d'organismes de bienfaisance, et pas seulement à l'échelle nationale. Plus de 14 000 de nos organismes de bienfaisance envoient de l'argent outre-mer, et souvent dans des zones de conflit ou d'instabilité. Il y a donc là une immense quantité de renseignements.

En ce qui concerne les rapports destinés au public, et non pas les opérations individuelles, il y a un seuil plus bas en ce qui concerne la transparence au Royaume-Uni. Il y a un mécanisme d'établissement de rapports destinés au public pour les comptes annuels. Plus un organisme dépense des revenus et plus il a de revenus, plus sont élevées ces exigences de transparence qui s'appliquent à ses comptes.

Je dois aussi préciser que comme les organismes de bienfaisance font leurs opérations par le truchement du secteur financier, ils sont bien sûr pris en compte dans ce que nous appelons ici, au Royaume-Uni, les « rapports sur les activités suspectes ». Donc, si des opérations individuelles soulèvent quelques inquiétudes, les banques sont obligées de soumettre un rapport sur les activités suspectes à notre groupe des enquêtes financières qui, ici au Royaume-Uni, est la National Crime Agency.

Tim, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Hopkins : Les renseignements publics que nous recueillons comprennent aussi une indication de l'endroit à l'étranger où l'argent est envoyé, ventilée par organisme de bienfaisance. Si un organisme envoie de l'argent à des zones à risque élevé, cette information nous est communiquée annuellement.

En plus des rapports publics que les organismes de bienfaisance doivent produire et qu'on peut consulter sur notre site web pour chaque organisme individuel inscrit chez nous, les organismes de bienfaisance doivent tenir et conserver des dossiers comptables. La commission peut inspecter ces dossiers si elle a des préoccupations concernant un organisme de bienfaisance particulier, et elle peut aussi procéder à un audit pour confirmer ou infirmer tout soupçon.

Le sénateur Meredith : Monsieur Hopkins, quand vous avez parlé des affaires notoires — parliez-vous de l'affaire Adeel Ul-Haq? Était-ce une de ces affaires?

M. Hopkins : C'est exact, oui.

Le sénateur Meredith : Était-ce la première situation au Royaume-Uni où un administrateur a été accusé et condamné à cinq ans d'emprisonnement?

M. Hopkins : C'est la première fois qu'une personne assumant les fonctions d'administrateur d'un fonds de bienfaisance l'a été. Les deux autres condamnations portaient effectivement sur des personnes qui avaient déclaré publiquement qu'elles recueillaient des fonds au nom d'organismes de bienfaisance, alors que ces fonds étaient destinés à d'autres fins.

Dans un cas, deux personnes ont été déclarées coupables de financement d'activités terroristes pour avoir déclaré que l'argent qu'elles recueillaient était destiné à aider des personnes dans le besoin à l'étranger. Cet argent était acheminé à leur frère qui se battait en Somalie avec le groupe al-Shabaab. L'autre cas impliquait des personnes qui, là encore, levaient des fonds dans le pays, mais les personnes pour lesquelles elles recueillaient ces fonds avaient l'intention de commettre des atrocités au Royaume-Uni.

Le sénateur Meredith : Dans la même veine, y a-t-il eu d'autres personnes accusées ayant des liens avec un organisme de bienfaisance?

Michelle, vous avez dit avoir 160 000 organismes de bienfaisance et 60 milliards de dollars d'opérations. Avec quelle rapidité arrivez-vous à fermer ces organismes de bienfaisance quand vous y découvrez des irrégularités?

Mme Russell : C'est une bonne question. Notre régime ne fonctionne pas de la même façon que celui du Canada; nous sommes obligés d'inscrire un organisme de bienfaisance si celui-ci répond aux exigences légales du statut d'organisme de bienfaisance, et s'il a un revenu supérieur à 5 000 £.

Une fois un organisme de bienfaisance inscrit, il le demeure pour toujours. Nos pouvoirs à titre d'organe de réglementation visent à repérer l'utilisation abusive et à éliminer cette utilisation abusive de l'organisme de bienfaisance — s'il s'agit d'une personne — ou à agir pour protéger l'argent en gelant le compte bancaire. Nous avons le pouvoir de faire cela, autrement dit, protéger l'utilisation future des fonds de l'organisme de bienfaisance.

Ce n'est pas un système de permis selon lequel, comme dans le cas d'un système fiscal, on peut retirer le permis et, par conséquent, il y a un « contre-avantage » financier. Une fois qu'un organisme a acquis le statut d'organisme de bienfaisance, il le conserve pour toujours.

Nous avions donc très peu de pouvoirs jusqu'à récemment, à une exception près, que je vous explique maintenant : nous ne pouvions rayer un organisme de bienfaisance du registre. Nous pouvons rayer un organisme de bienfaisance du registre s'il cesse ses activités ou n'existe plus, mais ce n'est que récemment que nous avons demandé, au titre de la loi mentionnée par votre président, le pouvoir limité d'ordonner aux administrateurs de l'organisme de bienfaisance de mettre fin aux activités de l'organisme. Les circonstances dans lesquelles nous faisons cela sont quand l'utilisation abusive est si grave qu'il y a eu conduite inappropriée ou mauvaise gestion dans l'administration de cet organisme de bienfaisance et que, de fait, les choses sont irréversibles et sa survie n'est plus dans l'intérêt du public. Nous avons maintenant, pour la première fois, le pouvoir limité de délivrer une telle ordonnance grâce à cette loi.

Le sénateur Meredith : Expliquez-nous le processus sur le plan temporel, partant du moment où vous prenez connaissance de l'utilisation abusive au sein de l'organisme de bienfaisance jusqu'au gel de ses actifs et à la réattribution ailleurs de ces actifs. Avec quelle rapidité faites-vous tout cela? Pouvez-vous nous l'expliquer? Est-ce sur une période de 3 mois, de 6 mois, de 12 mois? Pouvez-vous nous en dire davantage?

Et les étapes qui sont...

M. Hopkins : Cela dépend vraiment des circonstances du cas.

Je vous renvoie, si je peux, à l'affaire Adeel Ul-Haq, dont nous vous avons communiqué une copie du rapport, qui est public. Il y a eu collaboration avec la police à cet égard. Peu après avoir été informés par nos collègues de la police, nous avons pu geler le compte bancaire de cette personne, empêchant ainsi tout transfert de fonds subséquent à partir de ce compte sans notre consentement ni autorisation préalables. Ensuite, de concert avec la police, nous étions particulièrement conscients du fait que, bien que les fonds étaient des dons de charité, et à cette fin, il y avait quand même la possibilité, compte tenu de la gravité du délit pour lequel cette personne avait fait l'objet d'une enquête puis subséquemment avait été accusée et déclarée coupable, nous devions veiller à ne pas libérer des fonds pouvant être le fruit d'un financement d'activités terroristes.

Il y a donc certains obstacles logiques à surmonter à cet égard, et cela peut prendre un certain temps. Aussi, s'il y a des poursuites pénales en cours, on peut devoir attendre leur conclusion avant de pouvoir allouer les montants de fonds définitifs qui sont disponibles, comme cela a été le cas lors de l'enquête dont nous avons parlé au comité.

Donc, cela dépend vraiment des circonstances, mais nous sommes très conscients du fait que nous pouvons agir rapidement et réagir aux situations au fur et à mesure qu'elles se présentent. Cependant, c'est dans un très grand esprit de collaboration et en sachant que dans toute mesure que nous prenons en vue de protéger et de préserver les biens d'un organisme de bienfaisance, nous ne voulons pas compromettre par inadvertance une enquête judiciaire et d'éventuelles poursuites.

Revenant à votre question sur les condamnations, j'ai mentionné les trois se rapportant à des personnes se faisant passer pour des percepteurs recueillant des fonds pour des organismes de bienfaisance ou au nom d'un organisme de bienfaisance. Le cas le plus notoire probablement concernant un organisme de bienfaisance lié au terrorisme est le cas de l'organisme de bienfaisance appelé Iqra, qui remonte à 2005. Je peux vous envoyer une copie du rapport, si cela peut être utile.

Deux des administrateurs de cet organisme de bienfaisance étaient des auteurs des attentats à la bombe dont le métro londonien a été la cible en juillet 2005. Bien qu'il n'y ait aucune preuve que l'organisme de bienfaisance lui-même avait participé au financement de ces attentats — de nombreux indices établissant que ces personnes étaient autofinancées —, on s'inquiétait à savoir si les locaux de l'organisme de bienfaisance avaient été utilisés pour la planification de ces attentats, étant donné qu'ils étaient l'un des quelques points de rencontre utilisés par ces personnes. Un certain nombre d'autres personnes liées à cet organisme de bienfaisance ou qui y participaient d'une façon quelconque ont ensuite été déclarées coupables d'autres infractions liées au terrorisme, mais non pas liées au financement.

Par conséquent, c'est plus vaste, peut-être, sur le plan des abus qui pourraient être commis au sein d'organismes de bienfaisance, quand cela tient la route.

Le sénateur Meredith : Madame Russell, avec votre pouvoir de surveillance et d'application de la loi, comment surveillez-vous l'extrémisme lié aux organismes de bienfaisance? Êtes-vous en mesure de surveiller les écoles et les organismes religieux pour voir leurs activités et vous assurer qu'ils ne détournent pas des fonds pour financer des organismes terroristes, et ainsi de suite? Comment surveillez-vous cela? Pouvez-vous nous le dire?

Mme Russell : Je ferai de mon mieux, sans toutefois compromettre certains de nos modes de fonctionnement.

Le sénateur Meredith : Ne nous révélez pas vos plus grands secrets, mais quelques-uns simplement.

Mme Russell : Nous surveillons et supervisons de plusieurs façons les organismes de bienfaisance. Un des domaines que nous avons essayé d'expliquer et pour lesquels nous tentons d'avoir des discussions avec les intervenants dans notre secteur, c'est la détermination des risques qui pourraient découler de leurs activités. Certains de ces risques sont très évidents : s'ils envoient de l'argent à l'étranger dans des zones de conflit où des groupes terroristes sont actifs, il est évident que les risques pour ces organismes de bienfaisance sont beaucoup plus élevés qu'ils ne le sont pour d'autres organismes de bienfaisance.

Sur le plan de l'extrémisme — et je crois que c'est là où les choses ont avancé peut-être au cours des trois à cinq dernières années —, nous avons vu l'utilisation des ressources d'organismes de bienfaisance, et notamment l'emploi de leur nom, quand ils tiennent un événement et un conférencier est invité dans les locaux de l'organisme, ou, avec l'explosion des médias sociaux, des sites de blogue, des sites web et des bavardoirs, lorsque des gens utilisent les organismes de bienfaisance et leurs installations. L'extrémisme peut ne pas provenir de l'organisme de bienfaisance lui- même; il peut s'agir d'un donateur, d'un promoteur ou d'un membre du public l'utilisant à ses fins.

Il est très difficile de surveiller et de superviser toutes ces activités. Ce n'est pas forcément notre rôle en tant qu'organe de réglementation des organismes de bienfaisance, mais nous avons tenté de décrire où sont ces risques et d'avoir un débat et un dialogue avec le secteur des organismes de bienfaisance au sujet de la prévention. Deuxièmement, nous avons créé un système de déclaration des incidents graves selon lequel nous avons attribué la responsabilité aux organismes de bienfaisance eux-mêmes. Quand ils découvrent que leur nom ou leurs ressources ont peut-être fait l'objet d'une utilisation abusive, il leur incombe de nous le dire rapidement, puis nous pouvons collaborer avec eux pour arrêter cela et le gérer. Ce système de déclaration des incidents graves est de plus en plus utilisé, et il fonctionne bien. On peut penser instinctivement que les organismes de bienfaisance ne signaleraient rien, mais nous recevons des rapports d'organismes de bienfaisance nous demandant de les aider à gérer certains de ces risques.

Nous effectuons aussi quelques visites d'inspection, là encore quand nous prenons connaissance d'aspects préoccupants, quand c'est une chose que nous ciblons ou encore si des préoccupations sont soulevées dans les médias au sujet d'une activité ou d'un événement particulier ayant été mené par un organisme de bienfaisance ou en son nom et au sujet duquel des activités extrémistes sont alléguées, nous pouvons procéder à une inspection sur les lieux pour parler avec cet organisme de ses politiques et procédures et de la façon dont il procède au contrôle diligent de ses conférenciers en fonction de sa politique. D'un autre côté, cela déborde dans le domaine dont j'ai parlé, la sensibilisation. Nous avons des rencontres individuelles et des dialogues avec les organismes de bienfaisance d'une façon plus holistique.

Tim, avez-vous autre chose à signaler sur le plan de la surveillance?

M. Hopkins : Il y a un autre rapport public qui porte sur le sujet dont Michelle a parlé, l'utilisation des bavardoirs et le manque de contrôle qu'a un organisme de bienfaisance sur la participation d'une personne désignée. Je peux vous en envoyer copie.

Dans certains cas, par le fait même de notre interaction avec un organisme de bienfaisance, nous sommes en mesure de voir que les messages insultants sont retirés après quelque temps ou retirés du site web d'un organisme de bienfaisance ou d'un média social. Dans certains cas, une fois que nous avons mentionné aux administrateurs nos préoccupations au sujet de conférenciers invités, les organismes de bienfaisance décident de ne pas les inviter ou, même, d'annuler un événement après que nous ayons soulevé des préoccupations à son sujet.

Il faut tenir compte du seuil criminel au Royaume-Uni en ce qui concerne les incitations à la haine raciale ou religieuse, mais les organismes de bienfaisance doivent répondre à des exigences plus rigoureuses pour s'assurer de fonctionner selon leur cadre juridique et réglementaire, et c'est à ce niveau que nous pouvons intervenir quand les choses sont en-deçà de ce seuil criminel.

Le sénateur Meredith : Vous avez tous deux mentionné les conférenciers et l'incitation, et il y a quelques années, j'ai participé dans ma province à une situation concernant l'autorisation d'une personne d'entrer dans notre pays. Nous avons conseillé à notre agence frontalière de ne pas permettre à cette personne d'entrer parce qu'elle incitait à la haine.

Un des aspects cruciaux, c'est la façon dont on collabore avec l'immigration pour s'assurer que l'accès est interdit à ces personnes, et s'il y a une résistance opposée à cette collaboration. Comment surmontez-vous cela? Je vous vois sourire, madame Russell; il y a donc probablement des défis auxquels vous êtes confrontés, et j'aimerais beaucoup entendre vos commentaires.

Mme Russell : Nos principes sont semblables dans la façon dont nous collaborons avec nos organismes d'application de la loi, avec la police, en ayant des points de contact uniques de sorte que nous puissions, quand nous avons des préoccupations, parler aux bons interlocuteurs dans les différentes agences. Il est important de s'assurer que les bonnes parties de l'organisation ou des ministères soient reliées et puissent simplement communiquer par téléphone quand une préoccupation est soulevée. Par conséquent, les protocoles et la passerelle législative sont très semblables.

Et tout cela s'inscrit dans le contexte fondamental selon lequel le Royaume-Uni, en tant que pays, embrasse les principes de la liberté d'expression et de la démocratie. Nos autorités frontalières, d'immigration et autres qui traitent de la façon dont cela influe sur la décision d'accorder ou non à des personnes la permission d'entrer légalement au Royaume-Uni traitent de ces questions. Cela leur incombe principalement, et donc la décision à savoir si la personne est autorisée ou non à entrer dans le pays est prise par quelqu'un d'autre. La commission a pour rôle de traiter des conséquences de cela et de faire en sorte que les administrateurs d'organismes de bienfaisance sachent gérer les risques.

On est dans une zone très difficile quand quelqu'un ne commet pas une infraction, au criminel ou au civil, mais agit juste en-deçà de la ligne à ne pas dépasser. Comme Tim l'a dit, au Royaume-Uni, nous avons développé — à partir d'une réglementation des organismes de bienfaisance et sans adopter de nouvelles lois — les principes d'une loi régissant les organismes de bienfaisance, selon laquelle ces derniers agissent dans l'intérêt du public, et les questions de préjudice déterminent si l'organisme de bienfaisance a agi dans l'intérêt du public ou non, de même que les principes selon lesquels les administrateurs de l'organisme de bienfaisance ont agi dans l'intérêt de l'organisme de bienfaisance et n'ont pas pris de risques excessifs; tout cela signifie qu'il y a des règles régissant l'exigence d'un contrôle diligent de l'utilisation des fonds d'une ONG. C'est au niveau de ce contrôle diligent de la part des administrateurs d'un organisme de bienfaisance à l'endroit de ses partenaires que nous pouvons intervenir en tant qu'organe de réglementation, au moment où ces choses se produisent — quelle est la politique de votre conférencier? Quel contrôle diligent avez-vous effectué? —, même si la personne peut être autorisée dans le pays ou, de nos jours, comme nous le voyons avec les télécommunications, l'événement se produit parfois par Internet ou par téléphone. Il ne s'agit pas seulement d'une présence physique dans ce domaine.

Le président : J'aimerais vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de prendre le temps de nous parler aujourd'hui.

Je crois comprendre qu'en 2014, le National Audit Office du Royaume-Uni a produit un rapport précisant ce qui doit être fait à l'égard de la Charity Commission et de ses pouvoirs pour faire en sorte que cet organisme puisse traiter des questions comme le financement d'activités terroristes.

Pensez-vous que ce rapport particulier a été l'élan initial menant aux changements qui ont été mis en œuvre avec l'adoption de la loi ce printemps?

Mme Russell : Le rapport du National Audit Office était une inspection des activités de la commission dans leur ensemble, dont le présent domaine est une partie; le rapport lui-même n'a pas souligné nos travaux en ce qui concerne le terrorisme. De fait, le rapport de suivi a fait remarquer que la relation de la commission avec les organismes d'application de la loi est très forte et très bien développée. La deuxième partie de votre question concernait la possibilité que ce rapport ait mené aux changements dans la loi; il a peut-être fait accélérer un peu les choses.

De fait, nous avons demandé ces pouvoirs bien avant cela, et fait ressortir les problèmes que représentent les limites de nos ressources. Paradoxalement, le fait que ce rapport était public et que nous ayons attiré l'attention sur le fait que nos pouvoirs avaient des limites n'a fait qu'aider notre cause et produit l'intégration dans la loi de toute une gamme de pouvoirs que nous avions demandés, et pas seulement en ce qui concerne ce domaine.

M. Hopkins : Il y avait un écart entre la perspective du National Audit Office et celle du public en ce qui concerne les motifs pour lesquels la commission a été établie et ce qu'ils pensaient qu'elle pouvait faire. Il y avait un net écart entre les attentes qu'avaient les autres ministères, le National Audit Office et le public quant à ce que la commission pouvait faire avec ses pouvoirs existants. Une des raisons pour lesquelles cette loi a avancé avec un tel élan, c'était parce qu'elle tentait de combler ces écarts entre ce que nous pouvions faire alors et les attentes qu'avaient le public, le Parlement et d'autres intéressés.

Le président : Je crois que nous saisissons la portée et l'ampleur du très véritable problème auquel nous sommes confrontés ici, au Canada, tout comme essentiellement au Royaume-Uni, en Australie, aux États-Unis et dans d'autres pays.

Combien de directeurs, d'administrateurs ou d'employés ont été soupçonnés d'avoir des liens avec l'extrémisme ou le terrorisme au cours des cinq dernières années? Pouvez-vous nous donner un exemple de ce à quoi nous sommes confrontés ici? Je sais qu'en 2013-2014, il y a eu 234 échanges portant sur des questions de terrorisme et d'extrémisme, si j'ai bien compris. Donc, si l'on se fonde sur le nombre de communications et d'échanges connexes, qu'est-ce que cela représente maintenant, et pour l'avenir, en ce qui concerne ces organismes de bienfaisance et les administrateurs qui pourraient être impliqués? Donnez-nous une idée du nombre de personnes en cause.

Mme Russell : Il est difficile de le dire avec précision, mais si je vous donne peut-être quelques chiffres, vous aurez une idée du contexte. Il y a 164 000 organismes de bienfaisance inscrits, et probablement le double de cela en organismes non-inscrits ou régis par d'autres entités. Dans ces 164 000 organismes, environ un million de personnes sont des administrateurs, et probablement le même nombre d'employés travaillant dans le secteur de la bienfaisance; nous parlons donc d'un grand nombre de personnes.

En outre, bien sûr, en plus des administrateurs et des employés, il y a des millions de bénévoles qui peuvent consacrer leur temps et leurs ressources, ainsi que les donateurs. Dans une certaine mesure, donc, la majorité ou presque du public britannique est liée d'une façon ou d'une autre à un organisme de bienfaisance.

Quant à savoir combien sont considérés des extrémistes ou sont dans ce domaine, c'est très difficile de déterminer un nombre précis parce que la plupart des gens ont un lien avec un organisme de bienfaisance d'une façon ou d'une autre. Le problème, c'est de tenter de déterminer si ce lien est fortuit, ou si le crime a effectivement été commis à l'intérieur d'un organisme de bienfaisance ou s'il y a eu abus de son statut, ou si cela s'est produit en dehors de l'organisme, si j'ose m'exprimer ainsi.

M. Hopkins : Pour ce qui est des nombres comme tel, Michelle a parlé plus tôt de notre passerelle législative par laquelle nous pouvons communiquer des renseignements à d'autres et en recevoir d'eux. Nous ne pouvons vous donner une ventilation des nombres, mais il ne faudrait pas que le comité retire l'impression que les nombres représentent des organismes de bienfaisance individuels ou des administrateurs dans chaque cas. Dans certains cas, nous communiquons par écrit et avons des échanges avec d'autres organismes partenaires au sujet d'une ou deux personnes, ou d'un petit nombre d'organismes de bienfaisance dans le cadre d'une affaire en cours.

Revenant à l'enquête dont j'ai parlé, l'affaire Adeel Ul-Haq, il y a eu manifestement un certain nombre d'échanges entre la police et la commission, et ils font partie des échanges que nous avons eus. Chaque fois que nous avons échangé des renseignements avec une autre autorité publique ou reçu des renseignements d'elle, cela a été fait selon la passerelle législative mentionnée plus tôt.

Le président : Ce que vous décrivez est très semblable à ce que nous avons ici. Nous avons un grand nombre de bénévoles œuvrant dans les organismes de bienfaisance d'un bout à l'autre du pays.

Ce que nous tentons de faire, c'est de déterminer l'ampleur du problème en ce qui concerne le financement d'activités terroristes. Je trouve intéressant que dans certains cas on puisse accuser d'abus des organismes de bienfaisance quand ils sont frauduleux ou autres, mais qu'il semble y avoir une hésitation à déclarer publiquement que ces personnes sont impliquées dans le financement d'activités terroristes, ou ont des liens avec le terrorisme. Je ne comprends pas pourquoi ce n'est pas clairement déclaré au public pour que les personnes sachent, quand elles font des dons, que ces organismes exercent ce type d'influence. Que pensez-vous de cela?

Mme Russell : Je pourrais peut-être vous donner un peu de contexte. Comme le financement d'activités terroristes est un crime, le seuil est plutôt élevé; il faut donc au Royaume-Uni prouver hors de tout doute raisonnable que le crime a été commis. C'est la norme juridique du système judiciaire en général au Royaume-Uni.

Comme Tim l'a mentionné au début, il est quelquefois plus facile de prouver que de l'argent a disparu ou a été détourné, et peut-être frauduleusement. Il est bien plus difficile de prouver selon cette norme que l'argent est allé à al- Shabaab ou à Daech ou à un autre groupe proscrit. Loin de moi l'intention de mettre les mots dans la bouche des organismes d'application de la loi, mais il est quelquefois plus facile de porter une accusation de fraude et d'obtenir une condamnation que de porter une accusation de financement d'activités terroristes avec les preuves dont ils disposent.

Il est vrai je crois — et nous avons fait un certain travail dans le cadre du programme des Nations Unies il y a un ou deux ans, parlant à différents pays et différents organismes d'application de la loi au sujet de leurs démarches — qu'obtenir une condamnation pour financement d'acte de terrorisme est clairement l'objectif optimal. Cependant, si on ne peut obtenir cela, obtenir alors une condamnation pour fraude ou détournement confirmé reste valable face à un événement perturbateur. Il est très difficile de prouver que l'objectif ultime ou la zone ultime est quelqu'un dans un groupe prescrit, et en-dessous de tout cela, il y a aussi le régime de gel des actifs mené par les Nations Unies. Mais il y a aussi les régimes nationaux de gel des actifs selon lesquels on publie des listes des personnes et des organismes dont les actifs ont été gelés en raison de soupçons de financement d'acte de terrorisme.

Nous avons été ouverts et sommes heureux de dire que les listes des personnes qui se trouvent citées dans la liste des sanctions de l'ONU sont intégrées dans nos systèmes d'organe de réglementation civil. Si le nom d'une personne correspond à un des noms figurant dans les listes publiques que tient l'ONU, c'est un indice pour nous si l'organisme de bienfaisance est inscrit et nous pouvons donc repérer cela au point d'entrée; aussi, bien sûr, comme les administrateurs d'organismes de bienfaisance changent, nous pouvons aussi repérer cela tout de suite.

Nous avons eu quelques correspondances il y a quelques années quand nous avons repéré sur ces listes des personnes qui étaient administrateurs d'organisme de bienfaisance, et nous avons pris les mesures pertinentes. C'est pour cela aussi que nous avons prévu dans notre loi que si des gens ont été jugés coupables de financement d'activités terroristes, cela les rend automatiquement inadmissibles, au titre de la loi britannique, à être un administrateur d'organisme de bienfaisance. Nous avons aussi une disposition discrétionnaire selon laquelle si une personne est déclarée coupable d'un délit à l'étranger, au Canada disons, nous aurions le pouvoir discrétionnaire de la disqualifier s'il advenait qu'elle participe à un organisme de bienfaisance ici.

Le sénateur Meredith : Merci. Sur le même sujet, madame Russell et monsieur Hopkins, en ce qui concerne l'extrémisme, le terrorisme et les ressources, cela est-il en tête de votre liste? Quelles ressources ont été mises en place pour vous permettre de faire le travail et veiller à ce que ces groupes ne soient pas financés? Pouvez-vous me parler de cela? Y a-t-il d'autres poursuites en cours en ce qui concerne les groupes que vous visez effectivement?

Mme Russell : Je vais peut-être traiter des ressources et laisser à Tim le soin de parler des domaines dans lesquels nous œuvrons ou nous nous attendons à œuvrer.

La commission a en général des ressources modestes. Nous avons un budget de 21 millions de livres sterling, qui finance la Charity Commission composée d'environ 300 personnes en tout. Cela porte sur les fonctions d'inscription, de conseils, de soutien et d'orientation, ainsi que sur le côté enquêtes. Je crois que si vous demandez à quelqu'un s'il dispose de suffisamment de ressources, la réponse sera toujours que davantage de ressources lui permettraient d'être plus efficace.

Je crois qu'une des choses que nous devons équilibrer du point de vue organisationnel, c'est le risque par rapport au terrorisme extrémiste. Son impact est élevé, et vous savez vous-même qu'il suffit de très peu d'argent pour perpétrer un attentat. Par conséquent, dans le cas du financement d'activités terroristes, l'argent en cause est assez modeste, mais l'impact est immense et le nombre de cas est relativement petit par rapport à la taille du secteur que nous couvrons.

Ceci étant dit, nous devons aussi veiller à consacrer suffisamment de temps et de ressources aux domaines de la fraude et de l'exploitation financière d'organismes de bienfaisance et de la sauvegarde; c'est donc toujours une question d'équilibre. Mais comme je l'ai dit, nous pouvons toujours bénéficier de plus de ressources. Si je peux me permettre d'être très franche et directe, je dois vous dire que nous sommes plutôt jaloux des ressources dont nos homologues disposent au Canada. Comparativement, ils ont plus de ressources que nous. Il se peut que cela ne suffise quand même pas. Je n'en dirai pas plus.

M. Hopkins : Quant au nombre d'affaires, malheureusement, sans vouloir être critique délibérément, je dirais qu'il est prématuré de donner un nombre. Il va s'en dire toutefois qu'il y a un certain nombre d'enquêtes en cours touchant des personnes ayant des liens avec des organismes de bienfaisance ou portant sur des soupçons d'abus d'organismes de bienfaisance. Je serai ravi, quand cela sera possible, de vous donner de plus amples renseignements, dans des communications écrites, concernant ces affaires une fois que nous pouvons confirmer la condamnation, le cas échéant, ou quand la commission elle-même sera en mesure de révéler publiquement sa participation dans ces affaires.

La sénatrice Lankin : Vous m'excuserez si vous avez déjà parlé de cela; je suis arrivée un peu en retard. Vous avez mentionné, en dehors du secteur des organismes de bienfaisance, le secteur plus large des ONG sans but lucratif. Je me demande si vous avez des observations concernant les activités de financement d'activités terroristes qui pourraient se dérouler ailleurs que dans le secteur des organismes de bienfaisance. Les ONG ont essentiellement les mêmes caractéristiques avec des administrateurs et des bénévoles, ainsi que des dons, bien qu'il puisse ne pas y avoir des reçus fiscaux. Bien que vous œuvriez davantage dans le secteur des organismes de bienfaisance, que savez-vous au sujet de ce qui se passe dans le secteur des organismes sans but lucratif?

Mme Russell : Avant que nous n'entrions dans le sujet du financement d'activités terroristes, et de l'extrémisme, les organismes de bienfaisance sont organisés en fonction d'un cadre très proportionné; donc, cela s'équilibre entre les organismes. La vaste majorité fonctionne avec très peu de moyens et sont très petits, avec des bénévoles. Au Royaume- Uni, un administrateur ne reçoit aucune rémunération, et il y a toujours un équilibre entre la quantité imposée de réglementation, de supervision et de bureaucratie, par opposition à l'importance de veiller à ce que quelqu'un soit là pour protéger la situation s'il y a abus de la confiance que les gens ont envers les organismes de bienfaisance. Il y a toujours cette tension. Cela signifie que le cadre de compétence, surtout dans le secteur des organismes de bienfaisance, comprend ce facteur de surveillance supplémentaire. En dehors des organismes de bienfaisance inscrits, il y a les autres organismes de bienfaisance qui ne sont pas inscrits chez nous parce qu'ils sont principalement réglementés par un autre organe. Par exemple, nos écoles et universités. C'est un autre organe de réglementation qui couvre les universités, et il a les mêmes régimes de rapport des incidents graves. Les associations d'étudiants sont des organismes de bienfaisance inscrits au Royaume-Uni, alors que les universités sont des organismes de bienfaisance exemptés en Angleterre et sont réglementés à l'heure actuelle par le HEFCE. Mais vous pouvez imaginer les problèmes au niveau des conférenciers sur campus tant dans notre secteur que dans le secteur universitaire aussi.

L'autre gros secteur serait celui des écoles. Ce ne sont pas toutes les écoles qui sont considérées des organismes de bienfaisance ou qui doivent être inscrites chez nous. Là encore, surtout d'après ce que nous avons vu et en particulier au niveau de l'extrémisme qui, fondamentalement, si on regarde les choses de près, quand cela touche les jeunes, c'est une question de sauvegarde; vous pouvez imaginer alors que nos collègues dans le secteur de l'éducation sont très axés sur la protection. Je suis sûre que vous avez vu le cas, il y a quelques années, de quelques jeunes écolières de Londres ont décidé d'aller en Syrie; tout cet aspect de sauvegarde transcende tous les secteurs. Mais c'est très proportionné, c'est fondé sur les risques.

Même dans notre secteur, les risques ne sont pas uniformes; ce ne sont donc pas tous les 164 000 organismes de bienfaisance qui sont exposés au risque de financement d'activités terroristes ou d'extrémisme. Je ne sais pas dans quelle mesure vous êtes au courant des travaux du Groupe d'action financière, surtout la recommandation 8, qui est la recommandation voulant que nos gouvernements et les États membres doivent protéger leurs organismes de bienfaisance et leurs organismes sans but lucratif de l'utilisation abusive; cependant, il s'agit essentiellement de déterminer les paliers et de cibler les endroits à risque, plutôt que d'adopter une démarche uniforme applicable au secteur tout entier.

Le président : J'aimerais simplement donner suite, si vous me le permettez, parce que nous essayons d'avoir une idée de ce qui nous attend et de l'avenir. Tout d'abord, les changements législatifs qui ont été apportés ce printemps conféreront-ils à votre organisme suffisamment d'autorité pour qu'il puisse réagir au problème de l'extrémisme et du financement d'activités terroristes quand cela a été repéré? Avez-vous maintenant les outils vous permettant de prendre les mesures nécessaires pour intervenir et mettre fin à cela?

Mme Russell : On peut dire que certains des pouvoirs que nous avions étaient déjà d'une importance cruciale pour notre travail dans ce domaine, comme on peut le voir par le rapport de l'enquête sur Adeel Ul-Haq, au cours de laquelle nous avons pris quelques mesures de protection et appliqué ces pouvoirs.

Comme l'a dit Tim, les nouveaux pouvoirs que nous avons obtenus ont contribué à combler l'écart là où peut-être il n'est pas indiqué d'utiliser certains des pouvoirs les plus interventionnistes, mais plutôt d'appliquer, par exemple, le pouvoir d'avertissement quand des administrateurs ont peut-être relâché leur vigilance. Nous essayons de faire la distinction entre l'utilisation abusive délibérée et la situation où les administrateurs sont négligents ou insouciants, et exposent l'organisme au risque que quelqu'un d'autre puisse profiter d'une erreur honnête, et ces pouvoirs nous permettent d'agir d'une façon un peu plus adaptée, avec plus d'options et de nuances, face aux différents types d'utilisation abusive. Je mentionnerai aussi que certains de nos anciens pouvoirs ont traditionnellement réussi à traiter la question du financement. Il s'agissait de protéger l'argent et d'examiner les opérations. Certains des pouvoirs les plus généraux que nous avons maintenant, pas seulement dans ce territoire, mais au sujet de la sauvegarde, de l'exploitation financière et des infractions fiscales, nous offrent un plus grand arsenal avec lequel agir en fonction de nouvelles circonstances et des nouveaux types d'abus que nous pourrons voir. C'est là, je crois, l'aspect essentiel : l'abus lui-même n'est pas statique. Les personnes qui veulent profiter d'un organisme de bienfaisance trouvent des moyens de plus en plus perfectionnés et complexes, et il est important que nous puissions, en notre qualité d'organe de réglementation, suivre les tendances.

Avec la nouvelle loi, un des aspects les plus importants est la capacité d'empêcher quelqu'un qui a été déclaré coupable de financement d'activités terroristes d'assumer le rôle d'administrateur d'un organisme de bienfaisance. Cela est crucial. Cela vaut aussi si ces personnes ont été visées par un gel d'actif. Les nouveaux pouvoirs portent aussi sur les situations où le comportement de la personne n'est pas forcément relié à l'organisme de bienfaisance lui-même, mais plutôt à sa vie personnelle, et cela influe sur sa capacité d'être administrateur d'un organisme de bienfaisance; avec ce pouvoir, nous pourrons, s'il y va de l'intérêt du public et si le comportement de la personne signifie qu'elle ne convient pas, protéger les organismes de bienfaisance en veillant à ce que cette personne ne puisse même pas s'approcher d'un organisme de bienfaisance.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse autant à Mme Russell qu'à M. Hopkins. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le tribunal d'appel qu'on appelle en anglais le First-tier Tribunal comme membre de la commission? Comment cette entité a-t-elle été accueillie, en général, par le public?

[Traduction]

M. Hopkins : La Charities Act 2006 a créé le Charity Tribunal en réaction, en partie, à des préoccupations soulevées par le secteur lui-même concernant la difficulté de contester les décisions juridiques de la commission.

Ce tribunal est un cadre selon lequel certains pouvoirs que la commission peut exercer sont accompagnés soit du droit d'appel, soit de la capacité de demander un examen de la décision de la commission. C'est censé être un processus plus rapide et plus rentable selon lequel les organismes de bienfaisance ou les administrateurs individuels peuvent effectivement s'opposer à la commission et à ses décisions, à l'encontre du processus antérieur.

En ce qui concerne l'opinion du secteur et la façon dont cela fonctionne, je ne vois pas ce que je peux dire de plus sauf que c'était un élément de la Charities Act 2006 qui a été bien accueilli. Les administrateurs individuels l'utilisent pour eux-mêmes ou au nom des organismes de bienfaisance s'ils estiment que la commission a commis une erreur dans une décision et s'ils ont l'intention d'interjeter appel. Certains appels ont été réglés en notre faveur, et d'autres non.

Mme Russell : J'ajouterais simplement que le secteur lui-même accorde une grande importance au rôle du Charity Tribunal.

Nous aurions peut-être dû préciser clairement que si nous exerçons n'importe lequel de nos pouvoirs, y compris celui d'ordonner une protection temporaire, par exemple, afin de suspendre les pouvoirs d'un administrateur ou de geler un compte bancaire, c'est parce que nous devons le faire. Même si nous avons le pouvoir de le faire sans préavis, nous devons quand même présenter nos preuves aux personnes visées dans un énoncé des motifs. Nous ne pouvons utiliser de renseignements ou d'informations venant des services policiers qui ne répondraient pas au critère juridique que nous, en notre qualité d'organe de réglementation civil, devons respecter, c'est-à-dire l'équilibre du pouvoir.

Par conséquent, si nous devons utiliser nos pouvoirs de cette façon, nous devons être capables de présenter ces pièces à l'appui. Ensuite, ce sont ces pièces et les décisions prises qui peuvent faire l'objet d'un appel, par le truchement de nos processus internes d'abord puis, simultanément, devant le tribunal d'appel.

Nous devons aussi préciser que, même s'il n'y avait pas le tribunal, il y a le principe du contrôle judiciaire, c'est-à- dire que toute décision d'une autorité publique peut être contestée en cour. Il y a un système de filtrage, et même en l'absence d'un pouvoir ou d'une disposition précise permettant de saisir le tribunal d'une chose, le contrôle judiciaire est une autre option que certains organismes de bienfaisance ont déjà utilisée contre la commission.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Au Canada, la réglementation sur l'usage des fonds par les organismes caritatifs, entre autres lors des campagnes électorales, diffère sans doute de celle du Royaume-Uni. Des enquêtes ont-elles déjà été effectuées? Et enfin, des accusations ont-elles déjà été portées?

[Traduction]

Mme Russell : Le contexte est plutôt compliqué. J'expliquerai simplement le principe général du point de vue d'une loi régissant les organismes de bienfaisance. Ceux-ci sont autorisés à faire campagne dans la poursuite de leurs objectifs caritatifs, mais tout organisme qui a pour objet principal un but politique ne peut légalement être un organisme de bienfaisance. Il y a donc ce cadre, pour commencer, qui est un filtre de droit fondamental.

Les mesures législatives en matière de lobbying comportent quelques dispositions supplémentaires exigeant des organismes de bienfaisance qui ont certaines activités — principalement en raison des activités et non pas parce qu'ils sont des organismes de bienfaisance — qu'ils s'inscrivent. Cela a été matière à controverse dans une certaine mesure dans le secteur ici au Royaume-Uni. Mais pour nous, en notre qualité d'organe de réglementation, parce que nous sommes un ministère indépendant — oui, nous sommes un ministère, mais nous sommes indépendants — nous n'avons pas réclamé ni parrainé ces exigences supplémentaires pour les organismes de bienfaisance. Selon notre mandat de réglementation, nous devons déterminer si les organismes de bienfaisance mènent des activités contrevenant en quelque sorte aux dispositions fondamentales de la loi régissant les organismes de bienfaisance, qui n'ont pas changé depuis plusieurs années et sont bien établies dans la jurisprudence de la loi régissant les organismes de bienfaisance.

M. Hopkins : J'ajouterai une autre chose. Par le passé, il y a eu des cas... Comme Michelle l'a dit, un organisme de bienfaisance ne peut exister s'il a un but politique, mais aussi il ne peut appuyer un politicien, un parti politique ni un candidat politique.

Il y a eu par le passé des situations où on a craint que des ressources financières étaient fournies à un parti politique sous la forme d'un don que l'organisme de bienfaisance avait fait par erreur. Nous avons pris des mesures pour veiller à ce que ces fonds soient remboursés et, au besoin, que des mesures soient prises à l'endroit des administrateurs individuels en cause.

Le président : Pour terminer avec la question du sénateur Dagenais, je crois comprendre que 17 dossiers environ ont été ouverts l'an dernier. Cela signifie-t-il que 17 affaires sont présentement en cours, ou des décisions définitives ont- elles été prises relativement aux accusations particulières qui ont été portées?

M. Hopkins : Excusez-moi, vous voulez dire concernant des activités politiques?

Le président : Oui.

Mme Russell : Nous ne savons pas très bien de quel cas il s'agit. S'agit-il des cas concernant la commission électorale?

Le président : Peut-être. Je ne sais pas très bien comment votre système fonctionne. Tout ce que nous savons, c'est qu'il y a eu 57 plaintes concernant des organismes de bienfaisance qui ont participé de façon irrégulière au processus politique, et que 17 dossiers juridiques ont été établis. Après ça, je ne suis pas sûr. Vous pourriez peut-être nous l'expliquer.

M. Hopkins : Nous nous informerons et renverrons quelque chose au comité par écrit, si vous le permettez.

Le président : Bon, merci.

Le sénateur Meredith : J'ai une dernière question pour Mme Russell et M. Hopkins. En ce qui concerne l'application de la loi et les menaces éventuelles que des groupes extrémistes pourraient représenter pour les administrateurs, y a-t-il des cas où vous avez dû offrir à ces administrateurs un soutien dans l'exécution de la fermeture de leur organisme de bienfaisance? Y a-t-il certains cas dont vous pouvez parler au comité?

Mme Russell : Oui. J'expliquerai peut-être quelque chose. J'ai parlé du système de déclaration des incidents graves. Au cours de la dernière année, nous avons eu 27 rapports d'organismes de bienfaisance qui avaient des préoccupations à ce sujet. Vous avez raison; quelquefois, les organismes de bienfaisance eux-mêmes ont de la difficulté à gérer cette situation et ils se tournent vers la commission pour de l'aide et du soutien.

Nous avons fait beaucoup d'orientation publique expliquant clairement les obligations au titre de la loi régissant les organismes de bienfaisance pour les administrateurs d'organismes de bienfaisance, et avons tenu une sorte de séance de questions et réponses sur la façon de gérer certains des risques. Parfois, il s'agit simplement de les appuyer et de les orienter de cette façon.

Dans certains cas, comme je l'ai mentionné au début, les locaux d'un organisme de bienfaisance ont été utilisés; quelqu'un loue les locaux de l'organisme et celui-ci se rend compte par la suite que c'était pour un événement particulier qui inquiète l'organisme. Dans ce genre de situation, nous travaillons avec les administrateurs de l'organisme de bienfaisance pour l'aider à formuler sa réaction, parce qu'il y a très souvent beaucoup d'attention de la part des médias. Il s'agit aussi de le conseiller quant à la façon d'agir par la suite.

Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose là-dessus, Tim. Nous avons eu certains cas portant sur ce genre de problème.

M. Hopkins : Si je comprends bien, une partie de votre question porte sur la sécurité personnelle des administrateurs eux-mêmes.

Le sénateur Meredith : Exact, oui, monsieur Hopkins.

M. Hopkins : Nous avons un registre public des organismes de bienfaisance dans lequel les personnes qui sont administratrices sont nommées, mais nous avons une fonction selon laquelle nous pouvons offrir une dispense. Si le conseil d'administration d'un organisme de bienfaisance ou certains de ses administrateurs craignent pour leur sécurité, nous pouvons nous abstenir de publier les renseignements concernant leur rôle au sein de l'organisme de bienfaisance, tout comme nous pouvons aussi ne pas publier l'adresse de leurs bureaux, et ainsi de suite. Un exemple classique de cela est celui des femmes victimes de violence conjugale. Nous pouvons donc leur offrir cet élément de sécurité.

Mme Russell : Nous pouvons rassurer les membres du public, les administrateurs ou les employés qui s'adressent à nous pour dénoncer ce qui se passe dans un organisme de bienfaisance. Nous garantissons l'anonymat. Nous leur disons que nous devons traiter la cause ou la plainte, et peut-être que les gens autour pourront deviner qui ils sont, mais que nous ne révélerons jamais l'identité de l'auteur de la plainte dans nos échanges avec l'organisme de bienfaisance. Nous étudions la question réglementaire et leur réponse. Nous leur offrons cette protection de confidentialité.

Il y a au Royaume-Uni un organisme de bienfaisance appelé Crimestoppers par lequel les gens peuvent fournir des renseignements pour la police et les organismes d'application de la loi concernant un soupçon de crime, et cet organisme offre une protection aux gens qui ont peur de s'avancer.

Le sénateur Meredith : Ma dernière question se rapporte aux 165 organismes de bienfaisance que la commission a publiquement inscrits dans une liste concernant leurs activités. Comment repérez-vous ceux qui sont liés à l'extrémisme ou au terrorisme?

Le président : Dans la base de données?

Le sénateur Meredith : Oui, c'est exact, les 165 000 qui sont dans votre base de données.

Mme Russell : Nous ne signalons pas directement qui présente des risques de financement de terrorisme ou d'extrémisme. Nous avons un registre public comportant une page pour chaque organisme de bienfaisance inscrit, dans laquelle sont affichés tous leurs renseignements personnels qu'ils publient et nous envoient, ainsi que les renseignements fondamentaux concernant l'identité de leurs administrateurs, leurs tâches, les activités qu'ils entreprennent et le lien à leur site web public. Il y a transparence des renseignements concernant chaque organisme de bienfaisance.

Par contre, dans les cas les plus graves, quand une enquête réglementaire est en cours, nous publions un rapport présentant nos constatations et nos conclusions, et nous publions ce rapport pendant deux ans dans notre registre à la page de l'organisme de bienfaisance, de sorte que le public donateur puisse prendre une décision éclairée.

Quelquefois, nos rapports d'enquête publics innocentent un organisme de bienfaisance, si cette enquête était menée en réaction à des préoccupations publiques. Il est tout aussi important d'établir clairement qu'il n'y a pas eu d'abus, tout comme dans le cas des rapports sur les situations où nous avons dû utiliser nos pouvoirs parce qu'il y avait eu mauvaise conduite ou mauvaise gestion dans l'administration de l'organisme de bienfaisance.

Nous signalons aussi quand nous utilisons notre pouvoir pour nommer un gestionnaire intérimaire, ce qui déplace effectivement tous les administrateurs de l'organisme de bienfaisance. Là encore, le public donateur peut voir que nous avons eu recours à notre pouvoir pour nommer un gestionnaire intérimaire; aussi, si son propre audit financier a révélé des comptes qualifiés soulevant des préoccupations, nous avons commencé à signaler cela dans le registre pour que le public puisse décider lui-même s'il souhaite continuer ou non à faire des dons.

M. Hopkins : Les comptes qualifiés ne se rapporteraient pas forcément à des préoccupations de terrorisme ou d'extrémisme; tout cela porte sur l'ensemble des activités du conseil en matière de gestion financière de la part des administrateurs d'un organisme de bienfaisance particulier, et précise s'il y avait eu des faiblesses et des préoccupations relevées au niveau de leurs obligations de rendre compte du revenu et des dépenses d'un organisme de bienfaisance particulier.

La sénatrice Lankin : Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de cas dans une année donnée, en moyenne, où vous utiliseriez vos pouvoirs et si cela serait pour intervenir en cas de fraude, pour radier un organisme ou pour mettre en place un gestionnaire intérimaire, le nombre de cas en général et quelle proportion de ceux-ci serait liée au financement du terrorisme par opposition, en général, au détournement de fonds, à la mauvaise gestion, à des activités politiques incorrectes ou à une gamme d'autres choses qui vous inciteraient à utiliser vos pouvoirs?

Mme Russell : Nous ne faisons pas une ventilation précise selon le type d'abus pour lequel nous avons utilisé nos pouvoirs, mais nous faisons preuve de transparence et publions tous les ans dans Tackling Abuse and Mismanagement, non seulement les leçons apprises, mais aussi les pouvoirs que nous avons utilisés. Nous utilisons nos pouvoirs d'application 1 500 fois environ chaque année. Un bon nombre de ces cas portent sur la demande de renseignements, c'est-à-dire délivrer une ordonnance pour forcer quelqu'un à remettre des documents ou exiger une présence pour témoigner ou se présenter et nous remettre des documents.

Un grand nombre porte sur la collecte de renseignements ou des demandes de renseignements, mais nous avons aussi quelques cas où nous mettons en place un gestionnaire intérimaire ou retirons des personnes de leur poste d'administrateur. Par exemple, nous avons exercé nos pouvoirs pour retirer environ 14 personnes de leur poste dans un organisme de bienfaisance à un moment donné. Je mentionnerais une des failles que nous avons comblées. En donnant un préavis de notre intention de retirer quelqu'un de ses fonctions d'administrateur, nous permettions à cette personne de démissionner avant que nous ne puissions utiliser notre pouvoir pour la retirer; ainsi, elle évitait la conséquence de se voir interdire d'occuper un poste d'administrateur à un autre organisme de bienfaisance. Nous avons maintenant comblé cette faille avec la nouvelle loi, et nous pouvons nous attendre à devoir utiliser certains de ces pouvoirs.

Je suis désolée de vous répondre évasivement pour le nombre de cas qui sont directement reliés au terrorisme et à l'extrémisme, mais comme je l'ai mentionné au début, c'est compliqué; on peut prouver que de l'argent a été envoyé, peut-être en Syrie ou près de Nairobi ou en Somalie, mais on ne peut pas prouver que cet argent est allé à al-Shabaab, à Daech ou au Hamas. Mais nous publions effectivement la façon dont nous utilisons nos pouvoirs dans l'ensemble.

M. Hopkins : Dans certains cas, nous pouvons utiliser plusieurs pouvoirs. Par exemple, les 1 500 ne représentent pas des cas individuels; ce pourrait être un bien plus petit nombre de cas, mais nous pourrions exercer nos pouvoirs à plusieurs reprises : suspendre des administrateurs de leurs fonctions, le retirer de leurs fonctions, geler des comptes bancaires et demander des renseignements.

Le président : C'est important pour la transparence. Quand vous utilisez ces pouvoirs et vous vous trouvez dans une situation où des personnes ont été impliquées dans des activités de financement de terrorisme ou d'extrémisme et vous décidez que vous allez les retirer de leur poste d'administrateur dans cet organisme de bienfaisance, est-ce que vous précisez clairement le motif, ou dites-vous simplement que vous avez retiré Untel et que vous avez exercé votre pouvoir? Quelle description utilisez-vous?

M. Hopkins : Je peux vous renvoyer simplement à l'affaire Adeel Ul-Haq, parce que celle-ci est accessible au public. Comme l'a dit Michelle, quand nous exerçons certains pouvoirs, nous devons fournir un énoncé des motifs aux personnes qui sont nommées dans les éléments de preuve sur lesquels nous nous fondons pour exercer ce pouvoir.

Au moment où nous avons retiré cet individu de ses fonctions, il n'avait pas été condamné, mais il avait été accusé de financement d'activités terroristes. Cela était cité dans l'énoncé des motifs que nous avons fourni. De plus, nous avons pu nous appuyer sur d'autres éléments de preuve encore, y compris l'incapacité de justifier les montants qui avaient été reçus, le mélange de fonds de charité avec des fonds personnels et d'autres exemples qui ont été ajoutés. Comme je l'ai dit, nous avons présenté un énoncé des motifs, mais nous avons décrit effectivement les motifs sur lesquels nous nous reposions pour exercer ce pouvoir, et pour certains pouvoirs, nous devons satisfaire à deux exigences, soit démontrer qu'il y a eu effectivement inconduite ou mauvaise administration d'un organisme de bienfaisance et qu'il y a danger pour les biens. Nous devons avoir les motifs et les preuves fondamentales pour satisfaire à ces deux exigences.

Le président : Je vois que, dans une certaine mesure, nous avons les mains liées.

Le sénateur Kenny : Vous voyez peut-être que le comité essaie très fort d'avoir une idée de l'ampleur du problème que représente le terrorisme. Nous comprenons, clairement, qu'il est très difficile de porter des accusations contre quelqu'un qui utilise un organisme de bienfaisance; il est beaucoup plus facile de trouver d'autres moyens qui reposent sur une mauvaise conduite, et nous rationalisons tout cela en nous disant que nous avons sorti ce type des rues et que c'est un pas dans la bonne voie. Vous avez mentionné 14 il y a un moment. Ce nombre correspond-il au nombre de terroristes que vous pensez qui auraient fait une utilisation ou une utilisation abusive du système de bienfaisance au Royaume-Uni?

Mme Russell : Je vous rappelle que nous avons un million d'administrateurs, 164 000 organismes de bienfaisance inscrits et d'autres encore, non inscrits. Il y a en réalité environ 100 cas tous les ans que nous pensons être suffisamment graves pour justifier notre intervention, sans dire forcément qu'il y a eu financement d'activités terroristes et que l'organisme de bienfaisance est responsable. Ces cas comprennent des situations où nous pensons que l'organisme de bienfaisance est exposé à un plus grand risque et des cas où l'organisme lui-même s'adresse à nous parce qu'il a besoin de notre aide et de notre intervention.

J'espère que cela vous donne une idée générale de la question. Là encore, je reviens sur le fait qu'il est très difficile d'estimer des nombres dans ce domaine particulier. L'impact d'un seul cas peut-être complètement catastrophique s'il mène à la planification d'un attentat et si un attentat est fait dans un pays en particulier, que ce soit ici ou à l'étranger, comparativement aux cas dont j'ai parlé plus tôt, c'est-à-dire que les organismes de bienfaisance sont vraiment ancrés dans la société et que nous nous appuyons sur eux et sur le secteur à but non lucratif pour faire bien des choses dans la société. Il est très probable que s'il y a une enquête policière ou des préoccupations concernant l'extrémisme ou le terrorisme, quelque part dans le cheminement, vous tomberez sur quelqu'un qui a un lien quelconque avec un organisme de bienfaisance.

Tout se joue donc dans l'équilibre de ces deux extrêmes, à mon avis. En dehors des cas individuels, nous travaillons beaucoup à la sensibilisation et à la prévention, parce que nous préférons de loin que les organismes de bienfaisance gèrent les risques et se protègent eux-mêmes de l'utilisation abusive de sorte que les extrémistes et ceux qui cherchent à faire un usage abusif des organismes de bienfaisance se trouvent, pour ainsi dire, en territoire hostile et abandonnent leurs plans.

En dehors de ces 100 cas, nous travaillons aussi beaucoup à collaborer avec les administrateurs d'organisme de bienfaisance et à les éduquer. Dans ce contexte, il est vraiment important que l'aspect de prévention et sensibilisation des activités de tous les organes de réglementation ne soit pas écarté, manifestement, par le besoin qu'ont ceux-ci d'utiliser leurs pouvoirs et de collaborer avec les organismes d'application de la loi dans les situations d'utilisation abusive.

Le sénateur Kenny : Vous n'êtes pas le seul intervenant dans les situations d'utilisation abusive des organismes de bienfaisance dans le pays. Qu'arrive-t-il quand votre autorité fiscale et la police agissent au niveau de quelque chose qui n'a pas vraiment commencé chez vous? Nous avons votre projection — et nous l'apprécions —, environ 100 cas par année. Combien y a-t-il d'autres cas liés aux organismes de bienfaisance pour lesquels vous n'intervenez pas directement?

Mme Russell : Je ne pense pas que nous puissions parler au nom de nos ministères collègues, mais nous pourrions demander ce renseignement si le comité le veut.

Je dirais, une fois de plus, que le financement d'activités terroristes relevant du criminel, le premier point de contact pour toute allégation, c'est la police et les organismes d'application de la loi.

Je peux dire en toute confiance que la plupart des organismes gouvernementaux clés ou des organes de réglementation ont tous une solide relation avec la police et les organismes d'application de la loi, surtout le groupe de l'Unité nationale de lutte contre le financement des activités terroristes, et la coopération interagences dans cette sphère se fait très bien. Parfois, il est question de déterminer quel organisme, si la police n'est pas l'administration qui prendra le dossier, est le mieux placé pour y travailler. Ce pourrait être les services frontaliers et d'immigration, pour revenir à ce que votre collègue a mentionné plus tôt, le ministère de l'Éducation ou, de fait, comme vous l'avez indiqué, l'administration fiscale qui prendra des mesures quelconques de perturbation à cet égard.

Les sanctions pénales sont l'outil ultime et, manifestement, nous voulons les utiliser quand nous pouvons les garantir, mais d'autres outils réglementaires et juridiques peuvent servir à des fins de perturbation et de dissuasion dans ce contexte.

Le sénateur Kenny : Vos gens du fisc, s'ils sont le moindrement comme les nôtres, s'inquiètent autant de la difficulté d'arriver à une déclaration de culpabilité de terrorisme, mais il y a de nombreuses autres étapes intermédiaires qu'ils peuvent utiliser dans l'espoir d'avoir le même résultat.

Est-ce le cas au Royaume-Uni?

Mme Russell : Oui. On utilise aussi les techniques de perturbation au Royaume-Uni, bien que notre système fiscal fonctionne de façon légèrement différente. En effet, le HMRC, l'autorité fiscale dont la spécialité est le contreterrorisme ou les questions de terrorisme en raison de la nature du système fiscal et des règlements que nous appliquons, est dotée d'une composante spécialisée qui traite des organismes de bienfaisance.

Le président : J'aimerais donner suite à cela, si vous le permettez. J'essaie, tout comme le sénateur Kenny, de saisir la portée des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans ce domaine particulier. Nous savons qu'il n'y a pas beaucoup d'organismes qui s'occupent de cela. D'après ce que nous avons vu et entendu, des organismes ont accès à des millions de dollars, par le truchement soit d'organismes de bienfaisance non gouvernementaux, soit d'organismes strictement non gouvernementaux, qu'ils utilisent pour financer cette activité.

Avez-vous une idée, générale ou précise, du point de vue de la Commission, du nombre de dollars acheminés par le truchement d'organismes de bienfaisance dont vous avez la responsabilité? Y a-t-il des chiffres précis ou des estimations pour les cinq dernières années?

Mme Russell : Pour le financement d'activités terroristes?

Le président : Oui.

Mme Russell : Non. Je ne pense pas qu'il y ait une estimation précise. Cela dépend de chaque cas individuel, et il y a aussi les difficultés que j'ai mentionnées plus tôt, certains de ces cas faisant partie des statistiques que les organismes d'application de la loi tiennent concernant d'autres crimes.

Je dirais simplement que sur le plan du risque, et selon l'endroit où sont ces risques, il y a environ 12 000 à 13 000 organismes de bienfaisance qui œuvrent à l'étranger. Des millions, voire des milliards, de livres quittent notre rivage à destination de l'étranger. Certains d'entre eux sont dans des régions où les risques de financement d'activités terroristes sont plus élevés — surtout, en ce moment, la Syrie. Là, bien sûr, il y a un immense besoin d'aide humanitaire et de secours, le désir d'acheminer des fonds dans ces régions et les zones environnantes où se trouvent des personnes déplacées, tout cela se conjuguant avec les risques dans la région.

Il est très difficile de déterminer les risques et de prouver qu'il y a effectivement eu financement d'activités terroristes. Je peux simplement vous dire de nouveau que dans certaines des affaires dont les tribunaux ont été saisis et qui ont donné lieu à des condamnations, les sommes en cause étaient relativement modestes.

Le président : J'aimerais passer à un ou deux autres domaines, puis nous conclurons.

Pouvez-vous nous parler un peu des mesures législatives appelées « obligation de prévenir » qui ont été adoptées en Angleterre? Comment celles-ci contribuent-elles au travail de votre comité?

Mme Russell : La loi sur l'obligation de prévenir a été adoptée, mais elle n'a rien à voir avec la loi régissant les organismes de bienfaisance. C'est une tout autre loi qui impose une obligation légale précise à certaines autorités œuvrant dans le secteur de la bienfaisance. Il y a eu une grande controverse, je dirais, au sujet de l'obligation de prévenir, mais du point de vue de la commission, certaines des choses que cette loi vise à accomplir sont déjà couvertes dans la loi régissant les organismes de bienfaisance. Les principes selon lesquels il faut agir dans l'intérêt de l'organisme de bienfaisance, gérer ces risques et procéder à un contrôle diligent des partenaires avec qui on travaille ou des conférenciers qu'on invite, se trouvent tous dans la loi régissant les organismes de bienfaisance.

Du point de vue de la commission, et en particulier dans le contexte universitaire, cela a généré bien du bruit et des préoccupations. Certains des organismes de bienfaisance et des associations d'étudiants seraient de toute manière tenus d'appliquer certaines des mesures au titre de la loi régissant les organismes de bienfaisance. Nous ne l'avons peut-être pas déjà dit, mais sur le plan des politiques, des procédures et des choses que les organismes de bienfaisance devraient faire, si ceux-ci se protègent contre l'exploitation financière en général et agissent avec prudence, ils devraient se protéger contre le financement d'activités terroristes et l'extrémisme. Il n'était donc pas nécessaire d'adopter des mesures législatives particulières pour les organismes de bienfaisance pour intensifier la protection contre le financement d'activités terroristes et l'extrémisme, parce que les principes fondamentaux de la loi régissant les organismes de bienfaisance s'appliquent déjà.

Le président : J'aimerais passer à autre chose, la différence entre votre système et le nôtre. Vous, en tant que commission, êtes indépendants et relevez directement du Parlement, alors que nous, dans notre système, nous avons un ministère qui relève d'un ministre et ce dernier relève du Parlement.

Trouvez-vous que, la commission étant indépendante, vous avez beaucoup plus de latitude pour exercer vos fonctions et faire en sorte que les dispositions de la loi soient appliquées, et vous pouvez prendre les décisions nécessaires quand vous devez le faire? C'est la première question, parce que c'est un domaine que nous pourrions examiner.

Deuxièmement, j'ai posé cette question parce que vous avez soulevé le sujet de l'extrémisme et du fait que votre organisme a la capacité d'établir les protocoles et les lignes directrices applicables aux organismes de bienfaisance comme les universités et les établissements, religieux ou autres. Vous avez un certain cadre moral selon lequel vous pouvez travailler, et vous pouvez intervenir ou du moins prêter assistance pour réorienter la situation si un point de vue extrémiste contraire à ce qui est acceptable dans la société est exprimé. Pouvez-vous nous donner quelques renseignements sur la façon dont vous fonctionnez et comment vous trouvez votre indépendance?

Mme Russell : Vous avez raison, d'une part parce que la commission a été créée à partir des tribunaux, le système judiciaire, et d'autre part en raison du pouvoir exécutif qui découle de cela et de la séparation dans le droit jurisprudentiel fondamental entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, les décisions que la commission prend sont quasi judiciaires. Bien qu'ils soient confirmés par une loi, les pouvoirs dont nous avons parlé sont quasi judiciaires, et donc, il y a une protection inscrite dans nos lois selon laquelle aucun ministre ne peut nous diriger ni nous contrôler, par exemple, en insistant que nous ouvrions un dossier sur un organisme de bienfaisance particulier ou que nous prenions des mesures exécutives dans le cas d'un autre organisme de bienfaisance. C'est pour nous une protection importante de nos pouvoirs, et nous ne sommes pas sujets à des pressions politiques quand nous exerçons des pouvoirs réglementaires sévères.

Le fait que nous n'ayons pas de ministre s'accompagne de quelques inconvénients. Nous sommes un ministère sans ministre et donc, pour notre orientation politique, il y a un ministère qui nous dirige, mais cela signifie, par exemple, que quand il s'agit de distribuer l'argent, nous n'avons pas forcément une voix directe à la table. Je dirais que c'est une protection importante. Notre secteur de bienfaisance y attache beaucoup de prix; il prend cette protection très au sérieux et veut l'assurance que nous sommes en mesure de faire notre travail sans ingérence politique.

J'aimerais préciser, cependant, que la loi régissant les organismes de bienfaisance ici n'est pas codifiée. Je sais qu'il y a quelques mesures législatives couvrant les principes de nos pouvoirs, mais les règles elles-mêmes applicables aux organismes de bienfaisance sont largement fondées sur la jurisprudence et l'obligation de représentants; comme elles sont consacrées dans la jurisprudence et l'obligation de représentants, les principes fondamentaux voulant qu'il faille agir dans l'intérêt de l'organisme de bienfaisance, gérer ses conflits d'intérêts, veiller à ne pas prendre des risques excessifs pour les biens de l'organisme de bienfaisance et, fondamentalement, fonctionner dans l'intérêt du public, signifie qu'il y a une certaine souplesse dans la façon dont ces règles sont appliquées aux organismes de bienfaisance individuels. Tout cela présente l'avantage que, dans le contexte ou l'environnement qui nous concerne maintenant, les règles permettant de gérer une telle situation sont applicables sans qu'il ne soit nécessaire de créer de nouvelles mesures législatives ou de nouveaux règlements; c'est un avantage.

Le revers de la médaille, par contre, c'est qu'il devient difficile pour nous, à titre d'organe de réglementation, de produire l'orientation qui s'applique à tous les types d'organismes de bienfaisance. Nous devons établir des principes de haut niveau, et les organismes de bienfaisance trouvent frustrant qu'il n'y ait pas une liste des contrôles très clairs sur ce qu'ils doivent faire parce que cela est fonction de leur revenu, des endroits où ils travaillent, de ce qu'ils font et de toutes ces choses.

J'espère vous avoir donné quelques renseignements au sujet des aspects de la question.

Le sénateur Meredith : Cette question se rapporte à vos pouvoirs conférés par les tribunaux. Nous avons présenté l'an dernier le projet de loi C-51 concernant la communication de l'information, selon lequel 16 ministères peuvent maintenant recevoir l'information.

Comment évaluez-vous cela en fonction des droits de la personne, ceux des contribuables et de la protection de renseignements personnels? Comment gérez-vous cela? Là encore, c'est un problème au sujet duquel un directeur d'organisme de bienfaisance et ce comité sénatorial ont mentionné le fait que c'est un dilemme. Comment gérons-nous la communication de l'information tout en respectant la confidentialité? J'aimerais beaucoup avoir votre point de vue là-dessus.

Mme Russell : C'est un principe important qui est consacré par les lois du Royaume-Uni également, et nous avons une loi appelée Data Protection Act et une loi sur la protection des renseignements personnels que nous devons respecter, en notre qualité d'autorité publique. Il y a quelques exceptions — pas des exceptions absolues —, surtout pour les organismes d'application de la loi, selon lesquelles ces derniers sont autorisés à intervenir et à échanger. Tous les renseignements que nous échangeons ne sont pas forcément des renseignements personnels. J'aimerais préciser cela.

Quand nous échangeons des renseignements au titre de notre passerelle législative, nous devons respecter les protections établies dans la Data Protection Act et la loi sur la protection des renseignements personnels. Cela signifie soit que la personne doit donner son consentement, soit qu'il y a une obligation légale pour nous de communiquer ces renseignements ou que nous le faisons au titre de nos pouvoirs législatifs quand il va de l'intérêt du public que nous communiquions cette information avec un autre organisme ou organe de réglementation de la façon prescrite.

Il y a un très grand nombre de facteurs de protection concernant la sécurité de cette information, ce qu'ils peuvent en faire, comment ils la gèrent et comment ils doivent la détruire. Cela pourrait certainement être la teneur d'une tout autre séance du comité, mais nous ne le ferons manifestement pas.

Le président : J'aimerais, au nom de mes collègues, remercier les témoins d'avoir passé tant de temps avec nous, surtout qu'il est bien plus tard dans leur coin du monde.

Merci encore de ce témoignage très instructif, et nous anticipons vivement recevoir les renseignements que vous vous êtes engagés à nous envoyer. Merci. J'aimerais maintenant autoriser nos témoins à se retirer.

Mme Russell : Merci.

Le président : Chers collègues, nous prendrons maintenant une pause de cinq minutes, puis nous nous retirerons à huis clos pour parler d'un certain nombre de points. Le premier est la visite à New York, et le deuxième porte sur la production du rapport final sur l'examen de la politique de défense qui nous a été confié.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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